M. le président. « Art. 10. - I. - L'article L. 137-1 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, ne sont pas assujettis à la taxe les employeurs occupant neuf salariés au plus tels que définis pour les règles de recouvrement des cotisations de sécurité sociale.
« Les dispositions du présent I sont applicables aux contributions versées à compter du 1er janvier 1996.
« II. - A l'article L. 137-2 du même code, le taux : "6 %" est remplacé par le taux : "8 %".
« Les dispositions du présent II sont applicables aux contributions versées à compter du 1er janvier 1998.
« III. - Aux articles L. 137-3 et L. 137-4 du même code, les mots : "à la date de publication de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996" sont remplacés par les mots : "à la date de la publication de la dernière loi de financement de la sécurité sociale". »
Sur l'article, la parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Monsieur le président, le groupe socialiste voterait l'article 10 tel qu'il est présenté par le Gouvernement.
Cet article tend à porter le taux de la taxe relative au financement de garanties de prévoyance complémentaire de 6 % à 8 % sur les contributions patronales versées à compter du 1er janvier 1998. En outre, il vise à donner une base légale à l'exonération de cette taxe dont bénéficient les entreprises occupant au plus neuf salariés.
Nous ne contestons ni l'intérêt ni l'utilité des contrats de prévoyance, car ces derniers permettent de servir aux salariés des prestations tout à fait appréciables.
Les contributions patronales destinées au financement de prestations complémentaires de prévoyance constituent, pour le salarié, un avantage résultant de sa relation de travail. En tant que tel, cet avantage devrait être assujetti aux cotisations de sécurité sociale dès le premier franc. Il en est cependant exonéré pour la fraction n'excédant pas 19 % du plafond, soit 31 281 francs par an et par salarié, aux termes du décret du 23 juillet 1985 pris en application de l'article 16 de la loi du 28 décembre 1979.
L'assujettissement de ces contributions à cette taxe, dont le taux est porté par cet article à 8 %, ne compense donc que très partiellement l'exonération dont elles bénéficient largement, le taux des cotisations de sécurité sociale - parts salariale et patronale - applicable en 1998 devant être de plus de 37 %.
Il convient de préciser que ces contributions sont assujetties à CRDS et, depuis le 1er janvier 1997, à la CSG, dès le premier franc.
L'impact financier au titre de l'année 1998 est évalué à 500 millions de francs. Cette somme est destinée à abonder le fonds de solidarité vieillesse.
M. le président. Sur l'article 10, je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 37 rectifié bis, M. Oudin, au nom de la commission des finances, propose :
I. - De supprimer le paragraphe II de l'article 10.
II. - Après le paragraphe II de cet article, d'insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - A l'article L. 137-1 du même code, après les mots : "Il est institué", sont insérés les mots : ", jusqu'au 31 décembre 1998,". »
III. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du II ci-dessus, après le paragraphe II de cet article, d'insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes résultant de la suppression, à compter du 1er janvier 1999, de la taxe sur la prévoyance sont compensées par le relèvement à due concurrence des taux des droits prévus aux articles 402 bis, 403, 406 A, 438 et 520 A du code général des impôts. »
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 12 est présenté par M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 53 est déposé par M. Huriet et les membres du groupe de l'Union centriste.
Tous deux tendent à supprimer le paragraphe II de l'article 10.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 37 rectifié bis.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Mes chers collègues, la commission des finances vous propose de voter la suppression pure et simple de la taxe sur la prévoyance à compter du 1er janvier 1999.
J'appelle votre attention sur le fait qu'ayant été instituée par l'ordonnance de 1996, cette taxe sur la prévoyance complémentaire n'a jamais fait l'objet d'une délibération du Parlement.
L'adoption du présent article, outre les modifications proposées, constituerait donc, en quelque sorte, une ratification de la création de cette taxe.
Cet article 10 nous offre donc l'occasion de nous prononcer explicitement non seulement sur les modalités, mais aussi sur les principes mêmes de la taxe, et, de ce point de vue, la commission des finances exprime les plus vives réserves tant sur la régularité juridique de cette taxe que sur ses justifications économiques.
J'observe en effet que la définition de l'assiette donnée par l'article 8 de l'ordonnance de 1996 est particulièrement imprécise. En effet, cet article vise « les contributions des employeurs et des organismes de représentation collective du personnel versées, à compter du 1er janvier 1996, au bénéfice des salariés pour le financement des prestations complémentaires de prévoyance ». Or - j'insiste sur ce point - il n'existe pas de définition précise des prestations complémentaires de prévoyance.
La justification économique de cette taxe est absurde. Le fondement théorique de cette taxe repose en effet sur deux considérations : d'une part, l'inégalité de traitement entre les salariés des entreprises ayant mis en place une prévoyance complémentaire et ceux des entreprises ne l'ayant pas fait, ainsi que, d'autre part, l'encouragement que constitue la prévoyance complémentaire à la consommation des biens médicaux.
En fait, quand les entreprises versent une partie des rémunérations sous forme d'avantages de prévoyance et de retraite, il ne s'agit en aucune façon, comme certains le prétendent, de rémunérations déguisées, de salaires déguisés.
Les arguments en faveur de cette taxe ne nous paraissent donc pas valables.
Dans ces conditions, la taxation des entreprises les plus prévoyantes apparaît plutôt absurde.
Par ailleurs, l'argument consistant à dénoncer l'impact inflationniste des dépenses de prévoyance complémentaire sur la consommation des biens médicaux ne semble pas plus convaincant.
Par conséquent, nous pensons que le taux de la taxe relative au financement de la prévoyance ne doit pas augmenter ; nous souhaitons même que celle-ci soit supprimée à compter de l'année 1999.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 12 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 37 rectifié bis.
M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie. Toute taxe est dissuasive pour ceux qu'elle frappe.
Nous pensons donc que l'augmentation de la taxe sur la prévoyance prévue par le projet de loi risque, au détriment des salariés, de freiner le développement des contrats de prévoyance. Comme nous sommes attentifs au sort des salariés, nous nous opposons à cette augmentation, car les contrats de prévoyance permettent aux salariés de compenser la baisse du taux de remboursement des dépenses d'assurance maladie, que M. le secrétaire d'Etat déplorait hier en indiquant qu'il n'était plus que de 74 % - il est même bien inférieur dans certains cas.
Nous proposons donc de supprimer l'augmentation prévue de cette taxe.
En revanche, nous sommes favorables au maintien du paragraphe I de l'article, qui donne une base légale à l'exonération de la taxe pour les entreprises de moins de dix salariés.
Evidemment, la commission est favorable à l'amendement n° 53, qui est identique au sein.
Quant à l'amendement n° 37 rectifié bis, elle estime qu'il est pour partie satisfait par le sien ; pour l'autre partie, qui vise à supprimer la taxe à partir de 1999, j'invoquerai l'annualité budgétaire, et je suis sûr que M. le rapporteur de la commission des finances me comprendra.
M. le président. La parole est à M. Huriet, pour défendre l'amendement n° 53.
M. Claude Huriet. Comme vient de le souligner M. le rapporteur, l'amendement que je présente au nom de mon groupe a le même objet que celui de la commission. J'ajouterai à son explication un argument supplémentaire, déjà évoqué à plusieurs reprises, à savoir que les dispositions prévues par le projet de loi entraînent une charge supplémentaire sur le secteur productif que l'on peut estimer à 60 milliards de francs. Alors, n'en ajoutons pas !
Néanmoins, l'objet des deux amendements étant le même, c'est très volontiers que je retire le mien, même si M. le rapporteur ne m'y a pas invité ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 53 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 37 rectifié bis et sur l'amendement n° 12 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. L'avis du Gouvernement est défavorable sur ces deux amendements, l'assujettissement des contributions de prévoyance à cette taxe de 8 % ne compensant que très partiellement l'exonération dont elles bénéficient largement, le taux des cotisations de sécurité sociale applicable en 1998 étant de plus de 28 %. La majoration du taux de la taxe représente 600 millions de francs en année pleine.
M. le président. Monsieur Oudin, l'amendement 37 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Je me rallie à l'amendement de la commission des affaires sociales et je retire donc l'amendement n° 37 rectifié bis.
M. le président. L'amendement n° 37 rectifié bis est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 12.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Vous permettrez au président du comité de surveillance du fonds de solidarité vieillesse d'appeler l'attention du Parlement et du Gouvernement sur le problème de l'équilibre à terme de ce fonds.
Ce problème n'est pas lié à l'amendement n° 12, que j'approuve et que je voterai, mais découle de mesures déjà adoptées précédemment.
Ainsi, l'augmentation de la CSG décidée par le précédent gouvernement a entraîné un transfert du produit des droits sur les alcools au profit de la branche maladie et au détriment du fonds de solidarité vieillesse, ce qui, à moyen terme, mettra ce dernier en déséquilibre.
Je veux simplement attirer l'attention du Gouvernement sur ce point afin qu'au moment où il sera appelé à revoir la situation du fonds il veille à ce que l'on en revienne à des dispositions conformes à la fois à l'esprit et à la lettre du texte adopté à l'origine par le Parlement.
Certes, cette mesure, si elle était adoptée, permettrait d'apporter 600 millions de francs supplémentaires au fonds ; mais elle pose d'autres problèmes de la nature de ceux qui ont été développés par M. le rapporteur.
C'est la raison pour laquelle il me paraît sage de suivre les propositions de la commission, celles-ci devant être accompagnées d'une réflexion sur l'équilibre du fonds à terme.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 10, ainsi modifié.
(L'article 10 est adopté.)
Article 11