Séance du 7 mars 2000
M. le président. La parole est à M. Souvet, auteur de la question n° 726, adressée à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
M. Louis Souvet. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, permettez-moi, tout d'abord, un léger retour en arrière simplement pour dire que, habitant et élu du département du Doubs, qui a une vieille tradition horlogère mais aussi une très longue frontière commune avec la Suisse, je suis, bien entendu, confronté au même problème que mon collègue Jean-Claude Carle.
J'en viens à l'objet de ma question de ce matin.
La France est, me semble-t-il, le pays par excellence du paradoxe. Le système des points ISA, indice statistique d'activité, ou indicateur synthétique d'activité, en apporte un nouvel exemple flagrant.
A première vue, le système est séduisant, mais, in fine, ce sont les principes élémentaires d'équité qui sont remis en cause.
Ne blâmons pas les équipes hospitalières qui ont, pour certaines, réussi à tirer parti du système ! Elles ne font qu'appliquer une logique gouvernementale, logique dont dépend leur volume de crédits.
Quand les effets pervers d'un système prennent le pas sur ce dernier, il faut savoir lucidement réformer une mécanique qui, chaque jour, prouve ses limites.
Quels sont les centres hospitaliers qui, par le passé, ont été sanctionnés de façon financière par un « débasement », non pas, comme pourrait le penser tout contribuable, en raison d'une quelconque mauvaise gestion ou autre dilapidation inconsidérée de l'argent public, mais tout simplement parce qu'ils se sont refusé à user et abuser des lacunes du système ?
Je vous épargnerai, madame la secrétaire d'Etat, une énumération fastidieuse. Je rappellerai juste quelques « astuces » permettant, en toute légitimité, de majorer le nombre de points ISA.
On peut, par exemple, multiplier les entrées et les sorties,...
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Non !
M. Louis Souvet. Cela se fait tous les jours, madame !
... en autorisant un patient à rentrer dans ses foyers en fin de semaine pour l'hospitaliser de nouveau le lundi matin, profiter de l'absence de points ISA dans une spécialité comme la psychiatrie mais également d'une telle lacune en matière de soins de suite, par exemple la rééducation, pour majorer quelque peu les sections auxiliaires de tels services, ou tout simplement hospitaliser le patient le soir pour une intervention bénigne qui doit avoir lieu le lendemain, alors que l'entrée à sept heures eût suffi.
De même, et cela défie toute logique médicale, une pathologie n'est représentée que par un barème de points ISA, et, à l'heure actuelle, il n'est pas possible d'affiner ce calcul. Il est évident, par exemple, qu'un accident vasculaire cérébral ne peut être comptabilisé de la même manière selon qu'il s'agit d'une personne jeune ou plus âgée. Ne peuvent pas non plus être prises en compte les infections récursives ou récurrentes à une maladie principale, alors que ces maladies représentent pourtant une mobilisation de personnels, de matériels...
En cas de pathologies multiples, doit-on comptabiliser celle qui rapporte le plus de points ISA ?
Il convient donc pour le moins d'affiner le système, afin de permettre aux gestionnaires des centres hospitaliers de jouer avec la même règle du jeu. Concrètement, les règles de fonctionnement doivent être clairement définies. Il existe, pour l'heure, trop de divergences quant à la saisie des points ISA.
Pour crédibiliser ma démonstration, que vous aviez l'air de remettre en cause, madame, ...
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Non.
M. Louis Souvet. ... je citerai le professeur Bernard Debré, qui, fort justement, estime qu'à l'heure où il n'y a plus d'argent pour payer les fenêtres, il n'est pas utile, au surplus, de jeter l'argent public... par les fenêtres !
Les hôpitaux ont besoin d'une répartition équitable des crédits, pas d'un système éminemment perfectible fondé sur le principe bien hexagonal du « qui perd gagne ».
Le jour où la France arrivera à mettre en oeuvre un système fondé uniquement sur l'efficacité et l'équité, alors peut-être les centres hospitaliers pourront recevoir des dotations dignes du XXIe siècle !
L'attribution des points ISA a démontré ses limites ; le système doit être amélioré, les paramètres pouvant être pris en compte doivent être affinés. Tester un tel système n'est peut-être pas blâmable, car, nous le savons, si la critique est facile, l'art est difficile. En revanche, persister sans apporter des améliorations serait, à mon avis, condamnable.
Compte tenu des imperfections du système, le « débasage », à l'heure actuelle, est fondé non pas sur un principe de solidarité qui permettrait aux établissements sous-dotés de bénéficier d'un supplément de moyens, mais seulement sur l'exploitation desdites imperfections. Cela n'est pas tolérable.
Autre et ultime exemple, pour cette courte présentation, de la nécessité d'harmoniser les règles du jeu : un patient qui, au service des urgences, est en attente d'un diagnostic pourra voir son cas classifié « hospitalisation », avec naturellement la majoration des points ISA, ou simple « consultation ». Il convient, vous l'avez compris, d'unifier les modes de fonctionnememt.
Je vous demande, par conséquent, madame la secrétaire d'Etat, si le Gouvernement entend procéder aux améliorations que j'ai brièvement évoquées devant vous.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Monsieur le sénateur, au-delà du paradoxe et des subterfuges inventés pour détourner l'efficacité du système - que vous venez de décrire avec talent et conviction - l'objectif assigné au programme de médicalisation du système d'information, le PMSI, est l'introduction de plus d'objectivité et, partant, d'une plus grande équité dans l'allocation des ressources aux établissements de santé.
Le « point ISA », qui est l'unité de mesure du PMSI-court séjour, a le mérite de permettre de comparer globalement des établissements entre eux, quelle que soit la nature de leur activité, qu'il s'agisse d'hôpitaux généraux, de grande ou de petite taille, ou d'établissements spécialisés, comme les centres de lutte contre le cancer, par exemple.
Le dispositif PMSI est, certes, perfectible - nous en convenons bien volontiers - et mes services s'emploient, en relation constante avec les professionnels, à en pallier les insuffisances, comme l'attestent, par exemple, les travaux récemment aboutis dans des registres aussi différents que la radiothérapie, les hospitalisations de très courte durée, la valorisation des soins palliatifs, les travaux engagés à propos de l'hématologie, les développements particuliers concernant l'accueil des urgences.
Au total, même si le dispositif est ponctuellement critiqué, il n'en demeure pas moins un outil efficace pour fournir une première appréciation d'ensemble de la situation relative des établissements. Mais, bien sûr, il ne se substitue pas à la nécessaire analyse des besoins et des résultats des établissements ainsi que de leur situation financière et patrimoniale, qui demeure essentielle dans le cadre de la préparation des décisions budgétaires.
Il convient, en outre, de conserver à l'esprit que le dialogue et l'échange, qui doivent être de règle entre l'agence régionale de l'hospitalisation et chaque établissement, permettent de compléter et de nuancer l'information de première intention que constitue la valeur du point ISA.
Enfin, il convient d'ajouter que, préalablement à l'expérimentation d'une tarification des établissements de santé fondée sur la pathologie, une mission a été confiée à M. Rémy Dhuicque, inspecteur général des affaires sociales, afin d'engager, en relation avec l'ensemble des professionnels concernés, des travaux conduisant à une meilleure prise en compte par le PMSI des activités de toute nature des établissements de santé.
Il s'agit, notamment, de mieux prendre en compte les soins particulièrement innovants et coûteux, les missions d'enseignement et de recherche, les contraintes spécifiques du service public, en particulier la permanence des soins.
La réflexion d'ensemble que vous appelez de vos voeux sur le PMSI est donc bien engagée, et j'ai le plaisir de constater l'adhésion de la majeure partie des responsables de la fonction hospitalière.
La manière dont la concertation s'est engagée et a permis d'aboutir pour affirmer des nouvelles modalités de développement de la deuxième phase de réforme hospitalière me laisse tout à fait confiante dans la capacité que nous avons collectivement d'affiner les outils qui ont été mis en place et que chacun, maintenant, sait manipuler de manière cohérente, en assurant une meilleure lisibilité et une meilleure prise en compte de la réalité de l'activité des établissements de santé.
M. Louis Souvet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Souvet.
M. Louis Souvet. Malgré vos paroles apaisantes, dont je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, vous sentez bien que l'organisation actuelle ne répond ni au souci d'économies qui est le vôtre, ni aux efforts auxquels vous soumettez la nation, en particulier les médecins et les malades, ni à la nécessaire orthodoxie budgétaire de nos hôpitaux.
Faut-il tricher pour disposer d'un budget confortable ? J'espère bien que non ! Là est pourtant la question, et je pense que le Gouvernement serait bien avisé d'y regarder de plus près !
J'ai été heureux d'apprendre qu'un inspecteur général des affaires sociales avait été effectivement chargé de cette question, je lui souhaite beaucoup de succès.
C'est en tant que président du conseil d'administration d'un hôpital relativement important que j'ai eu à connaître des imperfections du système que je dénonce aujourd'hui et que je voudrais voir améliorer. J'ai en effet constaté qu'un hôpital voisin se voyait attribuer un volume de points ISA bien supérieur au nôtre pour un nombre de consultations et d'actes équivalent simplement parce qu'il y a une manière d'engranger lesdits points.
FISCALITÉ APPLICABLE Á L'ÉNERGIE