Séance du 13 décembre 1999
M. le président. Par amendement n° II-39, Mme Beaudeau, MM. Foucaud, Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 63 decies , un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales, après le mot : "affaires" sont insérés les mots : "pour lesquelles le montant total des droits rappelés est supérieur à 500 000 francs, ainsi que celles". »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet amendement porte sur les conditions de saisine de la commission des infractions fiscales.
Une part importante des articles du projet de loi de finances pour 2000, que nous venons d'examiner ou que nous allons examiner, concerne la lutte contre la fraude fiscale, qui constitue, dans les faits, l'un des vecteurs essentiels du déficit de l'Etat, et conditionne donc lourdement les choix fiscaux et politiques que nous sommes amenés à faire.
Cet amendement présente quelque similitude avec un amendement que notre collègue Jean-Pierre Brard avait déposé à la fin du débat de l'Assemblée nationale sur ce projet de loi de finances.
Cela dit, il présente la particularité - car nous avons tenu compte du débat - de ne porter a priori, en matière de saisine de la commission, que sur les dossiers pour lesquels la fraude peut s'avérer particulièrement importante et donc pénalisante pour le comptable public et l'ensemble de la collectivité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Huwart, secrétaire d'Etat. Le délit général de fraude fiscale, défini à l'article 1741 du code général des impôts, comprend, outre l'élément matériel, un élément intentionnel, dont la preuve appartient à la partie poursuivante. La proposition tendant à rendre obligatoire la saisine de la commission des infractions fiscales au-delà d'un certain seuil de rappel fait totalement abstraction de la démonstration de l'élément intentionnel. Or cette exigence est incontournable. Devant la juridiction pénale, la charge de la preuve incombe toujours à l'accusation, c'est-à-dire au ministère public et à l'administration partie civile. Il est nécessaire que l'auteur de l'infraction ait agi en connaissance de cause, c'est-à-dire qu'il ait eu conscience d'accomplir un acte illicite et que son comportement ait été animé par une volonté de fraude. Des rappels de droits élevés n'impliquent pas nécessairement une intention frauduleuse avérée, le redressement pouvant être d'ordre purement technique sans que la bonne foi du contribuable soit remise en cause.
Sous le bénéfice de ces explications, je demande à Mme Beaudeau de bien vouloir retirer cet amendement, sinon le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-39.
M. Yann Gaillard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Je vais bien sûr voter contre cet amendement.
Si j'ai demandé la parole, c'est parce que j'ai été brusquement tiré de ma torpeur par la présentation d'une telle disposition. D'habitude, notre collègue Mme Beaudeau est mieux inspirée. Il est véritablement incroyable d'accroître ainsi la pénalisation de notre société et d'ôter au ministre son pouvoir de choix et d'initiative. D'ailleurs, M. le secrétaire d'Etat aurait dû être plus éloquent pour combattre cet amendement, qui, à l'évidence, est liberticide.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-39, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article additionnel avant l'article 63 undecies