SEANCE DU 3 OCTOBRE 2000
M. le président.
« Art. 4. - Le début de la première phrase de l'article L. 153-2 du code du
travail est ainsi rédigé : "L'employeur qui se soustrait aux obligations
prévues à l'article L. 132-27, à celle prévue à l'article L. 132-28" ...
(Le
reste sans changement.)
»
Par amendement n° 6 rectifié, Mme Bocandé, au nom de la commission des
affaires sociales, propose de rédiger comme suit cet article :
« L'article L. 132-27 du code du travail est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« En cas de manquement à l'obligation visée au quatrième alinéa du présent
article, la négociation sur les objectifs en matière d'égalité professionnelle
entre les femmes et les hommes dans l'entreprise ainsi que sur les mesures
permettant de les atteindre s'engage de plein droit dans le cadre des plus
proches négociations visées au premier alinéa du présent article. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 19, présenté par M. Cornu,
et tendant :
I. - A compléter le texte proposé par cet amendement pour compléter l'article
L. 132-27 du code du travail par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Il est créé un fonds de développement de l'égalité professionnelle entre les
femmes et les hommes ayant pour objet de promouvoir l'égalité professionnelle
entre les femmes et les hommes.
« L'employeur peut s'acquitter de l'obligation visée au quatrième alinéa du
présent article en versant au fonds de développement de l'égalité
professionnelle entre les hommes et les femmes une contribution annuelle. Le
montant de cette contribution est fixé par un arrêté conjoint du ministre
chargé de l'emploi et du ministre chargé du budget, dans la limite de 0,15 %
des rémunérations brutes annuelles.
« La gestion du fonds de développement de l'égalité professionnelle entre les
hommes et les femmes est confiée à une association administrée par des
représentants des salariés, des employeurs et par des personnalités qualifiées.
Les statuts de l'association sont agréés par le ministre chargé de l'emploi.
« Les ressources du fonds sont destinées à compléter l'aide financière de
l'Etat prévue à l'article 18 de la loi n° 83-635 du 13 juillet 1983. Les
modalités du contrôle de la répartition et de l'utilisation des contributions
versées au fonds de développement de l'égalité professionnelle entre les hommes
et les femmes sont déterminées par décret. »
II. - En conséquence, à la fin du premier alinéa de l'amendement n° 6
rectifié, à remplacer les mots : « par un alinéa ainsi rédigé » par les mots :
« par cinq alinéas ainsi rédigés ».
La parole est à Mme le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 6
rectifié.
Mme Annick Bocandé,
rapporteur.
L'article 4 tend à introduire une nouvelle sanction pénale
pour l'employeur en cas de non-respect de l'obligation spécifique de négocier
sur l'égalité professionnelle instituée à l'article précédent. Elle est
assimilée au délit d'entrave. Cette sanction est lourde : un an
d'emprisonnement et une amende de 25 000 francs ou l'une ou l'autre de ces deux
peines.
Une telle sanction apparaît disproportionnée, et ce n'est pas sans doute en
instaurant de nouveaux délits que l'on fera progresser la cause de l'égalité
professionnelle.
Aussi, cet amendement vise à substituer à cette nouvelle sanction pénale un
dispositif plus souple, plus progressif et moins stigmatisant.
En cas de manquement à l'obligation annuelle de négocier sur l'égalité
professionnelle, cette négociation est automatiquement intégrée à la
négociation annuelle sur les salaires et le temps de travail. Si, à cette
occasion, le manquement se poursuit, l'employeur serait alors passible des
sanctions pénales déjà prévues par le code du travail.
Cet amendement est en définitive un amendement de bon sens permettant
d'échapper à l'alternative du tout ou rien. Soit l'ensemble des partenaires est
favorable à une négociation spécifique et celle-ci s'engage normalement. Soit
les partenaires ne manifestent pas une appétence particulière à se lancer dans
un nouveau cycle de négociations et, dans ce cas, le thème de l'égalité
professionnelle est alors examiné de plein droit à l'occasion de la
traditionnelle négociation annuelle obligatoire.
M. le président.
La parole est à M. Cornu, pour défendre le sous-amendement n° 19.
M. Gérard Cornu.
Ce sous-amendement vise à compléter l'amendement de la commission, auquel je
suis très favorable.
Nous savons tous à quel point notre justice est déjà embouteillée et nous nous
en plaignons. Nous nous devons, nous législateur, de ne pas contribuer à son
engorgement en prévoyant chaque fois que nous légiférons des sanctions
pénales.
S'agissant en l'occurrence de l'égalité professionnelle entre les hommes et
les femmes, les sanctions pénales ne sont vraiment pas adaptées.
Cela étant, si les propositions de la commission sont excellentes, je pense
qu'il faut néanmoins compléter le dispositif. Pas de sanctions pénales donc,
mais je pense intéressant d'introduire des sanctions financières.
L'objet de ce sous-amendement est de prévoir des sanctions financières à
partir du moment où n'est pas respectée l'obligation de négociation, et donc de
créer un fonds de développement de l'égalité professionnelle entre les hommes
et les femmes, ce fonds devant être défini par décret. Le montant de la
contribution sera fixé par arrêté conjoint du ministre chargé de l'emploi et du
ministre chargé du budget, dans la limite de 0,15 % du montant des
rémunérations brutes annuelles.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 19 ?
Mme Annick Bocandé,
rapporteur.
Ce sous-amendement tend à instaurer une contribution
financière à la charge de l'employeur. Il apparaît difficilement compatible
avec l'amendement de la commission, car celui-ci prévoit que la négociation
s'engage de plein droit en cas de manquement à l'obligation spécifique, et le
code du travail prévoit déjà des sanctions si cette négociation annuelle sur
les salaires et le temps de travail n'est pas engagée.
Je demande donc à notre collègue Gérard Cornu de bien vouloir retirer son
sous-amendement.
M. le président.
Monsieur Cornu, le sous-amendement n° 19 est-il maintenu ?
M. Gérard Cornu.
Après ces explications éclairées de notre excellent rapporteur, je suis
conduit à retirer ce sous-amendement.
Cela étant, je voudrais quand même souligner que, si des sanctions sont certes
prévues dans le code du travail, il s'agit encore de sanctions pénales. Or je
suis opposé aux sanctions pénales, car il faut cesser d'engorger la justice,
sinon nous serons tous d'accord pour estimer que la justice est trop lente.
Chaque fois que nous légiférons, nous prévoyons des sanctions pénales. Pour ma
part, il me semblait plus intéressant d'envisager des sanctions financières.
Mais je me range à l'avis de notre excellent rapporteur et je retire le
sous-amendement.
M. le président.
Le sous-amendement n° 19 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 6 rectifié ?
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Nous souhaitons en effet que pour la négociation concernant l'égalité
professionnelle, il soit fait référence aux mêmes sanctions de droit commun que
pour les autres négociations.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 6 rectifié.
M. Roland Muzeau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau.
Cet amendement nous pose un problème. La loi « Roudy » date maintenant de
dix-sept ans. La volonté d'aboutir par la négociation a pu bénéficier de ce
long laps de temps. Il est normal de pouvoir recourir maintenant à des
contraintes si elles sont nécessaires - ce que nous ne souhaitons pas. Il est
évident que ces contraintes, graves je le reconnais, devront s'exercer en
certains lieux de travail simplement pour que la loi soit respectée.
Mme Dieulangard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Nous sommes contre cet amendement. Il nous paraît en effet paradoxal, dans le
cadre de cette proposition de loi, de supprimer les sanctions pénales sur le
point précis de la négociation sur l'égalité professionnelle entre les hommes
et les femmes dans l'entreprise. En fait, sans ces sanctions pénales, qui sont
essentielles, je crains fort que nous n'avancions pas davantage sur le registre
de l'égalité professionnelle qu'avec les dispositifs contenus dans le texte de
Mme Roudy.
Nous sommes contre la suppression de ces sanctions, et donc contre
l'amendement.
M. Gérard Cornu.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu.
Je voterai l'amendement de la commission.
Les explications de vote de mes collègues opposés à cet amendement ont
témoigné de la médiocre application de la loi Roudy. Or, j'avais cru comprendre
dans la discussion générale que cela n'était pas forcément lié au problème des
sanctions pénales, mais plutôt à la crise économique et au fait que les
partenaires sociaux n'ont pas fait un bon usage de cette loi.
Donnons donc une seconde chance aux partenaires sociaux de faire
définitivement leur une loi qui devra être appliquée, et ce sans sanctions
pénales. Les esprits ont évolué, la société aussi, j'ai bon espoir que cette
loi sera mieux appliquée que la loi Roudy, et ce sans sanctions pénales.
Mme Annick Bocandé,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Annick Bocandé,
rapporteur.
Je suis étonnée par les propos d'un certain nombre de nos
collègues.
La proposition de la commission ne vise pas à supprimer les sanctions pénales
: effectivement, lorsqu'elle n'a pas eu lieu dans une négociation spécifique,
nous intégrons la négociation sur l'égalité professionnelle dans la négociation
générale ; en conséquence, elle tombe sous le coup des sanctions qui sont déjà
prévues par le code du travail dans le cadre de cette négociation générale.
Notre amendement est un amendement non pas de suppression, mais de
simplification. Il est de bons sens.
M. Philippe Nogrix.
Tout à fait !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé.
Article 5