SEANCE DU 26 JUIN 2001


M. le président. La parole est à M. de Montesquiou, auteur de la question n° 1098, transmise à Mme le secrétaire d'Etat au logement.
M. Aymeri de Montesquiou. Dans son dernier rapport intitulé Haut débit, mobile : quelle desserte des territoires, le Conseil économique et social vient de mettre en cause le Gouvernement, en soulignant que ce dernier ne développe pas les outils nécessaires à la résorption de la fracture numérique.
La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, vient aggraver un déséquilibre souligné par tous. L'appellation de cette loi en dit long sur la volonté gouvernementale de se préoccuper avant tout des zones urbaines et d'ignorer les zones rurales. C'est un choix politique déterminé puisque, avec une célérité tout à fait exceptionnelle, les décrets d'application ont été publiés dès mars 2001, alors que la loi avait été promulguée le 13 décembre 2000.
Sur le terrain, je constate la volonté des services de l'Etat d'informer les élus. Mais que peuvent-ils faire avec un mauvais texte si peu approprié à la ruralité ?
M. Jean-Jacques Hyest. Ça, c'est vrai !
M. Aymeri de Montesquiou. Dans les zones rurales, où les distances de raccordement sont bien supérieures à ce qu'elles sont dans les grandes agglomérations et où le coût est donc plus élevé, les communes n'ont pas les moyens de prendre en charge ces dépenses. Cette loi, remettant en cause le régime antérieur des participations, qui faisait supporter aux candidats-constructeurs les coûts d'extension ou de renforcement des réseaux, contrevient à la liberté de choix de citoyens qui souhaitent vivre à la campagne et grève lourdement le budget des petites communes.
En zone rurale, la loi SRU s'est traduite par une chute dramatique des constructions, car la quasi-totalité des permis de construire sont bloqués. Dans mon département, le Gers, une centaine de certificats d'urbanisme sont en souffrance, la moitié d'entre eux sans solution, alors que vous prétendez vouloir lutter contre la désertification. C'est absurde !
Votre loi va à l'encontre des désirs des citoyens puisque, je le rappelle, 60 % d'entre eux souhaitent habiter une petite commune. Elle est totalement obsolète, car elle ne tient pas compte de la révolution des télécommunications qui permet ce choix de vie. Elle ôte toute liberté de choix aux maires qui n'ont plus le pouvoir de décision pour le développement immobilier de leur commune. En conséquence, elle représente la caricature d'un aménagement du territoire concerté puisqu'il est totalement recentralisé.
Que comptez-vous faire pour changer une situation insupportable pour les élus ruraux ?
Allez-vous octroyer des facilités financières aux communes rurales ? Je doute que ce soit la solution choisie pour remédier à cette situation qui est, je le répète, absurde. Cette loi devrait être modifiée et les particuliers devraient payer les raccordements aux réseaux, comme par le passé.
Pour le moins, donnerez-vous aux préfets toute latitude pour régler au cas par cas, par un dialogue avec les élus, les problèmes que vous avez générés et, par cette position, illustrerez-vous vos désirs proclamés de concertation ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, je suis très heureuse que vous me posiez cette question car la réponse que je vais vous apporter sera de nature à éclairer les élus des communes rurales, qui, traditionnellement, comme tous les élus, sont toujours quelque peu inquiets devant le changement des textes.
La loi SRU améliore la situation des communes concernant la constructibilité et la prise en charge des dépenses de réseaux induites. Comment ?
Aux termes de la loi, désormais, pour toute réalisation d'une voirie, d'un éclairage public ou de réseaux afin d'urbaniser un terrain, l'ensemble des propriétaires dont les parcelles se trouvent de part et d'autre de ce terrain pourront contribuer aux charges prises en compte par la commune. Cela améliore la situation passée. En effet, que se passait-il jusqu'alors sur le plan juridique ?
Par le passé, seul le premier propriétaire qui aménageait son terrain devait prendre en charge l'ensemble de la faisabilité des réseaux pour réaliser son opération ou sa maison. Selon la loi alors en vigueur, ce qu'on pouvait demander au propriétaire n'était qu'à proportion de l'ampleur de l'opération. Normalement, la participation à la viabilisation était donc proportionnée à l'opération et, pour une large part, ne couvrait pas l'ensemble de la dépense qui revenait à la commune.
Ce n'était pas les us et coutumes. Mais ceux-ci ont été condamnés par les tribunaux. En effet, lorsque les propriétaires ont saisi les tribunaux, ils ont obtenu satisfaction, leur contribution a été réduite et la commune a été amenée à payer.
Or, vous le savez, lorsqu'une jurisprudence s'installe, nos contitoyens, qui ignorent rarement leurs droits, la font prévaloir. Nous avons donc assisté à une montée en puissance des litiges juridiques, qui amenaient les communes à devoir prendre en charge le coût des réseaux.
La loi SRU permet désormais aux communes de faire assumer ces charges par l'ensemble des propriétaires. D'une part, le premier propriétaire doit payer tout de suite. D'autre part, les propriétaires de terrains qui sont situés de part et d'autre de la voirie ou du réseau ont deux possibilités : ou bien ils contribuent de leur propre gré parce qu'ils comptent viabiliser leur terrain à court terme ; ou bien, s'ils ne sont pas en situation de pouvoir valoriser leur terrain ou ne jugent pas opportun d'apporter leur contribution au démarrage, ils pourront apporter leur contribution au moment où ils urbaniseront leur terrain. Cela signifie que, en tout état de cause, sur la durée, la collectivité peut faire prendre en charge l'ensemble de la dépense.
Cette règle s'applique aussi bien aux voiries nouvelles qu'à la transformation des voiries existantes qui n'auraient pas le gabarit de viabilisation correspondant à l'urbanisation. Ce point avait fait l'objet d'une clarification de la part du Gouvernement au cours des débats qui ont eu lieu dans cette enceinte.
Je reconnais que les élus n'ont pas encore pris la mesure de ces changements. Une première circulaire a été envoyée. Dans un souci de clarification, les directions départementales de l'équipement et les services de l'Etat ont saisi les élus d'un projet de délibération type, qui est indispensable pour que ces derniers puissent recouvrer les dépenses. Il convient que tous les élus ruraux délibèrent pour que, dès le lancement d'une opération, la prise en charge des dépenses de réseaux puisse être faite au profit de la commune. Ils ont reçu ou vont recevoir un projet de délibération type. Je les invite à la mettre en oeuvre.
Ce dispositif était appliqué en Alsace-Lorraine, où il a fait ses preuves. Il a été légèrement modifié au regard d'un certain nombre d'analyses juridiques qui avaient été faites par l'Institut du droit local. Je crois qu'il a donné satisfaction et il pourrait se révéler très utile pour l'ensemble du territoire et contribuer, monsieur le sénateur, à l'aménagement rural, auquel le Gouvernement est très attaché.
M. Aymeri de Montesquiou. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Madame la secrétaire d'Etat, votre réponse m'a interloqué car vous mettez en cause la capacité d'adaptation des élus ; vous ne tenez aucun compte de ce contexte nouveau qu'est l'aspiration de nos concitoyens à vivre dans des petites communes.
Vous ne pouvez contester le fait que, aujourd'hui, dans les zones rurales, les certificats d'urbanisme sont totalement bloqués.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. C'est faux !
M. Aymeri de Montesquiou. Ils sont totalement bloqués ! C'est une réalité que vous ne pouvez nier. Avec votre système, je ne vois pas comment les petites communes peuvent payer. Vous êtes dans une logique de lotissement, et non dans une logique de ruralité.
Auparavant, un maire pouvait refuser un certificat d'urbanisme. Il avait une vraie liberté. Aujourd'hui, le contexte est tel que les petites communes n'ont pas les moyens de financer la politique que vous proposez.
Je le répète, je suis vraiment surpris que vous mettiez en cause la capacité d'adaptation des élus ruraux.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. Je n'ai pas contesté les compétences des élus. Chaque fois qu'il y a un changement, tout élu - et je suis moi-même un élu local depuis suffisamment longtemps pour le dire -...
M. Aymeri de Montesquiou. Mais vous n'êtes pas un élu rural !
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. Que l'on soit un élu rural ou un élu urbain, on a toujours une sorte d'hésitation devant les textes nouveaux.
Si les élus locaux avaient délibéré pour demander la participation, ils pourraient aujourd'hui obtenir sans problème leurs certificats d'urbanisme. L'Etat s'attache à leur donner des délibérations types pour qu'ils n'aient pas de difficulté et qu'ils puissent agir en toute liberté. La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains n'enlève rien à leur liberté de délivrer des certificats d'urbanisme.
Quant au paiement, je vous ai rappelé que, par le passé, les demandes des élus locaux étaient souvent illégales. Aujourd'hui, on leur permet de rendre légal le financement total, alors qu'auparavant ce n'était pas possible : ils ne respectaient pas la loi et, comme je vous l'ai dit, les tribunaux les ont sanctionnés.
Si, par ailleurs, les élus ruraux ont des problèmes de financement pour leurs aménagements, vous savez qu'il existe un certain nombre de procédures qui leur permettent d'être accompagnés.
Mais je ne crois pas qu'il soit normal que la collectivité publique paie la viabilisation en lieu et place des propriétaires qui en tirent profit.
M. Aymeri de Montesquiou. Je demande la parole.
M. le président. A titre exceptionnel, monsieur de Montesquieu, je vous autorise à reprendre brièvement la parole.
M. Aymeri de Montesquiou. Je vous remercie de votre souplesse, monsieur le président.
Madame la secrétaire d'Etat, vous n'avez pas dénié le constat : aujourd'hui, les certificats d'urbanisme s'empilent, sans solution. Selon vous, soit ce sont les élus qui sont incapables de s'adapter, soit ce sont les services de l'Etat. Je trouve cette attitude plutôt déplaisante !

RÉGLEMENTATION APPLICABLE
AUX CONSTRUCTIONS EN ZONE DE MONTAGNE