SEANCE DU 29 MAI 2001
M. le président.
La parole est à M. Le Grand, auteur de la question n° 1070, adressée à M. le
ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Jean-François Le Grand.
Je voudrais tout d'abord remercier M. le ministre de l'agriculture et de la
pêche d'avoir eu la courtoisie de me prévenir hier qu'il ne pourrait être
présent pour répondre à ma question, qui porte sur la pêche en Manche.
La pêche concerne 2 250 pêcheurs en Basse-Normandie, embarqués sur plus de 600
navires armés, pour la grande majorité d'entre eux, à la « petite pêche ». Elle
représente un chiffre d'affaires d'environ 525 millions de francs, pour plus de
50 000 tonnes de produits de la mer débarqués. Moins de 15 % de ces captures
sont concernées par les mesures prises dans le cadre de la politique commune
des pêches, la PCP, et l'essentiel du tonnage ne relève donc pas des quotas de
pêche. Les principaux apports sont constitués par des espèces sédentaires,
coquillages, crustacés ou mollusques.
Depuis plus de vingt ans, les partenaires locaux mettent en oeuvre une
politique rationnelle d'adéquation des flottilles et des ressources pour une
stratégie de gestion des espèces d'intérêt régional. Les différents contrats de
plan Etat-région, d'ailleurs tous abondés par le département de la Manche, ont
permis de mobiliser les scientifiques de l'Ifremer, l'Institut français de
recherche pour l'exploitation de la mer, en vue de l'identification et de la
gestion des stocks, ainsi que des flottilles franco-britanniques, en
collaboration avec les scientifiques d'outre-Manche.
Aujourd'hui, plus de la moitié des captures régionales font l'objet de permis
de pêche spéciaux, et le comité régional des pêches gère plus de huit cents
licences. Celles-ci, outre l'obligation de déclaration de capture, prévoient
des mesures de limitation des efforts de pêche.
D'importants efforts initiatives visent à l'organisation de la cohabitation.
Une conférence annuelle de Manche centrale réunit ainsi les organismes
professionnels riverains, tant britanniques que français ou belges. La
concertation entre professionnels des îles anglo-normandes et de France a
permis d'aboutir à la constitution d'un comité consultatif de gestion de la
baie de Granville, qui est déjà opérationnel et que j'ai reçu voilà quelques
jours dans les locaux du conseil général de la Manche.
En dépit de la spécificité de l'économie régionale des activités de pêche et
des efforts consentis par tous pour pérenniser cette activité, les mesures
prises à l'échelle européenne s'appliquent sans discernement, et les mêmes
ratios de réduction de la flottille sont imposés à des unités qui n'exploitent
pas les espèces d'intérêt européen.
De plus, aucune mesure n'est actuellement applicable pour limiter un éventuel
redéploiement de l'effort de capture de navires ayant épuisé leurs quotas de
pêche dans leurs secteurs habituels d'activité. Rien ne les oblige à se plier
aux règles instaurées localement pour limiter les prélèvements dans le milieu
naturel.
Depuis plusieurs années, les professionnels, relayés par les responsables
locaux, militent donc pour la reconnaissance de la spécificité des pêches dans
la mer de la Manche. Ce comportement apparaît aujourd'hui précurseur, puisque
le règlement IFOP - instrument financier d'orientation de la pêche - de
décembre 1999 prévoit de favoriser les actions des professionnels en matière de
gestion de la ressource.
Par ailleurs, le Livre vert sur l'avenir de la politique commune des pêches,
présenté par la Commission européenne le 20 mars dernier, en instaurant de
nouvelles mesures visant à permettre une exploitation durable des ressources,
met l'accent sur l'amélioration de la « gouvernance » dans le cadre de la
politique commune des pêches. Il prévoit la création de comités consultatifs de
gestion - je viens de vous indiquer, monsieur le secrétaire d'Etat, que celui
de la baie de Granville était opérationnel - qui permettront aux acteurs d'être
impliqués dans le processus décisionnel. Dans la transparence et le respect de
l'intérêt communautaire, la décentralisation en matière de gestion peut donc
être envisagée.
En conséquence, pour que ne soient pas réduits à néant les importants efforts
déployés par l'ensemble des partenaires locaux, professionnels ou décideurs,
pour assurer la pérennité des ressources naturelles et celle des activités
économiques qui en dépendent, pour favoriser la mise en oeuvre rationnelle de
la politique commune des pêches, pour entériner le rapprochement des
professionnels concernés et la collaboration entre scientifiques européens,
pour permettre d'appliquer à tous les contraintes que les riverains eux-mêmes
s'imposent, je demande à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche de
faire reconnaître la spécificité et l'identité de la mer de la Manche, en
créant, à l'échelon européen, une zone « Manche » indépendante de l'Atlantique
et de la mer du Nord.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour,
secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.
Monsieur le sénateur, je vous renouvelle les excuses de M. Jean Glavany, qui
préside ce matin une table ronde avec les professionnels des produits carnés et
qui m'a chargé de vous apporter la réponse suivante.
La publication, à la fin mars 2001, du Livre vert de la Commission européenne
sur l'avenir de la politique commune des pêches constitue le point de départ
officiel de la réflexion qui doit aboutir, à la fin de l'année 2002, à la
réforme de celle-ci.
Dans l'optique de ce vaste débat qui couvre tous les aspects de la politique
commune des pêches, une meilleure prise en compte des spécificités régionales
des pêcheries doit être recherchée.
En effet, les zones de pêche communautaires présentent des caractéristiques
différentes en termes de ressources comme de pratiques de pêche. Aussi le
développement et la mise en oeuvre de la politique commune des pêches
doivent-ils se faire à l'échelon d'action le plus approprié, à partir de
concertations approfondies avec l'ensemble des professionnels concernés : des
règles plus simples, moins uniformes doivent être mises en place, au travers
d'une plus grande concertation et d'un recours accru à la subsidiarité.
Les pêcheries de la Manche ont trouvé, grâce notamment aux efforts des
professionnels, un équilibre qu'il s'agit de maintenir. C'est avec cet objectif
que la France préconise, au plan communautaire, la mise sous TAC, totaux
admissibles de captures, et quotas de nouvelles espèces de la Manche, telles
que le bar, le rouget ou certains céphalopodes.
C'est également dans ce dessein que les autorités françaises soutiennent les
initiatives visant à favoriser la concertation transnationale et le
rapprochement entre les professions et les institutions communautaires.
D'une façon générale, le ministre de l'agriculture et de la pêche, M. Jean
Glavany, est déterminé à faire en sorte que la réforme de la politique commune
des pêches intègre mieux que par le passé la dimension régionale, tout en
maintenant les conditions d'une non-discrimination entre pêcheurs
communautaires.
M. Jean-François Le Grand.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Le Grand.
M. Jean-François Le Grand.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de cette réponse qui est un
encouragement, en tout cas une indication de la bonne direction prise par le
Gouvernement.
Au-delà des bonnes intentions, j'aimerais cependant qu'un calendrier soit fixé
et que des engagement soient pris quant à la mise en oeuvre rapide de ces
nouvelles directives.
J'ai noté avec beaucoup d'intérêt les propos qu'a tenus M. Glavany à propos de
la spécifité régionale, des actions qui sont appropriées, de la concertation
qui doit être largement développée. Comme je me suis permis très brièvement de
le rappeler, c'est ce que nous pratiquons depuis vingt ans, et ce conjointement
avec nos amis riverains, à savoir les Britanniques, les Belges et, bien
évidemment, les pêcheurs de la Manche et tout particulièrement de
Basse-Normandie.
Faute de l'instauration soit de TAC, soit de mesures appropriées dans une zone
centrale « Manche », ce sont demain les espèces les plus fragiles, coquillages,
mollusques, crustacés qui seront l'objet d'un véritable pillage.
Je ne citerai pas de noms, pour ne pas nous brouiller avec nos amis et
partenaires européens, mais les flottilles de pêche de pays un peu plus au sud,
au-delà des Pyrénées, viennent dans nos eaux et, comme elles ne sont pas tenues
de respecter les accords locaux, risquent de compléter leurs efforts de pêche
en Manche, au détriment de la gestion rationnelle de cette ressource.
C'est la raison pour laquelle je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, que
nous procédions au plus vite à la mise en oeuvre de cette zone spécifique «
Manche ». La déclaration de Bruxelles du mois de mars 2001 nous y autorise. Je
souhaite que notre gouvernement fasse le nécessaire pour que nos pêcheurs
puissent être véritablement protégés et respectés.
POLITIQUE DE SURVEILLANCE DE L'ACTIVITÉ SISMIQUE DANS LE SUD-EST DE LA FRANCE