SEANCE DU 5 JUIN 2001
MESURES URGENTES DE RÉFORMES
À CARACTÈRE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 301, 2000-2001),
adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant mesures
urgentes de réformes à caractère économique et financier. [Rapport n° 336
(2000-2001) ; avis n° 337 (2000-2001) et n° 338 (2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter,
au nom du Gouvernement, et plus particulièrement au nom du ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie, M. Laurent Fabius, est placé sous
le double signe de l'urgence et de la réforme.
Urgence dans la mesure où il constitue un ensemble de mesures utiles qui
protègent les intérêts des salariés, répondent aux attentes des consommateurs
et aux besoins des entrepreneurs.
Réforme parce que les objectifs de ce texte sont la modernisation et la
régulation de notre économie. En cela, il constitue une étape supplémentaire de
l'action du Gouvernement.
Réformer pour consolider la croissance de l'emploi, réformer pour renforcer la
compétitivité de notre pays et rendre plus équitable la compétition entre les
acteurs économiques, réformer pour moderniser le fonctionnement de l'Etat et
rendre ainsi plus proche, plus simple et plus souple le service rendu aux
usagers, réformer pour concilier efficacité économique et solidarité durable,
tel est le souci du gouvernement de Lionel Jospin depuis quatre ans.
A ces orientations s'ajoute l'action plus particulièrement menée à Bercy
depuis un an et qui a débouché sur la présentation de plusieurs textes en
matière d'épargne salariale, de nouvelles régulations économiques, de la prime
pour l'emploi, de réforme et de baisse de plusieurs impôts, de réforme de la
sécurité des cartes bancaires, de réforme des marchés publics, de réforme de
l'ordonnance de 1959. Ces différents textes, auxquels le Parlement a déjà
apporté son soutien cette année ou dont l'examen devrait s'achever d'ici à
l'été, constituent un ensemble qui vise à rendre notre économie et notre
société plus justes, plus fortes, plus transparentes.
D'autres chantiers, essentiels, sont en cours. Je pense notamment à la réforme
des autorités de régulationfinancière,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Nous l'attendons depuis longtemps
!
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
... à celle qui touche l'artisanat et le commerce ou
encore à celle qui portera sur la société de l'information et sur les nouvelles
technologies de l'information et de la communication. Autant de tâches qu'il
nous faudra mener dans les mois à venir en relevant le défi historique du
passage à l'euro pratique. A moins d'un an d'échéances électorales importantes
pour le futur de la nation, la majorité plurielle poursuit son programme
réformateur.
Le Minefi,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Qu'est-ce que c'est que ça ?
(Sourires.)
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
... c'est-à-dire le ministère de l'économie, des
finances et de l'industrie, qui peut être considéré comme le ministère du
développement économique, initiateur et acteur des réformes que je viens de
citer, a sa part du changement.
La réforme-modernisation du ministère, articulée autour des notions de
simplification, de transparence, d'adaptation-formation aux technologies de
l'information et de la communication, de dialogue et d'expérimentation, se
concrétise progressivement. En témoignent la mise en place d'un interlocuteur
fiscal unique ou encore la création du Mininfo, réseau d'information et d'appui
au service des entreprises.
Notre exigence de réformes ne se limite pas à l'Hexagone : elle s'affirme tout
autant dans le cadre de l'Union européenne, en concertation avec nos
partenaires. Lutte contre le blanchiment de capitaux et répression de la
criminalité en col blanc, harmonisation fiscale, soutien à l'innovation : la
présidence française a contribué à faire souffler un vent réformateur. Ce sont
les mêmes impératifs de régulation et de transparence que la France porte au
sein des institutions et des instances internationales.
Croissance et emploi, transparence et sécurité, justice et solidarité ont
orienté les réformes adoptées et inspirent celles qui viennent, y compris donc
celles que contient le texte que je vous présente aujourd'hui.
Chacun peut constater que cette législature aura été l'une des plus
réformatrices depuis 1958 et des plus efficaces depuis de nombreuses années en
matière de lutte contre le chômage et de dynamisme économique.
Le mur des deux millions de chômeurs sera bientôt brisé et la croissance
française, en dépit d'un résultat décevant au premier trimestre, largement
imputable au déstockage des entreprises, est, en moyenne et dans la durée, la
plus robuste et la plus stable d'Europe, il faut le souligner.
Les choix budgétaires effectués en 2001 n'y sont pas étrangers : renforcement
du pouvoir d'achat des ménages grâce aux baisses d'impôts, maîtrise des
dépenses publiques, qu'elles soient sociales ou budgétaires, soutien résolu à
l'innovation et à l'activité des entreprises. Le projet de budget pour 2002
sera, pour le Gouvernement, l'occasion de réaffirmer ces orientations, ce socle
du changement, de la réforme et du progrès social et économique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, commande publique, service public, droit
des consommateurs, euro pratique sont les quatre piliers sur lesquels repose ce
projet de loi. Sécurité, proximité, transparence et simplification en sont les
quatre objectifs.
En valorisant ces approches, les quatorze articles de ce texte, volontairement
court et simple, apportent des améliorations notables dans le quotidien des
particuliers et facilitent de manière concrète et efficace le développement des
entreprises et le fonctionnement des collectivités territoriales.
Le premier des quatre objectifs que j'ai évoqués est de simplifier et
clarifier la commande publique.
Le 8 mars dernier, un décret relatif à la réforme du code des marchés publics
a permis de concrétiser un très important projet en attente depuis près de dix
ans, chacun le sait à la Haute Assemblée. Comme Laurent Fabius s'y était
engagé, le texte qui vous est soumis aujourd'hui va permettre de compléter sur
plusieurs points ce travail relatif à la réforme de la commande publique.
Des dispositions législatives concernant notamment la sous-traitance ou la
définition de la délégation de service public, qui ont fait l'objet d'une ample
concertation, prennent place dans ce projet de loi. Je sais combien les
collectivités mais aussi les entreprises attachent une importance particulière
à l'achèvement rapide de cette réforme.
Sur le deuxième objectif, Gouvernement et Parlement ne peuvent que se
retrouver puisqu'il s'agit de la défense et de la modernisation du service
public, qui sont au coeur de ce texte. Celui-ci s'attache à réaffirmer le
bien-fondé des missions de service public dans un souci d'équité géographique
et d'efficacité pratique.
En garantissant le caractère d'intérêt général de l'assistance technique dans
la gestion communale effectuée par l'Etat au profit des collectivités locales,
ce projet de loi contribuera à assurer l'exécution des missions de service
public sur l'ensemble du territoire.
Dans le même esprit, de grandes entreprises publiques seront modernisées.
La rénovation de la gestion du domaine immobilier de La Poste permettra ainsi
d'orienter plus efficacement les ressources de ce grand établissement public
vers ses métiers. Le régime de la Compagnie nationale du Rhône sera adapté à
son nouveau rôle de producteur indépendant d'électricité et, dans le même
temps, sa mission de service public sera garantie et réaffirmée. Les conditions
d'application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain,
la loi dite SRU, seront fixées afin que cette réforme prenne toute son
efficacité.
Notre troisième objectif est le renforcement du droit du consommateur
bancaire. C'est une préoccupation qui intéresse directement la grande majorité
de nos concitoyens, comme vous-mêmes, naturellement, mesdames, messieurs les
sénateurs.
Le projet de loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique
et financier, ou MURCEF, que je vous présente contribue à redéfinir les
relations entre les banques et leurs clients : transparence accrue des services
bancaires et de leur tarification, transparence renforcée des intermédiaires en
opérations de banque, protection améliorée pour éviter les effets dommageables
des ventes forcées.
Le régime des pénalités applicables aux chèques sans provision de faible
montant sera grandement amélioré afin de limiter les situations d'exclusion
bancaire qui frappent aujourd'hui - le chiffre est saisissant - près de 3
millions de nos concitoyens et constituent souvent le point de départ d'une
spirale infernale.
A l'issue d'un intense travail de concertation, il revient à ce gouvernement,
qui lutte contre toutes les formes d'exclusion, de continuer à aller de
l'avant, notamment en matière de surendettement ou de saisies sur compte
bancaire.
Notre quatrième et dernier objectif est dicté par l'échéance toute proche
concernant l'euro. Il convient de faire de l'euro concret un euro facile.
Dans quelques mois, la vie quotidienne des Français va connaître un changement
majeur avec l'introduction de l'euro fiduciaire. Pour que cette transition se
déroule dans les meilleures conditions, le projet de loi prévoit de simplifier
les opérations de change entre le 1er décembre 2001 et le 30 juin 2002, et de
garantir une protection accrue contre le faux monnayage.
A deux cent quinze jours de la mise en place de la monnaie que partageront
plus de 300 millions d'européens - quel magnifique symbole ! -, notre ambition
est claire : plus de sécurité pour plus de sérénité dans le passage à l'euro
concret.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au début du mois, l'examen de ce projet de
loi par vos collègues du Palais-Bourbon a donné lieu à des discussions nourries
et très intéressantes, qui ont permis de l'enrichir, notamment sur les
dispositions concernant la sous-traitance, sur les questions relatives aux
pouvoirs respectifs des exécutifs et des assemblées délibérantes locales, ainsi
que sur les sociétés locales d'épargne.
Adhérant à la volonté de simplifier et de sécuriser qui a orienté
l'élaboration de ce projet de loi, les députés l'ont voté à une très large
majorité. En apportant des solutions concrètes aux attentes des salariés, aux
inquiétudes des consommateurs, aux souhaits des entrepreneurs, en conjuguant
régulation et simplification, en prolongeant l'impératif absolu de réforme, ce
texte contribue à illustrer une conception moderne d'un Etat moderne, qui doit
être à l'écoute de l'ensemble de nos concitoyens. Je vous demande, mesdames,
messieurs les sénateurs, d'apporter votre soutien résolu à ce texte de
progrès.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, mes chers
collègues, les propos de M. Christian Pierret, que j'ai écoutés avec une grande
attention, me laissent à la fois admiratif et dubitatif.
Je suis admiratif, car, à partir d'un texte qui comporte des mesures
extrêmement diverses, voire sans rapport les unes avec les autres, certaines
étant issues de la simple nécessité, d'autres de l'opportunité de corriger
quelques détails, M. le secrétaire d'Etat nous brosse un tableau idyllique avec
la palette de l'autosatisfaction. Mais c'est un art auquel, ces temps-ci, nous
sommes habitués...
Je suis également dubitatif, car, sur beaucoup de ces sujets - la commission
s'efforcera de le prouver -, les suggestions qui nous sont faites appellent des
remarques, des correctifs, voire une opposition franche et déterminée.
Monsieur le secrétaire d'Etat, après l'hommage rendu à votre éloquence, je
voudrais m'élever contre l'abus des termes « urgence » et « réforme ».
A vous croire, tout est urgent, tout est réforme ! Dès lors que le
Gouvernement propose une mesure quelconque, c'est parce qu'elle est « urgente
». Dès lors que le Gouvernement suggère à la représentation nationale de
compléter un texte de loi, c'est parce qu'il s'agit d'une « réforme ».
Il ne suffit pas, monsieur le secrétaire d'Etat, de baptiser les choses pour
les organiser et susciter la conviction !
A vrai dire, ce texte, mes chers collègues, s'inscrit dans une série. La tête
nous tourne, lorsque nous nous référons à tous ces sigles successifs, parmi
lesquels nous finissons par nous perdre.
Nous avons, voilà peu, traité des NRE, les nouvelles régulations économiques.
Ce texte urgent, ô combien urgent, qui était censé apporter des solutions
miracles à bien des difficultés de la vie économique, nous a retenus pendant de
longues et intéressantes lectures, et il vient tout juste d'être promulgué. Or
on nous proposera ici de procéder déjà à des correctifs sur des dispositions
votées à l'occasion de cette discussion si récente ; je pense, par exemple, à
la définition de l'action de concert.
Ensuite, nous avons vu s'approcher - mais il n'est toujours pas devant nous -
un projet intitulé « RAF », ou réforme des autorités financières, que personne
ne demandait mais que M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie a annoncé au mois de juillet dernier. Cette nouvelle architecture
de régulation de la place financière de Paris a donc fait l'objet de
consultations, de rapports, de propositions, puis a été adoptée par le conseil
des ministres. Mais, dans le calendrier législatif, nous ne voyons rien venir !
Et ces dispositions éparses d'ordre économique et financier dont nous sommes
aujourd'hui saisis ne reprennent même pas ce que le ministre lui-même estimait,
voilà moins d'un an, être une orientation absolument essentielle, une priorité
pour son action et pour la politique économique et financière du
Gouvernement.
Par ailleurs, nous avons eu connaissance de l'adoption par le conseil des
ministres de mercredi dernier d'un DDOEF, ou projet de loi portant diverses
dispositions d'ordre économique et financier.
Ces projets de loi « fourre-tout », bien pratiques tant pour le Gouvernement
que pour le Parlement, je le reconnais, puisque le droit d'amendement n'y a pas
de limites, viennent périodiquement meubler l'ordre du jour parlementaire,
selon le rythme de l'ouverture des tiroirs de l'administration, qu'il faut bien
vider de temps en temps !
Nous aurons donc à examiner très prochainement d'autres dispositions diverses,
donc éparses, mais nous ne savons pas quand, puisque le calendrier
parlementaire ne semble pas pouvoir absorber rapidement ce DDOEF. On est tenté
de se demander pourquoi le projet de loi portant « DDOEF » n'absorbe pas le
projet de loi portant MURCEF. Pourquoi nous soumettre deux projets de loi aussi
hétérogènes l'un que l'autre, alors que toutes les dispositions dont il s'agit
auraient pu faire l'objet d'un seul texte et sont également étudiées, souvent
depuis longtemps, par les services de votre administration, monsieur le
secrétaire d'Etat ?
Par ailleurs, nous avons également examiné unDDOSEC, ou projet de loi portant
diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel » auquel nous avons
consacré beaucoup de temps la semaine dernière.
Compte tenu de la qualité de nos relations, monsieur le secrétaire d'Etat, je
ne saurais insister longuement sur un autre texte, plus médiatique bien que
l'opinion n'en connaisse pas le contenu exact : Je veux parler du projet de loi
relatif à la modernisation sociale. Là aussi, « modernité », « réforme », «
urgence », « entreprise », « emploi »..., tous ces mots dont l'harmonieuse
musique de votre voix nous a bercés figuraient dans le projet de loi. Celui-ci
ne se heurte qu'à une difficulté : son approbation par votre majorité plurielle
!
Au demeurant, ce texte comporte de nombreuses incursions dans les domaines
économique et financier dont nous allons discuter, notamment, sur le fondement
des dispositions que vous nous proposez aujourd'hui.
Mes chers collègues, il est un sujet de préoccupation plus grave encore que la
dispersion de ces sigles ésotériques qui ôtent toute lisibilité à la politique
législative : c'est que les mêmes sujets sont traités simultanément dans
plusieurs textes soutenus par différents ministres. J'en prendrai deux
exemples.
Tout récemment, nous débattions d'un projet de loi relatif à la sécurité
quotidienne, et, là aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, votre majorité
plurielle a été mise à mal. Cette fois, c'est l'écho bienveillant que vous avez
voulu susciter auprès des jeunes à propos de ces rassemblements spontanés dans
les campagnes que chacun connaît qui était en cause.
Mais ce texte ne vise pas seulement les
rave parties
. Il traite aussi
des questions de consumérisme bancaire, puisqu'il porte sur certains
dispositifs techniques concernant directement les usagers des cartes bancaires.
Or le projet de loi que nous examinons aujourd'hui, le « MURCEF », comme vous
l'appelez, reprend le même sujet sous un autre angle, puisque le titre II
traite de la transparence des relations commerciales avec les banques.
La question des cartes bancaires est abordée dans le texte relatif à la
sécurité quotidienne - et c'est le ministre de l'intérieur qui vient soutenir
des dispositions de droit financier ; pourquoi pas ? - ; et nous voilà de
nouveau rassemblés pour débattre d'un pan complémentaire, indissociable du
premier, concernant les relations des banques avec leurs clients.
Je citerai un second exemple. Voilà peu, mes chers collègues, nous réformions
la procédure pénale en adoptant le projet de loi renforçant la protection de la
présomption d'innocence. Que trouve à nous proposer le Gouvernement,
aujourd'hui, par le biais d'ajouts de dernière minute ? Il nous propose de
faire en sorte que les assistants techniques des pôles financiers des parquets,
dont le statut juridique n'est pas encore en vigueur, aient le droit de
participer officiellement à des procédures aux côtés de la police judiciaire et
des magistrats, ce qui constitue une innovation extrêmement importante et
reconnue comme telle par les spécialistes de ce sujet.
On traite de la procédure pénale sous la responsabilité du garde des sceaux,
et le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, représenté par
son excellent secrétaire d'Etat, nous propose de modifier, sur des aspects qui
peuvent être très sensibles et significatifs en termes de bon fonctionnement
des procédures, des dispositions qui relèvent réellement de la procédure
pénale.
Lorsque l'on fait la somme de tout cela - et il ne s'agit que de quelques
exemples ! - on ne peut qu'être dubitatif - pardonnez-moi de le répéter,
monsieur le secrétaire d'Etat - sur la volonté réformatrice qui inspirerait le
gouvernement auquel vous appartenez.
Malgré tout, avec le souci qui est le sien de perfectionner autant qu'il est
possible les textes qui nous sont soumis, la commission des finances s'est
efforcée de tout analyser au fond, de labourer, comme des tâcherons législatifs
que nous sommes, ce texte dépourvu d'unité, dépourvu d'urgence, et dont
l'inscription au calendrier nous semble très contestable.
En premier lieu, nous nous sommes efforcés de rendre ces dispositions plus
claires et plus opérationnelles. Je vais vous en donner quelques exemples.
A l'article 1er, nous avons voulu préciser les dispositions relatives à
l'ingénierie publique et les ancrer dans le concret, dans la réalité que nous
constatons dans l'exercice de nos fonctions d'élus locaux. Nous ne voulons pas
que les petites communes, par le biais de l'assistance technique que leur
accordent les services de l'Etat, soient de fait placées sous une tutelle
insidieuse, pire peut-être que celle qui existait avant la décentralisation.
Nous reviendrons bien sûr, avec chacun de nos amendements, sur cet aspect des
choses.
En ce qui concerne le droit de la commande publique, c'est la commission des
lois, qui, par la voix de son rapporteur pour avis, notre collègue Pierre
Jarlier, présentera, de façon à mon avis très convaincante, les résultats tant
de ses analyses que de nos analyses communes.
Nous avons bien entendu déposé de nombreux amendements sur la partie bancaire
du dispositif et sur celle qui précise ce que vous appeliez, monsieur le
secrétaire d'Etat, le « passage à l'euro concret ».
A cet égard, je me contenterai de souligner dans cette première intervention
l'existence de contradictions entre différentes législations. Au moment où,
nous le savons, nombre de nos concitoyens vont « vider leur bas de laine » où
se trouvent des sommes d'argent liquide très substantielles - les services de
la Banque de France les ont en effet chiffrées à quelque 130, voire 150
milliards de francs -, le Gouvernement voudrait, comme c'est compréhensible,
faciliter l'échange des espèces monétaires de francs en euros. Ce faisant, il
ne résout pas la contradiction qui existe entre, d'une part, la législation
TRACFIN, qui oblige les banques à relever l'identité des intéressés à partir du
seuil de 8 000 euros, et, d'autre part, la nouvelle législation temporaire que
l'on souhaite nous faire adopter, qui fixe le plafond de l'échange libre à 10
000 euros. Monsieur le secrétaire d'Etat, il faudra bien nous répondre
clairement sur cette contradiction, l'une des plus importantes de ce texte, à
laquelle l'opinion ne pourra qu'être très sensible.
Par ailleurs, mes chers collègues, nous avons longuement examiné une question
souvent passionnée en matière de droit financier : je veux parler de l'usage du
français dans les notes d'information et dans les prospectus d'émission de
valeurs mobilières visés par la Commission des opérations de bourse, ou COB. La
commission des finances vous proposera un dispositif qui, lui semble-t-il,
serait de nature à améliorer la compétitivité de la place de Paris tout en lui
évitant de passer sous les fourches Caudines des Anglo-Saxons pour toutes les
opérations, quelles qu'elles soient et quel que soit le produit financier en
cause. Nous aurons sans doute une discussion fournie sur ce sujet, qui est
toujours très sensible et dont nous voyons ici la traduction en droit des
valeurs mobilières ; mais la défense de la francophonie doit nous mobiliser
dans de nombreux autres domaines, auxquels le grand public est souvent bien
plus sensible.
En deuxième lieu, la commission a attaché une grande importance aux différents
articles qui concernent le secteur public.
En liaison étroite avec nos collègues de la commission des affaires
économiques, nous avons examiné les dispositions préconisées pour faire évoluer
le statut de la Compagnie nationale du Rhône, et nous estimons qu'il faut aller
un peu plus loin que ne le propose le Gouvernement pour permettre à cette
société de trouver sa place et d'assurer sa pérennité.
En ce qui concerne La Poste, nous sommes favorables à l'assouplissement des
modalités de gestion et d'arbitrage de son patrimoine immobilier, mais nous
voudrions qu'une telle évolution s'accompagne d'un progrès vers la transparence
des comptes et que l'on parvienne à distinguer clairement, en comptabilité
analytique, ce qui relève du service public de ce qui ressortit à la prestation
de services financiers dans un monde compétitif, à armes égales, c'est-à-dire à
égalité de droits, mais aussi de devoirs, avec les autres.
En troisième lieu, la commission a souhaité réaffirmer des positions de fond
qui lui paraissent importantes sur des sujets de principe. On ne s'étonnera pas
que nous ayons réintroduit la fusion entre la Commission des opérations de
bourse et le Conseil des marchés financiers.
En effet, il nous semble que ce dispositif pourrait être immédiatement
opérationnel, si on le voulait. Attendre plus longtemps sa mise en oeuvre ne
peut qu'aboutir, notamment hors de France, à une décrédibilisation des
autorités de régulation de la place. Dès lors que l'on a dit que la réforme
était nécessaire, il faut la réaliser, dans l'intérêt du marché de Paris et
pour la bonne compréhension de nos procédures par l'ensemble de
leursutilisateurs.
Il est un autre point sur lequel la commission souhaite que le Sénat réaffirme
ses positions de principe : je veux parler de l'autonomie des collectivités
locales. En effet, à la suite de la décision récente du Conseil
constitutionnel, la question de la mise en oeuvre du processus des sanctions
infligées aux communes n'atteignant pas le quantum de logements sociaux nous
est de nouveau soumis. La commission, en étroit accord - je crois pouvoir le
dire - avec nombre de nos collègues, souhaite que nous réaffirmions les
positions de principe qui ont été, notamment, le fruit des propositions de la
commission des affaires sociales, avec notre collègue Jacques Bimbenet, et de
la commission des affaires économiques, compétente au fond pour la loi relative
à la solidarité et au renouvellement urbains, dont le rapporteur était notre
collègue Louis Althapé.
Attendre plus longtemps sa mise en oeuvre ne peut qu'aboutir, notamment hors
de France, à une décrédibilisation des autorités de régulation de la place. Dès
lors que l'on a dit que la réforme était nécessaire, il faut la réaliser, dans
l'intérêt du marché de Paris et pour la bonne compréhension de nos procédures
par l'ensemble de leurs utilisateurs.
Il est un autre point sur lequel la commission souhaite que le Sénat réaffirme
ses positions de principe : je veux parler de l'autonomie des collectivités
locales. En effet, à la suite de la décision récente du Conseil
constitutionnel, la question de la mise en oeuvre du processus des sanctions
infligées aux communes n'atteignant pas le quantum de logements sociaux nous
est de nouveau soumis. La commission, en étroit accord - je crois pouvoir le
dire - avec nombre de nos collègues, souhaite que nous réaffirmions les
positions de principe qui ont été, notamment, le fruit des propositions de la
commission des affaires sociales, avec notre collègue Jacques Bimbenet, et de
la commission des affaires économiques, compétente au fond pour la loi relative
à la solidarité et au renouvellement urbains, dont le rapporteur était notre
collègue Louis Althapé.
Enfin, nous avons inséré dans le dispositif quelques éléments techniques qui
nous semblent utiles et attendus. Nous souhaitons ainsi permettre la création
de sociétés
holding
pour l'exercice de la profession d'avocat, afin que
celle-ci puisse mieux résister à une compétition mondiale dont les conséquences
sont à l'oeuvre chaque jour.
Nous avons également voulu apporter une précision pour ce qui est de la
desserte gazière, point sensible en matière d'aménagement du territoire, en
saisissant en quelque sorte la « perche tendue » par nos collègues de
l'Assemblée nationale.
Mes chers collègues, au moment de conclure cette présentation, je voudrais une
nouvelle fois m'élever contre les méthodes de travail qui nous sont imposées,
tant en ce qui concerne les conditions d'examen des textes que pour ce qui est
de la hâte, à mes yeux un peu suspecte, avec laquelle certains amendements de
dernière minute, pourtant très importants, nous sont soumis. Je vous en ai
donné tout à l'heure quelques exemples concrets.
Bref, ce texte est critiquable sur la forme. Il ne mérite, à notre avis, que
l'appellation de « DDOEF ». Nous proposerons d'ailleurs, entre autres
dispositions, de le rebaptiser ainsi, car mieux vaut appeler un chat un chat.
En fin de compte, ce texte ne mérite ni un excès d'honneur - je crois l'avoir
exposé au début de mon propos - ni un excès d'indignité, car, il faut bien le
reconnaître, nombre de dispositions techniques dont nous allons débattre
doivent prendre place quelque part, ici ou là, sans que l'on ait à les parer de
tous les mérites de l'urgence, de la réforme et de la politique économique.
Voilà, mes chers collègues, l'esprit dans lequel la commission des finances
vous engage à procéder à l'examen de ce texte, sur lequel nous avons travaillé
en étroite liaison avec nos collègues de la commission des lois et de la
commission des affaires économiques.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Larcher, rapporteur pour avis.
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, quel rapport entre le statut de la Compagnie nationale du Rhône, ou
CNR, les immeubles de La Poste et les sanctions pour insuffisance de
construction de logements sociaux, qui font l'objet de trois articles du projet
de loi portant mesures urgentes de réformes, à caractère économique et
financier dont la commission des affaires économiques a été saisie pour avis
?
Le souffle que vous avez mis voilà un instant, monsieur le secrétaire d'Etat,
pour présenter cet ensemble qui constitue une sorte de « bric-à-brac » me
laisse non pas dubitatif, mais plutôt admiratif : vous avez tenté de le
présenter avec la force du vent, pour l'apparence du vent.
Dans l'intitulé du projet de loi et de ses titres, le Gouvernement donne deux
justifications à cet assemblage hétéroclite, et M. le rapporteur au fond l'a
bien souligné. D'une part, ces mesures, une fois de plus, seraient « urgentes »
- quelles dispositions ne le sont pas, puisque l'urgence est systématiquement
déclarée ? D'aucuns y ont vu l'expression du nouveau concept de « l'urgence
lente », qui paraît caractériser le travail législatif du gouvernement Jospin.
D'autre part, ces mesures seraient des « réformes ». Mais ce terme, d'ailleurs
ambitieux au regard du contenu du projet de loi, n'est-il pas sur le plan
étymologique, applicable à tout changementlégislatif ?
Ainsi, pour le Gouvernement, toutes les réformes seraient urgentes et ce
dénominateur commun justifierait leur inscription simultanée au hasard d'un
calendrier géré dans la précipitation.
A l'analyse, les articles 11 et 12 sur la Compagnie nationale du Rhône et sur
La Poste, dont la commission des affaires économiques est saisie, semblent
avoir pour principal point commun plutôt une méthode de législation, la
législation « par appartements » tandis que l'article 13 relèverait plutôt de
la législation par résipiscence.
Légiférer « par appartements », c'est appliquer la technique du salami : on
découpe des questions épineuses, surtout celles qui font débat au sein de la
majorité plurielle, et on en éclate la discussion dans divers « véhicules
législatifs », afin de ne surtout pas aborder le débat au fond. On multiplie
les écrans de fumée et les incantations pour ne pas évoquer les questions qui
fâchent. La libéralisation du secteur de l'électricité et l'enlisement du
secteur de La Poste en offrent deux exemples.
Chacun des articles soumis à l'avis de la commission des affaires économiques
illustre ce propos.
Le secteur de l'électricité a été ouvert à la concurrence et réformé par la
loi du 10 février 2000, et M. Jacques Valade y a pris une part déterminante.
La loi fut adoptée selon la procédure de l'urgence, même si le Gouvernement a
laissé passer huit mois entre l'inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée
nationale et l'inscription à l'ordre du jour du Sénat, délai que rien ne
justifiait, sauf sans doute un calendrier du printemps 1998. Au cours du
présent débat, on nous propose de transformer la Compagnie nationale du Rhône
en société par un article perdu au milieu de dispositions diverses.
Souvenons-nous : le Gouvernement refusa d'évoquer la question sur le statut
d'Electricité de France et sur le statut de la CNR, transformée
de facto
par cette loi en premier concurrent d'EDF sur le territoire national !
Voilà que ce sujet ressurgit aujourd'hui, dans un texte moins « voyant ».
Pour La Poste, le débat législatif d'ensemble que le Gouvernement, pressé par
des parlementaires de toutes sensibilités, nous avait promis - à l'Assemblée
nationale le 2 février 1999, au Sénat le 25 mars - nous l'attendons toujours !
M. Paul Quilès avait, en 1990, suscité cette réflexion d'ensemble et mis en
oeuvre une première et importante transformation. M. François Fillon a fait
aboutir, en 1996, la réforme du secteur des télécommunications, après un long
et profond débat sur ce sujet. Aucun texte d'ensemble relatif à La Poste et à
son avenir n'a été examiné depuis onze ans, alors que l'immobilisme fragilise
l'opérateur face à l'irruption de la concurrence. Dans ce contexte, le
Gouvernement utilise tous les « véhicules législatifs » possibles pour y
insérer des fragments de réforme : un amendement par-ci, une ordonnance
par-là.
Qu'on en juge plutôt !
La transposition de la directive postale du 15 décembre 1997 a été effectuée
dans la loi du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le
développement durable du territoire, autant dire pratiquement sans débat, par
un amendement de dernière minute du Gouvernement.
La tentative - contrée par le Sénat - de finir de transposer la directive
postale par ordonnance n'a pas été l'occasion d'un large débat sur La Poste.
Aujourd'hui, nous avons l'article 12 du projet de loi portant mesures urgentes
de réformes à caractère économique et financier, dit « MURCEF », que le
Gouvernement comptait d'ailleurs initialement insérer dans un projet de loi
portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.
La méthode du Gouvernement pour éviter le débat sur des sujets sensibles est
au point, bien qu'elle soit un peu visible.
L'article 13 sur les logements sociaux relève plutôt, quant à lui, d'une
session de rattrapage, après un examen raté, ou plutôt sanctionné. En effet, il
remplace le mécanisme de sanctions à l'encontre des communes ne respectant pas
leurs obligations en matière de logement social, prévu à l'article 55 de la loi
du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Le
Sénat s'y était opposé avec raison et, dans sa décision du 7 décembre 2000, le
Conseil constitutionnel l'a déclaré non conforme à la Constitution, au nom même
de la liberté des communes.
Là encore, l'invocation de l'urgence pourrait prêter à sourire, puisque ce
mécanisme ne trouvera à s'appliquer qu'à l'issue de la période triennale qui
s'ouvrira le 1er janvier 2002, même s'il est effectivement préférable de
définir les règles du jeu avant que la partie commence.
Néanmoins, la vraie urgence porte sur la relance de la production de logements
sociaux, face à une situation qui se dégrade depuis six ans. On ne peut se
satisfaire du fait que les mises en chantier ne correspondent qu'à la moitié
des programmations physiques affichées par le Gouvernement en loi de finances.
Ainsi, en 2000, la production de logements sociaux s'est révélée très
insuffisante avec 42 500 logements réellements financés et engagés. Certes,
nous prenons acte des mesures du plan gouvernemental de relance arrêté en mars
dernier, qui renforce le montage financier des opérations ; mais ce plan ne
concerne que les communes ayant moins de 35 % de logements sociaux et, pour
cette année, la date tardive de sa parution ne permet pas aux opérateurs de
rectifier leur programme de construction. En tout état de cause, il faudra
aller plus loin dans la révision des zonages existants ou encore dans la prise
en compte de la surcharge foncière dans les zones où la situation est
tendue.
Aujourd'hui, le financement en termes de logement social est insuffisant pour
boucler, par exemple, une opération de logement social en zone 2, dans
l'Ile-de-France, car les loyers plafonds autorisés ne permettent pas
d'équilibrer les coûts de construction, et donc les prix de revient.
Dans certaines communes denses mais manquant de logements sociaux, les
organismes ne peuvent pas affronter la concurrence avec les opérateurs privés ;
les prix du foncier sont trop élevés et les délais de réaction desorganismes
sont beaucoup plus longs que ceux despromoteurs.
Compte tenu de la hausse des prix à la construction, les bases de financement
des opérations montées voilà deux ans sont obsolètes. De plus, l'indice des
coûts de la construction ne rend pas compte de cette évolution.
Enfin, les organismes d'HLM sont confrontés au phénomène de rareté des
entreprises du bâtiment, surtout s'agissant des moyennes entreprises en raison
de la disparation de nombre d'entre elles voilà sept ou huit ans. La
concurrence étant rude avec le secteur de la promotion et de la rénovation,
ceux qui, parmi nous, exercent des responsabilités dans des organismes d'HLM
sont confrontés à des appels d'offres qui, la plupart du temps, sont
infructueux.
Après avoir dit ce que nous pensons de la méthode, venons-en aux dispositions
dont la commission des affaires économiques est saisie.
Pour la Compagnie nationale du Rhône, la commission des affaires économiques,
qui a travaillé en étroite relation avec la commission des finances et avec la
commission des lois, considère que la transformation de cette société anonyme
d'intérêt général en société anonyme est souhaitable.
Mais il y a plus : la Compagnie nationale du Rhône doit passer d'une situation
d'établissement public administratif dont les ressources étaient assurées à la
logique d'une entreprise ouverte au secteur concurrentiel sur ses marchés, tout
en assurant aussi ses missions d'intérêt public.
La commission proposera de redéfinir la place de l'Etat au sein du conseil de
surveillance de la Compagnie nationale du Rhône et de prévoir divers mécanismes
destinés à éviter que l'entrée en vigueur de ces dispositions ne soit
affectée.
Nous souhaiterions, en outre, que le financement des missions d'intérêt
général soit clairement défini. Actuellement, ces missions sont financées grâce
aux revenus issus de la production de l'électricité. Ne conviendrait-il pas,
pour l'avenir, de prévoir qu'une fraction stable de ces revenus soit affectée
au financement de ces missions ?
D'un point de vue plus général, nous souhaitons que le Gouvernement nous donne
l'assurance que la Compagnie nationale du Rhône sera bien un acteur actif du
nouveau marché électrique, en ce qui concerne tant la production que la vente
d'électricité.
Venons-en à La Poste. L'article 12 du projet de loi prévoit de faire sortir
les biens immobiliers de La Poste du régime juridique de la domanialité
publique, afin d'accroître la liberté de gestion de l'établissement. Un
mécanisme d'opposition de l'Etat est instauré, pour le cas où une cession ou un
apport contredirait les obligations d'aménagement du territoire et de service
public fixées par le cahier des charges et par le contrat de plan de La Poste.
Ce droit d'opposition est calqué sur celui que l'Etat détient sur France
Télécom.
La mesure proposée est utile et d'ordre technique : il s'agit de donner une
souplesse de gestion et des marges de manoeuvre financières, et non de toucher
à la dimension du réseau des bureaux de poste, et ce pour deuxraisons.
D'abord, on l'ignore trop souvent, seul un bureau de poste sur quatre est
actuellement détenu en propre par La Poste, les trois autres étant loués et
échappant, de fait, au champ d'application du projet de loi.
Ensuite, les obligations du contrat de plan et du cahier des charges
continuent de s'appliquer, sous peine d'une opposition de l'Etat : les
commissions départementales de la présence postale territoriale, créées à la
suite du contrat de plan et mises en place dans chaque département, restent
chargées d'adapter le réseau aux besoins des clients. L'outil est sans doute
perfectible, mais il existe. Aussi, à titre personnel, et sous réserve de
l'appréciation de la commission des finances, saisie au fond, je ne serai pas
favorable à l'amendement du groupe socialiste qui limiterait la marge de
manoeuvre de La Poste. Le haut de bilan a en effet besoin d'être restructuré :
il supporte encore les conséquences de la surévaluation des actifs immobiliers
dans le bilan d'ouverture de 1990.
J'approuve donc le principe de l'article 12 - je l'ai écrit voilà un certain
nombre d'années - même si, et cela ne sera une surprise pour personne, je crois
qu'il est temps d'aller plus loin et de transformer La Poste en société anonyme
à capitaux publics. Pourquoi continuer de faire de ce sujet un tabou ?
L'article 12 du projet de loi est là pour nous montrer combien le staut
d'établissement public est devenu inadapté.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis.
Souvenons-nous : voilà quelques mois, par des voies
diverses, c'était la flotte automobile qui sortait du giron de l'établissement
public.
L'article 12 du projet de loi n'est qu'un premier pas, insuffisant, dans la
bonne direction.
Pour les sanctions à l'encontre des communes ne remplissant pas leurs
obligations en matière de construction de logements sociaux, l'article 13 tire
les conséquences de la condamnation du Conseil constitutionnel en proposant un
dispositif facultatif aux termes duquel le représentant de l'Etat doit tenir
compte des circonstances locales avant de prononcer l'éventuelle carence.
En outre, la sanction financière appliquée est proportionnelle au nombre de
logements manquants par rapport à l'objectif imposé, et la charge financière
supportée par la commune, en cas de subvention foncière versée par l'Etat, est
plafonnée par la loi.
La commission des affaires économiques estime qu'il s'agit là d'un dispositif
de conséquence pour se tirer d'un mauvais pas, même s'il reste éloigné du
mécanisme, indicatif et contractuel - j'insiste sur ce dernier terme - que la
Haute Assemblée avait défendu lors de l'examen de la loi relative à la
solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU ». Elle vous proposera,
en conséquence, de préciser les éléments dont devra tenir compte le préfet,
notamment ceux qui sont relatifs aux engagements financiers de l'Etat en
matière de politique du logement.
En accord avec la commission des finances, la commission des affaires
économiques restera ouverte à un certain nombre de propositions lors du débat.
Il s'agira, en effet - et cela demeurera un regret eu égard aux propositions
formulées par le Sénat dans le cadre de la loi SRU - de réfléchir à nouveau sur
la nécessaire prise en compte de la dimension intercommunale. En effet, quelle
anomalie, quelle incongruité de continuer à parler, d'un côté, de PLH
intercommunal et de l'autre, de sanctions communales ! Nous avons là, pour des
raisons idéologiques, manqué un véritable rendez-vous.
La commission des affaires économiques sera attentive à ces sujets, et donc
favorable à une évolution indispensable du patrimoine immobilier de La Poste,
favorable à la modification du statut de la Compagnie nationale du Rhône, tout
en regrettant que celle-ci ne soit pas intervenue à l'époque où l'on parlait de
la libération du secteur de l'électricité, enfin, attentive à ce que
l'autonomie, la liberté des communes et la prise en compte de
l'intercommunalité soient une réalité.
Telles seront les propositions que formulera la commission des affaires
économiques saisie pour avis, mes chers collègue, au côté de la commission des
lois, également saisie pour avis, et de la commission des finances, saisie au
fond.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Unioncentriste.)
M. le président.
La parole est à M. Jarlier, rapporteur pour avis.
M. Pierre Jarlier,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration
générale.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, la commission des lois s'est saisie pour avis du titre Ier de ce
projet de loi relatif aux marchés publics, à l'ingénierie publique et à la
commande publique, ainsi que du titre III portant dispositions facilitant le
passage à l'euro fiduciaire.
Dans la mesure où la commission des lois ne vous propose qu'un amendement
technique sur les dispositions du titre III qui lui ont été soumises, je
concentrerai mon propos sur les mesures contenues dans le titre Ier qui
tendent, pour l'essentiel, à consolider la base législative du droit de la
commande publique.
Ces mesures complètent la réforme du code des marchés publics, très attendue,
définie par voie réglementaire et applicable dès septembre 2001.
Cette réforme est d'autant plus attendue que notre code des marchés publics
est aujourd'hui obsolète et qu'il doit donc être simplifié et clarifié, ce qui
est le cas, globalement, dans le nouveau texte.
La commission des lois regrette néanmoins vivement que le Parlement n'ait pas
été associé à cette réforme essentielle, alors même qu'un projet de loi déjà
déposé en mars 1997 aurait permis de donner une valeur législative aux
principes qui gouvernent l'achat public.
On peut également regretter l'absence d'une réforme d'ensemble de la commande
publique, qui aurait permis de rassembler dans un même code l'ensemble des
règles dans ce domaine, qu'il s'agisse, par exemple, des dispositions relatives
aux délégations de service public, à la sous-traitance dans les marchés publics
ou des dispositions de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise
d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée.
Conséquence de cette absence de réforme d'ensemble, le projet de loi qui nous
est aujourd'hui soumis comporte une série de mesures très diverses et
complémentaires à la réforme réglementaire du code des marchés publics.
L'article 1er vise à rénover le régime juridique de l'ingénierie publique,
afin de le mettre en conformité avec le droit communautaire de la
concurrence.
Jusqu'à présent, les collectivités locales pouvaient faire appel aux services
de l'Etat sans obligation préalable de mise en concurrence, sur la base de
simples conventions et d'une tarification définie par un arrêté
interministériel.
Les directives européennes relatives aux marchés publics de services imposent
aux « pouvoirs adjudicateurs » de mettre en concurrence leurs prestataires de
services dès lors que le montant de l'opération dépasse un certain seuil.
La jurisprudence administrative considère aussi que tous les contrats entre
les personnes publiques, dès lors qu'ils portent sur des prestations d'un
montant supérieur aux seuils européens, doivent être attribués conformément aux
procédures de publicité et de mise en concurrence communautaires.
Le projet de loi tend donc à tirer les conséquences de cette évolution en
distinguant deux types de missions : d'une part, des missions d'ingénierie qui
pourraient s'exercer dans le cadre des règles de la commande publique et de la
concurrence et, d'autre part, des missions d'assistance technique aux
collectivités de taille et de ressources modestes, qui doivent pouvoir faire
appel aux services de l'Etat pour l'exercice de leurs compétences. Cette
mission de service public se verrait attribuer le caractère de service
d'intérêt général et s'exercerait en dehors des règles de la concurrence.
Si ces deux types de missions distinguées par le projet de loi sont
parfaitement identifiées, la mission d'assistance technique mériterait d'être
mieux précisée pour s'assurer qu'elle n'entre pas dans le champ du domaine
concurrentiel de la maîtrise d'oeuvre. Les maîtres d'oeuvre, géomètres,
architectes, paysagistes et bureaux d'études installés en zone rurale
s'inquiètent en effet fortement des risques de dérive et d'interprétation de
cette notion d'assistance technique.
De la même façon, les services de l'Etat - direction départementale de
l'équipement, direction départementale de l'agriculture - seront-ils en mesure
d'assurer des missions élargies, alors même que l'on constate des baisses
d'effectifs régulières au sein de nos subdivisions rurales ?
La commission des finances étant saisie au fond sur cet article 1er, la
commission des lois ne vous soumettra pas d'amendement. Néanmoins, monsieur le
secrétaire d'Etat, des précisions sur le projet de décret qui fixera les
critères de l'assistance technique éclaireraient utilement notre débat au sein
de la Haute Assemblée.
L'article 2 tend à unifier le contentieux des marchés publics au profit du
juge administratif en qualifiant de « contrats administratifs » tous les
marchés soumis au code des marchés publics. Certains marchés soumis au code des
marchés publics ont en effet été récemment considérés par la jurisprudence
comme des contrats de droit privé.
Cette unification doit permettre d'apporter une plus grande sécurité juridique
aux justiciables et de réduire les risques d'interprétations divergentes du
code des marchés publics.
Si l'objectif est louable, j'observe toutefois que la conciliation du code des
marchés publics avec d'autres textes ne va pas toujours sans difficultés, en
particulier dans le domaine des assurances.
Par exemple, en matière de délais de règlement, en cas de retard de paiement
de la prime d'assurance par l'assuré, le code des assurances ouvre au bénéfice
de l'assureur un mécanisme de suspension d'office, puis de résiliation
unilatérale du contrat. Or ce dispositif s'avère incompatible avec le code des
marchés publics, qui prévoit seulement des intérêts moratoires au bénéfice du
cocontractant.
Néanmoins, le juge administratif a estimé qu'en cas de contradiction le code
des assurances, qui revêt une valeur législative, devait primer. C'est pourquoi
la commission des lois n'a pas jugé utile de déposer un amendement à ce
sujet.
Je souhaiterais cependant monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous
apportiez des précisions sur cette unification, alors que toutes ses
conséquences n'ont peut-être pas été prises en compte, notamment pour le régime
des assurances.
L'article 3 du projet de loi vise à définir la notion de délégation de service
public, afin de mieux la distinguer de celle des marchés publics qui est, quant
à elle, précisée dans la partie réglementaire du code des marchés publics.
Reprenant les éléments fournis par la jurisprudence, il explicite les critères
tirés de l'objet du contrat et des conditions de rémunération du cocontractant
de l'administration.
L'Assemblée nationale a précisé qu'il incombait à la commission d'examen des
offres, composée d'élus issus de l'assemblée délibérante, de dresser la liste
des candidats admis à présenter une offre dans le cadre des délégations de
services publics. C'est une disposition qui va dans le sens d'une plus grande
transparence, et nous l'approuvons.
Dans le même esprit, la commission des lois vous proposera de surbordonner la
subdélégation d'un service public à l'accord exprès de la collectivité publique
délégante et d'interdire la subdélégation de la totalité de la gestion du
service.
Par ailleurs, il serait également utile que les collectivités locales, en
particulier les petites communes, puissent se référer à des modèles de cahier
des charges pour confier la gestion de leurs services publics dans les
meilleures conditions et pour s'assurer d'un service de qualité à l'usager, à
l'instar, par exemple, de ce qui est fait aujourd'hui, en collaboration avec
l'Association des maires de France, pour les cahiers des charges sur l'eau.
L'article 4, relatif à la sous-traitance, interdit clairement la
sous-traitance totale des marchés publics, limite le mécanisme du paiement
direct aux sous-traitants de premier rang et garantit le paiement des
sous-traitants de deuxième rang ou plus par le mécanisme de la caution.
Ces nouvelles dispositions sont de nature à favoriser la protection des
sous-traitants dans la passation et l'exécution des marchés.
L'Assemblée nationale a renforcé les obligations qui incombent au maître de
l'ouvrage en matière de protection de sous-traitants et les a étendues aux
marchés publics.
Sur l'initiative du Gouvernement, elle a également inséré un article 4
bis
tendant à prévoir la déclaration des sous-traitants auxquels le
candidat à un marché public envisage de faire appel lors de la soumission, puis
en cours d'exécution du marché.
La commission des lois estime qu'il convient de ne pas trop alourdir la charge
et la responsabilité du maître de l'ouvrage dans le contrôle de l'exécution des
liens contractuels de droit privé, tout en assurant une meilleure protection
des sous-traitants.Elle vous soumettra donc à cet effet plusieurs
amendements.
Elle vous proposera ainsi d'étendre à l'ensemble des marchés du secteur privé,
et non plus aux seuls contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics,
les obligations de protection des sous-traitants qui pèsent sur le maître de
l'ouvrage.
Elle vous proposera également de supprimer l'obligation pour le maître de
l'ouvrage de vérifier que les sous-traitants employés pour l'exécution d'un
marché ont bien délivré des cautions à leurs propres sous-traitants, revenant
ainsi au texte initial du Gouvernement à ce sujet.
Elle vous invitera aussi à renforcer la protection des sous-traitants en
obligeant chaque entreprise employée dans un marché à joindre à sa première
facture les cautions qu'elle a accordées à ses sous-traitants.
Ce dispositif faciliterait en outre le contrôle du maître de l'ouvrage et
éviterait les mises en demeure dont la loi ne définit pas la portée.
L'article 5 tend à préciser les règles applicables aux marchés de certains
organismes de droit public qui ne relèvent pas du code des marchés publics mais
entrent dans le champ des directives européennes « marchés publics ».
L'Assemblée nationale a précisé quelles étaient les catégories d'organismes de
droit public visées en mentionnant explicitement les établissements publics à
caratère industriel et commercial de l'Etat et les groupements d'intérêt
public.
De plus, sur l'initiative du Gouvernement, elle a adopté un article 5
ter
, qui tend à réintroduire le quart réservataire, c'est-à-dire la
réservation du quart des lots d'un marché public, au bénéfice de la
consultation des sociétés coopératives, et l'a étendu aux associations.
La commission des lois vous proposera de supprimer cet article contraire au
droit communautaire, d'autant que le nouveau code des marchés publics permettra
de prendre en compte des critères sociaux et environnementaux dans les dossiers
de consultation d'entreprises et dans l'exécution des marchés.
Sous réserve de ces observations et des quelques amendements que je vous
soumettrai en concertation avec M. Philippe Marini, rapporteur général de ce
texte, au nom de la commission des finances, et de M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, la
commission des lois vous propose donc, mes chers collègues, de donner un avis
favorable à l'adoption du titre Ier et du titre III de ce projet de loi.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
(M. Jean Faure remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 31 minutes ;
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 10 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
alors que la loi relative aux nouvelles régulations économiques vient tout
juste d'être publiée au
Journal officiel,
voilà que nous est soumis un
nouveau texte législatif non identifié.
Ce MURCEF est une sorte de mini-DDOEF, comme l'a très bien dit M. le
rapporteur général, inscrit dans l'urgence, sans cohérence politique ni portée
majeure.
Force est de constater que, une fois de plus, le Gouvernement annonce de
grandes réformes dans les médias, mais ne présente que des réformettes au
Parlement.
C'est particulièrement vrai pour la réforme des autorités financières,
annoncée l'été dernier, mais que le Gouvernement a sans cesse repoussée
depuis.
En octobre dernier, la commission des finances du Sénat a bien proposé
d'insérer cette réforme dans la loi sur les nouvelles régulations économiques.
Mais le Gouvernement s'y est opposé, sous prétexte qu'un texte spécifique
allait bientôt être examiné, Un projet de loi portant réforme des autorités
financières a bien été déposé le 12 février dernier, mais depuis... plus rien
!
Le Gouvernement se contente de mesures techniques et limitées dans le texte
qui nous est soumis aujourd'hui.
Le groupe des Républicains et Indépendants déplore ce nouveau renoncement, qui
fait suite à bien d'autres, sur la réforme de l'administration fiscale ou sur
celle des retraites, par exemple.
L'encombrement du calendrier parlementaire invoqué par le Gouvernement n'est
certainement pas une excuse. Notre pays ne peut pas se permettre de différer
constamment les réformes structurelles indispensables pour assurer sa
compétitivité et garantir son avenir.
Ce projet de loi comporte plusieurs mesures visant à réduire les obstacles à
la constitution d'un marché européen financier.
Nous souhaitons tous la réussite d'Euronext, dans les meilleures conditions
possible. Mais, là encore, nous ne devons pas nous tromper de débat.
L'attention s'est focalisée sur la possibilité pour les émetteurs de titres
levant des capitaux sur les marchés d'établir leurs documents d'information du
public français dans toute langue usuelle en matière financière, un résumé en
français devant être mis à disposition, le cas échéant.
En tant que membre de l'Assemblée parlementaire de la francophonie, je suis
particulièrement attaché à la promotion de notre langue en Europe et dans le
monde, que ce soit sur le plan culturel ou dans le domaine de l'entreprise. Le
français doit rester la langue de droit commun en France en matière
d'information financière destinée au public.
Aussi, je regrette qu'il y ait cet article 14, timoré et défaitiste, qui
laisse la possibilité aux émetteurs de documents financiers d'en exprimer le
contenu en langue étrangère s'il est accompagné d'un résumé rédigé en français.
C'est tout de même faire peu de cas de la langue officielle des Français !
Est-il vraiment inscrit dans notre histoire contemporaine que les subtilités
de notre belle langue ne soient plus défendues que par nos cousins québécois ?
Disant cela, j'entends non pas interdire l'utilisation de l'anglais, langage
usuel de la finance, mais rappeler que la langue des épargants français reste
celle qu'illustrèrent Victor Hugo et Marguerite Yourcenar.
Je ne comprends pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que le Gouvernement de la
France apporte sa caution à une entreprise de marginalisation du français. Le
Président Mitterrand, qui était sincèrement attaché à notre langue, n'aurait
jamais permis, me semble-t-il, un tel acte de capitulation.
M. Marc Massion.
Hommage posthume !
M. Joël Bourdin.
Mais la langue ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt. Si nous voulons
vraiment promouvoir la place financière de Paris, nous devons aller bien plus
loin que les quelques mesures proposées par le Gouvernement.
Paris dispose d'atouts non négligeables, comme sa participation à Euronext,
l'existence d'un pôle performant de gestion de SICAV et de fonds communs de
placement, une très bonne formation des équipes et, enfin, la présence de
grandes entreprises et d'acteurs étrangers.
Mais la place de Paris souffre aussi de plusieurs handicaps majeurs. L'un des
plus importants est l'insuffisance de la base d'investisseurs nationaux, qu'ils
soient individuels ou collectifs. Aujourd'hui, les investisseurs étrangers
détiennent en moyenne 35 % de la capitalisation boursière des entreprises
cotées à Paris, ce qui veut dire que cette part atteint 40 %, 45 %, voire 50 %,
pour certaines sociétés.
Cette situation fragilise nos entreprises, car les fonds de pension américains
peuvent être tentés de rapatrier leurs capitaux pour des raisons internes, par
exemple un ralentissement économique persistant aux Etats-Unis.
D'où la nécessité de développer le marché des actions en France en
encourageant l'actionnariat individuel et populaire, mais aussi en permettant
la création de nouveaux acteurs institutionnels tels que les fonds de pension.
C'est un facteur d'équilibre dans la composition du capital des entreprises
françaises ; c'est aussi un enjeu pour l'indépendance nationale.
Nous ne devons pas non plus nous voiler la face en ce qui concerne les
personnels très qualifiés que nécessitent les activités financières. Le poids
de la fiscalité et des charges sociales est l'un des principaux handicaps de la
place de Paris en la matière. La France forme des jeunes pleins de talent, mais
les meilleurs partent trop souvent pour Londres, où ils bénéficient de
meilleures conditions. Un spécialiste de ce secteur a récemment comparé cette
situation à celle de l'équipe de France de football : nos meilleurs joueurs
jouent à l'étranger !
Là encore, si nous voulons vraiment rendre la place de Paris plus attractive,
nous devons nous en donner les moyens, notamment sur le plan fiscal. Nous
n'arriverons à rien avec des demi-mesures.
Ce problème se pose également en matière de relations entre les banques et
leurs clients.
Le Gouvernement privilégie les mesures d'affichage sans traiter le sujet dans
sa globalité. Il présente comme des réformes des dispositions qui n'ont que peu
de portée et qui ne vont pas fondamentalement modifier l'équilibre entre les
banques et leurs clients.
Surtout, il donne l'impression de montrer les banques du doigt, comme si elles
étaient responsables de tous nos problèmes, alors que nombre d'entre elles font
un effort pour toujours mieux informer leurs clients, à l'instar, par exemple,
des caisses d'épargne, qui distribuent à leurs clients un document très
pédagogique intitulé : « Le crédit à la consommation », dans lequel elles les
informent et les mettent en garde contre certaines contraintes et certains
modes de calcul.
Le mot « crédit » vient, vous le savez, du latin
credere
, qui veut dire
« croire ». La relation qu'entraîne le crédit suppose donc une attitude de
confiance, et cela implique que des efforts soient faits par l'ensemble des
partenaires à la convention de crédit.
Les consommateurs de crédit doivent être en mesure d'apprécier leur
engagement, d'évaluer le coût de leur crédit et le taux effectif global qui
leur est imposé. Ils doivent aussi avoir la faculté de se rétracter, ce que
prévoit d'ailleurs la loi. Ils doivent, par ailleurs, être informés sur leurs
engagements et sur la nécessaire prise en compte de l'équilibre de leurs
finances.
Je lis ainsi, en caractères gras, dans la notice que j'ai évoquée tout à
l'heure - je crois que d'autres banques en diffusent une indentique : «
Réfléchissez avant de signer. - Etablissez votre bilan budgétaire. - Allégez
vos mensualités. - Evitez d'avoir plusieurs crédits. - Un crédit renouvelable
reste un crédit qu'il faudra de toute façon rembourser. - Ne vous portez pas
caution à la légère. »
Cela correspond à la demande des consommateurs emprunteurs, telle qu'elle est
révélée par une enquête effectuée récemment par
Les Cahiers de
l'observateur
du CETELEM.
Les consommateurs emprunteurs revendiquent aussi un meilleur contrôle de ceux
qui offrent les prêts et attendent, finalement, des organismes financiers et
des établissements de crédit la mise en oeuvre d'une meilleure sélection des
candidats au crédit. Cela signifie qu'ils reprochent surtout aux organismes
prêteurs leur trop grande permissivité.
C'est là le véritable problème. Que l'on améliore l'information et les
possibilités de rétractation des consommateurs emprunteurs, cela va dans le bon
sens. Mais est-on sûr que c'est suffisant ? Est-on vraiment sûr de répondre
sérieusement à la question qui se pose s'agissant des engagements excessifs
d'une proportion non négligeable de consommateurs ?
Le principal responsable de la situation de maints ménages n'est pas, à mon
sens, la rigueur des banques ; c'est, au contraire, l'incroyable liberté
accordée aux sociétés financières spécialisées et aux grands réseaux de
distribution, lesquels accordent sans contrôle des crédits et des facilités de
trésorerie sans aucune précaution. C'est insensé, exagéré et, finalement,
condamné par ceux-là mêmes qui en sont les victimes.
Dans l'enquête que j'ai signalée voilà un instant, on cite des impressions de
consommateurs : « Le crédit, c'est facile, accessible, c'est une illusion de
facilité. » Ou encore : « C'est proposé trop facilement ; on n'a pas le temps
de dire non. C'est le besoin avant l'envie, et cela devient un mode de vie.
»
Est-il normal, monsieur le secrétaire d'Etat, alors que vous souhaitez
accorder une protection aux consommateurs emprunteurs, que vous ne considériez
qu'un aspect de la réforme sans traiter de l'essentiel, à savoir les modalités
d'attribution de crédit par des officines financières peu regardantes et peu
soucieuses de la santé financière de leurs clients ?
Protéger les consommateurs doit aboutir à l'interdiction de toute manoeuvre
qui les conduit à la banqueroute.
Si les banques font en général leur métier et n'ont que peu à faire pour
améliorer leur système d'information, la vraie menace pour les consommateurs se
situe dans les établissements connexes, qui n'ont ni les mêmes obligations ni
la même déontologie.
Cette mise en perspective s'impose également pour le passage à l'euro
fiduciaire.
Le projet de loi comporte des dispositions techniques sur lesquelles je ne
reviendrai pas. Beaucoup a été dit sur les difficultés pratiques du passage à
l'euro, et je n'insisterai donc pas.
Le groupe des Républicains et Indépendants, qui a le souci du meilleur
fonctionnement possible de nos institutions, contribuera à l'amélioration de ce
texte. Il soutiendra les propositions de la commission des finances, de la
commission des affaires économiques et de la commission des lois, qui n'ont
qu'un but : améliorer ce texte imparfait.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'importance dans l'économie tant nationale que régionale des différentes
formes de commande publique a nécessité une très large réflexion, qui a permis
de déboucher sur un ensemble de règles claires, compréhensibles et, en fait,
acceptées par tous.
Certes, la complexité des procédures du code des marchés publics a toujours
constitué un facteur d'opacité, qui a souvent engendré, sinon facilité, des
pratiques en marge de la légalité.
Les textes sont nombreux et éparpillés, tantôt législatifs, tantôt
réglementaires. L'incohérence et le peu de lisibilité affichée de la procédure
n'ont jamais fait apparaître suffisamment les principes qui régissent
l'ensemble de la commande publique.
Pourtant, ces principes me semblent simples. Il s'agit de la liberté d'accès
aux marchés publics, de l'égalité de traitement des candidats, du contrôle de
l'usage des deniers publics, de la publicité des offres, de la concurrence, de
la transparence des choix effectués.
En fait, toutes les dérives que nous avons pu relever au cours des dernières
années ont montré que les règles actuelles ne permettaient pas de prévenir
l'apparition de certains dysfonctionnements graves.
S'il nous est difficile de comprendre l'urgence qu'il y a pour le Gouvernement
à faire adopter ces nouvelles dispositions législatives concernant la réforme
du code des marchés publics, il nous est aussi difficile de nous opposer à
l'initiative prise.
Les objectifs principaux de la réforme sont au nombre de quatre : ouvrir le
plus largement possible les marchés publics aux PME, renforcer la transparence
des procédures et la sécurité des acteurs publics, clarifier le champ
d'application d'un droit à la commande publique rénové et simplifié, améliorer
l'efficacité de la commande publique et les pratiques d'achat public.
Un des aspects majeurs de cette modernisation concerne la question de l'entrée
dans le champ concurrentiel des missions d'ingénierie publique.
L'Etat est-il une entreprise ? En effet, soumettre l'attribution des missions
d'ingénierie publique aux règles du code des marchés publics, c'est contraindre
les services de l'Etat, donc l'Etat en tant que tel, à respecter le droit de la
concurrence ; c'est, par conséquent, faire de l'Etat une entreprise, avec
toutes les conséquences que cela impose en matière d'affaiblissement dans
l'exercice de la puissance publique et de la souveraineté.
Au nom de la solidarité avec les collectivités locales, mais également au nom
de la préservation et du renforcement de la cohésion sociale et territoriale,
l'Etat n'a-t-il pas à jouer un rôle légitime d'opérateur, relevant de la
puissance publique, pour la mise en oeuvre des politiques publiques
d'aménagement et de développement durable des territoires, à l'appui des
collectivités locales, dans une approche partenariale ?
Ces interrogations valent également pour les collectivités territoriales,
régions et départements, dans la limite des compétences respectives déléguées à
ces collectivités.
La question est donc entièrement et uniquement politique. Au-delà de la
problématique des missions d'ingénierie publique, les choix qui seront faits
auront des conséquences majeures à plus ou moins long terme sur la conception
même du service public en France.
Le Gouvernement a choisi, comme voie principale de réforme des marchés
publics, la voie réglementaire, par le biais du décret du 7 mars 2001, et,
comme voie annexe, la voie législative. Ce choix ne fait pas l'unanimité,
surtout chez les juristes. En effet, nombre d'entre eux estiment que le code
des marchés publics est aujourd'hui une matière d'ordre essentiellement
législatif compte tenu des enjeux qu'il comporte et du fait que le droit
français, en matière de commande publique, demeure très largement soumis aux
contraintes imposées par les directives européennes.
La transcription de ces directives en droit interne ne devrait-elle pas, dès
lors, faire l'objet d'un projet de loi comme ce qui se fait pour des directives
portant sur d'autres sujets ? Il est certain et de notoriété publique que la
Commission européenne s'est engagée dans une réforme en profondeur des
directives anciennes encadrant les règles de la commande publique au sein de
l'Union européenne. Qu'il me soit donc permis de m'interroger sur l'opportunité
de ce projet de loi dans l'actuel contexte évolutif des institutions
européennes et du droit européen.
Mon propos, pour être plus direct, me conduit à réfléchir à haute voix sur
différents aspects de ce projet de loi.
Pour l'outre-mer, comment rendre compatible la loi du 13 décembre 2000
d'orientation sur l'outre-mer avec cette réforme du code des marchés publics
?
La loi d'orientation pour l'outre-mer a, semble-t-il, pris en compte les
difficultés économiques de ces régions, les difficultés financières des
entreprises et les difficultés que rencontrent les collectivités territoriales,
parce que les dispositifs législatifs et financiers ne correspondent souvent
qu'assez peu à la réalité socio-économique et qu'il ne peut y avoir
d'adéquation entre les dispositions législatives des pays du Nord comme la
France métropolitaine et la situation des pays du Sud comme les régions
d'outre-mer.
Dès lors, la loi d'orientation pour l'outre-mer a mis en place en faveur des
entreprises en difficulté des dispositions particulières pour l'accès à la
commande publique. Or, s'il est vrai que nous n'avons pas à sortir du cadre
normatif des textes législatifs, il importe de retenir que des dispositions
particulières concernant les marchés publics pour les régions d'outre-mer
devraient être considérées comme pouvant avoir une possibilité d'adaptation.
Aussi, le nouveau dispositif contenu dans les articles 5 et 6 du projet de loi
d'orientation concernant l'apurement des dettes sociales et fiscales pour sept
ans risque de compromettre les conditions normales d'accès aux marchés
publics.
Bref, si, sur le plan législatif, il nous est difficile en cet instant de
faire adopter des principes qui faciliteraient mieux encore la commande
publique outre-mer, nous espérons que, dans le domaine réglementaire, vous
saurez, monsieur le secrétaire d'Etat, trouver les solutions les plus efficaces
et pertinentes pour faciliter la reprise des activités économiques de
l'outre-mer.
Concernant les difficultés à gérer la sous-traitance et leurs conséquences, il
est indéniable que les dispositions actuelles ne suffisent pas à contrôler la
sous-traitance. Ainsi, le maître d'ouvrage n'est pas aujourd'hui en mesure de
maîtriser les sous-traitances en chaîne, au détriment souvent de la sécurité et
de la santé des travailleurs sur le chantier. Quant au titulaire ou au
mandataire du marché, il est toujours tenté d'user de la sous-traitance en
chaîne au détriment de l'intérêt et des entreprises sous-traitantes et des
travailleurs qui interviennent pour leur compte.
Les entreprises titulaires et mandataires usent, et parfois abusent, du
pouvoir dont elles disposent de par le contrat de droit privé qui régit leur
relations avec les sous-traitants, pour les étrangler financièrement.
Ainsi, on constate parfois le refus des titulaires ou des mandataires de
déclarer auprès du maître d'ouvrage, pour paiement direct, la totalité des
montants correspondant à l'ensemble des prestations effectuées. Les
sous-traitants n'ont alors d'autres recours que d'engager un contentieux lourd,
coûteux, auprès des tribunaux. Les maîtres d'ouvrage publics n'ont que peu de
pouvoir pour contraindre les titulaires et mandataires à prendre en compte les
demandes des sous-traitants. S'ils usent du refus de règlement du solde dû pour
contraindre un titulaire ou un mandataire à déclarer toutes les sommes dues à
un sous-traitant en vue du paiement direct, ils commettent un abus de pouvoir
et risquent de susciter un contentieux également lourd et coûteux.
La sous-traitance reste donc un problème délicat à gérer, et aucun système ne
semble aujourd'hui pleinement satisfaisant.
La sécurité juridique des maîtres d'ouvrages publics est une préoccupation
légitime de tous les maîtres d'ouvrages publics, en particulier des élus
locaux. C'est le délit de favoritisme qui, à la lumière de l'expérience,
constitue certainement l'une des plus grande causes d'inquiétude.
A ce titre, il faut souligner que ce n'est pas parce qu'il n'y aura pas de
formalisme pour passer un marché public d'un montant inférieur au seuil de 90
000 euros hors taxes, soit environ 700 000 francs toutes taxes comprises, qu'il
ne faut pas faire jouer la concurrence, quel que soit le bénéficiaire de la
commande.
Le délit de favoritisme est caractérisé par le fait de donner un avantage indu
à un bénéficiaire de commandes publiques, notamment en multipliant les
commandes passées en dehors de toute consultation, même informelle, de
plusieurs fournisseurs de travaux, de biens ou de services.
Les seuils déclenchant les différents types de procédure seront relevés, mais
l'application de ces seuils sera également plus globalisante, pouvant conduire,
par exemple, à des « ratés » répréhensibles pour un ensemble de commandes
passées à un même bénéficiaire sans formalisme plus ou moins complexe.
Des précisions seront sans nul doute nécessaires pour éviter d'éventuels faux
pas dans l'application de ces seuils. Pour les prestations de services
notamment, il est question, soit d'ensemble unique de prestations pour une même
opération, soit de prestations récurrentes de nature homogène dont le montant
doit être apprécié à l'année, soit de prestations continues de nature homogène
dont le montant doit être apprécié à l'année. On peut s'interroger aussi, par
exemple, sur ce qu'il convient d'appliquer pour garantir la sécurité juridique,
dans le cas de prestations homogènes de maîtrise d'oeuvre sur plusieurs
opérations.
J'en viens à la question du contrôle de légalité.
On peut légitimement s'interroger sur le conflit d'intérêts apparent qui
pourrait exister au sein des services de l'Etat, quand celui-ci est chargé à la
fois du contrôle de légalité des marchés et de la maîtrise d'ouvrage de
projets.
Il faut cependant souligner, d'une part, que la maîtrise d'ouvrage est souvent
assurée par un service déconcentré, certes sous la tutelle du préfet mais
séparé de celui-ci - c'est le cas, par exemple, de la direction départementale
de l'équipement pour la construction de routes nationales - et, d'autre part,
que les cellules de contrôle de légalité sont des entités extrêmement
rigoureuses dans l'application du droit et des règles en vigueur, sans
considération aucune pour la personnalité du maître d'ouvrage.
Ainsi, les services de l'Etat ne bénéficient d'aucun avantage particulier dans
le traitement de leurs dossiers de marchés. De plus, le contrôle financier
local est tout particulièrement attentif à la légalité des marchés de l'Etat,
le chef de ce service engageant sa responsabilité, pour ses actes et leurs
conséquences, sur ses deniers personnels.
Donc, si l'impression peut se dégager que l'Etat est juge et partie en matière
de légalité des marchés publics et qu'il pourrait donc bénéficier ainsi d'un
traitement plus avantageux que les collectivités locales, il ne s'agit que
d'une apparence qui, à mon avis, n'est, en réalité, pas fondée.
Concernant l'ingénierie publique, la réforme proposée vise à instaurer, comme
cadre général d'exercice des missions d'ingénierie publique, les règles de la
commande publique, et donc celles de la concurrence. Au titre de la solidarité
et de l'aménagement du territoire, un régime dérogatoire à ces règles est
instauré, sous forme de mission d'assistance technique de l'Etat au bénéfice
des communes les plus démunies, dans les domaines de la voirie, de
l'aménagement et de l'habitat.
Les amendements proposés visent à élargir le champ de cette solidarité au
domaine fondamental de l'environnement, qui présente des enjeux tout
particulièrement essentiels aujourd'hui.
Ils tendent également à instaurer un cadre juridique dérogeant aux règles de
la commande publique et de la concurrence dans le respect du droit européen,
pour donner aux différents niveaux de pouvoirs publics - collectivités et Etat
- les moyens d'organiser des partenariats de mise en oeuvre de politiques
d'intérêt public partagé.
En effet, les règles de la commande publique et de la concurrence ne
conviennent pas pour ces partenariats. Elles peuvent même conduire à bloquer
toute possibilité d'action même légitime au titre des pouvoirs publics. Le
cadre dérogatoire complémentaire proposé par amendement préserve tout son
intérêt au cadre général proposé par le Gouvernement, cadre qui peut être
nécessaire pour des prestations techniques des services de l'Etat, des régions
ou des départements au bénéfice des communes ou groupements de communes qui ne
relèvent pas de la mise en oeuvre de la politique d'intérêt public partagé.
Monsieur le secrétaire d'Etat, en tenant compte de toutes ces réflexions et
des amendements qui vont être proposés tant par la commission des finances que
par la commission des affaires économiques et la commission des lois, le groupe
du Rassemblement démocratique et social européen, dans sa majorité, approuvera,
soyez-en persuadé, le projet de loi qui nous est présenté.
M. le président.
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
projet de loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et
financier se présente, sous certains aspects, comme une sorte de DDOEF de
seconde zone,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Tout à fait !
M. Thierry Foucaud.
... une sorte de texte intermédiaire entre deux débats, celui sur les
nouvelles régulations économiques, qui vient de s'achever, et celui sur les
diverses dispositions d'ordre économique et financier - le véritable « DDOEF »,
plus conséquent - que l'on nous promet pour l'automne prochain.
Tout laisserait donc croire, en apparence, à un petit texte composé d'éléments
disparates que nous devrions discuter et adopter sans trop de controverses.
Les apparences sont parfois trompeuses, et nous estimons qu'il convient ici de
s'en prémunir particulièrement, n'en déplaise à la majorité sénatoriale.
En effet, à l'examen, les dix-neuf articles du projet de loi traitent de
questions d'une relative importance.
Cinq titres composent le présent projet de loi et couvrent des domaines
particulièrement sensibles.
Avec le titre Ier, il s'agit de la traduction législative de la réforme du
code des marchés publics, dont l'essentiel a été assuré par la publication d'un
décret au
Journal officiel
, le 7 mars dernier. Cette réforme a fait
l'objet d'une vaste concertation, mais d'importants débats n'ont pu se
tenir.
Par ailleurs, eu égard aux très importants enjeux financiers et économiques
qui président à la commande publique et, surtout, au poids des collectivités
locales dans cet ensemble, il aurait été de bon aloi d'assurer une place plus
importante à la représentation nationale.
Les questions qui nous sont soumises conservent néanmoins leur importance,
puisqu'il s'agit de la collaboration des services de l'Etat avec les
collectivités locales, de la délégation de service public ou encore de la
sous-traitance.
Nous estimons nécessaire d'apporter à ce texte un certain nombre
d'améliorations et de précisions que nous défendrons au travers de nos
amendements.
Le titre II traite de la question des relations entre les banques et leur
clientèle.
Notons, dans un premier temps, que cette question est traitée, pour des
raisons qui nous échappent encore quelque peu, dans deux textes différents, la
sécurisation des cartes bancaires ayant été abordée lors de la discussion du
projet de loi relatif à la sécurité quotidienne.
Dans un second temps, force est de constater que le débat sur les relations
entre les banques et leur clientèle est ouvert depuis plusieurs mois et revêt
une acuité particulière.
Ainsi, nous avons eu, dans le cadre de la discussion du projet de loi relatif
aux nouvelles régulations économiques, un débat particulièrement significatif
sur le contenu du service universel bancaire, débat provisoirement clos par la
suppression des ajouts du Sénat et par la publication du décret sur le droit au
compte, dans le droit-fil de la loi d'orientation relative à la lutte contre
les exclusions.
Dans le même temps, l'Assemblée nationale a adopté une proposition de loi sur
la gratuité des formules de chèques, qui mérite sans doute d'être améliorée, au
risque, sinon, d'avoir quelques effets pervers sur la tarification des services
bancaires.
C'est bien là l'élément essentiel du débat ouvert : tant l'échec de la
commission Jolivet sur l'évolution des relations entre les banques et leur
clientèle que la volonté persistante des établissements de crédit d'obtenir une
facturation plus importante des services qu'ils fournissent, et auxquels leurs
clients ont parfois bien de la peine à échapper, semblent imposer une
législation plus précise en vue de normaliser la situation.
Cela implique cependant, de notre point de vue, que le contenu de ce titre
laisse clairement une place au respect du droit des consommateurs, notamment
des consommateurs salariés.
Voilà qui motivera, de notre part, la présentation d'une série d'amendements
visant à garantir ce droit et, en particulier, à donner à la médiation bancaire
toute sa pertinence.
Le titre relatif à l'euro ne concerne, pour l'essentiel, que les
indispensables mesures de précaution contre la contrefaçon avant le passage à
la monnaie unique, en mars 2002.
L'importance des mouvements et de la diffusion de l'euro fiduciaire à venir
imposait pour le moins ces dispositions, ce qui ne retire rien au fait que le
débat sur l'euro n'est sans doute pas clos, s'agissant du sens que l'on
souhaite donner à la diffusion et à l'usage de la monnaie européenne.
Ensuite, le titre relatif à la gestion publique porte sur le devenir de la
Compagnie nationale du Rhône et sur La Poste.
Permettez-nous de nous interroger sur le sens que l'on donne aux termes «
gestion publique » au moment où l'on s'oriente vers une modification des
conditions d'intervention de la CNR à propos desquelles nous resterons très
vigilants.
La même remarque vaut concernant La Poste : le déclassement de l'ensemble de
son domaine public, avec, en perspective, une valorisation optimale d'un
patrimoine immobilier jusque-là entièrement destiné au service public, est de
mauvais augure, surtout si l'Etat limite ses interventions à la gestion de ce
patrimoine, à la continuité du service public, ce qui peut être bien peu de
chose sous le règne du service universel européen.
Ces risques de dérive pour le moins importants nous conduisent à nous
interroger sur le sens de ces deux articles du projet de loi. Nous nous
efforcerons par conséquent de les modifier.
A ce propos, j'ai bien compris tout à l'heure, en les écoutant, que M. le
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et M. le
rapporteur général de la commission des finances s'opposeront résolument à nos
amendements.
Je traiterai enfin du dernier titre du projet de loi qui comprend des
dispositions diverses.
Nous approuvons les dispositions de l'article 13 qui permet une meilleure mise
en oeuvre de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains,
notamment sur le point assez décisif de la construction de logements
sociaux.
Ce n'est pas une surprise : ces dispositions ne sont pas approuvées par la
majorité sénatoriale, pas plus qu'elles ne l'avaient été lors de la discussion
de la loi SRU.
Sur la qualité de l'information boursière, nous présenterons quelques
observations.
A ce stade de la discussion, notons que le présent projet de loi appelle
manifestement une sensible amélioration de son contenu. Notre groupe entend
jouer pleinement son rôle de ce point de vue dans le cadre de la discussion des
articles.
Pour autant, nous sommes conscients du fait que la majorité sénatoriale
entend, pour sa part, donner un autre contenu au texte et que nous aurons
encore l'occasion de constater la nature de nos divergences, de nos différences
d'appréciation.
C'est là sans doute l'une des caractéristiques habituelles du débat
parlementaire dans cette assemblée ; cette discussion n'échappera pas à la
règle.
C'est à la lumière des avancées, lors de la discussion des articles, que nous
déterminerons notre position.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
après avoir entendu nos collègues rapporteurs se déclarer admiratifs et
dubitatifs, je dirai que, pour ma part, l'adjectif qui me vient à l'esprit est
« positif ». Tel est en effet le jugement que nos portons sur ce projet de loi
portant MURCEF.
Le texte dont nous débattons aujourd'hui et qui vise à mettre en oeuvre des
réformes à caractère économique et financier s'inscrit dans la même logique que
le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques dont nous avons
discuté il y a peu.
Il s'inscrit dans cette succession de textes que le Gouvernement tient à
soumettre à l'approbation du Parlement et qui, par petites touches - « petites
» en apparence du moins - modifient les comportements des agents économiques,
les habitudes des uns et des autres, modernisent la vie nationale et, de ce
fait, modèlent le visage de la France du début du xxie siècle.
Bien qu'il soit souvent, sinon de bon ton, du moins traditionnel, voire
folklorique, d'opposer jardins à la française et jardins à l'anglaise,
cartésianisme français et pragmatisme britannique, bref le bien et le
mal,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est un genre de jardin normand !
M. Marc Massion.
... je pense qu'il faut savoir raison garder et qu'il n'est pas interdit
d'adopter, quand c'est utile, voire nécessaire, une démarche pragmatique qui
permette de faire avancer des projets, des mesures, des règles qui, pris
séparément, ne révolutionnent pas la société mais qui, par leur nombre et la
direction qu'ils impriment à la vie économique, n'en demeurent pas moins
importants et souvent déterminants.
En un sens, il est possible de dire que le texte dont nous avons à discuter
aujourd'hui et demain, au même titre qu'un certain nombre d'autres, est
caractéristique d'une démarche « de petits pas » : petits pas pour l'art
oratoire dans les assemblées parlementaires, certes, mais grands pas pour
l'activité économique et financière de notre pays.
Pour ce qui concerne les marchés publics, comme le Gouvernement l'avait promis
lors de la discussion du projet de loi relatif aux nouvelles régulations
économiques, un décret, publié au mois de mars a réformé la commande publique.
Ce décret s'inscrit dans la réforme du code des marchés publics entreprise en
1996, et il entrera en vigueur en septembre 2001.
Les mesures proposées par le présent projet de loi visent à compléter ce
dispositif, d'une part, en tenant compte de l'évolution du droit communautaire,
d'autre part, en lui apportant des simplifications en matière de règles et de
procédures, donc plus de transparence en matière de pratiques et plus de
sécurité pour les parties prenantes.
Toutes ces mesures visent à faciliter l'action des élus. Parce que ceux-ci
sont entreprenants, qu'ils ont des ambitions légitimes, les mesures de
régulation économique et financière que le Gouvernement et les assemblées
parlementaires mettent en place avec constance et obstination ont pour objectif
de les aider à assumer pleinement leurs responsabilités et d'accompagner ainsi
dans les meilleures conditions leur action au service de leurs concitoyens.
C'est d'ailleurs pourquoi nous demanderons, au cours de la discussion des
articles, que les présidents de conseils généraux et les présidents de conseils
régionaux voient leur situation alignée sur celle de maires en matière de
passation des marchés publics. En effet, alors que les exécutifs départementaux
et régionaux sont habilités à conclure des marchés publics dès lors qu'ils
bénéficient d'une délégation à cette fin, les présidents de conseils généraux
et de conseils régionaux ne disposent pas, pour le moment, de la compétence de
conclure des marchés passés sans formalités préalables pour la durée de leur
mandat et par délégation de leurs assemblées respectives. J'espère donc,
monsieur le secrétaire d'Etat, que vous accepterez le surcroît de souplesse que
nous vous proposerons pour le fonctionnement de ces assemblées. Dans le même
esprit, nous vous soumettrons la simplification du contrôle de légalité pour
les marchés publics passés sans formalisme en raison de leur montant.
Ainsi la délégation de service public est-elle définie de façon plus précise,
afin que les praticiens et les juristes puissent travailler en meilleure
connaissance de cause. Ainsi le régime de la sous-traitance est-il clarifié,
afin que les collectivités locales, de même que les sous-traitants et les
sous-traitants de sous-traitants aient plus de garanties. Ainsi le contentieux
des marchés publics est-il unifié afin que soit apportée plus de sécurité aux
justiciables. Ces mesures, ces précisions et ces clarifications ne peuvent que
répondre aux attentes tant des collectivités locales que des entreprises.
Parallèlement, il est important que l'assistance technique des services
déconcentrés de l'Etat soit réservée à une catégorie de collectivités
territoriales déterminées par leur taille et par leurs moyens techniques et
financiers. Ces services techniques de l'Etat continueront tout de même à
intervenir, s'il y a lieu, dans le cadre d'une concurrence loyale avec les
organismes privés pouvant apporter les mêmes services aux collectivités
territoriales.
Cette disposition ne fait donc que réaffirmer la mission d'intérêt général des
services techniques de l'Etat, qui sont au service de l'ensemble des
collectivités territoriales. Elle porte témoignage de la solidarité entre
l'Etat et ses cellules locales et, partant, de la cohésion de la communauté
nationale.
Pour ce qui concerne les relations entre les banques et leurs clients, qui
sont de nature commerciale, il est bon qu'elles soient régies par des règles
qui, dans la forme, soient plus transparentes et qui, dans le fond, soient
rééquilibrées dans un sens plus favorable à la clientèle.
Que les conditions de gestion du compte de dépôt d'un client figurent dans une
convention de compte écrite ne peut qu'apporter davantage de sécurité, en même
temps que cette mesure constitue sans doute le signe du progrès de la
contractualisation des relations entre les agents économiques. Dans le secteur
privé aussi, il convient de passer de la culture de l'« assujetti » à celle du
« client ».
C'est également avec satisfaction que nous voyons consacrée l'influence du
code de la consommation sur l'interdiction de pratiques telles que la vente
groupée ou la vente à prime. Rappelons qu'il s'agit, entre autres, d'empêcher
la vente de produits d'appel dits « gratuits » alors que ceux-ci donnent lieu,
en fait, à des facturations pesant lourdement sur les consommateurs.
Une telle mesure constitue donc un progrès non négligeable, tout comme le fait
que le recours à une médiation gratuite soit rendue plus facile en cas de
litige et qu'un comité de médiation bancaire, dans lequel seront représentés
les consommateurs, puisse être saisi par le juge.
L'aménagement du règlement des situations créées par les petits chèques sans
provision, comme la réduction de la période d'interdiction bancaire, que nous
souhaitons d'ailleurs étendre de façon formelle au cours de la discussion des
articles à nos compatriotes des territoires d'outre-mer, l'encadrement des
frais applicables, l'amélioration de la proportionnalité des pénalités
libératoires ou la prise en compte des difficultés conjoncturelles de certains
ménages modestes ou de certaines petites entreprises, n'est ni formel ni
insignifiant : ces mesures ont ou peuvent avoir des conséquences très
importantes pour la vie pratique quotidienne de nombre de nos compatriotes, si
souvent, hélas ! confrontés aux dures réalités de la vie. Ces mesures
constituent donc, et nous en sommes fiers, des instruments de lutte contre la
précarité et l'exclusion.
Le renforcement des règles de transparence et de loyauté pour les annonces
effectuées par les intermédiaires en opérations de banque n'apportera-t-il pas
une plus grande sécurité aux emprunteurs ?
Alors que nous nous apprêtons, selon l'expression consacrée, à « basculer dans
l'euro », comme si nous avions peur de traverser un miroir à l'envers inconnu
et quelque peu inquiétant, il n'est pas indifférent que le Gouvernement ait
tenu, d'une part, à durcir les mesures de lutte contre le faux monnayage, en
étendant cette lutte à la fabrication de matériels permettant la frappe ou la
falsification de monnaie, mais, d'autre part, à rassurer les opérateurs de
change, en assouplissant leurs obligations afin qu'ils ne se sentent pas trop
facilement soupçonnés de prêter la main à des opérations de blanchiment
d'argent sale.
Cette attitude est à l'image de la démarche que soutient le Gouvernement par
ce texte : c'est une démarche réaliste, pragmatique, attentive aux réalités,
aux nécessités et aux difficultés de la vie économique moderne.
C'est au nom de cette même attitude que le Gouvernement nous propose une
refonte du statut de la Compagnie nationale du Rhône qui, tout en restant dans
le secteur public, avec un capital majoritairement public, deviendrait une
société anonyme, et ce dans le seul souci de l'efficacité économique, puisque
ce nouveau statut ne nuirait en rien à la maîtrise, par la puissance publique,
de l'activité d'électricien de la CNR.
C'est le même esprit qui sous-tend la disposition visant à modifier le régime
domanial de La Poste. Celle-ci doit moderniser son parc immobilier pour se
mettre au niveau des postes étrangères, de ses concurrentes directes dans le
cadre d'un marché européen ouvert.
Souplesse d'adaptation et rapidité de réaction sont nécessaires pour que La
Poste puisse librement et rationnellement gérer et aliéner ses immeubles. Le
régime de la domanialité publique est parfois trop contraignant, alors même que
La Poste n'est propriétaire que d'environ un quart des immeubles qu'elle occupe
!
Je tiens à préciser à ce sujet, bien que cela aille sans dire - mais je crois
que cela va encore mieux en le disant ! - que les aliénations éventuelles des
biens immobiliers du domaine public de La Poste ne sont que des possibilités
qui ne peuvent être la conséquence que de l'utilité, voire de la nécessité, et
non des obligations ! Le rappel de l'obligation d'assurer la continuité du
service public et de respecter la politique d'aménagement du territoire est, je
le pense, un gage sérieux pour tous ceux qui, comme nous, sont attachés au
service public, à son efficacité et à sa capacité d'adaptation aux conditions
du monde moderne.
L'on ne saurait voir dans la mesure proposée je ne sais quelle dérive, lourde
de privatisation ou de marchandisation rampantes ! L'évolution de La Poste ne
doit pas remettre en cause le réseau existant, notamment en milieu rural ou
dans les quartiers périphériques. Nous sommes trop attachés à l'existence de
ces lieux de lien social pour accepter qu'ils risquent de disparaître
subrepticement ! La discussion des articles nous permettra d'ailleurs de
préciser cette conviction forte.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel ayant supprimé le régime de sanctions
financières automatiques prévu par la loi relative à la solidarité et au
renouvellement urbains, nous nous félicitons que le texte du projet de loi
rétablisse un système de sanctions, conforme à la Constitution, envers les
communes qui ne rempliraient pas leurs obligations en termes de logements
sociaux. Il y va de la justice sociale à laquelle nous sommes attachés et,
au-delà, de la cohésion de notre société, cohésion par laquelle nous, Français
de gauche - mais pas uniquement ceux-là, j'en suis convaincu - essayons de nous
différencier de sociétés livrées à l'égoïsme et au laisser-aller d'un
libéralisme aussi prédateur, hélas ! en matière immobilière que dans les autres
secteurs de la vie économique.
Le nouveau dispositif est donc équilibré. D'une part, il tient compte des
observations du Conseil constitutionnel en instaurant une procédure
contradictoire, pouvant déboucher sur une sanction modulable et proportionnelle
aux carences qui auront, éventuellement, pu être constatées. D'autre part, il
s'inscrit dans la droite ligne de la loi relative à la solidarité et au
renouvellement urbains, à savoir favoriser la mixité sociale dans l'habitat en
incitant les communes à construire des logements sociaux, sous peine d'être
redevables de pénalités financières.
Enfin, il est bon que l'activité financière de notre pays tienne compte de
l'unification du marché financier européen. Il est donc pertinent que le texte
que nous devons examiner contienne des mesures d'harmonisation qui ont été
rendues nécessaires, notamment par la fusion des bourses de Paris, de Bruxelles
et d'Amsterdam.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
parce que ce projet de loi est entièrement dicté par la recherche de l'alliance
possible - toujours possible, j'en suis convaincu - entre l'efficacité
économique et la justice sociale, entre la transparence et la sécurité, et
parce que cette recherche est marquée du sceau d'un réalisme et d'un
pragmatisme bien venus, le groupe socialiste le soutiendra sans hésitation !
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Joyandet.
M. Alain Joyandet.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en
premier lieu, je souhaite, au nom de mon groupe, relever à nouveau
l'utilisation abusive faite par le Gouvernement de la procédure d'urgence.
M. Gérard Braun.
Absolument !
M. Alain Joyandet.
Nous pensions, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous aviez tiré quelques
enseignements du ridicule de la déclaration d'urgence sur la loi relative aux
nouvelles régulations économiques, dont l'examen aura duré vingt mois. Mais il
n'en est rien ! Nous regrettons vivement le caractère galvaudé que revêt
aujourd'hui, par la faute du Gouvernement, cette procédure, qui porte atteinte,
à l'évidence, aux droits du Parlement. Sur les projets de loi actuellement en
cours d'examen devant le Parlement, la moitié ont été déclarés d'urgence !
Après les nouvelles régulations économiques, les diverses dispositions d'ordre
social, éducatif et culturel, nous examinons maintenant les mesures urgentes de
réformes à caractère économique et financier, dans l'attente des diverses
mesures d'ordre social, qui semblent donner quelques soucis au Gouvernement, et
des diverses dispositions d'ordre économique et financier, adoptées en conseil
des ministres la semaine dernière.
Le point commun de ces textes est leur caractère pour le moins hétéroclite. Il
s'agit là de l'illustration indéniable du manque d'orientation claire de la
politique du Gouvernement. Nous sommes face à un certain « pilotage à vue » du
Gouvernement, pour reprendre l'expression de M. le rapporteur général.
A l'occasion de l'examen du budget pour 2001, nous avions déjà dénoncé cette
politique au fil de l'eau, au gré des événements ou des états d'âme des
composantes les plus virulentes de la majorité plurielle.
Où est passée la volonté réformatrice annoncée en 1997 par le Premier ministre
? Ne s'est-elle pas fracassée sur la réalité du fonctionnement de la majorité
plurielle ? A vouloir concilier des points de vue inconciliables, le
Gouvernement n'obtient qu'une chose : l'immobilisme. Or, en matière économique
et financière, l'immobilisme est la pire des situations. Ce dont notre pays a
besoin, ce sont de véritables mesures réformatrices en faveur du développement
économique et de la modernisation financière.
Ma dernière remarque prendra la forme d'une question, monsieur le secrétaire
d'Etat : quels critères ont conduit le Gouvernement à déterminer que telles
mesures étaient urgentes et que telles autres ne l'étaient pas ? On croit
comprendre que celles qui figurent dans le texte qui nous est soumis
aujourd'hui sont urgentes, alors que celles qui figurent dans le projet portant
DDOEF ne le sont pas. La situation financière d'EDF et de GDF, la transposition
de la directive postale ou la réforme des valeurs mobilières ne revêtent-elles
pourtant pas une certaine urgence au regard de nos engagements européens, par
exemple ?
S'il y avait une urgence, il s'agissait bien de la réforme des autorités
financières, annoncée voilà presque un an par le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie. Depuis, que d'hésitations et de tergiversations !
Alors que la place de Paris et les professionnels attendent, le Gouvernement,
pour sa part, ne cesse de reporter cette réforme. Nous ne pouvons donc que
saluer l'heureuse initiative de la commission des finances tendant à inclure
dans cette série de mesures urgentes la réforme des autorités financières.
Il est donc bien difficile de suivre la logique de la politique développée par
le Gouvernement, qui agit un peu comme « un spectateur dégagé ».
Le titre Ier, relatif aux marchés publics, appelle plusieurs remarques.
Alors qu'il convient effectivement de préciser le régime de l'ingénierie
publique après la publication du nouveau code des marchés publics, il est assez
incompréhensible que le présent projet de loi n'ait pas pris en compte les
critères, récemment précisés par le Conseil d'Etat, auxquels doivent satisfaire
les collectivités publiques pour une mise en concurrence. Il convient donc de
réaffirmer les principes de concurrence loyale qui doivent être respectés. Nous
avons déposé un certain nombre d'amendements allant dans ce sens.
Le développement de l'intercommunalité aura effectivement pour effet, à terme,
de faire disparaître l'assistance technique à la gestion communale. Pour le
moment, il faut aménager le régime qui lui est applicable par un élargissement
des prestataires de cette assistance technique.
S'agissant des critères d'éligibilité à cette assistance, la solution proposée
par la commission des finances nous semble équilibrée : les communes de moins
de 9 000 habitants seraient les seules à bénéficier de l'assistance technique à
la gestion communale, ou ATGC ; les autres seraient soumises au droit de la
concurrence.
L'article 2 précise que l'ensemble des marchés passés en application du code
des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs et relèvent, à
ce titre, de la compétence du juge administratif. Cette proposition nous amène
à nous interroger sur le sort qui sera réservé aux contrats d'assurance et aux
contrats de services financiers.
En effet, les premiers de ces contrats concernant le même risque se verront
appliquer des jurisprudences différentes en cas de contentieux, suivant qu'ils
ont été souscrits par une collectivité locale ou par un particulier. Pour les
services financiers, s'ils ont été en grande partie exclus du champ
d'application du nouveau code des marchés publics, il y a un risque de remise
en cause de lajurisprudence existante pour les contrats d'intermédiation
financière, de crédit-bail et de garanties bancaires ou d'assurance.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Tout à fait !
M. Alain Joyandet.
Les amendements que nous avons déposés sur cet article permettront au moins
d'apporter un éclairage utile sur ce point.
Le titre II, relatif aux relations entre les banques et leur clientèle, est
d'une importance majeure. Chacun a en mémoire les débats approfondis qui nous
avaient retenus à l'occasion de la discussion du projet de loi relatif aux
nouvelles régulations économiques sur le service de base bancaire. Le
Gouvernement et sa majorité s'étaient opposés à ces propositions en invoquant
la publication d'un décret et le dépôt d'un projet de loi sur les relations
entre les banques et leurs clients. Après la publication du décret du 17
janvier dernier, deux ans et demi après la loi qui le prévoyait - décret dans
lequel le Gouvernement reprenait largement, et notamment, les propositions du
président Gérard Larcher, après s'y être opposé -, nous sommes saisis des
dispositions législatives annoncées.
Par ailleurs, nous regrettons que le Gouvernement ait éparpillé dans
différents textes les propositions de la commission Jolivet, sur lesquelles un
consensus avait été obtenu entre les représentants des banques et des
consommateurs.
Pour ce qui est des mesures facilitant le passage à l'euro fiduciaire, elles
auraient pu être adoptées auparavant. Nous constatons, hélas ! de jour en jour
un décalage important entre ce qui nous est dit par le Gouvernement sur ses
actions de communication permettant à cette opération de changement de monnaie
de se dérouler au mieux et la réalité du terrain.
Dans nos départements, dans nos permanences, nous le voyons chaque jour, des
personnes s'interrogent et se demandent si le passage à l'euro ne se fera pas à
leur détriment. Que dire des entreprises, surtout les plus petites d'entre
elles, qui ne sont absolument pas prêtes, que ce soit pour la comptabilité, la
paie ou l'affacturage ? Il y a une vraie urgence, mais nous craignons que le
Gouvernement ne réalise pas l'ampleur de la tâche qui est devant nous. Tout
doit être mis en oeuvre pour éviter, à la fin de l'année, une tempête dont les
effets économiques et financiers seraient beaucoup plus importants que ceux que
nous avons connus voilà deux ans pour des raisons climatiques.
Je souhaite faire une remarque sur le paragraphe IV de l'article 9, qui
modifie de façon transitoire la législation pour faciliter le passage à l'euro
fiduciaire, même si ce sujet a déjà été abordé.
Les établissements de crédit, les institutions et les services financiers
ainsi que les changeurs manuels sont, on le sait, soumis à des obligations de
vigilance pour la lutte contre le blanchiment. Ces établissements doivent
notamment déclarer à la cellule dite TRACFIN l'identité de leurs clients
effectuant des opérations portant sur des sommes supérieures à 50 000 francs,
soit environ 8 000 euros. On sait par ailleurs que le non-respect de ces
obligations entraîne des sanctions professionnelles et administratives pour les
établissements et leurs employés.
La proposition du Gouvernement est un aménagement de ce régime, à titre
transitoire et limité, permettant d'exonérer les établissements concernés et
leurs employés de leur responsabilité pénale éventuelle en cas d'apport d'un
concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du
produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit. Cette exonération ne
concernerait que les opérations de mise à disposition d'euros en contrepartie
de francs, pour des opérations d'un montant inférieur ou égal à 10 000 euros,
et seulement du 1er décembre 2001 au 30 juin 2002. Mais il est bien précisé que
ces personnes continuent d'être soumises au respect des obligations de
vigilance dans le cadre de la lutte contre le blanchiment.
Chacun est d'accord pour donner acte au Gouvernement qu'il n'y a pas de
relâchement de la vigilance sur le blanchiment des fonds provenant du trafic de
stupéfiants ou de la criminalité organisée. Un problème se pose pourtant. En
effet, aucune sanction pénale ne serait encourue par les établissements de
crédit entre le 1er décembre 2001 et le 30 juin 2002 pour la conversion en
euros de francs provenant directement ou indirectement d'autres crimes ou
délits que le trafic de stupéfiants ou la criminalité organisée, par exemple
l'évasion fiscale, si le montant de ces opérations est inférieur ou égal à 10
000 euros.
Si, sur le plan de l'équité fiscale, c'est une bonne chose que des
investigations systématiques ne soient pas engagées pour déterminer l'origine
de l'épargne liquide accumulée par nos compatriotes, qui sont bien souvent de
petits épargnants, des interrogations demeurent quant au seuil de 10 000 euros
choisi par le Gouvernement. En effet, l'existence de deux seuils - celui de 50
000 francs, soit environ 8 000 euros, pour le dispositif de lutte contre le
blanchiment, et celui de 10 000 euros pour l'exonération dérogatoire et
transitoire de responsabilité pénale proposée par l'article 9 - ne peut qu'être
source de difficultés et de confusion.
Outre le fait que les établissements concernés devront gérer deux seuils, il
sera difficile d'expliquer à nos compatriotes qu'ils auront la possibilité de
convertir sans contrôle leurs francs en euros dans une limite de 10 000 euros
par opération, mais qu'ils devront décliner leur identité pour la procédure
dite TRACFIN à partir de 50 000 francs, soit environ 8 000 euros.
Comme la commission des finances, nous pensons que la France ne doit pas
donner l'impression de baisser la garde dans la lutte contre le blanchiment et,
dans ces conditions, il conviendrait d'unifier les seuils à 8 000 euros, en
dépit du manque de lisibilité de ce chiffre qui, s'il est rond, ne l'est
peut-être pas suffisamment. Nous souhaiterions connaître la position du
Gouvernement sur ce point. Nous soutiendrons la proposition de la commission
des finances d'avancer le début de la période durant laquelle il y aura
exonération de responsabilité pénale du 1er décembre 2001 au 1er septembre
2001.
Le titre IV, relatif à la gestion publique, touche à deux établissements
importants économiquement : la Compagnie nationale du Rhône et La Poste.
La modernisation des statuts de la CNR est une bonne chose, et notre groupe
soutiendra les propositions de nos commissions, notamment celles qui prévoient
que le décret fixant ces nouveaux statuts sera pris avant le début de l'année
prochaine et celles qui sont relatives au rôle du commissaire du
Gouvernement.
Pour ce qui est de La Poste, nous regrettons à nouveau que les modifications
de la législation qui lui est applicable ne fassent pas l'objet d'un seul et
même texte, plutôt que de figurer dans toute une série de textes quelque peu
disparates. La réforme qui nous est proposée est certes utile mais, à
l'évidence, insuffisante. Cela a été dit tout à l'heure, et je n'insisterai
donc pas.
L'article 13 de ce projet de loi donnera lieu à des débats approfondis. La
proposition du Gouvernement ne tient à l'évidence pas compte de la décision du
Conseil constitutionnel intervenue sur les dispositions de la loi SRU qui sont
relatives au mécanisme de sanctions pour les communes ne respectant pas
l'engagement de construction de logements sociaux. En outre, elle porte à
nouveau atteinte à la libre administration de nos collectivités locales. Nous
souhaitons, pour notre part, revenir au texte adopté par le Sénat lors de
l'examen de la loi SRU à l'instigation de notre collègue Louis Althapé, qui
était rapporteur de ce texte.
Enfin, à l'article 14, qui contient un certain nombre de mesures dans la
perspective de la constitution d'un marché financier européen unifié, la
disposition qui donne la possibilité de rédiger les prospectus soumis au visa
de la COB dans une langue usuelle en matière financière autre que le français,
avec un résumé rédigé en français, a retenu toute notre attention. Si chacun
est d'accord pour défendre la francophonie, comme cela a été également fait
tout à l'heure, il nous semble que la proposition de la commission des finances
du Sénat, qui tend à la fois à défendre la langue française et à protéger non
seulement les épargnants mais aussi la compétitivité de notre économie et de la
place de Paris, est la plus équilibrée et qu'elle doit par conséquent recevoir
nos suffrages.
En soulignant l'excellent travail, du reste habituel, du rapporteur général,
Philippe Marini, et de nos collègues Gérard Larcher et Pierre Jarlier,
rapporteurs pour avis, le groupe du RPR, même s'il considère que ce projet de
loi est un peu en décalage par rapport aux véritables urgences constatées en
matière économique et financière, le votera dans la version qui résultera de
nos travaux, et il sera particulièrement attentif aux réponses apportées à ses
interrogations.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
projet de loi dont nous débattons comporte des mesures urgentes et
indispensables, notamment pour ce qui concerne la mise en place des pièces et
billets en euro ; notre collègue M. Joyandet vient d'en parler très bien à
l'instant.
Je souhaiterais, bien entendu, que cette mise en place se fasse dans des
conditions lisibles et comprises par tout le monde, et certainement pas au
détriment de la construction européenne. Nous devons donc y porter tous nos
soins. Je suis évidemment heureux que ce projet de loi traite de cette
question.
Ce texte comporte bien d'autres mesures disparates, d'inégale importance et
dont l'urgence n'est pas toujours avérée, ce qui me conduit à exprimer
immédiatement une réserve de principe.
Ce texte est donc composite - c'est le moins que l'on puisse dire -, et nous
ne voudrions pas qu'une telle caractéristique devienne normale ou ordinaire
pour nos textes de loi.
Portalis, sous l'oeil exigeant de qui nous essayons de travailler, doit se
retourner dans sa tombe lorsqu'il voit de tels textes patchwork. Si j'évoque
ici un risque, c'est qu'il me semble réel. Après d'autres textes patchwork,
comme chacun l'a noté dans cet hémicycle, voici maintenant un MURCEF -
l'appellation au moins est nouvelle ! Et si ce MURCEF n'en cache pas un autre,
il cache tout de même un DDOEF - on retrouve là une appellation plus classique
- adopté la semaine dernière en conseil des ministres. Un peu de remembrement
ne ferait pas de mal !
Au-delà des motivations électorales qui n'échappent à personne, cette
succession de textes à caractère économique et financier plus ou moins urgents
ne facilite pas le travail parlementaire. Ce travail est ainsi un peu mis en
miettes au détriment de sa qualité, bien sûr, mais surtout de sa cohérence, ce
qui me paraît plus grave. Il faut se réserver de traiter en urgence ce qui est
vraiment urgent, sauf à dévaluer définitivement ce procédé. C'est le fameux
appel au loup qui, au bout d'un moment, provoque des catastrophes !
J'en viens au contenu du texte.
J'émettrai certaines réserves sur le titre relatif aux marchés publics et plus
que des réserves sur l'article 13, qui porte sur la construction des logements
sociaux.
Dans la continuité de la réforme opérée par décret du code des marchés
publics, le titre Ier du projet de loi prévoit, notamment dans son article 1er,
la possibilité pour les collectivités locales de faire appel à l'aide technique
de l'Etat dans des conditions dérogatoires au droit de la concurrence. Je pense
que c'est bon pour nombre de nos communes rurales.
La commission des finances a sensiblement amélioré ce dispositif par une série
d'amendements tendant, en particulier, à en étendre le bénéfice aux groupements
intercommunaux et à préciser les conditions tarifaires offertes par les
services de l'Etat aux collectivités locales. Mon groupe suivra bien sûr ces
propositions. Cependant, on peut légitimement s'interroger sur l'application de
cet article 1er aux missions de maîtrise d'oeuvre. La notion d'assistance
technique devrait être mieux définie, mieux délimitée ; il en va de même des
conditions d'une saine concurrence. Cette question fera l'objet, j'en suis sûr,
d'un débat intéressant et constructif lors de l'examen des articles
correspondants.
Avec mon groupe, je soutiens, par ailleurs, les améliorations proposées à
l'article 4 par la commission des lois en faveur, notamment, du renforcement de
la protection des sous-traitants.
J'en viens à l'article 13.
Voilà un peu plus d'un an, à cette même tribune, j'avais exprimé mon
opposition résolue à l'article 55 du projet de loi relatif à la solidarité et
au renouvellement urbains instituant des sanctions financières à l'égard des
communes ne respectant pas l'engagement de construction de 20 % de logements
sociaux. Permettez-moi de revenir très rapidement sur mes arguments de
l'époque, qui restent largement valables.
Ce dispositif se caractérisait, à mon sens, par une méconnaissance totale du
principe de libre administration des communes et par une trop grande distance
par rapport aux réalités du terrain. Quand on me disait que l'Etat se
substituerait aux communes pour réaliser ce que celles-ci ne voudraient pas
faire en matière de logement social, je répondais qu'en général elles veulent
faire plus, mais sans toujours pouvoir faute de disponibilités financières ou
faute de moyens.
Je considère d'ailleurs que le maire, qui, en particulier, voit passer toutes
les déclarations d'intention d'aliéner, est mieux placé que le préfet pour
faire de la « dentelle », celle qui permet une vraie mixité sociale. Il est
mieux placé que le préfet pour saisir toutes les opportunités de construire ici
un logement, là un autre. Or, c'est ainsi, et non à grand coup de barres ou
d'opérations lourdes et destructrices du tissu social, que nous
progresserons.
Pour être très concret, je prenais, voilà un an, l'exemple de ma commune, dont
la surface est occupée aux deux tiers par une forêt domaniale, inaliénable, le
tiers restant étant soumis à toutes les protections possibles au titre des
monuments historiques. Les marges de manoeuvre sont très limitées.
Dans un département comme les Hauts-de-Seine, les emplois et les zones
d'activité, d'une part, les logements, d'autre part, mais aussi les
indispensables espaces verts ne peuvent pas être répartis dans les mêmes
proportions dans chaque ville.
Ils le sont à plus grande échelle dans un cadre où chaque commune se
spécialise peu ou prou : moins d'espaces verts à la Défense et moins de tours
dans le parc de Saint-Cloud, cela me paraît être une loi de la nature, même
s'il faut essayer de corriger un peu l'excès de tours à la Défense et
construire peut-être des logements à proximité du parc de Saint-Cloud.
Les villes qui apportent le plus d'oxygène sont généralement aussi celles qui
ont le moins de terrains libres et, surtout, celles qui disposent des plus
faibles recettes de taxe professionnelle. Il faut tenir compte de ces réalités.
Ce sont elles que les Français connaissent ; c'est dans ce contexte qu'ils
vivent.
J'en étais arrivé à me dire que, après le texte prévoyant un minimum de 20 %
de logements sociaux dans chaque commune, on pourrait en imaginer un imposant
20 % d'espaces verts, un autre 20 % de zones industrielles, un autre encore 20
% de zones artisanales, etc., jusqu'à ce que le système devienne ingérable et
qu'on ait dépassé les 100 % de la surface de chaque commune. La
suradministration tue toujours très sûrement.
J'avais donc fait plusieurs suggestions, comme celle de tenir compte de
l'importance des espaces verts dans les communes, de la valeur locative des
terrains, des recettes de taxe professionnelle ou, plus simplement encore, du
nombre de logements sociaux construits chaque année, et donc du flux plutôt que
du stock. Je le rappelle, ce sont les flux qui font la construction et non les
stocks, que nous devons simplement bien gérer.
L'important n'est-il pas de favoriser la construction de logements, alors que
l'on pourrait croire, monsieur le secrétaire d'Etat, que le gouvernement auquel
vous appartenez cherche d'abord à punir ?
Personnellement, je préférerai toujours à la punition la sanction positive,
c'est-à-dire l'incitation. Au demeurant, positive ou négative, la sanction ne
doit jamais faire oublier l'objectif. C'est lui qui doit nous motiver. Or
l'objectif, c'est de construire du logement social, ce n'est en aucun cas de
punir.
Le Gouvernement n'a pas souhaité retenir de tels arguments.
Son dispositif a été censuré par le Conseil constitutionnel, qui a rejeté
l'automaticité des sanctions. Pour autant, la nouvelle proposition figurant à
l'article 13 duMURCEF me paraît toujours critiquable.
Le Gouvernement donne au préfet un total pouvoir discrétionnaire. Celui-ci
n'est évidemment pas tenu de prendre en compte les remarques des maires, et
aucune distinction n'est opérée entre les différentes communes qui ne sont pas
parvenues à réaliser l'objectif global qui était fixé.
Je ne veux, bien sûr, pas remettre en cause l'autorité préfectorale. Je pense
simplement qu'elle ne devrait pas être invoquée ici et de cette manière. Vous
ne servez pas cette autorité en l'exposant ainsi. Le Sénat préfère toujours la
concertation et le cadre conventionnel, en souhaitant, bien sûr, par principe,
réserver l'autorité de l'Etat et de ses préfets au domaine régalien.
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Denis Badré.
Je conclurai en me félicitant des dispositions contenues dans le titre III.
Ces dispositions, qui facilitent le passage à l'euro, ne peuvent que recueillir
l'adhésion du groupe de l'Union centriste, tout particulièrement la mienne.
Il ne reste que deux cent dix jours avant l'échéance finale. Tout doit être
entrepris pour faciliter l'arrivée des pièces et des billets en euros. Ainsi,
nous soutiendrons en particulier l'amendement de la commission des finances qui
anticipe la date d'entrée du dispositif exceptionnel d'exonération pénale pour
les opérations de change entre francs et euros. Je ne m'étendrai pas sur les
autres éléments de cet amendement, que notre collègue M. Alain Joyandet vient
d'exposer avec beaucoup de talent.
En conséquence, le groupe de l'Union centriste est disposé à voter ce projet
de loi lorsque le Sénat l'aura amélioré.
(Très bien ! et applaudissements
sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du
RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à répondre
brièvement aux différents orateurs, car la qualité de leurs interventions le
mérite.
Tout d'abord, M. le rapporteur général s'est dit admiratif, et je l'en
remercie. Il s'est autorisé de la qualité de nos relations pour utiliser cet
adjectif, qui me va droit au coeur.
Je le suivrai moins lorsqu'il a contesté l'urgence. Je ne pense pas que l'on
puisse sérieusement - pardonnez-moi, monsieur le rapporteur général - contester
que l'euro nous oblige à agir vite alors que, le 18 février 2002, avec
l'introduction de l'euro fiduciaire dans notre vie quotidienne, nous allons
pratiquement changer d'époque.
Vous avez contesté l'urgence, monsieur le rapporteur général ; je ne sache pas
qu'elle soit contestable alors qu'Euronext ouvre son capital dès cet été !
Vous avez contesté l'urgence ; je ne sache pas qu'elle soit contestable alors
que les émissions de titres ont été divisées par deux depuis le début de
l'année en raison des nouvelles contraintes de langue française !
En ce qui concerne la Compagnie nationale du Rhône, la transposition dans le
droit français de la directive européenne a été achevée sur le plan législatif
le 10 février 2000. Sans doute nous sommes-nous efforcés d'aller vite et de
rattraper l'apparent retard que vous mentionnez en publiant une vingtaine de
décrets. Il convient maintenant de tirer les conséquences du nouveau paysage
électrique européen en donnant dès maintenant à la CNR la capacité d'être un
producteur d'électricité autonome.
Je le répète, il s'agit d'une réforme tout à fait fondamentale qui inaugure un
certain nombre d'autres évolutions devant répondre en urgence aux
restructurations d'un certain nombre de marchés européens. La France doit
apporter, naturellement, sa pierre dans la construction de cette Europe-là.
Vous considérez que les mêmes thèmes sont traités dans des textes différents.
Je vais prendre cette remarque positivement, monsieur le rapporteur général,
comme un hommage rendu à la cohérence de notre action.
(Sourires.)
C'est
vrai, la politique du Gouvernement est une, et, même si ses membres sont
différents, c'est toujours le même corps, animé par le souci de la réforme
sociale, du progrès, par la volonté d'armer notre pays dans les différents
aspects de la vie économique pour qu'il affronte dans de bonnes conditions de
compétitivité globale la concurrence internationale.
Vous proposez d'insérer des dispositions de la réforme des autorités
financières dans ce projet de loi-ci alors que le Gouvernement a déjà déposé
un projet de loi
ad hoc.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cela ne suffit pas de le déposer ; encore faut-il le
faire voter !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je répondrai d'ailleurs de la même manière aux autres
orateurs qui, fort brillamment, certes, mais à mon avis de manière inopportune,
ont préconisé que la réforme des autorités financières figurât en partie dans
ce texte-ci et en partie dans un autre. S'il en avait été ainsi, j'aurais
vraiment mérité la critique que vous avez adressée au texte dont nous débattons
cet après-midi.
Je pense donc qu'il n'y a pas d'incohérence dans nos propositions, qu'elles ne
peuvent en rien être assimilées à un manteau d'Arlequin, terme que je
préférerai au terme de patchwork puisque nous parlons le français ; je suis sûr
que vous m'approuverez, monsieur le sénateur !
M. Denis Badré.
Vous avez raison ! Dont acte.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Monsieur Gérard Larcher, nous partageons en effet un
même objectif : voir nos services publics, en particulier celui auquel vous
dédiez une grande partie de votre action, La Poste, se moderniser et devenir
plus compétitifs.
C'est vraiment notre objectif, et je suis ouvert à toutes les évolutions qui
permettront de doter nos services publics, qui vont continuer à mériter le
qualificatif de « publics », des moyens de nature à les faire figurer
positivement et de manière offensive dans - il faut bien appeler un chat un
chat - la concurrence à laquelle vont se livrer les services publics au sein de
l'Union européenne.
L'article consacré à La Poste dans ce projet de loi vise précisément à lui
fournir les armes - du moins une partie d'entre elles - dont elle a besoin pour
livrer cette bataille internationale. Si la
Bundespost
peut préempter
pour environ 50 milliards de francs d'actifs d'entreprises, c'est bien parce
qu'elle dispose effectivement des moyens financiers lui permettant, en quelque
sorte, de « faire son marché » en Europe. Dès lors, je pense que le
Gouvernement a raison de dégager pour La Poste des moyens financiers en faisant
en sorte que son patrimoine immobilier lui permette de constituer la force de
frappe qui la rendra capable de réagir, voire d'être offensive.
Je suis persuadé, monsieur Larcher, que vous ne pouvez qu'approuver un tel
raisonnement.
S'agissant de la CNR, croyez bien, monsieur le sénateur, que le Gouvernement
est résolu à en faire un acteur majeur du marché de l'électricité, tout en lui
conservant - cela doit être parfaitement clair - ses missions de service public
qu'il s'agisse de la navigation, de l'environnement ou de son concours, direct
et indirect, à l'agriculture, de telle manière que la vallée du Rhône - M.
Michel Mercier y sera certainement sensible - continue à bénéficier de l'action
de cette compagnie qui, depuis 1928, honore la créativité française et la
volonté d'aménagement global.
Les préoccupations de service public et d'aménagement du territoire seront
naturellement préservées par ce projet de loi.
M. Jarlier, au nom de la commission des lois, a également analysé ce texte
avec beaucoup de pertinence. Nous nous rejoignons, notamment, sur le fait que
la réforme de la commande publique est une nécessité.
Je tiens à lui préciser que la réforme législative envisagée en 1997 n'était
pas exclusive d'une refonte totale du texte portant code des marchés publics,
par la voie d'une réécriture du décret en Conseil d'Etat qui lui sert de
support.
Il s'agit là d'un mouvement général que, me semble-t-il, tous les élus locaux
ici présents ont appelé de leurs voeux, ne serait-ce que dans un souci de
simplification et de clarification. Le projet de loi répond donc à ce souci.
La méthode employée par le Gouvernement est strictement respectueuse des
domaines du décret et de la loi. Je crois qu'elle a également le mérite de la
rapidité et de l'efficacité.
La discussion des articles me permettra de répondre plus précisément à
plusieurs des questions que vous avez posées, monsieur Jarlier, en particulier
à celle qui concerne la conciliation entre le code des marchés publics et le
code des assurances, et qui constitue un vrai sujet de débat.
En tout cas, je vous remercie de l'état d'esprit constructif dans lequel vous
abordez ce texte, et j'attends vos propositions avec beaucoup d'intérêt.
Vous souhaitez, monsieur Bourdin, que les réformes annoncées par le
Gouvernement ne se transforment pas en réformettes. Vous avez bien raison : il
s'agit de réformes profondes, qui engagent l'avenir et qui témoignent d'un
souci de modernisation du pays, tout en respectant, bien sûr, les objectifs de
progrès social.
C'est pourquoi j'ai du mal à comprendre ce que vous avez dit sur la réforme
des autorités financières : voilà une vraie réforme, qui mérite un texte
spécifique. Ne la transformez donc pas en réformette !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Alors faites-la, cette réforme !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Si j'avais suivi votre collègue, monsieur le
rapporteur général, nous aurions transformé la réforme des autorités
financières en petite réformette puisque, au fond, nous aurions simplement
prévu quelques petits articles dispersés parmi d'autres portant sur d'autres
sujets - n'était-ce pas un des motifs des critiques que vous nous avez
adressées tout à l'heure ? - alors que la RAF - quel sigle prestigieux ! -
mérite un véritable texte, et celui-ci sera certainement discuté rapidement au
Sénat.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ça, c'est à voir !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
M. Bourdin a fait, à juste titre, un plaidoyer en
faveur de la place de Paris. Le Gouvernement, qui entend précisément la
renforcer, attend les conclusions de la mission que le Premier ministre a
confiée à l'un de vos anciens collègues, aujourd'hui député, M. Charzat.
M. Denis Badré.
J'ose espérer qu'il sera fait référence aux travaux de notre mission
d'information sur l'expatriation des activités financières, puisque nous les
avons commencés six mois avant M. Charzat et que nous rendrons nos conclusions
avant celui-ci !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Effectivement, monsieur Badré, vous menez vous-même
des travaux très importants sur le sujet.
C'est une véritable course de vitesse qui s'est engagée entre le Sénat et
l'Assemblée nationale, et dans laquelle votre assemblée montre combien elle
sait faire preuve de célérité !
M. Denis Badré.
Nous avons d'ailleurs été heureux de vous auditionner, monsieur le secrétaire
d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Et j'ai été heureux de pouvoir participer à vos
travaux.
J'indique donc à M. Bourdin que nous attendons et de la mission d'information
du Sénat et de celle qui a été confiée à M. Charzat des lignes directrices -
elles doivent d'ailleurs être peu nombreuses pour être efficaces - qui
permettront de renforcer la compétitivité du site France et donc de la place
financière de Paris.
Là, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a véritablement urgence. Le
renforcement de la place financière de Paris, dans un contexte de concurrence
internationale - et notamment européenne - acérée, milite en faveur de prises
de décisions très rapides, efficaces et de grande ampleur.
Sur les relations entre les banques et leurs clients, je suis d'accord avec M.
Bourdin pour considérer qu'il faudra aller plus loin. Telle est bien notre
intention en ce qui concerne le surendettement ou l'insaisissabilité.
Sur l'utilisation de la langue française dans les prospectus de la COB, je
dirai simplement à ce stade que notre texte met en oeuvre une partie d'une
directive européenne qu'un précédent gouvernement a approuvé en 1994... Il y a
donc bien urgence à rattraper ce retard !
Monsieur Othily, vous avez centré votre propos sur la réforme du code des
marchés publics. Nous aurons l'occasion de revenir dans le détail sur
l'ensemble des sujets que vous avez abordés, mais je vous remercie dès à
présent de l'esprit positif avec lequel vous envisagez cette discussion et de
votre conclusion, puisque vous avez indiqué que vous apporteriez votre soutien
à ce texte.
Cette réforme est en effet essentielle. Elle touche au rôle primordial des
collectivités locales et de l'Etat dans l'activité économique. Le texte ne
constitue donc pas une « réformette ». Je crois, au contraire, qu'il améliore
sensiblement les perspectives de la gestion publique.
Monsieur Foucaud, j'ai pris note de votre vigilance et de vos encouragements à
aller plus loin dans certains domaines. Je viens de vous donner satisfaction en
ce qui concerne la CNR : je suis sûr que le message du Gouvernement vous va
droit au coeur.
J'ai entendu aussi que vous souhaitiez que nous prolongions ce qui est ici
entrepris s'agissant des relations entre les banques et leurs clients. Nous
sommes sensibles à votre appel, car nous partageons avec vous l'objectif de
lutte contre toutes les exclusions, notamment contre l'exclusion sociale qui
pourrait résulter, pour trois millions de personnes, je le rappelle, d'une
situation d'exclusion bancaire.
M. Marc Massion, avec brio, comme toujours, a apporté son soutien à la
dynamique de réforme
(Exclamations amusées sur les travées des Républicains
et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste)
...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Que peut faire d'autre un maire dont le ministre des
finances est le premier adjoint ?
(Sourires.)
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
... dont le Gouvernement se veut l'animateur.
M. Massion a ouvert une réflexion importante sur les compétences des exécutifs
locaux ou sur les règles des compétences dans les marchés publics ; nous aurons
l'occasion d'y revenir. Vous avez eu raison d'affirmer, monsieur le sénateur -
et je mets toute ma conviction à vous faire écho - que ce texte contient, sur
ce point, une grande réforme.
Je souhaite que nous puissions avancer avec pragmatisme et réalisme sur les
pistes que vous avez dégagées.
M. Joyandet a évoqué l'ensemble des sujets qu'aborde le projet de loi.
J'insisterai simplement sur les relations entre les banques et leurs clients,
et d'abord pour apporter une dénégation : les conclusions de la mission Jolivet
ne sont pas éparpillées dans différents textes ; elles se retrouvent uniquement
dans ce projet de loi.
Je veux, en revanche, confirmer à M. Joyandet que les textes sur les cartes
bancaires ne figurent pas dans ce projet de loi. Il s'agit en effet d'une
question de sécurité quotidienne des citoyens : c'est donc mon collègue le
ministre de l'intérieur qui a eu naturellement la charge de présenter, dans le
texte qui est en débat aujourd'hui même à l'Assemblée nationale, les
conclusions opérationnelles du Gouvernement sur le sujet, conclusions qui vous
seront soumises dans la suite du processus législatif.
Après avoir de nouveau rendu hommage au travail accompli par la mission sur la
compétitivité du site France que vous présidez, monsieur Badré, je vous dirai
que la réforme de l'ingénierie publique constitue effectivement un sujet très
important.
La suite du débat me donnera l'occasion de répondre aux questions plus
techniques que vous avez posées. En cet instant, je me contenterai d'indiquer
que nous ne faisons pas les mêmes analyses et que nous ne tirons pas les mêmes
conclusions quant à la manière dont il faut traiter le logement social. C'est
là un plus vaste débat que celui qui peut réunir aujourd'hui de modestes
financiers et économistes ; mon collègue Jean-Claude Gayssot serait bien mieux
à même que moi d'argumenter à ce sujet.
Permettez-moi, en conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous
remercier de l'attention précise et passionnée avec laquelle vous avez étudié
ce texte, qu'il vous revient maintenant d'améliorer à votre tour, comme
l'Assemblée nationale a déjà amélioré le projet de loi que lui avait présenté
intialement le Gouvernement. Ainsi, le Sénat apportera sa contribution à cette
suite de belles et importantes réformes que le Gouvernement propose au
Parlement d'adopter.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi
que sur certaines travées du RDSE, de l'Union centriste et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Demande de réserve