Séance du 22 décembre 1998
PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE
POUR 1998
Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi
de finances rectificative pour 1998, adopté avec modifications par l'Assemblée
nationale en nouvelle lecture.
Dans la discussion générale, la parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin,
en remplacement de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
projet de loi de finances rectificative comportait initialement vingt et un
articles. Après première lecture par l'Assemblée nationale, ce chiffre était
porté à quarante-cinq.
Le Sénat a ajouté dix articles supplémentaires. Il a adopté trente-deux
articles sans modification, dont quinze des vingt-quatre introduits par
l'Assemblée nationale, en application d'une règle de conduite qui se veut
constructive en permanence, malgré des délais d'examen extrêmement brefs. Il a
modifié neuf articles et en a rejeté quatre.
Lors de sa réunion du 16 décembre 1998, la commission mixte paritaire devait
donc examiner vingt-trois articles restant en discussion. Elle a dû constater
un désaccord portant sur le fond de la politique budgétaire du Gouvernement,
comme au sujet du projet de loi de finances pour 1999.
Soucieux d'éviter l'augmentation de l'endettement public et de respecter
l'annualité budgétaire, le Sénat souhaitait en effet limiter la dégradation du
déficit primaire pour 1998, en proposant de financer sur 1999, et à enveloppe
constante, des dépenses nouvelles imputées à l'exercice en cours mais à
dépenser en réalité l'année suivante.
L'Assemblée nationale n'a pas partagé cette analyse. C'est pourquoi la
commission considère qu'il n'y a pas lieu de délibérer une seconde fois sur le
présent projet, et elle vous proposera une motion tendant à opposer la question
préalable. Votre rapporteur souhaite toutefois détailler les points de
désaccord et aussi les rapprochements intervenus entre les assemblées, lesquels
ont d'ailleurs été plus nombreux que les points de désaccord.
Je commencerai par ces derniers.
En première partie et s'agissant des mesures budgétaires nouvelles,
l'Assemblée nationale est revenue sur l'équilibre du projet de collectif
budgétaire défini par le Sénat, qui souhaitait réduire le déficit primaire en
refusant l'imputation de certaines dépenses de 1999 sur l'exercice 1998.
Elle a donc rétabli l'excédent du projet de loi à 3,3 milliards de francs -
contre 5,2 milliards de francs pour le Sénat - à l'article d'équilibre,
l'article 1er, ainsi que les ouvertures de crédits qui avaient été refusées par
le Sénat aux articles 2 et 3.
J'en viens aux dispositions permanentes de la deuxième partie du projet de loi
de finances.
L'Assemblée nationale a rétabli, en le modifiant à la marge, l'article 11,
relatif à une réforme du droit de bail et de la taxe additionnelle au droit de
bail. Le Sénat avait entendu protester contre cette réforme complexe mais très
imparfaite qui, en vue d'un but louable de simplification, entraînerait en
l'état une double imposition des bailleurs, taxés deux fois sur les mêmes neuf
mois de loyer lors de la mise en place du nouveau système.
L'Assemblée nationale a également rétabli son texte à l'article 11
bis,
créant une « niche fiscale » favorable aux contribuables fortement imposés
sur le revenu, pour l'investissement dans les résidences locatives de tourisme
classées dans les zones de revitalisation rurale, sous réserve d'une précision.
Le Sénat avait souhaité étendre la portée de ce dispositif, tout en limitant le
cumul des avantages fiscaux.
Il avait également souhaité supprimer la réduction de 14 % à 6 % de la
déduction forfaitaire sur les revenus fonciers tirés de la location de ces
biens - c'était l'article 11
ter
- considérant que, tout en diminuant
fortement l'avantage fiscal, cette réduction était dénuée de lien intelligible
avec la réduction d'impôt proposée.
En ce qui concerne le régime des allocations pour frais d'emploi des
journalistes, l'Assemblée nationale est restée ferme sur sa position. Elle
avait porté, à l'article 15
bis,
le montant de 30 000 à 50 000
francs.
Le Sénat avait supprimé cet article. Notre commission maintenait sa préférence
pour le dispositif adopté par le Sénat, à l'article 2 du projet de loi de
finances, consistant à reporter d'un an encore le régime des abattements
professionnels prévu à l'article 5 de l'annexe III du code général des impôts,
dans l'attente d'une refonte complète de ce régime dans le droit commun de
l'impôt sur le revenu.
Tout en partageant l'objectif défendu par le Gouvernement et l'Assemblée
nationale, notre commission a jugé la méthode très contestable sur le plan de
l'égalité de traitement devant les charges publiques. En effet, comment
justifier qu'il soit fait un sort particulier aux journalistes alors que le
dispositif actuel comprend soixante-douze professions, dont, notamment, les
artistes, les pilotes de ligne, les chauffeurs routiers, les mannequins, les
internes des hôpitaux de Paris, certains ouvriers des industries textiles et
même des ouvriers d'imprimerie de journaux travaillant la nuit ?
La nécessité de sauvegarder le secret de leurs sources occasionne peut-être
des frais qui sont propres aux journalistes. Mais la plupart des professions
visées par le dispositif actuel subissent également des sujétions coûteuses
qu'il n'est pas toujours possible de justifier auprès de l'administration
fiscale sous forme de notes de frais. Pour toutes ces professions, y compris
les journalistes, les frais aisément identifiables et quantifiables sont
d'ailleurs déjà pris en charge par les organismes employeurs, par exemple tout
ceux qui sont relatifs aux missions occasionnant un éloignement du domicile.
En outre, il est difficile de justifier qu'il soit fait recours à un
dispositif législatif pour un seul cas, quand tous les autres seraient réglés
par voie réglementaire. Le Gouvernement a d'ailleurs admis, à l'Assemblée
nationale, que le problème n'était pas encore résolu pour toutes les
professions.
C'est la raison pour laquelle, dans l'intérêt même de la profession visée par
l'extrême sollicitude du législateur, il est apparu au Sénat qu'il était
nécessaire de mettre en place un dispositif juridiquement plus fiable et, en
attendant, de proroger le temps nécessaire le dispositif actuel.
L'Assemblée nationale a également rétabli son texte de la première lecture
pour l'article 16
quindecies,
relatif aux frais d'assiette perçus par
l'Etat sur le produit de la contribution sociale généralisée.
Enfin, l'Assemblée nationale n'a pas retenu le principe de gestion proposé par
notre commission pour le compte d'affectation spéciale retraçant les cessions
de titres publics, principe interdisant tout reversement de ces produits au
budget général - il s'agissait de l'article 17
bis -
et nous maintenons
que notre solution était la meilleure.
J'en viens maintenant aux principaux points d'accord, relevant au passage que
l'Assemblée nationale s'est rapprochée des thèses du Sénat : c'est, là encore,
un hommage rendu au bicaméralisme !
Il en a été ainsi de l'article 12
bis,
relatif à la prorogation de la
période pendant laquelle les titulaires de contrats d'assurance vie peuvent les
transformer en contrats investis en actions - il s'agit des contrats dits « DSK
» - en franchise d'impôt. Le Sénat préférait une durée supplémentaire d'un an,
l'Assemblée a opté pour six mois, quitte à revoir le sujet par la suite, mais
ce n'est là qu'une divergence mineure.
Il en a été également ainsi de l'article 15
bis
A, relatif à
l'ouverture de buvettes distribuant des boissons alcoolisées lors de
manifestations sportives locales. Compte tenu des réserves émises sur ce sujet
par les spécialistes de santé publique, le Conseil d'Etat et notre commission
des affaires sociales, la commission des finances du Sénat avait souhaité
limiter à cinq le nombre de dérogations annuelles pour les groupements sportifs
locaux, même si elle juge nécessaire la ressource financière correspondante
pour les clubs. L'Assemblée nationale a porté ce chiffre à dix, malgré la
préférence du Gouvernement pour la solution du Sénat.
L'Assemblée nationale a également donné son accord au Sénat sur l'article 15
ter,
révisant le régime juridique des allocations pour frais d'emploi au
regard du contrôle fiscal. Le Gouvernement a toutefois obtenu que les
allocations ainsi exonérées et exemptées de contrôle ne soient pas fixées par
voie réglementaire.
Comme le Sénat, l'Assemblée nationale a souhaité limiter, à l'article 16
decies,
les effets de la réduction des droits de mutation à titre
onéreux, votée en loi de finances, sur les SAFER.
L'Assemblée nationale a fait preuve de réserves compréhensibles à l'égard de
l'article 16
sedecies,
qui autorise, dans certaines conditions, les
entreprises d'assurance à déduire de leur résultat imposable les provisions
pour pertes de gestion sur les contrats d'assurance vie. La commission des
finances du Sénat s'était prononcée favorablement sur cet article, qui
constitue une application d'un principe excellent posé par elle lors de
l'examen de la situation du secteur des assurances. Mes chers collègues, nous
avions débattu de cette question à l'occasion de l'examen du rapport
«
Assurons l'avenir de l'assurance »,
présenté par M. Alain Lambert. Ce
principe, je le rappelle, veut que les règles prudentielles et fiscales
coïncident : c'est de bon sens !
Au sujet, cette fois, des collectivités locales, l'Assemblée nationale a donné
son accord sur l'article 19
ter
, inséré par le Sénat, accordant aux
collectivités une souplesse pour l'imputation comptable en section
d'investissement des dépenses de moins de 4 000 francs. Elle a également adopté
conforme l'article 22, relatif à une validation de taxes d'urbanisme que le
Sénat avait complétée, ainsi que l'article 24, relatif à un transfert de
propriété de barrages alsaciens de l'Etat au département du Haut-Rhin.
Sur le douloureux sujet de la remise de dette aux Etats touchés par le cyclone
Mitch - article 25 - l'Assemblée nationale s'est ralliée à la rédaction du
Sénat, modifiée sur l'initiative du Gouvernement, pour s'assurer de
l'exhaustivité de la remise des dettes.
L'Assemblée nationale a aussi adopté conforme l'article 26, relatif à la
revalorisation des rentes viagères entre particuliers.
Outre ces accords que l'on peut qualifier de complets, ou de quasiment
complets, la commission considère que sur trois sujets le désaccord n'est que
ponctuel, et que le débat pourra progresser à l'avenir.
Il en est ainsi de l'article 11
quater
, inséré sur l'initiative de la
commission, que l'Assemblée nationale a jugé prématuré, et relatif à une
exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit pour les logements
loués dans des conditions « intermédiaires », calées sur le nouveau dispositif
Besson. Le Sénat avait souhaité réactiver un régime créé sur l'initiative de M.
Alain Lambert, à qui nous rendons hommage,...
M. le président.
Très bien !
(Sourires.)
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je m'associe à cet hommage.
M. Jacques Oudin,
en remplacement de M. Philippe Marini, rapporteur général.
... et en
vigueur en 1995 et en 1996. L'Assemblée nationale n'a pas suivi le Sénat sur ce
point, mais le Gouvernement a déclaré récemment réfléchir à un allégement des
droits de mutation, ce qui apparaît nécessaire si l'on souhaite réellement
créer une nouvelle génération de bailleurs.
Il en est de même de l'article 16
septemdecies
, relatif à
l'européanisation du code général des impôts en ce qui concerne les OPCVM
investis en actions. Il s'agit d'un sujet transversal, les régimes fiscaux
applicables à la détention d'actions privilégiant souvent les actions
françaises au détriment des actions émises dans d'autres pays de l'Union
européenne. Le Gouvernement souhaite disposer d'un peu de recul pour un thème
sur lequel la Commission de Bruxelles demande à la France de supprimer ses
règles discriminatoires.
Il en est ainsi, enfin, de l'article 19
bis
, sur lequel la commission a
souhaité réduire la compensation au département de l'Essonne des pertes de son
fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle. Ni la commission
ni le Sénat n'entendaient, d'ailleurs, pénaliser l'Essonne, mais il s'agissait
seulement de s'assurer que le Gouvernement ne pénaliserait pas d'autres
collectivités par un prélèvement supplémentaire sur le fonds national de
péréquation. L'Assemblée nationale a rétabli cet article, assorti d'un
amendement rédactionnel.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a adopté deux articles nouveaux, dont le
Sénat n'a donc pas eu à connaître.
Ainsi, après l'article 16, elle a adopté un article additionnel, l'article 16
bis
A, tendant à la suspension des poursuites des rapatriés
surendettés.
Pour finir, après l'article 26, l'Assemblée nationale a adopté, sur
l'initiative du Gouvernement, un article additionnel, l'article 27, portant
garantie de l'Etat aux opérations de la Banque de France dans le cadre du plan
de sauvetage financier du Brésil. Cette garantie porte sur 1,25 milliard de
dollars. La commission a été informée très récemment de cette opération par
lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Toutefois,
elle se doit de remarquer le caractère tardif de cet amendement, voté après
l'échec de la commission mixte paritaire.
Réunie aujourd'hui même, la commission a décidé de proposer au Sénat
l'adoption d'une motion tendant à opposer la question préalable au projet de
loi de finances rectificative pour 1998, adopté en nouvelle lecture par
l'Assemblée nationale.
Mes chers collègues, j'ai déjà exposé longuement les motifs qui ont conduit la
commission à faire une telle proposition, je n'y reviens donc pas, pas plus que
sur la motion elle-même, dont vous connaissez les termes.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l'exposé
très clair et très complet de M. Oudin me dispensera de reprendre ce collectif
point par point.
Il est clair, M. Oudin l'a amplement montré, que la navette parlementaire a
enrichi ce texte et a permis d'en préciser un certain nombre d'aspects sans
pour autant en dénaturer le fond.
L'Assemblée nationale est revenue à certains principes : réduction du déficit
de 3,3 milliards de francs ; utilisation d'économies réalisées sur les dépenses
courantes pour financer des dépenses imprévues ; utilisation du surplus de
fiscalité, soit 13,3 milliards de francs, pour financer des dettes de l'Etat
qui n'avaient pas été apurées ou pour payer des allégements d'impôts anticipés.
Mais je ne rouvre pas le débat sur le fond.
Il est un point sur lequel je voudrais, en revanche, apporter quelques
précisions, parce que M. Oudin y a fait référence, à savoir l'amendement déposé
par le Gouvernement après l'échec de la commission mixte paritaire en ce qui
concerne le plan d'urgence de sauvegarde du Brésil. Si le dépôt de cet
amendement a été aussi tardif, et vous avez eu raison de le souligner, monsieur
Oudin, c'est parce que les négociations se sont poursuivies elles-mêmes très
tardivement.
Pour que vous compreniez bien l'urgence de ce dispositif, mesdames, messieurs
les sénateurs, j'indique que le Brésil était tout récemment encore dans une
situation financière délicate. Il était menacé de vivre une crise financière du
type de celles qui se sont développées en Asie.
Un plan de soutien de la communauté financière internationale a été défini ou,
plus précisément, a été négocié entre le Fonds monétaire international et le
Brésil. Le Brésil, de son côté, doit mener un vaste programme de stabilité
économique, tandis que, en contrepartie, la communauté internationale apporte
une aide de 41,5 milliards de dollars, somme qui se décompose ainsi : outre 27
milliards de dollars qui viendront des institutions multilatérales - le Fonds
monétaire international pour 18 milliards de dollars, la Banque mondiale pour
4,5 milliards de dollars et la Banque interaméricaine de développement pour 4,5
milliards de dollars - il y a, et c'est là où la France intervient, là où vous
devez intervenir, une ligne bilatérale de crédits à hauteur de 14 530 millions
de dollars dans laquelle la France participe à hauteur de 1,25 million de
dollars.
Il est clair que la France a intérêt à soutenir le Brésil : son économie est
très vaste, les banques françaises y sont engagées, nos industriels y réalisent
des investissements d'avenir ou des exportations tout à fait significatives.
C'est pourquoi la France est associée à ce plan de sauvetage.
L'objet de l'amendement gouvernemental auquel M. Oudin a fait allusion est
d'apporter en quelque sorte une contre-garantie de l'Etat à la Banque de France
apportant elle-même sa garantie de premier rang à l'opérateur européen, qui est
la Banque des règlements internationaux, laquelle coordonne le prêt à la Banque
centrale du Brésil.
Si donc le Gouvernement a dû recourir à une procédure exceptionnelle, c'est
parce que nous sommes là dans une situation elle-même exceptionnelle : outre
l'urgence financière, qu'il a fallu prendre en compte, les négociations ont été
longues. Le Brésil devait prendre des engagements et ses différents partenaires
devaient aussi s'engager d'une façon certaine.
Permettez-moi enfin de remercier de nouveau M. Oudin de son compte rendu très
fidèle des points d'accord constructifs et des points de désaccord - il en
subsiste - entre l'Assemblée nationale et le Sénat.
(Applaudissements sur
les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les
fins d'année civiles sont, selon certaines habitudes désormais bien ancrées,
toujours marquées par l'examen de projets de loi dans leur ultime lecture.
C'est le cas, aujourd'hui encore, avec ce collectif budgétaire, dont la
nouvelle mouture nous parvient, après que la commission mixte paritaire eut, si
je puis dire, brillamment échoué et que l'Assemblée nationale a, ce matin même,
procédé à un examen accéléré des dispositions restant en discussion.
Ce sont, au total, vingt-trois articles que la Haute Assemblée a cru devoir
supprimer, modifier ou ajouter au texte initialement voté par le
Palais-Bourbon, alors même que trente articles ont été adoptés conformes.
Que la commission mixte paritaire ait échoué ne nous étonne d'ailleurs pas,
attendu que la raison principale du désaccord tient à une différence
idéologique entre les deux assemblées, l'une s'efforçant de privilégier - avec
les insuffisances que l'on sait - la mobilisation de la dépense publique pour
répondre aux besoins sociaux, l'autre affirmant clairement une volonté de
réduire les déficits publics, comme pour permettre une meilleure rentabilité
aux marchés financiers qui, sinon, ne regarderaient plus désormais, paraît-il,
la France d'un oeil bienveillant !
De quoi se plaindraient d'ailleurs ces marchés, alors même que l'on vient de
mettre en place les fameuses obligations indexées sur l'inflation, qui
devraient assurer la rentabilité de tous les placements en valeurs du Trésor
?
Il est une seconde raison à l'échec de la commission mixte paritaire, et elle
est évidente : elle découle du rapport des forces politiques internes à chacune
des deux assemblées. Ainsi, une loi de finances, même rectificative, même
discutée en clôture d'exercice budgétaire, dès lors qu'elle procède de la
volonté politique d'un gouvernement de gauche, ne peut trouver l'assentiment de
la Haute Assemblée.
Mes chers collègues, sur bien des points, votre jugement est partisan et fait
d'
a priori
.
C'est donc pour des raisons purement politiciennes que la majorité du Sénat a
fini par opter pour l'échec de la commission mixte paritaire.
Nous avons déjà eu l'occasion de souligner à quel point cette démarche nous
paraissait vaine, sauf à faire de chacun des membres de cette assemblée le
Cassandre d'un désastre budgétaire annoncé pour 1999, par contrecoup d'une
crise financière internationale plus ou moins profonde qui marquerait plutôt un
échec assez spectaculaire de la mondialisation économique.
Je me permettrai donc de revenir sur cette question clé de la mondialisation,
qui motive en grande partie le fond de votre projet de loi de finances initiale
pour 1999, réécrit, que certains d'entre nous en aient conscience, et d'autres
non.
Présentée en effet comme une sorte de pilier du nouvel ordre économique qui
aurait cours depuis le début de la décennie, la mondialisation apparaît en
effet clairement, dans le contexte actuel, comme ce qu'elle est. C'est-à-dire
ni plus ni moins qu'un jeu à somme nulle où les pertes éventuelles sont
supportées par la collectivité et les populations au détriment de la
satisfaction des besoins de la société humaine.
L'exemple nous en est fourni par le Japon, qui va mobiliser 2 000 milliards de
dollars d'argent public. Cette somme n'ira pas, par exemple, aux victimes
encore sans logis du tremblement de terre de Kobe, pour venir au secours d'un
secteur immobilier en crise grave.
Que dire des pays dits en voie de développement où il suffit d'un cyclone pour
qu'apparaissent dans toute leur sécheresse les effets dévastateurs des
politiques d'ajustement structurel - c'est-à-dire l'application des dogmes
libéraux - prônées par le Fonds monétaire international en échange de quelques
subsides ?
Cette pensée libérale, que d'aucuns défendent ici avec constance et
acharnement, ne peut, selon nous, guider la démarche de notre gouvernement en
matière budgétaire.
Nous avons eu l'occasion de le dire dans le cadre du débat sur le projet de
loi de finances pour 1999, nous étions en cette matière en quelque sorte à la
croisée des chemins.
Nous persistons à croire, et l'expérience s'y prête avec ce projet de loi - en
effet, je ne me souviens pas d'un collectif budgétaire dans lequel nous n'ayons
pas eu à voter de prélèvements de fonds de caisse pour équilibrer les comptes
entre 1993 et 1997 - que le développement de la demande intérieure est le plus
sûr moyen d'assurer la croissance dans notre pays. La confiance des
consommateurs est le meilleur outil qui nous permettra de lutter contre toute
pression contraire venant de la demande extérieure.
J'observe d'ailleurs ici que le jour même où nous proposions à la Haute
Assemblée de procéder à l'attribution d'une aide exceptionnelle de fin d'année
pour les chômeurs et leurs familles, proposition qui n'a été votée par aucun
autre groupe que le nôtre, le Gouvernement annonçait une revalorisation du
revenu minimum d'insertion et de l'allocation de solidarité spécifique avec
effet rétroactif au 1er janvier 1998.
Nous sommes d'accord avec les acteurs du mouvement des chômeurs pour dire que
cela ne fait pas le compte mais que cela constitue néanmoins un premier pas
vers une plus grande volonté politique.
Il faudrait en effet à ce gouvernement plus d'audace et de volonté pour
s'écarter des dogmes libéraux qui emprisonnent et empoisonnent encore trop la
démarche qui est la sienne en matière budgétaire.
Nous sommes même convaincus qu'en répondant aux besoins collectifs de manière
plus complète et plus audacieuse finiront par se dégager aussi les moyens de
réduire les déficits publics.
Mais, avant les déficits comptables, ce qui nous paraît important, c'est de
réduire les déficits sociaux. Ce projet de loi n'est d'ailleurs pas encore, en
la matière, suffisamment porteur de cette volonté.
Nous avons ainsi apprécié qu'il assure le financement d'un certain volume de
dépenses sociales que la majorité du Sénat, sans doute échaudée, n'a pas cru
devoir remettre encore en cause.
Mais nous ne sommes que peu convaincus de la validité d'autres dispositions,
et singulièrement de toutes celles qui ne concernent
a priori
qu'un
nombre plus que réduit de nos compatriotes, sans une démarche plus générale
permettant de répondre à des attentes pourtant fortes.
Nous n'aurons pas l'occasion d'y revenir, dans la discussion des dispositions
restant encore en discussion, si la motion déposée par M. le rapporteur général
et tendant à opposer la question préalable était tout à l'heure adoptée.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
On ne sait jamais !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Nous estimons que l'article 87 de la loi de finances pour 1997 aurait dû être
modifié, afin de permettre à tous les salariés qui bénéficiaient d'abattements
pour frais professionnels, en raison de la spécificité de leur profession, de
continuer à en bénéficier. Il est très regrettable que l'article 15 ne concerne
que les journalistes, écartant ainsi les autres professions.
Si la question préalable n'était pas adoptée, nous défendrions à nouveau un
amendement permettant d'exonérer de la taxe foncière sur les propriétés bâties
les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion et de l'allocation de
solidarité spécifique. Il s'agissait d'une bonne mesure dont bénéficiaient
certains de nos concitoyens en difficulté, heureusement peu nombreux, et que
nous avions fait adopter par le Sénat.
Nous voulons également, monsieur le secrétaire d'Etat, exprimer notre
inquiétude face à la non-inscription, que ce soit dans la loi de financement de
la sécurité sociale ou dans la loi de finances initiale, des sommes nécessaires
à l'attribution de la prime de rentrée scolaire pour 1999.
La prime versée en 1998 a été inscrite dans le projet de loi de finances
rectificative pour 1998 dont nous débattons ce soir, mais nous pouvons nous
interroger sur la possibilité d'une telle inscription, sur son extension, par
la modification des conditions de ressources, et sur son augmentation, si le
taux de croissance était en deçà de 2,7 % en 1999. Nous avons noté, monsieur le
secrétaire d'Etat, l'engagement que vous avez pris de verser cette allocation
exceptionnelle de rentrée scolaire dès le mois d'août 1999.
En tout état de cause, si, à l'issue de cette navette, ce projet de loi devait
connaître le sort qui avait été le sien en première lecture, vous l'avez bien
compris, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, le groupe communiste républicain et citoyen ne pourrait y apporter
son approbation.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Question préalable