SEANCE DU 5 DECEMBRE 2001
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant la défense.
Je rappelle que chacune des questions des orateurs des groupes ne doit pas
dépasser cinq minutes ; le Gouvernement répond en trois minutes à chaque
orateur, et ce dernier dispose d'un droit de réplique de deux minutes au
maximum.
Compte tenu de l'ordre du jour prévu pour ce soir et demain, je compte sur
chacun des intervenants pour respecter à la fois l'esprit de la procédure et
les temps de parole. D'avance, je les en remercie.
M. Gérard Braun.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly.
Monsieur le ministre, j'ai bien entendu la question de M. de Villepin
concernant GIAT Industries et j'ai entendu votre réponse. C'est néanmoins sur
ce sujet que je veux vous interroger.
En effet, vos réponses seront peut-être plus détaillées, plus précises, que
celles que vous avez faites en quatre points à M. de Villepin. Par ailleurs, ma
question comportera un aspect local. En outre, recevant régulièrement les
représentants des syndicats, je me sens tenu d'être leur interprète. Enfin, je
me reconnais quelque attachement spécial à GIAT Industries, ayant participé à
son acte de naissance ; ce n'était pas évident à l'époque.
Un cabinet d'experts fut chargé d'étudier, en début d'année, la
restructuration du site de GIAT Industries à Tulle.
« Ce comité est en panne d'objectifs » proclame un syndicat, qui pense que
l'on pouvait capitaliser et valoriser les compétences existantes de GIAT
Industries dans les métiers de la mécanique. Un autre syndicat, faisant
référence au rapport de la Cour des comptes, n'est pas plus tendre.
Plus localement et plus concrètement, monsieur le ministre, certains
considèrent sur place qu'il est urgent de faire le point sur l'intégration du
pôle de soutien logistique aux armées sur une partie du site de Tulle. De même,
ils considèrent que la revalorisation du site industriel restant demande la
plus grande attention.
Monsieur le ministre, de ce double point de vue, je crois pouvoir avancer, en
tant que président du syndicat mixte du pays de Tulle, que cet organisme, pour
ce qui est de sa compétence, met tout en oeuvre afin que les dossiers le
concernant évoluent dans les meilleures conditions.
Les choses avancent chaque fois que c'est possible et, à côté d'autres sources
de financement, nous bénéficions du fonds de restructuration de la défense, le
FRED.
Pour ce qui est de la situation générale de GIAT Industries, je ne reviendrai
pas en détail sur les précisions que m'ont apportées les représentants des
syndicats touchant à la fourniture des chars Leclerc à la fédération des
Emirats arabes unis, à l'insuffisance de la production des cinquante-deux chars
Leclerc, aux véhicules blindés de combat d'infanterie dont il faudrait
accélérer la production. J'arrête là mon énumération, mais je pourrais citer
d'autres exemples. Ces problèmes ayant été abordés par d'autres avant moi, je
n'y insiste pas.
Un autre volet de l'activité de l'entreprise porte sur la reconstruction des
matériels, la remise à hauteur des véhicules et autres équipements, y compris
peut-être les premiers chars Leclerc. Selon mes interlocuteurs, le travail
requis pour ce faire serait estimé à 3 millions d'heures. Qu'en est-il
précisément ?
Des remarques pourraient être faites également sur les matériels
militaires.
La Cour des comptes indique que, face à la situation critique de l'entreprise,
deux attitudes sont possibles.
La première consiste à continuer dans la voie suivie jusqu'à maintenant
consistant à garder des centres d'activité surabondants et des personnels
excédentaires, que l'on résorbe lentement grâce à des plans sociaux
successifs.
La seconde hypothèse consiste à se poser le problème de la taille optimale que
la société doit avoir pour retrouver l'espoir d'une certaine rentabilité.
Elle suppose que les inévitables difficultés qui résulteront dans les bassins
d'emplois concernés seront à traiter dans le cadre de l'aménagement du
territoire.
Si une telle proclamation est aisée à faire, la réalisation pratique est plus
difficile.
Cette voie passerait par une contraction forte des moyens de la société, par
la fermeture ou la reconversion des centres aujourd'hui reconnus comme
excédentaires.
Quatre centres pourraient subsister, selon la Cour des comptes. Le mien, si
j'ose dire, n'y figure pas.
Il est vrai que la Cour des comptes n'est pas le Gouvernement. Son rapport
n'en suscite pas moins l'émotion et l'inquiétude que vous pouvez supposer sur
le terrain. J'insiste, monsieur le ministre, le moral n'y est plus !
Bref, monsieur le ministre,
quid
de l'avenir de GIAT Industries et de
son aspect plus local ?
(Applaudissements sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
M. Mouly, qui connaît fort bien le contexte dans
lequel évolue GIAT Industries a soulevé une série de questions d'ordre
stratégique mais aussi local sur l'activité de cette entreprise.
Tout d'abord, pour me situer tout à fait dans la logique de son propos, je
voudrais insister sur le fait que les commandes de l'Etat pour les différents
types de matériels sont parvenues en temps et en heure. Pour ce qui relève des
besoins de l'armée de terre, l'Etat a donc alimenté le carnet de commandes
conformément aux prévisions.
Nous nous sommes efforcés d'échelonner les commandes de manière à assurer une
continuité de charges aussi satisfaisante que possible.
Tout récemment encore, j'ai chargé la délégation générale pour l'armement
d'entrer en discussion avec GIAT Industries pour définir un schéma pluriannuel
de commandes de munitions, lesquelles faisaient encore l'objet d'une certaine
discontinuité.
Par ailleurs, monsieur le sénateur, la croissance des activités de services,
de réparations et de modernisation de matériels est régulière à GIAT. Le
Gouvernement a décidé de transférer progressivement aux industriels, en
l'occurrence à GIAT - mais c'est vrai aussi pour ses concurrents - une partie
des missions les plus lourdes de réparations et de rénovation des matériels, ce
qui leur assurera une régularité de chiffre d'affaires et un fonds de commerce
dans la durée.
En ce qui concerne les observations formulées par la Cour des comptes dans son
rapport, je m'éloignerai un peu des commentaires auxquels vous vous êtes livré,
monsieur le sénateur. Les rôles sont bien définis : le Gouvernement gouverne et
la Cour des comptes fait des observations, ce qui est utile, mais n'oublions
pas que c'est
a posteriori
. En l'occurrence, le Gouvernement a opéré des
choix pour ce qui est de la réorganisation de GIAT Industries dans le contexte
dans lequel se trouvait l'entreprise en 1997-1998, et ces choix, il les
assume.
Il est facile de venir dire plus tard que l'on aurait pu procéder à des
réductions d'effectifs de façon plus drastique en supprimant plus de sites. En
fait, nous avons, de façon méthodique et par la négociation, tenté de trouver
la taille optimale de l'entreprise. De 10 600 au printemps 1998, les effectifs
seront tombés à 6 100, si je tiens compte du périmètre comparable au deuxième
semestre 2002 ; et cela s'est produit sans crise, sans rupture industrielle et
en poursuivant une tâche de rénovation et de rajeunissement industriel de
l'entreprise.
Enfin, je voudrais faire deux observations concernant le site de Tulle. Comme
vous le savez, le pôle logistique à vocation inter-armées est en cours de
création, suivant les conclusions du comité interministériel d'aménagement du
territoire.
Il sera opérationnel courant 2002 et centré sur les nouvelles technologies de
l'information et des télécommunications au service des armées. Il y aura, en
particulier, un atelier d'impression à haut débit et un atelier à vocation
numérique. Il aura cinquante-neuf employés, pour la plupart des ouvriers
reconvertis de GIAT, et sera situé sur un terrain cédé par GIAT au ministère de
la défense.
Quant à la construction du bâtiment abritant l'atelier d'impression, elle sera
achevée à l'automne 2003, ce qui permettra au personnel de GIAT, qui est à
l'heure actuelle en formation de reconversion, de retrouver une activité
durable.
A ce propos, je tiens à remercier l'ensemble des partenaires locaux, dont le
syndicat que vous présidez, monsieur le sénateur, pour leur excellente
contribution à cette reconversion.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi de
programmation militaire, dont nous allons aborder la dernière année de
réalisation, s'était fixé pour objectif de restructurer notre outil de défense
en poursuivant la modernisation de nos équipements.
Elle nous était présentée comme la première étape d'une planification sur
vingt années et s'efforçait, sans toujours y parvenir complètement, de ménager
la disponibilité permanente des pièces maîtresses de notre appareil militaire
aérien, naval et terrestre, nonobstant les importantes mutations qu'il avait à
subir.
Si elle n'y était pas parvenue à 100 %, c'est parce qu'elle avait été élaborée
et votée dans un environnement économique encore très défavorable et donc dans
une conjoncture budgétaire extrêmement serrée, en raison même des pertes de
recettes fiscales et des dépenses de solidarité impliquées par la dépression du
marché du travail, alors à son maximum.
Malgré ces contraintes très fortes, elle avait cependant tenu à formaliser le
montant de l'effort annuel d'équipement militaire en le fixant à 86 milliards
de francs, valeur 1995, précision qui est souvent oubliée dans certaines
analyses fallacieuses. Je tiens à la mentionner ici, car elle est
importante.
Compte tenu du redressement de la conjoncture mondiale qui, lié aux fruits de
la politique d'assainissement financier initiée par Alain Juppé, avait permis
une vive reprise de la croissance dans notre pays, on pouvait espérer que le
Gouvernement issu des élections de 1997 aurait à coeur, puisqu'il en avait les
moyens, de respecter au moins les annuités fixées dans un climat beaucoup plus
difficile par le législateur.
Eh bien, c'est exactement le contraire qui s'est produit !
D'abord, la revue de programme de 1998 s'est fixé des objectifs en retrait de
ceux qui avaient été arrêtés en 1996 tout en procédant à un tour de passe-passe
qui faisait sauter quatre années d'indexation.
Mais, surtout, le Gouvernement n'a respecté ni l'échéancier qu'avait fixé la
loi de programmation ni même celui qui résultait de sa propre revue de
programme.
Je m'attends à ce que vous contestiez mes affirmations, monsieur le ministre,
comme vous l'avez fait tout à l'heure à l'égard d'autres orateurs. Si tel est
le cas, je démontrerai au Sénat en quoi cette contestation serait artificieuse,
car les chiffres dont je dispose ont été vérifiés et revérifiés tant sur la
base de données fournies par M. le rapporteur général que sur celle provenant
de nos rapporteurs spéciaux et rapporteurs pour avis. Par parenthèse, si j'ai
réagi tout à l'heure, monsieur le ministre, c'est parce qu'il m'a semblé qu'une
sorte de mauvaise note était attribuée à nos commissions ; or, elles ne le
méritent pas, car elles travaillent très sérieusement.
Il n'y a aucun doute, les ressources affectées en fin de compte à notre
équipement militaire sur la période 1997-2002 seront inférieures de plus de 16
% aux prescriptions formelles de la loi de programmation, ce qui signifie
quelque 80 milliards de francs en moins.
Reportons-nous, mes chers collègues, aux carences, intermittences et
insuffisances en équipements militaires telles qu'elles ont été répertoriées
par nos rapporteurs et imaginons toutes celles auxquelles cette somme aurait
permis de remédier.
Ne me dites pas, monsieur le ministre, que la pénurie budgétaire était trop
cruelle pour faire face aux besoins criants de nos armées, car je vous ferai
observer que, loin de manquer de ressources, le Gouvernement a enregistré sur
la période 1997-2001 une augmentation du produit fiscal de 190 milliards de
francs.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que le budget militaire n'en a pas eu sa
part ! Or, ce qui est plus grave, c'est que le Gouvernement était conscient de
cette mise en pénitence. Bien plus, il s'en vantait si j'en juge par cette
déclaration du ministre de l'économie des finances et de l'industrie, le 2
juillet dernier : « Quand j'entends l'opposition, y compris à un niveau assez
élevé » - suivez mon regard, et c'est pourquoi, monsieur le ministre, vous ne
devriez pas invoquer le Président de la République - « qui nous réclame une
augmentation lourde des dépenses de défense, je dis non parce que non seulement
ce n'est pas nécessaire, mais c'est incompatible avec nos grands équilibres
économiques et financiers ».
Vous avez bien entendu, mes chers collègues, « ce n'est pas nécessaire ».
C'est toute une mentalité qui est ici résumée et c'est ce que nous condamnons
!
Dans ces conditions, m'adressant non pas au ministre de la défense, en
particulier, et encore moins à titre personnel mais au Gouvernement qu'il
représente ici à lui tout seul, je demande ce que sont devenus les 80 milliards
de francs que le Parlement avait affectés à la programmation des moyens de
défense de la France et qui manquent aujourd'hui à l'appel.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Répulicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Le Sénat l'aura bien compris, la question posée
par M. Caldaguès à la fin de son intervention n'est que la conclusion d'un
propos qui est d'abord un plaidoyer, celui d'une formation politique
d'opposition qui essaie d'expliquer, quelque peu laborieusement, que la
politique de financement de la défense du gouvernement Juppé était exemplaire,
cela mériterait d'être pris avec un peu plus de distance ! - et que celle du
gouvernement actuel est tout à fait condamnable.
Sans reprendre l'assez longue discussion que nous avons eue cet après-midi, je
dirai à M. Caldaguès des choses simples et concrètes. Pendant toute la décennie
quatre-vingt-dix, aucun navire de la Marine nationale n'a été mis en chantier.
Aujourd'hui, deux frégates anti-aériennes et deux nouveaux transports de
chalands de débarquement sont en chantier. Nous travaillons sur le projet de
frégate multimissions. Nous lançons le programme du bateau de renseignement. Ce
sont des exemples concrets qui concernent la marine.
Passons à l'armée de l'air. Nous sommes en train d'assurer la régularité des
commandes du programme Rafale. Qu'était devenu ce programme Rafale, au cours
des années précédentes ? Aucune commande n'avait été passée par les
gouvernements que vous souteniez, monsieur Caldaguès ! Le programme d'Avion de
transport du futur, l'ATF, qui est l'un des plus grands programmes structurants
que nous aurons à soutenir, fait l'objet d'une inscription de 43 milliards de
francs dans les autorisations de programmes.
Et je pourrais poursuivre. J'ai rappelé à M. Vinçon que le Gouvernement aura
réalisé l'intégralité de la commande du char Leclerc en quelques années.
Je vois donc que vous avez choisi votre option politique. Vous contestez ce
gouvernement et vous défendez l'action du gouvernement Juppé, en oubliant
toutefois qu'il a annulé 20 milliards de francs sur les crédits des budgets que
sa majorité avait votés quelques mois auparavant.
Quant à la crédibilité de notre engagement pour la continuité de la politique
de défense, vous restez sur votre opinion, mais le Gouvernement n'a vraiment
pas de mal à rester sur la sienne !
(Très bien et applaudissements sur les
travées socialistes.)
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Monsieur le ministre, vous m'avez dit que j'ai fait un plaidoyer politique. Il
se trouve que la défense nationale est une affaire politique ! Le passé nous
l'a montré en différentes circonstances, notamment comme dans les circonstances
dramatiques qui ont conduit à la défaite de 1940. Or, cette défaite, nous
sommes nombreux à ne pas l'avoir oubliée. Nous ne voulons pas voir se
renouveler les fruits amers des carences et de l'insouciance passées. Tel est
le sens de mon plaidoyer politique.
Je n'ai guère cité de chiffres, mais vous ne les avez pas contestés. Comment
l'auriez-vous pu ?
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Je l'avais fait cet après-midi !
M. Michel Caldaguès.
En effet ! Mais j'aurais alors pu vous opposer les déclarations du chef
d'état-major devant les commissions et celles qui ont été prononcées à
l'Assemblée nationale par l'un de vos amis, que je tiens pour un spécialiste
sérieux et scrupuleux des questions militaires.
Vous avez reproché au gouvernement précédent de ne pas avoir fait beaucoup
après les années quatre-vingt-dix. Mais comment vous y prenez-vous donc pour
dépenser moins, tout en prétendant faire beaucoup ? Cela me plonge dans la plus
grande perplexité, monsieur le ministre.
Je vais vous apporter la réponse que vous n'avez pas donnée à ma question : où
sont passés les 80 milliards de francs qui manquent pour l'équipement militaire
? C'est très simple : pendant la période considérée, l'ensemble des dépenses
civiles ont augmenté de 19 %, alors que les dépenses militaires de
fonctionnement n'augmentaient, elles, que de 5 % et que les dépenses
d'équipement diminuaient. Voilà où sont passés les 80 milliards de francs qui
nous manquent. Ils ont été engloutis dans des dépenses civiles inconsidérées
!
M. Philippe Richert.
C'est grave !
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Monsieur Caldaguès, si je n'ai pas contesté à
nouveau vos chiffres - qui sont totalement erronés ! - c'est parce que j'avais
passé une bonne partie de l'après-midi à expliquer que mes appréciations et
celles des commissions divergeaient. Les chiffres que j'ai cités n'ont pas été
contestés.
M. Philippe Richert.
C'est trop facile !
M. le président.
La parole est à Mme Gourault.
Mme Jacqueline Gourault.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes deux
questions porteront sur de possibles blocages qui, à terme, pourraient altérer
la traduction budgétaire de la nouvelle donne stratégique que nous vivons
actuellement.
Ma première question concerne le pôle sécurité renseignement formé par les
trois directions de la DGSE ou direction générale de la sécurité extérieure, de
la DRM, ou direction du renseignement militaire, et de la DPSD, ou direction de
la protection et de la sécurité de la défense.
Nul n'ignore qu'à leur mission d'information et d'analyse, de
contre-espionnage et de contre-ingérence, s'ajoutent aujourd'hui, avec une
acuité très grande, des missions de contre-terrorisme menées en liaison avec la
gendarmerie nationale et les services de la police nationale.
J'ajouterai à ce tableau des charges et des missions de ces services la
nécessaire et la très difficile lutte contre la grande criminalité, qui menace
sournoisement des pans entiers non seulement de notre économie mais aussi de
notre société et de nos institutions.
A cet égard, je n'ignore pas, monsieur le ministre, l'augmentation d'environ
4,5 % des crédits de la DGSE ainsi que l'augmentation du volume de ses
personnels, notamment civils.
De même, les crédits d'infrastructures ont augmenté de 42 % en raison
notamment du nouveau quartier Mortier.
Cependant, on peut noter dans le budget de cette année un léger fléchissement
des dépenses en matériel dont il n'est pas souhaitable qu'il perdure trop
longtemps, compte tenu des circonstances internationales.
Il en va de même pour la direction du renseignement militaire, dont les
effectifs sont en augmentation mais dont le titre V régresse, en revanche de 8
%, alors qu'il faudrait rehausser ces crédits très vite pour ne pas hypothéquer
l'avenir d'une direction récente, mais qui est devenue fondamentale dans la
communauté du renseignement.
Enfin, la situation de la DPSD offre un spectacle inversé : diminution
constante des effectifs, conformément certes aux voeux du Livre blanc sur la
défense, mais augmentation des crédits d'investissement due à la rénovation de
l'informatisation et à la mise en place de moyens nouveaux pour lutter contre
le cyberterrorisme.
Il convient - faut-il le redire ? - d'inverser la décrue des effectifs de ce
service peu connu, qui assure la défense de la défense et dont le
fonctionnement doit demeurer l'une des grandes priorités du pôle sécurité
défense.
Sur ce pôle de cohérence, ne pensez-vous pas que lors de la prochaine loi de
programmation militaire, ainsi que dans les prochaines lois de finances, il
serait bon de mettre en place un dispositif budgétaire spécifique, regroupant
le financement de ces missions vitales, ainsi qu'une mini-planification pour
tous ces services qui assurent, dans la discrétion, l'indépendance et la force
du pays ?
Ma deuxième question concerne les retards juridiques, administratifs et
financiers pris par les programmes afférents au missile M 51. Devant la
prolifération accélérée des armes nucléaires et balistiques dans le monde,
notamment en Asie, n'est-il pas de la première urgence que la pointe de diamant
de la dissuasion nucléaire française, ce missile de longue portée, doté d'une
tête nucléaire durcie et perfectionnée, puisse entrer, quoi qu'il en coûte, le
plus vite possible en service dans les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins
? Pour ce faire, ne faut-il pas multiplier les essais, quitte à mettre en
place, sans délai et comme le suggèrent certains experts, une piscine
spécifique au Centre d'essais des Landes.
Monsieur le ministre, ces deux remarques qui viennent au momentou nous
examinons la dernière annuité budgétaire de la programmation militaire,
expriment ma certitude qu'il faut, pour la sécurité de notre pays, lui assurer
tous les moyens en matière de renseignements et de dissuasion nucléaire.
Je ne doute pas que, dans les semaines, les mois à venir, la prochaine loi de
programmation que vous ne tarderez pas à soumettre à la Haute Assemblée saura
tenir compte de ces remarques.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR, et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Je remercie très sincèrement Mme Gourault
d'aborder ces questions qui ne donnent lieu qu'à peu de débats et suscitent peu
d'interrogations collectives, alors qu'elles sont en effet tout à fait au coeur
de notre système de défense.
Je tiens à abonder dans votre sens, madame, pour dire que la consolidation et
la modernisation des moyens de notre appareil de renseignement extérieur, que
ce soit le renseignement militaire ou la direction générale de la sécurité
extérieure, sont une priorité que le Gouvernement entend poursuivre.
Nous savons tous que les efforts de coordination de renseignements se sont
révélés d'autant plus nécessaires après les attentats du 11 septembre. En même
temps, les contacts intensifiés avec les services de renseignement d'autres
pays ont révélé que, sur un certain nombre de préoccupations et de menaces, la
capacité d'anticipation de nos services de renseignement avait été effective et
que nos agents avaient fait du bon travail.
Par ailleurs, on a souvent fait ici état d'analyses d'observateurs extérieurs
opposant le renseignement humain et le renseignement technique. Je saisis donc
cette occasion pour souligner une fois encore que cette opposition est factice.
En effet, nous devons d'autant plus apporter notre soutien aux femmes et aux
hommes qui sont sur le terrain qu'ils prennent des risques importants. Mais
nous avons également besoin d'outils de détection, de déchiffrage qui soient
d'un haut niveau technique qui fait en grande partie la force et l'efficacité
de la DGSE et de la DRM.
Je souligne à ce sujet que les crédits d'investissement dont vous avez pu
prendre connaissance ne figurent pas tous sur le compte de la DGSE ou de la DRM
puisque certains outils lourds qui doivent être acquis sont pris en compte par
l'état-major des armées.
De même, et pour illustrer l'effort consenti dans ce domaine, j'insiste sur le
lancement du navire MINREM, dont la notification du contrat intervient en ce
mois de décembre, en avance donc de huit mois sur les prévisions.
En effet, le renseignement d'origine électromagnétique à grande portée est
l'une des priorités que nous devons poursuivre.
En ce qui concerne par ailleurs le développement de la nouvelle génération de
notre force de dissuasion, je tiens à souligner, après les interrogations qui
se sont élevées tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, que le contrat de
développement du missile M 51 a bel et bien été conclu fin 2000, au terme d'une
discusion financière difficile avec l'industriel. ll nous lie maintenant, et
nous allons développer les phases successives de ce programme qui est en effet
un élément clé du renouvellement des capacités de la force de dissuasion.
S'agissant du programme d'expertise et d'essais, la DGA a accompli un travail
approfondi pour savoir quel devrait être le niveau optimal et crédible des
moyens nécessaires au déroulement du programme lui-même, de sorte qu'il soit
synchronisé avec la nouvelle génération de sous-marins nucléaires lanceurs
d'engins. La loi de programmation a enfin prévu la construction d'un quatrième
sous-marin nucléaire lanceur d'engins et son équipement en missiles M 51.
Monsieur le président, la séance de cet après-midi ayant été décalée, je ne
pourrai répondre aux derniers orateurs car je dois me rendre à l'Assemblée
nationale pour le débat sur la modification du statut de la direction des
constructions navales, dans le cadre de la loi de finances rectificative.
C'est donc mon collègue et ami M. Floch qui répondra à ma place aux dernières
questions.
Naturellement, je fais confiance à la sagesse du Sénat pour soutenir l'effort
budgétaire du Gouvernement en faveur des militaires.
M. le président.
La parole est à M. Autexier.
M. Jean-Yves Autexier.
Vous avez rappelé, à bon droit, monsieur le ministre, que le budget pour 2002
était le dernier de la loi de programmation militaire et en épousait les
orientations.
Les nombreuses critiques qui ont été formulées cet après-midi et au début de
cette soirée sont en réalité des critiques qui s'opposent aux orientations de
la loi de programmation militaire que la majorité du Sénat a adoptée et dont je
rappelle que les grands traits étaient la professionnalisation et la fin du
service national, ainsi que la priorité donnée aux capacités de projection des
forces à l'extérieur.
Nous constatons aujourd'hui le coût de ces deux orientations et, surtout,
celui de la professionnalisation, qui est double.
Naturellement, il faut rémunérer les professionnels au lieu et place des
appelés. Mais il y a aussi un coût militaire.
Les menaces changent de nature, le terrorisme fait peser de nouvelles menaces
sur la France, et nous nous trouvons fort dépourvus pour protéger les points
sensibles, car les effectifs manquent.
Le coût des opérations extérieures liées à la priorité donnée à la projection
des forces est également élevé.
Toutes ces dépenses se font naturellement au détriment du titre V. Ce qui
était inscrit en filigrane dans la loi de programmation de 1996 se réalise.
Je prendrai des exemples sur dix ans, pour ne pas faire de la polémique
politicienne.
M. Gérard Braun.
Sur dix ans !
M. Jean-Yves Autexier.
Il y a dix ans, les crédits du titre V s'élevaient à 103 milliards de francs ;
aujourd'hui, ils sont de 85 milliards de francs. Il y a dix ans, les dépenses
d'équipement des forces représentaient 1,5 point du PIB ; aujourd'hui nous en
sommes à 0,8 point du PIB.
M. Philippe Richert.
Que fait le Gouvernement ?
M. Jean-Yves Autexier.
Il applique la programmation militaire que vous avez votée en 1996 !
Je demande donc aujourd'hui au représentant du Gouvernement s'il n'estime pas
nécessaire de tirer les leçons de l'application qu'il a dû faire des
orientations de la loi de programmation de 1996 et des choix qui ont été
opérés. Après le 11 septembre, n'est-il pas opportun s de rappeler à Bercy que
le temps d'empocher les dividendes de la paix est révolu ?
M. André Dulait.
Eh oui !
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Très bien !
M. François Trucy,
rapporteur spécial.
Bravo !
M. Jean-Yves Autexier.
Je crois que le Gouvernement qui a eu à appliquer pendant quatre ans les
orientations d'une loi de programmation que je juge néfaste est mieux placé que
quiconque pour en tirer les meilleures leçons et pour proposer les
redressements qui s'imposent.
M. Maurice Blin,
rapporteur spécial.
On va voir !
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat à la défense, chargé des anciens combattants.
Monsieur
le sénateur, il est vrai qu'on peut reprendre le débat général sur
l'organisation de nos armées et sur l'orientation qui a été prise il y a
quelques années de professionnaliser nos armées, c'est-à-dire de
professionnaliser la défense de la France.
Ce choix a été fait par les représentants de la nation à l'époque et suivi par
les plus hautes autorités de l'Etat. On aurait pu trouver une autre formule, on
aurait pu faire autre chose. On peut toujours le dire
a posteriori
de
tous les choix politiques, surtout lorsqu'il s'agit de choix politiques
majeurs.
Toujours est-il que ce choix a été fait. Il correspondait, je crois, à une
nécessité pour la défense de notre pays. Et ce qui a été voté en 1996 a été
poursuivi par ce gouvernement et sa majorité, pour la bonne raison qu'il y a
continuité de l'Etat en matière de défense et que cette règle de la continuité
de l'Etat est l'une des conditions de fonctionnement des gouvernements de la
République.
M. Serge Vinçon,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Pour ce qui est des éléments chiffrés, je crois que
vous les connaissez. Par ailleurs, je pense que le débat général pourra être
repris à un autre moment. Nous allons d'ailleurs entrer dans une période où
chacun pourra proposer à la nation les choix qu'il aura faits en conscience.
M. Jean-Yves Autexier.
Merci, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. le président.
La parole est à Mme Bergé-Lavigne.
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mon intervention portera sur l'A 400 M dont il
a été souvent question au cours de ce débat.
Le futur gros transporteur militaire est un programme emblématique de la
volonté commune des Etats européens en matière d'armement.
Au total, neuf nations se sont associées à ce processus lancé en 1996 avec la
définition d'un cahier des charges commun. En 2000, lors de la rencontre de
Farnborough, puis en juin 2001, l'accord entre les participants a été formalisé
et les quantités achetées par chacun ont été précisées.
En grande partie grâce à l'action du Gouvernement, la France s'est placée en
tête du mouvement.
En effet, les autorisations de programme nécessaires ont été disponibles dès
l'année dernière et il a été procédé, en loi de finances rectificative pour
2001, à une inscription complémentaire des crédits donnant à l'Etat les moyens
d'acquérir les 50 appareils que la France avait prévus dès le départ.
Mais, aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, nous sommes inquiets.
La signature du contrat engageant tous les pays associés au programme qui
devrait avoir lieu à la mi-novembre a été repoussée à la fin de l'année.
Nous savons par ailleurs que nos amis allemands sont divisés sur cette
question. Certes, le chancelier Schröder a confirmé son engagement de principe
pour 73 appareils, mais l'effort financier autorisé par le parlement allemand
n'en concernerait que 46 au prix actuel.
Si, avec une commande de 73 avions, les Allemands peuvent obtenir la direction
du programme et une part plus importante de la charge de travail de recherche
et développement, en deçà, les conditions de réalisation du programme changent
radicalement.
De plus, l'Italie, tout en renouvelant son intérêt pour cet appareil, attend
la décision allemande pour se décider, et la Grande-Bretagne, si la décision
n'était pas prise avant la fin de l'année, retirerait sa parole.
Les autorités de l'EADS ont signalé à la presse récemment que si l'Allemagne
ne commande que 46 appareils, le programme n'est pas viable !
Après l'échec d'un tel programme, il sera plus difficile de parler de l'Europe
de la défense, et la force de projection européenne serait en difficulté.
Notre seul choix serait dès lors d'acheter des avions « sur étagère » aux
Etats-Unis. Le revers serait cuisant pour la défense et pour notre industrie
aéronautique.
M. Serge Vinçon,
rapporteur pour avis.
Absolument !
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Monsieur le secrétaire d'Etat, qu'est-ce qui fait réellement obstacle au
lancement de l'A 400 M ?
Ma deuxième question porte sur les systèmes futurs de combat aérien.
Les ministres de la défense de six pays - la France, l'Allemagne, le
Royaume-Uni, l'Italie, l'Espagne et la Suède - ont récemment publié une
déclaration sur la coopération dans le domaine des capacités et des
technologies pour les systèmes de combat aérien.
Avec cette déclaration, ils s'engagent à développer conjointement, dans le
cadre du programme ETAP, l'European Technology and Acquisition Programme, et
avec le concours de l'industrie européenne de l'armement, les technologies et
les capacités nécessaires dans ce secteur.
Le programme ETAP couvre des avions de combat, développés à partir des
appareils existants - Eurofighter, Gripen et Rafale -, des engins aériens
inhabités sol-air et air-air et des appareils de combat aérien sans pilote, des
missiles de croisière conventionnels et, enfin, les systèmes informatiques, de
commandement, de communication et de renseignement contribuant à l'interface
entre les différents moyens opérationnels.
Une première étude portant sur les besoins à l'horizon 2020 sera réalisée au
cours de l'été 2002. Elle identifiera les systèmes et les technologies
nécessaires pour répondre à ces besoins.
Monsieur le secrétaire d'Etat, quelle sera la participation des ministères de
la défense et des industriels à cette tâche et, plus généralement, comment les
industriels seront-ils associés au projet ETAP ?
M. Serge Vinçon,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Madame le sénateur, il est vrai que, comme vous l'avez
souligné, le programme A 400 M répond à un besoin fondamental des armées dans
la fonction opérationnelle de projection et qu'il est un préalable évident à
l'ensemble de nos actions militaires.
Il s'agit pour notre armée de l'air d'assurer la relève du Transall C 160 dont
le remplacement est prévu à compter de 2005.
Sur le plan européen, l'A 400 M permettra de consolider les capacités
industrielles et opérationnelles des huit pays partenaires dont le besoin
global est de 212 avions, le nombre d'avions restant le même que celui qui
avait été annoncé il y a quelque temps.
Le 19 juin 2001, neuf nations ont négocié et signé ce contrat. En France, une
première dotation de 20 milliards de francs a été inscrite au budget de la
défense en loi de finances rectificative fin 2000 et un complément de 23,7
milliards de francs est prévu dans la loi de finances rectificative pour 2001.
L'ensemble permettra de disposer des ressources suffisantes.
Ce faisant, le premier appareil sera livré à l'armée de l'air fin 2007, les
deux suivants en 2008.
Vous savez par ailleurs qu'il y a eu une discussion avec nos amis allemands
dernièrement et que le Chancelier Shröder a donné des assurances quant à la
signature par l'Allemagne de ce contrat. Aussi, nous espérons que la signature
aura effectivement lieu dans les semaines à venir.
En ce qui concerne la question que vous avez posée sur l'industrie
aéronautique, il est vrai que, là aussi, des inquiétudes ont pu naître à un
moment donné. Il n'en reste pas moins que l'action des Etats européens a permis
de créer ici une véritable industrie qui est aujourd'hui une des premières au
monde.
Le lancement du programme SCAFE concerne la réalisation des études pour le
futur système de combat européen. Il démontre la volonté politique des
gouvernements européens, particulièrement de la France, de consolider
l'ensemble du spectre industriel en matière aéronautique. Je pense donc que
vous pouvez être rassurés sur les programmes qui seront développés dans notre
industrie aéronautique, surtout dans les usines françaises.
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Bergé-Lavigne.
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse.
Je suis élue d'une région où, après la catastrophe liée à la chimie,
l'aéronautique risque de rester l'unique activité industrielle d'importance.
Vous comprendrez donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que je me soucie de la
difficile gestation du programme de l'Airbus A 400 M.
Comme Boeing, Airbus subit la crise liée au transport aérien commercial. L'A
400 M apporterait une diversification bienvenue dans l'activité d'Airbus,
d'autant plus que Boeing vient d'obtenir des autorités fédérales américaines,
de gré à gré et développement payé, une commande de cent avions
ravitailleurs.
La fin de l'année est rituellement le moment des cadeaux.
(Sourires.)
J'émets le voeu, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'annonce de la signature
du contrat pour l'A 400 M soit collectivement pour l'Europe le plus beau des
cadeaux !
(Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Vinçon,
rapporteur pour avis,
applaudit également.)
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Il s'agit d'un enjeu essentiel, madame le sénateur. Je
suis moi-même issu d'une région où se trouvent deux usines aéronautiques
importantes. Aujourd'hui, il faut à la fois s'assurer de la signature de
contrats et, en même temps, rassurer notre industrie : cette dernière n'a pas
besoin, en particulier s'agissant de la région de Toulouse, d'un malheur
supplémentaire.
M. le président.
La parole est à M. de Gaulle.
M. Philippe de Gaulle.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
titre III du budget, s'il comprenait un peu plus de jours et d'heures
d'entraînement, et sensiblement moins que les vingt mille hommes en garnison ou
en opérations diverses et coûteuses outre-mer, serait presque satisfaisant.
Nous avons eu raison de passer à la professionnalisation. J'ai toujours en
mémoire - contemporain de cette époque, j'en ai été témoin - la déroute de
1940, qui a bien été celle d'une armée de conscription.
En notre temps où il faut se battre avec l'esprit commando et utiliser un
matériel aussi sophistiqué que coûteux, nous ne pouvions plus conserver une
armée permanente de conscription, qu'aucune puissance militaire véritable n'a
maintenue dans le monde. La campagne dite du Golfe, sous François Mitterrand,
en a d'ailleurs sonné le glas.
Bien sûr, les anciens capitaines et les citoyens patriotes en ont conservé la
nostalgie. La conscription, disent-ils, avaient valeur d'éducation, d'amalgame
et de cohésion nationale. Ils oublient qu'elle mobilisait des générations
encore à forte proportion rurale et, en tout cas, déjà éduquées au service
militaire, perçu comme un destin obligatoires pour tous dès la famille et
l'école primaire.
Dans notre urbanisation moderne massive, des populations flottantes, trop
multiples, sans racines françaises et sans frontières bien déterminées,
fournissent une masse grandissante d'inaptes au service national. Les récents
incidents du Stade de France en sont l'une des démonstrations.
Je ne dis pas qu'il faille s'y résigner, mais il faut reprendre le problème
bien en amont de notre armée et notamment par la stabilisation de la société
qui passe, en particulier, par un contrôle digne de ce nom de l'immigration.
En définitive, la professionnalisation s'effectue tant bien que mal, en dépit
de soldes probablement calculées trop juste pour attirer un flot d'engagés
malgré un taux de chômage et d'assistance parmi les plus élevés du monde
occidental.
C'est le budget de la gendarmerie qui, malgré quelques ajustements à
reprendre, est le plus favorisé, comme tous les ans depuis longtemps, puis-je
même dire. Le malaise de cette élite de l'armée, qu'on appelait autrefois la
Maison du Roi, c'est-à-dire la charge ou le carré ultime, provient sans doute
d'autres causes.
La publicité médiatique de minables histoires de paillotes et d'enquêtes
d'Etat qui n'aboutissent pas y contribue sans doute ; mais aussi, certainement,
le peu de considération dont on entoure les gendarmes, lorsque leur parole n'a
pas plus de valeur que celle du délinquant étranger, qu'ils n'ont même plus le
droit de désigner ce dernier sous peine d'être taxé de xénophobie ou de
racisme, qu'ils sont bafoués lorsque ceux qu'ils appréhendent, même
multirécidivistes, sont relâchés aussitôt, qu'on leur interdit d'établir des
fichiers - c'est pourtant la base même de toute identification et de toute
enquête - et qu'on leur oppose la présomption d'innocence, alors qu'il s'agit
de plus en plus souvent d'un flagrant délit, immédiatement réductible sans
procédure.
Le général de Gaulle rappelait cette vérité millénaire : « La fonction de
l'Etat consiste tout à la fois à assurer le succès de l'ordre sur l'anarchie et
à réformer ce qui n'est plus conforme aux exigences de l'époque. »
Mais, depuis qu'ils existent, ce ne sont pas des gouvernements dits de gauche,
lesquels traditionnellement, amènent leurs partisans dans la rue, fussent-ils
étrangers et pour cause, pour invectiver contre l'interdiction d'interdire et
la manie sécuritaire qui sont les plus aptes à apporter la considération et le
soutien juridique et moral dont les forces de l'ordre en général, et la
gendarmerie en particulier, ont aujourd'hui le plus besoin.
Ce que je viens de dire à propos de la professionnalisation, de la
gendarmerie, des procédures trop lourdes contre la délinquance et de la
stabilisation nécessaire de la société pose par votre intermédiaire, monsieur
le secrétaire d'Etat, une question d'éthique fondamentale à votre gouvernement
et à sa majorité.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
M. le sénateur de Gaulle vient de prononcer un exposé
général d'importance qui mériterait une réponse de plus de quelques minutes.
Il est vrai que l'on a pu, comme l'a d'ailleurs rappelé M. Autexier tout à
l'heure, s'opposer sur la conception de l'armée : armée de métier ou armée de
conscription ? Certes, en 1940, l'armée française était une armée de
conscription et il y a eu défaite ; mais en 1914-1918 la France disposait aussi
d'une armée de conscription et il y a eu victoire.
L'histoire permanente de la nation et de son armée, de ce que j'appelle
aujourd'hui son « grand système public de défense nationale », mérite que l'on
examine attentivement les moyens que l'on peut lui donner - c'est ce que vous
faites ce soir - et que, dans le même temps, on procède à une analyse de la
nature de notre société actuelle.
De grands mouvements d'histoire ont traversé le XXe siècle, des débats
importants ont eu lieu. La France a payé largement le prix de sa
reconstruction, de sa rénovation, à la suite des deux grandes guerres mondiales
et des guerres coloniales, qui l'ont appauvrie. Mais, à chaque fois, la nation
française a fait montre de volonté. Je crois que nous pouvons, les uns et les
autres, convoquer au banc de l'histoire les responsabilités des uns et des
autres, mais nous pouvons aussi faire l'effort de retrouver quelques notions
qui nous rassemblent.
M. Philippe de Gaulle.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. de Gaulle.
M. Philippe de Gaulle.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne répondrai pas aux propos que vous venez
de tenir et dont je vous suis obligé. En revanche, je me permettrai
d'intervenir ultérieurement en explication de vote sur le titre V.
M. le président.
La parole est à M. Branger.
M. Jean-Guy Branger.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma
question concernera une arme qui demeure - et j'espère pour toujours - sous
votre autorité : la gendarmerie. Cette arme connaît aujourd'hui un certain
nombre de problèmes. En raison de la gravité de la crise et de la difficulté de
la mise en place des solutions, je ne souhaite pas me lancer dans des analyses
polémiques. Mais je souhaite attirer votre attention sur un aspect peu connu
des questions sociales qui se posent à la gendarmerie, une arme où les
instances de dialogue social avaient été jusqu'ici performantes.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande de considérer mon intervention
comme une réelle réflexion et non pas comme une attaque dans le cadre d'un
examen budgétaire conformiste.
Le pays le sait, le pays le pensait depuis longtemps, les gendarmes ont une
vie dure ; mais précisément parce qu'ils ont une vie dure en termes d'horaires,
de danger, de contraintes familiales, morales et psychologiques, ma question se
centrera sur le moment où les gendarmes, très attachés à leur arme, doivent
quitter celle-ci.
Lors du passage à la retraite, dont nous savons qu'au sein de la gendarmerie
il peut s'effectuer à des âges très différents - et plus nous avançons, plus je
constate que des sous-officiers, voire des officiers, quittent l'arme -
s'est-on bien assuré que tous les moyens pour permettre à ces fonctionnaires
qui n'ont pas compté leurs heures, qui n'ont pas compté leurs contraintes et
leurs frustrations ont bien été mis en oeuvre pour que leur transition vers le
monde civil s'effectue dans les meilleures conditions ?
Autrement dit, monsieur le secrétaire d'Etat, n'y a-t-il pas lieu, parmi les
mesures d'apaisement et de modernisation à prendre en faveur de la gendarmerie,
d'assurer aux retraités, qu'ils soient encore presque dans la force de l'âge ou
qu'ils atteignent l'âge normal de la retraite, qu'ils rentrent dans une vie
pratiquement différente avec le maximum de protection, d'assurance et de
bienveillance de leur ancienne autorité qu'est la gendarmerie nationale ?
La question ne se pose pas seulement en termes de formation professionnelle
complémentaire ou d'insertion préretraite : elle se pose en termes de mise au
point d'un suivi psychologique et humain des futurs retraités de la
gendarmerie.
Vous le savez comme moi, monsieur le secrétaire d'Etat, les personnels
militaires qui quittent la gendarmerie la quittent sur le plan administratif
sans la quitter sur le plan affectif.
Comme élu local depuis très longtemps et en tant qu'élu national depuis
presque aussi longtemps, j'ai toujours pensé qu'il y avait là une
caractéristique qui valait enseignement non seulement pour l'ensemble de la
fonction publique, mais, pourrait-on dire, pour la société en général.
La fidélité aux années passées au service d'une administration, fût-elle
militaire, doit se voir, en quelque sorte, non pas récompensée, mais entérinée
et acceptée par la mise en place de mesures nouvelles où, au-delà de la fin
administrative d'une carrière, l'employeur continue à veiller sur le devenir de
ceux qui l'ont servi.
En un mot, monsieur le secrétaire d'Etat, ma question est fort simple : la
crise actuelle de la gendarmerie n'est-elle pas l'occasion d'un défi pacifique
et démocratique dans lequel on pourrait trouver de nouvelles solutions, y
compris à l'égard de ce problème dont je vous parle ce soir, à savoir le
passage de la vie militaire à la retraite pour des milliers de gendarmes chaque
année ?
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Je remercie M. Branger de la qualité de sa question,
car, au moment où l'on débat du problème de la gendarmerie, il faut savoir,
surtout à l'heure actuelle, garder sagesse et sérénité.
Ainsi, les gendarmes sont des militaires, et je pense que nous sommes nombreux
ici à penser qu'ils doivent garder ce statut.
(Marques d'approbation sur
différentes travées).
M. Philippe Richert.
Oui !
M. Jean-Guy Branger.
Toujours !
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Ce faisant, les gendarmes devraient pouvoir
bénéficier de tout ce qui a été mis en place au niveau de nos armées en matière
de reconversion. En effet, la professionnalisation de nos armées nous a obligés
à créer des cellules de reconversion et à mettre en oeuvre les moyens
financiers et techniques permettant d'assurer cette reconversion de manière
efficace, car débouchant sur des emplois effectifs. Or peu de gendarmes
utilisent cette faculté. Peut-être souffrent-ils ici d'un manque
d'informations. Or, actuellement, 17 000 militaires ont bénéficié de ces moyens
de reconversion. Aussi et comme nous allons entrer dans une phase importante
d'information de la gendarmerie, il faudra peut-être insister auprès des
gendarmes sur cette possibilité qui leur est accordée.
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le secrétaire d'Etat, sans vouloir être désobligeante, j'aurais
apprécié que M. le ministre de la défense soit présent pour me répondre. Je me
console en pensant que mon ami Jean-Claude Sandrier, député, doit lui poser ce
soir la même question à l'occasion de la discussion du projet de loi de
finances rectificative pour 2001 !
(Sourires.)
En juin dernier, le projet de transformation de la direction des constructions
navales, la DCN, en société anonyme était largement remis en cause par les
personnels et par différents élus des sites concernés.
Les élus communistes l'ont également contesté ; ils soutiennent qu'une
entreprise publique peut devenir de plus en plus efficace.
Devant ce mécontentement unanime des personnels et des syndicats, M. le
ministre de la défense avait indiqué sa volonté de repenser le projet, et il
était revenu à l'idée d'une entreprise nationale détenue par l'Etat. Il avait
ainsi annoncé l'ouverture d'une négociation d'ensemble avec les différents
acteurs concernés, en particulier les syndicats.
Cependant, alors que cette négociation semble pour le moins laborieusement
engagée, brusquement, un article - l'article 36 - du projet de loi de finances
rectificative pour 2001, examiné ce soir par l'Assemblée nationale, vient
provoquer inquiétudes, incompréhension et oppositions.
Hier encore, sur tous les sites concernés avait lieu une journée d'action ;
elle a rencontré un vif succès. Par exemple, à Lorient, sur un effectif de 2
000 salariés, 1971 personnes ont observé un arrêt de travail. C'est que réduire
la discussion à un article unique d'une loi de finances rectificative
n'apparaît pas à la mesure du problème et, à notre avis, n'est pas convenable.
Ainsi, trop peu de précisions sont apportées sur la nature même du contrat
entre la direction des constructions navales et l'Etat.
Non, monsieur le secrétaire d'Etat, il nous semble souhaitable que le sort de
la direction des constructions navales fasse l'objet d'un projet de loi à part
entière, examiné par le Parlement.
Mais, outre la forme, le fond pose également problème.
Il s'agit de savoir en quoi le changement de statut qui est proposé pour la
direction des constructions navales peut véritablement aboutir. Voici ce à quoi
il devrait conduire selon le groupe communiste républicain et citoyen.
Tout d'abord, il devrait permettre le maintien des emplois pour les personnels
d'aujourd'hui et de demain, dans cette branche d'activité comme dans les
entreprises de sous-traitance.
Ensuite, il devrait favoriser une gestion plus démocratique de l'entreprise.
Or, je vous pose la question, monsieur le secrétaire d'Etat, en quoi les cadres
et les salariés seraient-ils plus une partie prenante motivée et associée aux
orientations majeures de l'entreprise avec le statut que vous préconisez ?
De plus, un tel changement de statut devrait conduire à une consolidation
industrielle de la construction navale militaire française, un secteur pour
lequel nous devons avoir de l'ambition et une volonté nationale, comme l'a dit
précédemment mon ami M. Autexier.
Il est donc possible, dans le cadre d'une société nationale d'Etat, de changer
le statut de l'entreprise. Mais un tel changement ne peut pas être discuté sans
être accompagné de garanties pour le statut des personnels. Encore faut-il
aussi que l'Etat s'engage à commander les armements à cette entreprise.
Enfin, ce changement devrait, selon nous, privilégier un développement des
coopérations utiles et nécessaires avec d'autres industriels français et
européens, notamment. Sur ce point, justement, où en est-on de l'alliance entre
la direction des constructions navales et Thales dans la mise en place de la
SSDN, la société de systèmes de défense navale ? Plus globalement, monsieur le
secrétaire d'Etat, en quoi le changement de statut que vous voulez mettre en
oeuvre peut-il rendre plus cohérente et plus efficace notre industrie
d'armement naval ? En quoi permet-il à la France de mieux réorienter ses choix
dans le cadre d'une politique de sécurité et de défense tout à la fois
nationale et européenne ?
Cette réorientation par rapport aux grandes orientations définies en 1996 par
le Président de la République lors de la suppression du service militaire -
mesure que nous avons, pour notre part, largement désapprouvée - nous apparaît
d'autant plus nécessaire au vu des évolutions récentes et des défis nouveaux
qui apparaissent en ce début de xxie siècle.
Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'Etat, alors que nous sommes à la
veille d'une fin de session parlementaire qui prendra fin en février et que le
temps manque pour organiser la véritable concertation que tous les syndicats
réunis demandent, ne serait-il pas souhaitable de retirer cet article du projet
de loi de finances rectificative pour 2001 ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Madame la sénatrice, je vais m'efforcer d'être à la
hauteur de la tâche.
(Sourires.)
Mme Hélène Luc.
Mais vous n'êtes pas en cause, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Certes, madame. D'ailleurs, vous avez posé un problème
qui m'intéresse au plus haut point, celui de la transformation d'une entreprise
très ancienne - Colbert en parlait déjà ! - en société, certes détenue à 100 %
par l'Etat, mais société tout de même, soit une forme juridique qui lui
permette d'être au goût du jour pour ce qui est de ses possibilités de
performances industrielles. Et peut-on parler de performances industrielles
sans, dans le même temps, aborder le problème du statut des personnels,
c'est-à-dire de ceux qui, en fait, permettent la création de richesse ?
Vous avez raison, la transformation du statut de cette entreprise
particulière exige, bien évidemment, des garanties supplémentaires fortes pour
les personnels.
Mme Hélène Luc.
Absolument !
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
A cet égard, M. Alain Richard s'était, dès l'annonce
du 6 juillet, engagé formellement sur le principe du maintien de leurs statuts
à l'ensemble des personnels, qu'ils soient ouvriers d'Etat, fonctionnaires ou
contractuels. D'ailleurs, la mise à disposition des ouvriers et des
fonctionnaires est le gage absolu de la continuité de statut.
Quant aux contractuels, M. Alain Richard avait décidé qu'ils conserveraient
pendant une période de cinq ans, à compter de leur recrutement par la société
d'Etat, le droit de revenir sur un emploi vacant correspondant à leur
qualification dans un établissement du ministère de la défense.
En fait, l'essentiel des dispositions applicables aux personnels relève des
textes réglementaires que le ministre souhaite être en mesure de présenter aux
organisations syndicales dans les prochains jours. Nous continuons en effet à
travailler, madame Luc, même si nous arrivons à la fin de la session
parlementaire et à la fin de la législature. Nous continuons !
Mme Hélène Luc.
Je n'ai pas dit le contraire !
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
J'avais cru comprendre que cette circonstance
particulière de fin de session signifiait, pour vous, l'interruption des
discussions. Il n'en est rien : le Gouvernement a encore jusqu'au mois de juin
pour travailler !
M. Jacques Mahéas.
Et même après !
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Et même après, en effet !
M. Gérard Braun.
Ça, c'est moins sûr !
M. Michel Caldaguès.
Je ne prendrais pas les paris, monsieur le secrétaire d'Etat !
Mme Hélène Luc.
Nous l'espérons, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
C'est quasiment certain !
Donc, le Gouvernement va continuer à travailler à la transformation de
l'entreprise en entreprise nationale détenue à 100 % par l'Etat. Il est évident
que les bénéfices de l'histoire de l'entreprise nous permettent d'assurer et
d'assumer la continuité industrielle. Notre objectif est de garantir
l'autonomie industrielle de l'Europe dans ce secteur stratégique. Ainsi,
l'entreprise nationale pourra participer au mouvement de consolidation de
l'industrie navale de défense européenne en créant des filiales, et des
sociétés communes, qui lui permettront de développer, grâce, notamment, à un
partenariat avec des industriels français et étrangers du secteur, de nouveaux
produits et des projets de coopération.
Le programme qui est prévu actuellement pour la transformation de la DCN nous
permet d'espérer - nous le souhaitons ardemment - que cet ensemble industriel
puisse assurer la continuité d'une construction navale d'importance et de
qualité.
Mme Hélène Luc.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je continue à penser que cette transformation
ne peut pas se faire dans de bonnes conditions, non pas pour des raisons de
calendrier parlementaire, mais parce que la méthode choisie n'est pas la bonne
: ce n'est pas d'un article introduit dans un projet de loi de finances
rectificative que nous avons besoin ; nous réclamons un projet de loi à part
entière ! La concertation n'est pas du tout au niveau désiré. Mais les salariés
jugeront !
M. le président.
La parole est à M. Rouvière.
M. André Rouvière.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mon propos se limitera au budget de la
gendarmerie qui, pour 2002, fait apparaître des avancées très importantes, et
dans de nombreux domaines.
M. Jean-Jacques Hyest.
On s'en aperçoit !
M. André Rouvière.
M. le ministre les a expliquées et commentées : c'est un bon budget, et c'est
même l'un des meilleurs de ces dernières décennies.
Logiquement, il devrait entraîner un large consensus, ici et dans le pays.
Paradoxalement, il n'en est rien. Les gendarmes et leurs épouses manifestent
leur mécontentement d'une façon inhabituelle.
Les revendications exprimées ne sont pas toutes, il est vrai, d'ordre
budgétaire. Elles puisent souvent leur origine dans l'accumulation de faits, de
comportements, de situations mal comprises et, surtout, mal vécues.
Il faut bien constater qu'un bon budget ne peut pas être la seule réponse au
malaise actuel.
J'évoquerai trois problèmes, qui peuvent paraître mineurs, mais qui
compliquent parfois beaucoup l'existence des gendarmes et de leur famille. Je
souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous puissiez m'indiquer si
vous pensez pouvoir leur apporter une réponse.
Le premier problème tient au non-remplacement des gendarmes absents. Dans les
petites brigades rurales, cette situation est souvent vécue de manière
dramatique, car ceux qui restent voient leur charge de travail alourdie, au
point de rendre difficiles et parfois impossibles les départs en congé ainsi
que le respect du temps normal de repos.
Le deuxième problème vient de ce que la mobilité nécessaire ignore trop
souvent les contraintes du calendrier scolaire. Il me semble qu'il serait
facile de mieux coordonner le tout.
Le troisième problème est dû au découragement que ressentent les gendarmes
face à des délinquants qui ne sont pas poursuivis avec le même état d'esprit
par la justice et par la gendarmerie. Cette situation, qui n'est hélas ! pas
exceptionnelle, crée chez les jeunes délinquants un sentiment d'impunité qui ne
favorise ni le travail du gendarme ni le respect du gendarme.
La peur du gendarme est remplacée aujourd'hui, et de plus en plus, par la peur
du délinquant. Ce dernier n'hésite plus à frapper plus fort et plus souvent. Le
sentiment d'impunité est comme une drogue qui conduit parfois à
l'irréparable.
Face à cette situation, les gendarmes ont de plus en plus le sentiment d'être
seuls, incompris et impuissants, quand ils ne se considèrent pas comme des
victimes potentielles.
Il me paraît indispensable de mettre en place des instances de dialogue et de
concertations entre les représentants respectifs de la justice et de la
gendarmerie. La complémentarité des actions en sortirait très certainement
renforcée. Qu'en pensez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat ?
En conclusion, je précise, au nom du groupe socialiste, que j'approuve vos
propositions budgétaires, car ce sont de bonnes propositions. Et je regrette
très sincèrement que ce budget positif ne soit pas reconnu comme tel par la
majorité sénatoriale. C'est une grave erreur, à mes yeux, de banaliser, par un
rejet, un budget qui devrait apparaître comme un signe fort en direction de la
gendarmerie.
Ce budget, exceptionnel par son importance, le groupe socialiste le soutient.
C'est, pour lui, le moyen d'apporter son appui aux gendarmes et de rendre,
d'une façon positive, hommage à leur travail, à leur mission et à leur
responsabilité.
M. Philippe François,
rapporteur pour avis.
Nous n'avons pas encore voté !
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le sénateur, vous posez une question d'une
actualité brûlante qui nous invite à réfléchir une fois encore à l'organisation
des services chargés de la protection des citoyens, c'est-à-dire les services
de police et les services de gendarmerie.
Il est vrai que le fonctionnement de la gendarmerie, notamment les
remplacements, ne va pas sans difficultés, particulièrement dans les petites
brigades ou dans les brigades du monde rural. Même si on a procédé à des
recrutements qui sont importants vus de Paris, ils peuvent s'avérer
insuffisants sur le terrain, dans nos provinces. Pourtant, 500 gendarmes ont
été recrutés en 2000 et 500 en 2001 ; il y en aura 700 en 2002, sans compter le
programme 2002-2004, qui permettra d'engager 3 000 gendarmes.
Est-ce suffisant ? Peut-être pas, si nous ne réorganisons pas en même temps le
fonctionnement des compagnies et des brigades de gendarmerie. Une nouvelle
concertation est également nécessaire, c'est vrai, et, ce soir, le Premier
ministre, Lionel Jospin, a demandé à Alain Richard, ministre de la défense, de
reprendre les discussions avec les représentants des gendarmes. Des instances
de concertation existent ; peut-être devraient-elles être utilisées mieux et
davantage.
Les instructions données par le Premier ministre nous permettront assurément
de relancer le nécessaire dialogue, car, pas plus que vous, nous ne pouvons
supporter que des militaires en uniforme manifestent dans la rue ; en même
temps que des avantages, leur statut particulier comporte des contraintes.
M. Jacques Mahéas.
Tout à fait !
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Il n'empêche que la discussion sur les conditions de
travail, mais aussi sur les conditions de rémunération, est devenue nécessaire.
En effet, l'une des revendications des gendarmes porte sur les primes qui
pourraient être ajoutées à leur solde. Un effort a déjà été consenti ; s'il
faut un effort supplémentaire, comme l'a demandé tout à l'heure le Premier
ministre, il faudra le faire.
Enfin, monsieur le sénateur, vous avez porté une appréciation sur la société
d'aujourd'hui et sur le développement de la délinquance. Les causes en sont
connues, partiellement du moins en effet, si elles étaient bien connues, il y a
longtemps qu'on aurait mis fin à ce phénomène !
Notre société est une société de liberté, mais aussi une société dans laquelle
certains citoyens méconnaissent leurs devoirs ; c'est le cas notamment de
certains jeunes, mais pas seulement : les délinquants arrêtés par la police et
la gendarmerie parce qu'ils brûlaient des voitures - cela s'est passé dans une
ville de ma région que je connais bien - étaient non pas des jeunes gens de
quinze ou dix-huit ans, mais des jeunes adultes de près de trente ans. C'est
bien le signe d'un problème tout à fait particulier, propre à notre société.
Pour en revenir à la gendarmerie nationale, il faut reprendre les discussions,
notamment au sein des instances prévues à cet effet que Jean-Pierre
Chevènement, alors ministre de la défense, avait mises en place lorsqu'il
s'était heurté - déjà ! - à cette difficulté. Elles avaient porté leurs fruits
peut-être faut-il maintenant les rénover.
M. le président.
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
siégeant depuis quinze ans au Sénat, je crois pouvoir dire que ce débat sur la
gendarmerie nous donne l'illustration que la formule « liturgie, litanie et
léthargie » - et j'ajouterai « langue de bois » ! - peut s'appliquer à
certaines de nos discussions budgétaires !
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Ne dites pas cela !
M. Hubert Haenel.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je me demande sincèrement si le Gouvernement a
conscience de la gravité de la situation et du danger qu'elle comporte. C'est
pourquoi je trouve notre discussion assez surréaliste.
Voilà en effet une institution qui est un modèle républicain de
professionnalisme, de réactivité, d'adaptabilité, qui fait preuve du meilleur
esprit ; voilà des personnels assurant leur mission en tout temps, en tout lieu
et en toute circonstance ; voilà un modèle considéré en Europe et dans le
monde. Et puis, patatras ! Cela se transforme en gâchis, il faut bien le dire
!
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne me connaissez peut-être pas, mais je ne
suis pas de ces politiciens qui jettent de l'huile sur le feu. Je connais
parfaitement bien cette arme, et depuis fort longtemps. La situation est d'une
gravité exceptionnelle.
Pourquoi les gendarmes en sont-ils arrivés là ? D'abord, parce que le
Gouvernement et les milieux politiques, notamment, ont manqué de discernement
et ont cru que les gendarmes tiendraient, qu'ils n'iraient pas jusqu'à
descendre dans la rue.
Or, aujourd'hui, on estime à près de 15 000 le nombre des gendarmes qui ont
défilé dans les différentes villes de France, avec leur matériel, leur
armement, en uniforme, parfois même le képi sur la tête.
(Murmures sur les
travées socialistes.)
C'est absolument inadmissible !
M. Maurice Blin,
rapporteur spécial.
C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Hubert Haenel.
Quel est le contexte ? Le contexte, c'est le matérialisme, le corporatisme,
l'ambiance molle des 35 heures, la contagion, la braderie des avantages, des
statuts et des primes que l'on obtient dans la rue, le sentiment que les
braillards, les porteurs de pancartes et ceux qui tiennent le haut du pavé
obtiennent ce qu'ils veulent parce qu'ils sont dans la rue et qu'ils empêchent
les trains de circuler...
M. François Trucy,
rapporteur spécial.
C'est sûr !
M. Hubert Haenel.
Les gendarmes sont fatigués depuis longtemps, usés, lassés ; ils ont perdu
confiance. La gendarmerie, cette belle institution, est entraînée dans une
spirale dépressive grave qu'il faut absolument arrêter, et non pas seulement
parce que les gendarmes sont dans la rue ! Vous ne pouvez pas laisser la
chienlit s'installer. Aucun d'entre nous, sur quelque travée qu'il siège, ne
peut admettre un seul instant pareille chose. Cela me rappelle une autre époque
et les comités de soldats !
La gendarmerie, cette si belle institution, a été maltraitée, elle est en
danger. Il faut se demander pourquoi les gendarmes ont franchi la ligne
blanche.
Bien sûr, ils ont des revendications tout à fait légitimes, notamment pour ce
qui concerne les primes. Mais, surtout, on leur montre le mauvais exemple !
Laisser des magistrats annoncer qu'ils n'appliqueront pas la loi,...
M. François Trucy,
rapporteur spécial.
Eh oui !
M. Hubert Haenel.
... une loi antiterroriste que nous avons adoptée à la quasi-unanimité, c'est
inadmissible !
M. Jacques Mahéas.
C'était un seul magistrat !
M. Hubert Haenel.
N'oublions pas que les magistrats sont les supérieurs hiérarchiques des
gendarmes pour leurs compétences de police judiciaire. Comment voulez-vous, dès
lors, pouvoir rappeler la gendarmerie à l'ordre ?
Il est d'autres causes, plus profondes. On a introduit une certaine
hétérogénéité dans la gendarmerie en créant, parce qu'on n'avait pas les moyens
de recruter de vrais gendarmes, le corps des gendarmes adjoints. On a fidélisé
les escadrons - j'aurai d'autres occasions de revenir sur ce sujet. On a
l'impression que, insidieusement, on est en train de démilitariser la
gendarmerie. Peut-être pourrez-vous me prouver le contraire, monsieur le
secrétaire d'Etat, et prendre des engagements sur ce point.
Je ne reviendrai pas sur le thème de l'insécurité grandissante, qui a déjà été
abordé ; mais ce sont trop souvent les policiers et les gendarmes qui paient le
prix de ce que l'on pourrait appeler le désarmement de l'Etat.
J'ai évoqué les magistrats. Dans un rapport que j'ai rédigé il y a trois ans,
je dénonçais certains comportements de suzerain à vassal que l'on pouvait
observer entre quelques magistrats et les gendarmes ou les policiers. Le
malaise d'aujourd'hui tient aussi à cela : appelons un chat un chat ! Il faudra
bien qu'un jour nous nous saisissions de ces questions.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ne croyez pas que l'on réglera les problèmes de
la gendarmerie, comme de la police, d'ailleurs, par de simples mesures
statutaires et par le budget. Il faut étudier le problème au fond et définir ce
que l'on attend de la gendarmerie, l'organisation que l'on met en place, les
moyens qu'on lui octroie. Le problème essentiel est là.
A force de ne plus porter l'estime et la considération que l'on doit à ceux
qui exercent les fonctions les plus éminentes, les plus complexes et les plus
dangereuses de l'Etat, voilà à quelle situation on arrive.
Cela signifie, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, que, dans notre pays, l'Etat est en piteux état.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le sénateur, nous nous sommes déjà croisés
dans différentes commissions mixtes paritaires, nous avons travaillé sur des
sujets communs, et vous savez très bien que la langue de bois n'est pas tout à
fait mon fort !
M. Hubert Haenel.
Le mien non plus !
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Alors, ne me faites pas ce reproche-là !
Il peut arriver que l'on s'égare dans certaines analyses politiques ou
économiques ; mais là, ce n'est pas le cas. Vous avez parlé d'un sujet sérieux,
qui préoccupe le Gouvernement, les assemblées parlementaires et l'ensemble des
Français.
Il est vrai que ce n'est pas en inscrivant une prime supplémentaire au budget
que l'on réglera les problèmes, car il s'agit de problèmes de fond, de
problèmes de société.
M. Jean Arthuis.
Les 35 heures !
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
C'est pourquoi le Gouvernement va tout de même
répondre favorablement à l'une des demandes prioritaires des gendarmes,
l'amélioration de leur solde, ne serait-ce que pour améliorer le niveau de vie
de leurs familles.
M. Jean Arthuis.
Ils travaillent cinquante heures, sinon soixante !
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
C'est à vérifier, monsieur Arthuis ; ce n'est pas le
cas partout, dans toutes les brigades, ni dans toutes les compagnies.
Le Gouvernement a donc déposé un amendement visant à majorer de 800 millions
de francs les crédits déjà inscrits dans le projet de loi de finances au titre
des mesures salariales et indemnitaires.
Nous voulons également réduire le temps d'obligation professionnelle de tous
les militaires appartenant à des unités qui peuvent bénéficier d'une telle
mesure. Car, si un certain nombre de gendarmes effectuent des horaires qui
peuvent paraître indignes - et ce sont eux que l'on met en avant - on ne parle
pas des autres, de ceux dont les heures de travail sont convenables.
Un plan catégoriel de grande ampleur a été mis en place. Les gendarmes
observeront avec intérêt ce qui se passe ce soir au Sénat, et, compte tenu de
ce que vous avez dit, je crois, monsieur le sénateur, que vous voterez le titre
III qui vous sera proposé tout à l'heure !
M. Hubert Haenel.
Sans commentaire !
M. le président.
La parole est à M. Del Picchia.
M. Robert Del Picchia.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, si,
parlant le dernier, je devais faire un bilan ultra-rapide, ce serait le
suivant.
Pour le matériel : insuffisance notoire. Et si je devais ajouter un
commentaire : doit absolument mieux faire.
Pour les hommes : malgré des améliorations, mauvaise humeur manifeste et
inquiétude pour l'avenir.
Alors, insuffisance des crédits ? Certes !
Monsieur le secrétaire d'Etat, répondant à Mme Luc, vous avez confirmé la
transformation de la DCN en 2003, comme l'avait annoncé M. Richard. D'ici là,
que va-t-il se passer ? Nous ne sommes qu'en 2001 !
Aujourd'hui, je crois même en ce moment se discute à l'Assemblée nationale la
réforme du statut de la DCN. Mais que faire d'une DCN qui a des hommes, mais
pas de contrat de vente à l'exportation ?
A ce sujet, nous savons qu'un marché vital pour elle est sur le point
d'aboutir - ou peut-être d'échouer -, je veux parler de la vente de deux
sous-marins Scorpène à la Malaisie.
Kuala Lumpur pose à la France, pour autant que nous soyons informés, une
condition simple à satisfaire : l'obtention de deux créneaux aériens
supplémentaires par semaine, à Roissy, pour sa compagnie d'aviation. Pour
l'instant, à notre connaissance, c'est toujours un « non » de la direction
générale de l'aviation civile et du ministre des transports, votre collègue M.
Gayssot.
On peut lire dans les journaux qu'une solution serait en vue avec
l'attribution d'un slot - c'est-à-dire d'un créneau aérien - cette année, et
peut-être d'un second l'année prochaine. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous
aimerions beaucoup savoir ce qu'il en est réellement et, si un accord est
intervenu, quel il est. Les Malaisiens le disent et le répètent : ils ne
veulent plus de promesses, ils veulent des gestes concrets.
Or, monsieur le secrétaire d'Etat, vous le savez, ce marché est très important
pour la DCN : il représente 1 500 emplois pendant cinq ans.
Il faut faire vite, car la Malaisie risque de se tourner vers le concurrent
allemand, qui n'attend que cela. HDW est un concurrent très sérieux, vous le
savez, auquel la DCN tient tête, pour l'instant en tout cas. C'est d'autant
plus important que le marché des sous-marins classiques constituera à l'avenir
la majeure part des ventes d'équipements navals.
Je n'ai malheureusement pas eu l'occasion de poser la question à M. Gayssot,
qui, cependant, ne semble avoir aucune bonne raison de refuser. Où en est la
solidarité gouvernementale ? L'avez-vous convaincu, ou faudrait-il l'arbitrage
du Premier ministre ?
Pour ce qui est de l'équipement, monsieur le secrétaire d'Etat, la bonne
nouvelle du sommet de Nantes a été la confirmation par les Allemands de leur
participation à la réalisation de l'avion de transport A 400 M et l'annonce de
l'achat de soixante-treize exemplaires. Mais le « oui » des Allemands, décisif
pour le projet, semble subordonné au prix.
Le Chancelier Schröder l'a dit aux autorités françaises à Nantes : l'Allemagne
estime que le prix d'EADS est surfait, et elle est en train de le négocier à la
baisse. Risque-t-on un échec, qui serait très grave pour un projet,
irréalisable sans l'Allemagne ?
Quant aux hommes, monsieur le secrétaire d'Etat, sans revenir sur l'actualité
- mes collègues l'ont fait beaucoup mieux que je ne pourrais le faire - on ne
peut qu'être inquiet, et vous devez l'être aussi. Les manifestations d'hier et
d'aujourd'hui sont à prendre avec beaucoup de gravité. Le gendarme est un
repère pour la population, pour la société. La complainte du gendarme s'est
transformée en révolte. Aujourd'hui, la situation est grave, et même très
grave.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'indiquerai en conclusion que, pour cette
dernière année de la professionnalisation des armées, l'insuffisance des
crédits, mais aussi leur utilisation discutable, font qu'aujourd'hui les moyens
présentés ne sont pas à la hauteur des ambitions.
Le projet de budget de la défense pour 2002 ne permet pas à la France de
préparer la prochaine loi de programmation militaire, de garantir la sécurité
de son territoire et d'assurer le respect de ses engagements internationaux.
C'est pourquoi je le rejetterai, à regret.
(Applaudissements sur les travées
du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Le marché porte sur la vente d'un sous-marin
d'occasion et de deux sous-marins neufs. Les négociations avec la Malaisie sont
en cours, et vous connaissez, monsieur le sénateur, les contraintes qui
s'imposent à nous.
A cet égard, nous ne vendons pas que des navires, nous vendons aussi des
services. Ainsi, je puis vous assurer que le problème lié à l'octroi d'un
créneau d'atterrissage à la compagnie aérienne malaisienne que vous avez
évoquée est en voie de trouver une issue favorable. Nous y travaillons
actuellement avec le ministère de l'équipement, des transports et du
logement.
En fait, c'est tout un ensemble de négociations que nous menons avec la
Malaisie. Le ministère de la défense malaisien a ainsi retenu la DCN et son
partenaire espagnol IZAR pour la construction du sous-marin Scorpène, après
avoir examiné les offres allemande et néerlandaise. Les négociations
financières et techniques s'achèveront bientôt, et je crois que nous pourrons
signer le contrat correspondant avec la Malaisie dans le courant du premier
trimestre de 2002.
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère
de la défense et figurant aux articles 31 et 32.
Article 31