SEANCE DU 31 MAI 2001
M. le président.
Par amendement n° 27, M. Vasselle, au nom de la commission des affaires
sociales, propose de rédiger ainsi le texte présenté par le I de l'article 6
pour l'article L. 135-8 du code de la sécurité sociale :
«
Art. L. 135-8.
- Le fonds est doté d'un conseil de surveillance,
chargé de veiller au respect des objectifs fixés à l'article L. 135-6, et d'un
directoire responsable, devant le conseil de surveillance, de leur mise en
oeuvre.
« Le conseil de surveillance est constitué de représentants du Parlement,
désignés par leur assemblée, et de représentants de l'Etat en nombre égal,
ainsi que de représentants des régimes d'assurance vieillesse.
« Les membres du conseil de surveillance sont nommés pour une période de six
ans.
« Le conseil de surveillance élit en son sein son président.
« Le directoire comprend trois membres nommés par décret du président de la
République. Ils sont désignés, en raison de leur expérience et de leurs
compétences professionnelles dans le domaine financier, respectivement par le
Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le
président du Sénat.
« Les membres du directoire sont nommés pour une durée de six ans non
renouvelable. Le président est nommé par le Président de la République pour la
durée de ses fonctions de membre du directoire.
« Les fonctions de membre du directoire sont incompatibles avec tout mandat
électif, tout emploi public et toute autre activité professionnelle.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application de cet
article. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 57, présenté par MM. de
Broissia, Gournac et Chérioux, et tendant à rédiger comme suit le deuxième
alinéa du texte proposé par cet amendement pour l'article L. 135-8 du code de
la sécurité sociale :
« Le conseil de surveillance comprend trois députés et trois sénateurs,
désignés par leur assemblée, six représentants du Gouvernement et douze
représentants des régimes d'assurance vieillesse. »
La parole est à M. Vasselle, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 27.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Cet amendement est extrêmement important en ce qu'il illustre
l'esprit dans lequel, selon la commission des affaires sociales, cet
établissement doit être créé et fonctionner.
Cet amendement, qui procède à une rédaction globale de l'article L. 135-8 du
code de la sécurité sociale, est relatif au seul mode de désignation et de
nomination des membres du conseil de surveillance et du directoire.
Il nous paraît important, en effet, d'opérer une distinction entre la
désignation et la nomination des membres du conseil de surveillance et du
directoire, d'une part, et les missions de ces organes, d'autre part.
Nous retenons l'option du Gouvernement selon laquelle le fonds comprendra un
conseil de surveillance et un directoire.
Le conseil de surveillance, qui sera l'organe de contrôle, sera composé de
trois entités : des parlementaires y seront naturellement présents ; les
partenaires sociaux y seront représentés au travers des régimes d'assurance
vieillesse dont ils assurent la gestion ; enfin, y figureront des représentants
du ministère de l'emploi et de la solidarité, d'une part, et du ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie, d'autre part. Le conseil de
surveillance sera chargé du contrôle des actions et initiatives qui seront
prises par le directoire pour la gestion du fonds.
Nous n'avons pas retenu de personnalités qualifiées. La nomination de telles
personnalités étant laissée à la discrétion du Gouvernement, elles apparaissent
trop souvent comme des représentants déguisés de l'Etat.
Le directoire, organe exécutif, sera, quant à lui, constitué de trois
membres.
S'agissant d'un fonds chargé de gérer 1 000 milliards de francs qui seront
utilisés dans vingt ans pour garantir les retraites par répartition des
Français, il est impératif, à notre sens, que le mode de nomination du
directoire soit solennel et garantisse sa parfaite indépendance.
La Caisse des dépôts et consignations étant chargée de la gestion
administrative du fonds, rôle que nous ne lui avons jamais contesté - je le
rappelle à l'intention de M. Domeizel -, il n'apparaît pas souhaitable que le
directeur général de la Caisse des dépôts soit également président du
directoire, comme cela a été décidé par l'Assemblée nationale. On ne voit pas
très bien où serait l'intérêt de créer un établissement public distinct de la
Caisse des dépôts si le directeur général de celle-ci devait être membre du
directoire ! Autant remettre le fonds sous la responsabilité de la Caisse des
dépôts et ne pas se compliquer la vie !
Dans notre amendement, nous nous inspirons du mode de nomination du CSA, le
Conseil supérieur de l'audiovisuel,...
M. Michel Charasse.
Dont l'efficacité est remarquable et remarquée !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... ainsi que du Conseil de la politique monétaire.
Sans entrer dans le détail de la composition du conseil de surveillance, nous
prévoyons un garde-fou : le nombre de représentants du Parlement doit être égal
au nombre de représentants des administrations de l'Etat, de manière qu'il n'y
ait pas un cheval, une alouette !
Le conseil de surveillance élira son président.
Les membres du directoire ne seront pas renouvelables à l'issue de leur mandat
de six ans, ce qui est une garantie supplémentaire d'indépendance. Je vous
renvoie au CSA,...
M. Michel Charasse.
Au courage si évident !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... même s'il est vrai que l'actualité toute récente appelle
en effet quelques remarques.
Leurs fonctions seront incompatibles avec toute autre fonction ; c'est
également une garantie.
L'amendement supprime, en outre, les considérations sociales,
environnementales et éthiques qui, selon le projet de loi dans son état actuel,
doivent être prises en compte dans les orientations du fonds. L'idée est certes
généreuse, mais le fonds de réserve doit avoir une mission univoque :
contribuer à financer les retraites des Français. A trop charger la barque, on
risque de la faire couler !
M. le président.
La parole est à M. Chérioux, pour défendre le sous-amendement n° 57.
M. Jean Chérioux.
Ce sous-amendement a pour objet de préciser la composition du conseil de
surveillance que propose la commission des affaires sociales.
Il réunirait les représentants du Parlement, soit trois députés et trois
sénateurs - ce qui fait bien six, monsieur le rapporteur - désignés comme prévu
par leur assemblée respective, six représentants du Gouvernement et douze
représentants des régimes d'assurance vieillesse.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 57 ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
L'avis est très favorable.
La commission a été très attentive au sous-amendement de précision de notre
collègue Jean Chérioux, qui, comme à son habitude, a fait une proposition d'une
très grande pertinence. La commission n'a donc pu y rester insensible !
M. Jean Chérioux.
Ce n'est pourtant pas la Saint-Jean, aujourd'hui ! C'est le 24 juin !
(Sourires.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 27 et sur le
sous-amendement n° 57 ?
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Dans la rédaction retenue par l'Assemblée nationale,
le conseil de surveillance est composé de membres du Parlement, de
représentants des assurés sociaux, de représentants des employeurs et
travailleurs indépendants, de représentants de l'Etat et de personnalités
qualifiées.
L'amendement n° 27 prévoit que le conseil de surveillance est constitué en
nombre égal de représentants du Parlement et de représentants de l'Etat, ainsi
que de représentants des régimes d'assurance vieillesse. Je ne peux pas vous
suivre sur ce point.
Tout d'abord, sur la forme, la fixation du nombre de représentants des
différentes institutions relève du décret. Ensuite, sur le fond, je suis
attachée à ce que puissent être présentes dans cette instance des personnalités
qualifiées.
M. Jean Chérioux.
Cela veut dire que les parlementaires ne le sont pas !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
En outre, l'amendement ne reprend pas la disposition,
adoptée à l'Assemblée nationale, confiant la présidence du directoire au
directeur général de la Caisse des dépôts et consignations. Pourtant, cette
disposition est nécessaire afin de clarifier la chaîne des responsabilités, dès
lors que la Caisse des dépôts et consignations assure la gestion
administrative.
Je ne peux donc soutenir ni l'amendement n° 27 ni, par voie de conséquence, le
sous-amendement n° 57.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 57.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Mon explication de vote portera, en réalité, sur le sous-amendement n° 57 et
sur l'amendement n° 27, ainsi que sur l'article lui-même.
Je souhaite poser une question, au Gouvernement et au rapporteur, mais surtout
au Gouvernement.
A la fois dans le système qui nous est proposé, les représentants de l'Etat -
et je les distingue des parlementaires, monsieur Chérioux - sont dans les deux
cas minoritaires. Or, si le conseil de surveillance et le directoire commettent
dans la gestion et le placement des fonds une énorme bêtise qui entraîne une
perte financière très élevée, qui paiera ? Le Parlement ? Les représentants des
assurés sociaux ? On ne le sait pas.
Dans une institution de cette nature, et puisque l'on sait bien qu'en fin de
compte c'est l'Etat qui paiera, celui-ci doit être en tout état de cause
majoritaire lorsqu'il faut prendre les décisions. Sinon, il faut préciser qui
paye en cas de grosse erreur. A cet égard, le texte de l'Assemblée nationale
n'est pas plus satisfaisant que celui que nous présentent nos collègues de la
commission des affaires sociales !
J'ajoute à l'adresse de ces derniers que, de toute façon, le système de
nomination par décret du Président de la République implique contreseing. Le
contreseing obligatoire est synonyme de discussions qui peuvent être
interminables entre le Président de la République et le Gouvernement, qu'ils
soient du même bord ou non, d'ailleurs, pour les nominations. Mais là n'est pas
le fond de mon propos.
Madame le secrétaire d'Etat, je vous le dis amicalement, je commence à en
avoir assez de tous ces dispositifs qui conduisent à intégrer majoritairement
dans des organes de direction ou de responsabilité des conseilleurs qui ne sont
pas des payeurs.
Par conséquent, pour des raisons de fond, je suis contre l'article tel qu'il
nous est transmis par l'Assemblée nationale et, bien entendu, contre les
amendements, qui n'arriveront pas à l'améliorer.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
J'ai bien entendu les remarques que vient de faire notre
collègue Michel Charasse.
Notre souci premier est de veiller à la transparence de la gestion du
fonds.
M. Michel Charasse.
C'est autre chose !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Le conseil de surveillance doit donc exercer un véritable
contrôle. Le directoire prendra des décisions qui seront de sa responsabilité,
et c'est très bien ainsi, mais il devra en rendre compte régulièrement au
conseil de surveillance.
Il faut également faire la part entre la gestion administrative et la gestion
financière.
Sur la question de la représentation de l'Etat, nous avons fait notre choix,
et le sous-amendement de M. Chérioux l'a précisé. Nous avons considéré que
l'avenir des retraites et, par voie de conséquence, la gestion du fonds de
réserve étaient avant tout l'affaire des partenaires sociaux, sous le contrôle
du Parlement.
En effet, si l'Etat était amené à apporter une contribution financière, cela
signifierait que le directoire n'aurait pas fait son travail correctement, non
plus que le conseil de surveillance. En d'autres termes, refuser notre
position, c'est faire
a priori
un procès d'intention aux partenaires
sociaux, mais également aux parlementaires qui siégeront au sein du conseil de
surveillance,...
M. Michel Charasse.
Mais non !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... ainsi qu'à l'Etat, qui ne sera peut-être pas
majoritaire.
Mais que changerait la présence majoritaire de l'Etat dans un conseil de
surveillance qui aura mal fait son travail ? C'est lui qui, de toute façon,
devra payer et, si la gestion est mauvaise, la responsabilité en sera
complètement partagée.
Ce à quoi nous avons donc veillé absolument, c'est que la Caisse des dépôts et
consignations assume la gestion administrative et le directoire la gestion
financière, sous le contrôle du conseil de surveillance, au sein duquel
siégeront les partenaires sociaux et les parlementaires, mais également les
représentants de l'Etat.
Quel avantage auraient les partenaires sociaux à « laisser filer » une
mauvaise gestion financière des fonds par le directoire ? Ce serait une
attitude véritablement irresponsable ! Ils ont au contraire tout intérêt,
puisque ce sont leurs retraites qui sont en jeu, à veiller à ce que le
directoire fasse son travail correctement.
Les inquiétudes exprimées par notre collègue M. Charrasse - sans doute a-t-il
eu raison de les formuler - devraient donc être assez facilement balayées par
l'architecture du dispositif que nous avons élaboré, avec conseil de
surveillance et directoire, qui me paraît de nature à apporter toutes les
garanties.
J'ajouterai un élément pour éclairer votre vote - mais il sera de nouveau
abordé à l'occasion d'autres amendements. Il s'agit des ratios prudentiels que
nous avons introduits dans le dispositif pour contenir autant que possible les
risques de gestion qui pourraient apparaître du fait du directoire ou d'un
éventuel laxisme du conseil de surveillance. Cela dit, une telle occurrence
m'étonnerait, compte tenu de la très forte mobilisation des partenaires
sociaux. En effet, il ne se passe pas une semaine, pour ne pas dire un jour,
sans que les uns ou les autres prennent position sur l'avenir des retraites.
M. Michel Charasse.
Sauf qu'ils ne sont pas d'un courage extraordinaire !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Le Gouvernement non plus !
M. Michel Charasse.
Non, personne !
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Je partage la préoccupation de notre collègue M. Charasse sur les questions de
responsabilité, mais le texte élaboré par la commission des affaires sociales,
précisément, devrait lui convenir.
Je sais que nous ne sommes pas en train de traiter un point de droit
commercial, mais un conseil de surveillance n'est pas responsable et ne dirige
pas ! Nous sommes là dans un cas semblable à celui d'une société duale : le
directoire dirige et le conseil de surveillance le contrôle. Il n'a donc qu'un
pouvoir de contrôle. Si responsabilité il doit y avoir, ce ne peut qu'être
celle du directoire.
Je pense que, dans ces conditions, M. Charasse a satisfaction.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 57, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 27, repoussé par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, le texte proposé pour l'article L. 135-8 du code de la
sécurité sociale est ainsi rédigé.
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE L. 135-8
DU CODE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE