SEANCE DU 13 DECEMBRE 2000
TRAITÉ D'ENTRAIDE JUDICIAIRE
ET TRAITÉ D'EXTRADITION
AVEC LES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE
Adoption de deux projets de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion :
- du projet de loi autorisant la ratification du traité d'entraide judiciaire
en matière pénale entre la France et les Etats-Unis d'Amérique (ensemble deux
annexes) (n° 376, 1999-2000). [Rapport n° 69 (2000-2001)] ;
- du projet de loi autorisant la ratification du traité d'extradition entre la
France et les Etats-Unis d'Amérique (ensemble un procès-verbal d'accord sur la
représentation) (n° 377, 1999-2000). [Rapport n° 69, 2000-2001].
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient
l'objet d'une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée à la famille et à l'enfance.
Monsieur le président,
monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la France et les
Etats-Unis n'étant liés par aucune convention d'entraide judiciaire en matière
pénale, ils ont engagé, en 1993, sur proposition française, des négociations
qui ont abouti à la signature d'un traité d'entraide judiciaire en matière
pénale, le 10 décembre 1998, à Paris, et d'un traité d'extradition, signé le 23
avril 1996.
S'agissant du traité d'entraide judiciaire, il pose pour principe la volonté
des parties de coopérer de la manière la plus utile possible. Le refus
d'entraide ne peut être fondé que sur des considérations politiques ou
d'atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres
intérêts essentiels de l'Etat requis.
Cet instrument organise la désignation des autorités centrales - ministère de
la justice et
Attorney general
-, leur mode de communication et de
consultation, les procédures de transmission et d'exécution des demandes
d'entraide, ainsi que la prise en charge des frais.
Compte tenu du caractère très méticuleux de la procédure américaine, ce texte
fixe également les détails de la coopération entre les deux pays. C'est ainsi
que sont prévues les modalités de recueil des témoignages, d'assistance
d'autorités ou de personnes désignées par l'Etat requérant, de déroulement des
interrogatoires, des perquisitions et des saisies.
A la demande de la partie américaine, le traité comporte également deux
annexes interprétatives concernant les articles 1, 3, 9 et 23, qui précisent
quelles sont les autorités compétentes des Etats-Unis pour formuler les
demandes d'entraide, indiquent quels sont les droits reconnus aux personnes
privées devant les autorités américaines, quels sont les frais imputables à la
partie américaine lors de l'exécution de demandes d'entraide, et quelles
procédures particulières conditionnent la recevabilité des preuves.
Il convient, enfin, de noter la forme solennelle de cet accord, conclu entre
deux Etats et non entre deux gouvernements.
Ce texte devrait grandement améliorer la coopération des autorités américaines
qui, du fait de la complexité du système fédéral, ont, ces dernières années,
accordé trois fois moins de mandats judiciaires que leurs homologues
français.
Le traité d'extradition signé à Paris le 23 avril 1996 oblige les parties à se
livrer réciproquement toute personne poursuivie ou condamnée par les autorités
compétentes de l'Etat requérant pour une infraction donnant lieu à extradition,
sa tentative ou la complicité.
La condition de double incrimination est exigée et les infractions fiscales
sont considérées comme assimilables aux infractions dites de droit commun
pourvu qu'elles répondent aux définitions des infractions donnant lieu à
extradition.
Le traité consacre le refus d'extradition des nationaux des deux Etats pour
les infractions politiques.
Il réserve également le droit pour l'Etat requis de refuser l'extradition sur
la base de considérations humanitaires ou du caractère discriminatoire eu égard
à la race, à la religion, à la nationalité ou aux opinions politiques de la
personne réclamée ou lorsque les faits à raison desquels l'extradition est
demandée sont sanctionnés par la peine capitale. A ce propos, je tiens à
souligner qu'en fin d'année 1998, aux Etats-Unis, les législations de vingt
Etats permettaient le prononcé de la peine de mort et l'exécution de mineurs de
dix-huit ans, contraires à la convention internationale des droits de
l'enfant.
Les infractions militaires, quant à elles, sont exclues du champ de
l'extradition.
Au cours des quatre dernières années, les Etats-Unis ont accordé deux fois
moins d'extraditions que la France pour un nombre quasiment égal de demandes
mutuelles d'extradition. Ce nouveau traité devrait permettre de susciter une
réelle réciprocité.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les
principales dispositions du traité d'entraide judiciaire en matière pénale
entre la France et les Etats-Unis d'Amérique du 10 décembre 1998 et du traité
d'extradition entre la France et les Etats-Unis d'Amérique du 23 avril 1996,
qui font l'objet des deux projets de lois soumis à votre approbation,
conformément à l'article 53 de la Constitution.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. André Dulait,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers
collègues, nous examinons cet après-midi deux projets de loi visant à autoriser
la ratification des traités d'entraide judiciaire en matière pénale, d'une
part, et d'extradition, d'autre part, entre la France et les Etats-Unis, signés
respectivement en 1998 et en 1996.
Ces traités viennent compléter et modifier les accords bilatéraux conclus avec
les Etats-Unis en matière de coopération judiciaire, c'est-à-dire les
conventions d'extradition des 6 janvier 1990 et 12 février 1970 et la
convention du 25 janvier 1983 relative au transfèrement des personnes
condamnées.
Mme la ministre venant d'exposer l'ensemble du dispositif, je m'en tiendrai,
pour ma part, à deux grandes remarques.
En matière d'extradition, le nouveau traité permettra de renforcer très
sensiblement la coopération entre nos deux pays, en modifiant la définition des
infractions susceptibles de donner lieu à extradition. En effet, dans les
instruments antérieurs - la convention de 1909, notamment - seules les
infractions comprises sur une liste limitative pouvaient donner lieu à
extradition. Ainsi, jusqu'à une date récente, l'enlèvement d'un enfant par l'un
de ses deux parents ne pouvait pas donner lieu à extradition de la part des
Etats-Unis, le droit américain considérant de tels faits comme relevant du seul
droit civil.
Désormais, par ce nouveau traité, les infractions pénales susceptibles de
donner lieu à extradition sont définies de manière générique par un quantum de
peine.
Ensuite, illustrant le niveau élevé de coopération entre nos deux pays,
l'article 4, qui formule la règle habituelle de non-extradition pour des
infractions politiques, réserve le cas d'un certain nombre d'infractions que
nos deux pays conviennent de « dépolitiser ».
Toutefois, madame la ministre, vous serait-il possible de nous éclairer sur la
portée exacte du « droit de réserve » introduit par le paragraphe 3 de
l'article 4, qui, en permettant de faire prédominer le caractère politique
d'une infraction, paraît réduire sensiblement l'importance de la clause de
dépolitisation ?
Je souhaite, par ailleurs, souligner qu'il ressort des deux traités une
volonté réciproque des parties de faciliter autant que possible les procédures
d'extradition ou d'entraide judiciaire.
En effet, on a trop tendance à oublier que les Etats-Unis ne sont pas un Etat
unitaire avec un seul système judiciaire comme la France. Tout au contraire,
les Etats-Unis sont un Etat fédéral avec cinquante et un systèmes judiciaires
différents. De surcroît, ils sont non pas un pays de droit romain écrit et
codifié, mais un pays dit de
« common law »
, c'est-à-dire un pays où la
coutume juridique et les précédents judiciaires jouent un très grand rôle. Il
était donc nécessaire que les deux traités prennent en compte ces
particularités, à l'exemple de ceux qui ont déjà pu être signés avec le Canada
ou l'Australie.
A cet égard, l'un des meilleurs exemples de la volonté de coopération de nos
deux pays est fourni par l'article 22 du traité d'extradition selon lequel
chaque Etat souscrit une obligation de conseil et d'assistance au cours de la
procédure. Le procès-verbal d'accord, joint au traité, précise, notamment, que
les Etats-Unis s'engagent à représenter la France dans toute procédure et à lui
fournir gratuitement un conseil juridique dans chaque affaire pour accompagner
toutes ses démarches.
En conclusion, il a semblé à la commission que la ratification de ces traités,
tout en permettant d'établir avec les Etats-Unis une coopération judiciaire
fondée sur des bases juridiques solides, devrait favoriser la poursuite de leur
approbation par le Sénat américain. La commission souhaite également que leur
ratification aide à la conclusion d'un traité d'entraide judiciaire en matière
civile, dont les négociations n'ont pas encore pu aboutir, et qui faciliterait
pourtant le règlement de nombreux litiges.
La ratification est enfin l'occasion de faire entendre, dans le respect des
différences mutuelles, la sensibilité particulière de la France à l'égard de la
peine de mort, au moment où son application demeure assez fréquente aux
Etats-Unis.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères,
de la défense et des forces armées vous propose d'adopter les présents projets
de loi.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Je voudrais apporter quelques éléments de réponse à M.
le rapporteur.
Les considérations politiques sont prioritairement justifiées par l'atteinte à
la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public, au secret défense ou à
d'autres intérêts essentiels de l'Etat requis.
J'imagine que si cette notion devait aller au-delà et pouvoir vider ce traité
de tout son sens, il s'agirait alors, pour les deux Etats en question, de
parlementer et d'en revenir aux intentions qui sont aujourd'hui clairement
affirmées. Je suis donc heureuse que les débats au Sénat puissent permettre
d'éclairer d'éventuels contentieux.
En ce qui concerne la structure spécifique des Etats-Unis, notamment la
struture fédérale, je souhaite vous préciser que le traité d'entraide comporte
deux annexes explicatives qui tiennent explicitement compte de cette structure
fédérale et des procédures en vigueur aux Etats-Unis. Je pense donc que ce
problème a été pris en compte dans ce traité ; mais je comprends bien
évidemment que la représentation nationale - et je le fais d'ailleurs avec elle
- exprime son souci que, sous prétexte de spécificité judiciaire, on ne vide
pas de son contenu le traité soumis aujourd'hui à son approbation.
TRAITÉ D'ENTRAIDE JUDICIAIRE
M. le président.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 376.
« Article unique
. - Est autorisée la ratification du traité d'entraide
judiciaire en matière pénale entre la France et les Etats-Unis d'Amérique
(ensemble deux annexes), signé à Paris le 10 décembre 1998, et dont le texte
est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président.
Je constate que ce projet de loi a été adopté à l'unanimité.
TRAITÉ D'EXTRADITION
M. le président.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 377.
«
Article unique. -
Est autorisée la ratification du traité
d'extradition entre la France et les Etats-Unis d'Amérique (ensemble un
procès-verbal d'accord sur la représentation), signé à Paris le 23 avril 1996
et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président.
Je constate que ce projet de loi a été adopté à l'unanimité.
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