SEANCE DU 1ER OCTOBRE 2002
SÉCURITÉ DES PISCINES
Adoption des conclusions modifiées
du rapport d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport n° 407
(2001-2002) de M. Charles Revet, fait au nom de la commission des affaires
économiques et du plan, sur la proposition de loi (n° 436, 2000-2001) de MM.
Jean-Pierre Raffarin,
Nicolas About, Philippe Adnot,
Louis Althapé,
Phlippe Arnaud, Denis Badré, José Balarello, Bernard Barraux, Jacques
Baudot. Michel Bécot, Claude Belot,
Georges Berchet,
Daniel Bernardet,
Roger Besse, Laurent Béteille, Paul Blanc,
Christian Bonnet, Marcel Bony,
James Bordas,
André Boyer, Jean Boyer,
Louis Boyer,
Jean-Guy
Branger, Gérard Braun, Mme Paulette Brisepierre, MM.
Michel Caldaguès
,
Robert Calmejane, Jean-Claude Carle, Auguste Cazalet, Jean Clouet, Gérard
Cornu,
Charles-Henri de Cossé-Brissac,
Philippe Darniche,
Luc Dejoie,
Robert Del Picchia,
Jean Delaneau, Jean-Paul Delevoye, Jacques-Richard
Delong,
Christian Demuynck, Marcel Deneux,
Charles Descours, André
Diligent, Jacques Donnay,
Michel Doublet, Alain Dufaut, André Dulait,
Hubert Durand-Chastel, Daniel Eckenspieller, Jean-Paul Émin,
Hubert Falco,
André Ferrand, Hilaire Flandre, Jean-Pierre Fourcade, Bernard Fournier,
Serge Franchis, Yann Gaillard, René Garrec, Alain Gérard, François Gerbaud,
Charles Ginésy, Francis Giraud, Paul Girod, Alain Gournac, Francis Grignon,
Louis Grillot, Georges Gruillot,
Pierre Guichard,
Pierre Hérisson,
Rémi Herment, Alain Hethener, Jean-Paul Hugot,
Roger Karoutchi,
Christian de La Malène, Lucien Lanier, Jacques Larché, Gérard Larcher,
Dominique Leclerc, Jacques Legendre,
Guy Lemaire,
Marcel Lesbros,
Jean-Louis Lorrain, Philippe Madrelle,
André Maman, Paul Masson,
Serge
Mathieu, Michel Mercier, Louis Moinard, René Monory, Georges Mouly, Bernard
Murat, Philippe Nachbar,
Lucien Neuwirth,
Mme Nelly Olin, MM. Joseph
Ostermann, Jacques Oudin,
Lilian Payet,
Michel Pelchat, Jacques
Pelletier, Jean Pépin, Jean-Marie Poirier, Ladislas Poniatowski, André Pourny,
Jean Puech, Victor Reux, Charles Revet, Henri Revol, Henri de Richemont,
Bernard Seillier, Louis Souvet,
Martial Taugourdeau,
André Vallet et
Alain Vasselle, relative à la sécurité des piscines.
Avant de donner la parole à M. le rapporteur, permettez-moi, chers collègues,
de me féliciter que le Gouvernement ait choisi d'inscrire à l'ordre du jour
prioritaire de notre premier jour de session une proposition de loi d'origine
sénatoriale, sur laquelle figure la signature de cent douze de nos collègues,
déposée sur l'initiative du Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, alors
qu'il siégeait parmi nous.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Revet,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque été, entre
vingt et trente enfants de moins de cinq ans meurent noyés dans les piscines
privées. Pendant longtemps, cette réalité a été sous-estimée. Aujourd'hui, le
parc de piscines privées croît de 5 % à 10 % par an, ce qui rend indispensable
l'intervention du législateur.
Voilà plus d'un an, plus du tiers d'entre nous avait cosigné la proposition de
loi inscrite aujourd'hui à l'ordre du jour du Sénat. C'est dire qu'existaient
déjà les bases d'un traitement consensuel de ce dossier. Cette impression s'est
confirmée lors du travail d'élaboration du rapport de la commission des
affaires économiques.
Il fut frappant de remarquer, lors des auditions menées dans ce cadre, que les
professionnels du secteur eux-mêmes avaient pris conscience des exigences
nouvelles de la population dans le domaine de la protection des très jeunes
enfants. En proposant d'inscrire dans la loi des obligations de sécurité
nouvelles pour les piscines privées, le Sénat témoigne de sa réactivité et de
son attention à l'émergence de nouveaux risques pesant sur nos concitoyens.
La commission des affaires économiques a estimé que la gravité et le caractère
sensible de ce dossier exigeaient que le Parlement ne laisse aucune place aux
raisonnements faciles. Elle a donc souhaité insister sur deux points.
En premier lieu, il faut bien savoir que le dispositif proposé ne permettra
pas de faire en sorte que plus aucun enfant ne meure noyé dans une piscine
privée. Il vise à diminuer le risque qui pèse sur les jeunes enfants. Il est de
notre devoir de travailler à ce que les risques auxquels sont exposés les
enfants soient réduits à leur minimum, mais il est de notre responsabilité de
parlementaire de bien rappeler, dans ce débat comme dans d'autres, que le
risque zéro n'existe pas.
Le second point sur lequel la commission souhaitait insister, et qui n'est pas
sans lien avec le précédent, concerne la responsabilité.
Ceux qui croiraient qu'un dispositif de sécurité, quel qu'il soit, puisse
dispenser les parents d'une surveillance constante de leurs enfants
commettraient une lourde faute, je dirais presque, mes chers collègues, une
faute criminelle.
La proposition de loi qui vous est présentée ne vise en aucun cas à
déresponsabiliser les parents. Les dispositifs de sécurité envisagés ne sont
qu'une aide à la surveillance. En effet, personne ne peut surveiller un jeune
enfant vingt-quatre heures sur vingt-quatre ! Rappelons qu'il faut moins de
trois minutes pour qu'un enfant de moins de cinq ans se noie.
Enfin, il convient de rappeler pourquoi la commission s'en est tenue aux
piscines privées enterrées : les piscines publiques relèvent d'un cadre
juridique très différent, qui soulève notamment des questions relatives à la
responsabilité des collectivités locales, de leurs agents et des élus.
Les piscines hors sol ont également été écartées du champ du dispositif. Bien
que la commission ait été sensible à l'intérêt qu'il y aurait à les y inclure,
elle a estimé qu'une telle option conduirait vraisemblablement à soulever de
lourdes difficultés de définition qui risquaient de retarder de façon non
négligeable l'application des dispositions.
La commission des affaires économiques vous propose, mes chers collègues, de
consolider le dispositif initial de la proposition de loi.
L'article 1er, tel qu'il résulte des amendements acceptés par la commission,
ajoute quatre articles au code de la construction et de l'habitation.
Il s'agit, tout d'abord, d'imposer, à partir du 1er janvier 2004, la mise en
place d'un dispositif de sécurité normalisé dans toutes les nouvelles piscines
privées enterrées.
Il s'agit, ensuite, d'imposer, à partir du 1er janvier 2006, la mise en place
d'un dispositif de sécurité normalisé dans les piscines privées enterrées
existantes.
Il s'agit, en outre, d'imposer, à partir du 1er janvier 2004, la mise en place
d'un dispositif de sécurité normalisée dans les piscines privées enterrées
existantes si ces piscines sont rattachées à des habitations mises en location
saisonnière. En effet, les locataires d'une maison avec piscine sont
particulièrement exposés au risque de noyade des très jeunes enfants, ces
personnes n'ayant pas nécessairement conscience du danger potentiel que peut
représenter un tel équipement.
A ce sujet, la commission souhaite rendre hommage à tous ceux, professionnels,
associations de parents et de consommateurs, organismes institutionnels, qui,
par des campagnes d'information de plus en plus développées, s'efforcent de
sensibiliser les parents et les proches de jeunes enfants à la nécessité d'une
vigilance constante.
En dernier lieu, l'article 1er prévoit des sanctions.
Soyons clairs : il ne s'agit en aucun cas d'accabler ceux qui ont déjà été
frappés par le malheur de l'accident grave ou du décès du jeune enfant tombé
dans leur piscine. Il reste que, aujourd'hui, les dispositifs de sécurité
permettent, pour peu qu'on soit responsable, de diminuer fortement un tel
risque. Aussi ceux qui, par négligence ou par indifférence, manqueraient aux
obligations élémentaires de sécurité méritent-ils d'être sanctionnés dès lors
que leur faute est retombée sur autrui.
Mes chers collègues, la commission vous propose, je le précise, un dispositif
reposant sur la responsabilité, celle des parents biens sûr, mais aussi celle
des propriétaires ou des constructeurs, dès lors qu'une faute sera à l'origine
de l'accident.
L'article 2 est un simple article de cohérence. Il adapte le titre du chapitre
concerné dans le code de la construction et de l'habitation.
L'article 3 vise à permettre l'évaluation du dispositif par le Parlement.
J'y insiste, la proposition de loi qui vous est soumise ne tend aucunement à
atténuer en quoi que ce soit la responsabilité de celles ou de ceux qui ont la
charge des enfants, à commencer par leurs parents. Elle vise à faciliter la
surveillance, grâce à un dispositif de sécurité adapté, afin de réduire le plus
possible le nombre des accidents - parfois mortels - dont de jeunes enfants
sont victimes dans des piscines privées.
Il ne nous a pas paru souhaitable de privilégier un système de sécurité
particulier : nous avons préféré laisser ouvert le choix entre les différents
systèmes qui sont aujourd'hui susceptibles d'être normalisés. De même, il nous
a semblé important de laisser place à l'innovation.
Avant de conclure, monsieur le ministre, je tiens à souligner la qualité du
travail que nous avons réalisé avec vos services.
Tels sont, mes chers collègues, les éléments essentiels que je souhaitais vous
apporter en préalable à l'examen de ce texte, qui est volontairement limité
dans sa portée, de façon à ne pas retarder davantage la mise en place d'une
réglementation très attendue.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE. - M. Pastor applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la
mer.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme l'a
souligné M. le rapporteur, le présent texte a pour objet de réduire le risque
de noyade des jeunes enfants. C'est là un sujet qui n'a rien d'anodin et qui
nous touche en tant que parents ou grands-parents, ou simplement en tant
qu'adultes conscients de la protection que la société doit aux enfants.
Trop d'accidents se produisent encore autour des piscines : en 2001, ce sont
vingt-trois enfants de moins de cinq ans qui se sont ainsi noyés !
Au-delà des chiffres, il s'agit de prendre collectivement des mesures de bon
sens pour éviter que le malheur ne vienne frapper des familles en enlevant la
vie à des enfants qui ignorent encore les dangers qui les entourent.
Il nous est proposé aujourd'hui de prendre des dispositions simples pour
rendre les piscines d'agrément plus sûres. Cette proposition rencontre
l'attente des Français et, croyez-le bien, correspond à une préoccupation du
Gouvernement. Je peux même vous dire en confidence qu'elle est suivie avec
beaucoup d'intérêt par le Premier ministre lui-même
(sourires)
, avec qui
je m'en entretenais encore tout à l'heure, à l'occasion de la séance des
questions d'actualité au Gouvernement de l'Assemblée nationale.
Il faut que les progrès techniques et économiques de notre société ainsi que
l'évolution de nos modes de vie permettent d'assurer à tous tranquillité et
sécurité. Il revient à l'Etat de fixer les grandes règles à suivre pour qu'il
en soit ainsi.
Le Gouvernement estime très important de consacrer une part de notre énergie
réformatrice aux problèmes de vie quotidienne, en particulier en prenant des
mesures touchant à notre sécurité.
La sécurité des personnes dans les transports ou dans l'habitat, par exemple,
est une dimension essentielle de mon action ministérielle. Comme vous le savez,
je me suis saisi de la question de la sécurité dans les ascenseurs, qui n'a,
elle non plus, rien d'anodin. Le Gouvernement présentera d'ailleurs
prochainement au Parlement un projet de loi sur ce sujet.
Dans le cas des ascenseurs, la sécurité doit être assurée indépendamment de
l'âge de l'utilisateur. Dans celui des piscines, il s'agit d'éviter qu'une
bêtise commise par des enfants, qui, je le répète, ignorent encore tout de la
vie et de ses dangers, ne se transforme en drame.
La prise en compte, dans la sécurité du cadre bâti, du comportement des
personnes connaît des développements constants. Ainsi, les prises de courant à
operculation sauvent - nous en sommes persuadés - la vie de nombreux enfants,
en les empêchant simplement de mettre les doigts dans les prises. Beaucoup
reste à faire dans le domaine de la sécurité quotidienne puisque, en plus des
nombreux morts que nous avons à déplorer sur la route ou sur les lieux du
travail, on compte 19 500 décès par an, hélas ! causés par des accidents
survenant au domicile, à l'occasion d'activités de loisirs ou à l'école.
Je souhaiterais donc mettre en oeuvre un dispositif d'observation des
accidents liés au logement afin de mieux identifier les causes principales de
ces accidents, celles que l'on retrouve le plus souvent, de manière à apporter
les réponses appropriées. C'est ce à quoi tend cette proposition de loi
s'agissant des piscines.
En la matière, le premier gage de la sécurité du jeune enfant réside
évidemment dans la surveillance sans faille exercée par ses parents ou par les
adultes à qui les parents ont confié cette mission de la plus haute importance.
Il est clair, en effet, que des dispositifs techniques doivent accroître le
plus possible la sécurité des jeunes enfants autour des piscines, mais il
serait dangereux de croire qu'ils résoudront, à eux seuls, tous les
problèmes.
C'est pourquoi, loin d'aller dans le sens d'une déresponsabilisation, cette
proposition de loi affirme au contraire que la protection passive ne remplace
en aucun cas la surveillance humaine, plus particulièrement familiale.
Dans cet esprit de responsabilisation, il me semble effectivement judicieux,
monsieur le rapporteur, de laisser aux propriétaires la possibilité de choisir
les matériels en fonction des situations à risque qu'ils sont susceptibles de
rencontrer le plus souvent. Cette liberté de choix est naturellement tributaire
de la diversité et de la fiabilité des matériaux, équipements et produits
aujourd'hui proposés par les fabricants et installateurs de piscine.
La proposition de loi prend en compte la dimension fortement évolutive du
problème. De ce point de vue, les délais de mise en oeuvre que vous avez
retenus - 2004 et 2006 - me semblent constituer un minimum pour permettre aux
travaux de normalisation d'aboutir et aux industriels d'investir dans la mise
au point et la commercialisation de matériels fiables et durables.
Chacun l'aura compris, le Gouvernement accueille favorablement cette
proposition de loi et il est convaincu que, dans sa sagesse, le Sénat saura y
conférer la forme la plus adéquate.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
permettez-moi de me réjouir - même si le terme n'est guère approprié compte
tenu de la gravité du sujet - que nous discutions - aujourd'hui de cette
proposition de loi relative à la sécurité des piscines, et ce pour trois
raisons.
La première raison tient à l'ouverture de notre session par une proposition de
loi issue du Sénat. Cette décision conforte votre volonté, monsieur le
président, et celle du Gouvernement, monsieur le ministre, de valoriser chaque
fois que faire se peut notre assemblée, qui peut ainsi démontrer sa capacité de
proposition et son souci de répondre aux préoccupations de nos concitoyens.
M. le président.
Très bien, monsieur Carle !
M. Jean-Claude Carle.
Deuxième raison : cette proposition de loi a pour premier signataire un de nos
anciens collègues qui exerce aujourd'hui les plus hautes responsabilités au
sein de l'Etat, puisqu'il s'agit du Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin.
Sa proposition témoignait déjà, à l'époque, de sa volonté d'apporter des
réponses aux problèmes que rencontrent les Français et les Françaises dans leur
vie quotidienne et, en particulier, d'améliorer leur sécurité, au sens le plus
large du terme.
Je suis donc, comme plusieurs d'entre nous, fier d'avoir cosigné cette
proposition de loi.
La troisième raison, enfin, est une raison de fond. Elle touche à l'objet même
de ce texte, qui est de protéger ce qu'il y a de plus noble, de plus précieux
pour l'homme : la vie et, qui plus est, celle des plus exposés, à savoir nos
enfants.
Je me félicite que ce soit un libéral qui se trouve à l'origine de cette
proposition de loi, car le fondement du libéralisme, c'est d'abord le respect
de la personne, de son épanouissement et de sa vie. Ce n'est pas, contrairement
à ce que certains veulent faire croire, le laisser-faire sans contrainte.
C'est, au contraire, le souci constant de faire en sorte que chacun assume ses
responsabilités, tant individuelles que collectives, quitte à faire peser une
obligation lorsque c'est nécessaire. Tel est le sens de la proposition de loi
dont nous débattons aujourd'hui.
Certes, comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, monsieur le
ministre, la protection des jeunes enfants relève d'abord de la responsabiltié
des parents, de la famille au sens le plus large. Quel père, quelle mère, quel
grand-père, quelle grand-mère ne sont pas attentifs au devenir de ce qu'ils ont
de plus cher, leurs enfants ou leurs petits-enfants ? Ce sont eux qui, jour
après jour, guident leurs pas. Et l'on voit bien les problèmes qui se posent à
notre société lorsqu'une telle attention en matière d'éducation et d'entretien
fait défaut.
Mais, dans le domaine qui nous concerne aujourd'hui, il suffit de quelques
secondes d'inattention pour que le drame se produise, pour que la vie
s'arrête.
C'est le devoir de la société et le nôtre de prendre le relais pour faire en
sorte que, sans dégager les parents de leur responsabilité, soit assurée la
sécurité des jeunes enfants, qui n'ont pas encore de véritables capacités de
discernement, même s'il en résulte des contraintes accrues pour l'utilisateur
comme pour le fabricant.
Je suis libéral, mais je considère que le respect de la vie, ne serait-ce que
d'un seul enfant, passe avant les exigences du marché. Certes, les mesures
proposées auront un coût, mais la vie, elle, n'a pas de prix.
Les mesures contenues dans le texte qui nous est soumis sont contraignantes,
mais elles ne remettent pas en cause la croissance d'un secteur de notre
économie qui, je m'en réjouis, se démocratise chaque année davantage. Si nous
nous devons d'alléger les contraintes qui pèsent aujourd'hui sur les
entreprises de ce secteur comme sur l'ensemble des entreprises, nous devons le
faire dans les domaines administratif, juridique et fiscal plutôt que dans
celui de la sécurité. Tel est bien le sens de l'action que s'attachent à mener
Jean-Pierre Raffarin et le Gouvernement.
Les propositions qui nous sont soumises seront d'autant plus faciles à mettre
en oeuvre qu'elles relèvent d'une large concertation avec tous les acteurs
concernés. A cet égard, je tiens à saluer le travail important effectué par
notre rapporteur, Charles Revet. Sa volonté est de ne pas se fier à une seule
technique, mais de faire appel à toutes les technologies - et celles-ci sont
susceptibles d'évoluer, comme l'a souligné M. le ministre - avec le souci de
laisser le temps nécessaire aux mises aux normes des équipements existants.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
les quelques remarques que je voulais faire à l'occasion de la discussion de la
présente proposition de loi, qui se veut au service de la vie de nos enfants,
comme notre rapporteur l'a si bien dit.
Bien entendu, le groupe des Républicains et Indépendants, membre de l'UMP,
votera ce texte tel qu'il résultera des travaux du Sénat.
(Applaudissements
sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Marc Pastor.
M. Jean-Marc Pastor.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte qui
nous est présenté va de pair avec un récolement des données sur les noyades,
lequel a fait des progrès importants depuis ces deux dernières années.
L'enquête sur les noyades élaborée par l'institut de veille sanitaire et la
direction de la sécurité civile délivre désormais des informations jusque-là
inconnues et permettant de déterminer les causes des noyades.
Il était important de disposer de ces informations car la noyade est
responsable de plus de 500 décès par an dans notre pays et parce que c'est la
troisième cause de décès chez les enfants.
Le dispositif que nous examinons ne concerne qu'un pourcentage relatif des
noyades, celles qui ont lieu dans les piscines privées. Il se fonde directement
sur les avis de la commission de sécurité des consommateurs relatifs à la
sécurité dans les piscines privées enterrées. Cette commission a été saisie à
plusieurs reprises par des requérants qui lui ont signalé des accidents
impliquant de jeunes enfants.
Chaque fois qu'un tel drame se produit, l'idée qui vient à l'esprit, bien sûr,
est qu'il aurait pu être évité. Toutefois, les circonstances des noyades sont
réunies tellement rapidement dans un environnement aquatique, même si celui-ci
ne paraît pas hostile, et l'accident survient si vite que le pire est toujours
possible, surtout en l'absence d'une sensibilisation aux risques.
Il était donc légitime que les pouvoirs publics prennent des dispositions en
matière de sécurité dans les piscines, d'autant que le nombre des accidents est
en augmentation constante dans bien des régions.
Les études réalisées ces dernières années ont permis de dégager trois axes
essentiels : le développement d'une culture de sécurité en milieu aquatique, la
mise en place de dispositifs de sécurité pour les piscines privées et, enfin,
la mise en oeuvre d'une réanimation efficace le plus tôt possible après la
noyade.
Les auteurs de la proposition de loi se sont concentrés sur le deuxième axe.
Mais l'obligation d'installer des barrières ou d'autres systèmes de sécurité
qui doit en résulter pour les propriétaires privés ne peut cependant pas être
dissociée des efforts à accomplir en matière de motivation et d'éducation du
public, d'incitation à la vigilance des parents, d'apprentissage de la natation
le plus tôt possible et de la formation à l'alerte.
Le plus important est, bien sûr, de sensibiliser les propriétaires de piscines
aux risques de noyade et de les responsabiliser. Pour prévenir les accidents,
rien ne peut en effet remplacer la vigilance des parents et des proches. C'est
d'ailleurs la constatation qui a été faite dans plusieurs pays, dont
l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada, où, après une période de chute
de la mortalité liée à la noyade du fait de la généralisation de l'installation
des barrières, le nombre de noyades a, hélas ! de nouveau augmenté. La
vigilance s'est en effet relâchée et les parents se sont, d'une certaine façon,
déresponsabilisés.
Les campagnes de prévention conduites en France depuis plusieurs années par la
commission de sécurité des consommateurs, la fédération des constructeurs de
piscines et d'autres partenaires demeurent le centre du dispositif de lutte.
Elles commencent à porter leurs fruits, comme en témoignent les
statistiques.
Un autre élément primordial du dossier est la normalisation : pour que les
barrières soient efficaces, il faut qu'elles respectent certaines
caractéristiques, notamment de hauteur, d'écartement des barreaux, de
disposition de ces derniers. S'ils sont à l'horizontale, par exemple, on peut
craindre qu'un enfant n'y prenne appui.
Depuis longtemps, la parution d'une norme était sollicitée. L'AFNOR en a
récemment publié une, mais sous la forme d'une norme expérimentale pour deux
ans, période à l'issue de laquelle on refera le point.
Cette norme est déterminante pour la construction des kits qui sont fournis
dans le commerce.
Reste toutefois à régler la question de la normalisation des portillons,
points faibles des barrières lorsqu'ils sont défaillants ou lorsqu'ils sont
ouverts, ils réduisent quasiment à néant la protection apportée par la
barrière. Il est donc urgent de progresser sur cette question, que nous avons
d'ailleurs évoquée, avec M. le rapporteur, en commission. C'est un préalable.
Naturellement, la même remarque vaut pour les volets roulants, les systèmes
d'alarme électroniques et les autres techniques auxquelles la commission a
étendu le dispositif de la proposition de loi.
Ce n'est qu'à partir de là qu'on sera sûr de mettre à la disposition des
consommateurs un matériel fiable, de nature à compléter la nécessaire
surveillance des personnes qui entourent les enfants. Les démarches de
communication ne pourront qu'en être renforcées.
Mais ces remarques valent aussi bien pour les piscines privées que pour les
piscines « semi-privées », c'est-à-dire les piscines privées à usage collectif
que l'on trouve dans les hôtels, les villages de vacances, les campings. Les
équipements pourront être contrôlés par les agents de la direction générale de
la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ou de la
direction de la jeunesse et des sports.
Il importe de mettre en cohérence la norme réglementaire en cours de
préparation et celle dont nous sommes aujourd'hui en train de discuter.
L'important, c'est aussi d'éviter, pour les maires, une charge supplémentaire,
des contrôles et des responsabilités supplémentaires.
Il convient enfin de relever que les accidents n'ont pas seulement lieu dans
les piscines enterrées. Il s'en produit également dans les piscines hors sol, «
en kit », qui sont de plus en plus nombreuses et dont certaines sont soumises à
déclaration de travaux et peuvent être enterrées ou semi-enterrées.
La commission de sécurité des consommateurs recommande aux propriétaires de ce
type de piscines, qui sont vendues en plus grande nombre chaque année,
d'installer un dispositif de sécurité autour du bassin ou sur ses parois pour
prévenir le risque de noyade des enfants de moins de six ans. Là encore, le
souci de la cohérence plaide en faveur d'une meilleure prise en compte de cet
avis.
Comme on le voit, il est difficile de légiférer en la matière car des normes
de prévention passive comme celles qui figurent à l'article 1er de la
proposition de loi issu de la nouvelle version de notre commission ne peuvent
qu'aller de pair avec une prévention active. Si tel n'était pas le cas, ce
texte serait certainement vidé de sa substance.
La commission des affaires économiques et du Plan a travaillé sur la
proposition de loi qui, à l'origine, était difficilement applicable. Un certain
nombre de précisions manquaient. Je tiens donc à saluer le travail de M. le
rapporteur.
Malgré le caractère parcellaire de ce texte et bien que certains points ne
paraissent pas finalisés en dépit des éclaircissements de M. le rapporteur, par
exemple en matière de contrôle de la réalité de l'installation des systèmes de
sécurité, le groupe socialiste a opté pour une démarche pragmatique et
constructive, il votera donc cette proposition de loi.
Comme la vie humaine n'a pas de prix et comme ce texte, associé à l'important
processus mis en oeuvre depuis quelques années, permet d'éviter des noyades, il
convient que nous lui accordions notre crédit.
Ce texte est-il libéral ou non ? Honnêtement, je ne sais pas ! Mais ce dont je
suis sûr, c'est qu'il a été élaboré sur le coeur et qu'il est rempli
d'humaniste !
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Francis Grignon.
M. Francis Grignon.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 11
juillet, une fillette de trois ans s'est noyée dans la piscine d'un camping ;
le 15 juillet, un enfant de quatre ans est tombé accidentellement dans une
piscine privée ; le 5 août, un enfant de deux ans s'est noyé dans une piscine
lors d'une réunion de famille ... Ce macabre inventaire d'accidents de piscines
de l'été 2002 n'est malheureusement pas exhaustif.
Comme vous le soulignez dans votre rapport, en moyenne, au cours des trois
dernières années, sur 152 accidents de baignade, plus de la moitié des victimes
sont des enfants âgés de moins de cinq ans.
Plusieurs enquêtes quantitatives réalisées récemment en France et à l'étranger
mettent par ailleurs en évidence l'augmentation du nombre des noyades de jeunes
enfants dans les piscines privées. La progression de ces chiffres est alarmante
et elle est d'autant plus inquiétante que le nombre des piscines vendues
augmente chaque année de 5 % à 10 %.
Le grand nombre et la gravité des accidents survenus en piscines privées sont
confirmés par différentes études menées tant en Grande-Bretagne, aux
Etats-Unis, en Australie qu'en Nouvelle-Zélande. A la suite de ces études,
plusieurs Etats ont imposé l'installation de barrières de sécurité et ont lancé
des campagnes d'information et de prévention. Ces dernières risquent de faire
défaut dans notre pays.
En France, les professionnels de la construction des piscines ne manquent pas
de rappeler aux parents les règles élémentaires relatives à la protection et à
la surveillance de leurs enfants. La coordination syndicale des industries de
la piscine a par ailleurs diffusé une brochure dressant la liste des conseils
en matière de surveillance.
Cependant, les recommandations sont rarement mises en oeuvre par le
constructeur de la piscine lui-même, les propriétaires préférant installer,
voire « bricoler » eux-mêmes un dispositif de sécurité.
Il est temps de tirer la sonnette d'alarme ! Ces accidents domestiques sont
trop dramatiques.
La proposition de loi que nous examinons cet après-midi a donc pour objet de
prévenir ce type d'accident pour des enfants âgés de moins de cinq ans en
obligeant les propriétaires de piscines privées à mettre en place un dispositif
de sécurité autour du bassin.
Comme vous le rappelez dans votre excellent rapport, monsieur Revet, la
proposition de loi n'a pas pour objet de déresponsabiliser les parents. Bien au
contraire, elle vise à leur faire prendre conscience des risques que court un
enfant aux abords d'une piscine. Ce texte n'exempte en aucune manière les
adultes de toute surveillance ; il tend à limiter au maximum le danger en
obligeant les parents à mettre en place un système de sécurité adapté et
susceptible de prévenir le plus efficacement possible tout risque de noyade.
La commission des affaires économiques et son rapporteur, M. Charles Revet,
ont profondément modifié le texte de la proposition de loi d'origine. Ces
modifications me paraissent tout à fait souhaitables.
Le texte, tel qu'il est désormais rédigé, ne modifiera en rien l'esprit
initial de la proposition de loi voulue par notre actuel Premier ministre et
ancien collègue M. Jean-Pierre Raffarin. Au contraire, il lui offre une plus
grande chance d'être efficace.
La commission nous propose ainsi de substituer les termes « dispositif de
sécurité normalisé » à ceux de « barrières de protection » et « de piscines non
closes » à ceux « de piscines non couvertes ». Ces précisions permettent
d'apporter une plus grande souplesse à la proposition de loi, les propriétaires
pouvant choisir un système de sécurité adapté à leur cas, c'est-à-dire à la
configuration du terrain, aux évolutions techniques des appareils de sécurité
ou aux particularités de la piscine elle-même.
La création d'une sanction spécifique, d'un montant maximum de 45 000 EUR, est
également justifiée dans la mesure où elle n'interviendra que si une procédure
judiciaire est lancée.
La possibilité de déclarer responsables les constructeurs de piscine pour
manquement aux obligations de sécurité me paraît enfin tout à fait
justifiée.
Dans ces conditions, le groupe de l'Union centriste votera la proposition de
loi telle qu'elle nous est présentée par son rapporteur, M. Charles Revet, dont
je salue l'excellent travail, au nom de la commission des affaires économiques.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque été,
entre vingt et trente enfants âgés de moins de cinq ans meurent noyés dans les
piscines privées. Ce drame, longtemps sous-estimé, pose évidemment la question
de la sécurité de ces lieux, d'autant que la croissance rapide du parc de
piscines privées augmente mécaniquement l'exposition au risque. Je me réjouis
donc que cette proposition de loi, qui a été déposée par notre ancien collègue
Jean-Pierre Raffarin, ait pu être inscrite à l'ordre du jour de notre
assemblée. Bien évidemment, mon groupe la votera.
En rendant obligatoire la pose de barrières de protection autour des bassins
privés, le texte qui nous est proposé apporte une certaine réponse à l'ampleur
du problème. Je regrette néanmoins qu'il n'aborde pas la question de la
sécurité dans les piscines publiques ou à usage collectif. Je sais que ces
dernières relèvent d'un régime juridique et spécifique - notre excellent
collègue y a fait allusion - mais les noyades dramatiques de cet été soulignent
avec encore plus d'acuité le besoin d'engager une réflexion dans ce domaine.
Les estimations récentes sont d'ailleurs particulièrement préoccupantes. Une
étude réalisée conjointement par l'INSEE et l'Association nationale pour la
prévention des accidents en piscine estime le nombre de noyades mortelles
survenues dans l'ensemble des piscines publiques françaises entre soixante-dix
et quatre-vingts par an. C'est énorme !
Devant ces chiffres, il faut se demander si le secteur public ne devrait pas
être également soumis à de plus grandes obligations de moyens.
Garantir une surveillance de tous les instants dans une piscine publique reste
une mission très difficile en raison tant des caractéristiques physiques -
variations de luminosité, visibilité réduite par l'eau, profondeur du bassin -
que des limites naturelles de la vigilance humaine. Mais des solutions
techniques existent.
Les progrès récents de la haute technologie dans le domaine de la vision par
ordinateur, ainsi que la rapidité et la précision obtenues aujourd'hui dans le
traitement des signaux numériques, ont permis le développement de systèmes
d'aide à la prévention des noyades. De telles solutions de vidéosurveillance
assistée par ordinateur sont actuellement mises en place en Grande-Bretagne, en
Allemagne et en Suisse. Je crois même savoir qu'une piscine publique en région
parisienne s'est déjà équipée de ce système. Ne pourrait-on pas l'étendre à
l'ensemble du parc de piscines publiques, tout au moins pour les constructions
nouvelles ou les projets lourds de rénovation ?
Monsieur le ministre, je serais heureux de connaître votre position sur ce
sujet.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du
RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
(M. Daniel Hoeffel remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président
M. le président.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er