Séance du 31 mars 1999
M. le président. « Art. 30. - L'article 4 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 précitée est ainsi modifié :
« 1° a) La deuxième phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :
« Cette politique globale donne lieu à l'établissement de schémas de services de transport tels que définis à l'article 14-1 de la présente loi. » ;
« b) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« En tenant compte des orientations nationales et locales d'aménagement, les autorités compétentes pour l'organisation des transports et la gestion des infrastructures coordonnent leurs actions à partir d'une analyse globale et prospective des besoins de déplacements et harmonisent leur politique dans les aires urbaines et au niveau régional. » ;
« 2° La deuxième phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée :
« Pour les marchandises, le développement de l'usage du transport fluvial, ferroviaire, du transport et plus particulièrement du cabotage maritimes, notamment au moyen du transport combiné, revêt un caractère prioritaire. Ces usages doivent être encouragés. »
Par amendement n° 80, MM. Larcher, Belot et Revet, au nom de la commission spéciale, proposent de supprimer cet article.
La parole est à M. Larcher, rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Nous l'avons dit depuis le début de ce débat, nous ne sommes pas hostiles à la notion de services, mais nous pensons que le territoire doit être équipé. Nous ne pouvons donc qu'être défavorables à l'adoption des dispositions qui en tirent la conséquence.
Nous estimons qu'une analyse globale des besoins de déplacement est nécessairement prospective. Cet adjectif n'enrichit donc pas particulièrement le texte.
Par ailleurs, je m'étonne que, alors que le Premier ministre avait annoncé, dans sa déclaration de politique générale, l'abandon du canal Rhin-Rhône, le Gouvernement se propose désormais de développer de manière forte l'usage du transport fluvial de marchandises !
M. Alain Gournac. C'est bizarre !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Avec un certain nombre de nos collègues, nous ne voyons là qu'un effet d'annonce par rapport à des réalités vécues. Je tenais à le rappeler à ce moment de nos débats.
M. Alain Gournac. C'est très bizarre ! N'est-ce pas une contradiction ?
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. L'article 30 du projet de loi modifie sur trois points l'article 4 de la loi d'orientation des transports intérieurs, relatif à l'élaboration et à la mise en oeuvre de la politique globale des transports.
Premièrement, il substitue logiquement les schémas de services collectifs aux schémas de développement de transport.
Deuxièmement, il promeut la coordination de l'action des autorités compétentes en matière de transport de voyageurs au niveau régional. Cette coordination apparaît en effet comme l'une des clés du développement de l'usage des transports en commun, en particulier dans les espaces métropolitains. Les progrès réalisés grâce à l'Agence des déplacements des Alpes-Maritimes, par exemple, en témoignent. L'amélioration de cette coordination devrait figurer parmi les critères de la contractualisation prévue à la fin de l'article 4 de la LOTI.
Troisièmement, cet article institue, par parallélisme avec l'encouragement aux transports collectifs de voyageurs déjà prévu dans le texte, un encouragement au mode de transport non routier pour les marchandises. Les plaidoyers que l'on trouve dans le rapport du Sénat Fleuve, rail, route : des choix nationaux ouverts sur l'Europe en faveur du développement du fret par les modes ferroviaires ou fluviaux, l'inquiétude manifestée dans ce même rapport, comme dans le rapport de la commission spéciale, sur l'ouverture du corridor de fret contournant la France, me font penser que cet objectif est largement partagé par le Sénat.
Dans ces conditions, j'aurais pu comprendre que votre commission tire logiquement les conséquences de ces réserves sur les schémas de services pour refuser le premier point. Elle a toutefois déposé un autre amendement, l'amendement n° 86, pour ce faire.
Cet amendement de suppression constitue donc bien un rejet des deux autres points, qui apparaît plus comme une position de principe que comme le résultat d'un examen sur le fond.
La lecture du rapport de la commission l'illustre bien, le seul argument opposé à la coordination de l'autorité organisatrice se réduit à trouver l'adjectif « prospectif » inutile.
Quant au développement du fret ferroviaire et fluvial, nous avons tous en mémoire les paroles enthousiastes de M. Gérard Larcher, qui nous invitait au début de ce débat à suivre l'exemple des Pays-Bas, qui ont investi 25 milliards de francs dans la Betuvelijn.
Permettez-moi de vous rappeler qu'en France, pour ce qui est du fret, le contournement de Lyon coûte 7 milliards de francs et celui de Nîmes et de Montpellier, 4 milliards de francs.
Je m'étonne de votre refus, monsieur le rapporteur, de voir figurer cette priorité dans la loi. Il me semble que, ce faisant, vous ne mettez pas votre vote en adéquation avec vos discours. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l'amendement de suppression.
Monsieur le rapporteur, vous me permettrez de ne pas insister trop lourdement sur la nécessité de l'approche intermodale.
Dans un premier temps, le précédent gouvernement avait souhaité confier cette approche intermodale à la sagesse des acteurs publics, invités à travailler d'abord sur des schémas monomodaux. Cela n'a pas marché.
Cela a tellement peu marché que le précédent gouvernement, en tirant la leçon, a confié à M. Daubresse un rapport destiné à examiner la faisabilité d'un sixième schéma, celui des plates-formes multimodales.
Pour ce qui est de ma position sur le canal Rhin-Rhône, ne tombons pas dans la caricature ! On peut être favorable à des aménagements autoroutiers et estimer qu'il n'est pas absolument indispensable qu'ils relient le mont Blanc et le mont Rose ! On peut être favorable à la voie fluviale, considérer, dès lors, que la priorité c'est la modernisation du réseau Freycinet,...
M. Hilaire Flandre. Il y a du travail !
M. Louis Althapé. C'est vrai, il y a à faire !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... c'est l'équipement en canaux de gabarit européen de zones où les flux et le relief le justifient, et ne pas trouver normale la réalisation coûteuse d'une infrastructure dont il est quasiment prouvé qu'elle aurait manqué d'eau pendant une bonne partie de l'année et qu'elle n'aurait pas permis de remédier à la tendance lourde, qui est l'utilisation du fluvio-maritime pour le transport des marchandises entre des ports aussi importants que Marseille et Rotterdam.
Par conséquent, soyons soucieux d'utiliser chaque mode de transport pour ce qu'il fait le mieux et de ne pas réagir de façon caricaturale.
Je vous ai épargné, monsieur le rapporteur, l'illustration des leçons à tirer de l'accident du tunnel sous le Mont-Blanc parce que nous sommes tous sous le choc de cet accident d'une gravité exceptionnelle.
Il faut pourtant bien reconnaître que le refus de prendre en compte les coûts environnementaux ne nous aide pas à réorienter un certain nombre de nos choix vers le mode ferroviaire.
Il faut prendre en compte les effets négatifs de la route de manière sérieuse, et ce n'est pas Michel Charlet, maire de Chamonix, qui me contredira, conscient qu'il est des coûts humains et environnementaux de ce mode de transport. En effet, la vallée de Chamonix subit des nuisances tout à fait exceptionnelles, qui portent d'ailleurs préjudice à d'autres activités sur lesquelles se fonde le potentiel de la vallée.
Il me semble que le moment est venu d'internaliser l'ensemble des coûts et de faire en sorte que nos choix fiscaux et d'infrastructures tiennent compte à la fois de l'utilité sociale et de l'impact social, au sens large, des équipements. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Larcher, rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Mme le ministre n'ayant manifestement pas lu - ou alors elle l'a caricaturé ! - l'amendement n° 84 de la commission, je lui rappelle les termes de son paragraphe III : « Le schéma directeur d'équipements et de services ferroviaires révise et prolonge jusqu'en 2020 le schéma directeur national des liaisons ferroviaires à grande vitesse, qui comprend aussi les liaisons par train pendulaire. Il définit les liaisons ferrées de transport d'intérêt national, les liaisons de transport de type autoroute ferroviaire et les liaisons ferrées régionales, de telle sorte que soient assurées la continuité et la complémentarité des réseaux, aussi bien pour les personnes que pour les marchandises. » J'arrête là ma citation pour ne pas allonger les débats.
Essayer de faire croire que, après avoir cité l'exemple néerlandais, nous l'aurions oublié au troisième jour de nos débats est une caricature que je ne peux accepter. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 80.
M. Jacques Bellanger. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Au travers de cet amendement, la majorité du Sénat affirme une orientation totalement différente de celle du Gouvernement.
Monsieur le rapporteur, il ne faut caricaturer les positions ni des uns ni des autres,...
M. Alain Gournac. Très bien ! Voilà un homme sage !
M. Jacques Bellanger. ... en particulier pas celle du Gouvernement.
L'article 30 du projet vise à modifier la LOTI ; c'est le principe, c'est la fondation. Je donne lecture de son dernier paragraphe : « Pour les marchandises, le développement de l'usage du transport fluvial, ferroviaire, du transport et plus particulièrement du cabotage maritimes, notamment au moyen du transport combiné, revêt un caractère prioritaire. Ces usages doivent être encouragés. » N'est-il pas important que ce texte demeure ? La commission veut le mettre ailleurs. Nous tenons, nous, à ce que cela figure dans les principes.
Par ailleurs, il y a un refus de la référence au schéma de services collectifs. Là encore, on va additionner des secteurs sectoriels - cinq, me semble-t-il. Or, lorsqu'on fait cela, qu'on le veuille ou non, on met automatiquement en retrait l'intermodalité.
Je ne suspecte pas la commission d'être contre l'intermodalité. Je dis simplement que, par ce qu'elle propose, elle la remet automatiquement en cause. Elle s'en tient, en fait, à une logique de l'offre et non à une logique des besoins.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Jacques Bellanger. Le rééquilibrage en faveur des transports autres que la route est pour nous un impératif, mes chers collègues.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Jacques Bellanger. Un certain nombre d'amendements qui vont nous être présentés tendent à favoriser ce rééquilibrage. Nous verrons bien les positions des uns et des autres !
Met-on dans la balance le coût des accidents de la route ? Aucun gouvernement ne l'a fait. Le reproche s'adresse donc à tous.
Je souhaite rappeler quelques chiffres. Au cours des dix dernières années, les investissements de l'Etat dans les transports ont représenté 61 milliards de francs par an, dont 25 milliards de francs en faveur du réseau routier national, contre seulement 17,5 milliards de francs pour le chemin de fer. Mais à cela s'ajoutent les 30 milliards de francs destinés à la voirie départementale et communale, si bien que l'on a accordé, en fait, 55 milliards de francs à la route et 17,5 milliards de francs au chemin de fer.
Ce n'est pas acceptable. Voilà pourquoi, sans caricaturer la position de qui que ce soit, nous sommes contre cet amendement de suppression. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Daniel Hoeffel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. L'intervention de Mme la ministre, tout à l'heure, sur les différents modes de transport me conduit à intervenir très brièvement pour dire que la plurimodalité des transports ne doit négliger aucun mode de transport.
De plus en plus, en Europe, et dans notre pays en particulier, la voie routière, la voie ferroviaire, classique et à grande vitesse, mais aussi la voie fluviale doivent participer de manière équilibrée à l'acheminement des marchandises.
Contrairement à ce qui a été affirmé - on voudra bien m'excuser de redire, à ce propos, ce que j'ai déjà indiqué dans la discussion générale - je considère moins que jamais la voie fluviale comme une voie désuète.
M. Charles Revet, rapporteur. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. Plus l'espace européen s'élargit, plus la voie fluviale permet d'« amarrer » dans de bonnes conditions notre territoire national aux grands réseaux de transport d'Europe occidentale et centrale.
M. Alain Gournac. Très bien.
M. Daniel Hoeffel. De surcroît, les exemples que nous connaissons dans les pays voisins démontrent que le développement du transport de marchandises par voie d'eau dépasse les prévisions les plus optimistes.
C'est la raison pour laquelle je me devais, en cet instant du débat, et en sachant que ma position ne correspond pas nécessairement à celle de certains de nos collègues, d'exprimer un acte de foi en faveur de la voie fluviale, élément essentiel d'un aménagement du territoire inscrit dans une perspective européenne. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je ne vous infligerai pas, bien que j'en aie la tentation, des citations issues du travail des commissions thématiques consacrées au transport et présidées par M. François-Poncet à l'époque de la discussion préalable aux tentatives d'élaboration d'un schéma national. M. Hoeffel connaît ces textes par coeur, car c'est sans doute un sujet sur lequel vous avez abondamment discuté dans le passé.
Nous n'allons pas non plus, monsieur Hoeffel, reproduire un jeu de rôles bien convenu.
Je souhaite vous convaincre que je suis extrêmement soucieuse d'utiliser chaque mode de transport pour ce qu'il fait de mieux. C'est indispensable. Cela suppose notamment, pour que l'on puisse calculer l'efficacité économique de chaque mode de transport, que l'on ne développe pas des infrastructures concurrentes pour les mêmes usages sur les mêmes axes et que l'on cherche à optimiser les équipements.
Cela suppose également que l'on aille au-delà de la formule que vous avez utilisée. En effet, dire que l'on va faire en sorte que chaque mode de transport participe de manière équilibrée sans se donner les moyens d'internaliser les coûts, c'est donner une priorité quasi permanente à la route.
Je me préoccupe de la rénovation du réseau fluvial existant. Je constate d'ailleurs que la part du fluvial dans le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, a augmenté de façon singulière depuis quelques années, passant de 300 millions de francs à 450 millions de francs cette année.
Je souhaite aussi que l'on utilise au mieux le cabotage maritime et qu'il y ait une bonne articulation entre le maritime et le ferroviaire.
A cet égard, je prendrai l'exemple de Port 2000. C'est là un projet de grande ampleur que certains écologistes ont contesté, notamment parce qu'il provoquera la disparition d'une zone de reproduction d'oiseaux migrateurs relativement intéressante. Il nous a toutefois semblé fondamental d'encourager ce projet, qui permettrait de ne pas avoir de rupture de charge trop importante pour les conteneurs, qui passeraient directement, sur un même lieu, du bateau qui a traversé l'Atlantique à la plate-forme ferroviaire qui les emporterait sur leur lieu de destination.
Vous me direz qu'il n'y a rien là de nouveau, que vous connaissez ce genre de sujet par coeur. Je constate tout de même que, quand on ne se donne pas les moyens de faire une discrimination positive en faveur du rail, avec notamment une approche qui internalise l'ensemble des problèmes - les accidents, la pollution, les emplois, l'impact sur les milieux, la contribution à l'effet de serre - on choisit quasi systématiquement la route, et ce dans un contexte social que l'on connaît bien et qui nous apparaît moyenâgeux à bien des égards.
M. Jean François-Poncet, président de la commission spéciale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Jean François-Poncet, président de la commission spéciale. S'agissant du transport fluvial, Mme la ministre a bien voulu se référer à mes propos. Je constate toutefois que ses références sont sélectives,...
M. Alain Gournac. Ah !
M. Jean François-Poncet, président de la commission spéciale. ... qu'elle recherche dans les textes à l'élaboration desquels j'ai participé les citations qui, par hasard, vont dans son sens. (Sourires.)
Après tout, c'est un péché véniel, et qui ne le commet pas ?
M. Bernard Piras. Vous savez de quoi vous parlez !
M. Jean François-Poncet, président de la commission spéciale. Pas du tout !
Je souhaite simplement faire deux observations.
Pour ce qui est de la liaison Rhin-Rhône, il est vrai que la commission thématique mise en place pour préparer le schéma national avait émis des doutes. Elles n'avait pas pris position contre, elle s'était interrogée.
Nous avions en effet entendu un très grand nombre de techniciens qui, uniquement pour des raisons de rentabilité, étaient extrêmement restrictifs. Nous avions donc le sentiment qu'il fallait nous donner un temps de réflexion supplémentaire. Nous n'étions pas allés au-delà.
En l'espèce, le problème est très simple : en dehors de Rhin-Rhône, il n'y a pas, exception faite de Seine-Nord, d'autre axe qui représente un potentiel de navigation fluviale important.
Il faut bien se rendre à l'évidence : les crédits accordés au transport fluvial en France sont tout simplement dérisoires. Mme la ministre signalait qu'au sein du FITTVN le transport fluvial avait vu ses crédits passer de 300 millions à 450 millions de francs. Je me permets de faire observer qu'en Allemagne, sur dix ans, c'est 105 milliards de francs.
Cette augmentation de crédits, c'est une goutte d'eau dans la mer ! Que l'on ne nous dise donc pas qu'on s'intéresse au transport fluvial en France, car ce n'est pas vrai.
Et qu'on ne nous dise pas non plus, comme je l'ai entendu tout à l'heure, que la priorité est aux plates-formes multimodales.
Je veux bien, mon cher collègue, que vous l'érigiez en principe - j'y suis tout à fait favorable - mais je vous renvoie aux crédits que le FITTVN y consacre comparés à ceux qu'il accorde aux autoroutes !
Mes chers collègues, nous pouvons ici, pour faire plaisir aux uns et aux autres, ou pour sacrifier à une mode parler tout son soûl, mais ensuite il faut voir les faits !
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Jean François-Poncet, président de la commission spéciale. J'ai assisté, madame le ministre, pas plus tard qu'avant-hier, à la conférence régionale préparatoire au contrat de plan que le président du conseil régional, d'ailleurs socialiste, avait fort opportunément organisée. Nous avons examiné à la fois le schéma de services pour les universités et le schéma de services pour les routes.
S'agissant des infrastructures routières, nous avions à notre disposition un document élaboré par le directeur régional de l'équipement et apparaissant comme une longue litanie de tout ce qu'il fallait faire en matière d'équipements ; in fine il était écrit que, si tout cela ne suffisait pas, il faudrait bien envisager de construire des équipements. (Rires.)
Personnellement, je considère que la démarche consistant à donner la priorité aux services sur les équipements est une bonne démarche, elle n'est pas critiquable, au contraire.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Oui !
M. Jean François-Poncet, président de la commission spéciale. Quand les présidents de conseils généraux - de toutes tendances politiques - sont intervenus, de quoi ont-ils parlé ?... Ils n'ont parlé que d'équipements !
M. Charles Revet, rapporteur. Bien sûr !
M. Jean François-Poncet, président de la commission spéciale. C'est la seule chose dont ils ont parlé !
M. Charles Revet, rapporteur. Ils avaient raison !
M. Jean François-Poncet, président de la commission spéciale. Nous n'avons parlé que de cela avec le préfet de région, car ce sont les vraies préoccupations des élus sur le terrain.
M. Charles Revet, rapporteur. Il faut aller sur le terrain pour le voir !
M. Jean François-Poncet, président de la commission spéciale. Je veux bien que l'on dise tout ce que l'on veut ; on peut ici raconter des histoires pour se faire plaisir, mais la réalité un jour saute au visage ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous avons tous entendu les excellents développements qui ont traité de l'intermodalité. Faut-il faire de l'intermodalité avant de faire les infrastructures ? Faut-il faire des services sans infrastructures ? Faut-il uniquement utiliser l'existant et ne pas développer les infrastructures ? Tout cela me paraît un peu irréel !
On nous a reproché d'avoir conduit une politique de l'offre sans nous occuper des besoins. Croyez-vous réellement que, de 1960, époque à laquelle nous avions 63 kilomètres d'autoroute, à 1999, où nous en avons pas loin de 9 000, lorsque nous avons créé des sections autoroutières, des TGV, nous ne nous sommes pas occupés des besoins que nous devions satisfaire ?
Les propos que j'ai entendus sont hors de la réalité.
J'ai entendu certains collègues prétendre que l'accélération vertigineuse des transports de marchandises par routes conduisait à une catastrophe nationale.
Je veux bien que l'on dise cela dans cet hémicycle, mais je voudrais quand même aussi recueillir l'avis des opérateurs économiques, qu'ils soient des particuliers ou des entreprises : 75 % des voyageurs uilisent la route ; 95 % des marchandises en valeur, 85 % des marchandises en volume transitent par la route.
Ne pourrait-on pas s'interroger pour savoir pourquoi le particulier, le voyageur, prend sa voiture plutôt qu'un autre moyen de transport ?
Ne pourrait-on pas s'interroger pour savoir pourquoi le chef d'entreprise qui souhaite installer son usine à la campagne, dans une petite ville, utilise le camion plutôt que le chemin de fer ?
On parle beaucoup d'intermodalité. Mais qu'est-ce qui est en train de tuer l'intermodalité ? Ce sont les grèves tournantes de la SNCF !
D'un côté, vous avez la route, moyen de transport fiable, rapide, et qui couvre tout le territoire. De l'autre, vous avez le rail, qui ne vous garantit pas une desserte fiable et qui a fait en outre un choix stratégique erroné majeur.
Nous sommes les champions de la technologie. Nous avons le TGV : c'est formidable, c'est fabuleux. Mais lorsque vous arrivez avec votre camion de marchandises dans une gare de TGV, vous avez du mal à mettre votre marchandise sur le TGV. Il ne la prend pas ; il a pris la ligne, mais il ne prend pas la marchandise.
Nous avons fait le choix, voilà vingt-cinq ans, du TGV voyageurs quand d'autres ont fait le choix du transport fret par rail parce que chaque mode de transport a son objectif, sa clientèle.
Parler d'intermodalité sous prétexte que cela peut nous satisfaire intellectuellement est une vue de l'esprit. Interrogez les opérateurs économiques pour savoir quel type d'intermodalité ils veulent, quel mode de transport ils vont utiliser pour acheminer leur marchandise ou pour se rendre eux-mêmes d'un endroit à un autre ? Connaître leur opinion est important.
A nous, élus, une question importante se pose : comment financer tout cela ?
J'ai entendu un de nos collègues dire que nous avions investi - collectivités locales et Etat - 50 milliards de francs dans la route. Alors, parlons du financement de l'aménagement du territoire et faisons les additions.
Je citerai quelques chiffres. Vous avez dit, mon cher collègue, que nous avons investi 17 milliards de francs pour le chemin de fer et 50 milliards de francs pour la route. Dans les 50 milliards de francs - laissons de côté les collectivités locales - 15 milliards de francs ont été consacrés aux autoroutes.
Je vous signale que le système autoroutier s'autofinance complètement : 1 milliard de francs investi dans les autoroutes, c'est, dix ans plus tard, 1 milliard de franc d'équilibre.
Le financement du rail est tout à fait différent. Quel est le déficit annuel du système français à l'heure actuelle ? Vaste débat ! Les chiffres sont mal connus ; ils évoluent entre 50 milliards et 70 milliards de francs, selon que l'on prend ou non en compte les retraites des cheminots.
En gros, le chiffre annoncé par le ministère des transports est de 58 milliards de francs, moins 13 ou 14 milliards de francs pour les retraites des cheminots, soit 45 milliards de francs ; moins 5 milliards de francs pour la région parisienne, plus 10 milliards de francs de contribution des collectivités locales : résultat 50 milliards de francs de déficit annuel.
Mes chers collègues, le déficit annuel des chemins de fer est de 50 milliards de francs et il faudrait investir encore 17 milliards de francs ! Soit, mais il faut savoir que lorsqu'on investit - c'est un choix - 1 milliard de francs dans le chemin de fer, cela génère 1 milliard de francs de déficit en dix ans de fonctionnement. (Murmures.)
Oui, ce sont des chiffres qui ne font pas plaisir à entendre.
M. François Gerbaud. Vous n'avez pas le droit de dire cela ; ce n'est pas correct !
M. Jacques Oudin. Malheureusement, c'est la réalité. Je suis le seul membre de la commission des finances actuellement en séance : les chiffres font mal quand on les annonce mais il se trouve qu'ils reflètent la réalité !
Dès lors, on peut bien parler d'intermodalité mais, moi, je pose les questions suivantes : qui financera et comment ? Nous en débattrons tout à l'heure d'ailleurs à l'occasion de la discussion des nombreux amendements que j'ai déposés. Quel sera le bilan financier avec un budget - excusez-moi du peu - qui affiche un déficit de 240 milliards de francs par an ? Je veux bien que nous fassions des promesses sur l'avenir en recommandant de financer l'intermodalité, mais je veux vous dire qu'il faut savoir quelles sont les recettes en face. Qui va payer ? Certaines recettes peuvent autofinancer certains modes de transports ; mais d'autres sont à comptabiliser au titre du déficit public.
Alors, mes chers collègues, madame le ministre, regardons la façon dont nous pourrons financer l'aménagement du territoire : vous verrez, au bout du compte vous aurez certaines surprises. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Denis Badré. C'est du bon sens !
M. Jacques Bellanger. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Je tiens à réfuter un certain nombre d'arguments qui ont été avancés.
Je ne veux pas ouvrir le débat sur la question du déficit de la SNCF, mais les comptes de M. Oudin ont été un peu rapides...
M. Alain Gournac. C'est quand même un déficit !
M. Jacques Bellanger. Il faudra qu'on mette un jour les comptes à plat. Franchement, tout ce qui est excessif à ce point n'est pas très recevable comme argument !
M. Jean Chérioux. La réputation de la SNCF n'est pas très nette !
M. Jacques Oudin. Les chiffres sont là : ce sont quand même des déficits !
M. Jacques Bellanger. Je note toutefois, monsieur Oudin, que vous avez le courage de remettre en cause l'intermodalité, et là, vous m'intéressez. En effet, sans vouloir mettre en cause les orientations retenues par les rapporteurs, j'ai souvent l'impression que l'intermodalité est certes approuvée dans cette assemblée mais sur le mode de la prière, comme s'il fallait affirmer son soutien à l'intermodalité.
Monsieur Oudin, merci ! Au moins, nous savons que vous, qui votez régulièrement les textes proposés par la commission, vous êtes contre l'intermodalité. C'est bien ! Nous avons des différences ! Vous venez de le dire, en tout cas...
M. Charles Revet, rapporteur. C'est de la caricature !
M. Jacques Bellanger. Enfin, je voudrais faire allusion aux voies d'eau.
Je comprends parfaitement que l'on soit attaché au développement des voies d'eau, mais je crois - là aussi, c'est la notion de service - qu'on ne peut pas développer une infrastructure si celle-ci n'est pas dotée d'un exploitant crédible.
Or nous avons à notre disposition une structure qui est en cours de remise en ordre et qui est un outil, de ce point de vue, inégalé. Je veux parler de la SNCF. Il reste encore des progrès à faire, notamment, en ce qui concerne la couverture du territoire et la reconquête d'un certain nombre d'espaces...
M. Hilaire Flandre. Et la reconquête de la clientèle !
M. Jacques Bellanger. ... mais nous avons un outil qui est crédible.
S'agissant de la route, les outils dont nous disposons sont beaucoup moins nombreux. Vous conviendrez que nos transporteurs routiers manquent trop souvent d'expérience en matière de développement des services avancés à forte rentabilité ; je vise, pour l'essentiel, toute la logistique. A cet égard, nous sommes en déficit par rapport à d'autres concurrent étrangers.
Quant à la voie d'eau, notre situation est dramatique. Si nous accroissions brutalement nos capacités de transport par voie d'eau - c'est une vue de l'esprit ! - nous ne trouverions pratiquement aucune entreprise française capable de développer le trafic correspondant. Quand nous parlons voies d'eau, nous devons donc parler à la fois structures et constitution d'entreprises de services.
Telles sont les objections que je voulais faire. Bien évidemment, tout ce débat ne fait que nous encourager à voter contre l'amendement n° 80.
M. Jean-Paul Emorine. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Emorine.
M. Jean-Paul Emorine. Comme nombre de nos concitoyens, je suis très préoccupé par l'environnement. J'avais cru comprendre, à une époque, que le transport par voie d'eau nécessitait trois fois moins d'énergie que par la route et deux fois moins que par le rail.
J'habite près du val de Saône, et j'étais très sensible à la liaison Rhin-Rhône. Que, pour des raisons que je peux comprendre, on annule un certain tracé de la liaison Rhin-Rhône, je le conçois. En revanche, que le pays ne dispose pas de projet alternatif pour tout ce qui concerne la liaison entre la Méditerranée et l'Europe centrale me déçoit beaucoup. Vous verrez que l'histoire nous donnera raison sur ce point.
Mme la ministre parlait des canaux Freycinet. Il faut être sérieux ! Ils ont été creusés il y a un siècle, ils ne peuvent pas être adaptés aujourd'hui !
Pour répondre à M. Bellanger, certaines régions françaises sont prédisposées à la voie d'eau. Il suffit d'aller en Allemagne pour constater que des transporteurs seraient prêts à relier la Méditerranée à l'Europe centrale ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 80, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 30 est supprimé.
Article additionnel après l'article 30