Séance du 11 juin 1998
M. le président. Par amendement n° 148 rectifié, M. Paul Girod, au nom de la commission de lois, propose d'insérer, après l'article 31, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les réquisitions de locaux ne peuvent être engagées sur le fondement des dispositions du chapitre II du titre IV du livre VI du code de la construction et de l'habitation que jusqu'au 31 décembre 2003.
« A cette date, le Gouvernement présente au Parlement un rapport d'évaluation de ces dispositions. »
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Cet amendement porte sur un point dont j'ai senti qu'il retenait l'attention du Gouvernement. Il s'agit d'un problème de fond, qui mérite un débat sérieux.
Au nom de la commission des lois, dont le titre complet est commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, je défends un amendement qui me conduit à me référer à certains principes fondamentaux du droit.
Dans le bloc constitutionnel, et même avant lui, figure la Déclaration des droits de l'homme, dont l'article XVII traite du droit de propriété.
Par ailleurs, la décision du Conseil constitutionnel n° 94-359 DC du 19 janvier 1995 établit le droit au logement comme un objectif à valeur constitutionnelle.
Dans cette affaire, la puissance publique, pour des raisons de solidarité que personne ne conteste, nous semble-t-il, au sein de cette assemblée, s'autorise une intrusion dans la gestion privée de patrimoines privés, donc dans le droit de propriété, au bénéfice de nos concitoyens en difficulté.
Personne ne conteste la motivation, mais on ne peut pas se laisser guider par l'émotion quand il s'agit de modifier globalement l'équilibre de la société française.
Autant nous acceptons la nécessité et la matérialité de ce dispositif - nous le construisons d'ailleurs ensemble, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque, en définitive, à quelques détails près, nos positions ne sont pas très éloignées les unes des autres - autant il nous semble nécessaire de montrer par un signe tangible, sérieux, inscrit dans la loi que c'est précisément un cas où nécessité fait loi.
Par conséquent, il convient de limiter dans le temps l'ouverture du créneau consacré à la solution de ce problème et de prévoir un délai de cinq ans pendant lequel les opérations de réquisition sont déclenchées.
Jusqu'au 31 décembre 2003 à vingt-trois heures trente, on pourra envoyer une lettre d'intention et lancer une opération. Car prévoir une telle disposition définitivement ne varietur, me semble excessif.
La commission des lois a donc souhaité instaurer une limite dans le temps. De plus, après discussion, la commission des affaires sociales a très opportunément fait remarquer qu'il ne serait pas opportun politiquement, socialement et humainement parlant que le Sénat dise : non, il est hors de question de maintenir la solidarité trop longtemps. Aussi la commission des lois a-t-elle accepté l'idée de la présentation d'un rapport à l'approche du terme et avant toute prorogation éventuelle.
Je rappelle qu'un texte législatif de douze mots suffit pour proroger une disposition pour une nouvelle période de cinq ans. Si un dispositif se révèle tellement adapté à nos moeurs et largement accepté, il est possible de le stabiliser pour plus longtemps, par le vote d'une disposition législative extrêmement courte.
Il nous semble nécessaire qu'un dispositif de cette importance, qui met en cause un principe aussi fondamental de notre droit et de notre équilibre social et culturel, doive obligatoirement être réexaminé par le Parlement à un moment quelconque. Telle est la motivation de fond de cet amendement n° 148 rectifié.
Certes, la commission des affaires sociales a tout à fait raison : il ne faut pas fermer d'avance la porte. En revanche, nous pouvons dire, au nom d'un principe qui constitue l'un des fondements de l'équilibre de notre pacte social, qu'une transgression à l'une de ces bases ne se décide pas définitivement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, combien de millions de logements ont-ils été détruits pendant la guerre de 1939-1945 ? Il s'agissait alors vraiment d'une situation de crise. Nous connaissons aujourd'hui une crise d'une nature différente. Nous acceptons donc la transgression des principes, mais nous l'encadrons de certaines précautions, que nous voulons positives et non pas négatives.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. C'est un amendement auquel le Gouvernement n'apportera pas son approbation, et j'en suis désolé.
En effet, sans ce dispositif modernisé, nous nous retrouvons avec un seul texte, celui auquel le maire de Paris, avant de devenir Président de la République, a dû se référer pour prendre les mesures dont vous avez le souvenir à la fin de l'année 1994 et au début de l'année 1995. Sans ce texte modernisé, on en revient donc à l'ordonnance de 1945.
Par ailleurs, et c'est une deuxième raison qui justifie l'opposition du Gouvernement, l'utilité de ce texte sera définie par le contexte économique et social. Je ne crois pas que nous soyons sur un long fleuve tranquille où tout va toujours vers le mieux. Il y a de bonnes périodes et d'autres qui sont moins favorables. Aussi, pourquoi nous fixer une échéance, au demeurant si proche ?
Enfin, j'avancerai une troisième raison qui devrait, me semble-t-il, emporter votre conviction, monsieur Paul Girod. Le Gouvernement est convaincu qu'après le soin que vous avez mis à améliorer ce texte, il serait vraiment regrettable de lui donner une vocation temporaire. (Sourires.)
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. M. le secrétaire d'Etat me taquine quelque peu. Qu'il me permette d'en faire autant.
J'entends souvent s'exprimer, de déclaration ministérielle en déclaration ministérielle, une certaine satisfaction sur l'efficacité de l'action du Gouvernement, qui marquerait que tout s'améliorer à une cadence inespérée. A ce rythme, je suppose que, dans cinq ans, nous serons depuis longtemps sortis de cette crise. Mais revenons-en à des propos plus sérieux.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous dites : vous nous privez du dispositif. En fait, nous ne vous privons pas du dispositif.
J'ai en mémoire un souvenir qui remonte à l'année 1979, je crois, à l'époque où M. Méhaignerie proposait une loi d'orientation agricole qui transgressait très sérieusement le code civil, en particulier le droit des successions.
J'étais encore agriculteur, je le suis resté quelque temps, mais les ans sont venus, la relève est arrivée, la situation a évolué dans l'exploitation familiale, et c'est mon fils qui s'en occupe maintenant. J'avais alors été conduit à dire, la mort dans l'âme, que j'accepterais une transgression aux principes fondamentaux du droit des successions qui revenait en quelque sorte, sans le dire, à mettre en place un certain droit d'aînesse pour l'agriculteur jeune qui allait succéder à son père. En termes un peu caricaturaux, c'était cela, mais je l'acceptais parce que je savais que, dans certaines régions françaises, si on n'installait pas les jeunes de force, si je puis dire, il n'y aurait pas suffisamment d'exploitants vingt ans après pour occuper le territoire.
Cette mesure répondait à une situation de nécessité, mais elle était limitée dans le temps.
Aujourd'hui, la situation est presque identique : il faut répondre à une nécessité. Nous acceptons donc la mesure bien qu'elle transgresse un droit fondamental, l'indépendance des individus et des citoyens.
En considérant les personnes morales comme des citoyens comme les autres, je suis en train de vous tendre des verges pour me battre. Tel aurait été le cas sans la loi de 1989. Mais, avec cette loi, que vous connaissez quelque peu, me semble-t-il, je me sens plus à l'aise sur ce point.
Donc, nous acceptons cette transgression du principe. En raison de la situation de crise, nous acceptons les mesures exceptionnelles !
Ce n'était pas l'idée première de la commission des lois, mais nous l'acceptons à une condition que la revalidation éventuelle dans cinq ans soit précédée d'un rapport élaboré par votre gouvernement comme pour tout autre gouvernement, et dressant un bilan de l'efficacité du dispositif.
Certains doutent ! Ils se disent : on est en train de fabriquer une usine à gaz d'où il sortira seulement de petits jets et le dispositif ne méritera donc pas d'être prolongé.
La réponse, je ne la connais pas, personne ne la connaît, personne ne sait si ce dispositif sera vraiment efficace ou non.
S'il doit être inefficace et que, dans quinze ans, quelqu'un ressorte ce dispositif pour faire des bêtises, pour prendre des dispositions allant à l'encontre d'un principe fondamental de notre société, il n'est pas sûr que nous aurons bien travaillé.
C'est pourquoi je crois que, autant on peut accepter des mesures dérogatoires par rapport au droit fondamental de notre pays, autant il faut le faire de manière prudente.
J'ajoute qu'avec cet article additionnel, nous ne proposons pas un arrêt en 2003. Nous disons : il est possible d'agir jusqu'en 2003 sans problème, mais, à cette date, regardez si la mesure s'est révélée efficace et, si vous souhaitez poursuivre dans cette voie, il suffit d'un texte de douze mots à peine pour continuer pendant cinq ans, dix ans, voire pour l'éternité. Avant de s'engager de manière irréversible, il nous faut être prudents.
D'ailleurs, entre parenthèses, c'est l'un des reproches que l'on fait à l'ordonnance de 1945, qui, étant faite pour l'éternité - vous ne la remettez pas en cause non plus - nous autorise, certes, à réquisitionner, mais avec des bases qui sont devenues obsolètes et des références à des services communaux du logement qui n'existent plus nulle part. On peut donc réquisitionner, mais sans base juridique !
Vous parliez tout à l'heure des difficultés du maire de Paris en 1995 et en 1996. C'est tout à fait vrai : il a utilisé un texte qui n'avait plus d'articulation. Il n'est pas de bonne politique, sur un point aussi fondamental, de légiférer en quelque sorte à l'aveugle.
C'est la raison pour laquelle la commission des lois, avec l'approbation de la commission des affaires sociales confirmée encore tout à l'heure, maintient cet amendement et souhaite que le Sénat le vote.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Monsieur Paul Girod, si je souhaite ne pas vous dissuader de penser que la situation que nous connaissons s'améliore, je ne voudrais pas que vous trouviez quelque ombre de pessimisme comme justification à la position du Gouvernement.
Très simplement, il s'agit d'un texte dont le champ géographique est bien délimité puisque sont seules concernées les communes dans lesquelles des personnes défavorisées peuvent encore connaître cette situation critique.
Par ailleurs, nous visons là encore un public très ciblé, puisqu'il s'agit des personnes morales, et encore pas de toutes les personnes morales, dans la mesure où j'ai bien pris l'engagement que les SCI familiales ne seraient pas concernées. Le dispositif aurait donc été appliqué avec discernement même sans l'amendement que vous voulez faire adopter par la Haute Assemblée.
Il s'agit donc là d'un dispositif dont il est légitime de prévoir qu'il sera durable, ne serait-ce que pour ne pas reprendre le débat que nous venons d'avoir, qui, me semble-t-il, a été de qualité et ne devrait pas devenir obsolète dans le court terme.
Surtout, de par leur existence, ces dispositions sont au moins un appel à la bonne gestion adressé aux institutions publiques ou parapubliques et aux investisseurs institutionnels.
En effet, si l'on reprend la liste des semi-réquisitions auxquelles il a été procédé - « semi », parce que, en définitive, tout s'est fait par la voie de conventions - le patrimoine vacant, parfois en déshérence, qui a été mobilisé pour loger des personnes très modestes, c'était celui de banques ou de compagnies d'assurance qui n'étaient pas bien gérées, notamment de celles qui posaient aux finances publiques des problèmes de renflouement.
En somme, si ce dispositif existe comme une pression à une bonne gestion permanente, c'est aussi, me semble-t-il, utile et c'est un terrain sur lequel nous devrions pouvoir nous entendre.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Au niveau d'émotion où, en définitive, nous sommes actuellement et que nous partageons tous, je crois que, sur le fond, nous sommes tous d'accord, mais qu'il faut encore une fois être prudent dans cette affaire et éviter les secousses.
Taquinerie pour taquinerie, et je peux me le permettre car nous sommes vraiment sur le fond de l'affaire, il est vrai que ceux qui ont été réquisitionnés étaient des investisseurs qui s'étaient un peu trompés, mais il est vrai aussi qu'on en avait l'opportunité, compte tenu de ce qu'était le marché de l'immobilier à cet instant.
Nul ne sait aujourd'hui ce que sera le marché dans dix-sept ans. Or, cinq plus douze, cela fait dix-sept. En 2015, quel sera l'état du propriétaire qui récupérera un local dont l'objet aura changé ? C'est pour cela qu'il faut y aller à pas comptés.
Le délai de cinq ans vous semble un peu court. Mais peut-être qu'au cours de la navette ce délai passera à sept ou huit ans ? Je n'en sais rien. Cela restera un délai au bout duquel il sera bon de faire le point. Encore une fois, nous ne sommes pas favorables à la prolongation de ce dispositif.
Je crois que nous avons été suffisamment clairs l'un vis-à-vis de l'autre et que nous ne nous sommes pas fait de procès d'intention.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 148 rectifié.
M. Jacques Machet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Monsieur le président, je voudrais féliciter et remercier le rapporteur pour avis, Paul Girod. En effet, nous venons d'assister à un moment de séance extraordinaire au cours duquel il nous a montré toutes ses capacités.
Je me suis demandé de temps en temps si nous discutions encore du projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions. Vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat. En tout cas, j'ai beaucoup appris et, très sincèrement, je vous remercie, monsieur Girod.
M. André Vezinhet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vezinhet.
M. André Vezinhet. Moi aussi, j'ai beaucoup appris.
Je voudrais profiter de cet amendement n° 148 rectifié pour aller du particulier au général.
Avec cet amendement, comme avec beaucoup de ceux qui l'ont précédé, nous avons assisté à une destruction, par petites touches successives, du dispositif de réquisition. Certes, la méthode a été douce, parfaitement utilisée par le rapporteur pour avis, Paul Girod et avec beaucoup de talent, nous n'en doutons pas. Mais l'intention était bien, néanmoins, de détruire ce dispositif.
En effet, personne ne nous fera croire, s'agissant de l'amendement n° 148 rectifié, qu'en 2003, comme par mystère, il n'y aura plus aucun problème de logements et que les propriétaires et les institutionnels ne pratiqueront plus la rétention spéculative de logements ! Personne n'y croit, hélas !
C'est une autre méthode qui a été employée tout à l'heure pour l'article 30 ; mais, là, ce fut la Grosse Bertha ! Six amendements de suppression ont en effet été déposés. Comme cela, la taxe était à coup sûr laminée !
Tout cela corrobore ce que j'ai dit à l'occasion de la discussion générale : progressivement, on déshabille ce texte. On le fait avec des méthodes différentes, mais personne n'est dupe, en tout cas pas sur les bancs du groupe socialiste !
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. J'avais préparé une intervention assez longue sur l'amendement n° 148 rectifié, mais je ne la lirai pas.
Je soulignerai simplement que M. le rapporteur pour avis, Paul Girod, avec un certain talent que nous voulons bien lui reconnaître, a présenté, notamment sur l'article 31, une série d'amendements qui aboutissent, selon nous, à finalement vider de son sens le dispositif de la réquisition.
Nous ne saurions participer à une telle manoeuvre, même si elle est très fine, très intelligente. Si nous l'acceptons, les mal-logés ne nous comprendraient pas, et c'est pour cette raison que nous voterons contre l'amendement n° 148 rectifié.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Il est toujours désagréable d'atterrir au moment où l'on s'y attend le moins ! (Sourires.) Je le dis comme je le pense, mon cher collègue Vezinhet.
Nous venons d'avoir un échange d'une heure et demie sur un article de fond à l'occasion duquel j'ai fait part des scrupules de la commission des lois constitutionnelles.
Vous pouvez nier l'importance de notre Constitution, du bloc de constitutionnalité qui inclut la Déclaration des droits de l'homme - c'est votre droit - il n'en reste pas moins vrai qu'au sein de la commission des lois constitionnelles nous sommes là pour veiller à la cohérence des textes. Or personne ne peut nous reprocher sérieusement de le faire sans mesure.
M. Vezinhet prétend que la commission des lois a démantelé le dispositif,...
M. André Vezinhet. Je persiste et je signe !
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. ... alors que 99 % des amendements présentés par la commission des lois ont été approuvés par le Gouvernement. Alors, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous transfère les compliments que je viens de recevoir. Merci, monsieur Vezinhet ! M. le secrétaire d'Etat vous sera certainement très reconnaissant de cette gentillesse.
M. André Vezinhet et Mme Nicole Borvo. Et l'article 30 ?
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Monsieur Vezinhet, je ne vous parle pas de l'article 30, je vous parle de l'article 31 sur lequel vous m'avez attaqué !
M. André Vezinhet. J'ai parlé des deux !
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Non, monsieur Vezinhet, et ce n'est plus le rapporteur pour avis qui parle, c'est l'homme, si vous me le pemettez. Vous m'avez dit que j'avais fait sur l'article 31, à pas comptés et à petites touches, ce qui avait été fait sur l'article 30.
M. André Vezinhet. Je persiste !
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. J'ai voté l'article 30, c'est ma responsabilité de parlementaire. Je vous ai proposé un certain nombre de modifications techniques pour l'article 31. J'ai fait exactement l'inverse de ce que vous avez affirmé et, en tant qu'homme, je n'accepte pas vos propos, je vous le dis !
M. André Vezinhet. La parole est libre, que je sache !
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. La réponse aussi, que je sache !
La commission, sur ma proposition, a parfaitement accepté d'entrer dans un dispositif dérogatoire par rapport aux principes de base de notre société. Elle l'a fait sans état d'âme, et elle l'a fait en voulant être constructive ; je vous prie de m'en donner acte !
Cela étant dit, cet amendement de prudence et de limitation sert plus la réforme que vous ne l'imaginez. En effet, si elle doit un jour se stabiliser de manière durable en droit français, ce sera parce qu'on l'aura expérimentée avec une certaine prudence, monsieur Fischer.
C'est le fond de la démarche de la commission des lois. C'est une innovation forte, même si on ne l'affiche pas comme telle, par rapport à un principe fondamental ; on la manipule avec prudence ; on l'expérimente ; on en juge les effets ; on la stabilise après.
Le Sénat est la chambre de réflexion. Bien souvent, on est amené à comparer l'aspect émotif des débats à l'Assemblée nationale à l'aspect élaboré, sérieux et réfléchi des travaux du Sénat. Certains s'en désolent parce que cela les empêche d'aller trop vite et trop loin sur des affaires imprudentes.
Peut-être serait-il bon qu'ils se rappellent qu'en d'autres temps et sous d'autres gouvernements, nous avons eu la même démarche.
Ces précisions me permettent de mettre fin à un petit incident de séance que je ne considère pas comme très grave, bien qu'à titre personnel il m'ait un peu blessé ; mais c'est un détail. Je suis là pour exposer l'avis de la commission des lois. En l'occurrence, nous maintenons intégralement l'amendement n° 148 rectifié, que nous avons déposé.
J'ajoute qu'à ma demande le rapporteur de la commission des affaires sociales, seul compétent pour le faire, avait demandé un scrutin public. Je l'avais un instant regretté. Monsieur Vezinhet, je ne le regrette plus maintenant !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 148 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 99:
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour l'adoption | 219 |
Contre | 97 |
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 31.
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