Séance du 18 novembre 1999
M. le président. « Art. 15. _ I. _ L'article 3 de la loi n° 70-1320 du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et la répression du trafic et de l'usage illicite des substances vénéneuses est ainsi rédigé :
« Art. 3 . _ Les dépenses de prévention résultant du titre VI du livre III du code de la santé publique, ainsi que les dépenses de soins des personnes mentionnées à l'article L. 355-21 de ce code, sont à la charge de l'Etat.
« Toutefois, lorsque la cure de désintoxication est réalisée avec hébergement dans un établissement de santé, les dépenses afférentes à la cure sont prises en charge par les régimes d'assurance maladie, sans qu'il soit fait application des dispositions du code de la sécurité sociale et du code rural relatives à l'ouverture du droit aux prestations couvertes par les régimes de base, au remboursement de la part garantie par l'assurance maladie, à la participation de l'assuré aux tarifs servant de base au remboursement ainsi qu'au forfait mentionné à l'article L. 174-4 du code de la sécurité sociale. »
« II. _ Le second alinéa de l'article L. 628-5 du code de la santé publique est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les dépenses d'aménagement des établissements de cure ainsi que les dépenses de soins entraînées par l'application des articles L. 628-1 à L. 628-3 sont prises en charge par l'Etat.
« Toutefois, lorsque la cure de désintoxication est réalisée avec hébergement dans un établissement de santé, les dépenses afférentes à la cure sont prises en charge par les régimes d'assurance maladie, sans qu'il soit fait application des dispositions du code de la sécurité sociale et du code rural relatives à l'ouverture du droit aux prestations couvertes par les régimes de base, au remboursement de la part garantie par l'assurance maladie, à la participation de l'assuré aux tarifs servant de base au remboursement ainsi qu'au forfait mentionné à l'article L. 174-4 du code de la sécurité sociale.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application des dispositions des deux alinéas précédents. »
« III. _ Au chapitre IV du titre VII du livre Ier du code de la sécurité sociale, il est créé une section 10 ainsi rédigée :
« Section 10
« Dépenses afférentes aux cures de désintoxication
«
Art. L. 174-17
. _ Dans les établissements de santé régis par
l'article L. 174-1, les dépenses liées à une cure de désintoxication réalisées
avec hébergement et prises en charge par l'assurance maladie au titre de
l'article 3 de la loi n° 70-1320 du 31 décembre 1970 relative aux mesures
sanitaires de lutte contre la toxicomanie et la répression du trafic et de
l'usage illicite des substances vénéneuses et de l'article L. 628-5 du code de
la santé publique sont incluses dans la dotation globale annuelle des
établissements concernés, dans les conditions prévues par l'article L.
174-1.
« La répartition des sommes versées aux établissements au titre du précédent
alinéa est effectuée chaque année suivant la répartition de la dotation globale
hospitalière pour l'année considérée, telle qu'elle résulte de l'application de
l'article L. 174-2.
« Les dépenses mentionnées au premier alinéa sont incluses dans l'objectif
prévisionnel d'évolution des dépenses des établissements prévu à l'article L.
174-1-1. »
« IV. _ Les dispositions du présent article entrent en vigueur au 1er janvier
2000. »
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc.
Madame le secrétaire d'Etat, l'article 15 procède de la même philosophie que
l'article 14, et je ne répéterai pas les propos de M. le rapporteur.
Permettez-moi seulement de vous faire remarquer que, alors que vous prétendez
vouloir plus de transparence, c'est la confusion qui règne aussi bien dans les
recettes que dans les dépenses.
En fait, l'ONDAM s'avère être un fourre-tout, et les actions sont menées au
coup par coup.
En tout cas, je ne comprends absolument pas votre désengagement en matière de
prévention alors que la population attend plutôt un affichage clair en matière
de santé publique.
Permettez-moi aussi de vous faire remarquer que ce transfert de responsabilité
financière de l'Etat vers l'assurance maladie, s'agissant des soins aux
toxicomanes hébergés, ne manquera pas de soulever une difficulté majeure au
regard des dispositions légales sur l'injonction thérapeutique, qui pourrait,
si ce transfert se faisait, se heurter à des contraintes financières, mais
cette fois au niveau de l'assurance maladie.
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 18 est présenté par M. Descours, au nom de la commission des
affaires sociales.
L'amendement n° 77 est présenté par M. Jean-Louis Lorrain et les membres du
groupe de l'Union centriste.
Tous deux tendent à supprimer l'article 15.
La parole est à M. Descours, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 18.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Mes chers collègues, le désengagement de l'Etat se poursuit.
Nous voici à un article plus cher...
M. François Autain.
Il y en a à tous les prix !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Oui, mais au lieu de 25 millions ou 28 millions de francs, ce
sont 73 millions de francs qui sont concernés ! En effet, l'article 15 a pour
objet de transférer aux organismes d'assurance maladie, à compter du 1er
janvier 2000, les dépenses engagées par l'Etat au titre des cures de
désintoxication des personnes toxicomanes, réalisées avec hébergement dans les
établissements de santé.
Pour les mêmes raisons de principe que précédemment, parce qu'elle considère
que c'est une des missions de l'Etat que de faire de la prévention, la
commission demande la suppression de cet article.
Cette position est encore renforcée par le fait que cet article - monsieur
Fischer, j'espère que vous allez faire un effort et, cette fois, ne pas
simplement vous abstenir ! - met à la charge des hôpitaux publics des dépenses
résultant de l'exécution des décisions de justice.
Et pourtant, il y a un malaise des hôpitaux, personne ne le nie. Nous avons
reçu une pétition signée par cent chefs de service nous informant des
conditions très difficiles dans lesquelles ils travaillent.
Certes, la somme en cause est symbolique, rapportée au budget des hôpitaux, je
le sais bien. Mais justement, la symbolique est forte et, je le répète : ou
c'est une question de principe et c'est grave, ou il s'agit de faire des
économies et, vraiment, le jeu n'en vaut pas la chandelle !
Je vous demande donc, mes chers collègues, au nom de la commission, de
supprimer cet article.
M. le président.
La parole est à M. Huriet, pour présenter l'amendement n° 77.
M. Claude Huriet.
Mon amendement étant identique à celui de la commission, je n'ai rien à
ajouter.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 18 et 77
?
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
M. le rapporteur se doute bien que je ne vais pas être
d'accord avec lui !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Ne prenez pas de mauvaises habitudes, madame la secrétaire
d'Etat !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je ne prends pas de mauvaises habitudes ! J'ai des
convictions, et je veux les défendre !
Un toxicomane dont la cure de sevrage nécessite une hospitalisation de longue
durée est un malade. Le caractère médical des soins justifie donc que ceux-ci
soient pris en charge dans le cadre de l'assurance maladie.
Par conséquent, cet article est nécessaire : il permet d'assurer une prise en
charge globale de l'ensemble des patients hospitalisés, quelle que soit
l'origine de l'hospitalisation. C'est le meilleur moyen de garantir l'anonymat
des toxicomanes et de prendre en considération leur besoin de soins.
Les organismes et établissements de santé qui accueilleront ces patients
auront un seul interlocuteur pour leur prise en charge : l'assurance
maladie.
Cela ne préjuge pas du tout un désengagement en matière de prévention,
d'information et de suivi de la toxicomanie. Toutefois, dès l'instant où le
toxicomane est considéré comme un malade qui nécessite des soins médicaux, il
est normal que sa prise en charge soit assurée par l'assurance maladie.
Par conséquent, j'émets un avis défavorable sur ces deux amendements
identiques.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 18 et 77.
M. Guy Fischer.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Je vais confirmer l'analyse que j'ai faite lors de mon intervention sur le
précédent article.
Tous ceux qui sont proches du fonctionnement des hôpitaux et qui sont appelés
à traiter les cas les plus lourds, notamment en matière de toxicomanie, sont
confrontés à un véritable problème. Or, au travers de cet article, on va encore
accentuer les difficultés qu'ils rencontrent, sans avoir déterminé auparavant
les efforts concrets qu'il conviendrait d'entreprendre.
Certes, on nous dit que les crédits dévolus à l'ONDAM progressent. Mais on
sait bien que ces enveloppes sont réparties selon les régions et que nous avons
affaire, s'agissant notamment des cures de désintoxication, à l'un des
problèmes les plus difficiles qui soit.
Pour bien connaître cette question, je crois pouvoir affirmer que l'on va
ajouter la difficulté à la difficulté. C'est la raison pour laquelle le groupe
communiste républicain et citoyen s'abstiendra sur ces amendements.
M. François Autain.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Autain.
M. François Autain.
Je voudrais répondre brièvement à l'argumentation développée par MM. Descours
et Huriet à propos des missions respectives de l'Etat et de la sécurité
sociale.
Je veux bien reconnaître que l'Etat a une mission à remplir en matière de
prévention ; mais l'affirmation selon laquelle ce ne serait pas le cas de la
sécurité sociale...
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je n'ai pas dit cela !
M. François Autain.
... est démentie par les faits. En effet, que je sache, la sécurité sociale a
engagé et financé des opérations de prévention, s'agissant par exemple du
cancer du sein et du cancer du côlon.
Par conséquent, la distinction opérée par MM. Descours et Huriet me paraît
tout à fait artificielle. On peut très bien reconnaître que la sécurité sociale
a des missions très importantes dans ce domaine et qu'elle joue son rôle à la
satisfaction des malades et des usagers.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Nous ne sommes pas contre la clarification ; mais que l'on
transfère les fonds !
Si Mme le secrétaire d'Etat nous dit qu'il faut clarifier les choses pour que
ce domaine soit désormais financé par les crédits de l'ONDAM des hôpitaux, nous
sommes d'accord. D'ailleurs, M. Fischer aurait pu alors voter cet article. Mais
lui qui est un défenseur des hôpitaux, il ne peut pas, en l'état actuel, le
voter, bien que faisant partie de la majorité plurielle. Vous-mêmes, mes chers
collègues du groupe socialiste, vous êtes ennuyés de le voter.
M. François Autain.
Absolument pas !
M. Claude Domeizel.
Ne parlez pas pour nous !
M. François Autain.
Ai-je l'air ennuyé ? Je suis serein !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je ne voudrais pas polémiquer, mais nous dirons aux médecins
des hôpitaux que le groupe socialiste est ravi qu'on leur enlève 73 millions de
francs !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Il s'agit non pas de prévention, mais de soins
véritables, puisque ce sont des cures médicales de désintoxication. C'est un
acte de « réparation » concernant des personnes considérées comme malades. Il
est donc normal que l'assurance maladie les prenne en charge, au même titre que
n'importe quel malade qui est accueilli à l'hôpital. C'est la banalisation de
la prise en charge de ces patients qui leur garantit un traitement bénéficiant
du droit commun.
Reconnaître qu'un toxicomane, comme un alcoolique, doit être pris en charge
par l'assurance maladie représente un progrès, me semble-t-il.
M. François Autain.
Bien sûr !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Dans le cadre de l'ONDAM, 73 millions de francs sont
consacrés à cette prise en charge. Aucune surcharge ne pèse donc sur les
établissements sanitaires. Il s'agit simplement d'une clarification des
interlocuteurs financiers des établissements sanitaires pour ces malades
particuliers, qui vont perdre leur particularité en entrant dans le droit
commun.
M. François Autain.
Très bien !
M. le président.
Monsieur Descours, l'amendement n° 18 est-il maintenu ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
Le président de la fédération hospitalière de France doit
vous succéder à cette tribune, monsieur le président. Je ne suis pas certain
qu'il sera d'accord avec l'argumentation de Mme le secrétaire d'Etat.
Toutefois, puisque c'est vous qui présidez pour l'instant, je ne vais pas
invoquer le président suivant. Je ne suis pas sûr que la fédération
hospitalière de France ait intégré ce genre de transfert dans son budget des
hôpitaux pour 2000. Mais arrêtons-nous là !
Nous maintenons notre amendement et nous savons que le monde hospitalier est
dernière nous.
M. François Autain.
C'est le vice-président du Sénat qui préside la séance ! Ce n'est pas le
président de la fédération hospitalière de France !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Rassurez-moi, monsieur le président : c'est bien un
vice-président du Sénat et non pas le président d'une fédération hospitalière
qui présidera cette assemblée ?
M. le président.
Il est exact que mon collègue Gérard Larcher doit assurer la présidence de la
séance de ce soir ; mais il ne tient qu'à nous qu'il n'ait pas à le faire !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
J'aimerais que les choses soient clarifiées ! Dans cet
hémicycle, c'est le secrétaire d'Etat à la santé qui s'exprime !
M. le président.
Au fauteuil de la présidence, il ne peut y avoir que le président ou un
vice-président du Sénat !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je vous remercie de cette précision, monsieur le
président.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 18 et 77, repousés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 15 est supprimé.
M. François Autain.
On le rétablira !
Article 16