SEANCE DU 13 FEVRIER 2002
RÈGLEMENT DÉFINITIF DU BUDGET DE 2000
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 13, 2001-2002),
adopté par l'Assemblée nationale, portant règlement définitif du budget de
2000. [Rapport n° 50 2001-2002)].
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le président, mesdames, messieurs
les sénateurs, nous examinons, ce soir, le projet de loi de règlement relatif à
l'exercice 2000.
Je souhaite, tout d'abord, souligner que, grâce aux efforts conjugués de la
Cour des comptes, pour publier son rapport sur l'exécution des lois de finances
pour 2000, et du Gouvernement, le projet de loi de règlement pour 2000 a pu
être déposé dès le début du mois de juillet 2001, et c'est la première fois que
cela est possible dans un tel délai.
Je voudrais m'en féciliter à un double titre. D'une part, cela s'inscrit
pleinement dans la lignée des avancées qui ont déjà été réalisées par le
Gouvernement en matière de transparence des finances publiques ; d'autre part,
cela préfigure la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001.
Le Gouvernement souhaite en effet enrichir sans attendre l'information
communiquée au Parlement avec la loi de règlement.
Les comptes rendus de gestion budgétaire des différents ministères bénéficient
ainsi d'une présentation plus homogène et d'un contenu plus riche. Ces
documents témoignent de la volonté du Gouvernement d'engager le processus
conduisant d'une administration de moyens à une gestion par objectifs,
conformément à l'esprit de la nouvelle loi organique relative aux lois de
finances.
Par ailleurs, la présentation du compte général de l'administration des
finances a été enrichie : par une évaluation plus complète des immobilisations
corporelles, incorporelles et financières composant le patrimoine de l'Etat ;
par l'extension de la comptabilisation en droits constatés à la TVA ; grâce à
l'élargissement du périmètre des créances fiscales faisant l'objet d'un
provisionnement pour dépréciation ; enfin, par l'ajout d'une présentation
synthétique des liens financiers entre la France et l'Union européenne.
Sur le fond, la loi de règlement de 2000 s'inscrit dans le respect des
orientations fixées depuis 1997.
Vous en connaissez le socle : une évolution maîtrisée de la dépense publique,
la poursuite des baisses d'impôts pour la croissance et le pouvoir d'achat,
enfin la volonté de limiter le déficit et l'endettement.
Ce projet de loi illustre les trois caractéristiques de la politique
budgétaire suivie par le Gouvernement.
Première caractéristique : les dépenses de l'Etat sont maîtrisées de façon à
améliorer les comptes et à préparer l'avenir.
En 2000, les dépenses nettes du budget général ont été stabilisées en volume,
à structure constante, et après retraitement des dépenses exceptionnelles.
Le Gouvernement a ainsi respecté la norme d'évolution qu'il s'était fixée lors
de l'élaboration du projet de loi de finances pour 2000.
Au-delà, ce résultat illustre la maîtrise globale des dépenses de l'Etat menée
avec détermination sur l'ensemble de la législature.
La progression des dépenses de l'Etat telle qu'elle résulte des normes
retenues dans les projets de loi de finances successifs depuis 1998 s'établit
en effet à 18 %, soit une augmentation inférieure à celle de la croissance.
A cette discipline a été associée une gestion dynamique des crédits
budgétaires.
Au terme de cette gestion active de la dépense, près de 33 milliards de francs
d'économies et de redéploiements ont été réalisés chaque année depuis 1997.
Plus de 80 % de la progression du budget de l'Etat, soit 111,5 milliards de
francs sur 137,7 milliards de francs, ont ainsi pu être affectés depuis 1997
aux secteurs prioritaires que sont l'éducation, l'emploi et la lutte contre les
exclusions, la sécurité, la justice, la culture et l'environnement.
Les budgets correspondant à ces secteurs prioritaires ont progressé de 17,2 %
en valeur depuis 1997. Le budget de l'éducation nationale aura ainsi augmenté
de 59 milliards de francs depuis 1997, celui de l'emploi et de la solidarité de
26 milliards de francs.
La deuxième caractéristique de cette politique budgétaire est la poursuite des
baisses d'impôts pour favoriser la croissance et le pouvoir d'achat.
En 2000, pour la première fois depuis dix ans, le taux des prélèvements a
reculé, revenant à 45,2 % du PIB, après une augmentation continue depuis 1993,
d'abord sous l'effet des hausses d'impôt décidées par la précédente majorité,
puis sous l'effet mécanique de la progression des recettes fiscales liée à la
croissance économique.
Cette diminution est amenée à s'amplifier grâce à la mise en oeuvre du plan
triennal d'allégement des impôts à hauteur de 120 milliards de francs.
Les baisses portent sur les grands impôts nationaux comme sur la fiscalité
locale.
L'exercice 2000, qui nous occupe ce soir, aura ainsi vu, par exemple, la
baisse d'un point des deux premiers taux du barème de l'impôt sur le revenu -
soit une baisse d'impôt de l'ordre de 11 milliards de francs - et la baisse
d'un point du taux normal de TVA - soit une baisse d'impôt brute de 18
milliards de francs.
Au-delà de la diminution de la pression fiscale, les réductions d'impôt ont
pour ambition de rendre le système de prélèvement plus juste et plus favorable
à l'emploi.
Dernière caractéristique de la politique budgétaire : la diminution des
déficits.
En 2000, le Gouvernement a poursuivi l'objectif de redressement des finances
publiques entamé en 1997.
Le déficit public, qui s'élevait à 4,2 % du PIB en 1996, a été ramené à 1,4 %
du PIB l'année dernière. Le déficit budgétaire a donc été réduit de plus de 100
milliards de francs, passant de 295 milliards de francs en 1996 à 191 milliards
de francs en 2000, soit cinq fois plus que sous les gouvernements de la
précédente majorité.
La réduction constante de la dette atteste également de cette gestion
sérieuse, puisque cette dette a connu son premier recul depuis vingt ans en
s'établissant à 58,6 % du PIB en 1999.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les
orientations du projet de loi de règlement pour 2000 que j'ai l'honneur de
soumettre maintenant à votre approbation.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Yann Gaillard,
en remplacement de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai
l'honneur de présenter, au nom de la commission des finances, notre dernier
rapport budgétaire de la législature portant, en l'espèce, sur le règlement
définitif du budget 2000, rapport qui se trouve d'ailleurs être l'un des
derniers à être exprimés en francs.
Comme vous le savez, mes chers collègues, un projet de loi de règlement est un
constat fondé sur le contrôle
a posteriori
de l'exécution des lois de
finances de l'année. Il s'agit d'un quitus comptable qui, en aucun cas, ne vaut
acceptation de la politique et des pratiques budgétaires du Gouvernement. Cela
est vrai notamment pour l'année 2000, que l'on pourrait appeler l'année des «
occasions budgétaires manquées », comme cela sera vrai pour les années qui
suivront et qui nous feront considérer l'an 2000 avec une certaine nostalgie
!
Quoi qu'il en soit, la première occasion manquée est celle du calendrier
budgétaire, madame la secrétaire d'Etat.
Sur la forme, permettez-moi de rappeler que, sur l'initiative du président de
la commission des finances, M. Alain Lambert, et avec le concours de tous, à
commencer par le vôtre, la clarté et, surtout, la portée concrète des projets
de loi de règlement seront accrues par la nouvelle loi organique du 1er août
2001 relative aux lois de finances. En effet, celle-ci revalorise la loi de
règlement et, à travers elle, le nécessaire contrôle de l'exécution du budget,
cette dernière fonction devant être, comme l'avait souligné le président
Christian Poncelet, la « seconde nature du Parlement ». Grâce à l'article 41 de
cette nouvelle loi organique, nous devrions - faut-il dire que nous « devions »
? - mettre en place un « chaînage vertueux » entre la discussion de la loi de
règlement de l'année n-1 et l'examen de la loi de finances de l'année n + 1.
Nos débats vont ou, plutôt, étaient censés ainsi y gagner en cohérence, en
efficacité et donc en intérêt.
A ce titre, notre commission avait tenu à déposer son rapport dès le 31
octobre 2001, soit avant le rapport portant sur le budget de 2002. Il est donc
regrettable que le Gouvernement, seul maître de l'ordre du jour, n'ait pas
inscrit une telle discussion en novembre dernier, mais ait choisi d'en décaler
l'examen par le Sénat de près de trois mois. Nos débats y perdent évidemment en
clarté, je dirai même qu'ils s'effilochent !
S'agissant du fond de la politique budgétaire mise en oeuvre, je rappelle que
nous avions connu deux collectifs budgétaires : le premier, en juin,
consistait, à tirer les conséquences budgétaires de la fameuse « cagnotte » - ô
bienheureuse « cagnotte », si nous en avions encore une ! - et à réévaluer,
avec retard, le niveau des recettes fiscales et non fiscales, sans baisser pour
autant le niveau du déficit. Sur les 51,4 milliards de francs de « surplus »
alors avoués, seulement 49 millions de francs, soit 0,098 % du total - moins de
1 % - avaient été affectés à la nécessaire réduction de notre déficit
budgétaire.
Le second et traditionnel collectif de fin d'année réévaluait le niveau des
recettes fiscales de 40,6 milliards de francs et en profitait pour reporter sur
2001, en prévision de lendemains qui devaient déchanter, 15 milliards de francs
de recettes non fiscales. Au total, il se traduisait par une nouvelle
progression de la dépense et une réduction du déficit budgétaire de seulement
5,8 milliards de francs.
Evoquons la croissance « idéale » de cette année avant d'évoquer la politique
qui - il faut bien de dire - en a un peu gaspillé les fruits.
Alors que la croissance de l'année 2001 sera de 2,1 %, on pourrait avoir
tendance à considérer l'année 2000 comme une année idéale du point de vue de la
croissance. Celle-ci n'a-t-elle pas, alors, atteint 3,1 % ? Oh ! nostalgie,
nostalgie ! Et pourtant le ver était déjà dans la fruit ! La croissance de 2000
était, d'une certaine façon, une croissance en trompe l'oeil.
L'économie française a certes connu, de 1998 à 2000, une croissance soutenue,
supérieure à son potentiel, que l'on estime généralement compris entre 2 % et
2,5 % en volume. La croissance s'est en effet établie à 3,4 % en 1998, à 2,9 %
en 1999 et - je l'ai dit - à 3,1 % en 2000.
Ce résultat est d'ailleurs supérieur à celui qu'attendait le Gouvernement,
soit 2,8 %, au moment de l'élaboration du projet de loi de finances ; nous en
sommes bien loin aujourd'hui !
Cette forte croissance, de 1998 à 2000, a été rendue possible par
l'assainissement budgétaire effectué par les gouvernements précédents à partir
de la récession de 1993 et par le desserrement de la politique monétaire
intervenu ensuite.
Elle s'est appuyée sur une demande intérieure dynamique qui a pris le relais
de la demande extérieure, à l'origine de la reprise de l'année 1997.
Pourtant, la croissance de l'année 2000 est moins flatteuse qu'il n'y
paraît.
En effet, les taux de croissance quasiment identiques de notre PIB en 1999 et
en 2000 - respectivement 2,9 % et 3,1 % - ne doivent pas dissimuler un
ralentissement interne de la croissance en l'an 2000, que traduit son rythme
d'évolution infra-annuelle, donnée que les conjoncturistes et analystes
anglo-saxons, notamment, suivent avec beaucoup d'intérêt.
Alors que la croissance, mesurée de trimestre en trimestre, a continuellement
augmenté au cours de l'année 1999, passant de 3,2 % à 4,4 % en rythme annuel,
elle a ensuite diminué jusqu'à être inférieure ou égale à ces taux : elle a
certes été de 2,4 % au premier trimestre de l'année 2000, de 2,8 % au deuxième,
de 3,2 % au troisième et au quatrième, mais cette amélioration relative permet
tout juste de rattraper le palier de l'année précédente.
Ce ralentissement de l'économie semble s'expliquer principalement par le
renchérissement des produits pétroliers, qui a affecté le pouvoir d'achat des
ménages tout en les incitant à épargner davantage.
Non seulement la croissance a ralenti, mais, de surcroît, les ressorts de la
croissance n'ont pas reposé exactement sur les enchaînements que le
Gouvernement imaginait.
L'écart entre la croissance prévue et la croissance constatée provient de
l'écart existant entre les deux taux correspondants de la croissance de la
demande intérieure - 2,8 % en prévision, 3,2 % en exécution.
Cette erreur de prévision, bienheureuse d'une certaine manière, provient
notamment d'une sous-estimation de la croissance de l'investissement des
entreprises. Alors que le Gouvernement prévoyait une croissance de 5 %,
celle-ci a été de 7,2 %.
En revanche, la consommation des ménages avait été surestimée : elle a été de
2,5 % au lieu de 2,7 % en prévision. Cet écart s'explique par le fait que, si
le pouvoir d'achat a plus augmenté que prévu, 3,1 % au lieu de 2,6 %, le taux
d'épargne a, lui aussi, été plus élevé.
En définitive le Gouvernement a eu beaucoup de chance, notamment celle de
pouvoir profiter d'une croissance internationale liée à une bonne conjoncture
économique. Il s'est, à l'époque, attribué le mérite de cette situation, alors
même que les différentes composantes de celle-ci ne correspondaient pas à ce
qu'il avait envisagé.
Mais alors, s'il s'est attribué le mérite de la croissance de l'an 2000,
mérite que nous lui reconnaissons bien volontiers, qu'il s'attribue aussi le
démérite de la croissance des années suivantes ! Mais là, nous sortons du sujet
que nous traitons ce soir, et c'est bien dommage !
Le budget de 2000 s'est caractérisé, comme ceux des deux années précédentes,
par l'absence de volonté de maîtrise de la dépense publique et par le maintien
d'une forte pression fiscale, contrairement à ce que vous venez de nous
expliquer avec beaucoup de charme, madame la secrétaire d'Etat.
Les recettes nettes du budget général ont augmenté de 1,1 % en 2000, contre
6,4 % en 1999, soit un niveau plus faible que la moyenne des années 1996 à 2000
: 3,3 %. L'évolution est très contrastée entre une faible progression des
recettes fiscales nettes - 0,6 %, contre 7,8 % en 1999 - et un fort dynamisme
des recettes non fiscales - 18,8 %, contre 6,8 % en 1999.
Concernant les impôts directs, le dynamisme des recettes a été fort en 2000,
si bien que l'impact des quelques aménagements de droit - baisse du taux des
premières tranches du barème de l'impôt sur le revenu - s'est trouvé largement
absorbé.
L'augmentation de l'impôt sur le revenu, jugée « exceptionnellement rapide »
par la Cour des comptes en 1999, avec un taux de 9,8 %, est restée dynamique en
2000, avec une hausse de 4,7 %. Le rendement de l'impôt sur les sociétés a
également augmenté de 7,3 %, après une progression, il faut le rappeler, de
27,4 % en 1999. On peut mesurer là l'importance du soutien que vous a apporté
la conjoncture, madame la secrétaire d'Etat.
L'impôt de solidarité sur la fortune a progressé de 25 % en un an, résultat de
l'accroissement de la valorisation du patrimoine net imposable de 23,1 % entre
le 31 décembre 1998 et le 31 décembre 1999.
Concernant les impôts indirects, la TVA nette a sensiblement ralenti
puisqu'elle n'a progressé que de 2,4 %, contre 4,5 % en 1999. La baisse d'un
point du taux normal de la TVA au 1er avril 2000 a pesé sur ces résultats. De
même, le rendement de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP,
diminue de 1,5 % par rapport à 1999, en raison du mécanisme dit de « TIPP
flottante », qui n'a d'ailleurs fonctionné que dans un seul sens.
Au total, après le niveau exceptionnellement élevé des prévèlements fiscaux en
1999 - notre commission avait alors dénoncé le fait que 70 % de l'augmentation
de la richesse nationale avait été captée par la sphère publique - l'année 2000
marque une pause dans l'augmentation régulière des prélèvements,
essentiellement du fait des impôts indirects, tels que la TVA et la TIPP, les
impôts directs demeurant très dynamiques.
Enfin, la très faible progression des recettes fiscales nettes s'explique
aussi par le transfert de 45,2 milliards de francs de recettes fiscales - soit
la quasi-totalité des droits sur les tabacs - à la sécurité sociale afin
d'alimenter le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de
sécurité sociale, le FOREC, et donc d'essayer de « boucler » le financement des
35 heures.
Comme notre commission l'a souligné à plusieurs reprises, les recettes non
fiscales font régulièrement l'objet d'un « pilotage politique » et obéissent
donc à des « spécificités fortes ».
En 1999, il faut le rappeler, un montant important de recettes non fiscales
n'avait pas été prélevé, afin de diminuer d'autant les recettes de l'Etat en
fin d'année : la fameuse « cagnotte » !
En 2000, les recettes non fiscales progressent de 18,8 % par rapport à 1999,
soit une augmentation de 32 milliards de francs. Cette progression s'explique
par des reports, par des opérations de rebudgétisation de fonds de concours et
par l'augmentation de presque toutes les rubriques desdites recettes, à savoir
les produits des participations, les taxes et les revenus du Domaine.
Compte tenu de cette forte progression, et afin de préparer des lendemains qui
« déchantent », le Gouvernement a renoué avec ses pratiques traditionnelles de
pilotage du solde de fin d'année. Il a ainsi effectué, dans le second collectif
de décembre, un report de 15 milliards de francs de recettes non fiscales de
2000 sur 2001.
Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution des
lois de finances pour 2000, ces 15 milliards de francs « constituent de fait la
marge de manoeuvre que se donne le Gouvernement ». Puisque, en l'an 2000, la
croissance a été bonne, le Gouvernement a donc décidé d'utiliser cette «
cagnotte » plus ou moins clandestine pour minorer d'autant le déficit de
l'année 2001.
En fin de compte, je ne peux que déplorer la modestie de la réduction du taux
de prélèvements obligatoires observée en 2000. Ce taux reste, après celui de
1999, l'un des plus élevés jamais connus par notre pays ! Vous avez, madame la
secrétaire d'Etat, souligné que nous étions passés de 45,6 % à 45,2 % du PIB,
mais ce dernier taux reste tout de même très haut ! La triste exception fiscale
française se perpétue donc.
Il résulte de tout cela que, malgré une conjoncture favorable, les dépenses
budgétaires n'ont pas diminué en volume.
Le Gouvernement fera sans doute remarquer qu'il a atteint en l'an 2000 son
objectif de quasi-stabilité des dépenses en volume. Il convient cependant de
souligner que cet objectif n'a été atteint que parce que la hausse des prix a
été plus importante que les prévisions officielles. En effet, celle-ci a été de
1,6 %, ce qui a permis d'annuler l'augmentation, identique, des dépenses
nominales. Si l'inflation avait bien été de 0,9 %, comme le prévoyait le
Gouvernement, l'augmentation réelle des dépenses aurait été de 0,7 %.
Il convient par ailleurs de souligner que le Gouvernement a pris des libertés
avec le principe de la permanence des méthodes budgétaires afin d'afficher le
respect des engagements initiaux. Il a, en effet, exclu de son calcul le
transfert de 39,5 milliards de francs de dépenses du budget de l'emploi vers le
FOREC.
Là aussi, une réforme s'impose, visant à s'assurer de la permanence des règles
et des méthodes comptables de l'Etat.
La dépense budgétaire demeure aussi rigide. Certains éléments pourraient
laisser croire que cette rigidité s'atténue, l'année 2000 étant décidément la
plus favorable sous tous les rapports. Certes, les dépenses d'intervention du
titre IV diminuent de 5,1 %, mais uniquement en raison des transferts du budget
de l'Etat vers le FOREC afin de financer les 35 heures.
De même, les dépenses en capital ont été relativement dynamiques. Alors que
les dépenses ordinaires augmentaient de 1,5 %, soit nettement moins qu'en 1999
- 3,5 % - et que la moyenne des dernières années - 2,8 % - les dépenses en
capital progressaient, elles, de 2,8 %, soit le double de 1999, et sensiblement
plus que la moyenne sur cinq ans. Notre commission des finances ayant toujours
préféré les dépenses d'investissement aux dépenses de fonctionnement, nous ne
vous en ferons donc pas grief. Encore faut-il que le total de l'enveloppe soit
contenu !
En fait, la tendance à l'augmentation de la rigidité de la dépense publique ne
fait aucun doute, comme le montrent certains indices.
Les dépenses du titre I « Dette publique et dépenses en atténuation de
recettes » s'élèvent à 625,69 milliards de francs, soit une augmentation de 5,9
% par rapport à 1999. De même, les dépenses de fonctionnement progressent de
2,5 %. Enfin, le poids des dépenses de fonction publique dans le budget général
a encore augmenté, passant de 41,6 % en 1999 à 42,2 % en 2000.
Il n'est donc pas étonnant que la réduction du déficit budgétaire soit très
limitée.
Fixé à 215,3 milliards de francs par la loi de finances initiale, laissé
inchangé par le premier collectif budgétaire, réduit à seulement 209,7
milliards de francs par la seconde loi de finances rectificative, le déficit
s'est élevé pour 2000 en exécution à 191,2 milliards de francs, soit une
diminution de seulement 15 milliards de francs par rapport au solde exécuté en
1999.
Au sens de la comptabilité nationale, l'Etat connaît cependant en 2000 un
besoin de financement de 221 milliards de francs, en très légère progression
par rapport à celui de 1999, et qui représente toujours 2,41 % du PIB.
En tout état de cause, eu égard à un déficit budgétaire de l'ordre de 200
milliards de francs, l'Etat reste, en 2000, la seule collectivité publique qui
soit encore déficitaire : les collectivités locales ont en effet dégagé une
capacité de financement de 24,9 milliards de francs, la sécurité sociale de 54
milliards de francs et les organismes divers d'administration centrale,
notamment les structures de défaisance, de 15,9 milliards de francs.
Par ailleurs, ainsi que le souligne fort justement la Cour des comptes dans
son rapport du mois de juin 2001 sur l'exécution de la loi de finances pour
2000, s'agissant du déficit des administrations publiques, notre situation est
toujours médiocre - même cette année-là ! - par rapport à celle de nos
principaux partenaires européens : « Le redressement est moins rapide que par
le passé, et, au sein de l'Union européenne, la France rétablit ses comptes
moins vite que les autres Etats. Le besoin de financement des administrations
publiques de la France - 1,3 % du PIB - se compare à des résultats souvent
meilleurs chez nos partenaires de la zone euro, qui affichent un besoin de
financement de 0,7 %, ou de l'Union européenne, dont le besoin est de 0,2 %.
»
L'effort de réduction des déficits publics - au premier chef celui du budget
de l'Etat - doit donc être incontestablement amplifié et il est regrettable que
le Gouvernement n'ait pas profité des surplus de recettes fiscales enregistrés
en 2000 pour réduire le déficit budgétaire, et donc notre endettement.
L'actualité la plus récente, qu'il s'agisse de la « transparence contrainte »
affichée par M. Fabius à propos du niveau de la croissance pour 2002 ou des
jugements critiques portés hier par les ministres de l'économie de l'Union
européenne quant à notre situation budgétaire, vient malheureusement confirmer
ce jugement selon lequel il eût été opportun de mettre mieux à profit les
années fastes, notamment l'année 2000, pour préparer l'avenir. Dirons-nous que
le Gouvernement a « mangé son blé en herbe » ? Pourquoi pas ?
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Sergent.
M. Michel Sergent.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
fameuse règle des trois L, « litanie, liturgie, léthargie », qui est censée
s'appliquer à toute discussion budgétaire et qui, pour être un peu
caricaturale, n'est pas totalement dénuée de fondement, ne convient
qu'imparfaitement à l'examen d'un projet de loi de règlement ; non que cet
examen soit plus attrayant que les autres, mais il est simplement plus rapide
et un peu plus simple, ce qui n'est pas beaucoup plus satisfaisant.
Une fois encore, j'ai le sentiment, tant l'année 2000 semble éloignée de nos
préoccupations en ce début d'année 2002, que nous allons nous plonger dans
l'histoire des finances publiques à l'occasion de l'examen du projet de loi
portant règlement définitif du budget de 2000. Combien apparaît aujourd'hui
lointaine et acquise la baisse d'un point du taux de la TVA, par exemple !
Pourtant, nous progressons chaque année vers l'objectif du vote ou du moins de
l'examen de la loi de finances de règlement de l'année
n-
1 - 2000, en
l'occurrence - avant l'examen de la loi de finances initiale de l'année
n+
1 - c'est-à-dire 2002 -, objectif fixé par la loi organique du 1er
août 2001.
Cette avancée mérite cependant d'être relativisée, car l'intérêt suscité par
l'examen de ce projet de loi de règlement du budget 2000 demeure limité,
puisque nous sommes encore sous l'empire de l'ordonnance du 2 janvier 1959.
Mais la loi organique du 1er août 2001, votée sur l'initiative de la majorité
gouvernementale, et avec l'heureux soutien de la majorité sénatoriale, fera
souffler, à cet égard aussi, un vent de modernité et d'efficacité par
l'introduction d'objectifs et d'indicateurs de résultats dans notre procédure
budgétaire.
En dépit de ses nombreuses lacunes, la procédure d'examen de ce projet de loi
de règlement est l'occasion de porter un éclairage sur la politique économique
et budgétaire menée par le Gouvernement et sur ses résultats. En effet, les
grandes masses de l'exécution du budget de 2000 et le solde qui en découle sont
riches en enseignements.
Nous pouvons tout d'abord constater, mes chers collègues, que l'exécution de
ce budget révèle la politique simple et claire poursuivie depuis 1997. Elle
vise, d'une part, à favoriser la croissance pour créer des marges de manoeuvre
budgétaires, afin de financer des réformes, de réduire le déficit et la dette
et, si possible, de baisser les impôts. Elle vise, d'autre part, à une
réduction du déficit, par la limitation de la progression globale des dépenses,
grâce aux redéploiements de crédits vers les secteurs prioritaires ; vous avez
eu raison, madame la secrétaire d'Etat, de le souligner.
La conjoncture économique extrêmement favorable de l'année 2000, avec un taux
de croissance du PIB de 3,1 %, a permis la réalisation simultanée de tous ces
objectifs, comme nous allons le voir. Nos priorités ont été financées, le
déficit et la dette réduits et, enfin, les impôts baissés. L'objectif de
maîtrise des dépenses, plus indépendant de la conjoncture, a été également
atteint.
A l'énoncé de ces résultats, il apparaît indiscutable que la croissance
économique est un facteur essentiel de la bonne santé des finances publiques,
mais aussi aléatoire, compte tenu de l'influence de l'environnement
international sur notre activité économique. En conséquence, notre choix d'une
évolution modérée des dépenses est le plus approprié pour parvenir à un
équilibre budgétaire pérenne, c'est-à-dire indépendant de la conjoncture.
Se fixer un objectif de solde reviendrait à ne se fixer aucun objectif tant sa
réalisation serait conditionnée. En outre, un tel objectif limiterait le jeu
des stabilisateurs automatiques, dont l'efficacité contracyclique n'est plus à
démontrer et qui permettent d'instaurer avec les Français une relation de
confiance favorable à la consommation.
A cet égard, le pacte de stabilité européen devra être aménagé pour que soient
pris en compte les aléas de la conjoncture, afin que l'on juge désormais une
tendance et non un chiffre. La procédure d'avertissement de la Commission
européenne à l'encontre de l'Allemagne, par exemple, apparaît comme un non-sens
si l'on se souvient que ce pays, qui est à l'origine du pacte de stabilité, a
toujours été un vif partisan de la rigueur budgétaire et que la Commission a
reconnu la réalité des efforts qu'il consent.
Puisque j'évoque l'influence de la croissance sur les finances publiques, je
vais en profiter pour dissiper un malentendu au sujet des mérites ou des
sanctions que tout gouvernement peut en retirer.
Contrairement à ce qu'affirment certains - M. le rapporteur, notamment, voilà
quelques instants - nous ne nous sommes jamais attribué toute la paternité de
la croissance, ce qui ne serait pas crédible. En revanche, nous revendiquons
haut et fort notre paternité dans la capacité de l'économie française à croître
aussi rapidement, et même plus rapidement que celles de nos partenaires. Seuls
les Etats-Unis font mieux que la France sur cinq ans, et encore cette avance
a-t-elle été réduite en 2001 par une croissance française plus forte que la
croissance américaine !
En 2001, le Gouvernement n'a d'ailleurs pas perdu la formule de la croissance,
puisque cette dernière a été supérieure à celle des pays de la zone euro, ce
qui n'a jamais été le cas de 1993 au début de 1997, période au cours de
laquelle se sont succédé deux gouvernements de droite avec, de 1995 à 1997, le
soutien de M. Jacques Chirac, Président de la République, ce qui n'a rien
changé à la contre-performance de l'économie française à ce moment !
Mais, au-delà des succès sur le front de l'activité économique, nous pouvons
ensuite constater que l'année 2000 est marquée, en matière de finances
publiques, par la stabilisation en volume des dépenses de l'Etat.
Ce résultat est d'autant plus remarquable lorsqu'il est comparé à la période
1993-1996, stigmatisée par une progression des dépenses de 1,8 % par an ! Pour
mémoire, cette progression aura été de 1,8 % pour l'ensemble de la législature
actuelle !
Mes chers collègues, comment parler, dans ces conditions, de manque de volonté
de maîtrise de la dépense publique ? Il est facile de dire que les dépenses
doivent être stabilisées, il est plus difficile de le faire ! Et quand on y
ajoute, comme condition, le maintien de la qualité des services publics, cela
devient vraiment surhumain pour certains ! Il y a bien ainsi, comme cela a déjà
été souligné, ceux qui disent et ceux qui font !
La droite excelle dans la critique, je le reconnais. Ne parlait-elle pas
encore, il y a quelques instants, d'occasion manquée ? Elle y met une énergie,
un savoir-faire, voire un art extraordinaire. Aussi, je pense qu'il est
nécessaire que nous lui conservions ce rôle après les élections de 2002 ! Et,
comme tous mes amis, j'y travaillerai.
Je sais aussi que l'autosatisfaction serait peut-être facile ; je ne verserai
cependant pas dans ce travers, car tout n'est évidemment pas parfait.
La Cour des comptes, dans son rapport sur l'exécution du budget de 2000,
pointe, à travers l'examen approfondi de quelques ministères, des
dysfonctionnements qui ne sont pas satisfaisants. Elle émet ainsi des réserves
sur les contrats de gestion, dont elle reconnaît pourtant la légitimité de
l'objectif - maîtriser les dépenses - et de la méthode employée, selon ses
propres termes, mais qui sont, sur de nombreux aspects, incompatibles avec les
dispositions de l'ordonnance du 2 janvier 1959. Là encore, la loi organique du
1er août devrait plus facilement concilier la stricte légalité et
l'efficacité.
En revanche, comme chaque année, la Cour note aussi différents progrès. En
2000, il s'agit, par exemple, de la réduction du nombre des fonds de concours
ou de la progression de la réforme des rémunérations au ministère de l'économie
et des finances.
Enfin, la Cour des comptes relève que les autorisations budgétaires n'ont pas
subi de modifications réglementaires particulièrement importantes, qu'il
s'agisse de décrets de virements, d'arrêtés de transferts, d'annulations ou de
reports de crédits. Le Gouvernement n'a eu recours qu'à un seul décret
d'avance, le 1er août 2000, pour financer les dépenses liées à l'organisation
du référendum sur la durée du mandat présidentiel.
La loi de finances rectificative du 13 juillet 2000 a ouvert, quant à elle,
les crédits nécessaires au paiement des dépenses résultant des tempêtes de
décembre 1999, du cyclone
Lenny
aux Antilles ou du naufrage de
l'
Erika
.
Les recettes fiscales sont en fort ralentissement en 2000. Elles ne
progressent, en effet, que de 0,6 %. Cette évolution résulte, bien sûr, des
allégements d'impôts : 80 milliards de francs, comme le souligne la Cour des
comptes. La loi de finances rectificative du 13 juillet 2000 a ainsi entériné
la baisse d'un point du taux de la TVA, la réduction d'un point des deux
premières tranches de l'impôt sur le revenu, ou encore la réduction de la taxe
d'habitation, comme vous l'avez souligné, madame la secrétaire d'Etat.
En conséquence de ces baisses d'impôts, les prélèvements obligatoires, en
s'établissant à 45,2 % du PIB, diminuent pour la deuxième fois depuis 1992.
Mes chers collègues, les prélèvements obligatoires ont sans cesse augmenté de
1993 à 1996, alors qu'ils ont diminué en 1992, en 1998, en 2000 et en 2001 et
qu'ils baisseront en 2002. Là encore, comme en matière de dépenses, il y a, mes
chers collègues, d'un côté, les diseurs et, de l'autre, les faiseurs !
Pour finir, après les dépenses et les recettes, nous en arrivons tout
naturellement à l'examen du solde et de ses conséquences sur l'endettement
public. En dépit des baisses d'impôts, mais grâce à la maîtrise des dépenses,
qui garantit leur pérennité, le déficit du budget de l'Etat diminue en 2000
pour la quatrième fois depuis 1997. Il s'établit ainsi à 191 milliards de
francs. Depuis les 323 milliards de déficit de l'année 1996, la réduction du
déficit représente ainsi plus de 100 milliards de francs.
Le déficit public, à savoir celui de l'ensemble des administrations publiques,
ne représente plus que 1,3 % du PIB contre 1,8 % en 1999, et 4,2 % en 1996. De
1997 à 2002, alors que la réduction du déficit dans la zone euro n'a été que
d'un point et demi, elle a été, en France, de deux points.
Pour sa part, l'endettement public poursuit son ralentissement. Il
représentait 57,6 % du PIB en 2000, contre 58,5 % l'année précédente. Certes,
la dette augmente en valeur absolue, mais, comme toute dette, elle n'a de
signification qu'au regard de la capacité de son titulaire à la rembourser et
l'essentiel est qu'elle progresse moins que la richesse nationale. Or c'est
précisément ce qu'elle a fait en 2000.
Ce projet de loi de règlement du budget de 2000 a pour objet premier la
ratification par le Parlement des décisions réglementaires de modification des
crédits. En ce sens, il s'agit d'un acte somme toute formel, d'un acte plus
juridique que politique. En conséquence, l'approuver ne signifie pas forcément
approuver la politique qu'il sous-tend, mais seulement constater sa conformité
avec l'autorisation parlementaire initiale, point sur lequel je pense que tout
le monde est d'accord.
Pour sa part, le groupe socialiste donnera une signification plus large à son
vote en faveur de ce texte en indiquant qu'il approuve sans réserve la
politique menée par le Gouvernement, d'autant plus qu'elle a conduit, pour le
plus grand bénéfice des Français, à une croissance forte, à la baisse des
impôts et à l'amélioration des comptes publics. J'espère l'avoir montré, mais
il est vrai que les chiffres m'ont bien aidé, madame le sécrétaire d'Etat !
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, six
mois après l'avoir déposé à l'Assemblée nationale, le Gouvernement daigne enfin
inscrire ce projet de loi réglant le budget pour 2000 à l'ordre du jour du
Sénat.
Rappelons que nos collègues députés ont examiné ce texte en première lecture
le 9 octobre dernier. On peut ainsi légitimement s'interroger sur ce manque
d'empressement de la part du Gouvernement !
Chacun s'est félicité, à l'Assemblée nationale, de ce que, pour la première
fois, le projet de loi réglant le budget de l'année
n-
1 était examiné
avant que ne commence la discussion sur le budget de l'année
n+
1.
Malheureusement, il n'en est rien devant la Haute Assemblée, alors même que
notre commission des finances est prête à rapporter depuis le début du mois de
novembre 2001. Ce ne sont pas de bonnes méthodes, et je tenais à le
dénoncer.
Pour en revenir au texte, comme l'a écrit notre rapporteur général dans son
excellent rapport, « l'année 2000 aura été l'année des occasions budgétaires
manquées ».
Rappelons que la spécificité de la loi de finances pour 2000 est qu'elle a été
rectifiée par deux collectifs budgétaires. Le premier, au mois de juin, était
justifié par la nécessité de tirer les conséquences de l'affaire de la «
cagnotte », qui avait été mise au jour par le Sénat. Le niveau des recettes de
l'Etat a été réévalué, mais sans que le déficit ait été réduit. Notre
rapporteur général avait fort bien démontré, à l'époque, que le Gouvernement ne
consacrait à cette réduction du déficit que 0,098 % des 51,4 milliards de
francs de recettes supplémentaires constatées.
Avec le collectif de décembre, le Gouvernement avait réévalué de 40,6
milliards de francs les recettes fiscales et avait reporté 15 milliards de
francs sur l'année 2001. Finalement, les dépenses ont continué leur progression
et le déficit n'a été réduit que dans des proportions dérisoires au regard de
la vivacité de la croissance.
La croissance, en 2000, s'inscrit à 3,1 %, alors que le Gouvernement tablait
sur 2,8 % à la fin de 1999. Une analyse précise des composantes de la
croissance permet de constater que le Gouvernement a manifestement sous-estimé
l'investissement des entreprises et surestimé la consommation des ménages. Il
ne peut donc pas forcément affirmer que la bonne tenue de la croissance était
due à sa politique économique et budgétaire !
L'examen du volet « recettes » fait apparaître une progression des recettes
fiscales de 0,6 % seulement, due au transfert de 45,2 milliards de francs au
FOREC pour financer les 35 heures.
Pour les recettes non fiscales, en progression de presque 19 %, le
Gouvernement a décidé d'en reporter plus de la moitié sur 2001.
Concernant les prélèvements obligatoires, l'année 2000 affiche le deuxième
plus mauvais résultat jamais connu par la France. La réduction n'est que de 0,4
point de PIB par rapport à 1999, année du record historique.
Le volet « dépenses » du budget fait apparaître à nouveau les errements du
Gouvernement, dénoncés chaque année par la Cour des comptes. En 1998, la
prévision d'évolution des dépenses du budget général était de 1,36 %, et la
réalisation fut près de trois fois supérieure ; pour 1999, la prévision était
de 2,3 %, la réalisation de 3,2 % ; en 2000, le résultat obtenu par le
Gouvernement est atteint, d'une part, grâce au niveau de l'inflation, qui est
de 1,6 %, et, d'autre part, grâce à certaines libertés prises par le
Gouvernement - ce dernier n'a, en effet, pas comptabilisé le transfert de 39,5
milliards de francs du budget de l'emploi vers le FOREC.
Le Gouvernement montre une fois de plus, par ailleurs, son absence de volonté
de maîtriser les dépenses d'Etat, en particulier les dépenses de
fonctionnement, qui progressent de 2,5 %. De même, les dépenses de la fonction
publique dans le budget général passent de 41,6 % en 1999 à 42,2 % en 2000.
En revanche, pour ce qui est des dépenses d'investissement, l'augmentation de
3,7 milliards de francs par rapport à 1999 doit être examinée avec attention.
En effet, l'évolution du taux de consommation des crédits d'investissement
civil est inquiétante : celui du titre V est à 58,4 % et celui du titre VI
passe sous les 70 %.
Pour conclure sur les dépenses, on peut regretter que les redéploiements
restent l'exception et que la bonne tenue de la croissance en 2000 n'ait pas
été mise à profit pour engager les réformes nécessaires, notamment pour traiter
le problème des retraites des fonctionnaires. Le Premier président de la Cour
des comptes déclarait ainsi : « L'Etat ne pourra plus longtemps à la fois
favoriser des départs précoces de ses agents et faire face à l'alourdissement
prévisible et notable des charges de retraites. »
Le dernier point que je souhaite évoquer concerne le déficit budgétaire :
comme je l'ai précédemment indiqué, la réduction en 2000 n'est que de 15
milliards de francs. Or l'effort de l'Etat pour réduire les déficits publics
n'a cessé de s'amenuiser depuis le début de la législature : 27 milliards de
francs en 1997 et 20 milliards de francs en 1998. L'année 1999 est un peu
particulière, puisque ce fut l'année des recettes fiscales supplémentaires et
de la « cagnotte » que le Gouvernement a dû reconnaître sous la pression du
Sénat. Par conséquent, 1999 fut une année ratée.
En ce qui concerne le déficit public, l'année 2000 s'achève à 1,35 % du PIB,
et les estimations pour 2001 sont de 1,5 %. Avec la révision de la croissance
opérée la semaine dernière par le Gouvernement, ce taux passerait à 1,9 % pour
2002. On peut regretter, d'ailleurs, que le Gouvernement se refuse à tirer
toutes les conséquences de cette révision et qu'il ne précise pas l'ampleur du
déficit budgétaire.
Ce besoin de financement en 2000 représentait 221 milliards de francs, soit
2,41 % du PIB. Or, à partir des informations communiquées par le Gouvernement,
si l'on déduit du déficit total les prévisions pour les administrations de
sécurité sociale, qui seront déficitaires en 2002, et les administrations
locales, le seuil des 40 milliards d'euros, soit 262 milliards de francs, de
déficit budgétaire risque fort de devenir une réalité. Une législature, en
fait, pour rien !
Suivant la recommandation de notre rapporteur général, le groupe du
Rassemblement pour la République votera ce projet de règlement, sans que ce
vote constitue une quelconque validation de la politique budgétaire menée par
le Gouvernement durant l'année 2000
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
présent projet de loi de règlement du budget 2000 constitue une intéressante
illustration des choix budgétaires qui ont pu être effectués depuis 1997, dans
un contexte de croissance économique réelle.
En effet, l'un des principaux enseignements du présent projet de loi est de
constater un léger décalage entre l'hypothèse de croissance retenue lors de la
loi de finances initiale et la réalisation effective de l'exercice, le montant
du déficit ayant finalement été réduit dans des proportions non
négligeables.
La première observation que nous voudrions faire portera donc sur ce
processus, qui a conduit à minorer le niveau du déficit d'exécution, mais pour
des raisons relativement différentes de celles qui avaient été observées pour
l'exercice 1999.
En 1999, c'est l'accroissement des recettes fiscales, et singulièrement de
l'impôt sur les sociétés, qui avait été à l'origine de la très sensible
réduction du déficit.
En 2000, c'est une gestion pour le moins serrée de la dépense publique qui
devient un facteur déterminant dans ce processus.
Cela ne retire rien au fait que le dynamisme relatif des recettes fiscales lié
à la croissance n'a, évidemment, pas été sans impact sur la situation globale
d'exécution.
Notre seconde observation portera sur la croissance.
De manière incontestable, le mouvement de croissance est
in fine
le
facteur principal d'amélioration de la situation des comptes publics.
Le cycle de croissance engagé en 1997 s'est en effet suffisamment prolongé au
cours de l'exercice 2000 pour faciliter ce redressement des comptes publics,
élément parmi d'autres de l'évolution de la situation économique et sociale.
L'an 2000 a ainsi été marqué par l'amélioration de la situation de l'emploi,
situation dont on sait qu'elle s'est aujourd'hui à nouveau dégradée, ce qui ne
peut manquer de nous inquiéter.
Dans une certaine mesure, les comptes publics - et je ne pense pas
exclusivement aux comptes de l'Etat - ne constituent qu'un élément de mesure de
cette évolution, d'autres paramètres pouvant jouer, comme le nombre des
personnes privées d'emploi ou encore le montant des bénéfices réalisés par les
entreprises.
Ce qui nous interpelle dans l'analyse de la situation de l'exécution
budgétaire 2000 n'est au demeurant pas tant l'examen strictement comptable des
faits que les choix qui ont pu conduire, dans le courant de l'exécution
suivante et
a fortiori
cette année encore, à une dégradation relative de
la situation.
Nous ne portons pas, de ce point de vue, la même appréciation sur la situation
que la majorité de la commission des finances, notamment son rapporteur
général.
(M. Karoutchi s'exclame.)
L'amélioration de la situation des comptes publics, largement imputable à la
croissance et à certains des choix opérés - on pense ainsi à la réduction du
taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée ou encore à la réforme de la taxe
d'habitation - a cependant souffert de choix de gestion trop malthusiens qui
ont bridé, au bout du compte, les possibilités de prolongation du cycle de
croissance et, par voie de conséquence, du processus d'amélioration.
L'année 2000 pouvait être une étape dans ce processus ; elle en marque d'une
certaine manière le terme.
Notre pays continue en effet de souffrir aujourd'hui d'une situation dans
laquelle l'emploi demeure globalement sous-rémunéré et insuffisant, d'une
situation dans laquelle les choix strictement financiers des entreprises
continuent de peser sur la création d'emplois, sur les politiques
d'investissement et sur les politiques salariales des entreprises.
La trop grande faiblesse de l'investissement public, l'engagement
insuffisamment volontaire de l'argent public de manière générale, sont autant
de facteurs qui, faute de porter la croissance, finissent par la mettre en
question. L'année qui vient de s'achever illustre parfaitement cette
réalité.
La hausse de la dépense publique est apparemment plus liée aujourd'hui à la
rénovation de la nomenclature budgétaire et à quelques engagements rendus
nécessaires par une détérioration relative de certains chapitres.
Il est donc grand temps, dans un contexte de réduction sensible de la
croissance, puisqu'il s'agit du débat qui nous concerne aujourd'hui, de se
demander si les choix de la rigueur n'ont pas fini par peser et engendrer cette
inversion de tendance.
Nous pouvons en effet craindre que l'ajustement sensible des prévisions de
croissance, qui vient d'intervenir, ne conduise certains à préconiser une fois
de plus une réduction de la dépense publique affectant singulièrement les
dépenses d'intervention, mais également les dépenses en capital.
Or nous sommes convaincus que ce choix est précisément celui qu'il ne faut pas
faire, au risque de voir à nouveau se réduire la croissance et, accessoirement,
se dériorer encore la situation des comptes publics et entrer ainsi dans un
processus cumulatif à la baisse.
Nous devons sortir du cadre étroit proposé par le pacte de stabilité européen,
qui a contraint encore l'élaboration des loi de finances de notre pays. Nous le
devons si nous voulons clairement inverser le processus de ralentissement
économique que nous constatons, hélas ! aujourd'hui.
Madame la secrétaire d'Etat, le groupe communiste républicain et citoyen
émettra un vote positif sur ce projet de loi. Cela ne retire cependant rien aux
observations que nous venons de produire.
La situation économique et sociale de notre pays appelle des choix budgétaires
plus audacieux, plus porteurs encore de sens et d'orientation progressiste de
la dépense publique.
Faute de faire ces choix et en enfermant notre politique budgétaire dans le
carcan d'une stabilité liée à la mise en place de la monnaie unique et des
contraintes fixées dans le cadre de l'Union européenne, nous risquons fort de
connaître des situations plus délicates encore que celle qu'augure l'exécution
en cours de la loi de finances pour 2002.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
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