SEANCE DU 26 JUIN 2001
MODERNISATION SOCIALE
Suite de la discussion d'un projet de loi
en deuxième lecture
M. le président.
Nous reprenons la discussion en deuxième lecture du projet de loi de
modernisation sociale.
Dans la suite de discussion générale, la parole est à M. Gournac,
rapporteur.
M. Alain Gournac,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la deuxième lecture à
l'Assemblée nationale a été l'occasion de poursuivre le débat engagé au Sénat
lors de la première lecture sur le droit du licenciement.
La raison de ce débat est bien connue et nous renvoie à la multiplication des
annonces de plans sociaux depuis quelques semaines. Celles-ci ont amené le
Gouvernement et sa majorité à proposer des réponses d'ordre législatif qui se
sont traduites par autant de nouveaux articles dans ce projet de loi.
La deuxième lecture à l'Assemblée nationale a été ainsi l'occasion d'ajouter
quatorze nouveaux articles aux trois premières sections du chapitre Ier du
titre II relatives à la prévention des licenciements, au droit à l'information
des représentants du personnel ainsi qu'au plan social et au droit au
reclassement.
Ces nouveaux articles modifient certains articles essentiels du code du
travail. Je pense, en particulier, à l'article 33 A, qui réécrit la définition
du licenciement économique telle qu'elle résulte de l'article L. 321-1 du code
du travail. Je pense aussi aux modifications apportées à l'article 32
bis
et au nouvel article 32
quater
, qui prévoient le recours à un
médiateur pour rapprocher les points de vue du chef d'entreprise et du comité
d'entreprise sur les projets de restructuration et de compression
d'effectifs.
L'ensemble de ces nouveaux articles posent de nombreuses questions qui
dépassent le légitime débat politique qui peut nous diviser sur l'opportunité
de telle ou telle disposition. Ces questions sont relatives à l'application du
texte, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, ayant
d'ores et déjà fait savoir que des imprécisions demeuraient et devraient être
corrigées. D'autres questions concernent aussi les conséquences sur l'emploi de
cette nouvelle réglementation, sur lesquelles nous n'avons reçu aujourd'hui que
peu de précisions.
Compte tenu de l'influence du droit du travail et du droit du licenciement sur
la vie des entreprises, et donc aussi sur celle des salariés, la commission
s'est interrogée sur les conséquences pratiques que pourraient avoir ces
nouvelles dispositions. C'est pourquoi elle a décidé de réserver l'examen des
trois premières sections du chapitre Ier du titre II afin de prendre le temps
de consulter les partenaires sociaux ainsi que plusieurs professeurs de droit
sur l'ensemble de ces articles.
Cette consultation des partenaires sociaux prendra la forme d'auditions en
commission, demain matin, mercredi, et jeudi toute la journée.
Aussi serai-je amené à présenter, avant la fin de la session, un rapport
supplémentaire à la commission. Ce rapport sera publié dans les prochains
jours, assorti du compte rendu intégral des auditions, de telle sorte que nous
puissions être prêts à débattre, à l'issue de cet examen approfondi, dès le
début du mois d'octobre de cet important aspect du projet de loi.
Le Gouvernement a accepté ce report : vous nous l'avez confirmé, madame la
secrétaire d'Etat, dans votre intervention.
Cette procédure, je tiens à le préciser, ne devrait aucunement modifier le
calendrier prévu par le Gouvernement puisque, de toute façon, l'Assemblée
nationale ne peut examiner à nouveau le texte avant le débat budgétaire -
constitutionnellement, il débutera le 16 octobre - soit pas avant le 20
novembre prochain.
Ce délai supplémentaire devrait donner le temps de la réflexion sur des
dispositions fondamentales qui, comme l'ont souligné plusieurs syndicats, ne
sont pas sans conséquence sur le comportement d'embauche des chefs d'entreprise
et donc sur l'emploi.
Dans ces conditions, on ne peut qu'être étonné devant certaines déclarations
qui ont pu être faites, ici ou là, à l'annonce de ces auditions des partenaires
sociaux.
La commission des affaires sociales a, en effet, toujours considéré que la
consultation des partenaires sociaux était pour ainsi dire « de droit », dès
lors qu'un texte modifie substantiellement le droit en vigueur. De telles
auditions ont ainsi été organisées lors de l'examen des projets de loi relatifs
à la réduction négociée du temps de travail, aux emplois-jeunes et à la lutte
contre les exclusions.
Seule la nature de ce texte, à l'origine très technique et un peu «
fourre-tout », expliquait l'absence d'auditions des partenaires sociaux lors de
la première lecture. Il s'agit aujourd'hui de combler ce manque en tenant
compte de l'évolution de la nature et du contenu du texte, qui rend aujourd'hui
ces auditions indispensables. Je rappellerai à cet égard à mes collègues
présents cet après-midi que l'ensemble des sénateurs sont invités à participer
à ces auditions, qui se tiendront donc, j'insiste, demain matin, mercredi, et
jeudi.
J'ajoute que les contraintes de l'ordre du jour prioritaire décidé par le
Gouvernement ne nous ont pas facilité la tâche. Depuis les élections
municipales, la commission des affaires sociales a alterné, quasiment sans
interruption, commissions mixtes paritaires, examen de rapports en commission
et débats en séance publique.
Parmi les autres articles, je tiens à souligner que l'Assemblée nationale a
montré une volonté de rapprochement avec les positions sénatoriales sur la
question de l'accès des personnes handicapées au monde de l'entreprise.
A l'article 39 concernant l'insertion professionnelle des travailleurs
handicapés, l'Assemblée nationale a apporté plusieurs modifications.
Elle a refusé deux améliorations qui résultaient de l'initiative de notre
commission, à savoir : la reconnaissance de la mission « d'intérêt général »
assurée par les ateliers protégés, qui semble pourtant indispensable compte
tenu des incertitudes engendrées par la jurisprudence européenne ; la
clarification du régime de mise à disposition des travailleurs handicapés
employés en ateliers protégés auprès des entreprises, qui est systématiquement
contesté à la suite d'un changement d'interprétation par l'administration.
Cette relative « déception » est néanmoins compensée par deux points
positifs.
Tout d'abord, l'Assemblée nationale n'a pas renouvelé son refus de décompter
les stagiaires handicapés dans les effectifs des personnes handicapées
employées par l'entreprise : elle a seulement prévu un amendement afin de
plafonner à 2 % de l'effectif total le nombre de stagiaires handicapés qu'il
est possible de recruter. Ce compromis paraît raisonnable.
Ensuite et surtout, l'Assemblée nationale a adopté la solution retenue par le
Sénat afin de garantir la prise en charge, à la fois par l'Etat et par
l'employeur, des accessoires de salaire dus aux travailleurs handicapés en
ateliers protégés. La part de chacun sera calculée en tenant compte du montant
du salaire versé et de la garantie de ressources.
Compte tenu de l'importance de la question, nous vous proposerons de voter cet
article sans modification.
En revanche, nous regrettons que l'Assemblée nationale, sans réelle
justification de fond, ait supprimé les quatre articles 39
ter
à 39
sexies,
qui reprenaient le contenu de la proposition de loi votée par le
Sénat le 11 février 1999 sur la garantie du principe de continuité et la
prévention des conflits du travail dans les services publics, laquelle avait
été heureusement intégrée dans le texte par son rapporteur, M. Claude
Huriet.
A ce stade de la discussion, nous ne pouvons que prendre acte de la conception
très réductrice de la modernisation sociale de la majorité plurielle, qui tend
à ne faire peser les efforts que sur l'employeur. Elle néglige ainsi les
souhaits de la majorité des utilisateurs des services publics de transports qui
appellent de leurs voeux une modernisation du dialogue social dans les
entreprises publiques afin de ne plus être les victimes d'un système faisant de
la grève le seul moyen d'expression des salariés.
Tout comme M. le Président de la République qui s'exprimait le 7 juin dernier
lors de l'inauguration du TGV-Méditerranée, le Sénat pense que « la continuité
du service public est un impératif qui ne peut pas être ignoré ». Nous aurons
sans doute l'occasion de revenir sur ce point dans le débat.
Avant de conclure, je souhaiterais aborder brièvement deux autres volets de ce
titre II, les emplois-jeunes tout d'abord.
En première lecture, le Sénat avait souhaité introduire dans le projet de loi
un volet relatif à l'avenir des emplois-jeunes.
Notre objectif était double. Il s'agissait, d'une part, de faire des
propositions concrètes destinées à préparer dans les meilleures conditions
possible l'avenir professionnel des emplois-jeunes et, d'autre part, d'offrir
au Gouvernement une porte de sortie honorable de son immobilisme persistant sur
l'avenir hypothéqué de ce dispositif. Depuis le mois d'octobre dernier, le
Gouvernement annonçait en effet régulièrement l'imminence de décisions, qui
étaient sans cesse reportées.
Pourtant, ni le Gouvernement ni l'Assemblée nationale n'ont jugé bon de
retenir, ni même d'examiner ces dispositions. Il est vrai qu'entre-temps le
Gouvernement a enfin présenté, le 6 juin dernier, son plan pour l'avenir des
emplois-jeunes.
Mais, paradoxalement, le plan du Gouvernement ne fait que renforcer
l'importance d'insérer une section spécifique sur les emplois-jeunes dans le
présent projet de loi.
D'abord, les mesures présentées sont très décevantes. Elles ne permettent en
effet ni d'améliorer le fonctionnement actuel du dispositif, ni d'assurer
l'avenir professionnel des jeunes et la pérennisation des activités créées.
Le plan du Gouvernement ne lève aucune des incertitudes qui pèsent déjà sur un
programme conçu à la hâte et dont la maîtrise échappe à ses initiateurs. La
validation de l'expérience professionnelle ne constituera qu'un palliatif aux
difficultés confirmées d'accès à la formation, les ambiguïtés d'un statut
hybride ne sont pas éclaircies, l'utilité sociale des missions effectivement
exercées n'est toujours pas évaluée au cas par cas. Pour l'avenir, c'est pire
encore, car le plan du Gouvernement se limite principalement à reporter les
échéances. La plupart des associations verront les aides qui leur sont
attribuées minorées, le soutien budgétaire qu'elles reçoivent n'étant pas en
mesure de garantir la solvabilité des activités créées. Les collectivités
locales, qui sont largement engagées dans ce programme, subiront un transfert
de charges direct, l'Etat renonçant à participer au financement de 85 % des
emplois créés.
Au sein de l'éducation nationale et de la police nationale, les emplois-jeunes
seront maintenus, mais ils deviendront une sorte de « stage probatoire »,
préalable à une hypothétique intégration des jeunes dans la fonction publique.
Ces jeunes alimenteront ainsi un vivier bien commode de simples supplétifs au
statut précaire.
Dans ces conditions, les propositions formulées par le Sénat en première
lecture apparaissent comme un complément indispensable aux lacunes du projet du
Gouvernement. En effet, elles visent avant tout à garantir une réelle
professionnalisation des jeunes et à mettre en place des passerelles vers le
secteur marchand.
Ensuite - je tiens à insister sur ce point - les mesures annoncées par le
Gouvernement nécessiteront, pour plusieurs d'entre elles, une base législative.
Dès lors, le projet de loi apparaît comme étant un support approprié car on
voit mal, compte tenu du calendrier parlementaire actuel, quel autre support
pourrait retenir le Gouvernement afin que ces mesures, quelles qu'elles soient,
soient adoptées en temps utile.
Or il importe que ces dispositions législatives soient adoptées le plus
rapidement possible, afin d'offrir aux emplois-jeunes et à leurs employeurs une
visibilité suffisante sur les évolutions du dispositif pour qu'ils puissent
préparer leur avenir dans les meilleures conditions.
Le second point sur lequel je souhaite revenir concerne le harcèlement
moral.
Vous vous rappelez, mes chers collègues, que nous avions fait le choix, en
première lecture, de préciser et de compléter les dispositions très lacunaires
et finalement très restrictives introduites à l'Assemblée nationale.
Sur ce point, et même s'il subsiste quelques désaccords, la démarche
constructive du Sénat s'est poursuivie à l'Assemblée nationale. Nous sommes en
effet en mesure de nous entendre largement sur la définition du harcèlement
moral, sur la protection des victimes et sur les moyens de prévention à mettre
en oeuvre.
Il demeure cependant un clivage qui ne pourra sans doute pas être réduit,
celui qui porte sur la sanction pénale.
L'Assemblée nationale a en effet introduit une nouvelle sanction pénale en cas
de harcèlement, solution que nous avions écartée au Sénat. J'observe d'ailleurs
que l'Assemblée nationale est si favorable aux sanctions pénales qu'elle n'a
pas hésité à en voter deux... quelque peu contradictoires !
Je ne peux ici que regretter que le Gouvernement, initialement très réservé
sur cette sanction, ait finalement cédé à la pression de sa majorité
plurielle.
Je doute qu'il soit opportun de pénaliser à l'extrême les relations du
travail. C'est pourquoi j'avais souhaité concentrer mes propositions sur le
volet prévention, la sanction pénale s'apparentant souvent à une « caution
pénale », simple mesure d'affichage bien utile pour masquer le vide des
propositions concrètes.
Cette nouvelle sanction pénale paraît d'ailleurs bien inutile. Le code pénal
prévoit déjà de nombreuses incriminations qui peuvent être efficacement
retenues en cas de harcèlement moral. Je pense notamment à celles qui sont
relatives à l'intégrité physique ou psychique de la personne, à celles qui
traitent de la mise en danger d'autrui ou à celles qui concernent les atteintes
à la dignité de la personne.
Telles sont, mes chers collègues, les observations que la commission
souhaitait présenter sur ce volet du présent projet de loi.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste, ainsi que
sur certaines travées du RDSE).
M. le président.
La parole est à Mme Bocandé, rapporteur.
Mme Annick Bocandé,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, contrairement au volet «
emploi », l'examen en deuxième lecture à l'Assemblée nationale du volet «
formation professionnelle » n'a pas bouleversé l'équilibre du texte. Au
contraire, des rapprochements non négligeables ont pu intervenir entre les deux
assemblées, même si ces rapprochements sont d'importance très diverse selon les
trois sujets abordés dans cette partie du texte.
C'est sans doute en matière de validation des acquis de l'expérience que la
navette a, pour l'instant, conduit au bilan le plus mitigé.
Certes, les deux assemblées se rejoignent dans leur souci d'élargir d'une
manière significative les possibilités actuelles de validation. Car une
meilleure reconnaissance des compétences professionnelles - et l'élavation du
niveau de qualification qui en est le corollaire - apparaît aujourd'hui
indispensable. Dans un monde du travail de plus en plus mouvant, les salariés
et les entreprises chercheront de plus en plus à assurer l'adaptation
permanente de leurs qualifications et de leurs compétences aux évolutions de la
demande.
Pour autant, une divergence majeure sépare encore les deux assemblées sur ce
dispositif de validation. L'Assemblée nationale cherche visiblement à
restreindre le champ de la validation tout en assouplissant - sans doute à
l'excès - les procédures. Le Sénat défend la thèse inverse. Il préfère ainsi
élargir le champ de la validation tout en restant extrêmement vigilant sur les
procédures pour en garantir la qualité et pour prévenir certaines dérives.
Cette différence de conception s'est largement cristallisée autour de la
question de la durée minimale d'activité requise pour bénéficier d'une
validation éventuelle. La durée initiale de trois ans n'apparaît pas pertinente
pour éviter que la validation ne se traduise parfois par une délivrance de «
diplômes au rabais ».
Aussi, le Sénat, après un long débat, a retenu le principe d'une durée
modulable, qui ne peut en aucun cas être inférieure à trois ans et qui est
déterminée par l'autorité délivrant le titre. Cela permettrait en effet
d'assurer l'adéquation entre l'expérience préalable et la nature de la
certification. L'Assemblée nationale est cependant revenue à sa position
initiale. Je le regrette, car je crois que nous avions trouvé là un compromis
qui apportait les garanties nécessaires.
Cette différence de conception se retrouve également dans le souci du Sénat
d'assurer une réelle « professionnalisation » du dispositif. Il importe, en
effet, que la démarche de validation repose sur des compétences réellement
professionnelles. Il ne s'agit pas d'offrir à des personnes des certifications
professionnelles au titre de je ne sais quelle expérience préalable qui
n'aurait qu'un lien très ténu avec le monde du travail. Je crains que, sur ce
point, le texte de l'Assemblée nationale ne soit pas suffisamment exigeant.
Cela étant, ces divergences n'ont pas empêché les deux chambres de
progresser.
Ainsi, je me réjouis que l'Assemblée nationale ait retenu plusieurs apports du
Sénat permettant d'assurer la qualité ou l'élargissement de la procédure de
validation. Je pense notamment à son extension aux non-salariés et aux
conjoints collaborateurs, en particulier. Je pense aussi à la composition des
jurys de validation, qui garantira une large place aux professionnels. Je pense
encore à la procédure de validation, qui reposera non pas sur un simple
dossier, mais sur un entretien et, dans la mesure du possible, sur une mise en
situation de travail réelle ou reconstituée. Je pense, enfin, à une meilleure
association des partenaires sociaux lors de la création de nouveaux titres à
finalité professionnelle.
J'estime toutefois qu'il est possible de continuer à améliorer le texte de
l'Assemblée nationale de manière à mieux assurer la proximité de ces
dispositifs de validation et de certification avec les exigences du monde
professionnel.
Les convergences entre les deux assemblées ont été plus profondes dans ce
second volet relatif à la formation professionnelle, sur la question du
financement de l'apprentissage.
Certes, le projet de loi s'inscrit dans un cadre relativement modeste et ne
constituera pas la grande réforme du financement de l'apprentissage, car il se
garde bien de réformer en profondeur la taxe d'apprentissage.
Il n'en apporte pas moins d'utiles modifications qui, à défaut de réformer
l'ensemble du système, devraient permettre de limiter les difficultés de
financement des CFA et de renforcer la transparence sur la collecte de la taxe
d'apprentissage.
S'agissant du financement des CFA, le Sénat avait opéré un double choix. Il
avait, d'une part, cherché à renforcer le système de péréquation de la taxe
d'aprentissage afin d'assurer une répartition optimale des ressources entre les
CFA, en ciblant cette péréquation vers ceux qui sont le plus en difficulté. Il
avait, d'autre part, voulu renforcer la contractualisation entre les différents
acteurs de l'apprentissage, tels que les CFA, les régions, les organismes
consulaires, les partenaires sociaux, et les branches professionnelles plutôt
que de s'inscrire dans un encadrement administratif aussi complexe
qu'inadapté.
Il me paraît satisfaisant que ces apports du Sénat aient été maintenus par
l'Assemblée nationale.
Le débat à l'Assemblée nationale a, en outre, permis d'apporter deux utiles
précisions.
D'abord, l'Assemblée nationale a adopté un article additionnel, sur
l'initiative du Gouvernement, afin de relever le montant du concours financier
que doit verser l'entreprise au CFA qui accueille ses apprentis. Il sera fixé
au niveau du coût de formation tel que défini contractuellement, dans la limite
du « quota » de la taxe d'apprentissage. Je vous rappelle que, en application
de la loi du 6 mai 1996, ce concours était jusqu'à présent limité à 2 500
francs par apprenti et par an.
Votre commission considère qu'une telle mesure va dans le bon sens. Elle
augmente les ressources des CFA et ne manquera pas de renforcer utilement le
dialogue entre le CFA et l'entreprise.
Ensuite, le débat à l'Assemblée nationale a permis au Gouvernement de préciser
ses intentions sur le minimum de ressources pour les CFA que prévoit le projet
de loi et qui sera fixé par arrêté.
Mme Nicole Péry s'est en effet engagée à publier cet arrêté « pour la
mi-octobre », précisant que le montant minimum ainsi fixé s'éléverait «
certainement » à plus de 13 000 francs - Vous l'avez rappelé dans votre
intervention, madame le secrétaire d'Etat.
Cette précision est utile. Je constate d'ailleurs avec satisfaction que ce
montant - qu'il faut sans doute interpréter comme un montant moyen - est très
nettement supérieur à 1 000 euros, somme qui avait été évoquée par plusieurs de
nos collègues en première lecture.
Mais je tiens ici à formuler deux observations.
D'une part, on peut légitimement douter que l'arrêté soit publié pour la
mi-octobre, compte tenu du retard pris par le Gouvernement pour l'examen du
présent projet de loi. Celui-ci ne pourra en effet être adopté à cette date,
privant ainsi l'arrêté en question de toute base légale. Cela est fort
regrettable. Les CFA auront un besoin urgent de ces informations à cette date
pour la préparation de leur projet de budget pour 2002.
D'autre part, ce montant minimal reste sensiblement inférieur au coût annuel
moyen de l'apprenti, qui était évalué à plus de 21 000 francs en 1998, même si
le coût de fonctionnement des CFA gérés par les chambres de métiers est
généralement plus faible.
S'agissant de la collecte de la taxe d'apprentissage, le Sénat avait fait le
choix, suivant en cela le Gouvernement, de favoriser une régionalisation de la
collecte, mais surtout de renforcer la transparence sur les procédures
d'habilitation à la collecte et sur l'utilisation des ressources collectées.
Je ne peux que regretter que l'Assemblée nationale soit revenue, pour partie,
sur ces apports.
J'avoue également que j'ai du mal à comprendre la cohérence du Gouvernement,
qui affirme, d'un côté, vouloir « maîtriser la collecte nationale » mais qui,
de l'autre, s'est attaché à supprimer les verrous mis en place par le Sénat et
à multiplier les possibilités de dérogations. J'espère, madame la secrétaire
d'Etat, que vous pourrez nous éclairer utilement sur la position
gouvernementale.
Pour autant, sur ce volet « financement de l'apprentissage », la navette a
déjà permis de simplifier et de clarifier d'une manière significative le
dispositif. C'est un point très positif.
Le dernier volet concerne l'offre de formation. Là encore, le bilan de la
navette est très contrasté.
Si un accord est intervenu sur le nouveau régime d'enregistrement des
organismes de formation, le souci d'améliorer la coordination des instances
compétentes en matière de formation professionnelle et de simplifier
l'architecture actuelle du dispositif a, en revanche, tourné court.
Ainsi, s'agissant des COREF, seules deux des modifications apportées par le
Sénat demeurent dans le texte qui nous est soumis aujourd'hui.
J'observe cependant qu'il s'agit de deux des apports les plus importants.
L'autonomie des COREF pour fixer leurs conditions d'organisation et de
fonctionnement est ainsi garantie. Surtout, l'information directe des COREF par
les organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage sur l'utilisation de ces
ressources est confirmée.
On peut également regretter que les autres propositions du Sénat visant à
faire des COREF le véritable lieu décentralisé de concertation pour le pilotage
de la politique de formation professionnelle aient été écartées.
De même, s'agissant de l'architecture générale des organismes censés définir
la politique de formation professionnelle, le souci de simplification et de
clarification du Sénat s'est clairement heurté à une fin de non-recevoir.
Or je doute que la multiplication des grandes déclarations de principe sur la
nécessité d'une meilleure coordination, que le désir de maintenir coûte que
coûte des organismes pourtant en sommeil depuis près de vingt ans ou que les
changements d'appellation des COREF et des CODEF suffisent à moderniser
réellement notre système de pilotage de la formation professionnelle.
Au total, et malgré la persistance, entre nos deux assemblées, de certaines
divergences qui sont parfois profondes, la navette a déjà permis d'améliorer
sensiblement le volet formation professionnelle de ce texte.
Des marges de progression existent encore.
Voilà pourquoi, face aux hésitations évidentes de l'Assemblée nationale, votre
commission estime souhaitable de rétablir les principaux apports du Sénat en
première lecture, car nous ne désespérons pas que l'Assemblée nationale nous
rejoigne sur certains points.
(Applaudissements sur le banc des
commissions.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 38 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 28 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Maman.
M. André Maman.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
dois reconnaître que les travaux sur ce projet de loi de modernisation sociale
ont été sérieusement menés, aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, et
que ce texte a permis de progresser sur de nombreux points, à l'exception d'une
question, celle des fonctionnaires détachés à l'étranger, sur laquelle j'avais
insisté à l'occasion de la première lecture. J'avais même déposé cinq
amendements, que l'Assemblée nationale a tous rejetés.
Je voudrais à nouveau tenter de sensibiliser mes collègues sénatrices et
sénateurs sur cette question.
Ces fonctionnaires - ils sont des milliers - que nous trouvons dans
l'enseignement, dans les organismes internationaux, et cela sur tous les
continents, en Afrique comme en Asie, contribuent à renforcer la présence
française à l'étranger.
Le fait d'être détachés par l'administration, est pour eux un « plus » : la
garantie de retrouver un poste de retour en France.
Mais on ne leur a jamais dit la vérité concernant les retraites. Ainsi, que ce
soit aux Etats-Unis, en Australie, en Amérique ou au Japon, alors qu'ils
continuent de payer leurs cotisations en France, ils sont obligés de cotiser
dans leur pays d'expatriation.
La question du non-cumul des pensions de retraite pour les fonctionnaires
détachés à l'étranger n'a jamais été soulevée, malgré l'existence de
différentes lois, dont une, celle de 1984, n'a même jamais pu être appliquée
!
En outre, ces fonctionnaires qui ont quitté l'Hexagone et qui représentent la
France à l'étranger n'ont jamais bénéficié ni des allocations familiales ni des
avantages financiers perçus par leurs collègues restés en France. Ils ont
consenti à faire ce sacrifice financier, pensant en toute honnêteté qu'ils
allaient à la fois bénéficier de leur retraite française et de mises de fonds
qu'ils étaient obligés de faire à l'étranger, fonds qu'ils auraient pu,
employer autrement, par exemple en les versant à des organismes privés, comme
il en existe beaucoup.
Or ces fonctionnaires, sans qui la France ne serait pas ce qu'elle est à
l'étranger, que l'on incite à s'expatrier - M. Monory disait que 300 000 jeunes
devaient aller à l'étranger - vont se trouver lésés. C'est très dangereux !
J'ai toujours demandé qu'il soit précisé dans la loi que c'était le cumul de
deux retraites « françaises » qui était interdit, ce qui serait normal.
Pourquoi les fonctionnaires détachés ne pourraient-ils pas bénéficier, comme
les fonctionnaires non détachés, d'une retraite complémentaire ? Je pense,
parmi ces derniers, à ceux qui cotisent à la Préfon. C'est leur droit et on ne
leur pose jamais de question ! De quel droit le Gouvernement français peut-il
tout à coup changer les dispositions légales ?
J'en viens aux difficultés qu'un tel changement engendrera pour
l'administration, en raison des milliers de cas différents : en fonction des
retraites, des impôts, de la durée d'activité...
Quand le Gouvernement nous dit que les fonctionnaires détachés peuvent se
réclamer de la fonction publique sans verser de cotisations, c'est un mensonge
! J'aimerais que Mme le secrétaire d'Etat nous confirme qu'on ne peut pas être
détaché à l'étranger sans payer les cotisations françaises.
Il est clair que la plupart des retraités privilégieront la retraite
française, qui est en général plus forte que les retraites étrangères, si bien
que le Gouvernement n'y gagnera pratiquement rien sur le plan financier. Tout
le bénéfice sera pour les organismes de retraites étrangers ! Je me suis
adressé à eux : ils sont abasourdis. Ils ont même trouvé scandaleux que l'on
revienne sur un principe de droit. Ils ont affirmé qu'ils avaient l'intention
de ne pas déclarer ce que touchent les fonctionnaires français détachés, par
mesure de rétorsion. Certains organismes sont allés jusqu'à nous proposer de
nous « prêter » des avocats internationaux ! Le principe des droits acquis est
très important.
Je terminerai par la différence que vous voulez faire entre les fonctionnaires
détachés qui sont déjà à la retraite et ceux qui partiront à la retraite avant
la parution de la loi, c'est-à-dire avant le 1er janvier 2002, d'une part, et
les fonctionnaires qui sont encore en exercice et les futurs fonctionnaires
détachés, d'autre part : les premiers ne seraient pas inquiétés, alors que les
autres seraient concernés. Cette distinction a déjà des conséquences : ceux qui
avaient l'intention de s'expatrier, surtout les jeunes, se demandent si cela en
vaut la peine. Certains envisagent même - ils me l'ont dit - de revenir sur
leur décision de partir pour l'étranger.
En conclusion, je dirai que, non seulement on veut revenir sur des privilèges
acquis par les fonctionnaires détachés à l'étranger, mais on va compliquer la
tâche de l'administration et créer des difficultés que le Gouvernement ne
pourra pas surmonter !
C'est la dernière fois que j'interviens sur ce sujet, puisque l'Assemblée
nationale a rejeté mes cinq amendements. Mais, en toute sincérité, je ne
comprends pas cet acharnement contre les fonctionnaires français détachés à
l'étranger !
(MM. Esneu et Grignon applaudissent.)
M. le président.
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à
compter de cet après-midi, nous examinons en deuxième lecture le projet de loi
de modernisation sociale après son passage à l'Assemblée nationale, où une
majorité de députés a oeuvré non seulement pour rétablir l'essentiel des
dispositions supprimées ou dénaturées par la majorité sénatoriale, mais
également pour améliorer et compléter les mesures contenues dans le titre II,
lequel concerne notamment la prévention des licenciements économiques.
Dès la première lecture au Sénat, au regard des annonces concomitantes de
plans de licenciements dits « sociaux » par de grandes entreprises françaises -
pourtant saines, mais appliquant froidement les décisions stratégiques de leur
groupe attaché à l'axiome selon lequel les marchés exigent une rentabilité
minimale des capitaux investis de 15 % -, de fermetures de sites, de
licenciements prononcés sans renfort médiatique et sans accompagnement social
dans les moyennes et petites entreprises, les parlementaires communistes
avaient abordé le débat avec des intentions combatives, des exigences plus
fortes pour assigner à la loi d'autres objectifs.
Contrairement à la droite, qui s'emploie à relayer, une fois encore, les
propos et les convictions libérales du MEDEF, partisane de la soft Paw, nous
pensons que le recours à la loi est opportun et nécessaire. Les experts et
consultants auprès des comités d'entreprises « constatent chaque jour combien
la loi est inadaptée au fonctionnement actuel de l'économie et incapable de
protéger les salariés contre l'emballement actuel des licenciements ».
Je fais miens les propos tenus dans
Le Monde
par Patrick Caspar,
président du cabinet d'expertise comptable Anadex, et par Claude Jacquin,
Charles Michaloux et Jean-Philippe Sennac, respectivement directeur général
adjoint, P-DG et directeur du groupe Aprime, dénonçant « les restructurations
injustifiées, erronées ou surdimensionnées et l'inégalité, voire l'absence de
couverture du plan social, véritable sinistre social ».
Pourquoi le législateur, garant tout de même de l'intérêt général, devrait-il
se contenter, lorsqu'il intervient, de prendre en compte les seules exigences
d'adaptation des entreprises alors même que les salariés aspirent légitimement,
surtout quand il en va du devenir de leur emploi, à disposer d'un certain
nombre de garanties, de droits d'intervention pour discuter des choix de
l'entreprise, être en mesure de s'y opposer, de les contester ?
Avant tout, ce que veulent les salariés de Lu, de Danone, de Marks & Spencer,
de Pechiney, de Motorala, d'AOM, de Delpny, de Philips, de Bull, de la Verrerie
de Givors, du groupe Devanlay Lacoste, que nous avons rencontrés, c'est pouvoir
véritablement influencer, et pas seulement à la marge, les décisions
unilatérales des chefs d'entreprises, des actionnaires.
C'est aussi et surtout qu'enfin on arrête de considérer les salariés qui,
pourtant, sont une richesse, comme une simple variable d'ajustement dans une
économie capitaliste mondialisée, où le poids des actionnaires, les volontés
des marchés financiers l'emportent.
Nos concitoyens, largement solidaires de la révolte des salariés sous le coup
de licenciements injustifiés - les manifestations de Calais, de Paris en
témoignent - rejettent cet état de fait présenté comme inéluctable et, tout
naturellement, se sont tournés vers le politique, attendant de lui des réponses
fortes sans que pour autant les entreprises puissent s'exonérer de leurs
responsabilités.
Les résultats du sondage réalisé par l'institut BVA pour le journal
l'
Humanité
sont éloquents.
Pour 76 % des Français, licenciements et profits sont incompatibles ; les
pratiques érigeant la création de valeur en objectif unique doivent être
combattues.
Henri Sterdyniak, économiste à l'observatoire français des conjonctures
économiques, signataire de l'appel à manifester à Paris le 9 juin dernier,
résume très bien la problématique.
Je le cite : « Les actionnaires engrangent des rendements fabuleux quand ça va
bien. Mais, dans le cas contraire, ils refusent d'assumer les dégâts sociaux.
Les salariés supportent tous les coûts de la guerre économique. [...] Toute la
collectivité subit les conséquences de ce coût humain, alors que l'entreprise
peut y être totalement indifférente. L'ensemble de ce coût assumé aujourd'hui
par l'Etat, le travailleur ou la collectivité territoriale doit être supporté
par l'entreprise et les actionnaires. Il est donc normal de faire pression sur
les entreprises par la loi. »
Considérant que la réponse apportée par le Gouvernement à travers les
amendements présentés à l'Assemblée nationale en deuxième lecture n'étaient pas
à la hauteur des enjeux, se contentant de renchérir le coût des licenciements,
de les accompagner en se concentrant sur le traitement social des
restructurations envisagées, le parti communiste a été à l'initiative d'un
report du vote sur l'ensemble du texte.
Les quinze jours ont été mis à profit pour réfléchir, consulter et s'accorder
sur le degré de l'évolution envisagée pour notre droit positif en matière de
licenciements économiques abusifs.
Lors d'une seconde délibération, l'adoption de nouveaux amendements
gouvernementaux sous-amendés par les députés communistes a permis au texte de
bouger.
Les garanties nouvelles ainsi apportées sont autant de points d'appui pour les
salariés et les organisations syndicales pour agir, proposer des solutions
alternatives, contester les choix.
La première modification importante porte sur la définition des licenciements
économiques.
A quelques mots près, la nouvelle définition reprend un amendement soutenu en
première lecture par le groupe communiste républicain et citoyen au sein de la
Haute Assemblée.
Jusqu'à présent, aux termes de la rédaction précédente, un licenciement
économique pouvait résulter « notamment de difficultés économiques ou de
mutations économiques » ; l'adverbe « notamment » permettait aux entreprises de
rentrer sans mal dans le cadre législatif, alors même que le licenciement était
justifié par la seule exigence des actionnaires d'une plus confortable
rentabilité.
Désormais, les causes sont au nombre de trois : « des difficultés économiques
sérieuses n'ayant pu être surmontées par tout autre moyen », « des mutations
technologiques mettant en cause la pérennité de l'entreprise », « des
nécessités de réorganisation indispensables à la sauvegarde de l'activité de
l'entreprise » et non de la sauvegarde de la compétitivité telle qu'entendue
actuellement par le juge.
Autre évolution marquante : non seulement le comité d'entreprise pourra
formuler, dans le cadre de la procédure de consultation prévue au titre IV du
code du travail concernant le projet de restructuration, des propositions
alternatives, mais il pourra aussi saisir un médiateur tiers à l'entreprise en
cas de divergence importante et, de surcroît, il pourra exercer un droit
d'opposition pour suspendre le projet de restructuration, qui peut d'ailleurs
être l'objet d'un recours devant le juge des référés.
Même si elles sont limitées, nous apprécions positivement les réponses
apportées, qui ont fait l'objet, notamment de la part de la droite et du MEDEF,
d'un virulent rejet.
Pour autant, nous n'entendons pas nous laisser aller à un quelconque
triomphalisme, surtout lorsque l'on sait que, sur les 200 000 entrées à l'ANPE
par an pour licenciement économique, seules 15 % d'entre elles résultent d'un
plan social !
C'est pourquoi, madame la secrétaire d'Etat, nous serons très attentifs aux
suites concrètes qui seront données aux annonces qui ont été faites pour «
aller plus loin encore dans la démocratie sociale ».
Il convient, en effet, d'ouvrir la réflexion sur la place des salariés dans
les entreprises, leur représentation dans les organes de direction, mais
également, sur le renforcement des représentants des salariés dans
l'entreprise, l'implantation d'organes consultatifs et les règles de la
négociation collective.
Conscients des limites des dispositions anti-licenciements, nous en apprécions
cenpendant toute la portée.
Et si les articles 29 A à 34
bis
du présent projet de loi étaient vides
de sens, dénués de toute portée juridique, pourquoi avoir, messieurs, développé
autant d'énergie pour faire barrage à leur discussion ?
Vous n'allez pas jusqu'à reprendre à votre compte les arguments développés
tant par les députés de droite que par le MEDEF, qui considèrent les
dispositions incriminées comme trop lourdes, compliquant à outrance la vie de
l'entreprise, freinant l'embauche, bien qu'en première lecture vous ayez rejeté
pour les mêmes motifs, des dispositions beaucoup moins normatives.
Vous en appelez, aujourd'hui, à la nécessaire consultation des syndicats et
des partenaires sociaux.
Cette soudaine sollicitude ne trompe personne.
Cela fait plus d'une semaine que vous manoeuvrez pour que le Sénat n'examine
pas ces dispositions, qui, contrairement à ce qui est avancé, ne se contentent
pas uniquement de reprendre la jurisprudence existante, mais « réduisent
sérieusement les marges de manoeuvre des entreprises ». Je me contente, en
l'occurrence, de reprendre le titre d'un article paru le 14 juin dans
Les
Echos.
Après les vaines tentatives du groupe du RPR, en conférence des présidents,
pour reporter l'inscription de ce projet de loi à l'ordre du jour, la
commission des affaires sociales a fait savoir que les dispositions incriminées
devaient faire l'objet d'une étude plus approfondie, et leur examen a été
renvoyé au mois d'octobre.
Alors que les salariés attendent une application rapide de la loi de
modernisation sociale, vous usez d'artifices pour empêcher l'adoption des
dispositions relatives aux licenciements, dispositions insupportables à vos
yeux, l'« ordre économique exigeant un droit infiniment plus simple », disait
un député de l'opposition à l'Assemblée nationale.
Nous déplorons cette situation, qui nous conduit à débattre d'un texte amputé
de ses articles 29A à 34
bis,
que nous jugions essentiels.
Pour autant, le projet de loi de modernisation sociale ne se réduisant pas à
ce seul volet « licenciements », nous participerons de manière active à
l'examen des autres dispositions, facteur, elles aussi, de progrès social.
Concernant tout d'abord la réponse juridique apportée au problème du
harcèlement moral au travail, je me réjouis des apports de l'Assemblée
nationale, qui permettent de définir cette notion, de réaffirmer la nécessité
d'exécuter le contrat de travail de bonne foi et la responsabilité du chef
d'entreprise pour prévenir de tels actes répréhensibles.
Les solutions proposées, largement inspirées des textes réprimant le
harcèlement sexuel, sont de nature à prévenir de tels agissements grâce à
l'intervention des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail,
les CHSCT, des inspecteurs du travail et, dans les cas les plus graves, à les
réprimer.
Sur le point particulier de la sanction pénale, dont nous défendons le
principe, je crains, comme le note M. le rapporteur, qu'un « clivage fort » ne
puisse être dépassé.
Sur d'autres volets du texte, la limitation de l'emploi précaire notamment, je
crains également que nous ne puissions nous entendre. Contrairement à vous,
nous ne pouvons nous satisfaire de voir les CDD et l'intérim exploser, alors
que la croissance, riche en emplois, ne permet pas de faire progresser les
emplois stables, à durée indéterminée et à temps plein.
Pour manifester notre volontarisme en ce domaine, sans reprendre l'ensemble
des amendements soutenus en première lecture pour lutter contre les recours
abusifs à ces emplois, nous défendrons un amendement visant à mieux définir la
notion de surcoût d'activité.
Concernant le volet formation professionnelle, comme le note très justement
notre rapporteur, Mme Bocandé, « une divergence majeure sépare encore les deux
assemblées sur le dispositif de validation » des acquis de l'expérience. Pour
notre part, nous tenons à l'esprit des dispositions gouvernementales, nous
refusons les qualifications ou les certifications « maison ».
S'agissant des retraités, des personnes âgées ou des personnes handicapées,
plusieurs dispositions que nous avons portées sont à noter.
Je me félicite de l'abrogation de la loi Thomas sur les fonds de pension, bien
évidemment, de l'amélioration du statut d'accueillants familiaux et de la prise
en charge par l'Etat et par l'employeur des accessoires nécessaires aux
travailleurs handicapés en ateliers protégés.
En revanche, je déplore que l'Assemblée nationale soit revenue sur le principe
de l'abandon du recours sur succession après versement de l'allocation
compensatrice de tierce personne en cas de retour à meilleurs fortune des
personnes handicapées. Nous interviendrons pour rétablir une certaine égalité
de traitement entre les bénéficiaires de l'APA et ceux de l'allocation
compensatrice.
Si le projet de loi améliore sensiblement notre système de santé, nous
demeurons, madame le secrétaire d'Etat, fortement préoccupés par la situation
des hôpitaux.
Les personnels hospitaliers s'inquiètent actuellement des conditions dans
lesquelles seront mises en place les 35 heures.
Vous vous êtes engagés à créer des postes, ce qui est nécessaire si,
effectivement, nous cherchons à améliorer la qualité du service public.
Pouvez-vous également vous engager à prendre en compte la spécificité du
travail hospitalier pour que le passage aux 35 heures ne s'accompagne pas de
pertes d'acquis en termes, notamment, de repos, de décompte du temps de
travail, ou d'un accroissement insupportable de la charge de travail des agents
?
J'ai récemment attiré votre attention sur la situation dramatique des services
des urgences dans les Hauts-de-Seine.
Les demandes des personnels en grève dénonçant des conditions d'accueil
déplorables des patients et la suppression de lits sont identiques sur
l'ensemble du territoire. Ils réclament avant tout des effectifs
supplémentaires paramédicaux et médicaux et, en fait, une meilleure
reconnaissance des emplois publics.
Quelles réponses êtes-vous en mesure d'apporter ?
Un sondage récent réalisé par IPSOS, à la demande d'un collectif regroupant
vingt-quatre associations de malades, de personnes handicapées, d'usagers,
témoigne du souci des Français de voir enfin aboutir le projet de loi de
modernisation du système de santé.
Nous avons refusé de valider les amendements tirés de la proposition de loi de
M. Huriet visant à indemniser les victimes d'aléas thérapeutiques, au motif que
cette question devait être abordée de manière plus globale à l'occasion de la
réforme du système de santé, mais également parce que le problème de
l'indemnisation des personnes affectées par le virus de l'hépatite C n'était
pas traité.
Madame la secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous donner des dates et l'assurance
que ce projet de loi sera effectivement examiné dès la rentrée par l'Assemblée
nationale ?
Alors que des traitements existent aujourd'hui pour l'hépatite C, pourquoi ne
pas s'engager dans la voie d'un dépistage massif ?
En deuxième lecture, le groupe communiste républicain et citoyen a déposé sur
l'ensemble du projet de loi une dizaine d'amendements. Je n'en dresserai pas la
liste.
Pour terminer, je me contenterai de souhaiter que certaines propositions,
notamment celles qui concernent les techniciens de laboratoires hospitaliers,
les conducteurs ambulanciers et la médecine du travail, reçoivent un écho
favorable de la part du Gouvernement. Mes collègues ne manqueront pas
d'intervenir sur ces sujets au cours de la discussion.
(Applaudissements sur
les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
titre II du projet de loi de modernisation sociale, qui porte sur le travail,
l'emploi et la formation professionnelle, est surtout connu de nos concitoyens
pour les mesures qu'il contient afin de prévenir les licenciements, pour
renforcer l'information et la consultation des salariés et pour améliorer la
qualité des plans sociaux. J'ai eu l'occasion, en première lecture, d'évoquer
l'actualité sociale douloureuse qui nous commandait de renforcer encore ces
dispositifs pour répondre aux angoisses de nos concitoyens.
Je regrette que nous ne débattions pas aujourd'hui des licenciements
eux-mêmes, la commission ayant décidé de reporter à la rentrée l'examen de
cette partie du projet de loi afin de procéder à un plus grand nombre
d'auditions. Celles-ci seront certainement utiles. Peut-être - j'ose l'espérer
! - la majorité sénatoriale reviendra-t-elle sur certains de ses amendements
votés en première lecture, après avoir pris la mesure de l'immensité du fossé
qui sépare les attentes de l'opinion de ses positions en première lecture,
positions marquées notamment par la suppression de « l'amendement Michelin » et
de toutes les mesures envoyant des signaux forts aux dirigeants d'entreprise
pour les dissuader de procéder, autant que faire se peut, à des licenciements.
Si les entreprises font des efforts en faveur de leurs salariés lors des
restructurations, c'est bien parce que la loi les y oblige ou parce que
l'opinion affiche son émotion. Il faut donc toujours manifester notre vigilance
sur ce sujet.
Il demeure que les dispositions concernant explicitement les licenciements
n'épuisent pas le contenu du titre II. Celui-ci en comporte d'autres, qui sont
particulièrement intéressantes en elles-mêmes et qui contribuent aussi à
améliorer très sensiblement la situation de nos concitoyens face à la menace ou
à la douloureuse réalité que constitue le chômage pour nombre d'entre eux.
La validation des acquis de l'expérience est, à cet égard, emblématique de ce
projet de loi de modernisation sociale présenté par le Gouvernement.
Avant de revenir sur ce que cette mesure apporte, je veux la situer dans le
contexte du projet de loi en rappelant que, à l'origine de celui-ci, il y a
l'ambition forte du Gouvernement de mieux garantir à chacun la continuité de
son parcours professionnel et personnel. Cela signifie que les femmes et les
hommes doivent échapper aux aléas de l'existence des entreprises, en étant
mieux protégés, à la fois collectivement et individuellement, contre les
licenciements, la précarité ou le harcèlement moral.
Le texte renforce des droits anciens en les rendant mieux applicables. On ne
légifère jamais trop dès lors qu'il s'agit de corriger des lois protégeant les
salariés et dont l'esprit est contourné par des astuces légales.
Je pense ici, en particulier, aux dispositions visant à lutter contre la
précarité dans l'emploi. Elles modifient le mode de computation des délais afin
d'empêcher de considérer que le délai de carence entre deux contrats peut-être
constitué du seul week-end.
S'y ajoute un reforcement des sanctions pénales en cas de non-respect du
principe d'égalité de rémunération entre salariés sous contrat temporaire et
salariés sous CDI sur le même poste de travail.
La lutte contre le harcèlement moral au travail, qui va évidemment dans le
sens d'une protection directe de la personne, permet aussi d'éviter qu'on la
pousse insidieusement, et souvent avec cynisme, à se mettre hors la loi ou hors
de son contrat de travail. Désormais, la définition du harcèlement moral au
traval sera inscrite dans le code du travail ; les représentants du personnel
et le médecin du travail auront des moyens accrus en matière de prévention et
de médiation. Des sanctions pénales sont prévues en cas de harcèlement moral et
la charge de la preuve peut être renversée, comme cela est recherché dans le
combat contre les discriminations.
Nous souscrivons totalement à ces dispositions et, sur ce point, nous sommes
en total désaccord avec les propositions de la majorité sénatoriale, en
particulier avec son refus de sanctions pénales.
Mais le texte comprend également une véritable conquête, un droit nouveau : la
validation des acquis de l'expérience. Je regrette que l'on n'en parle pas
davantage.
Cette mesure ne concerne pas uniquement les salariés mais toutes les personnes
qui aspirent à le devenir. Il s'agit de faire reconnaître officiellement les
compétences acquises aussi bien dans le cadre d'une activité professionnelle
qu'à l'occasion d'une expérience, fût-elle bénévole.
Qu'ils commencent leur vie active avec ou sans diplôme, beaucoup de nos
concitoyens finissent par se constituer des expériences originales et solides
dans des domaines variés. Comme le rappelle régulièrement Mme la secrétaire
d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, 35 % des actifs
ont quitté l'école sans diplôme, et un salarié sur deux exerce une profession
qui ne correspond pas à sa formation initiale. Il faut qu'ils puissent faire
valoir leurs acquis afin de permettre des évolutions professionnelles et de
bénéficier d'atouts supplémentaires dans la recherche d'un emploi. Ce droit
doit devenir un bouclier contre la précarité.
C'est d'ailleurs une idée qui vient de loin puisqu'elle avait été lancée par
Lionel Jospin lorsqu'il était ministre de l'éducation nationale.
Malheureusement, elle avait été mise de côté, après 1993, par les gouvernements
qui se sont succédé jusqu'en 1997.
Parce qu'il s'agit de donner à cette réforme toutes les chances de réussir et
que cette véritable création a impliqué beaucoup de travail, quatre années ont
été nécessaires à l'actuel gouvernement pour la mettre au point avant de nous
la présenter.
Le Premier ministre a chargé Mme la secrétaire d'Etat de ce dossier au sein du
Gouvernement. Nous savons combien elle a travaillé, en particulier avec M. le
ministre délégué à l'enseignement professionnel, pour lui conférer une totale
crédibilité et lui garantir un avenir. Elle a effectivement beaucoup consulté
sur les attentes et les exigences des uns des autres. L'enjeu était de savoir à
quelles conditions la reconnaissance des acquis serait admise par les
responsables d'entreprise. Des expériences ont déjà été menées lors de la mise
en oeuvre des emplois-jeunes.
Finalement, toute personne engagée dans la vie active depuis au moins trois
ans sera en droit de faire valider ses acquis, en vue de la délivrance d'un
diplôme, d'un titre à finalité professionnelle ou d'un contrat de qualification
figurant sur une liste établie par la commission paritaire de l'emploi d'une
branche professionnelle.
Les types d'acquis possibles seront inventoriés dans un répertoire national
des certifications professionnelles, où seront classés, par domaine d'activité
et par niveau, les diplômes et les titres à finalité professionnelle. Ce
répertoire national sera établi et actualisé par la commission nationale de la
certification professionnelle, placée aupès du Premier ministre.
La plupart de nos collègues, à l'Assemblée nationale comme ici, au Sénat, se
sont montrés attentifs et exigeants quant à la rigueur avec laquelle seront
délivrées ces certifications, témoignant ainsi leur intérêt pour le
dispositif.
Cette mesure permettra de marquer des points dans la lutte contre le chômage
en s'articulant avec d'autres mesures qui sont contenues dans le texte que nous
allons examiner ou qui existent déjà. Elle aidera certainement le salarié
licencié à retrouver un emploi plus rapidement.
Les plans sociaux dont on parle en ce moment sont dramatiques, en particulier
pour ceux qui ont atteint un certain âge. Ces derniers ont nécessairement une
longue expérience, et cette mesure permettra de la faire valoir. On peut donc
espérer transformer ainsi le handicap en avantage. Cela profitera aussi, et
peut-être surtout, aux femmes, qui feront valoir leur expérience.
Par ailleurs, les évolutions de la législation liées aux autres parties du
texte sur la modernisation sociale inciteront de plus en plus les directions
d'entreprise à discuter des plans de restructuration avec le comité
d'entreprise. Les acquis validés seront un atout de plus dont bénéficieront les
salariés pour amener les dirigeants de l'entreprise à prendre conscience de la
richesse de leur capital humain et à ne pas le considérer comme une variable
d'ajustement. Il faudra sans doute du temps, mais nous allons dans le bon sens
et nous bâtissons là du solide.
La validation des acquis doit permettre encore de faire régresser le travail
précaire en renforçant la position des salariés sur le marché du travail.
A plus long terme, ce dispositif devrait aider à perpétuer la croissance et à
renouer le lien social. Par exemple, la reconnaissance d'une expérience
bénévole devrait renforcer le secteur associatif, ce qui veut dire non
seulement qu'il aura plus de moyens pour se développer mais aussi qu'il
acquerra un poids économique encore plus significatif.
La validation des acquis de l'expérience a une dimension profondément humaine
parce qu'elle constitue une reconnaissance de chaque destin et parce qu'elle
donne une nouvelle chance à toutes celles et à tous ceux qui ne sont pas entrés
dans la vie active par une grande porte. Gageons qu'elle donnera envie à
chacune et à chacun de s'impliquer mieux et plus dans ses activités préférées.
Il s'agit d'un véritable progrès : c'est non seulement un progrès social mais
un progrès tout court.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi
sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le 10
mai dernier, après trente heures de débat et l'examen de 446 amendements, nous
arrivions au vote final du projet de loi de modernisation sociale. Cependant,
l'urgence étant levée, il ne s'agissait que d'une première lecture. Le projet
de loi revient donc devant le Sénat, à quelques jours de la fin de la session.
Comme ces quelques jours ne suffiront pas, nous en débattrons encore au début
de la prochaine session, au mois d'octobre, puisque les articles relatifs aux
licenciements économiques ont été réservés pour permettre à la commission des
affaires sociales d'organiser des auditions et de recevoir les principaux
partenaires sociaux concernés.
C'est tout à fait légitime, et l'on peut même s'étonner que la commission ne
l'ait pas fait plus tôt ou en d'autres circonstances. Il serait tout à fait
normal et utile que des relations suivies ou des échanges réguliers
s'établissent entre la commission des affaires sociales et les partenaires
sociaux, notamment les organisations syndicales.
En première lecture, nous avions tous souligné le caractère complexe et
disparate du texte qui nous était soumis, un texte qui comptait 106 articles
d'inspiration très diverses, aucun n'étant insignifiant et nombre d'entre eux
revêtant même une grande importance. Il était donc souhaitable que ces articles
puissent être définitivement adoptés dans des délais aussi courts que
possible.
Le texte que nous avons à examiner en deuxième lecture est au moins aussi
complexe que le premier. Il y a bien eu des rapprochements non négligeables
entre les deux assemblées ; de nombreux articles ont été adoptés conformes,
mais d'autres se sont ajoutés, qui ne facilitent pas toujours la lisibilité et
la cohérence du projet de loi.
Il faut tout de même souligner les convergences qui sont apparues entre les
deux assemblées sur les points les plus importants de ce projet de loi, si l'on
fait abstraction des problèmes de l'emploi et des plans sociaux. Il faut citer,
en particulier, au titre Ier, le volet sanitaire et, au titre II, le volet «
formation professionnelle », la validation des acquis de l'expérience et le
financement de l'apprentissage, ainsi que la prise en compte du problème
préoccupant du harcèlement moral au travail, une réalité que nous ne devons
plus éluder.
Le texte auquel nous aboutissons répond, grâce à son long volet « santé et
solidarité », aux attentes des personnels de l'hôpital public et de leurs
représentants. Il offre de nouveaux droits à des personnes fragilisées. Il
réforme les études médicales et il abroge enfin la loi Thomas sur les fonds de
pension.
Certes, l'Assemblée nationale a supprimé les six articles additionnels
relatifs à l'aléa thérapeutique qui avaient été introduits par le Sénat sur la
proposition de M. Claude Huriet, rapporteur. Il est vrai que le qualificatif
peu aimable de « vide-grenier » a été employé à ce sujet par un député, mais
c'était pour mieux nous rappeler qu'un projet de loi doit bientôt prendre en
compte ces problèmes dans le cadre de la modernisation de notre système de
santé. Faut-il rétablir les articles qui ont été supprimés s'il ne s'agit que
d'un simple problème de calendrier ?
Il conviendrait également de retenir la solution apportée par les députés au
problème difficile des moyens à mettre en oeuvre pour pouvoir apprécier dans de
bonnes conditions, à l'occasion de la journée d'appel de préparation à la
défense, l'état de santé de la population jeune. Il reste à se poser la
question du suivi.
Pour la partie du projet de loi qui fait l'objet du rapport de M. Bernard
Seillier, qu'il s'agisse du volet relatif aux Français de l'étranger, du volet
de la protection sociale agricole, de celui des handicapés ou encore d'autres
dispositions sociales, il existe manifestement de nombreux points de
convergence entre les deux assemblées. Les apports du Sénat ont été assez
largement validés, et M. Seillier a fait état de l'esprit de dialogue manifesté
par l'Assemblée nationale.
Il reste néanmoins des points de divergence, mais ils ne semblent pas
insurmontables. Nous pouvons ainsi examiner la question des conditions
d'exercice des recours en récupération au titre de l'aide sociale. Je rappelle
que le problème qui se posait portait sur les handicapés dans le cas d'un
retour à meilleure fortune, ce qui se produit lors de la perception d'un
héritage. Nous ne voulions pas que les handicapés soient traités différemment
des personnes âgées qui vont bénéficier de l'APA, l'allocation personnalités
autonomisée. Il fallait donc s'en tenir à l'ACTP, l'allocation compensatrice
pour tierce personne, et non élargir la suppression du recours sur succession à
l'ensemble des aides sociales.
Le débat qui a eu lieu ici lors de l'examen de la loi portant création de
l'APA a été très intéressant : la suppression du recours sur succession a été
décidée à une seule voix de majorité. Il me semble que nous pourrions
raisonnablement nous rejoindre en limitant à l'ACTP la suppression du recours
en récupération en cas de retour à meilleure fortune.
Il reste suffisamment de questions au sujet des handicapés qui ne pourront pas
être traitées sans une réforme globale de la loi d'orientation du 30 juin 1975.
Cette réforme devrait se faire sur la base du droit à compensation, la
compensation concernant tous les domaines de la vie et profitant à tous, quels
que soient l'origine du handicap et sa nature, l'âge de la personne, son lieu
de vie et l'implantation de celui-ci.
J'ai déjà dit que, sur le volet de la « formation professionnelle » et le
financement de l'apprentissage, il y a eu des avancées remarquables. Mme Annick
Bocandé, l'a d'ailleurs souligné. Grâce à la validation des acquis
professionnels, l'expérience devient un enrichissement reconnu dans un
processus de formation tout au long de la vie, un droit nouveau pour tous les
salariés.
A ce sujet, nous ne pouvons pas admettre la position qui a été récemment
réaffirmée par le MEDEF et sa volonté délibérée de faire abstraction des
dispositions contenues dans le projet de loi concernant la validation des
acquis de l'expérience.
Renvoyer chacun à sa propre responsabilité en ce qui concerne l'entretien et
le développement de sa qualification ne constitue pas un progrès social et ne
pourrait qu'aggraver les inégalités importantes en ce qui concerne la formation
professionnelle.
Enfin, je voudrais m'arrêter quelques instants sur la partie du texte qui fait
l'objet du rapport de M. Alain Gournac. Nous n'avons plus à débattre,
aujourd'hui en tout cas, des problèmes posés par les licenciements économiques,
mais il reste de nombreux articles soumis à la discussion.
Sur ces articles aussi, il me semble qu'il y a eu des avancées importantes et
que l'Assemblée nationale a montré une volonté de rapprochement avec les
positions sénatoriales ; M. le rapporteur l'a d'ailleurs souligné.
Cela est particulièrement vrai pour l'insertion professionnelle des
travailleurs handicapés, en particulier pour le décompte des stagiaires
handicapés et pour la prise en charge des accessoires de salaires dus aux
travailleurs handicapés en ateliers protégés.
Le débat de grande qualité qui s'était engagé au Sénat sur le harcèlement
moral au travail s'est poursuivi à l'Assemblée nationale. Et comme le dit M.
Gournac : « Nous sommes, en effet, en mesure de nous entendre largement sur la
définition du harcèlement moral, sur la protection des victimes et sur les
moyens de prévention à mettre en oeuvre. »
En revanche, nous ne pouvons pas cautionner les propos de M. Gournac sur les
emplois-jeunes et leur avenir professionnel. Certes, on peut comprendre qu'il
soit dépité de n'avoir pas pu faire examiner ses propositions par l'Assemblée
nationale. Mais il ne peut ignorer le plan présenté le 6 juin par le
Gouvernement pour l'avenir des emplois-jeunes.
Contrairement à ses affirmations, il s'agit d'un plan de grande ampleur. Le
dispositif qui est envisagé dans la fonction publique, les collectivités
locales et les associations répond dans une large mesure aux besoins des jeunes
en leur permettant de trouver des débouchés professionnels et en assurant le
maintien des nouveaux services qui ont amplement prouvé leur utilité.
M. Hilaire Flandre.
Qui paie ?
M. Gilbert Chabroux.
Ce plan représente pour l'Etat un effort supplémentaire de 40 milliards de
francs pour les cinq années à venir. Le programme « nouveaux services
emplois-jeunes » a été une grande réussite du gouvernement de la gauche
plurielle. Il faut se réjouir qu'il soit ainsi consolidé et pérennisé.
Finalement, le projet de loi de modernisation sociale dont nous débattons en
deuxième lecture est un « grand » texte, dont la gauche peut être fière. Ce
projet comporte de nombreuses mesures novatrices et très attendues.
Le projecteur a été mis, en raison de l'actualité, sur l'emploi et la
protection des salariés contre les licenciements économiques. Mais d'autres
dispositions méritent toute notre attention. Le Sénat, lors de la première
lecture, avait, je le répète, contribué à enrichir et à améliorer certaines
d'entre elles. Nous pouvons espérer qu'il en sera de même lors de cette
deuxième lecture.
Le groupe socialiste adoptera une attitude constructive et apportera tout son
soutien au Gouvernement pour faire de cette loi de modernisation sociale une
des grandes lois qui marqueront la présente législature.
(Applaudissements
sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais brièvement
répondre à quelques observations de nos collègues Roland Muzeau,
Marie-Madeleine Dieulangard et Gilbert Chabroux. Formulées avec beaucoup de
modération, elles concernaient la position de la commission.
Sur mon initiative et en accord avec M. Alain Gournac, la commission a demandé
à entendre un certain nombre de partenaires sociaux avant d'examiner les
amendements relatifs notamment au problème des licenciements.
Monsieur Chabroux, ce n'est pas la première fois que la commission procède à
des auditions. Elle le fit sur des sujets aussi divers que la réduction du
temps de travail, le service minimum en cas de grève dans les services publics,
les emplois-jeunes, la lutte contre les exclusions, les lois de financement de
la sécurité sociale, choisissant, dans ce dernier cas d'auditionner les
présidents de caisses, qui représentent les partenaires sociaux. Ce n'est donc
pas une innovation !
Mme Marie-Claire Beaudeau.
Vous ne l'aviez jamais fait la veille du débat !
M. Guy Fischer.
Et nous avons déjà passé trente heures sur ce sujet !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
En demandant la
réserve, nous nous conformons à ce que nous avions annoncé dès la première
lecture. Je me souviens en effet très bien avoir dit à Mme la ministre de
l'emploi et de la solidarité que la position que nous adoptions sur les
premiers amendements du Gouvernement n'était peut-être pas définitive ; elle ne
le serait qu'après que nous aurions pris connaissance de l'ensemble du
dispositif.
Mme Guigou nous avait en effet informés qu'après ceux qui étaient présentés en
première lecture au Sénat, le Gouvernement déposerait d'autres amendements.
C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles le Gouvernement a levé
l'urgence. Nous voulions nous donner le temps de faire un bon travail de
commission.
Cette réserve n'est pour l'instant qu'une réserve interne à la commission.
Nous l'avons demandée parce que nous savons qu'un examen sérieux de ces
vingt-quatre articles qui forment, à eux seuls, un véritable projet de loi nous
prendra jusqu'à vendredi matin.
Il est vrai qu'au cours des discussions que nous avons eues avec le
Gouvernement, notamment par l'intermédiaire du ministre chargé des relations
avec le Parlement, il est apparu très vraisemblable que cette partie du texte
ne pourrait guère être examinée avant la rentrée d'octobre. Mais, contrairement
à ce qui a pu être dit, ce n'est pas une décision de la commission, qui n'a
d'ailleurs pas à imposer de décisions de cette nature au Gouvernement...
Nous avons demandé un temps supplémentaire pour assurer la meilleure
information possible du Sénat sur ce problème, qui nous paraît extrêmement
important.
Il ne faut pas croire que nous nous réjouissons des licenciements massifs qui
interviennent un peu partout. Nous nous préoccupons également du sort des
salariés et de tout ce qui est susceptible de les protéger. Nous n'avons pas
d'
a priori
négatif à l'égard des propositions qui peuvent être formulées
dans ce domaine.
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