SEANCE DU 3 OCTOBRE 2002
M. le président.
La parole est à Mme Paulette Brisepierre.
Mme Paulette Brisepierre.
Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, je reviens de Côte d'Ivoire, où je suis allée avec un
double objectif : me rendre compte par moi-même de la situation réelle sur le
terrain et être présente auprès de nos compatriotes.
J'ai tenu à ce qu'ils sachent que leurs sénateurs et le Sénat tout entier
étaient à leurs côtés et qu'en ces moments difficiles ils suivaient les
événements avec le Gouvernement, étaient parfaitement conscients de leurs
problèmes et solidaires.
En premier lieu, je tiens à m'associer à nos compatriotes pour rendre hommage
à l'action exemplaire des forces françaises présentes sur le terrain et de nos
diplomates et agents consulaires. Tous accomplissent leur mission avec coeur
dans des conditions extrêmement difficiles et font l'honneur de la France.
(M. Jean Chérioux applaudit.)
Cela dit, monsieur le ministre, si j'ai pu constater une fois de plus notre
efficacité concernant la protection physique de nos compatriotes, en revanche,
j'observe que rien n'a été fait jusqu'à maintenant pour la protection de leurs
moyens d'existence, qui est pourtant la condition
sine qua non
de la
pérennité de la présence française à l'étranger.
Si nous voulons maintenir notre influence en Côte d'Ivoire, il est
indispensable que des mesures soient prises pour que nos compatriotes puissent
y rester. Nous devons éviter un exode massif de gens désespérés, qui viendront
en France grossir avec amertume le nombre de demandeurs d'emplois ou de
RMIstes.
Vous nous avez dit mardi dernier, monsieur le Premier ministre : « La France
doit être à côté de tous les Français qui souffrent. »
Les Français de Côte d'Ivoire souffrent, ils souffrent dans leur coeur pour
les habitants de ce pays qu'ils aiment, mais aussi pour eux-mêmes et leur
famille, devant la gravité de la décision qu'ils ont à prendre : partir ou
rester, mais avec quoi ?
Nos compatriotes ne sont ni des mendiants ni des assistés et ils ne coûtent
rien au budget de la France. Ils paient eux-mêmes leur sécurité sociale - et
très cher - ils ont des frais de scolarité qui équivalent pratiquement aux
meilleures écoles privées en France ; ils ne touchent ni protection sociale ni
allocations familiales.
Aujourd'hui, ils demandent simplement qu'on les aide à passer un cap difficile
face à des événements politiques dont ils ne sont en rien responsables.
Dans un premier temps, deux mesures devraient être étudiées pour leur
permettre de faire face à la situation actuelle : l'augmentation spécifique de
l'enveloppe des bourses scolaires pour les enfants français de Côte d'Ivoire et
la mise en place de prêts à taux préférentiel pour les PME et les PMI,
catégories qui sont naturellement les plus touchées matériellement.
Je sais parfaitement que ce que je vous demande, monsieur le ministre, n'est
pas facile. Mais, avec de l'imagination et de la volonté, on arrive toujours à
résoudre les problèmes et je vous connais assez pour savoir que vous ne manquez
ni de l'une ni de l'autre.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées
du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
N'oublions pas que les Français de l'étranger représentent la partie avancée
de la France dans le monde. Ils sont le meilleur vecteur de notre langue, les
fondations mêmes de notre puissance en dehors de l'Hexagone. Lorsque des
Français quittent massivement un pays, c'est la France tout entière qui
s'affaiblit.
Ne prenons pas ce risque, monsieur le ministre, d'autant plus que notre
position en Afrique est, vous le savez, un élément fondamental de notre
influence sur la scène internationale.
(Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président.
Madame Brisepierre, le Sénat s'associe évidemment aux compliments que vous
avez adressés à juste titre aux troupes françaises situées actuellement en Côte
d'Ivoire.
(Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
La parole est à M. le ministre.
M. Dominique de Villepin,
ministre des affaires étrangères.
Madame le sénateur, permettez-moi tout
d'abord de saluer votre engagement si rapide auprès de notre communauté
française en Côte d'Ivoire.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Permettez-moi aussi de vous remercier pour votre témoignage, précieux pour
notre diplomatie.
Les objectifs que vise la France en Côte d'Ivoire sont difficiles. Nous
voulons d'abord défendre l'unité et la souveraineté de ce pays pour permettre
et la stabilité du pays et la stabilité régionale.
Nous voulons aussi appuyer l'autorité légitime du gouvernement de la Côte
d'Ivoire.
Nous voulons enfin défendre la médiation africaine, qui prend toutes ses
responsabilités. Comme vous le savez, au cours de la réunion qui s'est déroulée
dimanche à Accra, elle a pris deux dispositions importantes : la première,
c'est de créer un groupe de médiation qui a pour vocation d'entrer en dialogue
avec les mutins, et la seconde de créer une force de paix qui pourrait
s'interposer dans la région.
Vous me permettrez d'exprimer la conviction du Gouvernement : aucune solution
militaire ne pourra permettre de régler les graves difficultés accumulées par
la Côte d'Ivoire depuis de nombreuses années. Il faut en effet une grande
politique de réconciliation qui permette de faire face à la fois une situation
économique dégradée, à une situation sociale tendue et à la situation politique
très difficile.
Dans l'immédiat, notre première responsabilité est d'assurer la sécurité de
nos ressortissants, et nous avons renforcé notre dispositif militaire. A cet
égard, je veux rendre aussi hommage au professionnalisme de nos soldats sur
place, soit plus de neuf cents hommes, qui ont permis l'évacuation de nos
ressortissants de Bouaké et de Korhogo, ainsi que des ressortissants
étrangers.
Notre dispositif restera sur place pour assurer la sécurité de notre
communauté, qui compte plus de vingt-cinq mille personnes.
Mais vous avez raison, madame le sénateur, cela ne suffit pas. Il faut
répondre aussi aux préoccupations immédiates de nos compatriotes sur place. Il
faut le faire dans un domaine très particulier, celui de l'éducation, pour que
notre communauté puisse rester dans le pays.
Nous avons pris des mesures d'urgence pour faire en sorte que les enfants de
Bouaké puissent être accueillis à Abidjan, pour que le premier trimestre puisse
être gratuit pour l'ensemble de ces enfants et pour que l'ensemble des
boursiers de Bouaké puissent bénéficier d'une prise en charge à 100 % à
Abidjan.
Mais, vous avez raison, il faut faire plus et vous avez mentionné la situation
économique difficile.
Nous voulons essayer effectivement d'aider nos ressortissants à passer ce cap
et nous étudions avec le ministère de l'économie et des finances et avec
l'Agence française de développement la meilleure façon de répondre à leurs
besoins.
Le problème de la communauté française en Côte d'Ivoire est au coeur de nos
préoccupations comme c'est le cas pour toutes les communautés françaises dans
un monde qui, pourtant, vous le savez, est dangereux, instable.
C'est la raison pour laquelle les communautés françaises feront l'objet, dans
le budget pour 2003, d'un soin très particulier non seulement dans le domaine
de la sécurité - c'était l'objectif principal qui nous avait été assigné par M.
le Premier ministre - mais aussi dans le domaine de l'éducation, de la
protection sociale et de l'emploi.
(Applaudissements sur les travées du RPR,
des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
IMMIGRATION CLANDESTINE