SEANCE DU 14 DECEMBRE 2001
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Muzeau pour explication de vote.
M. Roland Muzeau.
Que dire de nouveau au terme de ce débat, si ce n'est que la commission des
affaires sociales continue à penser avec la majorité sénatoriale que ses
propositions sur le volet relatif aux licenciements et à la lutte contre le
travail précaire doivent repondre en priorité aux exigences du MEDEF,
considérant toujours que les remarques faites par les seules organisations
patronales sont les plus équilibrées ?
Au fil des amendements adoptés par la majorité sénatoriale, le projet de loi
de modernisation sociale - son titre II, surtout - a été déconstruit et vidé de
sa substance.
Cette situation est révélatrice de l'étendue des divergences d'approche que
nous pouvons avoir concernant la nécessité et l'utilité qu'il y a à faire
progresser la législation du travail.
Les avancées sensibles contenues dans ce projet de loi en matière de
licenciement économique, qu'il s'agisse de la définition plus stricte du
licenciement économique, de l'intervention en amont des salariés sur les
projets patronaux, du débat contradictoire et de l'obligation pour l'employeur
de motiver ses choix ou encore de la saisine du médiateur, notamment, sont
autant de mesures que vous avez supprimées, car « anti-économiques », selon
vous, et susceptibles de porter atteinte à votre théorie de l'employeur seul
juge.
Contrairement à vous, nous regrettons que ce projet de loi n'ait pas été plus
ambitieux concernant la réparation indemnitaire des licenciements, qui demeure
peu dissuasive, ou la nullité des licenciements et la réintégration.
Nous attendons que ce texte trouve des prolongements, qu'il soit suivi
notamment d'autres réformes pour prendre en compte les plus petits
licenciements économiques, les licenciements effectués dans les PME, pour
développer les droits et capacités d'intervention des salariés, comme nous y
invite la Commission européenne.
En l'état, il nous est impossible de voter ce texte tel qu'il a été modifié.
Nous espérons qu'une fois réécrit par l'Assemblée nationale et adopté
définitivement il trouvera à s'appliquer rapidement car, outre ses dispositions
de nature à prévenir les licenciements, il recèle d'autres mesures de progrès
social.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain
et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
groupe socialiste votera évidemment contre ce texte tel qu'il est issu des
amendements adoptés par la majorité sénatoriale.
L'attention s'est focalisée sur les nouvelles dispositions relatives aux
licenciements économiques et aux plans sociaux, sur lesquelles nous sommes,
sans surprise, en opposition totale. Mais ce projet de loi comporte aussi de
nombreuses dispositions qui sont attendues par nombre de nos concitoyens et qui
ne soulèvent pas
a priori
les mêmes passions.
Il est donc d'autant plus intéressant de constater que, là aussi, la majorité
sénatoriale ne laisse rien passer qui pourrait si peu que ce soit aller à
l'encontre des intérêts du patronat ou des catégories les plus favorisées. De
nombreuses dispositions en témoignent, sur pratiquement tous les chapitres que
nous avons discutés : qu'il s'agisse de la discrimination en matière de
logement, du travail de nuit ou du harcèlement moral, la majorité sénatoriale a
rétabli son texte sans aucune concession, notamment en direction des
travailleurs.
A l'issue de ce débat, le projet de loi ne répond plus à son titre de «
modernisation sociale », mais apparaît plutôt comme une opération de régression
sociale organisée. Fort heureusement, son dernier passage devant l'Assemblée
nationale rétablira un texte correspondant un peu plus aux intérêts de la très
grande majorité de nos concitoyens.
(Applaudissements sur les travées
socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Schosteck.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Le projet de loi de modernisation sociale va sans aucun doute appartenir à la
catégorie des « mastodontes législatifs », avec ses quelque 220 articles dont
80 % sont issus des lectures successives dans chaque assemblée.
Le travail législatif a été fructueux - la personnalité de nos excellents
rapporteurs n'y est évidemment pas pour rien - et il a permis de trouver des
accords sur des dispositions importantes, telles que celles qui concernent le
volet sanitaire ou encore le harcèlement moral.
Je ne reviendrai pas sur les conditions de travail imposées au Parlement, ni
sur le retard pris dans l'application de certaines mesures pourtant présentées
en conseil des ministres et déposées sur le bureau de l'Assemblée nationale le
24 mai 2000.
Il est regrettable que la commission mixte paritaire ait échoué sur l'article
11 portant abrogation de la loi Thomas, sur laquelle s'acharne le Gouvernement
alors qu'elle n'a jamais été appliquée et que le seul danger qu'elle représente
est de mettre en évidence l'immobilisme du Gouvernement en la matière.
Quant au volet concernant la définition du licenciement pour motif économique,
on ne peut que déplorer que l'Assemblée nationale ait rétabli son texte sans
tenir compte de l'opinion des partenaires sociaux auditionnés par notre
commission des affaires sociales.
Face à cette attitude, notre groupe ne peut qu'approuver les propositions de
nos excellents rapporteurs tendant à rétablir sur de nombreux points importants
le texte adopté par le Sénat, non par principe mais parce que nous avons la
profonde conviction qu'ils sont mieux adaptés aux réalités sociales et
économiques de notre pays.
Pour toutes ces raisons, notre groupe votera ce projet de loi tel qu'amendé
par notre Haute Assemblée.
M. le président.
La parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis.
Le travail de notre commission et de ses rapporteurs a permis de rétablir le
texte dans l'essentiel des dispositions initialement votées par le Sénat.
Je ne prolongerai pas inutilement ce débat, mais je tiens à confirmer que le
groupe de l'Union centriste votera, bien évidemment, ce texte ainsi amendé.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Ce n'est plus le moment de polémiquer, nous avons eu le temps
de discuter. Je tiens simplement à dire, avec beaucoup de respect, à Mme la
secrétaire d'Etat que nous écrivons « harcèlement » sans « s », mais «
discriminations » avec un « s ».
Je voudrais dire aussi en cet instant combien je considère que la partie
consacrée aux licenciements dans le projet du Gouvernement est dangereuse et
nocive pour l'emploi dans notre pays. Si j'ai un voeu à exprimer, c'est donc
que nous puissions revenir, en cas de changement de majorité, sur cette partie
de la loi.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Tout à fait !
M. Roland Muzeau.
Oui, mais cela ne risque pas d'arriver !
M. Gilbert Chabroux.
Elle sera renforcée, la majorité !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Ne soyez pas si sûr de vous ! Attendez
quelque temps, monsieur Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Les Français sauront mesurer le travail qui a été accompli !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Je n'en doute pas !
M. Gilbert Chabroux.
Nous verrons bien !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About,
président de la commission.
Les orateurs précédents l'ont dit, nous
venons d'achever l'examen d'un texte mastodonte, qui comporte de nombreuses
mesures diverses - nous en avons l'habitude - dont certaines sont importantes,
comme la protection de l'emploi ou le développement de la formation
professionnelle. On a traité de la lutte contre les discriminations, de la
lutte contre le harcèlement moral, ... de tant de mesures que l'on a du mal à
en établir la liste. Ce projet de loi reste donc un texte considérable, dont
l'impact peut être très dangereux dans un certain nombre de domaines.
Permettez-moi de revenir brièvement sur le volet du travail et de l'emploi.
Il faudrait tout de même que chacun admette que le premier allié du salarié
est celui qui crée une entreprise. Dès lors, le rôle du Parlement n'est pas de
dresser des embûches tout au long du chemin de celui qui veut procéder à une
telle création, en particulier dans les zones en difficulté. Madame le
secrétaire d'Etat, ne découragez pas, par un certain nombre de dispositions,
celui qui envisage de s'implanter dans ces zones ! En raison de toutes les
contraintes que l'on veut imposer, ce dernier, s'il veut restructurer son
entreprise, aura beaucoup plus de mal que celui qui s'implante dans une zone
aisée, dans laquelle la disparition d'une entreprise ne pose pas tant de
problèmes.
Loin de favoriser l'emploi et la création de nouvelles entreprises, vous
dressez ainsi bien trop d'obstacles sur la route des créateurs
d'entreprises.
Je terminerai mon propos sur une constatation.
Nous allons, par notre vote, adopter 35 articles conformes sur 116, ce qui
signifie que nous avons fait un tiers de la route.
Espérons que l'Assemblée nationale saura faire la même route vers nous,
qu'elle adoptera conforme un autre tiers d'articles, qu'elle n'aura pas à coeur
d'engager, en quelque sorte, une lutte politicienne qui ne serait pas de bon
ton ! Je sais bien que la période s'y prête, mais les Français, à mon avis,
attendent autre chose.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Très bien !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Enfin, je tiens à remercier les rapporteurs,
ainsi que la commission, pour le travail exemplaire accompli.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
M. Alain Gournac
rapporteur.
Je vous remercie.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
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