SEANCE DU 5 DECEMBRE 2001
M. le président.
« Art. 78. - I. - Au premier alinéa de l'article 12 de la loi n° 96-1093 du 16
décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses
mesures d'ordre statutaire, la date : "31 décembre 2001" est remplacée par la
date : "31 décembre 2002".
« II. - Aux articles 14, 31 et 42 de la même loi, l'année : "2001" est
remplacée par l'année : "2002".
« III. - L'article 2 de l'ordonnance n° 82-298 du 31 mars 1982 relative à la
cessation progressive d'activité des agents titulaires des collectivités
locales et de leurs établissements publics à caractère administratif est ainsi
modifié :
« 1° Au cinquième alinéa, le taux : "0,3 %" est remplacé par le taux : "0,5 %"
;
« 2° Après le sixième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les besoins de trésorerie du fonds de compensation de cessations
progressives d'activité peuvent être couverts pour l'année 2002 par des
ressources non permanentes dans la limite de 150 millions d'euros. »
L'amendement n° II-32, présenté par M. Braun, au nom de la commission des
finances, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Gérard Braun,
rapporteur spécial.
La commission des finances propose de supprimer
l'article 78.
Je rappelle que le congé de fin d'activité, ou CFA, permet aux agents publics,
titulaires ou non, âgés d'au moins cinquante-huit ans ou de cinquante-six ans
s'ils justifient de quarante annuités de cotisation et de quinze années de
service de prendre une retraite anticipée.
L'année dernière, la commission des finances avait déjà attiré l'attention du
Sénat sur les deux points suivants.
En premier lieu, ce dispositif étant reconduit chaque année depuis 1997, il
convient de s'interroger sur les raisons pour lesquelles il n'est pas soit
pérennisé, soit inscrit dans la version initiale du projet de loi de finances.
Il semble qu'il constitue, pour le Gouvernement, un élément important dans
l'optique de ses négociations avec les organisations syndicales de
fonctionnaires.
En second lieu, la reconduction du CFA apparaît de plus en plus en
contradiction avec l'allongement nécessaire des durées d'activité, qui
permettra de faire face aux évolutions démographiques, dont les conséquences
seront extrêmement importantes pour le financement des systèmes de retraite.
Nous estimions donc, l'année dernière, que le dispositif ne devrait plus être
reconduit à l'occasion de la discussion budgétaire de l'année suivante.
Le Gouvernement n'ayant rien modifié de ses habitudes passées, la commission
des finances vous propose, mes chers collègues, de mettre en oeuvre les
principes qu'elle avait affirmés l'année dernière et, par conséquent, de
supprimer l'article 78.
Je voudrais ajouter que le taux d'activité des personnes âgées de plus de
cinquante-cinq ans est déjà extrêmement bas en France, plus faible que dans
tous les autres pays européens. Il nous paraîtrait donc tout à fait illogique
de persister à ouvrir la possibilité de ne plus travailler à partir de cet âge,
voire plus tôt, surtout eu égard aux difficultés démographiques qui nous
attendent. Nous ne pouvons plus continuer dans cette voie.
Enfin, le Gouvernement prévoit que, dans la fonction publique, il sera
possible de prendre sa retraite lorsque l'on a travaillé pendant quarante ans,
alors qu'il a rejeté une proposition émanant de certaines composantes de la
majorité plurielle et visant à ouvrir cette même faculté aux salariés du
privé.
M. Jean-Jacques Hyest.
Ce n'est pas bien !
M. Gérard Braun,
rapporteur spécial.
Quelles sont les raisons d'une telle différence de
traitement ?
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
C'est
l'adoption d'un amendement du Gouvernement présenté en première lecture à
l'Assemblée nationale qui a permis de reconduire le CFA pour l'année
prochaine.
Je relève d'ailleurs que plusieurs membres de cette assemblée, certains
d'entre eux siégeant sur les travées de droite de l'hémicycle, ont manifesté,
par des courriers qu'ils m'ont adressés, leur attachement à ce dispositif.
Si le CFA n'a pas été pour l'heure pérennisé, c'est parce que nous souhaitons
que la pérennisation éventuelle d'un tel dispositif intervienne dans le cadre
d'une négociation globale et d'un remodelage de l'ensemble de nos systèmes de
retraites.
Quoi qu'il en soit, le CFA existe depuis quelques années dans le secteur
public, et nous ne voyons pas aujourd'hui de raison valable de l'abroger.
Inversement, nous ne voyons pas non plus de raison de l'appliquer dans le
secteur privé. Il en ira peut-être différemment demain, mais une telle décision
sera prise dans la perspective de la négociation d'une architecture nouvelle
des retraites, permettant principalement de conforter le principe de
solidarité, qui est fondamental dans le secteur privé comme dans le secteur
public, cette solidarité s'exprimant par le biais de l'inscription au budget de
l'Etat des crédits nécessaires au paiement des retraites.
Le Gouvernement est donc bien entendu défavorable à l'amendement de la
commission, et je demande au Sénat de reconduire le CFA, ce qui serait
peut-être conforme à la teneur des courriers qui m'ont été adressés par les uns
et par les autres !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-32.
M. Jacques Mahéas.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Voici venu le moment de prendre ses responsabilités. J'annonce d'ailleurs dès
à présent que le groupe socialiste demande un vote par scrutin public sur cet
amendement.
La commission des finances nous demande de supprimer le congé de fin
d'activité. Or cette prise de position radicale est assez illogique, car,
l'année dernière, elle nous proposait soit d'inscrire le financement du
dispositif dans le projet de budget, doit d'abroger le CFA : l'alternative
restait ouverte.
Dans la mesure où la situation budgétaire générale le permettrait, le groupe
socialiste du Sénat ne serait pas défavorable à la pérennisation. Il est
nécessaire qu'un gouvernement qui assume ses responsabilités opère des choix en
fonction du contexte, qui évolue bien évidemment chaque année. La conjoncture
économique est une réalité dont il faut quand même tenir compte !
Cela étant, je trouve difficile de ne pas accorder à des personnes âgées d'au
moins cinquante-six ans et comptant quarante annuités un petit avantage par
rapport à celles qui auront commencé à travailler plus tard mais qui pourront
partir en retraite après trente-sept ans et demi de service. A cet égard, le
congé de fin d'activité me semble permettre de compenser quelque peu une
injustice.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste ne votera pas cet amendement de
suppression de l'article 78. J'ajoute que l'on peut comprendre que certains
fonctionnaires aient du mal à assumer la fin de leur carrière. Leur
remplacement par des personnels plus jeunes irait d'ailleurs dans le sens de
nos collègues de la majorité sénatoriale, qui réclament souvent des
fonctionnaires motivés et disponibles. N'allez donc pas à l'encontre de vos
propres désirs, mes chers collègues !
M. Bruno Sido.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Sido.
M. Bruno Sido.
Je ne voudrais pas laisser ce débat se terminer sans vous avoir remercié,
monsieur le ministre, pour le décret que vous avez pris,...
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
C'est gentil
!
M. Bruno Sido.
... le « décret Sapin », qui a permis d'encadrer les négociations qui se
déroulent au sein de nos collectivités locales, en particulier dans les
conseils généraux. Nous avons ainsi pu expliquer à nos collaborateurs, avec
beaucoup de bonheur, que nous n'étions pas des « moins-disants sociaux » et que
nous aurions fait davantage si M. le ministre, avec son décret, ne nous en
avait pas empêchés.
(M. le ministre sourit.)
Or nous sommes légalistes
!
M. Jacques Mahéas.
Démagogie !
M. Bruno Sido.
Nous avons précisé que le principe selon lequel des embauches interviendraient
à la suite du passage aux 35 heures ne serait finalement pas plus respecté par
les collectivités locales que par l'Etat.
Cela étant, nous connaissons du moins, pour notre part, le nombre de nos
collaborateurs et celui des fiches de paie que nous établissons en fin de mois.
Je vous ai entendu dire, monsieur le ministre, que nous examinerions la
situation à la fin de l'année 2002 ; or il sera impossible de faire le point
puisque vous êtes incapable de nous préciser combien la France compte de
fonctionnaires d'Etat aujourd'hui.
M. Jacques Mahéas.
Et Tiberi ?
M. Bruno Sido.
En ce qui concerne les emplois-jeunes, leurs titulaires se trouvent dans une
position assez dramatique dans la mesure où ils ignorent ce que sera leur
avenir.
S'agissant du CFA, enfin, le Gouvernement prévoit d'accorder - et c'est à mon
sens une bonne chose - la retraite après quarante années de cotisation, mais
cela ne vaut que pour le secteur public. Son attitude est donc des plus
ambiguës.
En conclusion, j'indique que je voterai l'amendement de la commission des
finances.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-32, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 300 |
Nombre de suffrages exprimés | 299 |
Majorité absolue des suffrages | 150 |
Pour l'adoption | 187 |
Contre | 112 |
En conséquence, l'article 78 est supprimé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la fonction publique et la réforme de l'Etat.
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