M. le président. « Art. 3. - L'article 757 A du code général des impôts est complété par la phrase suivante :
« Dans ce dernier cas, l'abattement prévu à l'article 779 est doublé. »
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je souhaite le retrait de cet article 3.
La commission propose, en effet, dans cet article, de doubler le niveau de l'abattement de 330 000 francs prévu à l'article 779 du code général des impôts pour les droits de mutation à titre gratuit applicables aux versements en capital entre époux, lorsqu'ils proviennent des biens propres de l'un d'eux.
Le Gouvernement n'est pas favorable au relèvement du seuil d'exonération du droit de mutation. En effet, il comporte des inconvénients que je dois souligner. Une femme héritant des biens propres de son mari et ayant des droits de mutation à acquitter ne manquerait pas d'observer qu'en cas de divorce ces mêmes biens auraient pu lui être transmis en franchise de droits.
Par ailleurs, chez certains contribuables fortunés, le divorce pourrait devenir un moyen de transférer tout ou partie de leurs biens propres en franchise de droits.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il s'agit du double, seulement !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Cela fait tout de même 660 000 francs, ce qui n'est pas rien !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais si !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Cela dépend par rapport à qui !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pensez à ceux qui paient l'ISF !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le dispositif actuel permet de traiter les contribuables divorcés d'une façon qui ne les avantage pas par rapport aux autres contribuables.
En outre, la mesure proposée ne manquerait pas de susciter des demandes reconventionnelles concernant notamment les transmissions par décès de biens propres au profit du conjoint survivant, et un relèvement corollaire de l'abattement en faveur des descendants du défunt, dont le coût budgétaire serait très important. Le relèvement de 330 000 francs à 500 000 francs pour les conjoints survivants coûterait 500 millions de francs à l'Etat, et le même relèvement appliqué aux descendants coûterait 3,5 milliards de francs.
Enfin, la disposition que vous proposez dans votre texte accentuerait la distorsion de traitement des époux selon que le conjoint recevra des biens propres ou des biens de communauté.
C'est pour ces raisons que je vous demande de retirer cette disposition, à laquelle pourrait être opposable l'article 40 de la Constitution.
M. le président. Monsieur le rapporteur, accédez-vous à la demande de Mme le garde des sceaux ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le Gouvernement nous indique que l'article 40 serait peut-être applicable.
Tout d'abord, je relève que les chiffres, qui, en l'occurrence, ne viennent pas de la Chancellerie, sont toujours grossis quand il s'agit d'avantages fiscaux et diminués quand il s'agit d'économies pour l'Etat. Je ne suis donc pas sûr que ces 3,5 milliards de francs représentent bien le coût de la disposition que nous proposons.
Je note par ailleurs que les dispositions de cet article éviteraient des contentieux supplémentaires, et donc entraîneraient des économies pour la justice, ce qui est tout à fait important.
Enfin, comme vous-même, madame le garde des sceaux, nous souhaitons les uns et les autres favoriser le versement d'un capital. Or il est évident que, dans un certain nombre de cas, l'absence d'abattement entraîne la préférence pour une rente.
Telles sont les raisons pour lesquelles je ne peux pas retirer l'article 3.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je vais donner une indication supplémentaire qui convaincra peut-être M. Hyest.
Un vrai problème se pose, si l'article 3 est retiré, je chercherai une solution qui réponde à votre souci mais qui soit moins pénalisante pour les finances publiques. Ce ne doit pas être impossible !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Compte tenu des engagements du Gouvernement, au nom de la commission, je retire l'article 3.
M. le président. L'article 3 est retiré.
M. Jacques Larché, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. Je vais présenter une remarque très brève et qui n'est pas directement liée au dispositif même du texte. Je note, à titre tout à fait accessoire, que Mme le garde des sceaux n'a pas hésité à évoquer l'article 40 lorsqu'elle s'est trouvée confrontée aux conséquences financières et pécuniaires d'un certain nombre de dispositions civiles nouvelles.
Si à l'avenir des dispositions civiles nouvelles nous sont proposées, nous ne manquerons pas de nous interroger sur leurs conséquences financières.
Article 4