SEANCE DU 16 OCTOBRE 2001
M. le président.
La parole est à M. Ostermann, auteur de la question n° 1118, adressée à Mme la
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Joseph Ostermann.
Monsieur le président, je m'associe, bien entendu, aux félicitations qui
viennent de vous être adressées pour votre élection au poste de
vice-président.
M. le président.
Je vous remercie !
M. Joseph Ostermann.
La réduction du temps de travail à 35 heures hebdomadaires, qui ne devait rien
coûter, ou peu, s'est révélée être une véritable bombe budgétaire.
Au-delà de ce danger financier se profilent les difficultés pratiques de son
application, non seulement dans les PME, mais également dans les services
publics, à quelques semaines du 1er janvier 2002.
Pour les PME, qui forment le tissu économique de notre pays, l'application des
35 heures recèle des dangers sur lesquels le Sénat n'a eu de cesse d'appeler
l'attention du Gouvernement.
En effet, le dispositif applicable au 1er janvier 2002 n'a absolument pas tenu
compte de la très grande diversité des secteurs d'activité, ni de la variété
des modes de fonctionnement et d'organisation des entreprises. Préférant la
contrainte à l'incitation, la loi place ainsi de nombreuses entreprises dans
des situations périlleuses qui mettent en cause leur survie.
A l'époque, la majorité sénatoriale avait proposé d'apporter des aménagements
au bénéfice de ces entreprises : augmentation du contingent d'heures
supplémentaires, assouplissement des conditions de rémunération ou de
compensation des heures supplémentaires, mais également amélioration de la
formation initiale et continue, avec pour objectif une meilleure adaptation aux
réels besoins des entreprises. En effet, malgré un taux de chômage en baisse -
qui s'établit néanmoins à 9 % -, nos artisans et nos petites entreprises
trouvent difficilement des compagnons bien formés et disponibles sur le marché
du travail.
Il semble qu'aujourd'hui le Gouvernement ne soit pas insensible à certains
aménagements en faveur des PME, des artisans et des commerçants. Ces
aménagements sont d'autant plus indispensables que la conjoncture économique
est moins porteuse. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous exposer
le contenu des modalités que vous comptez mettre en oeuvre en ce sens et nous
indiquer le calendrier que vous pensez suivre ?
S'agissant des différents services publics locaux - hôpitaux, justice,
trésorerie, directions départementales de l'agriculture et directions
départementales de l'équipement - qui, à l'origine, ne devaient pas être
concernés par la loi, la question se pose dans d'autres termes.
Il nous a été indiqué, à nous, élus locaux, que la réduction du temps de
travail serait applicable dès 2002, mais que les créations de postes prévues en
compensation seraient étalées dans le temps.
Nous pouvons donc légitimement nous interroger sur la capacité à fonctionner
normalement de nos services publics à compter du 1er janvier 2002.
Par ailleurs, en tant que président d'un hôpital local, j'ai été informé que
si les 35 heures s'appliqueront dans moins de quatre mois, les créations de
postes budgétaires s'étaleront, en revanche, sur trois années. Déjà en
sous-effectif, cette structure ne pourra assumer le service aux malades dans
les conditions minimales de sécurité et de qualité requises.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne voudrais pas que les Français assument un
coût supplémentaire des 35 heures à travers la dégradation et les
dysfonctionnements des services publics. Je souhaiterais donc savoir quelles
mesures vous entendez prendre pour éviter que la situation ne se détériore.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Monsieur le sénateur, je ne
peux pas vous laisser dire que le dispositif légal des 35 heures se caractérise
par l'uniformité et ne tient pas compte de la taille des entreprises.
Le législateur a adopté un cadre légal fixant les objectifs, garantissant les
droits des salariés ainsi que les compensations en allégements de charges pour
les entreprises et confiant la définition des modalités aux représentants des
salariés et employeurs. On ne peut pas présenter la loi relative aux 35 heures
comme une loi « couperet » ; elle a permis un développement sans précédent de
la négociation collective et ses modalités de mise en oeuvre intègrent
précisément les spécificités des PME.
C'est ainsi que nous avons d'abord prévu un calendrier progressif,
spécialement adapté aux entreprises de vingt salariés et moins, pour lesquelles
la durée légale à 35 heures n'entre en vigueur qu'au 1er janvier 2002.
Nous avons ensuite élaboré un dispositif d'« appui conseil » permettant
l'intervention d'experts ou de consultants extérieurs, dont le coût,
partiellement pris en charge par l'Etat, a fait l'objet d'un abondement de
crédits - 500 millions de francs contre les 280 millions de francs initialement
prévus.
Nous avons enfin prévu un accès simplifié aux aides et aux allégements de
charges pour les PME, ainsi que des règles spécifiques en matière de repos
compensateur pour les entreprises de dix salariés et moins.
Par ailleurs, il faut bien voir que la réduction du temps de travail
constitue, pour les entreprises, une triple opportunité : réduire leurs
charges, revoir leur organisation du travail et augmenter leur productivité,
améliorer leur attractivité.
Au-delà des souplesses déjà inscrites dans la loi, et pour répondre aux
inquiétudes exprimées par certains chefs d'entreprise, Mme la ministre de
l'emploi et de la solidarité a décidé des mesures complémentaires pour
accompagner les petites entreprises dans leur passage aux 35 heures.
Deux textes permettront de donner plus de sécurité aux entreprises et de
faciliter leur passage aux 35 heures.
Ainsi, en faveur des entreprises qui ont besoin de délais pour s'adapter, Mme
Elisabeth Guigou a proposé au Premier ministre une extension transitoire du
contingent d'heures supplémentaires permettant de faire face au passage de la
durée légale à 35 heures sans risquer de « buter » sur le nombre d'heures
supplémentaires ; à titre d'exemple, en 2002, dans une entreprise de dix
salariés, on pourra travailler 41 heures par semaine en moyenne et dans une
entreprise de vingt salariés, 40 heures.
Pour les entreprises qui s'engagent dans la réduction du temps de travail et
qui connaîtraient des difficultés particulières - problèmes de recrutement ou
surcroît exceptionnel d'activité - une circulaire leur permettra de conserver
les aides.
Les 35 heures bénéficient aujourd'hui à près de 7,3 millions de salariés.
Elles ont permis aux entreprises de s'engager à créer ou à préserver 374 000
emplois ; près de 260 000 créations nettes d'emplois sont déjà effectives. La
conjoncture actuelle rend d'autant plus nécessaires les créations d'emplois que
permet la réduction du temps de travail.
Nous appliquons donc cette dernière avec pragmatisme, tout en gardant le cap
sur l'objectif de création d'emplois, d'amélioration de la qualité de vie et de
la compétitivité des entreprises.
On ne saurait mettre sur le même plan l'ensemble des grands secteurs de la
fonction publique. Le secteur hospitalier a, il est vrai, une forte spécificité
qui le distingue de tous les autres. Vous le savez, des négociations sont
menées. Un certain nombre de créations d'emplois - plus de 50 000 - sont
prévues. Parce qu'il est évident que cette question est délicate, elle est
suivie de très près.
Le problème du recrutement est d'ailleurs assez grave pour appeler rapidement
une réflexion de tous. Dans la mesure où différents secteurs vont manquer de
salariés, le moment est venu de proposer à certains de nos jeunes de s'orienter
vers ces métiers.
M. Joseph Ostermann.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann.
En établissant, dans le cadre de la commission des finances, un rapport sur
les 35 heures, nous nous sommes aperçus qu'entre la création et le maintien
d'emplois la marge n'était pas très nette. Je crois qu'il est bon que le
Gouvernement reconnaisse que les toutes petites entreprises rencontrent de
réelles difficultés dans la mise en oeuvre des 35 heures, tant pour
l'adaptation des horaires que pour le recrutement des compagnons.
S'agissant du service public, je n'ai pas obtenu la réponse que j'escomptais.
Tous les élus locaux se rendent compte que des services comme la DDE et la DDA
ne sont déjà plus en mesure aujourd'hui d'assumer les missions qui sont les
leurs. Qu'en sera-t-il demain, avec la mise en oeuvre de la loi sur les 35
heures ?
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