SEANCE DU 30 OCTOBRE 2001
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 6, présenté par M. Hyest, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Rédiger ainsi le début du texte proposé par l'article 3 pour l'article 767-4
du code civil :
«
Art. 764.
- Le conjoint successible... ».
L'amendement n° 44 rectifié, présenté par M. Badinter et les membres du groupe
socialiste, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le début du texte proposé par l'article 3 pour l'article 767-4
du code civil :
«
Art. 767-4
. - Le conjoint successible... ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 6.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Outre une modification de numéro d'article, cet amendement
comporte une modification de fond. Il vise en effet à supprimer la possibilité
donnée au prédécédé de priver son conjoint du droit d'habitation par acte
public notarié.
M. le président.
La parole est à M. Badinter, pour défendre l'amendement n° 44 rectifié.
M. Robert Badinter.
A part la modification de numérotation, cet amendement allant dans le même
sens que celui que vient de présenter M. le rapporteur, je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 44 rectifié est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 6 ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
La voie du testament notarié, formalité plus lourde, se
justifie dans la mesure où elle permettra au futur décédé - si je puis dire ! -
de recevoir une information complète.
C'est pourquoi je suis défavorable à cet amendement, même si j'en comprends
les motivations.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 6.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je ne vais pas reprendre les explications que j'ai déjà données en m'exprimant
sur l'article.
J'aimerais toutefois demander à M. le rapporteur comment il pourrait y avoir
des dispositions testamentaires puisque, précisément, la commission les
exclut.
Si la loi devait s'appliquer dans tous les cas, je le répète, le
de
cujus
n'aurait aucune possibilité de s'opposer, au bénéfice de ses propres
enfants, aux droits d'usage et d'habitation viagers du conjoint survivant.
C'est pourquoi je voterai contre l'amendement n° 6.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Nous voulons à permettre au conjoint survivant, la plupart du
temps pour des successions modestes dont l'essentiel consiste dans le logement
de la famille,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
En effet !
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur...
de demeurer dans le logement qu'il habitait.
Certes, il est des cas où le logement de la famille est manifestement très
important et constitue néanmoins également l'ensemble du patrimoine.
Mais, d'abord, monsieur Dreyfus-Schmidt, les enfants ne seront jamais privés
de la succession. Il s'agit simplement d'un report.
(M. Dreyfus-Schmidt proteste.)
Mais, mon cher collègue, s'il y a donation entre époux, il y a bien report !
C'est pour cela qu'en cas d'usufruit est prévue la conversion, l'usufruit
étant, d'un certain point de vue, nous l'avons dit et répété, assez
anti-économique.
Ensuite, nous avons prévu un certain nombre de dispositions limitant quelque
peu le dispositif. Le conjoint peut ainsi prévoir que les droits d'habitation
et d'usage visés porteront sur un logement de son choix adapté aux besoins du
conjoint survivant.
Pourquoi priver ce dernier d'un droit au logement, qui est en fait un droit à
un logement, ce qui me paraît la moindre des choses ? Vous, vous prétendez
vouloir protéger le conjoint survivant et, en même temps, vous voulez lui ôter
un tel droit, ce n'est pas cohérent !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
S'il a les moyens !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 7, présenté par M. Hyest, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par l'article 3 pour
l'article 767-4 du code civil :
« Par dérogation aux articles 631 et 634, lorsque l'état du conjoint fait que
le logement grevé du droit d'habitation n'est plus adapté à ses besoins, le
conjoint ou son représentant peut le louer à usage exclusif d'habitation afin
de dégager les ressources nécessaires à de nouvelles conditions d'hébergement.
»
Le sous-amendement n° 43 rectifié, présenté par M. Badinter et les membres du
groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'amendement n° 7 pour l'article 767-4 du code
civil, après les mots : "lorsque l'état", insérer les mots : "de santé" et,
après les mots : "le conjoint ou son représentant peut le louer", remplacer les
mots : "à usage exclusif d'habitation" par les mots : "à usage autre que
commercial ou agricole". »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 7.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Cet amendement tend à assouplir les conditions dans
lesquelles le conjoint pourrait donner à bail le logement grevé du droit
d'habitation. Ainsi est non plus uniquement visé l'hébergement dans des
établissements spécialisés, mais, d'une manière générale, l'état du conjoint
faisant que le logement ne répond plus à ses besoins et l'oblige à financer de
nouvelles conditions d'hébergement.
M. le président.
La parole est à M. Badinter, pour défendre le sous-amendement n° 43
rectifié.
M. Robert Badinter.
Sur le principe, nous sommes d'accord avec la commission. Il s'agit de
permettre au conjoint survivant ou à son représentant de louer un logement à
usage exclusif d'habitation afin de dégager les ressources nécessaires à de
nouvelles conditions d'hébergement. Nous cherchons ici à garantir l'intérêt du
conjoint survivant.
Aussi, il me semble opportun de penser aux appartements trop grands pour le
conjoint survivant qui pourraient être loués à un avocat ou à un médecin. Cela
rapporte plus que si le logement est loué au seul usage d'habitation.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 43 rectifié ?
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
La commission approuve totalement l'ajout du mot « de santé
», qui lui semble une précision utile.
Par ailleurs, nous avions envisagé, nous aussi, la possibilité de donner le
logement à bail à usage professionnel pour certaines professions libérales, à
condition que ce ne soit ni à usage commercial, en raison des contraintes qui y
sont liées, ni à usage agricole pour la même raison.
Dans ces conditions, la commission est très favorable au sous-amendement n° 43
rectifié.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 43 rectifié et sur
l'amendement n° 7 ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Dans la mesure où sont exclus les baux agricoles et
commerciaux, je crois pouvoir m'en remettre à la sagesse du Sénat sur le
sous-amendement et sur l'amendement ainsi modifié.
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 43 rectifié, accepté par la commission
et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix, modifé, l'amendement n° 7, pour lequel le Gouvernement s'en
remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 767-4 du code
civil.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 765 DU CODE CIVIL