SEANCE DU 30 OCTOBRE 2001


M. le président. « Art. 3. - Après l'article 767-2 du code civil, il est inséré un paragraphe 2 ainsi rédigé :
« Du droit au logement temporaire et du droit viager au logement.
« Art. 767-3 . - Si, à l'époque du décès, le conjoint successible occupe effectivement, à titre d'habitation principale, un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, il a de plein droit, pendant une année, la jouissance gratuite de ce logement, ainsi que du mobilier, compris dans la succession, qui le garnit.
« Si son habitation était assurée au moyen d'un bail à loyer, les loyers lui en seront remboursés par la succession pendant l'année, au fur et à mesure de leur acquittement.
« Les droits prévus au présent article sont réputés effets directs du mariage et non droits successoraux.
« Le présent article est d'ordre public.
« Art. 767-4 . - Sauf volonté contraire du défunt exprimée dans les conditions de l'article 971, le conjoint successible qui occupait effectivement, à l'époque du décès, à titre d'habitation principale, un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, a sur ce logement, jusqu'à son décès, un droit d'habitation et un droit d'usage sur le mobilier, compris dans la succession, le garnissant.
« Ces droits d'habitation et d'usage s'exercent dans les conditions prévues aux articles 627, 631, 634 et 635.
« Le conjoint, les autres héritiers ou l'un d'eux peuvent exiger qu'il soit dressé un inventaire des meubles et un état de l'immeuble soumis aux droits d'usage et d'habitation.
« Par dérogation aux articles 631 et 634, le conjoint successible peut donner à bail à usage exclusif d'habitation le logement sur lequel il dispose d'un droit d'habitation lorsque l'évolution de son état de santé ne lui permet plus de rester dans les lieux et justifie son hébergement dans un établissement spécialisé.
« Art. 765 . - Supprimé.
« Art. 767-5 . - La valeur des droits d'habitation et d'usage s'impute sur la valeur des droits successoraux recueillis par le conjoint.
« Si la valeur des droits d'habitation et d'usage est inférieure à celle de ses droits successoraux, le conjoint peut prendre le complément sur la succession.
« Si la valeur des droits d'habitation et d'usage est supérieure à celle de ses droits successoraux, le conjoint n'est pas tenu de récompenser la succession à raison de l'excédent.
« Art. 767-6 . - Le conjoint dispose d'un an à partir du décès pour manifester sa volonté de bénéficier de ces droits d'habitation et d'usage.
« Art. 765-3 . - Supprimé .
« Art. 767-7 . - Lorsque le logement faisant l'objet d'un bail à loyer, le conjoint successible qui, à l'époque du décès, occupait effectivement les lieux à titre d'habitation principale, bénéficie du droit d'usage sur le mobilier, compris dans la succession, le garnissant.
« Art. 767-8 . - Le conjoint successible et les héritiers peuvent, par convention, convertir les droits d'habitation et d'usage en une rente viagère ou en capital.
« S'il est parmi les successibles parties à la convention un mineur ou un majeur protégé, la convention doit être autorisée par le juge des tutelles.
« Art. 766 . - Supprimé . »
Sur l'article, la parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le texte adopté par l'Assemblée nationale, à l'article 3, pour l'article 767-3 du code civil, a une logique certaine : il prévoit pour tout conjoint survivant un droit à rester dans l'habitation principale pendant une année, avec « jouissance gratuite de ce logement, ainsi que du mobilier, compris dans la succession, qui le garnit ».
Le même texte dispose que, « sauf volonté contraire du défunt » exprimée par testament - et comme Robert Badinter l'a dit tout à l'heure, on ne voit pas pourquoi ce devrait être par testament authentique - le conjoint survivant a un droit d'habitation et un droit d'usage sur le même logement commun.
Il y a, en revanche, une contradiction dans la mesure où la commission continue de prévoir un droit de jouissance d'un an mais ne prévoit plus la possibilité de s'opposer par testament au droit d'habitation et d'usage viager. Il n'est pas nécessaire de prévoir que le conjoint survivant a le droit de rester dans le logement pendant un an, puisqu'il va avoir le droit d'y rester jusqu'à sa mort ! C'est sur ce point précis que je voudrais attirer l'attention du Sénat.
Certains époux peuvent avoir pris en se mariant, et d'un commun accord, des dispositions particulières parce qu'ils ont des enfants chacun de leur côté et parce qu'ils désirent que leurs enfants respectifs héritent de leurs biens. Si le seul bien du disparu est un immeuble de grande valeur, les enfants du premier lit risquent d'être purement et simplement déshérités dans la mesure où le conjoint survivant, qui peut être très jeune, a des chances de leur survivre avec droit d'usage et d'habitation sur l'immeuble. Cela ne me paraît pas acceptable.
C'est pourquoi il serait bon, là aussi, de faire une différence entre le cas où il n'y a que des enfants issus des deux époux et le cas où, au contraire, chaque conjoint a des enfants qui lui sont propres. Il est tout à fait normal, lorsqu'il n'y a que des enfants communs, que ceux-ci laissent à leur père ou à leur mère la jouissance de ce qui a été le logement commun, et ce d'autant plus qu'il existe entre eux un devoir d'aliments. Mais, quand il y a des enfants de lits différents, il n'y a aucune raison que l'usage du lieu d'habitation soit laissé gratuitement au conjoint survivant.
C'est d'autant plus vrai qu'il est précisé dans le texte : « Si la valeur des droits d'habitation et d'usage est inférieure à celle de ses droits successoraux, le conjoint peut prendre le complément sur la succession. »
« Si la valeur des droits d'habitation et d'usage est supérieure à celle de ses droits successoraux, le conjoint n'est pas tenu de récompenser la succession à raison de l'excédent. »
Ainsi, je le répète, supprimer la disposition permettant en la matière un testament authentique, à défaut d'un testament olographe risquerait de conduire à déshériter purement et simplement les enfants d'un premier lit. C'est pourquoi nous ne pourrons pas voter l'amendement que nous proposera la commission.
Je préférais encore le texte de l'Assemblée nationale. Si, par impossible, j'avais convaincu nos collègues, peut-être pourrions-nous le modifier en précisant : « Sauf volonté contraire du défunt exprimée par voie testamentaire », pour ne pas imposer un testament authentique. Peut-être pourrions-nous même aller plus loin en ne rendant l'application du dispositif obligatoire que dans le cas où tous les enfants sont issus des deux époux, et en n'en faisant qu'une possibilité dans le cas contraire.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Hyest, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Remplacer les deux premiers alinéas de l'article 3 par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les articles 763 à 766 du code civil sont remplacés par les dispositions suivantes :

« Paragraphe 3
« Du droit au logement temporaire et du droit viager au logement

La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Dans l'optique d'une réforme partielle des droits de succession, nous proposons de modifier les numéros d'articles du code civil et les numéros de paragraphes concernés par le dispostif adopté par l'Assemblée nationale sur le droit au logement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Il s'agit d'une modification structurelle qui fait suite à l'introduction de l'option entre droit en pleine propriété et usufruit, et la conversion de ce dernier.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat, car les deux dispositifs peuvent être joints.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Nous sommes en présence d'un problème complexe. En effet, comme l'a dit M. Dreyfus-Schmidt, peuvent être en présence, d'un côté, le conjoint survivant et, de l'autre, les enfants d'un autre lit. Il faudra réfléchir plus avant sur ce point en commission mixte paritaire. Pour l'instant, le groupe socialiste s'abstient.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Mme Nicole Borvo. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(L'amendement est adopté.)

ARTICLE 767-3 DU CODE CIVIL