PACTE DE RELANCE POUR LA VILLE
Adoption des conclusions modifiées
d'une commission mixte paritaire
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport n° 37
(1996-1997) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur
les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la mise en
oeuvre du pacte de relance pour la ville.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des conclusions
de la présente commission mixte paritaire constitue l'étape législative finale
pour le projet de loi relatif à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la
ville.
Permettez-moi, mes chers collègues, de vous rappeler les principales décisions
de cette commission mixte, qui s'est déroulée dans un climat particulièrement
constructif.
La commission mixte paritaire a retenu un nombre important d'articles dans le
texte issu des travaux du Sénat.
Ainsi, elle a adopté le texte du Sénat pour l'article 1er, relatif à la
définition même de la politique de la ville.
S'agissant de la définition des zones de redynamisation urbaine, figurant à
l'article 2, elle a tenu à préciser que les zones seraient déterminées en
fonction de leur « potentiel de développement économique » - nous y reviendrons
tout à l'heure en examinant un amendement du Gouvernement - ce qui devrait
permettre d'améliorer le jeu des critères objectifs définis par le texte, et
elle a prévu, pour la définition des zones franches urbaines, une prise en
compte des « éléments de nature à faciliter l'implantation d'entreprises ou le
développement d'activités économiques ».
Elle a également prévu que les députés et les sénateurs du département
intéressé seraient membres du comité d'orientation et de surveillance.
La commission mixte paritaire a adopté le texte du Sénat pour un certain
nombre d'articles : il en est ainsi de l'article 3, relatif à l'exonération de
la taxe professionnelle pour les entreprises existantes dans les zones de
redynamisation urbaine ; de l'article 4, relatif aux dispositions fiscales
applicables dans les zones franches urbaines ; de l'article 4
bis
B
nouveau, relatif à l'exonération de taxe sur le foncier bâti dans les zones
franches urbaines ; de l'article 4
bis
C nouveau, relatif à l'ouverture
d'une nouvelle période de délibération pour les collectivités territoriales et
leurs groupements ; de l'article 5, relatif à la possibilité d'imputer les
déficits fonciers résultant de travaux de réhabilitation effectués sur des
immeubles situés en zone franche urbaine ; de l'article 7, enfin, relatif au
régime de l'exonération de cotisations sociales applicables à l'emploi de
salariés dans les zones franches urbaines.
Dans le même esprit de coopération constructive que j'ai souligné, un
amendement conjoint des deux rapporteurs a été adopté à l'article 13, qui
prévoit le régime d'exonération des cotisations personnelles des commerçants et
artisans. C'est un des acquis majeurs des travaux du Sénat.
Le champ d'application de cette mesure sera celui des cotisations d'assurance
maladie et maternité. Le montant de cet allégement de charges sociales
représentera environ 45 % du total des cotisations sociales. Nous nous étions
fixé un objectif de 50 %, mais, grâce à la simplicité introduite par les
travaux de la commission mixte paritaire, nous aurons pratiquement atteint
l'objectif que nous visions.
Cette exonération sera accordée sans préjudice des droits des intéressés aux
prestations ; elle s'appliquera pendant cinq ans au plus à compter de la
délimitation de la zone franche urbaine pour les intéressés présents dans la
zone à la date de cette délimitation, ou pendant cinq ans à compter du début de
l'activité dans la zone si celle-ci intervient dans les cinq années suivant la
date de délimitation.
La commission mixte paritaire a également adopté le texte du Sénat pour les
articles 18 et 20
bis,
relatifs respectivement à l'exonération de
cotisations sociales patronales applicables aux embauches dans les zones de
revitalisation rurale et dans les zones de révitalisation urbaine et à la
possibilité, ouverte aux sociétés d'économie mixte, aux offices publics
d'aménagement et de construction et aux sociétés anonymes d'HLM de mener des
actions d'insertion à l'occasion des opérations d'aménagement.
Elle a rétabli, à l'article 26, la possibilité pour les promoteurs privés qui
ont conclu un contrat de promotion immobilière de devenir mandataires d'un
maître d'ouvrage public.
A l'article 27, elle a adopté un amendement prévoyant que l'établissement
public d'aménagement et de restructuration pour les espaces commerciaux et
artisanaux, l'EPARECA, pourrait passer convention avec les communes,
établissements publics ou syndicats mixtes concernés.
La commission mixte paritaire a adopté dans la rédaction du Sénat les articles
28, relatif à la cession ou concession des immeubles expropriés par
l'établissement public national ; 30, relatif à la compétence de la commission
nationale d'équipement commercial pour l'autorisation des projets dont
l'EPARECA assure la maîtrise d'ouvrage ; 31 A nouveau, relatif à l'introduction
de l'objectif de mixité sociale dans les programmes locaux de l'habitat, point
important sur lequel nous avions mis l'accent en première lecture ; 33, relatif
aux mesures de sauvegarde visant à restaurer le cadre de vie ; 33
bis,
relatif à l'assouplissement de la procédure de changement d'affectation ; 34,
relatif à l'expropriation des copropriétés pour cause d'utilité publique ; 35,
relatif à l'ouverture des fonds de solidarité logement aux propriétaires
occupants ; 37, relatif aux comités consultatifs de quartiers ; 38, relatif aux
fonds locaux associatifs ; 40, relatif aux groupements locaux d'employeurs dans
les zones urbaines sensibles ; 43, relatif au plafond de pourcentage de
logements sociaux pour l'attribution de prêts locatifs aidés ; 44 nouveau,
enfin, relatif à la remise d'un rapport annuel.
Nous avons également adopté un amendement de précision important concernant
une grande ville du Nord de la France, concernant la liste des zones franches
urbaines.
Avant de conclure, j'aimerais insister sur l'un des articles adoptés par le
Sénat, l'article 26
bis,
que la commission mixte paritaire, après débat,
n'a pas retenu.
Cet article avait pour origine un amendement présenté par notre collègue André
Diligent et prévoyait d'ouvrir aux collectivités locales la possibilité de se
faire rembourser dès l'exercice en cours par le Fonds national de compensation
de la TVA leurs dépenses réelles d'investissement à caractère culturel dans les
zones franches.
Je suis, pour ma part, convaincu de l'importance de la politique culturelle
dans les quartiers difficiles : il est indispensable d'y encourager
l'implantation d'équipements culturels, comme une bibliothèque, une médiathèque
ou un musée. Il existe d'ailleurs là un gisement d'initiatives et d'emplois.
Il est néanmoins apparu à la commission mixte paritaire - et à l'auteur de cet
amendement, qui participait à nos travaux - que ce texte présentait, dans sa
rédaction, des difficultés techniques d'application. En accord avec notre
collègue André Diligent, nous avons estimé que, une fois reformulé, il aurait
sa place dans la loi sur l'exclusion, que nous examinerons prochainement. Si je
le rappelle, monsieur le ministre, c'est pour prendre date avec le
Gouvernement.
Par ailleurs, vous le savez, j'ai engagé avec le ministre de la fonction
publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation une réflexion sur
la filière relative à l'animation.
Monsieur le ministre, je sais que vous êtes très désireux que ce texte entre
en vigueur rapidement. Les travaux de la commission mixte paritaire ont montré
que sénateurs et députés partageaient ce souhait. Il appartient désormais au
Gouvernement de répondre à cette attente et à nos espoirs afin que, très vite,
s'ouvre la période nouvelle de mise en oeuvre du pacte de relance pour la
ville. Pour notre part, nous vous y aiderons.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Eric Raoult,
ministre délégué à la ville et à l'intégration.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, après le moment de la concertation, puis
l'instant de l'annonce, nous voilà enfin, aujourd'hui, au terme de cette phase
préparatoire du débat parlementaire qui va nous permettre de donner toute sa
cohérence au pacte de relance pour la ville.
C'est donc, pour Jean-Claude Gaudin et moi-même, un moment fort ; c'est un peu
le moment « pacte ».
Je sais l'attente des quartiers, car, même si l'efficacité du pacte s'y fait
déjà sentir, c'est l'application de cette loi qui va nous permettre d'accélérer
les choses.
Permettez-moi, tout d'abord, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous
remercier pour votre travail d'enrichissement et de rendre un hommage tout
particulier au président de la commission spéciale, M. Jean-Pierre Fourcade, et
à son rapporteur, M. Gérard Larcher.
Ce pacte doit beaucoup à leur compétence et à leur connaissance tant du
dossier que du terrain. La globalité de leur vision comme l'autorité de leur
jugement auront beaucoup contribué au succès du pacte.
Ces remerciements s'adressent aussi à vous tous parce que les difficultés de
certains quartiers de nos villes imposent de dépasser les clivages, de
travailler tous ensemble pour la cohésion sociale et territoriale de nos
communes.
Je me réjouis donc, tout comme Jean-Claude Gaudin, de ces contributions et
améliorations apportées au texte du Gouvernement.
Ces améliorations ont porté principalement sur trois points : la
redynamisation des quartiers, leur restructuration, la mixité de l'habitat.
Sur le premier point, votre Haute Assemblée a, à juste titre, étendu les
exonérations de charges sociales aux travailleurs indépendants des zones
franches urbaines. C'était un point essentiel, tout d'abord, en raison des
montants en jeu - c'est ce qui a expliqué le refus initial du Gouvernement,
puis son appel à la « sagesse positive » du Sénat, concept que j'ai appris dans
votre assemblée - mais aussi parce que, avec les commerces, ce sont les
indépendants qui, pour l'essentiel, créeront de l'activité et de l'emploi dans
ces zones.
Il y a eu aussi, tant au Sénat qu'à l'Assemblée, un véritable débat sur les
compensations des exonérations apportées aux collectivités locales. C'est bien
normal, dans la mesure où l'Etat a pris un engagement, où il a passé un pacte
de stabilité avec vous !
Cette compensation figurait déjà à l'article 18 du projet de loi de finances
pour 1997. Mais l'inscription dans le projet de loi de mise en oeuvre du pacte
apparaît comme une garantie plus forte pour en assurer la pérennité, et je m'en
réjouis avec vous.
Enfin, vous avez pris l'heureuse initiative de créer des comités d'orientation
et de surveillance des zones franches urbaines, afin d'éviter des abus
éventuels et de décourager les chasseurs de primes. Je ne doute pas que ce
dispositif contribuera également à l'efficacité de notre relance par
l'activité.
Sur le deuxième point, relatif à la restructuration des quartiers, le Sénat
s'est attaché à mieux équilibrer le conseil d'administration de l'établissement
public d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et
artisanaux, l'EPARECA, et à favoriser la déconcentration en passant des
conventions avec les collectivités locales.
Enfin - c'est le troisième point - les deux assemblées ont renforcé les
instruments de la politique de mixité de l'habitat que sont le plan local de
l'habitat, la conférence communale du logement et la charte communale, en
prévoyant, notamment, des sanctions en cas de retard dans leur mise en
oeuvre.
Le Sénat comme l'Assemblée nationale ont souhaité favoriser les
investissements locatifs privés dans les zones franches urbaines, en créant un
véritable dispositif comparable à ce que la loi Malraux avait fait pour les
secteurs sauvegardés.
Les travaux des deux chambres ont donc utilement complété tous les dispositifs
essentiels du projet de loi.
Les apports de la commission mixte paritaire touchent, quant à eux, pour
l'essentiel, aux titres Ier et II, consacrés à la nouvelle géographie
prioritaire et à la redynamisation économique. C'est bien normal puisque c'est
l'élément réellement innovant de notre pacte.
C'est ce que voulait le Président de la République, voilà près d'un an,
lorsqu'il disait : « L'idée, c'est de jouer la carte économique, là où on a
tendance à jouer seulement la carte sociale. »
Permettez-moi de relever, là encore, trois apports très précis de la
commission mixte paritaire.
Tout d'abord, M. Pierre Bédier a souhaité insérer la notion de potentiel de
développement économique pour déterminer les zones de redynamisation
urbaine.
Il s'agit d'adosser à l'indice synthétique, composé du taux de chômage, de
jeunes, de diplômés, du potentiel fiscal et de la population, un critère
additionnel permettant de mieux tenir compte de la déshérence économique et
commerciale de ces quartiers.
Cet objectif est tout à fait légitime et reconnu comme tel par le
Gouvernement.
Cependant, pour prévenir le risque d'éventuels contentieux, le Gouvernement
propose au Sénat de voter l'amendement, adopté par l'Assemblée nationale lundi
dernier, substituant à la notion de « potentiel de développement économique »,
qui postule pour l'avenir, celle, plus établie, de « caractéristiques
économiques et commerciales ». C'est donc bien un amendement de précision, qui
tient compte des débats de la commission mixte paritaire.
Toujours sur la géographie prioritaire, la commission a adopté un amendement
de M. Gérard Larcher prévoyant que la délimitation des zones franches, par
décret en Conseil d'Etat, s'effectuerait en tenant compte des éléments de
nature à faciliter l'implantation d'entreprises ou le développement d'activités
économiques.
Cet amendement s'inscrit tout à fait dans l'esprit et dans la pratique qu'a
retenus le Gouvernement pour la délimitation de ces zones.
Quant à son esprit, il s'agit d'une politique de développement social urbain,
donc intéressant les quartiers.
Mais il faut aussi être réaliste. Dans la pratique, s'il n'est pas question de
créer des zones d'entreprises, il est, bien entendu, possible d'inclure des
réserves foncières dans les périmètres des zones franches, mais limitées en
surface.
Enfin, la commission a retenu l'amendement de M. Claude Demassieux visant à
prévoir la participation des députés et des sénateurs intéressés aux comités
d'orientation et de surveillance chargés d'évaluer le dispositif mis en oeuvre
dans les zones franches urbaines.
Voilà une mesure qui n'est pas seulement symbolique ! Bien entendu, ces
comités ne doivent pas devenir trop lourds, au risque d'être ingérables.
Cependant, je sais le rôle que, à côté des maires et des représentants de
l'Etat, les parlementaires ont joué jusqu'à aujourd'hui dans la politique de la
ville, et je sais que le Gouvernement leur doit, pour mettre en oeuvre son
pacte de relance, un appui indispensable.
C'est pourquoi, avec Jean-Claude Gaudin, nous approuvons pleinement votre
choix.
Mesdames, messieurs les sénateurs, notre projet de loi innove en faisant
bouger certaines lignes, en donnant une cohérence à la politique de la ville,
avec une nouvelle géographie prioritaire, et en privilégiant la carte
économique.
Compte tenu de l'importance que revêt la définition de la géographie de la
politique de la ville, les décrets seront prêts probablement avant la fin du
mois de novembre.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission spéciale.
Très bien !
M. Eric Raoult,
ministre délégué.
Le décret concernant l'établissement public
d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux est
déjà quasiment prêt, et sera pris dans les meilleurs délais.
Les autres décrets, notamment sur les mesures de sauvegarde et les fonds
locaux associatifs, seront pris en tout début d'année prochaine. Nous avons
tiré les leçons de certaines lenteurs du passé.
Mais le pacte de relance ne se réduit pas à cette loi, même si elle est
indispensable. Comme l'avait dit le Premier ministre, le 18 janvier dernier, à
Marseille, c'est « une démarche collective qui doit nous permettre de retrouver
des quartiers plus actifs, des villes plus sûres et des citoyens plus
solidaires ».
C'est donc un ensemble de réponses très concrètes aux attentes du terrain :
l'emploi, la sécurité et le rétablissement des liens sociaux.
La volonté du Gouvernement est bien de restaurer la cohésion sociale au coeur
de nos villes. Elle est de refaire fonctionner le « creuset intégrateur »
qu'elles ont longtemps incarné au cours de notre histoire.
Or nul ne doutera qu'un tel souci de réunification passe, aujourd'hui, par un
effort accentué en direction de certains quartiers et de certains publics.
Le Conseil constitutionnel a lui-même reconnu, l'année dernière, la légitimité
d'un tel raisonnement, qui renoue avec le sage principe d'Aristote selon lequel
on ne saurait traiter également des réalités inégales.
L'égalité des chances des citoyens ne gagnerait rien à n'être qu'un principe
abstrait. Notre devoir, à tous, est d'en faire une réalité profondément
vécue.
C'est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, M. Gaudin et moi-même vous
remercions d'apporter par cette loi une contribution forte à notre idéal
républicain.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste ; ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte
issu des travaux de la commission mixte paritaire sur le pacte de relance pour
la ville ressemble, sur de nombreux points, à celui que le Sénat avait adopté
le 10 octobre dernier, après un débat dans lequel nous étions largement
intervenus.
Nos collègues députés ont en effet adopté les quelques modifications
importantes que sont la création d'un comité d'orientation et de surveillance
des zones franches urbaines, l'inscription de la compensation des exonérations
aux collectivités locales ou les exonérations de charges pour les commerçants
et artisans.
Toutefois, les remarques de fond que nous avions exposées lors de la première
lecture restent pleinement d'actualité.
Ainsi, nous persistons à dire que ce projet n'a rien de commun avec ce que le
candidat Jacques Chirac avait promis pour les banlieues. Il est vrai que nous
sommes dans une période où, comme l'ont déjà dit certains, « les promesses
n'engagent que ceux qui y croient » !
Le plan Marshall pour les banlieues est donc bien loin, oublié, enterré. Il a
été remplacé par ce « pacte de relance pour la ville », qui ne correspond pas
aux exigences des populations concernées, aux besoins à satisfaire.
Sur le fond, ce texte met en avant la discrimination positive. Mais la réponse
aux problèmes ne peut être contenue dans cette stigmatisation, dans un zonage
qui met en place des contrats de ville aujourd'hui, des contrats d'initiative
locale demain.
Afin d'éviter que ces contrats ne correspondent très vite à des sous-emplois
sous payés, il conviendrait de les pérenniser. Il faudrait surtout les doubler,
au cours de ces cinq années, d'une véritable formation.
C'est là un besoin des populations de nos quartiers, qui veulent avoir les
mêmes droits et les mêmes devoirs que les autres.
C'est dans cet esprit que nous demandons que l'Etat assume ses missions -
sécurité des citoyens, justice, accès aux services publics, etc. - de la même
manière sur tout le territoire. C'est l'un des actes essentiels qui
changeraient la donne dans ces quartiers.
Certes, des engagements sont pris dans ce texte ; mais on ne peut annoncer le
retour de l'Etat dans les quartiers et faire le contraire. Or, telle est bien
la réalité. Nous sommes loin, finalement, des promesses faites. Chacun, dans sa
propre ville, peut en faire l'expérience.
Ainsi, La Poste supprime des emplois. Je rappelle, à cet égard, que tous les
amendements que notre groupe avait déposés en première lecture et qui auraient
pu assurer aux élus une garantie quant au maintien et au développement du
service public ont été refusés par la majorité de notre assemblée.
Le service public est essentiel. Comment pouvez-vous déconnecter à ce point la
politique de la ville du contexte politique, économique et social général ?
Le contexte général, la discussion budgétaire le confirmera, c'est les coupes
claires dans les budgets sociaux et utiles de la nation. C'est ce que M. Juppé
appelle pudiquement la « politique de réduction et de rationalisation des
dépenses publiques ».
Dans l'éducation nationale, ce sont 15 000 maîtres auxiliaires, par exemple,
qui sont dans l'attente d'un emploi, alors que, par ailleurs, des postes ont
été supprimés.
S'agissant de la police, alors que vous prétendez avoir conforté le nombre des
fonctionnaires de police dans les grands ensembles, tout le monde s'accorde à
dire que les effectifs sont notablement et notoirement insuffisants.
Vous enjoignez aux administrations publiques de réduire leurs effectifs, ce
qui ne manquera pas de donner lieu, au cours des prochains mois, dans le cadre,
notamment, de la réforme de l'Etat, à un véritable débat.
Comment voulez-vous réduire la fracture sociale et la fracture territoriale en
procédant ainsi ?
Tout cela atténue la portée de vos déclarations sur ce projet de loi, monsieur
le ministre.
L'autre grande question concerne les emplois. La création des emplois de
ville, votée dans le cadre de la loi sur l'apprentissage, est un élément
important du pacte que vous proposez. Mais ne trichons pas, il s'agit, encore
une fois, d'emplois à durée déterminée - cinq années - qui font appel aux
collectivités locales et organismes sociaux qui les créeront.
Les difficultés d'application sont si grandes que des maires sont intervenus
auprès de vous, monsieur le ministre, pour demander un « assouplissement des
critères de recrutement ».
Les difficultés ne découlent d'ailleurs pas seulement de l'application de ce
projet de loi. Elles tiennent aussi, bien entendu, aux difficultés financières
des collectivités locales.
C'est si vrai que les signatures effectives de contrats pour les emplois de
ville sont loin des conventions d'objectifs des préfectures : 3 000 contrats
ont été signés sur les 10 000 espérés en 1996. Mais, vous nous l'avez rappelé
il y a quelques jours, vous êtes optimiste !
M. Eric Raoult,
ministre délégué.
Il reste deux mois !
M. Guy Fischer.
Eh bien, il faudra « faire fort » !
Une question essentielle, qui préoccupe les maires, vous le savez, monsieur le
ministre, est celle de la prise en charge des intéressés au titre du
chômage.
En fait, le grand défaut de ce projet de loi c'est qu'il ne mobilise pas de
moyens supplémentaires pour les villes.
Vous l'avez dit, le budget de la ville s'élève à 13,5 milliards de francs ;
mais il y a des tours de passe-passe. Les financements sont assurés plus par
des astuces budgétaires qu'au travers d'engagements véritablement nouveaux. Je
le répète, il ne s'agit, en fait, que de redéploiements, si bien que l'Etat
dépensera, en réalité, moins d'un milliard de francs par an pour mettre en
oeuvre le présent projet.
L'exemple de la compensation des exonérations de taxe professionnelle, de taxe
foncière, est caractéristique. Le texte issu du Sénat prévoit que ce soit le
Fonds national de péréquation qui soit sollicité.
En fait, les subsides seront pris « dans les poches » des communes. On
déshabille Pierre pour habiller Paul !
Vous savez que, pour notre part, nous avions demandé qu'à une charge
supplémentaire pour les communes, les départements et les régions correspondent
des ressources supplémentaires.
Vous n'avez pas voulu et nous craignons que la politique européenne et le
respect des critères de la monnaie unique, qui sous-tend toute la politique
budgétaire, ne nous enfonce un peu plus dans la récession et l'austérité.
Force est de constater - et nous le regrettons vivement - que, dans les grands
ensembles, la ségrégation se renforce et que l'exclusion se concentre de plus
en plus dans certains quartiers.
Enfin, le dernier point sur lequel je souhaiterais revenir concerne la
démocratie et la transparence.
J'avais expliqué en première lecture combien l'utilisation du vocable « pacte
» me paraît spécieuse, car elle tend à faire croire que tout le monde serait
d'accord sur la philosophie de votre texte. Mais je voudrais surtout insister
sur la composition du comité d'orientation et de surveillance : nous persistons
à dire qu'en exclure les organisations syndicales et les associations revient à
se priver du concours de forces vives qui jouent un rôle incomparable dans ces
quartiers.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les
sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne trouvent pas dans ce
texte le véritable souffle nouveau qui conviendrait à une vraie politique de la
ville. En effet, la sectorisation à outrance ne permet pas une approche globale
des problèmes de la ville, et le contexte budgétaire ainsi que la course à la
monnaie unique imposent des restrictions préjudiciables à la satisfaction des
besoins humains et sociaux.
Sous le bénéfice de ces observations, notre groupe confirme son vote de la
première lecture et se prononcera donc contre ce texte.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission spéciale.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission spéciale.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, j'ajouterai quelques mots pour conclure notre
débat avant que n'intervienne le vote.
Un certain nombre de journalistes et de médias s'interrogent souvent sur le
point de savoir à quoi sert le Sénat, et j'ai lu récemment, sous la plume de
journalistes chevronnés et compétents, qu'il ne servait à rien.
M. Emmanuel Hamel.
Qui peut le penser ?
(Sourires.)
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission spéciale.
Or le Sénat a introduit dans ce
texte un certain nombre de dispositions majeures.
C'est le Sénat qui a introduit la compensation pour l'ensemble des
collectivités ; c'est le Sénat qui s'est préoccupé du sort des travailleurs
indépendants ; c'est le Sénat, qui a mis en place, à l'instigation de notre
excellent rapporteur, le comité d'orientation et de surveillance pour éviter le
débordement des nouvelles procédures.
Dans un autre ordre d'idée, monsieur le ministre, je veux remercier le
Gouvernement d'accepter le texte tel qu'il ressort des débats très francs et
très cordiaux de la commission mixte paritaire à une réserve près, à savoir un
amendement qui ne touche pas au fond et auquel, bien entendu, nous ne serons
pas opposés.
Enfin, monsieur le ministre, je crois que personne ne refusera les crédits
supplémentaires qui découleront de la prochaine publication de ce texte au
Journal officiel.
Bien entendu, selon les populations qu'ils représentent, certains voteront
ce texte et accepteront cependant les crédits, et d'autres voteront contre ce
texte et accepteront les crédits.
La raison est-elle dans l'approbation ou dans le refus ? L'avenir jugera.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel.
Etant donné la gravité des problèmes de la ville et de nombre de quartiers
concernés, notamment dans l'Est lyonnais, je comprends certains des propos et
la tonalité du discours de notre collègue M. Guy Fischer, qui, à notre regret,
annonce qu'il ne votera pas ce texte parce qu'il considère que celui-ci ne va
pas assez loin.
Mais, pour tempérer son pessimisme et fortifier son espérance, je lui demande
de lire le compte rendu des déclarations qui ont été faites avant-hier en
commission des finances par M. Jean-Claude Gaudin. Celui-ci nous a en effet
assuré, avec toute l'autorité morale qui s'attache à ses propos et avec une
conviction véritablement communicative, que, contrairement à ce qu'affirment
certains, la lecture de tous les postes budgétaires lui permet d'affirmer de la
manière la plus solennelle, la plus certaine et la plus sûre qu'il y aura
augmentation des moyens mis au service de la politique de la ville.
Donc, mon cher collègue, lisez ce compte rendu, vous serez probablement moins
inquiet, et l'espérance même en vous naîtra.
M. le président.
La parole est à M. Richard.
M. Alain Richard.
A mon tour, je vais confirmer la position des sénateurs du groupe
socialiste.
Nous avons participé, dans un esprit aussi positif que possible, à la
discussion de ce projet de loi. Mais, naturellement, je confirme notre position
de principe, qui est bien logique, puisque nous sommes dans l'opposition,
situation que, les uns et les autres, nous avons connue : en raison de la
politique générale du Gouvernement, nous ne pouvons pas approuver ce texte et
nous émettrons à nouveau un vote négatif.
Comme l'ensemble de nos collègues, nous avons essayé de participer à la
définition de modalités aussi concrètes et aussi applicables que possible. A ce
titre, nous regrettons que l'amendement de M. Diligent en faveur des
investissements à caractère culturel et sportif dans les quartiers - qui est
une vraie question d'aménagement du territoire - n'ait pu recueillir le succès
qu'il méritait. Il faut espérer qu'une solution sera trouvée à l'occasion de la
discussion d'un prochain projet de loi.
Sur d'autres domaines particuliers, en revanche, le travail parlementaire nous
paraît avoir eu des résultats positifs.
Notre position de principe ne nous empêchera pas, comme l'a dit M. Fourcade,
d'accepter des crédits. Mais je note que cette remarque peut s'appliquer à
toutes les périodes politiques !
Ainsi, lors de la discussion de la première loi d'orientation sur la ville et
de l'instauration de la dotation de solidarité urbaine, l'ambiance avait été
beaucoup moins confraternelle.
M. Gérard Larcher,
rapporteur.
Pas au Sénat, où - je m'en souviens bien puisque j'étais
rapporteur - un climat sympathique régnait !
M. Alain Richard.
Je siégeais à l'époque à l'Assemblée nationale et je peux vous assurer,
monsieur le rapporteur, de la tonicité des discussions !
Pourtant, toutes les communes concernées ont accepté de bénéficier des
dispositions prises en 1991 et la dotation de solidarité urbaine, même si les
parlementaires qui étaient à leur tête avaient exprimé un vote hostile. Cela
fait partie des « équilibres » de la République !
Je tenais à insister à mon tour sur l'intérêt et le caractère fructueux des
travaux parlementaires concernant l'élaboration de ce projet de loi.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement,
lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la
commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur
l'ensemble du texte.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :