SEANCE DU 13 FEVRIER 2002
«
Article unique.
- Est autorisée l'approbation de l'accord sous forme
d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de la République italienne relatif au contrôle de la circulation
dans les tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus, signées à Paris et à Rome les 4 et
6 octobre 2001, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Je vais mettre aux voix l'article unique du projet de loi.
M. Jacques Bellanger.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger.
Un trafic qui ne cesse de croître et de faire une place royale au transport
routier - nous sommes passés de 45 000 camions en 1966 à 800 000 trente ans
plus tard -, une insécurité grandissante - 10 000 morts par an, des milliers de
handicapés à la suite d'accidents routiers -, des personnes à la santé fragile
ou vulnérables, comme les enfants, encore plus fragilisées par la dégradation
de la qualité de l'air, des atteintes, parfois irrémédiables, à
l'environnement, enfin, un coût financier insoutenable pour la collectivité,
qu'il s'agisse de l'Etat ou des collectivités locales, telle était la situation
que nous avons trouvée en 1997 !
(Exclamations sur les travées du
RPR.)
Le gouvernement de Lionel Jospin
(Ah ! sur les mêmes travées)...
M. Alain Gournac.
Le sauveur est arrivé !
M. Jacques Bellanger.
Mais oui ! Il faut rappeler un certain nombre de choses, et je vais y
revenir.
Le gouvernement de Lionel Jospin, disais-je, a pris immédiatement à
bras-le-corps cette problématique, dans le cadre d'une politique d'aménagement
durable du territoire. Je ne souhaite pas reprendre l'ensemble des mesures
prises. Cependant, j'en rappellerai quelques-unes.
Ce fut, tout d'abord, la fixation d'un objectif politique volontariste, à
savoir le rééquilibrage des modes de transport en faveur du ferroviaire :
l'enveloppe du transport par fer a été doublée, les dotations en faveur du
ferroviaire ont augmenté considérablement dans le cadre de la nouvelle
génération des contrats de plan Etat-région et, enfin, l'objectif de doublement
du trafic de fret ferroviaire a été fixé.
Parallèlement, un travail important a été engagé pour lutter contre le dumping
économique et social dans les transports routiers. Après avoir pris diverses
mesures législatives en France, le Gouvernement a bataillé ferme auprès des
institutions européennes pour améliorer les conditions de travail des
chauffeurs routiers. Des avancées significatives ont été obtenues et, dans un
premier temps, le travail des routiers salariés a été limité à quarante-huit
heures par semaine en moyenne, grâce à vous, monsieur le ministre, et au
gouvernement de Lionel Jospin.
Cette mesure est importante. En effet, elle signifie que les Etats, mais aussi
les professionnels des transports routiers et les acteurs économiques,
reconnaissent enfin que le transport a un coût et qu'il doit être payé à son
juste prix. C'est un premier pas. Nous devons poursuivre dans cette voie.
Néanmoins, toutes ces mesures ne seront pas suffisantes sur le long terme,
car, aussi nécessaires soient-elles, elles ne font malheureusement
qu'accompagner, ou au mieux rééquilibrer à la marge, cette tendance vers le «
tout-routier ».
Aujourd'hui, nous sommes, en effet, dans une économie de flux tendus, de
recherche des coûts les plus bas. Or, si l'on s'en tient à la seule question du
transport, ce mode de production conduit à des aberrations. Savez-vous, par
exemple, que, pour fabriquer un simple pot de yaourt aux fraises en Italie, les
différents composants parcourent 3 500 kilomètres avant d'être - enfin ! -
réunis ? Ensuite, il faut le livrer au consommateur ! A mes yeux, cet exemple
est très parlant.
Peut-être devrions-nous davantage nous interroger sur les modes de production
pour les rendre plus conformes à notre volonté d'améliorer la qualité de vie et
d'aménager durablement le territoire ? C'est un autre débat, que nous aurons
peut-être bientôt dans nos campagnes.
Sans vouloir trop polémiquer, je ne peux m'empêcher de formuler une autre
réflexion. Nous avions l'habitude, dans cet hémicycle, d'entendre la majorité
sénatoriale, essentiellement par la voix de M. Jacques Oudin, défendre le
transport routier. Combien de fois avons-nous dû, ici, batailler contre la
défense tous azimuts du transport routier ? Nous imposions, paraît-il, une
limitation inacceptable à la liberté d'entreprendre. Aussi, je me réjouis des
propos que vient de tenir mon collègue Jean-Pierre Vial. Je crois que, peu à
peu, la sagesse s'imposera et que nous renoncerons au « tout-routier ».
Je reviens au texte que nous examinons aujourd'hui, même si son objet est très
circonscrit, puisqu'il s'agit d'autoriser un gendarme français à intercepter et
à verbaliser sur le territoire italien un conducteur qui a commis une
infraction routière dans la partie française du tunnel du Mont-Blanc ou du
Fréjus, et réciproquement. Ce texte est important, car il vient parfaire
l'ensemble des mesures, notamment législatives, proposées par le Gouvernement
pour mieux réguler la traversée des Alpes.
Ce fut, à l'automne dernier, la loi relative à la sécurité des
infrastructures, qui donne corps à cet accord et qui a permis la création du
pôle multimodal alpin. Ce sera, jeudi en huit, la ratification de l'accord
franco-italien pour la réalisation de la liaison ferroviaire Lyon-Turin. Enfin,
ce sera, prochainement, la réouverture du tunnel du Mont-Blanc dans des
conditions de sécurité optimale.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Voilà !
M. Jacques Bellanger.
En effet, pour la première fois, la circulation alternée sera mise en place et
le transport des marchandises dangereuses interdit.
Il nous restera, collectivement, à réfléchir, à plus long terme, sur la
répartition entre les différents modes de transport des marchandises, dont le
tonnage va croître considérablement dans les années à venir. Dans la discussion
que nous avons aujourd'hui, il est un absent qu'il ne faut pas oublier : la
voie fluviale. Nous aurons également à réfléchir à ce mode de tranpsort.
M. Philippe François,
rapporteur.
Le canal Rhin-Rhône !
M. Jacques Bellanger.
Dans ces conditions, le groupe socialiste votera sans aucune hésitation ce
projet de loi visant à autoriser la ratification de l'accord relatif au
contrôle de la circulation dans les tunnels du Mont-blanc et du Fréjus.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean-Pierre Vial.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vial.
M. Jean-Pierre Vial.
S'agissant de l'équilibre du trafic entre les deux vallées, j'ai pris note,
monsieur le ministre, de vos observations. J'avais indiqué que, malgré ces
craintes, nous soutiendrions ce projet. Je ne reviens donc pas sur ce point.
J'en viens au trafic ferroviaire. Je ne renonce à aucune de mes convictions,
car j'ai toujours été convaincu que le trafic de marchandises devait être
réparti entre les différents modes de transport. Monsieur le ministre, j'ai
bien noté votre engagement, votre enthousiasme, de voir multiplié par deux ou
par quatre le fret ferroviaire. Mais, aujourd'hui, les chiffres nous amènent à
constater l'inverse.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Vous avez
raison, ce n'est pas vrai pour 2001 !
M. Jean-Pierre Vial.
Même l'augmentation constatée sur les dix dernières années montre que l'on est
encore loin de pouvoir espérer une multiplication par quatre du fret
ferroviaire.
Enfin, monsieur le ministre, je constate que, sur la question fondamentale qui
nous angoisse, qui est bien évidemment celle du financement des ouvrages, vous
ne m'avez pas répondu. J'espère que, lors de votre venue prochaine en Savoie,
vous pourrez donner aux Savoyards des assurances quant à la fixation non
seulement des échéances pour la livraison de l'ouvrage mais également, et
surtout, en ce qui concerne les financements nécessaires au démarrage des
travaux.
M. Louis Moinard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Moinard.
M. Louis Moinard.
Bien évidemment, je voterai l'article unique qu'a rapporté M. Philippe
François, au nom de la commission des affaires étrangères, à laquelle
j'appartiens.
Je voulais simplement souligner, monsieur le ministre, ainsi que certains
orateurs l'ont fait avant moi en vantant le ferroviaire, le danger des tunnels
routiers.
Comment sera assurée, toutefois, la continuité du service ferroviaire ? En
effet, comment pourra-t-on transporter par le rail des marchandises périssables
et des animaux si le trafic peut être soudainement interrompu ? Nous
respectons, bien sûr, le droit de grève,...
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Ah !
M. Louis Moinard.
... qui a valeur constitutionnelle. Mais, monsieur le ministre, comment
va-t-on résoudre ce problème ?
M. Pierre Hérisson.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson.
Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas mettre à notre passif et à votre
profit un certain nombre de vérités !
Tout d'abord, je rappelle que Réseau ferré de France a été créé sous un
gouvernement de notre majorité, entre 1995 et 1997, et qu'il permet aujourd'hui
la réalisation d'autoroutes ferroviaires et le développement des
infrastructures ferroviaires, y compris avec la collaboration des régions, qui
existait déjà, à titre expérimental, avant 1997.
Par ailleurs, vous avez parlé des dividendes des sociétés d'autoroutes et
évoqué nos « conceptions libérales », dont nous n'avons d'ailleurs pas honte.
Je note cependant que vous les utilisez à bon escient puisque vous ouvrez le
capital des sociétés d'autoroutes et que vous dégagez des moyens qui
permettront, entre autres, de financer le ferroviaire !
(Sourires.)
Vous
voyez donc que le libéralisme a du bon, surtout quand c'est vous qui l'utilisez
!
(Nouveaux sourires.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président.
Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité.
4