SEANCE DU 31 MAI 2001
M. le président.
Par amendement n° 94 rectifié, MM. Hérisson, Richert et Herment proposent
d'insérer, après l'article 18, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le 5° de l'article L. 33-3 du code des postes et télécommunications,
sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« ... Les installations radioélectriques permettant de rendre inopérants dans
les salles de spectacles, tant pour l'émission que pour la réception, les
téléphones mobiles de tous types dans l'enceinte des salles de spectacles.
« Les salles de spectacles sont tout lieu dont l'aménagement spécifique est
destiné à permettre la représentation ou la diffusion au public d'une oeuvre de
l'esprit. »
La parole est à M. Herment.
M. Rémi Herment.
Le très fort développement de l'usage de la téléphonie mobile a eu un impact
sur les comportements et, plus généralement, sur le cadre de vie, occasionnant
dans de très nombreux cas une gêne importante pour autrui, particulièrement
dans les salles de spectacles.
Les campagnes de sensibilisation menées par les opérateurs, les panneaux
d'affichage à l'entrée des salles de spectacles incitant les utilisateurs à
choisir le mode éteint ou le mode vibreur de leur téléphone, n'ont pas suffi à
endiguer les comportements de personnes peu scrupuleuses du respect d'autrui et
des oeuvres.
Il est donc devenu indispensable d'autoriser l'installation dans les
établissements de spectacles de systèmes permettant de rendre localement
inopérants les téléphones mobiles, luttant par là même contre la pollution
sonore croissante.
Pour ce faire, il est nécessaire de modifier la législation en vigueur, de
façon à autoriser l'installation de systèmes radioélectriques destinés à
empêcher l'émission ou la réception de communications par les téléphones
portables dans les salles de spectacles.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission des affaires culturelles ?
M. James Bordas,
rapporteur pour avis.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Avis défavorable, pour des
raisons techniques.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 94 rectifié.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Notre collègue M. Herment a parfaitement raison : la situation est tout de
même très désagréable. Pour autant, la mesure qu'il propose est beaucoup trop
brutale.
En effet, mon cher collègue, si l'on ne peut pas se servir des portables dans
les salles de spectacles, j'aimerais savoir ce qui se passera pour les agents
de sécurité, qui utilisent des portables. Ils ne seront plus en mesure
d'assurer leur service !
Si vous aviez trouvé une rédaction ou un système différents - mais j'ignore ce
qu'ils pourraient être -, j'aurais pu me rallier à votre idée. Il n'y a
effectivement rien de pire que ces portables qui sonnent quand on est au cinéma
en train de regarder tranquillement un film. Mais les couper pour tout le
monde, y compris pour le personnel de sécurité, me paraît difficile.
C'est pourquoi je pense que vous avez eu une bonne idée en posant ce problème,
mais que la solution reste à trouver, à moins que le Gouvernement n'en ait une
à proposer. Pour ma part, je ne vois pas laquelle : fouiller les spectateurs à
l'entrée reste très compliqué.
A moins, bien sûr, d'envisager une solution à long terme et de demander à
l'école publique d'essayer de réapprendre la politesse aux enfants, ce qui
prendra vingt ans, à supposer que cela marche !
(Sourires.)
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Lorrain, rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Il m'est difficile de contrer mon collègue et ami Rémi
Herment, mais plusieurs de mes interrogations restent sans réponse.
Outre les salles de spectacles, où, c'est vrai, la nuisance est infernale, il
y a aussi les salles d'attente des aéroports, notamment,...
M. Michel Caldagnès.
Ce n'est pas pareil !
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
... et il est absolument insupportable - ce n'est qu'un avis
- d'entendre par exemple les conversations des cadres avec leur secrétaire.
C'est une pollution permanente.
Se pose également le problème des téléphones portables dans les avions. On
demande de les éteindre pour des raisons de sécurité, mais la loi ne l'impose
pas de façon formelle.
Je sais que les Japonais ont une attitude très ferme...
M. Michel Charasse.
Ils coupent les têtes !
(Sourires.)
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
... et qu'ils multiplient les interdictions en toutes sortes
de lieux. Dans notre pays, nous sommes jaloux de nos libertés, et je préfère
encore militer dans le cadre des civilités.
Un autre cas me laisse perplexe, celui des astreintes, les gardes médicales,
par exemple. Il est vrai que l'on peut mettre son appareil en veille et le
consulter en sortant, et que les astreintes de ce type ne correspondent pas
toutes à des situations d'urgence. Toutefois, le téléphone portable relie bien
son possesseur à son site, à son employeur, à son hôpital, etc.
Enfin, je me pose une autre question - vous voyez que j'en ai beaucoup ! - à
laquelle je n'ai absolument pas de réponse. Vous connaissez tous le discours
tenu sur les conséquences des radiations radioélectriques. Y a-t-il des
problèmes sur le plan sanitaire ? C'est une question sur laquelle j'aimerais
que l'on travaille un jour.
M. Robert-Denis Del Picchia.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Del Picchia.
M. Robert-Denis Del Picchia.
Je voudrais tout d'abord répondre à M. Charasse que les agents de sécurité
utilisent des canaux différents, si bien que la mesure proposée ne poserait pas
de problème.
Madame la ministre, je n'ai pas très bien compris quels peuvent être les
problèmes techniques que vous avez invoqués. Dans certains pays - le procédé
est déjà utilisé, et il est très simple - une boîte arrête les communications
dans la salle avant qu'elles n'arrivent sur le téléphone portable et les
renvoie à celui qui les a émises. Elles sont alors dirigées vers un répondeur
semblable à celui des téléphones portables. Sur le plan technique, c'est
possible.
S'agissant des aéroports, je suis désolé, mais il y a une différence ! Quand
on va au spectacle, on est dans une salle de loisirs. On peut donc interdire le
téléphone et, si les gens n'obtempèrent pas, on peut l'empêcher de
fonctionner.
Voilà pourquoi je voterai l'amendement.
M. Rémi Herment.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Herment.
M. Rémi Herment.
Je persiste et signe. Les orateurs qui se sont exprimés ne m'ont pas
convaincu.
Les problèmes de sécurité existaient avant les téléphones portables, et ils
étaient résolus. Je ne me souviens pas d'avoir vu de rapport catastrophique sur
ce sujet, notamment en ce qui concerne les salles de spectacles.
Il faut tout de même rappeler - M. Del Picchia vient de le faire à l'instant,
et je l'en remercie - que nous proposons cette disposition dans un cadre bien
spécifique : les salles de spectacles, en tout premier lieu. Nous savons bien
que, compte tenu de l'évolution de la technique, des problèmes qui existaient
ne sont plus des problèmes en 2001.
C'est la raison pour laquelle je voudrais que le Sénat fasse, lui aussi, un
effort dans le sens de la maîtrise des pollutions. En l'occurrence, la
pollution visée par cet amendement, nous la ressentons particulièrement dans de
nombreux lieux, comme nous subissons, sans pouvoir intervenir, la fumée de ceux
qui fument.
Lorsque nous avons l'opportunité de prendre une disposition qui ne prive
personne du bienfait des progrès technologiques, il faut faire preuve de
courage et la prendre.
Quant au médecin de garde, je ferai la même réponse que pour la sécurité. A
l'époque où le téléphone portable n'existait pas encore, si le médecin qui
était de garde souhaitait aller au cinéma, il demandait à l'un de ses confrères
de prendre le relais.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 94 rectifié, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 18.
Division additionnelle avant l'article 19