SEANCE DU 17 AVRIL 2001
ÉGALITE PROFESSIONNELLE
ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES
Rejet d'une proposition de loi
en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de la proposition
de loi (n° 208, 2000-2001), adoptée avec modifications par l'Assemblée
nationale en nouvelle lecture, relative à l'égalité professionnelle entre les
femmes et les hommes. [Rapport n° 251 (2000-2001).]
M. le président.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de
loi relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes vient
en discussion en nouvelle lecture devant votre assemblée.
Le texte, dans son état actuel, reflète l'importance du travail accompli par
les deux chambres, et je me réjouis que des compromis aient pu être trouvés en
ce qui concerne les conjoints collaborateurs, la protection de la maternité des
femmes travaillant la nuit, la représentation équilibrée des femmes et des
hommes aux élections prud'homales.
Malheureusement, de nombreux points de désaccord demeurent, et un accord
global n'a pu être dégagé.
En déposant une question préalable aujourd'hui, la commission des affaires
sociales marque l'arrêt du débat sur un texte qui traite à l'évidence d'un
sujet majeur de société.
Je souhaite réaffirmer ici la position du Gouvernement, en revenant, de façon
évidemment synthétique, sur les axes essentiels de l'égalité professionnelle
entre les femmes et les hommes, à savoir la négociation collective sur
l'égalité professionnelle, la représentation des femmes et des hommes dans les
élections professionelles et l'encadrement du travail de nuit, après quoi, au
nom de Michel Sapin, j'évoquerai brièvement les dispositions relatives à la
fonction publique.
En ce qui concerne, tout d'abord, la négociation, la proposition de loi vise à
renforcer les dispositions de la loi du 13 juillet 1983, en développant le
dialogue social sur l'égalité professionnelle dans la branche et dans
l'entreprise. Je tiens d'ailleurs à rappeler que ce texte a fait l'objet d'une
large concertation avec les partenaires sociaux au sein du conseil supérieur de
l'égalité professionnelle.
II s'agit de donner aux syndicats les moyens de négocier véritablement
l'égalité professionnelle au sein de la branche et de l'entreprise de la façon
la plus adaptée.
C'est ce rôle déterminant qui est conféré au rapport annuel de situation
comparée sur les conditions générales d'emploi et de formation des femmes et
des hommes dans l'entreprise. Grâce à des indicateurs pertinents, définis par
décret, l'ensemble des négociateurs disposeront d'une plus grande lisibilité
des informations, qu'il s'agisse de l'embauche, de la formation ou de la
rémunération. Une large information des salariés sera assurée par voie
d'affichage.
Il m'apparaît important de maintenir, dans cette nouvelle lecture, une
périodicité triennale en la matière, et ce aussi bien dans la branche
professionnelle que dans l'entreprise. Je reste convaincue que cette
négociation, pour être effective, doit être assortie de sanctions en cas de
manquement.
De plus, l'assouplissement des conditions de conclusion des contrats d'égalité
de la loi de 1983, qui a reçu un accueil favorable des deux assemblées,
complète l'ensemble de ces dispositions et permet de conforter l'action des
négociateurs en matière d'égalité professionnelle.
J'évoquerai maintenant, de façon tout aussi synthétique, la représentation
équilibrée des hommes et des femmes dans les élections professionnelles.
Les travaux du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle, dont je veux
ici, une fois encore, souligner l'excellence, ont permis d'avancer vers une
représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les instances
prud'homales. Lors du prochain scrutin de 2002, les listes présentées par les
organisations professionnelles vont réduire d'un tiers le déficit actuel du
nombre de femmes.
A cet égard, le Gouvernement s'engage à remettre au Parlement un rapport
évaluant la mise en oeuvre effective de ces dispositions et proposant, le cas
échéant, de nouvelles mesures pour une représentation véritablement équilibrée
en 2007.
J'évoquerai d'un mot la situation des conjoints collaborateurs, ou plutôt,
devrais-je dire, des conjointes collaboratrices des artisans, des commerçants
et des agriculteurs, qui pourront dorénavant devenir électrices et éligibles
aux élections prud'homales en lieu et place du titulaire, si celui-ci le
souhaite.
Le troisième chapitre de cette proposition de loi a introduit un volet relatif
au travail de nuit, qui fait dorénavant l'objet d'un chapitre spécifique dans
le code du travail.
L'objectif du Gouvernement est d'améliorer les conditions de travail de tous
les salariés, hommes et femmes, qui exercent leur activité professionnelle la
nuit.
Comme l'a souligné l'Assemblée nationale, le travail de nuit doit rester
exceptionnel. L'accord collectif qui conditionne sa mise en place doit être
justifié par la nécessaire continuité de l'activité économique ou par des
services d'utilité sociale.
Je me réjouis que ce texte permette une définition du travail de nuit et
intègre des dispositions qui confèrent des garanties et des contreparties à
l'ensemble des salariés travaillant de nuit.
Ce texte apporte aussi de nouvelles garanties aux femmes enceintes. Elles
pourront être affectées à un poste de jour, à leur demande ou à la demande du
médecin du travail, à n'importe quel moment de leur grossesse. En cas
d'impossibilité pour l'employeur de reclasser la salariée, celle-ci bénéficiera
d'une allocation maternité, versée par la sécurité sociale et complétée par
l'employeur. Je me félicite que votre proposition visant à instaurer une
indemnité journalière au titre de la maternité, proposition soutenue par le
Gouvernement, ait recueilli une très large approbation à l'Assemblée
nationale.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite
réaffirmer devant vous les aspects novateurs de ce texte sur l'égalité
professionnelle entre les femmes et les hommes. J'ai présidé toutes les séances
du conseil supérieur de l'égalité professionnelle. Comme je m'y étais engagée,
nous avons su allier des propositions issues du dialogue social avec des
dispositions législatives issues de la volonté politique. La démarche mérite,
me semble-t-il, d'être soulignée.
Vous me permettrez, au nom de Michel Sapin, d'évoquer brièvement l'égalité
professionnelle dans la fonction publique.
Je rappelle l'objectif du Gouvernement : faire évoluer les pratiques dans les
administrations et favoriser les conditions d'une égalité en marche entre les
hommes et les femmes.
Je note avec satisfaction la réelle convergence de vues entre le Sénat et
l'Assemblée nationale sur ces objectifs. Nombre d'articles ont ainsi été
adoptés conformes par les deux assemblées. Quelques articles reviennent devant
vous.
L'Assemblée nationale est revenue à son texte concernant le contenu du rapport
évaluatif biannuel remis par le Gouvernement au Parlement.
Pour moderniser le recrutement et la gestion de la fonction publique et
permettre aux femmes d'y trouver leur juste place, il est nécessaire de
diversifier la composition des jurys pour assurer la prise en compte de points
de vue et de profils différents.
De même, le Parlement doit pouvoir disposer de l'information la plus complète
sur la situation professionnelle comparée des hommes et des femmes.
L'ensemble de ces mesures doit permettre de rééquilibrer la structure
hiérarchique des administrations afin qu'elle reflète davantage la composition
de la société.
Je l'avais déjà dit devant nous en deuxième lecture : l'Etat employeur doit, à
cet effet, montrer l'exemple.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Annick Bocandé,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le Sénat est amené à se
prononcer aujourd'hui, en nouvelle lecture, sur la proposition de loi relative
à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. La commission mixte
paritaire, réunie le 16 janvier dernier, n'a en effet pas pu se mettre d'accord
sur un texte commun.
Cet échec témoigne de l'ampleur des divergences entre nos deux assemblées. Il
ne doit pas masquer, pour autant, l'importance du travail déjà accompli.
La navette a progressivement permis d'enrichir une proposition de loi
initialement modeste et, somme toute de portée très restreinte, pour en faire
aujourd'hui, grâce aux apports des deux assemblées, un texte plus dense,
passant de vingt-deux à quarante-deux articles.
Cet exemple illustre,
a contrario,
les risques que fait peser l'urgence
sur la qualité des travaux parlementaires. La navette a, dans le cas présent,
permis d'instaurer un réel dialogue entre les deux chambres et de trouver des
compromis satisfaisants sur certains points, même si un accord global n'a pu se
dégager. Je me félicite donc qu'une véritable discussion se soit engagée sans
avoir été escamotée par une déclaration d'urgence, qui n'aurait, à l'évidence,
pas permis d'aboutir aux mêmes avancées.
Il semble pourtant que ce dialogue touche aujourd'hui à son terme. Ainsi,
vingt articles restaient en discussion à l'issue de la deuxième lecture au
Sénat. L'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, est revenue, pour
l'essentiel, à son texte de deuxième lecture. Nous sommes donc saisis, en
nouvelle lecture, de vingt et un articles restant en discussion.
Quantitativement, le bilan de la navette apparaît donc, pour la nouvelle
lecture, on ne peut plus mince. L'Assemblée nationale n'a voté conforme aucun
article adopté par le Sénat. Elle est revenue mot pour mot à son texte de
deuxième lecture pour dix-huit articles. Elle a modifié deux articles et a
adopté un nouvel article additionnel.
Qualitativement, cependant, le bilan de la navette est plus nuancé. Certes,
les principaux compromis avaient déjà eu lieu avant la réunion de la commission
mixte paritaire. Je pense, notamment, aux mesures en faveur d'une meilleure
représentation des conjoints collaborateurs ou d'une meilleure représentation
des femmes dans les élections prud'homales.
J'observe toutefois que cette nouvelle lecture n'a pas été totalement stérile.
Je constate en effet avec satisfaction que deux importantes dispositions votées
par le Sénat en deuxième lecture ont été adoptées par l'Assemblée nationale.
Il s'agit d'abord - vous l'avez rappelé, madame le secrétaire d'Etat - de la
nouvelle allocation d'assurance maternité versée à la salariée enceinte ou
venant d'accoucher, médicalement inapte à occuper un poste de nuit et ne
pouvant être affectée à un poste de jour.
Il s'agit également de la prolongation, pendant un mois si le médecin du
travail le juge nécessaire, de la période d'affectation de la salariée
travaillant généralement la nuit à un poste de jour ou de la période de
suspension du contrat de travail à l'issue du congé de maternité.
Ces mesures, très concrètes, permettront d'assurer une réelle protection de la
maternité des femmes travaillant la nuit. Je me félicite que le Sénat soit à
l'origine de ces dispositions, et je tenais à rendre hommage à votre soutien
constructif sur ce point, madame le secrétaire d'Etat.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
Mme Annick Bocandé,
rapporteur.
Pour autant, ces convergences ne peuvent occulter l'ampleur
des désaccords qui séparent les deux assemblées.
Ces désaccords sont au nombre de cinq.
Le premier touche au coeur du contenu initial de la proposition de loi, à
savoir la négociation collective sur l'égalité professionnelle. Sur ce point,
il est clair que les deux assemblées ne partagent pas la même conception du
rôle de la négociation collective. Le Sénat estime en effet que la mise en
place d'obligations de négocier doit rester compatible avec la nécessaire
autonomie des partenaires sociaux. Nous considérons ainsi que la loi n'a pas à
fixer le socle, le rythme et le déroulement de ces négociations. Nous estimons
surtout que l'introduction d'une sanction pénale directe et immédiate n'est pas
un moyen approprié pour ouvrir un dialogue social serein et constructif en
matière d'égalité professionnelle.
Le deuxième désaccord concerne la question cruciale de l'articulation entre
vie familiale et vie professionnelle, qui n'est pas abordée par la présente
proposition de loi. Or, ce sont pourtant bien souvent les difficultés que
rencontrent les femmes à concilier vie familiale et vie active qui alimentent
les inégalités professionnelles.
Les femmes restent encore trop fréquemment dans l'obligation d'interrompre
leur carrière pour élever leurs enfants et se heurtent à d'importantes
difficultés pour revenir sur le marché du travail. Aussi, le Sénat a fait sur
ces points, sur l'initiative de la commission, deux propositions concrètes et
raisonnables. L'Assemblée nationale les a supprimées, et je le déplore.
Le troisième désaccord concerne la représentation des femmes dans le monde
professionnel. Le Sénat, sur proposition de notre collègue, Gérard Cornu, avait
pris de fortes initiatives en la matière. S'inscrivant dans cette perspective,
la commission avait souhaité affirmer le principe d'une représentation
équilibrée des femmes et des hommes dans la constitution des listes de
candidature pour les élections des délégués du personnel et aux comités
d'entreprise. L'Assemblée nationale a choisi une autre voie, dénuée de portée
normative, se contentant d'affirmer ce principe sans pour autant en préciser
les moyens d'application. Cette démarche, preuve d'un évident embarras, me
semble insuffisante.
Le quatrième désaccord, sans doute celui qui sépare le plus profondément les
deux assemblées, tient à la question du travail de nuit. Si l'Assemblée
nationale et le Sénat se rejoignent sur la nécessité d'une modernisation du
cadre juridique actuel, d'ailleurs largement inexistant, ils s'opposent, en
revanche, sur le contenu de ce nouveau régime légal.
La rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale est en effet loin
d'être satisfaisante, car elle se révèle paradoxalement à la fois inutilement
contraignante pour les entreprises et insuffisamment protectrice pour les
salariés.
Certes, l'Assemblée nationale a repris, lors de la nouvelle lecture, les
propositions du Sénat pour une meilleure protection des femmes enceintes ou
venant d'accoucher et travaillant la nuit, mais elle n'a pas suivi le Sénat
dans sa volonté de garantir une plus grande autonomie aux partenaires sociaux.
Or il me semble indispensable de renforcer ce qui relève du dialogue social par
rapport à ce qui est fixé trop uniformément par la loi. Il me semble également
nécessaire de privilégier la négociation d'entreprise, qui a le mérite d'être
plus proche des réalités du terrain et plus respectueuse des intérêts des
salariés.
Sur ce point, un exemple me paraît très significatif de la rigidité de la
position de l'Assemblée nationale et des conséquences dommageables que cela ne
manquera pas d'entraîner : je veux parler de la question des contreparties au
travail de nuit.
L'Assemblée nationale a rendu obligatoire l'octroi, au titre de ces
contreparties, d'un repos supplémentaire, la majoration de rémunération n'étant
qu'optionnelle. L'intention est certes louable, mais la mesure apparaît
pourtant peu appropriée. En effet, elle ne prend pas en compte le mouvement
actuel de réduction du temps de travail, qui permet déjà aux salariés de
bénéficier de temps de repos supplémentaires, et elle ne répond pas aux
aspirations de ces derniers, qui souhaitent généralement des majorations de
rémunération. Mais, surtout, elle oblige à renégocier la grande majorité des
accords sur la réduction du temps de travail signés ces derniers mois et qui
abordent, pour la plupart d'entre eux, la question du travail de nuit.
Dès lors, une telle disposition devient une grande source d'insécurité
juridique pour les entreprises et oblige celles-ci à reprendre les négociations
dans un contexte difficile. Elle ne prend pas non plus en compte les efforts
réalisés par de nombreuses entreprises pour organiser le travail de nuit. C'est
pourquoi j'estime plus pertinent de laisser aux partenaires sociaux le soin de
déterminer eux-mêmes la nature des contreparties au travail de nuit.
Le dernier point de désaccord, peut-être le moins important d'entre eux,
concerne le volet du texte relatif à la fonction publique. Le Sénat est
favorable à l'inscription dans la loi de la « clause de sauvegarde » qui
permettrait d'assurer exceptionnellement la mixité, dans les jurys, par la
présence d'un seul membre de l'un ou l'autre sexe. L'Assemblée nationale y est
opposée, alors que la démarche du Sénat se veut très pragmatique : il s'agit
simplement de prendre en compte les difficultés d'application qui pourraient
survenir dans certains corps dont la composition par sexes est très
déséquilibrée.
Au total, les désaccords restent profonds. Les chances d'aboutir à un
compromis sur l'un ou l'autre de ces points semblent aujourd'hui, en l'état
actuel du débat, inexistantes. En effet, en nouvelle lecture, l'Assemblée
nationale a confirmé la quasi-totalité des positions qu'elle avait adoptées en
deuxième lecture. Elle a donc ainsi clairement signifié qu'elle avait d'ores et
déjà dit son dernier mot.
Dans ces conditions, la commission considère qu'il n'y a pas lieu de
poursuivre la délibération. Elle propose en conséquence au Sénat d'adopter une
motion tendant à opposer la question préalable à la présente proposition de
loi.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette
nouvelle lecture au Sénat de la proposition de la loi relative à l'égalité
professionnelle entre les femmes et les hommes ne va certes pas faire
progresser la condition des femmes dans le monde du travail, mais elle aura au
moins le mérite de mettre en lumière les profondes divergences qui nous
opposent à nos collègues de la majorité sénatoriale.
D'une façon générale, ceux-ci se sont attachés, et les débats l'ont montré, à
supprimer tout droit nouveau accordé aux salariés et toute contrainte imposée
aux entreprises, afin de ne pas entraver la recherche effrénée du profit
maximal.
Le
leitmotiv
d'une loi du marché déterminant toutes les relations
économiques et sociales n'a cessé de résonner dans cette enceinte. Il a été
considéré une nouvelle fois que toute intervention de l'Etat dans l'économie
serait une hérésie et toute référence à un cadre légal général dans le domaine
de la négociation collective une aberration.
Dans cette optique, nos collègues de la majorité sénatoriale estiment que le
texte issu des débats à l'Assemblée nationale induit trop de rigidité dans la
négociation entre partenaires sociaux et trop de contraintes pour les
employeurs ayant recours au travail de nuit. Ils préfèrent que ces questions se
règlent à l'échelon de l'entreprise, sans référence à un quelconque cadre
général inscrit dans la loi.
C'est une vision de la société que nous ne partageons pas.
Nous pensons au contraire qu'il est urgent de s'engager dans une tout autre
démarche visant à réguler par la loi les effets dévastateurs, sur le plan
social, de la recherche d'une rentabilité de plus en plus élevée des
capitaux.
Les derniers exemples en date, à cet égard, qu'il s'agisse de Philips, de
Moulinex, de Danone, de Marks & Spencer ou de Delphi General Motors, montrent,
avec la plus grande acuité, que nous ne pouvons plus nous contenter de tenir un
discours compatissant à l'adresse de salariés qui perdent leur emploi pour que
des actionnaires touchent des dividendes encore plus forts, et qu'il nous faut
désormais imposer par la loi que des pratiques aussi nocives ne puissent plus
avoir cours.
Vous vous placez, chers collègues de la majorité sénatoriale, sur une ligne
bien différente, puisque le dépôt de votre motion tendant à opposer la question
préalable a pour objet de signifier que, à vos yeux, le texte ne va pas assez
loin dans la libéralisation du travail de nuit et engendrera des contraintes
trop importantes pour les entreprises.
Au nom de l'égalité entre les femmes et les hommes, ce qui est recherché,
c'est la banalisation du travail de nuit pour les hommes comme pour les femmes,
et ce afin de satisfaire aux impératifs économiques fixés par le patronat.
Or on ne dira jamais assez que le travail de nuit est nocif pour la santé des
salariés qui sont contraints de l'exercer. Et que l'on ne nous parle pas de
liberté pour les femmes de choisir de travailler la nuit ! Lorsque des femmes
émettent le souhait d'effectuer un travail de nuit, il s'agit uniquement pour
elles de tenter d'augmenter un peu leurs rémunérations et, en aucun cas,
d'opérer un choix de vie pouvant déboucher sur un épanouissement personnel ou
professionnel.
La généralisation du travail de nuit témoigne de la volonté du patronat
d'utiliser au mieux la main-d'oeuvre disponible pour faire tourner à plein
régime l'appareil de production et dégager une meilleure rentabilité. Elle
s'inscrit dans une démarche qui vise à introduire davantage de flexibilité dans
le monde du travail.
A cet égard, la référence aux « contraintes économiques de l'entreprise » dans
le texte issu de la deuxième lecture au Sénat ou à « la nécessité d'assurer la
continuité de l'activité économique » dans la rédaction adoptée par l'Assemblée
nationale en nouvelle lecture pour justifier le recours au travail de nuit
montre bien que, sur le fond, le danger est réel pour tous les salariés, hommes
et femmes, de devoir subir « l'économique ».
Telle n'est pas notre façon de voir les choses. Nous sommes favorables à une
interdiction du travail de nuit pour les femmes et pour les hommes et nous
pensons qu'il ne faudrait accorder des dérogations à cette règle qu'en raison
d'impératifs sociaux ou techniques.
Il est donc très regrettable que la majorité sénatoriale ait décidé de refuser
la discussion et déposé une motion tendant à opposer la question préalable,
d'autant que le texte aurait pu être encore amélioré sur de nombreux points.
En ce qui nous concerne, nous nous opposerons bien sûr à l'adoption de cette
motion. Si le débat n'a plus lieu dans notre hémicycle, il émergera de toute
façon tôt ou tard grâce aux luttes sociales, et les salariés, hommes et femmes,
pourront alors, comme toujours, compter sur notre soutien dans leur combat pour
leur dignité.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen)
.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Question préalable