SEANCE DU 27 JUIN 2001
M. le président.
« Art. 50. - Après le deuxième alinéa de l'article 1er de la loi n° 89-462 du
6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant
modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, sont insérés deux
alinéas ainsi rédigés :
« Aucune personne ne peut se voir refuser la location d'un logement en raison
de son origine, son patronyme, son apparence physique, son sexe, sa situation
de famille, son état de santé, son handicap, ses moeurs, son orientation
sexuelle, ses opinions politiques, ses activités syndicales ou son appartenance
ou sa non-appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une nation, une race ou
une religion déterminée.
« En cas de litige relatif à l'application de l'alinéa précédent, la personne
s'étant vu refuser la location d'un logement présente des éléments de fait
laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu
de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision
est justifiée. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de
besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »
Je suis saisi de deux amendements proposés par M. Gournac, au nom de la
commission.
L'amendement n° 76 vise, dans la première phrase du dernier alinéa du texte
présenté par l'article 50 pour insérer deux alinéas après le deuxième alinéa de
l'article 1er de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, à remplacer les mots : «
présente des éléments de fait laissant supposer » par les mots : « établit des
faits qui permettent de présumer ».
L'amendement n° 77 tend, dans la seconde phrase du dernier alinéa du texte
présenté par cet article pour insérer deux alinéas après le deuxième alinéa de
l'article 1er de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, à remplacer les mots : «
est justifiée » par les mots : « n'est pas contraire aux dispositions énoncées
à l'alinéa précédent ».
La parole est à M. Gournac, rapporteur, pour présenter ces deux
amendements.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
L'amendement n° 76 vise à revenir au texte adopté par notre
assemblée en première lecture ; il reprend d'ailleurs la rédaction relative à
l'aménagement de la charge de la preuve, votée lundi dernier par le Sénat lors
de l'examen de la proposition de loi relative à la lutte contre les
discriminations.
Quant à l'amendement n° 77, il s'agit, là encore, de revenir au texte adopté
par le Sénat en première lecture.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 76 et 77 ?
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux
amendements.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 76.
M. Gilbert Chabroux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Le Sénat a examiné lundi dernier, en deuxième lecture, la proposition de loi
relative à la lutte contre les discriminations dans l'emploi. A cette occasion,
la commission nous a proposé des amendements analogues à ceux qui nous sont
présentés aujourd'hui, et notamment au présent amendement.
En l'occurrence, puisqu'il s'agit de la discrimination dans le logement, sujet
voisin et tout aussi répandu, nous allons donc réitérer notre propos.
Nous sommes là dans un domaine où les faits sont particulièrement difficiles à
établir. La discrimination ne s'exerce plus que rarement à visage découvert.
Les faits bruts ne parlent pas, les témoignages sont rares en raison des
craintes de représailles. Dans le cas précis, les annonces passées par des
propriétaires sont parfaitement anodines et seules des opérations de
testing
permettent de constater qu'un appartement sera encore libre pour
tel locataire éventuel, alors qu'il est considéré comme déjà pris pour tel
autre qui a un nom à consonance étrangère.
Il importe donc de laisser au juge une liberté d'appréciation au vu des
éléments que la personne qui s'estime victime de discrimination lui
apportera.
Vouloir modifier la charge de la preuve, c'est refuser la mise en place d'une
véritable politique de lutte contre les discriminations en matière de
logement.
Cela est d'autant plus grave que les personnes qui sont victimes de ce type de
procédé sont, en général, déjà défavorisées, voire fragilisées, en tout cas
dans une situation d'infériorité. Soyons précis : nous savons tous que la
ségrégation vise rarement un jeune cadre supérieur célibataire à la peau
claire, mais qu'elle pourrait plus facilement concerner une mère célibataire de
couleur en contrat de travail précaire.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Oh là là !
M. Gilbert Chabroux.
L'intolérance et la discrimination prennent tous les prétextes comme toutes
les formes.
Sur le plan de la politique de la ville, nous estimons aussi qu'il y a là une
occasion de donner un signal supplémentaire à tous ceux qui sont disposés à se
satisfaire de la ségrégation sociale et de la ghettoïsation de certains
quartiers. Le Gouvernement a déjà mis en place des mesures courageuses,
notamment le quota de 20 % de logement social, mais la loi ne peut combattre la
discrimination en matière de logement que par le logement social.
Nous voterons donc contre l'amendement de la commission.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 76, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 77, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 50, modifié.
(L'article 50 est adopté.)
Article 50 bis AA