SEANCE DU 5 FEVRIER 2002
M. le président.
« Art. 52
bis
. - L'usage professionnel du titre d'ostéopathe et de
chiropracteur est réservé aux titulaires d'un diplôme sanctionnant une
formation technique à l'ostéopathie ou la chiropraxie dans une école, un
institut ou une université inscrits sur une liste établie par décret.
« S'il s'agit d'un diplôme étranger, il doit conférer à son titulaire une
qualification reconnue analogue, selon des modalités fixées par décret.
« Les praticiens en exercice, à la date d'application de la présente loi,
peuvent se voir reconnaître le titre d'ostéopathe ou de chiropracteur s'ils
satisfont à des conditions de formation et d'expérience professionnelle
analogues à celles des titulaires du diplôme mentionné au premier alinéa. Ces
conditions sont déterminées par décret. »
L'amendement n° 169 rectifié, présenté par M. Dériot, au nom de la commission
des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit l'article 52
bis :
« L'usage professionnel du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur est réservé
aux personnes justifiant avoir effectué le premier cycle d'études médicales et
titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation spécifique à l'ostéopathie
ou la chiropraxie délivrée par un établissement de formation agréé par le
ministre chargé de la santé dans des conditions fixées par décret. Ce décret
fixe notamment le programme et la durée des études préparatoires et des
épreuves après lesquelles peut être délivré ce diplôme.
« S'il s'agit d'un diplôme délivré à l'étranger, il doit conférer à son
titulaire une qualification reconnue analogue, selon des modalités fixées par
décret.
« Les praticiens en exercice, à la date de publication de la présente loi, ne
peuvent se voir reconnaître le titre d'ostéopathe ou de chiropracteur que s'ils
satisfont à des conditions de formation analogues à celles des titulaires du
diplôme mentionné au premier alinéa et à des conditions d'expérience
professionnelle. Ces conditions sont déterminées par décret.
« Toute personne faisant un usage professionnel du titre d'ostéopathe ou de
chiropracteur est soumise à une obligation de formation continue dans des
conditions définies par décret. L'agence nationale d'accréditation et
d'évaluation de santé est chargée d'élaborer et de valider des recommandations
de bonnes pratiques. Elle établit une liste de ces bonnes pratiques à enseigner
dans les établissements de formation délivrant le diplôme mentionné au premier
alinéa.
« Un décret établit la liste des actes que les praticiens justifiant du titre
d'ostéopathe ou de chiropracteur sont autorisés à effectuer, ainsi que les
conditions dans lesquelles ils sont appelés à les accomplir.
« Ces praticiens ne peuvent exercer leur profession que s'ils sont inscrits
sur une liste dressée par le représentant de l'Etat dans le département de leur
résidence professionnelle, qui enregistre leurs diplômes, certificats, titres
ou autorisations. »
Le sous-amendement n° 425 rectifié, présenté par M. Leclerc, Mme Desmarescaux
et M. Darniche, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi les quatre premiers alinéas du texte proposé par l'amendement
n° 169 rectifié :
« L'usage professionnel du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur est réservé
aux personnes titulaires du diplôme de docteur en médecine et d'un diplôme de
compétence sanctionnant une formation spécifique à l'ostéopathie ou à la
chiropraxie délivré par un établissement de formation agréé par le ministre
chargé de la santé dans des conditions fixées par décret. Ce décret fixe
notamment le programme et la durée de ces études spécifiques et les épreuves
après lesquelles peut être délivré ce diplôme de compétence en ostéopathie ou
en chiropraxie.
« S'il s'agit d'un diplôme étranger, il doit conférer à son titulaire une
qualification reconnue analogue, selon les modalités relatives à la formation
spécifique d'ostéopathie ou de chiropraxie fixées par décret, et selon les
équivalences reconnues par le conseil de l'ordre des médecins en ce qui
concerne le diplôme de docteur en médecine.
« Les médecins en exercice, à la date de publication de la présente loi, ainsi
que les praticiens en exercice non titulaires du diplôme de docteur en médecine
à la date de publication de la présente loi, ne peuvent se voir reconnaître le
titre d'ostéopathe ou de chiropracteur que s'ils satisfont à des conditions de
formation analogues à celles des titulaires du diplôme de compétence mentionné
au premier alinéa et à des conditions d'expérience professionnelle. Ces
conditions sont déterminées par décret.
« En outre, les praticiens en exercice non titulaires du diplôme de docteur en
médecine à la date de publication de la présente loi devront obligatoirement
suivre un enseignement complémentaire approfondi en sciences fondamentales,
physiologie humaine, anatomie, études cliniques et théoriques, avec des stages
pratiques au lit du malade. Cet enseignement devra être élaboré selon les
directives de l'académie de médecine et de l'agence nationale de
l'accréditation et de l'évaluation de santé et devra être validé par la faculté
de médecine. »
Le sous-amendement n° 420 rectifié, présenté par MM. Paul Blanc, Vasselle,
Gournac, Ginésy et Murat, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement
n° 169 rectifié, après les mots : "études médicales", insérer les mots : "ou
avoir suivi un enseignement équivalent dont les modalités sont définies par
décret". »
La parole est à M. Dériot, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 169
rectifié.
M. Gérard Dériot,
rapporteur.
L'article 52
bis
traitant d'un problème difficile, il
entraîne davantage d'explications.
Cet article, introduit à l'Assemblée nationale tend à reconnaître dans la loi
l'ostéopathie et la chiropraxie et à en encadrer les conditions d'exercice.
On peut regretter qu'une telle reconnaissance, même si elle s'accompagne d'un
encadrement, intervienne de manière quelque peu impromptue.
La réglementation actuelle interdit toujours, du moins en théorie, la pratique
de tous les traitements dits d'ostéopathie, de vertébrothérapie et de
chiropraxie par toute autre personne qu'un médecin. Nous aurions dès lors
raisonnablement pu espérer qu'une évaluation préalable soit réalisée pour
éclairer nos travaux. Je vous en avais d'ailleurs parlé lors de votre audition,
monsieur le ministre, et je suppose qu'en effet cela peut se faire : un décret
peut le prévoir.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Oui !
M. Gérard Dériot,
rapporteur.
Ce sera de toute façon nécessaire.
Les rapports des groupes de travail mis en place par le Gouvernement sur ce
sujet n'ont curieusement pas été rendus publics. Or on sait que l'ostéopathie
reste encore largement en débat. Ainsi, les représentants de l'Académie de
médecine que nous avons auditionnés considèrent que si l'ostéopathie est une
pratique dont l'efficacité est bien prouvée dans certains cas, son innocuité
est loin d'être garantie en l'absence de tout diagnostic médical préalable.
C'est sur ce point précis du texte adopté par l'Assemblée nationale que nous
avons buté. Il nous semble en effet nécessaire, indispensable qu'un véritable
diagnostic médical soit porté avant toute intervention.
Je regrette que la représentation nationale soit aujourd'hui appelée à se
prononcer dans la précipitation sur ce sujet qui méritait, à l'évidence, une
évaluation plus approfondie. Je sais aussi que le contexte évolue : le juge ne
condamne plus personne à ce titre, ce qui est d'ailleurs étonnant. De plus, nos
voisins européens sont de plus en plus nombreux à légiférer en la matière.
Surtout, l'ostéopathie devient une pratique courante pour des centaines de
milliers de nos concitoyens et pour les quelque 4 000 praticiens réguliers,
dont plus de la moitié ne sont pas médecins, et les quelque 12 000 praticiens
exerçant aujourd'hui à titre épisodique en France.
Voilà pourquoi votre commission a jugé prioritaire, dans un souci de santé
publique, de mieux garantir les conditions actuelles d'exercice de
l'ostéopathie. Il s'agit ainsi de prévenir les risques éventuels et de mieux
assurer la sécurité des patients.
Elle vous propose donc, par l'amendement n° 169 rectifié, de renforcer
l'encadrement de l'exercice de l'ostéopathie, que la rédaction issue de
l'Assemblée nationale ne fait qu'esquisser.
Cet amendement prévoit d'abord de renforcer la formation initiale des futurs
praticiens en introduisant trois apports d'importance.
Le premier réside dans l'exigence d'un « prérequis » médical, ce qui signifie
qu'il convient d'avoir effectué un premier cycle d'études médicales avant de
pouvoir se spécialiser.
Je précise à ce propos que la réforme à venir de ce premier cycle d'études
médicales devrait permettre d'organiser une sorte de tronc commun pour
l'ensemble des professions de santé avant la mise en place de passerelles.
J'indique aussi qu'il reste possible, dans le décret, d'aménager des régimes
particuliers pour ceux qui se destinent à l'ostéopathie, du moment qu'ils ont
effectivement suivi ce premier cycle.
Le deuxième apport de l'amendement, c'est l'institution d'un agrément par le
ministère de la santé des établissements de formation délivrant le diplôme
d'ostéopathie ou de chiropraxie. Sur ce point, la commission des affaires
sociales et le Gouvernement doivent forcément s'accorder.
Le troisième apport, qui doit également donner lieu à un accord, est la
définition par voie réglementaire du programme et de la durée des études dans
ces établissements.
Mais cet amendement prévoit également, pour les praticiens déjà en exercice,
d'instituer une obligation de formation continue et de s'inscrire sur une liste
préfectorale pour exercer.
La commission prévoit en outre de charger l'Agence nationale d'accréditation
et d'évaluation en santé, l'ANAES, d'élaborer et de valider les bonnes
pratiques en la matière.
Elle a prévu enfin de renvoyer à un décret la tâche d'établir la liste des
actes que sont autorisés à accomplir les praticiens et les conditions dans
lesquelles ces actes devront être effectués.
Ainsi modifié, ce dispositif sera largement plus protecteur que celui qui a
été adopté par l'Assemblée nationale.
Il s'agit là d'un problème de santé publique soumis à la réflexion du
Parlement et sur lequel nous devons prendre nos responsabilités. Etant donné
l'importance de l'enjeu, il convient de faire preuve de prudence en encadrant
au mieux les conditions d'exercice de ces pratiques.
M. le président.
La parole est à Mme Desmarescaux, pour présenter le sous-amendement n° 425
rectifié.
Mme Sylvie Desmarescaux.
Le sous-amendement que je propose avec mes collègues MM. Leclerc et Darniche
va plus loin que l'amendement de la commission qui, à nos yeux, n'est pas
suffisant.
L'amendement de la commission instaure la nécessité de commencer des études de
médecine. Pourquoi s'arrêter en chemin ? Pourquoi ne pas finir les études de
médecine et se spécialiser ensuite ?
Ce sous-amendement tend à ce que l'ostéopathie et la chiropraxie ne puissent
pas être pratiquées par des non-médecins et à réserver l'exercice de ces
spécificités médicales aux médecins, seuls praticiens habilités à faire un
diagnostic et à traiter nos concitoyens avec le maximum de garantie et de
sécurité.
M. le président.
La parole est à M. Paul Blanc, pour présenter le sous-amendement n° 420
rectifié.
M. Paul Blanc.
Il m'est difficile de défendre mon sous-amendement, dans la mesure où il prend
quasiment le contre-pied du sous-amendement qui vient d'être présenté.
Bien entendu, je souscris totalement aux propos de M. le rapporteur sur la
nécessité d'encadrer la pratique de l'ostéopathie, compte tenu des dangers que
peuvent présenter certaines manipulations vertébrales. Je suis également tout à
fait d'avis qu'il faut, avant de se livrer à de telles pratiques, avoir la
certitude que le diagnostic posé est bon, car un diagnostic est le préalable
indispensable à tout acte de chiropraxie.
Il n'en demeure pas moins qu'aujourd'hui cette pratique est entrée dans les
moeurs et que bien rares sont les médecins généralistes qui, devant une
lombalgie qu'ils n'arrivent pas à traiter par les voies habituelles,
n'adressent pas leurs malades à des ostéopathes. Les résultats sont tout à fait
favorables et parfois même inespérés ! Il me paraît donc tout à fait normal que
le législateur harmonise le droit avec la partique.
Contrairement à l'amendement de la commission, mon sous-amendement ne porte
pas sur la reconnaissance des diplômes étrangers. Je suis de ceux qui pensent
qu'il faut effectivement des examens sérieux et une reconnaissance des
praticiens qualifiés pour que les ostéopathes puissent exercer leur métier.
S'agissant de la formation initiale, je suis en total désaccord avec le
sous-amendement n° 425 rectifié car, si l'on demande aux ostéopathes de suivre
un premier cycle d'études médicales, il est vraisemblable qu'ils poursuivront
dans cette voie et que l'ostéopathie deviendra une simple spécialité de la
médecine.
Afin que les futurs ostéopathes aient une connaissance parfaite de l'anatomie,
car c'est surtout ce qui importe,...
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
C'est effectivement le
minimum !
M. Paul Blanc.
... - je pense à la myologie, par exemple -, ou encore de la physiologie, en
un mot des matières étudiées au cours du premier cycle de médecine, je propose
par mon sous-amendement que, à défaut de l'obtention d'un premier cycle, ceux
qui veulent étudier l'ostéopathie suivent un enseignement équivalent à celui du
premier cycle des études médicales, qui devra être défini à l'occasion de la
réforme de ces dernières.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux sous-amendements ?
M. Gérard Dériot,
rapporteur.
La commission n'a pu examiner ces deux sous-amendements.
Je m'en remets à la sagesse du Sénat sur le sous-amendement n° 420 rectifié de
M. Paul Blanc. Mais encore convient-il, lorsque l'on exige « une formation
équivalente » à celle du premier cycle des études médicales, de connaître le
contenu exact de ce prérequis.
Comme l'a dit notre collègue Paul Blanc, son sous-amendement n° 420 rectifié
est opposé au sous-amendement n° 425 rectifié, ce qui témoigne de la position
équilibrée de la commission, qui a aussi souhaité introduire un prérequis
médical.
Les auteurs du sous-amendement n° 420 rectifié considèrent que la rédaction
proposée par la commission est trop restrictive et souhaitent élargir ce
prérequis à des formations équivalentes au premier cycle des études
médicales.
Je comprends d'autant mieux ce souci d'assouplissement qu'il ne nous a pas été
totalement inconnu. En effet, dans notre esprit, nous avons, en quelque sorte,
anticipé la future réforme de ce premier cycle, qui doit permettre
l'organisation d'un tronc commun pour l'ensemble des professions de santé ! Il
est possible d'aménager, par voie réglementaire, un régime spécifique pour les
étudiants se destinant à l'ostéopathie, en assouplissant, par exemple, le
numerus clausus.
Je crains toutefois que la nouvelle rédaction proposée dans ce sous-amendement
n° 420 rectifié ne soit tout aussi ambiguë. On voit mal, en effet, ce que
pourrait être un enseignement équivalent en la matière. Je m'en remets à la
sagesse du Sénat.
A l'inverse, les auteurs du sous-amendement n° 425 rectifié estiment que la
rédaction de la commission est trop souple et proposent de réserver l'exercice
de l'ostéopathie et de la chiropraxie aux seuls médecins. Je considère que
c'est une position maximaliste. Je constate que les propositions de l'ordre des
médecins - qui sont d'ailleurs à peu près analogues à celles de la commission -
ne vont pas jusque-là. Je me permets donc de demander aux auteurs de ce
sous-amendement de bien vouloir le retirer, pour nous permettre d'adopter une
position médiane.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Mon sentiment est mitigé. En effet, le mieux est
l'ennemi du bien. Nous avons examiné la demande des ostéopathes avec attention
et nous y avons consacré beaucoup de temps. Ce problème se pose, en fait,
depuis plusieurs années.
Déjà, en 1994-1995, lorsque j'étais parlementaire européen, un très important
rapport du Parlement européen sur les médecines douces en général et
l'ostéopathie en particulier soulignait que nous étions pratiquement le dernier
pays à ne pas reconnaître cette discipline. C'est un argument, même s'il n'est
pas décisif. Vous l'avez d'ailleurs souligné, monsieur le rapporteur, dans bien
des pays, notamment aux Etats-Unis, l'ostéopathie a pignon sur rue, cela depuis
très longtemps, et fait l'objet d'une formation distincte de celle des
médecins. Premier point : nous sommes donc en retard - je ne sais pas si c'est
bien ou mal - par rapport à la réflexion des autres pays européens.
Deuxième point, vous l'avez également évoqué, monsieur le rapporteur - et
c'est pourquoi je partage presque votre position - on constate de la part de la
justice une véritable lassitude. Ou bien on a le droit de pratiquer
l'ostéopathie ou on ne l'a pas, ce qui est le cas en France. Au niveau des
instances tant régionales que départementales du conseil de l'ordre, les
plaintes étaient si nombreuses qu'elles n'aboutissaient pas. Dans la pratique,
il s'est donc créé une zone de non-droit.
Troisième point : je partage votre sentiment sur les études. Lors de la
première séance de travail avec la commission, j'ai déclaré que la notion
d'audit ne me semblait pas superfétatoire. Je suis d'accord avec M. Paul Blanc
lorsqu'il dit qu'un certain nombre de médecins travaillent en pleine harmonie
avec les ostéopathes et c'est bien ! Mais une étude supplémentaire sur les
avantages et les inconvénients de la profession me semble inutile, tant les
rapports sont nombreux sur le sujet.
Quatrième point - c'est le plus important - vous ne pouvez pas réglementer une
profession sans la reconnaître. Si nous voulons abonder dans votre sens, si
nous voulons soit exiger un premier cycle d'études médicales, ce qui me paraît
difficile, soit l'application du dispositif qui est prévu dans le projet et qui
sera précisé par décret, il faut au moins que la formation soit identique.
Or, mesdames, messieurs les sénateurs, certaines écoles sont privées, d'autres
font seulement payer une partie des études, les formations dispensées peuvent
varier de quatre à six ans d'une école à l'autre, etc. Ce n'est pas sérieux !
Il faut y voir clair et c'est pourquoi nous nous proposions, reconnaissant que
la pratique de l'ostéopathie a fait ses preuves à travers le monde moderne,
d'examiner les formations puis, sur cette base, de nous accorder sur un
enseignement de disciplines qui font l'objet des deux premières années du
premier cycle des études médicales.
Pouvons-nous aller plus loin ? Je suis partisan depuis très longtemps - je
vous l'ai dit ici - non pas d'un DEUG médical, qui implique deux ou trois ans
d'études et qui ne peut donc être envisagé, mais d'une formation commune des
professions de santé au moins pendant un an. Toutefois, la mise en oeuvre de
cette formation commune est très compliquée. Les dentistes, les médecins, les
sages-femmes et les orthoptistes en bénéficient d'ores et déjà. Elle ne
s'improvise pas et nécessite des professeurs et des lieux différents. Nous
avons voulu que les infirmières suivent aussi ce cursus commun.
L'idée est de faire partager aux professionnels de santé une culture et un
état d'esprit communs en plus de matières telles que l'économie de la santé ou
la santé publique. Cela me paraît très important mais, encore une fois, c'est
très lourd et cela ne peut pas s'improviser.
Allons-nous faire de même pour les ostéopathes ? Pourquoi pas ? Cela fait
quelques milliers d'étudiants supplémentaires. Je ne suis pas opposé au fait de
le proposer, mais seulement après le bilan qui sera réalisé des études diverses
qu'ils suivent. Pour l'instant, cela me semble extrêmement prématuré, car il
est impossible de dire si nous exigerons une ou deux années d'études communes.
Nous n'y parvenons déjà pas pour les professions avec lesquelles nous voulons
avancer ! Voilà où nous en sommes.
En conclusion, bien que mon expérience personnelle ne soit pas, de ce point de
vue, excellente, je crois qu'il faut reconnaître l'ostéopathie pour ce qu'elle
est, c'est-à-dire une discipline qui a ses lettres de noblesse, sa pratique et
son intérêt. Il faut absolument harmoniser et officialiser cette formation, lui
donner un label de l'Etat, et après nous verrons. C'est avec les ostéopathes
que nous avons travaillé jusqu'à présent et ils se prêtent volontiers à cette
réflexion, d'autant que la France est très en retard.
A l'évidence, il est une spécialité médicale qui connaît des difficultés : il
s'agit de la rhumatologie.
Par conséquent, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat pour
l'amendement n° 169 rectifié et il émet un avis défavorable sur les
sous-amendements n°s 425 rectifié et 420 rectifié.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Voilà que, tout d'un
coup, une unanimité se dégage au Parlement sur cette question.
M. Claude Domeizel.
Attendez, on n'a pas voté !
M. Bernard Cazeau.
On ne s'est pas encore exprimé !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Nous verrons !
Tout le monde semble content, sauf les ostéopathes. En effet, lorsque nous les
recevons, ils ne se reconnaissent pas entre eux et cela pose un problème : les
ostéopathes ne veulent pas être confondus avec les vertébrothérapeutes,
lesquels déclarent ne pas se contenter de pratiquer des manipulations dites
ostéopathiques ; les médecins ostéopathes mettent en avant leur capacité
d'établir un diagnostic, mais les ostéopathes non médecins nous objectent
qu'ils posent aussi un diagnostic ostéopathique.
Par conséquent, lorsqu'on s'adresse aux ostéopathes, il n'y a pas cette belle
unanimité pour la reconnaissance. En effet, il n'y a pas deux ostéopathes qui
ont la même pratique, il n'y a pas deux écoles qui dispensent le même
enseignement et un bilan n'a pas été correctement établi. C'est pourquoi,
monsieur le ministre, nous avons demandé qu'il soit procédé à un audit.
Après tout, dès lors que l'on respecte le grand principe médical
primum non
nocere,
c'est-à-dire que l'on ne nuit à personne, si des personnes ont
envie de payer des gens qui ne leur nuisent pas et qui, comme le disait mon
collègue et ami, en plus leur font du bien, pourquoi pas ?
(Sourires.)
Le Parlement, comme les médecins n'est pas hostile à ce que des gens qui ne
nuisent pas fassent du bien.
(Nouveaux sourires.)
Encore faut-il,
monsieur le ministre, qu'ils exercent dans de bonnes conditions. Nous
souhaitons donc, je le répète, qu'il soit procédé à un audit. Personnellement,
je demande que, préalablement à la reconnaissance de chaque diplôme, soit
vérifié l'enseignement de chaque école qui a délivré ce diplôme.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
C'est ce que l'on veut faire !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
En effet, les tests
effectués, notamment aux Etats-Unis, aboutissent à des résultats très
différents. Le grand danger d'un décret pris « à la sauvette », à la veille
d'une élection importante pour donner satisfaction à tout un pan de la
population...
(M. le ministre proteste.)
Pardonnez-moi, je retire ce que je viens de dire !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je ne sais même pas de quoi vous parlez !
(Rires.)
M. Guy Fischer.
Cela a été dit !
M. Claude Domeizel.
Vous mélangez tout !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le ministre,
je bats ma coulpe ; je me suis laissé aller. Jamais vous ne le feriez !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Jamais !
(Sourires.)
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Disons que je ne
voudrais pas que la précipitation donne lieu à certaines dérives.
En outre, après avoir vérifié l'enseignement, il faudra démontrer l'innocuité
des pratiques. En effet, à la lecture de certains articles - je parle non pas
des ostéopathes, mais de certains qui ont obtenu ce titre de façon immérité -
on s'aperçoit que des pratiques peuvent se révéler extrêmement dangereuses.
Par ailleurs, il faudra vérifier le bénéfice apporté. Je sais ce que l'on va
me rétorquer : si l'on vérifie le bénéfice apporté par les médecins, on ne va
pas être déçu !
(Sourires.)
Il est vrai qu'on peut le dire, mais au moment où l'on valide
une profession, où l'on valide de nouveaux diplômes, voire la pratique de
personnes qui exercent illégalement,...
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Oui !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
... il me semble
nécessaire de vérifier d'abord l'enseignement qu'elles ont reçu, ensuite
l'innocuité de leurs pratiques, enfin le bénéfice apporté.
Il vous faudra ensuite autoriser puis organiser cet enseignement...
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Après étude !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
... bien entendu, mais
vous allez peut-être d'abord entériner des filières. On ne vas pas laisser
chacun agir dans son coin ! Désormais, le diplôme d'ostéopathe devra
correspondre à une formation déterminée. Ce n'est pas parce qu'on est diplômé à
Suresnes, à Marseille ou ailleurs que l'on aura une formation différente ! Pour
que l'enseignement ait une certaine valeur, il faudra qu'il soit codifié. Le
contenu des programmes devra donc être fixé. Dès lors, il conviendra de
s'appuyer sur quelqu'un qui évaluera, accréditera, validera un certain nombre
de bonnes pratiques, qu'il faudra enseigner.
Peut-être allez-vous trouver l'école type qui dispensera un enseignement
unique. Pourquoi pas ?
Après la qualité des programmes, il faudra veiller à la qualité des
enseignants. Il importera donc de procéder à des vérifications. La grande
difficulté réside dans le fait que, le plus souvent, ce sont ceux qui
exerçaient illégalement l'ostéopathie qui l'enseignaient à ceux qui, à leur
tour, allaient l'exercer illégalement.
J'en arrive à la pratique. Les praticiens en exercice devront appliquer les
bonnes pratiques qui leur auront été enseignées, comme le prévoit l'amendement
de la commission. Un décret précisera les actes qui sont autorisés au titre de
l'ostéopathie. Personne ne doit se sentir vexé, car il en est de même pour de
nombreux médecins. On a assez discuté de tous ces sujets pour savoir que, petit
à petit, on pose des interdits. La pratique d'un certain nombre d'actes
médicaux nécessite en effet des connaissances.
Par conséquent, nous souhaitons l'établissement de ces listes, l'obligation
d'une formation continue et un contrôle des bonnes pratiques.
Vous voyez que l'on est au tout début du sujet ! Ce n'est pas avec un
amendement assez général, qui permet de noyer le poisson, que l'on réglera le
problème de l'ostéopathie !
Comme je l'ai dit au début de mon intervention, les ostéopathes eux-mêmes ne
se reconnaissent pas entre eux. Nous allons avoir du mal à nous y reconnaître
aussi. Nous allons faire preuve de bonne volonté et nous comptons sur le
soutien de tous, mais si nous ne voulons pas faire n'importe quoi, ce n'est pas
simple.
M. le président.
Madame Desmarescaux, le sous-amendement n° 425 rectifié est-il maintenu ?
Mme Sylvie Desmarescaux.
Après avoir écouté M. About, je le retire.
M. le président.
Le sous-amendement n° 425 rectifié est retiré.
Monsieur Paul Blanc, le sous-amendement n° 420 rectifié est-il maintenu ?
M. Paul Blanc.
Comme le président de la commission, je suis un peu latiniste. Il a dit tout à
l'heure :
primum non nocere
. Je lui répondrai :
in medio stat virtus.
(Sourires.)
M. Guy Fischer.
Traduisez !
M. Paul Blanc.
Je peux vous le traduire en catalan !
La position médiane de la commission, ainsi que les propos de M. le ministre,
qui m'ont paru pleins de sagesse, m'incitent à retirer mon sous-amendement.
En effet, dans le passé, sur certains textes de loi examinés dans cet
hémicycle, la Haute Assemblée aurait souhaité que le Gouvernement fasse preuve
d'un peu plus de pragmatisme, c'est-à-dire que l'on ne vote pas des lois
inapplicables.
Vous semblez indiquer que les mesures proposées dans ce sous-amendement
pourraient difficilement être mises en pratique pour les études médicales.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Hélas, oui !
M. Paul Blanc.
Je suis très pragmatique ! Par conséquent, je retire mon sous-amendement.
M. le président.
Le sous-amendement n° 420 rectifié est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 169 rectifié.
M. Bernard Cazeau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau.
Jusqu'à présent, personne ne nous a dit, pas même le président de la
commission des affaires sociales, ce que deviendront les 370 chiropracteurs
diplômés et tous ceux qui ne le sont pas et qui se trouvent à l'origine de la
dérive que l'on a constatée. Bien sûr, je rejoins tout à fait les propos qui
ont été tenus s'agissant de la nocivité de certaines pratiques, des problèmes
professionnels et interprofessionnels, mais, ce qui m'intéresse, c'est le
citoyen. Est-il prévu aujourd'hui de réglementer cette profession ?
Je suis d'accord pour reconnaître avec M. le ministre que le meilleur moyen de
laisser dériver une pratique c'est de l'ignorer. L'Assemblée nationale avait
trouvé une formulation qui me paraîssait intéressante et je regrette que mon
collègue Paul Blanc ait retiré son sous-amendement, qui était, me semble-t-il,
plein de sagesse.
Cette profession existe ! Si entre autres, la Norvège, le Danemark, la Suède,
les Pays-Bas, la Finlande et la Grande-Bretagne l'ont reconnue ou sont sur le
point de la reconnaître, c'est parce qu'un cursus prend en compte un certain
nombre de notions d'anatomie et de physiologie, notamment vertébrale. Ceux qui
ont suivi ce cursus bénéficient donc d'un minimum de connaissances pratiques et
techniques qui leur permettront d'exercer cette profession.
Si, comme vous nous l'avez dit, monsieur le ministre, les parquets ne donnent
pas suite aux plaintes qui sont déposées, que fera-t-on ? Les dérives vont
continuer
ad vitam aeternam
sans que le problème soit réglé. Dès lors, à
quoi bon le poser ?
Je reconnais que l'amendement de M. Dériot est intéressant, mais les deux
années d'études médicales ne se justifient que s'il s'agit d'une reconnaissance
d'anatomie ou de physiologie. En effet, je ne vois pas l'utilité de connaître
l'anatomie de l'abdomen, de la vessie ou de la prostate dans ce domaine. Il
aurait fallu, c'est vrai, monsieur le ministre, établir une reconnaissance à
partir de ceux qui suivent un cursus et ajouter certaines matières à ce
cursus.
En reconnaissant enfin cette profession, on évitera tous les charlatans qui
sévissent et qui, sous divers titres, exercent de manière parfaitement nocive.
Le vrai chiropracteur est en relation avec le médecin et il sait lire une
radiographie vertébrale. On supprimera ainsi des procédures qui peuvent être
préjudiciables au malade.
Telle est la position que je voulais exprimer. Ce seul amendement ne suffira
pas à régler le problème. Que fera-t-on de ceux qui exercent aujourd'hui ?
Vont-ils devoir refaire deux années d'études de médecine, ou bien des
équivalences seront-elles prévues, et sur quelles bases ?
(Murmures.)
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué à la santé.
On en a déjà parlé !
M. Bernard Cazeau.
Excusez-moi, monsieur le ministre, mais nous étions un certain nombre à penser
que le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale était convenable.
(Exclamations sur les travées de l'Union centriste.)
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Effectivement, monsieur
Cazeau, se pose le problème des filières. Je précise, à cet égard, que nous
n'entendons pas, avec l'obligation de suivre un premier cycle des études
médicales, faire entrer les personnes concernées dans le cursus des études
médicales. Il s'agit simplement de permettre un tronc commun. Cela étant, les
filières peuvent être différentes. Ainsi, celui qui aura suivi ce premier cycle
pourra décider soit de passer l'examen qui ouvre la voie à l'ostéopathie, soit
de passer l'autre examen, voire les deux, et ensuite choisir en fonction de ses
résultats. Cela se fait très fréquemment, en effet, on tente plusieurs concours
et, si l'on réussit celui qui ouvre la suite des études médicales, on se
détourne de l'ostéopathie, tout au moins dans un premier temps, quitte à y
revenir.
Je regrette presque le retrait du sous-amendement de M. Paul Blanc parce que,
en ce qui me concerne, je n'y étais pas hostile. A mon sens, il faut offrir à
celui qui a envie de se lancer dans une profession dite de santé,
éventuellement, une voie royale. Pour la suite, il aura le choix. Pourquoi
l'enfermer d'emblée dans une filière qui va limiter ses chances ?
Aujourd'hui, pour refuser notre amendement, le Gouvernement nous dit que nous
n'y arriverons pas. J'y vois la marque d'une absence de volonté, d'un
découragement face aux difficultés que nous devons affronter.
Nous passons brutalement d'une pratique interdite à une pratique désormais
autorisée. Ainsi, hier, c'était l'erreur, et, demain, ce sera la vérité. Il y a
peut-être tout de même une porte de sortie entre l'erreur et la vérité, entre
le blanc et le noir. A nous de savoir la franchir tranquillement, en prenant le
temps de valider les enseignements qui ont été dispensés et les diplômes
accordés.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Mais c'est ce qui est prévu avec l'audit !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Mais l'audit prend du
temps ! Il nous faut, ensuite, demander à l'ANAES d'élaborer les bonnes
pratiques et, éventuellement, vérifier qu'elles figurent bien dans
l'enseignement dispensé. Il faut, de même, que le Gouvernement édicte la liste
des actes qui ne pourront pas être pratiqués.
Tout à l'heure, nous avons bien autorisé les masseurs-kinésithérapeutes à
éventuellement prescrire. Avant, ils ne le pouvaient pas. Et cela n'a rien de
choquant ; c'est tout simplement qu'aujourd'hui nous allons plus loin pour les
masseurs-kinésithérapeutes. Donc, il n'y a rien de choquant à limiter, pour
telle profession qui n'a pas le cursus requis, la possibilité de faire tel
acte.
Moi, je considère qu'il est sans doute un peu « limite » de confier certaines
manipulations, par exemple cervicales, à des personnes qui ne sont pas
vertébro-thérapeutes. Or, je sais bien que des kinésithérapeutes ou des
ostéopathes les pratiquent, mais, à mes yeux, ils sont condamnables en cas
d'accident, car il ne donnent pas les meilleures chances à leurs patients.
Ce sont tous ces points qu'il nous appartient de vérifier, et je pense qu'il
est de notre devoir de le faire ; si nous ne le faisions pas, nous céderions à
la facilité, et j'ai dit pourquoi, en ce moment, on peut, il est vrai, céder à
la facilité !
M. Guy Fischer.
Oh ! Encore ?...
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je voudrais résumer la position du Gouvernement.
Le Gouvernement est favorable au texte issu des travaux de l'Assemblée
nationale et il considère que l'amendement présenté, au Sénat, par M. Dériot,
rapporteur, l'améliore sur bien des points.
Il y a cependant un point sur lequel je ne suis pas d'accord, je veux parler
de la formation en deux ans, et tout de suite. Je l'ai dit, cette mesure est
impossible à mettre en oeuvre. Si l'on devait le décider pour les ostéopathes,
il n'y aurait aucune raison de ne pas le décider aussi pour les
kinésithérapeutes, et ainsi de suite.
Sur le fond, j'aime cette idée d'un tronc commun à toutes les études
médicales, je l'ai même proposée depuis dix ans. Reste que nous sommes
absolument incapables de la mettre en oeuvre maintenant. Il faudrait tout
changer, les rapports avec l'éducation nationale, entre l'éducation nationale
et l'hôpital... Et qui finance quoi, pour les professeurs, les locaux, etc ?
C'est complètement impossible !
J'ai voulu le faire pour les sages-femmes et nous avons réussi. Dieu sait si
cela a été difficile, au point qu'il a fallu passer par la loi pour dépasser
les réticences médicales très fortes qui existaient alors. Nous avons donc eu
recours à la loi, mais la loi n'a pas, à elle seule, changé les conditions
objectives et matérielles. J'ajoute que, des sages-femmes, il n'y en a pas
beaucoup !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
C'est vrai !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
C'est donc complètement différent.
Dans le cas présent, il s'agirait d'embrasser toutes les professions. Je le
dis sans détour, c'est impossible, et pour tout gouvernement, qu'il soit de
gauche ou de droite !
Cela étant, l'amendement proposé introduit de réelles améliorations dans le
dispositif, et c'est bien pourquoi je m'en suis remis à la sagesse du Sénat.
Il y a au moins une raison pour laquelle nous devons vraiment avancer, et
plusieurs d'entre vous l'ont évoquée, y compris vous-même, monsieur le
président, quand vous dites que, s'agissant des manipulations vertébrales, pour
le moment, personne n'est responsable et personne ne peut être condamné. Bien
sûr, puisque la profession n'existe pas !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Il reste les coups et
blessures !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Justement, je ne veux pas que ce soit à ce titre : je
veux que l'exercice de cette pratique soit encadré, que ce soit une profession
en tant que telle, offrant des garanties et en laquelle nous puissions avoir
confiance, comme cela existe dans bien des pays.
Donc, je suis d'accord et avec le texte de l'Assemblée nationale et avec les
améliorations proposées par la commission des affaires sociales du Sénat, sauf
pour ce qui concerne les études médicales.
Nous aurons donc un audit et un décret sera pris qui devra bien sélectionner
les actes, j'en suis tout à fait d'accord.
Je suis certain que la commission mixte paritaire trouvera très vite une
solution de compromis entre nos propositions et celles de l'Assemblée
nationale.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
J'hésite presque à prendre la parole car, comme j'ai pu le constater pendant
les longs débats de la commission des affaires sociales, c'est une affaire de
médecins, de surcroît complexe, qui interdit d'autant plus au profane toute
opinion tranchée.
(Sourires.)
Cela étant, à écouter M. le rapporteur, M. le ministre, M. le président de la
commission, j'ai vraiment l'impression qu'on discute pour ainsi dire sur des
détails puisque, sur l'essentiel, tout le monde est d'accord. Il ne reste qu'à
organiser les choses. J'ai même cru comprendre, dans le propos de M. le
ministre - mais peut-être me démentira-t-il ? - que, non seulement il acceptait
de s'en remettre à notre sagesse sur l'amendement n° 169 rectifié de la
commission, mais qu'au fond sa position n'était pas très éloignée de celle de
l'auteur du sous-amendement n° 420 rectifié.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
C'est bien cela !
M. Jean Chérioux.
Pour ma part, je m'interroge. Je suis d'accord avec M. Cazeau sur le fait
qu'en effet, et cela va de soi, on ne peut pas laisser toute cette profession
hors-la-loi et qu'il est indispensable de la réglementer pour avoir un minimum
de garanties. Je suis d'ailleurs étonné du décalage entre les discours ambiants
- on ne parle que de précaution ; nous vivons sous l'empire du principe de
précaution dans tous les domaines - et ce qui se dit ici, à propos de médecine,
tout de même ! Et l'on nous cite les exemples étrangers - l'Angleterre, la
Scandinavie - pour mieux nous inciter à oublier toute précaution !
Nous avons passé des heures, dans cet hémicycle, à parler des problèmes de
l'aléa thérapeutique. Or j'ai bien l'impression qu'en la matière il y a bien
des aléas thérapeutiques, et qu'ils sont grands. Mais cela ne fait rien, plus
de principe de précaution ! Vraiment, tout cela est traité avec un peu de
légèreté.
On pardonnera ce propos mais, après tout, je suis comme tout le monde, un
malade en puissance.
(Sourires.)
Si je ne risque pas d'exercer
l'ostéopathie, je risque d'en être l'éventuelle victime !
(Nouveaux
sourires.)
C'est pour cela que je m'interroge et que j'aimerais qu'on
s'entoure de garanties. Le président de la commission des affaires sociales ne
demande d'ailleurs pas autre chose : des garanties.
L'objection de M. le ministre porte sur le temps et les moyens. Mais, monsieur
le ministre, il vous sera toujours possible de prévoir une période transitoire
dans les décrets que vous prendrez.
L'amendement de la commission vous gêne parce qu'il serait d'application
immédiate.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Il ne l'est pas !
M. Jean Chérioux.
Mais vous avez, vous, gouvernement, une grande liberté d'action. L'amendement
renvoie à des décrets ? Dans ces décrets, rien ne vous empêchera de prévoir une
période transitoire pour permettre à ceux qui pratiquent actuellement
l'ostéopathie de façon plus ou moins légale de rentrer dans la légalité
républicaine.
En définitive, les uns et les autres, quelles que soient nos positions, nous
devons voter l'amendement de la commission des affaires sociales. C'est un
texte de bon sens, un texte mesuré, un texte qui laisse un grand champ de
liberté au Gouvernement pour mettre en oeuvre, en tenant compte de toutes les
contingences, les règles qui auront été édictées par le législateur que nous
sommes.
M. Guy Fischer.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Sur l'initiative du rapporteur, l'Assemblée nationale a introduit cet article,
qui tend à instituer le titre d'ostéopathe et de chiropracteur.
Certes, monsieur le rapporteur, vous reconnaissez que l'on ne peut ignorer des
pratiques au demeurant appréciées par les Français, et sans doute par nombre de
nos collègues.
M. Jean-Pierre Vial.
Tout à fait !
M. Guy Fischer.
Comment encadrer les conditions d'exercice de l'ostéopathie, garantir la
sécurité des patients, contenir certaines dérives, si ce n'est en évaluant
leurs pratiques...
M. Jean Chérioux.
Eh bien, voilà !
M. Guy Fischer.
... et en définissant les modalités de leur formation ?
Dans la rédaction nouvelle qu'elle propose, la commission des affaires
sociales du Sénat envisage de mieux encadrer les conditions d'exercice de
l'ostéopathie par des exigences de formation et renvoie à un décret pour la
définition des actes que les praticiens peuvent effectuer.
In fine,
il
semble donc qu'elle conduise à réserver, dans les faits, l'exercice aux seuls
médecins.
Je suis certainement caricatural, d'autant que le débat a été riche et que
j'interviens le dernier.
M. le président.
Vous n'êtes pas le dernier orateur, mon cher collègue !
(Sourires.)
M. Guy Fischer.
Or je constate que, actuellement, les professionnels pratiquant l'ostéopathie
sont, majoritairement, des non-médecins.
M. Nicolas About,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Eh oui !
M. Guy Fischer.
Le problème est là ! Dans les faits, cet amendement semble ne concerner que
les seuls médecins, donc un très petit nombre de praticiens. Notre collègue
Paul Blanc tentait, à juste titre, de corriger le dispositif sur les exigences
de formation initiale. C'est donc vraiment avec cette conviction que nous nous
abstiendrons sur cet amendement.
M. Paul Blanc.
Je peux déposer de nouveau mon sous-amendement, si vous le souhaitez !
(Sourires.)
M. Francis Giraud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Giraud.
M. Francis Giraud.
L'ostéopathie ne fait pas partie de mes spécialités, mais je fais le même
constat que notre collègue M. Chérioux : depuis de nombreuses années, on
insiste, et avec raison, sur la sécurité dans tous les domaines en prévoyant
encadrement, surveillance, formation et diplômes, notamment. Et voilà que,
brusquement, s'agissant d'une activité qui, à l'évidence, est exercée par des «
illégaux », puisqu'elle n'est pas reconnue et qu'elle n'est pas inscrite dans
la loi, on se dispense de tout souci de sécurité. Certes, cette pratique est
très appréciée par nombre de nos concitoyens, mais elle n'en est pas moins
illégale.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Elle va devenir légale !
M. Francis Giraud.
Quant aux poursuites pour exercice illégal de la médecine, on le sait, le plus
souvent, elles n'aboutissent pas. Or les risques existent. Je rappelle aux
membres de la commission des affaires sociales qu'elle a procédé à des
auditions de spécialistes. Il en ressort que, même si les accidents sont très
rares, ils sont excessivement graves. Songez que l'on peut devenir paraplégique
du fait d'une manipulation : c'est dramatique, mes chers collègues !
Je n'accuse personne et je ne prétends pas que de tels accidents sont
fréquents. Simplement, je tiens à mettre en garde : il n'est pas possible de
mener, dans ce pays, deux politiques, l'une reposant sur le principe de
précaution, l'autre sur des pratiques de la médecine illégales.
C'est pourquoi je me rallie à la proposition du présisent de la commission des
affaires sociales qui consiste à analyser très sérieusement la situation en
réalisant un audit.
L'amendement de la commission, que j'ai évidemment soutenu, est l'objet de
remarques - je ne dirai pas de critiques - au motif qu'il n'est pas forcément
le mieux adapté. J'en suis bien conscient.
Vous nous dites que, lors de la commission mixte paritaire, nous pourrons
peut-être améliorer ce texte, le rendre plus adapté à la réalité. Devons-nous
pour autant, tout d'un coup, officialiser une pratique illégale de la médecine,
même si elle est bénéfique pour un certain nombre de patients ? Cette question
mérite considération. Nous devons prendre le temps de l'étudier, afin de donner
toutes les garanties nécessaires à nos concitoyens qui vont se confier à ces
praticiens.
Certes, des médecins bardés de diplômes peuvent commettre des erreurs ! Mais
si l'Etat accorde une garantie, il faut qu'elle soit réelle.
(M. Chérioux
applaudit.)
M. Claude Domeizel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel.
Je serai très bref. Je ne suis pas un spécialiste de l'ostéopathie, mais pour
d'autres raisons que le professeur Giraud : n'étant pas médecin, je donnerai le
point de vue d'un patient.
J'avais plutôt tendance à préférer le texte de l'Assemblée nationale mais, au
fur et à mesure du débat, l'amendement de la commission me semble un peu trop
restrictif.
Puisque nous ne parvenons pas à trouver une solution issue du Sénat, je
m'abstiendrai en souhaitant que la commission mixte paritaire trouve une
solution qui prenne en compte ce qui est bon dans l'amendement de la
commission.
M. Gérard Dériot,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Dériot, rapporteur.
M. Gérard Dériot,
rapporteur.
Je voudrais simplement souligner le fait - nous nous en
étions tous rendu compte - qu'il s'agit d'un problème majeur de société. A cet
égard, monsieur le ministre, pourquoi n'avez-vous pas prévu dès le départ, dans
un projet de loi qui concerne la qualité du système de santé, l'organisation
d'une profession qui, apparemment, en est un élément majeur ? En effet, tout le
monde semble considérer que cette profession est indispensable.
Je remarque en outre que l'article sur lequel nous débattons est issu des
travaux de l'Assemblée nationale. C'est curieux, s'agissant d'un texte qui
traite de la qualité du système de santé.
Notre collègue Francis Giraud l'a rappelé tout à l'heure, le principe de
précaution est partout et, du jour au lendemain, on décide de reconnaître des
praticiens dont je ne nie pas, par ailleurs, qu'ils fassent un travail
intéressant. Si, aujourd'hui, dans notre pays, il suffit de faire en masse un
certain nombre d'actes illégaux pour être reconnu, permettez-moi de vous dire,
monsieur le ministre, que je trouve cela un peu inquiétant !
Cependant, nous souhaitons vivement qu'un audit approfondi soit effectué afin
de définir un cadre de formation et de reconnaissance des personnes qui sont
déjà en activité. Tel est le sens de notre amendement.
En revanche, s'il s'agit de reconnaître une pratique qui n'a pas été définie
auparavant, permettez-moi à nouveau de souligner que c'est sans doute la
première fois ! Les kinésithérapeutes, dites-vous, n'ont pas la formation
initiale que nous demandons dans notre amendement, mais ils interviennent après
un diagnostic effectué par un médecin ; ils exécutent une prescription.
Nous souhaitons simplement qu'un véritable diagnostic soit réalisé pour éviter
les accidents. En outre, nous demandons avec force qu'un audit soit effectué
par le Gouvernement avant d'aller plus loin.
J'espère qu'avec nos collègues députés nous trouverons le moyen d'éviter une
trop grande précipitation. En effet, si ce projet de loi n'avait pas été
déclaré d'urgence, peut-être aurions-nous eu plus de temps pour approfondir
cette question et pour proposer des dispositions plus affinées.
M. Paul Blanc.
Bien sûr !
M. Gérard Dériot,
rapporteur.
Telle est la proposition que je vous fais, mes chers
collègues : demandons un audit et adoptons l'amendement n° 169 rectifié de la
commission afin que nous puissions en débattre par la suite.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Absolument !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Ne chargez pas trop la barque ! J'ai dit, dès le début,
que je m'en remettais à la sagesse du Sénat. Vous ne pouvez guère m'adresser de
reproche. J'ai forcé ma propre nature...
(Exclamations sur les travées du
RPR et de l'Union centriste.)
Le présent projet de loi traite bien évidemment de sécurité et de protection,
mais n'exagérons pas les incidents qui se sont produits en matière
d'ostéopathie. Lorsque nous parlons d'incidents sériels, il s'agit
d'infections, d'incidents massifs touchant des milliers de personnes. Je le
reconnais, monsieur Giraud, nous avons tous entendu parler d'accidents de ce
type, mais je n'en ai personnellement constaté aucun. En fait, un nombre très
limité de personnes sont concernées. Je suis donc favorable à un encadrement,
mais comment procéder ? Ne soyez pas en contradiction avec vous-même ! Il ne
faut pas laisser les intéressés dans l'illégalité.
(M. Dériot, rapporteur,
acquiesce.)
Nous sommes donc d'accord sur le fond.
Enfin, comme je vous l'ai dit le premier jour en commission, je ne suis pas
défavorable à un audit, mais ne pensez pas que nous aurons le temps de faire
une étude épidémiologique de tous les patients qui ont eu recours à
l'ostéopathie pour en voir les avantages. Des textes formidables existent sur
ce sujet dans tous les pays anglo-saxons.
Puisque nous sommes d'accord, n'allons pas plus loin. Le décret est nécessaire
et je vous prie de m'excuser de ne pas l'avoir précisé suffisamment dans le
projet de loi. Nous pensions préalablement réaliser un travail d'enquête,
notamment sur les écoles. Le décret apportera les précisions nécessaires. Je
vous assure que nous n'avons pas l'intention de faire courir des risques
supplémentaires à nos concitoyens. Sûrement pas !
M. Bernard Angels.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels.
Monsieur le ministre, je vous ai bien entendu ; mes chers collègues, je vous
trouve bien frileux. C'est une réalité, il y a actuellement des gens compétents
qui rendent des services à des personnes malades.
M. Jean Chérioux.
Comme les rebouteux !
M. Bernard Angels.
Il faut essayer de clarifier ce nouveau mode de médecine douce.
(Murmures
sur plusieurs travées.)
M. Gérard Braun.
Pas si douce que cela !
M. Bernard Angels.
Il est évident qu'il faut encadrer cette nouvelle forme de soin. Néanmoins,
monsieur le rapporteur, la commission des affaires sociales adopte une position
bien trop restrictive, dans la mesure où certaines choses sont infaisables.
Je suis d'accord avec vous, monsieur le ministre, sur bien des points, en
particulier lorsque vous avez tenté, en tant que ministre de la santé, de
clarifier les relations entre les malades et les médecins, ainsi que la
formation des médecins. Néanmoins, en l'occurrence, nous légiférons dans le
vide. L'amendement de la commission indique que : « L'usage professionnel du
titre d'ostéopathe ou de chiropracteur est réservé aux personnes justifiant
avoir effectué le premier cycle d'études médicales » : cela ne correspond
actuellement à rien. Or il y a aujourd'hui des gens qualifiés. Je crois qu'il
faut, avant tout, éviter que des charlatans ne manipulent n'importe qui.
(Marques d'approbation sur de nombreuses travées.)
M. Jean Chérioux.
Exactement !
M. Bernard Angels.
Nous sommes d'accord sur ce point ! Il conviendrait ensuite de régler le
problème des études. Mais, croyez-moi, l'amendement de la commission ne
correspond pas à la réalité et on est en train d'empêcher des gens de bonne
volonté d'accéder à une formation.
Il existe en France des écoles performantes, les études durent six à sept ans.
Certains kinésithérapeutes font un ou deux ans de stage et manipulent des gens.
Il faut donc légiférer pour aider les gens qui en ont besoin, mais pas sur des
chimères.
(M. Cazeau applaudit.)
M. Hilaire Flandre.
C'est de la manipulation !
M. Jean Chérioux.
C'est un mauvais procès fait à l'amendement ! C'est une mauvaise
interprétation !
M. Louis de Broissia.
Il n'a pas écouté les explications tout à l'heure !
M. Jean-Louis Lorrain.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Je prends la parole pour apporter très modestement ma contribution.
Si j'ai bien compris, il ressort de nos débats la volonté de canaliser,
d'encadrer et d'améliorer l'usage de l'ostéopathie ou de la chiropractie. Ce
qui m'inquiète, c'est que nous entrons dans un vaste processus. Je pourrais
évoquer les mécanothérapies, la gammathérapie, les massages les plus divers
dont sont friands, par exemple, nos amis suisses, avec l'aide d'ustensiles les
plus variés. Je pourrais aussi vous parler de la relaxation.
Chaque chose en son temps, je le sais, et c'est une bonne chose de l'avoir
appris. J'aimerais cependant poser une question. A partir du moment où nous
aurons reconnu, encadré, évalué, mes chers collègues, il va falloir rembourser,
codifier des actes et la reconnaissance de la sécurité sociale sera sollicitée.
Là, nous abordons encore un autre sujet.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Je vais être doux,
monsieur le ministre, puisque M. Angels vient d'évoquer les médecines douces.
Il est curieux de refuser le début du commencement des études de médecine quand
on parle de médecine douce !
M. Gérard Braun.
Eh oui !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Il y a quelque chose
d'illogique à dire que nous refusons la médecine douce tout en n'acceptant pas
même les deux premières années.
Il ne s'agit pas d'un affrontement puisque nous avons dit, avec M. le
ministre, que nous allions trouver une solution pour ceux qui sont en place,
qui ont reçu un enseignement digne de ce nom et qui ont toutes les raisons de
pouvoir pratiquer. Je ne répéterai pas ce que j'ai dit tout à l'heure. A partir
du moment où ce qu'ils font ne nuit pas, après tout s'ils font du bien aux
autres, pourquoi pas ? Il n'est pas illogique de prévoir - c'est le sens d'une
loi - telle disposition pour l'avenir. Comme je l'ai précisé tout à l'heure, il
faudra, au cours de la commission mixte paritaire, rédiger correctement la
contrainte d'audit, car c'est indispensable.
Personnellement, je n'ai pas rejeté l'idée de M. Paul Blanc. En effet, dans la
formation des personnes concernées, si des années correspondent à ce qui est
dispensé à la faculté de médecine dans le premier cycle des études médicales,
pourquoi ne seraient-elles pas prises en compte ?
S'agissant des écoles d'ingénieurs, pour certains étudiants, les deux
premières années sont Math Sup et Math Spé, c'est-à-dire les années
préparatoires ; pour d'autres, ce sont deux années supplémentaires au sein même
de l'école. On accepte donc des équivalences pour leurs deux premières années.
Or les ingénieurs devront régler des problèmes très difficiles, concernant
également la sécurité de nos concitoyens, qu'il s'agisse des ponts ou des
habitations. Pourquoi ce que l'on accepte pour les uns, nous ne l'accepterions
pas pour les autres ?
Ne crions pas au loup avant que le texte ait été mis au point définitivement.
La commission a fait des efforts. Il n'était pas facile de parvenir à une
rédaction sur ce point, M. Domeizel l'a très bien dit. Nous l'avons fait très
vite, c'est vrai. Nous nous sommes efforcés de le faire consciencieusement. Les
rapporteurs ont entendu toutes les personnalités qui l'ont souhaité. Nous
sommes parvenus à une rédaction mais tout n'est pas réglé, des lacunes
demeurent.
Je souhaite qu'un large consensus se dégage lors du vote. En effet, nous
souhaitons tous que la commission mixte paritaire débouche sur une solution qui
donnera satisfaction à tout le monde. A l'instar de M. le ministre, qui s'en
est remis à la sagesse de notre assemblée, donnons, à notre tour, un signe très
fort, faisons-nous confiance pour rechercher une solution. Ne commençons pas à
ouvrir une guerre qui, à mon avis, ne mérite pas de l'être !
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. Paul Blanc.
Très bien !
M Jean-Pierre Godefroy.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy.
Monsieur le président, si cela est possible, M. Cazeau et moi-même nous
souhaitons reprendre le sous-amendement n° 420 rectifié, qui répond à nos
préoccupations.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 420 rectifié
bis
, présenté
par MM. Godefroy et Cazeau, et ainsi libellé :
« Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement
n° 169 rectifié, après les mots : "études médicales", insérer les mots : "ou
avoir suivi un enseignement équivalent dont les modalités sont définies par
décret". »
Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. Gérard Dériot,
rapporteur.
Sagesse !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je ne peux que m'en remettre à la sagesse du Sénat car,
pardonnez-moi, monsieur Paul Blanc, j'estime qu'il améliore presque le
dispositif qui est proposé par la commission. En effet, il a pour objet
d'ajouter les mots : "ou avoir suivi un enseignement équivalent dont les
modalités sont définies par décret ».
Je suis tout à fait d'accord avec cette formulation puisque c'est ce que le
Gouvernement a prévu de faire. Toutefois, avant de définir cet enseignement par
décret, il faut en dresser l'inventaire. En effet, j'ai appris, par M. Angels,
que, à l'heure actuelle, certaines écoles dispensent l'enseignement sur sept
ans. Entre les écoles dont l'enseignement s'étale sur sept ans et celles où il
s'étale sur quatre ans, il faudra faire le ménage. Effectivement, on ne peut
décerner le même diplôme aux étudiants qui ont suivi un enseignement pendant
quatre ans et à ceux qui ont étudié pendant sept ans. Il faut donc du temps.
Je m'en remets donc à la sagesse du Sénat sur l'amendement et sur le
sous-amendement. Nous aboutirons.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 420 rectifié
bis.
M. Bernard Angels.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels.
Personnellement, je considère que ce sous-amendement est judicieux. Il laisse
la porte ouverte pour une future commission mixte paritaire. En effet, il ne
verrouille rien - M. Blanc le sait - et cela correspond à ma préoccupation.
L'intention du président de la commission et du rapporteur est louable, mais
cela dépend également d'une réforme complète des études de médecine. A cet
égard, je suis bien sûr à vos côtés, monsieur le ministre.
Il est impératif de mettre en place un pilier médical et général, afin que les
étudiants puissent ensuite s'orienter vers les différents secteurs de la
médecine. Or, à l'heure actuelle, ce n'est pas le cas.
Ce sous-amendement permet de traiter le problème de ceux qui ont une formation
réelle. Aussi, je souhaite que le Sénat l'adopte.
M. Paul Blanc.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc.
Je suis confus de l'honneur que me fait la Haute Assemblée, puisqu'une
quasi-unanimité se dégage pour retenir le sous-amendement que, dans un souci de
pragmatisme, j'avais retiré et qui a été repris par deux de nos collègues. Bien
entendu, personne ne comprendrait que je ne le vote pas !
(Sourires.)
Je
le voterai donc. Mon collègue Louis de Broissia me suivra sans doute dans cette
voie.
M. Louis de Broissia.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia.
Après tout, puisque tout le monde parle, pourquoi pas moi ? Je souhaite réagir
surtout sur le fait que le sous-amendement de notre collègue Paul Blanc ait été
repris.
Nous avons tous l'habitude d'un débat parlementaire fructueux. Voilà une bonne
heure que l'on parle de la reconnaissance du rôle éminent des chiropracteurs.
Mes chers collègues, permettez-moi de faire un sondage : parmi vous, quels sont
ceux qui n'ont jamais eu recours aux services d'un ostéopathe ou d'un
chiropracteur ?
(Plusieurs sénateurs lèvent la main.)
Parmi vous, la
moitié y ont eu recours, parfois même sans savoir s'ils avaient affaire à un
ostéopathe, à un chiropracteur ou à un masseur-kinésithérapeute.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Ou un
vertébrothérapeute !
M. Louis de Broissia.
Bref, nous y sommes tous passés !
M. le ministre s'en remet à la sagesse du Sénat. Pour ma part, je considérais
que l'on pouvait se contenter de l'amendement de la commission des affaires
sociales, laquelle a très longuement étudié la question. Puis, patatras,
j'entends dire que ces personnes devraient suivre toutes les études de
médecine. C'est du moins ce que j'ai cru comprendre des propos de M. Angels.
M. Bernard Angels.
Non, ce n'est pas ce que j'ai dit !
M. Louis de Broissia.
Je vous ai écouté, monsieur Angels. Moi, je suis présent dans l'hémicycle
depuis plus d'une heure. Je suis donc pétri d'informations et d'un échange sur
la profession d'ostéopathe. J'ai cru comprendre qu'il s'agissait de retenir une
disposition à la demande du Sénat, avec la reconnaissance de M. le ministre et
l'appui indirect de notre ami Paul Blanc qui, voulant bien faire, avait retiré
son sous-amendement, lequel a été repris selon la fantaisie de la Haute
Assemblée à l'approche de la nuit. Il faut en revenir aux choses sérieuses. On
veut reconnaître une profession qui fait de la médecine proche de la « médecine
de proximité ». En l'occurrence, je fais un parallèle avec le projet de loi sur
la démocratie de proximité, que nous avons examiné dernièrement.
Personnellement, je me rallie à la sagesse de la commission des affaires
sociales, qui a travaillé sur ce point et qui demande qu'un audit soit
effectué. Un décret interviendra ensuite. Le Gouvernement et la Haute Assemblée
ne doivent pas suivre l'avis de notre collègue Paul Blanc qui, dans un très bon
premier temps, avait retiré son sous-amendement.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Au cours de ce débat, j'ai constaté une sorte de consensus.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Oui !
M. Jean Chérioux.
Or personne ne veut l'exprimer, ce qui est extraordinaire !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Exprimez-le !
M. Jean Chérioux.
En réalité, les propos de M. le président de la commission des affaires
sociales et du rapporteur M. Dériot montrent que l'on n'était pas si loin du
sous-amendement que notre ami Paul Blanc avait déposé et qu'il a, hélas !
retiré. Il en est de même de M. le ministre. En effet, un des éléments qui le
gênait pour rédiger les futurs décrets, c'était le tronc commun.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Bien sûr !
M. Jean Chérioux.
Votre rôle est donc facilité à cet égard, monsieur le ministre.
Aussi, je voudrais que l'on reconnaisse qu'un large consensus se dégage.
Notre collègue Jean-Pierre Godefroy a bien fait de reprendre ce
sous-amendement. En effet, si le vote que nous allons émettre dans quelques
instants est quasi unanime, notre position sera confortée face aux députés qui
siégeront au sein de la commission mixte paritaire. La commission des affaires
sociales et le Gouvernement s'en sont remis à la sagesse de notre assemblée. Je
souhaite que le Sénat manifeste à son tour sa sagesse en votant à l'unanimité
le sous-amendement présenté par notre collègue Paul Blanc et qui a été repris
par M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Bernard Cazeau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau.
Contrairement à notre collègue Jean Chérioux, je pense qu'il y a une grande
différence entre l'amendement de la commission et le sous-amendement qui a été
repris par notre collègue Jean-Pierre Godefroy.
En effet, avec le dispositif de la commission, on boucle le système avec les
études médicales. En revanche, avec le sous-amendement, on ouvre le système et
la commission mixte paritaire permettra peut-être, comme vous le souhaitez,
monsieur le président About, d'améliorer le dispositif.
Cela étant dit, puisque j'ai enfin réussi à avoir la parole grâce à ce
sous-amendement
(Sourires)
, j'en profite pour répondre à mon collègue et
ami Francis Giraud. En effet, M. Francis Giraud sécurise le citoyen en
ignorant. Pour ma part, je préfère sécuriser en reconnaissant, car, ce faisant,
on peut séparer le bon grain de l'ivraie, comme cela a déjà été dit. Je préfère
que le sous-amendement soit retenu. En effet, comme M. le ministre l'a dit - et
il a raison, au moins sur ce point -, en l'état actuel, cet amendement n'est
pas applicable.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Pour le moment, effectivement !
M. Gérard Dériot,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Dériot,
rapporteur.
Quand notre collègue Paul Blanc a présenté son
sous-amendement, la commission s'en est remis à la sagesse du Sénat. Je ne sais
pas pourquoi M. Blanc l'a retiré. M. Godefroy l'a repris. Il convient d'adopter
l'amendement de la commission ainsi sous-amendé.
(MM. Angels et Cazeau font
un signe d'assentiment.)
M. le président.
Même si c'est évident, il était peut-être mieux de le dire !
Je mets aux voix le sous-amendement n° 420 rectifié
bis
, pour lequel la
commission et le Gouvernement s'en remettent à la sagesse du Sénat.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. Jean Chérioux.
Voilà le consensus !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 169 rectifié.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Je tiens simplement à
préciser, car je ne l'ai pas fait tout à l'heure, que, pour moi, il ne s'agit
pas d'une médecine douce, et qu'il s'agit encore moins d'une médecine de
proximité. En effet, en France, la médecine de proximité n'est pas assurée par
les ostéopathes !
M. Gérard Braun.
C'est vrai !
M. le président.
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 169 rectifié, pour lequel le
Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Guy Fischer.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
M. Claude Domeizel.
Le groupe socialiste également.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 52
bis
est ainsi rédigé.
Article 53