M. le président. « Art. 2 bis. - L'article 276-2 du code civil est complété par la phrase suivante :
« Ceux-ci peuvent en demander la révision dans les conditions prévues à l'article 273. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 3 est présenté par M. About.
L'amendement n° 6 est présenté par M. Pagès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 276-2 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 276-2. - A la mort de l'époux débiteur, la charge de la rente disparaît. »
Par amendement n° 13, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 276-2 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 276-2. - Sauf disposition contraire, la prestation compensatoire fixée sous forme de rente cesse d'être due en cas de décès de l'époux débiteur. Toutefois, si celui qui en était créancier se trouve dans le besoin, il peut réclamer des aliments à la succession du prédécédé dans les conditions prévues à l'article 207-1. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 16, déposé par MM. Dreyfus-Schmidt, Badinter et les membres du groupe socialiste et apparentés, et tendant :
I. - Dans la première phrase du texte proposé par cet amendement pour rédiger l'article 276-2 du code civil, à remplacer les mots : « cesse d'être » par le mot : « reste ».
II. - A rédiger comme suit la deuxième phrase dudit texte :
« Toutefois, les héritiers peuvent en demander la révision ou la suppression dans les conditions prévues à l'article 273. »
La parole est à M. About, pour défendre l'amendement n° 3.
M. Nicolas About. Cet amendement vise à rendre intransmissible la charge de la rente compensatoire aux héritiers du débiteur. La loi ne doit pas faire porter aux héritiers le poids d'une dette qui découle de liens affectifs passés dont ils ne sont pas responsables.
Le principe actuel de la transmissibilité introduit une rupture d'égalité entre les citoyens puisque, si le débiteur décède, ses héritiers sont contraints de renoncer à la succession, s'ils ne peuvent pas assumer la charge de la rente. La rente compensatoire est pourtant non pas une dette d'ordre patrimonial mais une dette à caractère personnel. Elle correspond à l'ancien devoir de secours entre époux. Elle découle de liens affectifs passés qui s'éteignent avec le décès de l'époux débiteur.
Tout à l'heure, on parlait du décès de l'époux créancier ; on ne voit pas pourquoi le décès de l'autre époux n'entraînerait pas la même décision.
Je voudrais citer deux cas.
Si au décès de l'époux débiteur il n'y a que des enfants du premier mariage, ceux-ci vont donc hériter, et il leur reviendra la charge de la prestation compensatoire. Y aura-t-il poursuite contre ses propres enfants entamée par l'ex-époux survivant pour obtenir la prestation compensatoire ?
L'obligation alimentaire est due par tous les enfants, mais curieusement, dans ce cas-là, il n'y aura jamais de recours contre ses propres enfants.
En revanche - c'est le second cas - s'il y a des enfants d'un deuxième mariage, des recours seront alors intentés contre les enfants du deuxième lit pour essayer d'obtenir le versement de la prestation compensatoire.
Je l'ai déjà dit à la tribune, dans bon nombre de cas, on verra la deuxième épouse se mettre à travailler pour pouvoir payer la prestation compensatoire à la première épouse qui, éventuellement, ne travaillera pas.
Il y a là des situations complètement paradoxales. On ne peut pas, au nom du droit commun, réclamer le maintien de situations aussi aberrantes.
Je rappelle d'ailleurs que sont également soumis à ces obligations tous ceux qui ont été condamnés à verser une pension alimentaire avant la loi de 1975. En effet, la pension alimentaire qui était due entre les ex-époux avant la loi de 1975 est également transmissible.
Au nom de la justice, il faut mettre un terme à tout cela, car ce n'est pas acceptable.
Si la première épouse est en grande difficulté, la pension de réversion sera versée pro rata temporis. De toute façon, donc, au décès de l'intéressé, le premier conjoint touchera aussi une part de la pension.
M. le président. La parole est à M. Pagès, pour défendre l'amendement n° 6.
M. Robert Pagès. En prévoyant la transmissibilité de la rente aux héritiers du débiteur, la législation actuelle crée des situations humainement choquantes, même si ce dispositif est prévu par le droit commun.
Ainsi, en cas de décès du débiteur remarié, sa nouvelle épouse, ou encore les enfants nés de ce second mariage, héritent de la charge de la prestation compensatoire qu'ils doivent verser à la première femme du débiteur, alors même qu'ils n'ont aucun lien de parenté avec cette dernière et qu'ils n'ont rien à voir avec la première union.
Il existe d'autres situations où les héritiers du débirentier décédé doivent renoncer à la succession parce qu'ils ne peuvent pas prendre en charge la prestation compensatoire.
Dans d'autres cas encore, le débirentier ne se remarie pas pour éviter que sa seconde épouse ou les enfants issus de cette nouvelle union n'héritent de cette charge.
M. Nicolas About. Eh oui !
M. Robert Pagès. C'est pour remédier à de telles situations que nous proposions de rendre intransmissible la charge de la rente compensatoire aux héritiers du débiteur.
Mais, je le concède, cet amendement est empreint d'une certaine brutalité.
C'est pourquoi, je l'ai dit tout à l'heure, j'écouterai avec attention la présentation de l'amendement n° 13, qui sera sans doute de nature à modifier notre opinion.
M. Nicolas About. Tout à fait !
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, pour donner l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 3 et 6, et pour présenter l'amendement n° 13.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je comprends tout à fait le souci exprimé par M. About et, à l'instant, par M. Pagès, qui s'inquiètent du caractère transmissible de la prestation compensatoire. C'est vrai, je l'avais dit dans mon discours introductif, c'est un problème extrêmement délicat.
Cette prestation est destinée, je le répète, à compenser la disparité que la dissolution du mariage crée dans les conditions de vie respectives entre époux. Elle a donc un caractère proprement personnel pour le conjoint.
Mais, contrairement à la pension alimentaire, elle ne constitue pas une dette ayant pour objet de se substituer au devoir de secours entre époux, qui prend fin au décès du débiteur. Son caractère est indemnitaire. Or, le principe, en droit français, est que les dettes, notamment celles qui présentent un tel caractère, sont transmissibles aux héritiers.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh oui !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Il me paraît donc difficile de poser le principe absolu d'intransmissibilité.
Toutefois, sensible aux cas évoqués par MM. About et Pagès, j'ai déposé un amendement qui prend une voie moyenne entre celle qui est proposée par la commission, qui maintient dans tous les cas la transmissibilité, et celle qui est proposée par MM. About et Pagès, qui l'interdit.
Je ne suis donc pas favorable aux amendements n°s 3 et 6.
J'en viens au dispositif de l'amendement n° 13. En principe, la rente cesse d'être due au décès du débiteur. En effet, dans la mesure où la prestation compensatoire est destinée à compenser la disparité des conditions de vie entre époux, il paraît plus logique de considérer que cette dette est proprement personnelle et, par suite, non transmissible aux héritiers.
Mais, je sais aussi que cette règle peut avoir des conséquences insupportables pour le créancier. Ainsi, j'ai déjà cité le cas d'une femme de soixante ans qui a consacré toute sa vie à sa famille, qui divorce et à qui est allouée une rente viagère ; si son ex-mari décède deux ans après le divorce, l'absence de transmissibilité la prive de tout revenu. Or, c'est bien souvent là sa seule ressource.
C'est la raison pour laquelle je propose un double correctif à l'intransmissibilité : d'une part, le créancier dans le besoin peut toujours demander une pension alimentaire à la succession de son ex-conjoint décédé ; d'autre part, le juge, dans le divorce par consentement mutuel, ou les parties elles-mêmes peuvent conférer un caractère transmissible à la rente si les circonstances d'espèce le justifient.
C'est là, me semble-t-il, une voie qui permettrait, par l'introduction de plus de souplesse, de faire face aux situations les plus choquantes, en s'adaptant aux réalités de l'existence.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre le sous-amendement n° 16.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je veux dire à M. About qu'il y a une contradiction évidente à réclamer, comme il l'a fait jusqu'à présent, que la prestation compensatoire soit - dans la plupart des cas, sinon dans tous les cas - versée en capital et à demander ensuite qu'elle ne soit pas transmissible. En effet, il est évident que, si un homme condamné par hypothèse à verser un capital, payable sur trois ans, se tue au bout de la première année, la succession doit le capital. Pourquoi en serait-il autrement en matière de rente, qui n'est que la traduction du capital ?
Mais la question est délicate, et je comprends fort bien qu'il soit difficile d'avoir une position arrêtée.
Si je me réfère au compte rendu analytique, j'avait dit, dans la discussion générale : « Doit-elle - la prestation compensatoire - être transmissible aux héritiers ? Il est normal, dit-on, qu'une dette soit transmissible, mais si c'est une dette viagère, cela me choque qu'on puisse demander à des enfants du deuxième lit ou à leur mère de continuer à payer. » Et c'est vrai : nous sommes tous sensibles à de telles situations.
Mme le garde des sceaux, quant à elle, avait dit : « Je ne peux accepter une disposition rigide qui interdirait tout basculement de la charge de la prestation compensatoire sur les héritiers. »
Après quoi, elle a déclaré : « Le Gouvernement souhaite aussi que la rente soit temporaire et qu'elle ne puisse être que viagère, sauf cas exceptionnel, de sorte qu'elle ne puisse plus peser sur les héritiers lorsque le débiteur meurt. »
Il y a là une contradiction évidente, permettez-moi de vous le dire, madame le garde des sceaux. J'ai d'ailleurs relevé une nouvelle contradiction entre ce que vous avez dit tout à l'heure, à savoir qu'il est normal que la rente soit transmise parce que c'est une prestation compensatoire, et ce que prévoit votre amendement, à savoir qu'elle doit s'arrêter avec la mort du débiteur pour être remplacée éventuellement par des aliments, ce qui ferait qu'elle ne serait plus transmissible.
Vous dites chercher une voie moyenne, ce en quoi vous avez parfaitement raison. Mais cette voie, qu'elle est-elle ? C'est l'oeuf de Colomb !
Il suffit de ne pas oublier que nous avons permis la révision, en adoptant notre premier amendement. Cette révision, qui est possible lorsque les époux sont en vie, doit également être possible lorsque l'un des époux n'est plus là et que l'on est face aux héritiers. Les héritiers doivent, eux aussi, pouvoir demander la révision.
Madame le garde des sceaux, l'inconvénient majeur de votre système, que je n'ai pas trouvé mauvais à première vue, est qu'une femme qui n'a plus que cette rente pour vivre, à la mort de son ex-conjoint, ne va plus rien toucher. Il faudra qu'elle fasse un procès, avec les aléas et les inconvénients que cela compte. Il faudra qu'elle demande des aliments, mais il n'y aura plus de transmission de la dette du de cujus.
Après y avoir bien réfléchi, avec beaucoup de regret, nous ne pouvons pas accepter votre proposition. Il nous paraît donc nécessaire - c'est le sens de notre sous-amendement - d'ajouter à l'affirmation de l'article 276, à savoir que la prestation est transmise aux héritiers, les mots : « sans préjudice des termes de l'article 273 », c'est-à-dire de marquer dans la loi que la révision, lorsqu'il y a des changements substantiels dans les revenus ou dans les besoins de l'un ou de l'autre, est possible non seulement pour celui qui doit la pension et qui est en vie, mais également pour ses héritiers.
M. Nicolas About. Cela veut dire qu'elle peut être réévaluée !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 3, 6 et 13 ainsi que sur le sous-amendements n° 16 ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission a proposé un nouvel article 2 bis, qui prévoit, bien entendu, la transmission aux héritiers - c'est le droit actuel - mais aussi la possibilité de révision, en vertu des dispositions de l'article 273. Comme vient de le dire M. Dreyfus-Schmidt, cela me semble résoudre le problème.
On oublie de le dire, la pension alimentaire qui subsiste, pour certain divorce, est transmissible aux héritiers.
M. Nicolas About. Avant la loi de 1975 !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, c'est toujours vrai. Dans les cas où la pension subsiste, elle est transmissible aux héritiers.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Dans le cas de divorce pour rupture de la vie commune !
M. Nicolas About. Oui !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui, pour rupture de la vie commune. Dans le seul cas où reste la pension alimentaire, c'est transmissible ; a fortiori pour une prestation compensatoire ! Il y a donc une petite contradiction dans les propos des uns et des autres.
La commission propose un système. Elle ne peut donc qu'être défavorable à tous les amendements.
On prétend que la transmission aux héritiers est injuste à leur égard. Pas du tout, puisque l'on pourra réviser si cela crée une injustice.
Mais il existe des cas où l'héritage est considérable, et je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas continuer alors à verser une rente à une veuve qui, vous l'avez dit, madame le garde des sceaux, se trouve quelquefois en grande difficulté.
La justice doit s'exercer dans les deux sens. C'est pourquoi nous avons proposé la révision pour les époux et également pour les héritiers, comme nous l'avons dit lors du débat sur l'article 273 modifié.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. Puisque nous aurons un jour à débattre du fond même de la procédure de divorce, dans une perspective de réforme - laquelle est peut-être nécessaire ou souhaitable, nous ne le savons pas encore - peut-être aurait-on pu attendre pour traiter le problème qui nous occupe aujourd'hui et qui n'est quand même qu'un aspect du divorce. Mais nous avons fait droit aux propositions de nos collègues et nous les avons étudiées, je crois, avec une extrême attention.
Nous nous sommes trouvés confrontés à une analyse qui nous menait jusqu'à la limite, à franchir ou à ne pas franchir, entre la prestation compensatoire et la pension alimentaire. Il fallait garder un certain nombre de caractéristiques du système instauré en 1975 et qui correspondait, notre collègue M. Badinter l'a rappelé ce matin en commission, à une période au cours de laquelle l'inflation réduisait très souvent à néant les prestations. Par ailleurs, le nombre des divorces était, alors, très inférieur à celui que nous constatons aujourd'hui.
Nous avons choisi le maintien de la prestation compensatoire dans son principe, mais en introduisant une souplesse dont elle manquait jusqu'à ce jour, car le juge était en quelque sorte ligoté par la décision préalable et éprouvait des difficultés considérables pour revenir sur ce qui avait été décidé.
Grâce aux diligences de notre rapporteur, et aux travaux très approfondis de la commission auxquels nous avons tous participé ce matin, nous sommes parvenus à un équilibre qui, s'il ne peut être considéré comme parfait, est sans doute acceptable.
La prestation compensatoire demeure dans son principe et elle est transmissible aux héritiers. C'est la rigidité du système. Mais il a aussi sa souplesse, c'est ce que nous avons introduit avec la faculté de révision : le débiteur peut demander la révision de la prestation compensatoire si sa situation personnelle change. Il faudra d'ailleurs peut-être, un peu plus tard dans la discussion, dire ce que nous entendons par « révision », en tout cas mieux que nous ne l'avons fait jusqu'à présent. La révision sera peut-être la suppression de la prestation compensatoire ou sa suspension. C'est là que nous trouvons un avantage à la navette, qui permet parfois en confrontant nos positions à celles de l'Assemblée nationale de dégager des solutions meilleures que celles auxquelles nous sommes nous-mêmes parvenus dans un premier temps.
Je crois que l'article 2 bis , que M. Hyest vient de présenter parfaitement, correspond tout à fait à notre intention : d'une part, il maintient le principe d'une prestation compensatoire transmissible aux héritiers du débiteur et, d'autre part, il prévoit la possibilité de sa révision.
Je donne cependant acte à nos collègues Michel Dreyfus-Schmidt et Robert Badinter, qui ont travaillé de manière approfondie ce matin avec nous tous en commission, qu'il faudra peut-être aller un peu plus loin pour préciser la notion de révision, et ce pourra être fait au cours de la navette.
Quoi qu'il en soit, monsieur le président, compte tenu de la portée de l'article 2 bis , qui, dans notre esprit, résout le problème de manière satisfaisante puisqu'il nous permet de conjuguer le principe de la transmissibilité et la nécessité de la souplesse, je demande qu'il soit mis aux voix par priorité.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je souhaiterais d'abord, monsieur le président, m'exprimer sur le fond.
Je remercie le président de la commission des lois d'avoir resitué nos débats dans toutes leurs perspectives. Le Gouvernement aurait lui aussi préféré que le problème de la prestation compensatoire soit traité dans le cadre d'une réforme d'ensemble de la législation sur le divorce, qui date maintenant de plus de vingt ans et qu'il faut certainement simplifier. Dans quel sens ? Je l'ignore.
Le Gouvernement n'avait pas l'intention de présenter à brève échéance, pour se laisser le temps de la réflexion, une réforme de la législation sur le divorce. Pour autant, il n'a pas souhaité s'opposer aux propositions de loi du Sénat tant, aujourd'hui, des situations d'urgence sont constatées.
Nous partageons tous le même souci : assouplir les rigidités de la prestation compensatoire instaurée en 1975 en évitant les inconvénients de la pension alimentaire à l'origine de contentieux à répétition. Bien entendu, nous tâtonnons quant aux solutions à apporter d'abord parce que nous sommes confrontés à une multitude de cas concrets différents, ensuite parce que les arguments peuvent se retourner. Le travail commun est utile car il nous permet de cerner au plus près la réalité.
Les amendements du Gouvernement sont cohérents et s'inscrivent dans la ligne que j'ai développée dans la discussion générale et que je voudrais brièvement rappeler, pour répondre à M. Dreyfus-Schmidt.
Nous considérons que, dans la mesure du possible - j'insiste sur ces mots - le principe doit être celui du versement en capital pour solder les conséquences financières du divorce. A défaut de versement en capital, ce devrait être une rente temporaire ; à défaut de rente temporaire, ce devrait être une rente viagère et, à défaut de rente viagère, il faudrait alors que l'on puisse envisager la transmissibilité. Mais, dans chaque cas, nous souhaitons qu'il y ait des motivations spéciales du juge...
M. Nicolas About. Très bien !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. ... - pour déroger en quelque sorte au principe qui est posé à chaque étage - qui tiennent compte précisément des situations concrètes et qui, chaque fois, permettent de cerner au plus près les possibilités de révision.
Telle est donc la cohérence du dispositif que le Gouvernement souhaite à travers ses amendements. Encore une fois, je crois que nous avons le même objectif : le principe est celui de la souplesse, sans tomber naturellement dans la multiplication des contentieux.
S'agissant du sous-amendement n° 16, je ne suis pas en contradiction avec le souci exprimé par MM. Dreyfus-Schmidt et Badinter, car je pense qu'il n'est pas possible de poser un principe absolu en la matière. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai déposé l'amendement n° 13 que j'ai exposé tout à l'heure.
Vous préférez maintenir le principe de transmissibilité tout en l'assortissant d'une faculté expresse de dérogation admise jusqu'alors par la jurisprudence.
Je n'y vois pas d'objection particulière, dès lors que la préoccupation essentielle du Gouvernement de laisser au juge une faculté d'appréciation est maintenue.
Le Gouvernement s'en remettra donc à la sagesse du Sénat sur le sous-amendement n° 16.
Cela dit, monsieur le président, le Gouvernement ne s'oppose pas à la priorité demandée par M. le président de la commission des lois.
M. le président. La priorité est ordonnée.
Je vais donc mettre aux voix l'article 2 bis.
Mes chers collègues, j'attire votre l'attention : si cet article est adopté, les amendements n°s 3, 6, 13 et le sous-amendement n° 16 n'auront bien entendu plus d'objet.
M. Robert Pagès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. J'ai été très sensible à toute une série d'arguments qui ont été défendus par les uns et par les autres.
J'ai conscience du caractère un peu brutal de notre amendement n° 6 et, sans épiloguer plus longtemps, j'indique à notre assemblée que je le retire.
Cela dit, j'étais favorable à l'amendement n° 13 du Gouvernement parce qu'il répondait à la fois à mon souci exprimé « brutalement » et il introduisait une souplesse indiscutable permettant de sauvegarder les intérêts de chacun.
Je n'étais pas opposé, bien entendu, au sous-amendement de notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt qui, peut-être d'une façon moins satisfaisante à mon égard par rapport à ma position, permet là encore une certaine souplesse.
L'article 2 bis ne me mécontente pas, non plus, mais la demande de priorité me gêne quelque peu. Je ne veux pas m'opposer à cet article, qui introduit effectivement quelque souplesse, mais j'aurais préféré m'exprimer sur l'amendement n° 13. C'est pourquoi je m'abstiendrai sur l'article 2 bis.
M. le président. L'amendement n° 6 est retiré.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je souhaite apporter une clarification : l'article 2 bis a été déposé par la commission des lois pour répondre au souci de nos collègues MM. Dreyfus-Schmidt et Badinter.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Plus exactement à une suggestion !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Soit !
Il nous a paru paradoxal de sous-amender l'amendement du Gouvernement pour qu'il tende exactement à l'inverse de ce que souhaitait le Gouvernement, et plus cohérent de proposer un article 2 bis nouveau aux termes duquel on maintient la transmissibilité et, en même temps, on prévoit une révision dans les conditions prévues à l'article 273 du code civil. D'ailleurs, comme l'a dit M. Larché, il faudra peut-être veiller, au cours de la navette, à lire non seulement « révision », mais, éventuellement, « suppression » ou « suspension ». Dans notre esprit, la révision peut aboutir à la suppression. Il vaudra peut-être mieux l'indiquer pour clarifier les choses, pour permettre au juge de prendre des décisions plus conformes à notre texte.
Dans la mesure où l'on est favorable au sous-amendement n° 16, je ne vois pas pourquoi on serait défavorable à l'article 2 bis.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Monsieur le président, si j'ai accepté la demande de priorité, c'est parce que je considérais qu'il fallait d'abord mettre aux voix l'amendement n° 13 et le sous-amendement n° 16.
M. le président. La priorité a été demandée pour l'article 2 bis , et vous ne vous y êtes pas opposée.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Permettez-moi de finir mon propos, monsieur le président.
M. le président. Je vous en prie, madame le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. En effet, la priorité a été demandée pour l'article 2 bis. Mais je vous ai répondu sur la priorité pour l'amendement n° 13 et le sous-amendement n° 16. Dans mon esprit, s'ils étaient d'abord mis aux voix, les amendements n°s 3 et 6 n'auraient plus d'objet. Je vous laisse le soin d'apprécier ce que vous souhaitez faire.
M. le président. Je vous prie de m'excuser de vous avoir interrompue. Je suis intervenu pour clarifier le débat et non par incorrection. J'avais compris que vous aviez donné votre accord pour que le Sénat se prononce d'abord sur l'article 2 bis .
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je vous ai donné mon accord pour que l'article 2 bis soit mis aux voix par priorité en pensant que l'amendement n° 13 et le sous-amendement n° 16 n'étaient évidemment pas écartés. J'aurais peut-être dû le préciser. Mais tel était mon état d'esprit.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C'est la même chose !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je tiens à vous le dire maintenant : c'est à ces seules conditions que j'accepte la demande de priorité.
M. le président. Madame le ministre, vos propos traduisent que vous vous opposez à la demande de priorité. Dans ces conditions, je suis désormais obligé de consulter le Sénat sur la proposition de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. J'avais demandé la discussion en priorité de l'article 2 bis et j'avais cru comprendre, madame le garde des sceaux, que vous y consentiez. Si nous adoptons cet article, les amendements n°s 3 et 13 ainsi que le sous-amendement n° 16 deviendront sans objet. Il faut être parfaitement clair sur ce point.
En formulant cette demande de priorité, mon intention était d'obtenir un vote positif de notre assemblée. Je maintiens donc la demande de priorité.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la demande de priorité présentée par la commission et repoussée par le Gouvernement.
(La priorité est ordonnée.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'article 2 bis.
M. Nicolas About. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. About.
M. Nicolas About. A l'article 2 bis, il est écrit que « ceux-ci peuvent en demander la révision dans les conditions prévues à l'article 273 ».
Or l'article 273 du code civil, tel que nous venons de le voter, dispose : « La prestation compensatoire a un caractère forfaitaire. Elle ne peut être révisée qu'en cas de changement substantiel dans les ressources ou les besoins des parties... »
Cela implique que les parties sont désormais l'ex-époux survivant et les héritiers.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Absolument.
M. Nicolas About. Si l'on prend en compte les ressources des parties, on n'est pas dans la notion d'héritage. Des héritiers peuvent être immensément riches en dehors de l'héritage. Cela n'a aucun rapport.
Un tel dispositif serait tout à fait délirant. En effet, il tiendrait compte non plus de la dette liée à l'héritage reçu, mais de la situation des héritiers en dehors de cet héritage.
Les héritiers seraient donc peut-être conduits à refuser l'héritage, qui serait dès lors transféré à l'Etat, lequel, comme chacun le sait, n'assume jamais aucune dette. Voilà qui serait paradoxal !
C'est donc à juste titre que M. Dreyfus-Schmidt a considéré que l'amendement que j'ai défendu était plus adapté, puisqu'il faisait référence à la situation patrimoniale des conjoints et non pas aux ressources des héritiers. On ne sait jamais, ils peuvent être tous milliardaires !
M. Jacques Larché, président de la commission. C'est rare !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je crois que nous sommes tous d'accord.
Si j'ai bien compris, et je lui en suis très reconnaissant, Mme le garde des sceaux a bien voulu dire que notre sous-amendement n° 16 n'était pas du tout contraire à l'amendement n° 13, le Gouvernement s'en est en effet remis à la sagesse du Sénat sur ce texte.
Voilà qui revient à reconnaître - j'attire l'attention de M. le rapporteur sur ce point - que nos points de vue ne sont pas contraires, même si nous proposons des systèmes différents.
Le Gouvernement propose : pas de transmission, mais versement d'une pension alimentaire. Nous, nous proposons une transmission, mais avec révision possible. En fait, les uns et les autres, nous cherchons à trouver un point d'équilibre. C'est ce qui explique que le Gouvernement s'en soit rapporté à la sagesse du Sénat sur notre sous-amendement.
Madame le garde des sceaux, je vous dois une explication : M. le rapporteur nous ayant dit ce matin que notre sous-amendement n° 16 lui paraissait irrecevable parce que contraire à l'amendement n° 13...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce qui n'est pas complètement faux !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... - je lui ai répondu, comme vous, que ce n'était pas exact. Mais je me suis aussi permis de suggérer que la commission, qui, elle, peut toujours déposer des amendements, ce que nous ne pouvons pas faire, en dépose un proposant que, dans l'article 276-2 qui dispose qu'« à la mort de l'époux débiteur, la charge de la rente passe à ses héritiers », il soit ajouté « sans préjudice de l'application de l'article 273 », c'est-à-dire qu'en effet la révision soit possible également au profit des héritiers.
En fait, vous avez parfaitement compris, mon cher collègue Nicolas About, que, du moment que les héritiers sont débiteurs comme l'était leur auteur, il est normal que, comme lui, ils puissent faire état de leur propre situation ou de celle du créancier.
Madame le garde des sceaux, dans notre esprit, le texte proposé maintenant par la commission - sur notre suggestion, je l'avoue - revient très exactement à l'amendement n° 13 assorti du sous-amendement n° 16 sur lequel vous avez bien voulu vous en rapporter à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2 bis.
(L'article 2 bis est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 3 et 13 et le sous-amendement n° 16 n'ont plus d'objet.
Article additionnel après l'article 2