Séance du 11 mai 1999
M. le président. La parole est à M. Chérioux, auteur de la question n° 518, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Jean Chérioux. Je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, attirer l'attention du Gouvernement sur les graves répercussions qu'entraîne la réduction de l'exonération de cotisations sociales dont bénéficiaient les personnes âgées de plus de soixante-dix ans pour l'emploi d'une personne à domicile.
L'article 5 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 a en effet supprimé l'exonération totale de cotisations sociales patronales accordée à ces personnes. Désormais, l'exonération ne sera plus accordée qu'aux personnes les plus dépendantes et sera limitée à soixante-cinq heures rémunérées au SMIC par mois dans les autres cas. Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, le Sénat s'était très vigoureusement opposé à cette mesure qui paraissait tout à fait contraire à la politique menée depuis plusieurs années visant à favoriser le maintien à domicile des personnes âgées tout en créant de véritables emplois d'aide à domicile.
Force est de constater que les faits lui donnent aujourd'hui raison. De nombreuses personnes âgées ont déjà décidé de limiter, pour des raisons financières, leur recours à l'emploi à domicile. Je l'ai moi-même constaté dans mon arrondissement parisien. Les associations mandataires voient donc leur activité se réduire brutalement et rencontrent des difficultés financières qui pourraient conduire à leur disparition.
A terme, c'est l'avenir même de ce secteur, qui joue pourtant un rôle essentiel dans le maintien à domicile des personnes âgées, qui est menacé. Les conséquences pour l'emploi s'annoncent d'ores et déjà désastreuses. J'ai même connu des cas de licenciement.
Comment entendez-vous remédier rapidement à cette situation que vous avez vous-même provoquée, monsieur le secrétaire d'Etat ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Monsieur le sénateur, vous vous inquiétez des effets négatifs que le plafonnement de l'exonération accordée aux personnes âgées pourrait avoir sur leur maintien à domicile, sur l'activité des associations mandataires et sur l'emploi.
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité vous rappelle, en premier lieu, que la rémunération versée par les personnes âgées à leurs aides à domicile reste exonérée en totalité des cotisations patronales de sécurité sociale dès lors que le besoin de l'assistance d'une tierce personne est avéré.
La mesure adoptée lors de la dernière loi de financement de la sécurité sociale ne va donc pas à l'encontre du maintien à domicile des personnes âgées éprouvant des difficultés pour accomplir les actes ordinaires ou essentiels de la vie. Simplement, il ne paraissait pas équitable que des personnes, du simple fait de leur âge, bénéficient d'une aide identique aux personnes dépendantes.
Je rappelle que l'exonération des particuliers employeurs représente un effort de la collectivité nationale de plus de 2 milliards de francs par an, ce qui autorise à être vigilant sur la pertinence de l'affectation d'un tel effort. Vous ne pouvez, monsieur le sénateur, qu'adhérer à un tel principe, vous qui êtes à l'origine de la disposition fiscale exonérant de la taxe sur les salaires les particuliers dont l'état nécessite le recours à l'emploi de plusieurs salariés à leur domicile, et uniquement eux.
Il importe, en second lieu, d'observer que cette mesure est de nul effet pour la majorité des particuliers employeurs.
En effet, le plafond de rémunération au-delà duquel les rémunérations versées seront pleinement assujetties à cotisations est égal à 65 fois le SMIC par mois, soit 2 614 francs. Or près de 90 % des particuliers employeurs actuellement bénéficiaires de l'exonération déclarent un salaire inférieur à cette somme, plus des trois quarts versant même moins de 1 500 francs brut par mois. Ces chiffres ne sont d'ailleurs pas étonnants quand on sait que 70 % des personnes âgées indiquent employer leur aide à domicile moins de six heures par semaine.
J'ajoute que les particuliers employeurs non dépendants qui déclarent des salaires supérieurs à 2 614 francs ne sont pas pour autant exclus du bénéfice de l'exonération. Celle-ci est simplement limitée à la partie du salaire n'excédant pas 2 614 francs. Cela représente tout de même une aide de 805 francs par mois, soit près de 10 000 francs par an, qui viennent s'ajouter à la réduction d'impôt de 22 500 francs, dont on bénéficie lorsqu'on est imposable, ce qui est le cas généralement lorsqu'on est en mesure de verser plus de 2 614 francs par mois à un salarié à domicile.
Quant au surcroît de cotisations, il peut être pour partie effacé par cette réduction d'impôt. Ainsi, pour un salaire brut de 3 200 francs par mois, le surcoût induit par la mesure s'établit, avant réduction d'impôt, à 2 150 francs par an et, après réduction d'impôt, à moins de 1 100 francs par an.
Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, la mesure adoptée cet automne sur l'initiative du Gouvernement n'est donc pas de nature à entraver le développement des emplois familiaux et, par là même, des associations mandataires. Bien au contraire, en contrepartie des économies ainsi réalisées, les charges des services d'aide à domicile ont été diminuées, ce qui devrait permettre à ces services d'offrir aux personnes âgées dépendantes - je n'ai bien sûr rien contre les personnes âgées non dépendantes - des prestations à un coût moins élevé et assurées par des professionnels formés et encadrés - sur ce point, nous sommes évidemment d'accord - favorisant ainsi leur maintien à domicile le plus longtemps possible.
Il est ainsi répondu à une revendication traditionnelle des associations d'aide à domicile, dont la Haute Assemblée s'est souvent fait l'écho.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous le savez bien, le Sénat n'a jamais contesté la nécessité de ne pas faire bénéficier les associations prestataires de services d'une exonération totale. Ce que nous ne comprenons pas, c'est pourquoi le Gouvernement a cru bon de réduire parallèlement l'exonération dont bénéficient les personnes âgées de plus de soixante-dix ans.
Vous venez de nous expliquer que c'était par esprit de justice.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Tout à fait !
M. Jean Chérioux. En réalité, c'était pour des raisons financières et budgétaires. (M. le secrétaire d'Etat s'exclame.)
Vous mettez en avant l'esprit de justice, mais vous n'avez pas tout à fait raison sur ce point.
Vous avancez également l'argument de la professionnalisation. Or, monsieur le secrétaire d'Etat, sur le terrain, on constate que la professionnalisation n'est pas uniquement l'apanage des associations prestataires de services et que les associations mandataires ont également beaucoup oeuvré en faveur d'une professionnalisation accrue des intervenants à domicile. Il serait donc grave que ces associations mandataires disparaissent.
Vous avez répondu à ma question en termes de coût financier par personne. Mais vous avez oublié de tenir compte du fait que l'équilibre financier des associations mandataires a toujours reposé sur les personnes âgées qui consomment beaucoup d'heures hebdomadaires d'aide à domicile et non sur celles qui, pour des raisons de coût, ne peuvent bénéficier que de quelques heures par semaine.
La réduction de l'exonération de charges pour les personnes âgées de plus de soixante-dix ans entraîne la diminution du nombre d'heures demandées, ce qui provoque de graves difficultés financières aux associations. On constate en effet une réduction, que vous le vouliez ou non. Or ce n'est pas parce que les personnes âgées réduisent le nombre d'heures demandées qu'elles n'ont pas besoin d'aide.
Que se passe-t-il en réalité ? Il y a deux hypothèses.
La première hypothèse, la plus regrettable, c'est que ces personnes âgées soient obligées de quitter leur domicile et d'aller dans des établissements d'accueil parce que, évidemment, elles ont besoin de ces aides.
La seconde hypothèse, c'est qu'elles continuent à utiliser les services d'aides à domicile, mais sans les déclarer complètement, ce qui est aussi extrêmement regrettable non seulement sur le plan moral, mais aussi quant aux conséquences financières sur les associations mandataires.
J'ajoute enfin que le décret fixant les nouvelles modalités d'exonération de charges sociales n'est toujours pas paru - vous le savez mieux que quiconque, monsieur le secrétaire d'Etat - ce qui place les personnes et les associations concernées dans la plus grande incertitude juridique. Or vous savez qu'il n'y a rien de plus grave !
INDEMNISATION DES MALADES CONTAMINÉS
PAR LE VIRUS DE L'HÉPATITE C POST-TRANSFUSIONNELLE