Séance du 10 juin 1999
M. le président. « Art. 14. - I. - Est puni de 2 ans d'emprisonnement et de 2 500 000 F d'amende le fait de procéder ou de faire procéder à une ou plusieurs ventes volontaires de meubles aux enchères publiques sans que la société qui organise la vente soit titulaire de l'agrément du conseil des ventes volontaires prévu à l'article 4 ; sans que la personne dirigeant la vente remplisse les conditions requises pour exercer l'activité de commissaire-priseur ou soit titulaire d'un titre, d'un diplôme ou d'une habilitation reconnu comme équivalent ; malgré l'interdiction à titre temporaire ou définitif de diriger de telles ventes ; ou malgré la suspension ou le retrait temporaire ou définitif de cet agrément.
« Les personnes physiques coupables de l'une des infractions aux dispositions prévues au présent article encourent également les peines complémentaires suivantes :
« 1° L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ;
« 2° L'affichage ou la diffusion de la condamnation prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal ;
« 3° La confiscation des sommes ou objets irrégulièrement reçus par l'auteur de l'infraction, à l'exception des objets susceptibles de restitution.
« II. - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, des infractions définies au présent article. Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1° L'amende suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;
« 2° Pour une durée de cinq ans au plus, les peines mentionnées aux 1°, 2°, 3°, 4°, 8° et 9° de l'article 131-39 du code pénal. L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 du code pénal porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »
Sur cet article, je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 49, M. Dejoie, au nom de la commission des lois, propose de remplacer le premier alinéa du I de cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 2 500 000 francs d'amende le fait de procéder ou de faire procéder à une ou plusieurs ventes volontaires de meubles aux enchères publiques :
« - si la société qui organise la vente ne dispose pas de l'agrément prévu à l'article 4, soit qu'elle n'en est pas titulaire, soit que son agrément a été suspendu ou retiré à titre temporaire ou définitif ;
« - ou si le ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'espace économique européen qui organise la vente n'a pas procédé à la déclaration prévue à l'article 21 ;
« - ou si la personne qui dirige la vente ne remplit pas les conditions prévues à l'article 7 ou est frappée d'une interdiction à titre temporaire ou définitif de diriger de telles ventes. »
Par amendement n° 14 rectifié, M. Gouteyron, au nom de la commission des affaires culturelles, propose de remplacer le premier alinéa du I de l'article 14 par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 2 500 000 francs d'amende le fait de procéder ou de faire procéder à une ou plusieurs ventes volontaires de meubles aux enchères publiques :
« - si la société qui organise la vente ne dispose pas de l'agrément prévu à l'article 4, soit qu'elle n'en est pas titulaire, soit que son agrément a été suspendu ou retiré à titre temporaire ou définitif ;
« - ou si le ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'espace économique européen qui organise la vente n'a pas procédé à la déclaration prévue par l'article 21 ;
« - ou si la personne qui dirige la vente ne remplit pas les conditions requises par l'article 7 ou est frappée d'une interdiction à titre temporaire ou définitif de diriger de telles ventes. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 49.
M. Luc Dejoie, rapporteur. L'objet de cet amendement n'est pas uniquement rédactionnel, il vise également à étendre les sanctions pénales susceptibles d'être encourues par les professionnels, non seulement aux professionnels nationaux, mais également aux professionnels étrangers qui exerceront dans notre pays au titre de la libre prestation de services.
Selon le projet de loi, un professionnel autorisé à vendre en France, puisqu'il est Français, pourrait être sanctionné s'il enfreint la loi, alors qu'un étranger ne pourrait pas l'être. Nous proposons de supprimer cette discrimination négative pour nos nationaux.
M. le président. La parole est à M. Gouteyron, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 14 rectifié.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Cet amendement est identique à l'amendement n° 49 à deux mots près. Dans le dernier alinéa, nous parlons des conditions « requises par l'article 7 », alors que la commission des lois parle des conditions « prévues à l'article 7 ». Cela ne justifie pas une grande bataille. (Sourires.)
L'objectif est le même : il s'agit de prévoir les mêmes sanctions pénales pour les ressortissants européens exerçant à titre occasionnel en France que pour les Français.
Mais je retire mon amendement au bénéfice de celui de la commission des lois.
M. le président. L'amendement n° 14 rectifié est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 49 ?
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Il faut bien distinguer deux choses : la situation des ressortissants communautaires qui viennent s'établir en France et qui, par conséquent, sont concernés par le droit applicable dans notre pays, et celle des professionnels qui viennent occasionnellement exercer leur activité de services sur notre sol.
Du point de vue de la législation et de la jurisprudence communautaires, je voudrais rappeler qu'il a été jugé par la Cour de justice des Communautés, dans un arrêt du 26 février 1991 « Commission contre France », qu'« un Etat membre ne peut subordonner l'exécution de la prestation de services sur son territoire à l'observation de toutes les conditions requises pour son établissement, sous peine de priver de tout effet utile les dispositions destinées à assurer la libre prestation de services ».
Il faut donc considérer que, le prestataire de services étant déjà soumis à la législation de son Etat d'établissement, il serait discriminatoire de lui imposer des contraintes pénales supplémentaires. D'ailleurs, ce qui vaudrait, dans l'hypothèse de la commission, pour les ressortissants communautaires agissant ponctuellement en France, vaudrait aussi et serait également discriminatoire par exemple pour des Français, si un autre pays décidait de mettre en oeuvre une telle disposition.
Nous devons donc attirer votre attention, monsieur le rapporteur, sur les effets qu'entraînerait l'adoption de l'amendement que vous avez présenté.
En outre, ces contraintes pénales paraissent disproportionnées au regard des objectifs visés. En effet, les ressortissants communautaires ne sont soumis qu'à une obligation de déclaration auprès du conseil des ventes lorsqu'ils souhaitent exercer, sous forme de prestations de services ; des sanctions disciplinaires sévères, comme par exemple l'interdiction d'exercer sur le territoire français, suffiront à nos yeux à assurer le respect de la loi.
M. Luc Dejoie, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Luc Dejoie, rapporteur. Il ne nous semble pas qu'il s'agisse véritablement ici d'une entorse au droit communautaire.
Dans un cas, le professionnel n'a qu'une déclaration à faire ; dans l'autre, il doit obtenir un agrément. En matière de droit pénal, il ne m'apparaît pas qu'un étranger ait le droit de faire ce qui serait interdit à un Français. Autrement, il y aurait impunité, et l'on ne doit pas pouvoir la reprocher à l'Etat français dans ces conditions particulières.
Nous pouvons en discuter longuement, mais la jurisprudence évoquée par Mme la ministre ne me semble pas s'appliquer dans ce cas de figure. Jugez-en : j'agis mal, je ne suis pas honnête et, au prétexte que je suis étranger, on ne peut rien me dire ; j'agis mal et je ne suis pas honnête et, au prétexte que je suis Français, je peux être puni. Il y a là quelque chose que je ne peux pas comprendre, et je ne sais pas comment expliquer plus précisément que je viens de le faire mon incompréhension. Pour moi, l'assimilation me semble évidente. Peut-être, lors des lectures ultérieures, pourrons-nous y revenir mais, pour l'heure, je préfère maintenir le point de vue de la commission des lois.
M. René-Georges Laurin. Il faut le maintenir !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 49, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 14, ainsi modifié.
(L'article 14 est adopté.)
Article additionnel après l'article 14