Séance du 18 novembre 1999
M. le président. « Art. 14. _ I. _ Le troisième alinéa de l'article L. 355-23 du code de la santé publique est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les dépenses afférentes aux missions énoncées dans le présent article sont prises en charge par l'assurance maladie, sans qu'il soit fait application des dispositions du code de la sécurité sociale et du code rural relatives à l'ouverture du droit aux prestations couvertes par les régimes de base, au remboursement de la part garantie par l'assurance maladie, à la participation de l'assuré aux tarifs servant de base aux remboursements ainsi qu'au forfait mentionné à l'article L. 174-4 du code de la sécurité sociale.
« Un décret fixe les modalités d'application du présent article. »
« II. _ Au chapitre IV du titre VII du livre Ier du code de la sécurité sociale, il est inséré une section 9 intitulée : "Dépenses relatives aux prestations dispensées dans des consultations à vocation préventive" qui comprend l'article L. 174-16 ainsi rédigé :
« Art. L. 174-16 . _ I. _ Les dépenses des consultations de dépistage anonymes et gratuites prévues à l'article L. 355-23 du code de la santé publique et réalisées dans les établissements de santé soumis au régime de financement institué à l'article L. 174-1 sont incluses dans la dotation globale annuelle des établissements concernés, dans les conditions prévues par l'article L. 174-1.
« La répartition des sommes versées aux établissements au titre de l'alinéa précédent est effectuée chaque année suivant la répartition de la dotation globale hospitalière pour l'année considérée, telle qu'elle résulte de l'application de l'article L. 174-2.
« Ces dépenses sont incluses dans l'objectif prévisionnel d'évolution des dépenses des établissements prévu à l'article L. 174-1-1.
« II. _ Les dépenses des consultations de dépistage prévues à l'article L. 355-23 du code de la santé publique et effectuées dans des structures autres que celles mentionnées au I sont prises en charge par l'assurance maladie sous la forme d'une dotation forfaitaire annuelle.
« Les modalités d'application du présent II sont fixées par décret. »
« III. _ L'article 6 bis de la loi n° 67-1176 du 28 décembre 1967 relative à la régulation des naissances et abrogeant les articles L. 648 et L. 649 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. 6 bis . _ Sans préjudice des dispositions du titre II du livre III du code de la santé publique, les centres de planification ou d'éducation familiale peuvent, dans le cadre de leurs activités de prescription contraceptive et sous la responsabilité d'un médecin, assurer le dépistage et le traitement de maladies transmises par la voie sexuelle. Ils assurent de manière anonyme le dépistage et le traitement de ces maladies. Ils interviennent à titre gratuit en faveur des mineurs qui en font la demande et des personnes qui ne relèvent pas d'un régime de base d'assurance maladie ou qui n'ont pas de droits ouverts dans un tel régime. Dans ces cas, les dépenses relatives au dépistage et au traitement sont prises en charge par les régimes d'assurance maladie, sans qu'il soit fait application des dispositions du code de la sécurité sociale et du code rural relatives à l'ouverture du droit aux prestations couvertes par les régimes de base, au remboursement de la part garantie par l'assurance maladie et à la participation de l'assuré aux tarifs servant de base aux remboursements. Un décret pris après avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France fixe les modalités d'application du présent article. Ce décret fixe également les conditions dans lesquelles les dépenses afférentes à ce dépistage et à ce traitement sont prises en charge par les organismes d'assurance maladie sur la base des tarifs déterminés dans les conditions prévues au chapitre II du titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale. »
« IV. _ Les dispositions du présent article entrent en vigueur au 1er janvier 2000. »
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. L'article 14 a pour objet, à partir du 1er janvier 2000, de transférer aux organismes d'assurance maladie la part à la charge de l'Etat des dépenses relatives au dépistage et au traitement de certaines maladies réalisés par les consultations de dépistage anonyme et gratuit, les CDAG, et par les centres de planification ou d'éducation familiale, les CPEF.
Je ne comprends pas pourquoi on nous propose une telle réforme, alors que le Gouvernement a annoncé qu'un projet de loi sur la santé publique serait soumis au Parlement au cours du premier trimestre de l'année prochaine.
De plus, cet article marque, encore une fois, soit la frilosité, soit le désengagement de l'Etat en matière de santé et d'éducation sanitaire.
Par ailleurs, en reportant ces charges sur le régime d'assurance maladie, dont vous ne garantissez pas que les dotations compensatrices resteront à des niveaux satisfaisants pour les années à venir, je crois que vous mettez en place un mécanisme dangereux.
En fait, cet article est inadapté aux exigences d'une prévention moderne. Je vous mets au défi de penser que nos concitoyens sont capables d'identifier une volonté de santé publique et de prévention qui reste toujours au coup par coup. C'est pourquoi il me semble utile, comme va nous le proposer M. le rapporteur, de supprimer l'article 14.
M. le président. Par amendement n° 97, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose de supprimer l'article 14.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Comme M. Leclerc vient de le rappeler, cet article, qui n'a pas été modifié par l'Assemblée nationale, a pour objet de transférer à compter du 1er janvier 2000 aux organismes d'assurance maladie les dépenses engagées par l'Etat au titre du dépistage et du traitement de certaines maladies réalisées par les consultations de dépistage anonyme et gratuit et les centres de planification ou d'éducation familiale.
Le Gouvernement estime à 26,6 millions de francs la portée du transfert financier de l'Etat vers l'assurance maladie. Cette estimation repose sur les crédits ouverts par la loi de finances pour 1999 à l'article 30 du chapitre 47-18 du budget de la santé et de la solidarité, sans aucune réévaluation prenant en compte, au moins, le taux de progression des dépenses générales de l'Etat.
En outre, toute estimation par rapport aux dépenses engagées par les CDAG au titre des années précédentes serait probablement erronée, la loi n° 99-641 du 29 juillet 1999 instituant une couverture maladie universelle ayant doublement étendu la mission des CDAG.
Aux termes de cette loi, en effet, les CDAG seront désormais chargées, non seulement du dépistage du VIH mais aussi d'accompagner les malades dans la recherche de soins appropriés et de participer à la lutte contre d'autres maladies transmissibles, notamment les hépatites virales.
Ainsi, au mois de juin, le Gouvernement élargit les missions des centres, et, au mois de novembre, il propose d'en transférer la charge financière à l'assurance maladie.
Pour les CPEF, l'ampleur du transfert financier est évaluée par le Gouvernement à 2,72 millions de francs. Il intervient alors que le Gouvernement annonce, dans le dossier de presse du ministère consacré au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, un plan national d'information et d'action destiné à assurer un exercice effectif du droit à la contraception et la réalisation d'une campagne de communication en faveur de la contraception d'urgence, de nature à favoriser une augmentation de ces dépenses. Mme Aubry a évoqué hier ce problème de la contraception d'urgence.
La commission des affaires sociales s'est opposée à ce transfert des charges, qui ne s'accompagne pas des crédits correspondants : elle vous propose donc, mes chers collègues, d'adopter un amendement de suppression.
Vraiment, je ne comprends pas, madame le secrétaire d'Etat ! La santé publique est une mission régalienne de l'Etat. On nous en parle assez, qu'il s'agisse des problèmes de la femme ou des problèmes de prévention. Or l'Etat se désengage aux dépens du budget de la sécurité sociale, et ce pour des sommes dérisoires. Il en va de même pour l'article 15, même si les sommes concernées sont un peu plus importantes.
Madame le secrétaire d'Etat, cette mesure obéit-elle à un principe philosophique, auquel cas c'est grave ? De toute façon, d'un point de vue financier, elle ne présente pas d'intérêt. (MM. Huriet et Leclerc applaudissent.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Les sommes en question sont - vous l'avez dit vous-même, monsieur le rapporteur - dérisoires. Le problème n'est donc pas très important.
M. Charles Descours, rapporteur. C'est le principe !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Par ailleurs, cette somme dérisoire est prise en compte dans l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM. (M. le rapporteur proteste.) Nous n'allons pas polémiquer là-dessus, monsieur le rapporteur !
En fait, cette mesure participe d'un principe de clarification. Les actes liés au dépistage doivent être pris en charge par l'assurance maladie. En effet, il s'agit d'actes médicaux de prévention secondaire. De plus, il est nécessaire que les centres de dépistage aient affaire à un interlocuteur unique, pour une action ou un programme global.
En outre, l'Etat ne se désengage nullement de la prévention primaire, bien au contraire ; vous le verrez lors de l'examen du projet de loi de finances. Les crédits consacrés à la santé publique et aux campagnes de prévention sont en augmentation. Il n'y a donc aucune incohérence dans la politique menée par le Gouvernement à cet égard. A l'Etat revient la responsabilité de l'éducation à la santé et de la prévention primaire ; à l'assurance maladie revient la prise en charge du dépistage et des soins y afférents.
Il n'y a vraiment pas lieu de supprimer l'article 14, qui constitue une clarification et une affirmation des différentes responsabilités.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Madame la secrétaire d'Etat, j'accepte votre argument de clarification mais alors ; transférez les fonds !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Ils figurent dans l'ONDAM !
M. Charles Descours, rapporteur. L'année dernière, ils étaient inscrits dans la loi de finances.
Lorsque vous allez venir prochainement devant la commission avec Mme Aubry, vous nous présenterez un projet de budget dans lequel ne figurent plus les CDAG ni les CPEF. Autrement dit, vous allégez le budget de l'Etat au motif que c'est l'ONDAM, et donc la sécurité sociale, qui supportera la charge. S'il y a clarification, allons jusqu'au bout et procédons à une clarification financière !
Je retirerais mon amendement si vous nous disiez que, avec le transfert de compétence, vous donnez l'argent correspondant. Sinon, ce n'est pas acceptable.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Je répète, monsieur le rapporteur, que les crédits nécessaires à la prise en charge de ce dépistage dans les centres sont pris en compte dans l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie. Quant aux charges de l'Etat concernant la prévention primaire, vous constaterez dans les lignes budgétaires consacrées à cette fin qu'elles sont en augmentation. A structure constante, les crédits affectés à la lutte contre le sida et aux maladies transmissibles augmenteront en 2000 de 5,6 %.
On ne peut donc parler de désengagement de l'Etat. Il y a, en fait, une augmentation des crédits utilisés à des fins d'éducation à la santé, de prévention primaire, assortie d'une clarification de la prise en charge des soins de prévention secondaire par l'assurance maladie.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Le malentendu persiste, madame le secrétaire d'Etat.
Je rappelle que les 26 millions de francs comme les 2 millions de francs en cause étaient des crédits, alors que l'ONDAM - vous le savez comme moi - est un objectif de dépenses. Vous supprimez donc des crédits pour les affecter à un objectif de dépenses. Cette stratégie budgétaire m'échappe un peu, je dois le dire.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 17.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Nous sommes, nous aussi, quelque peu perplexes devant cet article, qui transfère à l'assurance maladie le financement des centres de dépistage et d'éducation familiale.
A priori - vous connaissez notre attachement à une véritable politique de santé publique - nous ne sommes pas favorables à ce transfert. Je sais bien qu'il y a des efforts de communication à faire ; mais tout le monde s'accorde à dire que la prévention devrait être une priorité nationale assumée par l'Etat, responsable de la politique de santé publique.
Je m'interroge donc sur l'affectation à l'ONDAM des charges préalablement inscrites au budget. L'avenir nous donnera réponse. En tout cas, il s'agit de dépenses marginales au regard de ce que l'on peut appeler un transfert, comme l'a dit M. le rapporteur.
Certes, aujourd'hui, il y a un problème au niveau des hôpitaux. Il faut donc que les choses soient claires, car les hôpitaux sont déjà suffisamment mis à contribution.
Bien entendu, nous sommes totalement en désaccord avec les politiques qui ont été menées précédemment comme avec les motivations de la commission. Mais nous souhaitons qu'il y ait éclaircissement et surtout communication.
Dans ces conditions, nous nous abstiendrons sur cet amendement.
M. Claude Huriet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Madame le secrétaire d'Etat, sauf erreur de ma part, vous avez fait référence à la possibilité pour les personnes qui s'adressent à ces centres, qui vont à ces consultations, de bénéficier des soins. Vous ai-je bien compris ?
Or je lis dans les dispositions en vigueur que ces consultations sont destinées à effectuer de façon anonyme et gratuite la prévention, le dépistage et le diagnostic de l'infection par le virus de l'immuno-déficience humaine, ainsi que l'accompagnement dans la recherche de soins appropriés.
Si l'on en reste à ces attributions, je ne vois rien qui puisse justifier un tel transfert.
En conséquence, je me rallie à la position de la commission.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Sauf à ne pas maîtriser ma parole, j'ai parlé non pas de soins mais d'actes médicaux de dépistage.
Dans la mesure ou l'on veut que la santé publique comprenne à la fois de la prévention, des actes médicaux de prévention, du soin, il est important qu'il y ait une clarification entre les responsabilités de l'Etat en termes de prévention primaire d'éducation à la santé et celles de l'assurance maladie, qui prend en charge les actes médicaux, qu'ils soient de prévention ou de soins.
En l'occurrence, cet article concerne la clarification de la prise en charge des actes médicaux de prévention. Il me semble que les actes de dépistage qui sont effectués dans les centres de dépistage anonymes et gratuits sont des actes médicaux de prévention secondaire. Aussi me paraît-il normal que l'assurance maladie les prenne en charge. C'est un moyen de reconnaître que la prévention est un acte de soins, un acte de santé publique tout à fait important.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, repoussé par le Gouvernement.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 14 est supprimé.
Article 15