SEANCE DU 25 AVRIL 2001
M. le président.
Mes chers collègues, il y a lieu de réserver l'amendement n° 122 jusqu'après
l'examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après
l'article 38
bis.
Par amendement n° 123, M. Gournac, au nom de la commission des affaires
sociales, propose, après l'article 38
bis,
d'insérer un article
additionnel ainsi rédigé :
« Dans l'avant-dernier alinéa de l'article L. 322-4-18 du code du travail, les
mots : ", selon les besoins," sont supprimés. »
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
La commission des affaires sociales a souhaité introduire
dans ce projet de loi un nouveau volet sur les emplois-jeunes. Ce dernier
s'inscrit dans le prolongement des propositions que nous avions formulées en
octobre dernier, car, depuis lors, et en dépit de l'inquiétude grandissante des
jeunes, aucune mesure n'est intervenue.
Il me semble pourtant indispensable de se préoccuper au plus vite de l'avenir
professionnel des jeunes, notamment de ceux pour lesquels les perspectives de
pérennisation du poste sont les plus faibles. Les premières échéances
arriveront en effet en octobre 2002, soit dans moins d'un an et demi.
Voilà pourquoi la commission des affaires sociales a tenu à faire ici des
propositions simples, très pragmatiques et qui, si elles étaient adoptées,
permettraient aux jeunes d'envisager l'avenir avec plus de sérénité.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je vais redire ici ce que j'ai
déjà indiqué lors de mon audition par la commission. Le Gouvernement se
préoccupe évidemment de l'avenir des emplois-jeunes. M. Gournac n'aura plus
longtemps à attendre puisque le Gouvernement annoncera prochainement ses
intentions à cet égard.
Il est en effet indispensable, d'une part, que les jeunes titulaires d'un
emploi-jeune sachent comment ils pourront sortir de ce système qui, je le
rappelle, est destiné à leur mettre le pied à l'étrier et, d'autre part, que
leur employeur, c'est-à-dire les collectivités locales, les associations, voire
les administrations, sachent comment elles pourront, le cas échéant, proposer à
d'autres jeunes le même type d'emploi.
Nous ne sommes pas à quelques semaines près ! Les premiers contrats
emplois-jeunes ayant été signés en 1998, ils viendront à échéance au cours du
second le second semestre 2003, et non pas en 2002. Il faut le faire, certes,
mais ce n'est pas d'une urgence absolue.
Le Gouvernement fera connaître ses intentions très rapidement. C'est la raison
pour laquelle je suis opposée aux amendements n°s 123, 124, 125 et 126
présentés par la commission et qui concernent ce sujet.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Madame le ministre, on vous a donné des renseignements
erronés ! Je suis ce dossier depuis le début. Les premiers emplois-jeunes ont
été créés à la fin de l'année 1997. Faites le calcul : cela nous conduit à la
fin de l'année 2002. Nous devons nous préoccuper de l'avenir de ces jeunes, en
particulier de leur sortie du dispositif.
Comme vous le savez, madame le ministre, j'avais ouvert un site au Sénat et
j'étais en contact permanent avec un nombre important de titulaires
d'emplois-jeunes à travers le pays : ils manifestaient une réelle inquiétude
quant à leur devenir. D'ailleurs, lorsque le site a été fermé, ils ont continué
de m'écrire, pensant que je pourrais les aider.
Vous me dites, madame le ministre, que ce n'est pas urgent. Permettez-moi de
m'étonner : lorsque nous faisons des propositions, soit elles ne sont pas
judicieuses, soit c'est trop tôt, soit c'est trop tard. Ce n'est jamais le bon
moment !
S'occuper des emplois-jeunes, c'est donner une réponse à une inquiétude qui
est aujourd'hui bien réelle. C'est pourquoi la commission propose ces
amendements.
Pour en revenir plus précisément à l'amendement n° 123, celui-ci contient une
disposition que Mme le ministre a estimée hier intéressante : elle vise à
mettre en place le tutorat pour les emplois-jeunes. Je l'ai déjà dit, mais
j'insiste, le mot « tuteur » n'est peut-être pas bien adapté. Mais, lors de la
préparation du rapport d'information, nous avons pu formuler un double constat
: d'une part, et alors même que le tutorat était prévu par la loi, il s'est peu
développé ; d'autre part, c'est au sein des organismes qui ont mis en place un
tutorat systématique et effectif que les emplois-jeunes ont donné le meilleur
résultat. J'ai pu le vérifier ! C'est dans ce cas que les jeunes se sont le
mieux insérés, le plus « professionnalisés » et qu'ils ont pu rejoindre le
secteur marchand dans les meilleures conditions. Il convient donc de rendre le
tutorat obligatoire pour les emplois-jeunes : c'est le meilleur moyen d'assurer
leur professionnalisation !
Madame le ministre, j'ajouterai un commentaire, que j'ai déjà fait lors de la
discussion générale. Des professionnels sont mis à la retraite à cinquante ans.
J'ai été étonné d'apprendre que cela se faisait dans une société de
Cergy-Pontoise. Pourquoi pas quarante-neuf, ou quarante-huit ans ? Un jour, on
ne pourra plus avoir une carrière professionnelle !
Il y a là un potentiel tout à fait remarquable, disponible, de personnes qui
pourraient aider les jeunes à entrer dans le monde du travail, qui pourraient
les suivre. Elles pourraient aider non pas simplement un emploi-jeune - c'est
du reste ce qu'a fait EDF dans mon département, où ce sont non pas des
retraités, mais des employés qui sont volontaires pour les aider - mais deux ou
trois, peut-être quatre emplois-jeunes. Elles pourraient les assister dans la
rédaction de leur
curriculum vitae,
les interroger sur les contacts ils
ont eus, leur demander comment les choses se passent et quelles sont les
difficultés qu'ils rencontrent. Je crois sincèrement, madame le ministre, qu'il
faut aller dans cette direction.
Je sais que Mme Aubry, à l'époque de la loi Aubry I, avait expliqué, ici même,
qu'elle était contre. Dans la loi Aubry II, elle avait dit qu'elle était pour.
Peut-être pourrions-nous aujourd'hui, avec vous, madame le ministre, faire
progresser cette idée. L'attente des emplois-jeunes en ce domaine est grande
!
MM. Jacques Machet et Jacques Legendre.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je ne trouve pas très élégant,
monsieur Gournac, de vous adresser à Mme Aubry alors qu'elle n'est plus là pour
vous répondre...
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Il y a continuité !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... et que je suis incapable de
vérifier dans l'instant si ce que vous dites est vrai. C'est un procédé que
vous pourriez éviter, surtout à cette heure-ci.
S'agissant des emplois-jeunes, je suis ravie de votre engouement soudain pour
l'une des mesures phares que le Gouvernement a proposées au cours de cette
législature. Je suis très heureuse de voir que, tout d'un coup, la politique du
Gouvernement rallie les suffrages enthousiastes de la Haute Assemblée ! Tant
mieux ! Evitez cependant d'en profiter pour faire la leçon à Mme Aubry, qui a
eu beaucoup de courage en proposant les emplois-jeunes - au départ, ils
n'étaient pas si bien vu que cela ! - les 35 heures, et beaucoup d'autres
mesures sur lesquelles vous avez plutôt fait la fine bouche au départ.
M. Hilaire Flandre.
On n'a pas fini de les payer !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Les emplois-jeunes, c'est nous
qui les avons créés : 275 000 jeunes ont trouvé un emploi grâce à ce dispositif
! Croyez-moi, nous saurons faire en sorte que ces jeunes puissent trouver des
débouchés et, que d'autres jeunes se voient proposer des emplois-jeunes.
Nous n'avons pas attendu le site Internet que vous avez mis en place -
d'ailleurs provisoirement - pour nous apercevoir qu'en effet les emplois-jeunes
avaient rencontré un grand succès auprès des jeunes ! Alors, ne faites pas
comme si c'était vous qui aviez inventé ce dispositif ! Il ne faut pas
renverser la situation et reprocher à Mme Aubry de vous avoir refusé je ne sais
quoi.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 123, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 38
bis
.
Par amendement n° 124, M. Gournac, au nom de la commission des affaires
sociales, propose d'insérer, après l'article 38
bis
, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Après le cinquième alinéa de l'article L. 322-4-19 du code du travail, il
est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Si, trois ans après la signature de la convention mentionnée à l'article L.
322-4-18, les modalités de pérennisation du poste de travail ne sont pas
assurées ou si le jeune occupant ledit poste n'a bénéficié d'aucune action de
formation professionnelle, l'aide forfaitaire visée au présent article peut
être versée à tout employeur qui s'engage à recruter, en contrat à durée
indéterminée, le jeune. L'aide est alors versée de manière dégressive pour la
durée restant à courir dans des conditions définies par décret. Toutefois, le
reversement de l'aide n'est autorisé que si le jeune dispose d'un niveau de
formation inférieur à un minimum défini par ledit décret. »
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Cet amendement vise à instituer une prime dégressive à
l'embauche des emplois-jeunes par un nouvel employeur.
Je m'explique rapidement.
L'emploi-jeune a une durée de cinq ans. Si le jeune quitte l'entreprise au
bout de trois ans, une prime dégressive pourrait être versée pendant deux ans à
tout employeur qui s'engagerait à le recruter en contrat à durée indéterminée.
Ce dispositif créerait une passerelle pour permettre au jeune de s'insérer
durablement dans le monde professionnel grâce à un basculement partiel de
l'aide publique.
Il apparaît en effet irresponsable d'attendre la fin de l'aide pour se
préoccuper de l'avenir professionnel des jeunes. Il faut aborder le sujet en
amont et proposer des solutions avant l'échéance des cinq ans.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 124.
M. Roland Muzeau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau.
Au mois de février dernier, nous examinions une proposition de loi de MM.
Marini et Lambert intitulée : « Revenu minimum d'activité ». Le principe était
on ne peut plus simple - c'était d'ailleurs l'un des arguments des promoteurs
de l'initiative : une entreprise qui embauchait une personne titulaire d'un
minimum social, le RMI par exemple, percevait pendant trois ans, de manière
dégressive, le montant de l'allocation versée au bénéficiaire et n'avait à
payer que la différence entre le montant du revenu minimum d'activité, qui ne
pouvait être inférieur au SMIC, et l'aide dégressive. En résumé, cette
proposition avait pour objet de fournir aux entreprises des personnels dont une
bonne partie du salaire serait financée par la collectivité publique.
Evidemment, on peut comprendre que les défenseurs acharnés du dogme de la
baisse des coûts salariaux, ou de la modération salariale - pour employer un
euphémisme à la mode ! - aient pu être séduits par cette formule.
Subventionner les salaires, notamment les plus bas, par des fonds publics est
la meilleure façon de créer des millions de travailleurs pauvres et dédouane
les entreprises de leur responsabilité en termes de politique salariale.
MM. Marini et Lambert avaient limité leur proposition aux seuls allocataires
des minima sociaux.
La commission des affaires sociales, toujours à l'affût d'une bonne idée
lorsqu'il s'agit de régression sociale, a sauté sur l'occasion et nous propose,
ni plus ni moins, que d'étendre le dispositif du revenu minimum d'activité aux
bénéficiaires d'un emploi-jeune, en versant aux entreprises qui embaucheraient
une de ces personnes les aides de l'Etat prévues dans le cadre du dispositif
emploi-jeune.
A entendre les membres de la majorité sénatoriale, tout se passe en fait comme
si les entreprises de notre pays n'avaient plus aucun moyen pour verser
elles-mêmes, sans l'aide de l'Etat, un salaire égal au SMIC à leurs
employés.
Les moyens existent pour augmenter de façon substantielle l'ensemble des
salaires. Que je sache, la richesse produite par notre pays n'a jamais cessé
d'augmenter. Or la part des salaires dans le PIB ne cesse de baisser depuis des
années ! Je vous pose une question simple : où passe la différence ?
Eh bien ! mes chers collègues, la différence est directement empochée par des
actionnaires qui, pour obtenir des taux de rémunération de leurs capitaux
supérieurs à 15 %, ce qui est complètement délirant, n'ont qu'une seule
solution : faire pression sur les salaires.
Cette situation devient de plus en plus insupportable, notamment pour les
salariés qui voient que leur entreprise fait des profits, par milliards de
francs pour certaines, et licencie en masse, avec un mépris pour la vie des
personnes ouvertement affiché.
Nous vous appelons donc à rejeter cet amendement, qui n'est qu'une énième
déclinaison des politiques libérales qui ont provoqué tant de dégâts ailleurs
!
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 124, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 38
bis
.
Par amendement n° 125, M. Gournac, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 38
bis
, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 322-4-19 du code du travail est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« Le versement de l'aide est suspendu si le contrat de travail mentionné à
l'article L. 322-4-20 est conclu lorsque la durée de l'aide visée au présent
article restant à courir est inférieure ou égale à un an. »
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Cet amendement vise à limiter les possibilités de rotation
des jeunes sur un même emploi-jeune pour des durées trop courtes. Il prévoit la
suspension automatique de l'aide si un nouveau contrat est conclu alors qu'il
reste moins d'un an d'aide à courir.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 125, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 38
bis
.
Par amendement n° 126, M. Gournac, au nom de la commission des affaires
sociales, propose, après l'article 38
bis
, d'insérer un article
additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 322-4-20 du code du travail, il est inséré un article L.
322-4-21 ainsi rédigé :
«
Art. L. 322-4-21
. - Les comités départementaux de la formation
professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi visés à l'article L.
910-1 procèdent chaque année à une évaluation des emplois créés dans le cadre
des conventions mentionnées à l'article L. 322-4-18 et de leurs perspectives de
pérennisation. »
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Cet amendement tend à garantir au plus près du terrain une
évaluation des emplois-jeunes créés dans chaque département. Cette évaluation
serait confiée au comité départemental de la formation professionnelle, de la
promotion sociale et de l'emploi, le CODEF, qui regroupe l'ensemble des acteurs
de la politique de l'emploi et qui, de ce fait, paraît être l'instance la plus
adaptée. Cette évaluation est très demandée sur le terrain.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 126, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 38
bis
.
Nous en revenons à l'amendement n° 122, qui a été précédemment réservé.
Par amendement n° 122, M. Gournac, au nom de la commission des affaires
sociales, propose d'insérer, après l'article 38
bis
, une division
additionnelle ainsi rédigée :
« Section 4 bis »
« Avenir des emplois-jeunes »
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 122, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans le
projet de loi, après l'article 38
bis
.
Section 5
Accès à l'emploi des travailleurs handicapés
Article 39