M. le président. Je suis saisi par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, d'une motion n° 1, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable l'article 4, adopté par l'Assemblée nationale, de la loi relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques (n° 247, 2002-2003), après avoir été soumis à nouvelle délibération en application du deuxième alinéa de l'article 10 de la Constitution. »
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'exécédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la motion.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne serions pas dans la situation présente - cela nous vaut le plaisir d'entendre M. le rapporteur nous expliquer aujourd'hui le contraire de ce qu'il nous disait voilà quelques jours, mais toujours avec le même talent, je dois dire ! - si le vote conforme, comme l'a rappelé mon collègue Bernard Frimat, ne s'était pas imposé ici comme une sorte d'impératif catégorique, selon la formule d'Emmanuel Kant.
Texte après texte, nous sommes confrontés à une décision des instances de l'UMP qui vous conduit à refuser en quelque sorte le débat. Sur ce texte-ci, nous n'aurons pas eu l'honneur d'entendre un seul représentant de l'UMP dans la discussion générale.
M. Jean-Pierre Schosteck. Si, M. Gélard !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Et M. Karoutchi !
M. Jean-Pierre Sueur. Bien qu'il appartienne à l'UMP, M. Gélard s'est exprimé en tant que rapporteur, au nom de la commission.
M. Josselin de Rohan. Il s'est exprimé au nom des deux !
M. Jean-Pierre Sueur. L'UMP, vous avez pu le constater, a choisi de ne pas parler, comme elle l'a fait d'ailleurs s'agissant de beaucoup d'autres textes.
M. Claude Estier. Nous en avons encore l'exemple aujourd'hui même !
M. Jean-Claude Gaudin. C'est pour ne pas faire perdre du temps ! (Rires.)
M. Jean-Pierre Sueur. C'était vrai, hier, pour l'examen du projet de loi organique relatif aux juges de proximité, c'est vrai, aujourd'hui, pour le projet de la loi relatif aux assistants d'éducation : avec le vote conforme, il n'est plus utile au Sénat d'apporter sa contribution !
Mes chers collègues, nous serions dans une tout autre situation si le Sénat avait véritablement débattu du texte, et si de nombreux collègues, sur toutes les travées de cette assemblée, avaient pu exprimer leur sentiment sur ce seuil qui nous a été imposé. Le Gouvernement, au lieu de se trouver censuré par le Conseil constitutionnel, pourrait se féliciter d'avoir laissé le Parlement faire son travail !
Il est vrai que M. Nicolas Sarkozy est très habile et trouve toujours des arguments qui l'arrangent.
J'ai écouté tout à l'heure avec beaucoup d'intérêt son propos sur la « malédiction » dont seraient victimes tous ceux qui ont l'idée de changer les modes de scrutin. Nous avions envie de lui répondre : « Monsieur le ministre, pourquoi l'avez-vous fait ? Pourquoi ne vous en êtes-vous pas tenu à cette excellente loi, votée sous le gouvernement précédent, et qui, par le seul effet de la prime majoritaire, rendait nos assemblées régionales gouvernables, ce qui n'était pas le cas auparavant ? »
M. Patrice Gélard, rapporteur. Non, c'est faux !
M. René Garrec, président de la commission. En effet !
M. Jean-Pierre Sueur. Il n'était nullement besoin de cette réforme. En tout cas, si M. Sarkozy pense qu'on a grand tort de modifier les lois électorales peu avant les élections, je réitère ma question : pourquoi l'avoir fait ?
Quant aux statistiques de M. le ministre de l'intérieur sur les décisions du Conseil constitutionnel, je rappelle que, pour faire voter cette loi-là dans ces circonstances-là, M. Raffarin a dû avoir recours au funeste article 49, alinéa 3, de la Constitution, alors que, pendant cinq années, M. Lionel Jospin, Premier ministre, n'a jamais eu une seule fois recours au 49-3. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Cela témoigne d'un véritable respect pour le Parlement et pour le travail parlementaire.
M. Josselin de Rohan. M. Rocard, Premier ministre, a fait tout autrement !
M. Jean-Pierre Sueur. C'est tout à fait vrai !
M. Jean-Claude Gaudin. De toute façon, l'article 49, alinéa 3, figure dans la Constitution !
M. Jean-Pierre Sueur. Mais venons-en, mes chers collègues, aux raisons pour lesquelles nous pensons qu'il faut évoquer à nouveau la question de la constitutionnalité.
Le Président de la République, le Gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale et du Sénat ont décidé, finalement, de ne traiter que l'un des très nombreux problèmes évoqués dans la décision du Conseil constitutionnel.
A y regarder de près, en effet, on voit que, sur un certain nombre de sujets, il aurait été sage d'adopter dès aujourd'hui d'autres dispositions de manière à tenir pleinement compte de ce que nous ont dit les membres du Conseil constitutionnel.
S'agissant de la Corse, par exemple, la décision du Conseil constitutionnel revêt un aspect un peu étrange en ce qu'elle constitue une sorte d'injonction faite au législateur : le Conseil considère comme inconstitutionnelle la disposition relative à la Corse qui, selon lui, ne peut subsister en l'état.
M. René Garrec, président de la commission. Non ! Il s'agit d'une disposition générale !
M. Jean-Pierre Sueur. Le Conseil en tire la conséquence qu'il appartiendra à la prochaine loi - comme si la loi était un acteur ! Sans doute, par métonymie, faut-il voir le législateur derrière la loi -, donc, il appartiendra au législateur, à l'occasion de la prochaine loi relative à l'Assemblée de Corse, de mettre fin à cette inégalité. Et le Conseil en fait une condition substantielle de la constitutionnalité des mesures dont nous débattons. Mais, dans ces conditions, monsieur le ministre, pourquoi ne pas avoir réglé le problème dès aujourd'hui ? Il vous aurait été facile de demander une seconde délibération sur cette disposition qui concerne la Corse et de suivre ainsi dès maintenant cette injonction claire, nette et explicite du Conseil constitutionnel.
Autre exemple, la question des sections départementales, tout à fait inquiétante, d'ailleurs.
M. Jean-Claude Gaudin. Pas du tout !
M. Jean-Pierre Sueur. Il paraît en effet contradictoire d'organiser des élections régionales sur une base départementale.
M. Jean-Claude Gaudin. Mais non !
M. Jean-Pierre Sueur. Au moment où la région est inscrite dans la Constitution et que le fait régional s'impose dans notre pays de manière tout à fait évidente, on retombe dans une conception départementaliste de la région.
M. Jean-Claude Gaudin. Mais non, pas du tout !
M. Jean-Pierre Sueur. De plus, M. Nicolas Sarkozy nous a fait, tout à l'heure, un éloge vibrant de la complexité, vibrant mais non moins paradoxal car, s'il faut l'en croire, les modes de scrutin les plus complexes sont les meilleurs ! Je ne suis pas certain que cet adage aille dans le sens d'une démocratie transparente et lisible, qui soit compréhensible par l'ensemble de nos citoyens.
Mais, surtout, je ne saurais trop insister sur la ferme mise en garde teintée d'ironie du Conseil, notamment dans le considérant 18. Si je comprends bien, la constitutionnalité de la loi objet de la saisine dépend des mesures que le Gouvernement ou l'autorité compétente prendra pour expliquer la loi à nos concitoyens. Autrement dit, pour le Conseil consitutionnel, le texte est complètement incompréhensible et, pour que le dispositif soit licite, valide, légal, il faut impérativement prendre les mesures nécessaires afin d'expliquer ce que tout cela signifie. Relisons ce considérant : « Il incombera aux autorités compétentes de prévoir toutes dispositions utiles pour informer les électeurs et les candidats sur les modalités du scrutin et sur le fait que c'est au niveau régional que doit être appréciée la représentativité de chaque liste. » Si la loi était claire, si elle était facile d'application, la précision serait inutile. Tout cela est quand même bien étrange !
Il appartiendra donc au Gouvernement d'expliquer la loi,...
M. Jean-Claude Gaudin. C'est déjà fait !
M. Jean-Pierre Sueur. ... faute de quoi, le dispositif pourrait ne pas être parfaitement valide.
Mais ce qui suit, mes chers collègues, est encore plus étrange ou plus lourd de conséquences : « il leur appartiendra » - aux autorités compétentes - « en particulier d'expliquer que le caractère régional du scrutin et l'existence d'une prime majoritaire peuvent conduire à ce que, dans une section départementale donnée, une formation se voie attribuer plus de sièges qu'une autre alors qu'elle a obtenu moins de voix dans le département correspondant ; ».
Je mets au défi chacune et chacun d'entre vous, mes chers collègues, d'essayer de faire comprendre la loi à nos concitoyens : cette formulation est parfaitement obscure !
M. Jean-Claude Gaudin. Mais non !
M. Jean-Pierre Sueur. Enfin, je termine ma lecture : « Il leur reviendra également » - toujours aux autorités compétentes - « d'indiquer que le mécanisme de répartition retenu peut aboutir, d'une élection régionale à la suivante, à la variation du nombre total de sièges attribués à une même section départementale ; ».
Mes chers collègues, tout cela est obscur et incompréhensible. Il n'y a pas de rapport direct, facile à comprendre, entre l'acte qu'accomplit le citoyen lorsqu'il vote et le résultat du vote, à tel point que, pour la première fois, le Conseil constitutionnel reconnaît noir sur blanc qu'il conviendra d'expliquer cette législation particulièrement absconse.
Il y a donc là matière à réflexion.
De même, nous aurions souhaité que le Gouvernement tire les conséquences de l'attitude qu'a adoptée le Conseil constitutionnel sur le véritable paradoxe qui est inscrit dans la loi.
Il ressort en effet de la rédaction qui a été retenue que la tête de liste régionale peut ne pas être élue : c'est patent. Et non seulement le Conseil constitutionnel ne le conteste pas, mais il jette un doute très grand sur la pertinence du dispositif puisque, dans son considérant 21, il écrit qu'« il appartiendrait au juge de l'élection, saisi d'un tel grief, d'apprécier si la désignation comme tête de liste régionale d'un candidat qui ne serait pas placé en rang utile pour être élu a ou non altéré, dans les circonstances de l'espèce, la sincérité du scrutin ».
Nous avons donc là un dispositif parfaitement illogique et très largement contestable, à propos duquel le Conseil constitutionnel renvoie explicitement à une autre juridiction : en d'autres termes, il ne conteste en rien la possibilité que le problème se pose.
Une solution très simple s'offrait pourtant à vous, mes chers collègues ! Outre les difficultés relatives aux seuils qu'a exposées tout à l'heure M. Frimat, il était tout à fait possible de régler aujourd'hui la question de la Corse en assurant pleinement la parité entre l'ensemble des parties de notre territoire. Il aurait alors été très facile de revenir sur les dispositions relatives aux sections départementales, que, je pense l'avoir montré, le Conseil constitutionnel considère nettement comme obscures, ambiguës, et source de très nombreux conflits et contentieux.
C'était possible, et vous ne le faites pas ; nous le déplorons. Vous apportez ainsi une nouvelle fois la preuve que tout cela est bien inutile puisque, grâce à la législation en vigueur au moment où vous avez décidé d'élaborer ce texte, le scrutin régional avec prime majoritaire fonctionnait dans des conditions parfaitement saines et parfaitement claires pour notre démocratie. Nous regrettons donc que vous n'ayez pas tiré tout le parti possible de la décision du Conseil constitutionnel.
C'est pourquoi le groupe socialiste vous invite, mes chers collègues, à voter l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Chérioux. Il faut bien trouver une raison !
M. le président. Quelqu'un demande-t-il la parole contre la motion ?...
Quel est l'avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. L'argumentation que vient de développer M. Sueur en faveur de la motion d'irrecevabilité appelle de ma part la réponse suivante.
En premier lieu, cette motion me semble irrecevable (Sourires) parce qu'elle soulève toute une série de problèmes qui ont été réglés :...
M. Robert Bret. Ce n'est pas sûr !
M. Patrice Gélard, rapporteur. ... ils l'ont été à la fois par le vote des deux assemblées et par la décision du Conseil constitutionnel.
M. Claude Domeizel. L'Assemblée nationale n'a pas voté le texte !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Bien sûr, le Conseil constitutionnel a apporté des réserves d'interprétation ; mais c'est sa tradition ! Le Gouvernement, comme le Parlement, en tiendra compte lors de l'examen du projet de loi sur la Corse.
En second lieu, l'objet de notre débat n'est pas aujourd'hui de compléter la présente loi : nous sommes saisis du seul article 4, car il est nécessaire de rendre la loi, qui a été adoptée, conforme à la Constitution.
Je rappelle à ce propos que la totalité de la loi est applicable, que le Président de la République peut la signer demain, qu'elle sera publiée au Journal officiel et deviendra donc applicable. Dès lors, il n'y a pas de raison de soulever l'irrecevabilité. Peut-être y en avait-il une lors de la première lecture,...
M. Claude Estier. Peut-être ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. ... mais ce n'est plus le cas maintenant.
C'est la raison pour laquelle, au nom de la commission, j'émets un avis défavorable sur cette motion d'irrecevabilité.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je partage l'analyse de la commission, et j'émets un avis défavorable.
Je suis d'ailleurs très surpris, monsieur Sueur, alors que nous sommes tous attachés aux mêmes objectifs et que vous souhaitez comme nous tant l'expression la plus large possible de la population qu'un rapprochement des électeurs et des élus, de deux des arguments que vous avez invoqués à l'appui de votre motion d'irrecevabilité : la Corse et les sections départementales.
S'agissant de la Corse, il ne vous a pas échappé que le Gouvernement prévoit d'y consulter la population sur les outils institutionnels dont elle souhaite se doter pour assurer le développement le plus harmonieux possible de l'île, ni que M. le Premier ministre et M. le ministre de l'intérieur se sont engagés à respecter la parité dès les élections régionales de 2004. Le respect profond que nous devons au suffrage universel doit donc aujourd'hui permettre à la population corse de s'exprimer librement sur la destinée qu'elle entend donner à l'île ; il appartiendra ensuite au Gouvernement d'appliquer les règles de la parité lors des élections régionales à venir.
S'agissant des sections départementales, vous avez indiqué, monsieur le sénateur, que le texte de loi que vos amis avaient proposé en 1999 respectait la logique intellectuelle qui consiste à dire que, pour des élections régionales, il faut des circonscriptions régionales.
Si ma mémoire est bonne, vous n'aviez pas, alors, prévu l'obligation d'harmoniser géographiquement la composition des listes, si bien que vous auriez pu vous trouver dans la situation particulièrement paradoxale de voir un exécutif régional ne représenter qu'une partie de la région, voire un seul département, alors qu'il aurait été chargé de gérer tous les départements de ladite région.
M. Jean-Claude Gaudin. C'est sûr !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Le fait de mettre en place des sections départementales peut donc, au contraire, renforcer la nécessaire articulation des politiques territoriales entre la région et les départements, que les électeurs souhaitent de plus en plus souvent, en faisant bien évidemment en sorte que chacun soit représenté au sein de l'exécutif régional.
Par ailleurs, monsieur Sueur, vous vous étonnez de l'obligation d'expliquer la loi. Je connais vos talents pédagogiques, mais je sais aussi que si vous interrogiez les électeurs, vous seriez surpris de constater que les plus informés d'entre eux - mais aussi, parfois, ceux pour lesquels on s'y attend le moins, notamment nos propres enfants - ignorent les mécanismes de la majorité qualifiée, de la répartition des sièges au plus grand nombre, bref, ignorent les règles mathématiques des modes de scrutin : moins de 1 % de nos électeurs connaissent la répartition des sièges, y compris pour les scrutins municipaux, et la plupart ne comprennent pas pourquoi on parle de « demi », de « trois quarts », etc.
M. le ministre de l'intérieur a pris l'engagement que les décrets d'application de la loi, les circulaires et le guide du candidat apporteraient toutes les réponses. Par ailleurs, la sagesse du Conseil constitutionnel et la volonté du Gouvernement ont fait prendre conscience à chacun et à chacune d'entre nous de l'importance du droit de vote, au moment où, dans un certain nombre de pays, notamment en Amérique, la démocratie est étouffée et où l'on emprisonne celles et ceux qui osent s'exprimer contre le gouvernement en place. Au contraire, nous avons tout à fait intérêt, aujourd'hui, à renforcer l'explication et la pédagogie.
C'est la raison pour laquelle, tout en comprenant que, fidèle au rôle qui est le vôtre, vous posiez, avec tout le talent que l'on vous connaît, un certain nombre d'interrogations, nous sommes en total accord avec la position de la commission.
M. le président. Je vais mettre aux voix la motion n° 1.
M. Robert Bret. Je demande la parole, pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, je souhaite non seulement expliquer mon vote, mais également faire une mise au point.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront la motion d'irrecevabilité constitutionnelle qui vient d'être présentée par notre collègue M. Sueur, au nom du groupe socialiste et apparenté.
Sur le fond, nous considérons que le projet de loi dans son ensemble, et tout particulièrement son article 4, ne respecte pas les principes démocratiques inscrits dans la Constitution, notamment le principe de pluralisme affirmé à l'article 4 de la Constitution. Dans le même temps, nous maintenons que l'éclatement de la circonscription nationale pour les élections européennes pose indubitablement un problème quant à la place de la France en tant que nation dans la construction européenne.
Sur la forme, nous estimons que cette exception d'irrecevabilité était tout à fait... recevable, puisque le Conseil constitutionnel lui-même affirme ne pas s'être prononcé sur le fond, c'est-à-dire sur le respect du pluralisme par l'article 4 du projet de loi.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen approuvent donc, sur le fond et sur la forme, cette motion d'irrecevabilité.
Cependant, vous me permettrez, monsieur le président, de prendre quelques instants supplémentaires pour rétablir la vérité sur un point des propos tenus par M. le ministre de l'intérieur au sujet de la séance du Sénat du 7 mars dernier, et je regrette l'absence de M. Sarkozy. N'y voyez rien contre vous, monsieur Delevoye, car, nous sommes toujours très heureux de vous accueillir, comme tous nos anciens collègues, au sein de la Haute Assemblée !
Contrairement à ce qu'a indiqué M. le ministre de l'intérieur lorsqu'il m'a cité, le groupe communiste républicain et citoyen n'a jamais changé de position : M. Sarkozy a tout simplement omis de préciser que l'amendement dont il s'agissait n'était qu'un amendement de repli qui faisait suite à plusieurs autres amendements.
Le premier amendement de la série, l'amendement n° 62 rectifié, avait pour objet de supprimer la référence au seuil de 10 % des inscrits. L'amendement suivant, l'amendement n° 66, présentait clairement la position que nous avions déjà défendue lors de la discussion du projet de loi de 1999. Il était ainsi rédigé : « Peuvent se présenter au second tour les listes ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 5 % du total des suffrages exprimés.
« Peuvent également se présenter au second tour les listes modifiées pour comprendre les candidats ayant figuré au premier tour sur d'autres listes, sous réserve que le total des suffrages recueillis par ces listes soit au moins égal à 5 % du total des suffrages exprimés. »
Suivaient encore cinq amendements de repli,...
M. Patrice Gélard, rapporteur. Six, sept, huit, neuf et dix !
M. Robert Bret. ... dans lesquels le seuil des suffrages exprimés requis augmentait progressivement pour arriver finalement au taux de 10 %.
Il apparaît donc clairement que, lorsqu'on cite une intervention ou un raisonnement, il faut être exhaustif : M. le ministre de l'intérieur est pris en flagrant délit, à tout le moins, d'omission.
Il me semblait utile, pour l'assemblée et, bien entendu, pour le Journal officiel, de procéder à ce rectificatif. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo. Bravo !
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Gaudin, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Gaudin. Notre collègue M. Jean-Pierre Sueur est un homme jeune,...
M. Jean-Pierre Sueur. Cela change tous les jours !
M. Jean-Claude Gaudin. ... intelligent et compétent.
Un sénateur de l'UMP. Brillant !
M. Jean-Claude Gaudin. Je me permettrai cependant de lui rafraîchir la mémoire sur certains actes, dans le passé, de gouvernements socialistes.
M. Nicolas About. Ah !
M. Jean-Claude Gaudin. En 1982, alors que le secret avait été totalement gardé,...
M. Jean-Louis Carrère. Ah, Gaston !
M. Jean-Claude Gaudin. ... nous apprenions au sortir d'un conseil des ministres que la ville de Paris compterait désormais vingt mairies - et, tenez-vous bien ! vingt mairies de plein exercice.
Devant le tollé que cela provoqua, le gouvernement de M. Mauroy - cela peut arriver à tous les gouvernements, monsieur Sueur ! - fit délicatement machine arrière et déclara qu'il y aurait certes vingt mairies, mais qu'elles ne seraient pas de plein exercice. Ainsi fut fait pour Paris.
A Lyon, qui compte neuf arrondissement, il fut décidé qu'il y aurait neuf mairies d'arrondissement.
A Marseille, il y a seize arrondissements. Alors, le ministre de l'intérieur de l'époque a fait tourner les calculatrices de ses services et a décidé qu'il y aurait six secteurs. (M. Claude Domeizel s'exclame.)
Je parlerai ensuite des Alpes-de-Haute-Provence, monsieur Domeizel ! (Rires.)
Chacun des secteurs était composé tantôt de quatre arrondissements, tantôt de deux, tantôt d'un. C'était très clair, et tout le monde pouvait le comprendre ! (Rires sur plusieurs travées de l'UMP.)
Puis, le ministre de l'intérieur a constaté que, dans certains secteurs, la gauche aurait l'avantage : le nombre des élus à désigner au conseil municipal y fut impair, ce qui permettait d'arrondir à l'entier supérieur. Dans les secteurs plus favorables à la droite, en particulier dans celui qui était le mien, le nombre d'élus à désigner était bien entendu un nombre pair, si bien que, passez-moi cette expression triviale, on n'arrondissait « que dalle » à l'entier supérieur ! (Rires sur les mêmes travées.) Voilà pour la petite histoire, monsieur Sueur.
Pour en venir à votre remarque sur le fond et à votre demande d'explications, mon cher collègue, la sectorisation conduit effectivement, comme c'est le cas à Paris, à Lyon et à Marseille, à présenter des candidats pour chaque secteur. Si, dans l'une des trois villes, une majorité se dégage, l'un de ces candidats devient le maire, car il est à la tête de l'ensemble de la liste même s'il n'est candidat que dans un seul secteur, dans un seul arrondissement. La sectorisation départementale reprendrait exactement ce mécanisme, comme M. le rapporteur l'a excellemment exposé.
Cependant, monsieur Sueur, mes chers collègues, la sectorisation départementale présente à mes yeux un avantage bien plus important. Imaginons la région Provence-Alpes-Côte d'Azur : 123 élus à élire à la proportionnelle, « à la queue leu leu », avec le « chabada », de 1 à 123 ! Prenons pour exemple le département de M. Domeizel : 140 000 habitants ; les deux secteurs que j'ai l'honneur de représenter et où j'ai été élu au premier tour, à Marseille, représentent 200 000 habitants.
M. le président. Et voilà !
M. Jean-Claude Gaudin. Un département comme les Alpes-de-Haute-Provence est donc un petit département, du moins par sa population.
M. Bernard Saugey. Et non par son talent !
M. Jean-Claude Gaudin. Dans une liste « à la queue leu leu », les partis politiques, qu'ils soient de droite ou de gauche - car, en la matière, les attitudes sont souvent identiques ! -, vont proposer la cinquième place à une personnalité des anciennes Hautes-Alpes. Avant qu'ils donnent une place à un deuxième candidat de ce département, que ce soit l'UMP ou M. Hollande, de l'eau passera sous les ponts,...
M. Josselin de Rohan. Sous les ponts de la Durance !
M. Jean-Claude Gaudin. ... car ces départements comptent très peu d'habitants.
Imaginons maintenant que la personnalité qui occupe la cinquième place sur la liste soit élue et que, quelque temps après, elle soit promue, ou que malheureusement elle disparaisse,...
M. Jean-Pierre Sueur. Hélas !
M. Jean-Claude Gaudin. ... ou encore qu'elle se retire de la vie politique.
M. Nicolas About. Elle peut aussi être nommée ministre !
M. Jean-Claude Gaudin. Elle aura alors un remplaçant, mais qui ne sera pas forcément issu du même département : il pourra ainsi se faire que les départements les moins peuplés soient privés de représentation à l'assemblée régionale.
M. le président. Bien sûr !
M. Jean-Claude Gaudin. Monsieur Sueur, connaissant votre honnêteté intellectuelle, j'aurais aimé, vous qui avez un grand talent pédagogique, que vous nous expliquiez ce risque.
Nous l'avions prévu, et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous étions et nous restons favorables à la sectorisation départementale. S'il faut l'expliquer, nous l'expliquerons, et le Conseil constitutionnel pourra prendre connaissance de nos arguments en lisant le procès-verbal de notre séance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Carrère. On peut admettre l'idée que la loi votée sur l'initiative du gouvernement de M. Jospin risquait de poser certains problèmes pour la représentation des départements, et il aurait sans doute fallu, je vous le concède, mettre en place un mécanisme qui aurait joué au moment de l'élaboration des listes. Mais de là à en tirer argument pour nous faire croire que le système que vous proposez ne vise qu'à préserver les départements !...
Ce qui est machiavélique, incompréhensible et, à mes yeux, inconstitutionnel, c'est qu'une liste qui obtient 40 % des voix dans un département peut y avoir moins d'élus qu'une liste qui ne recueille que 20 % des suffrages, et ce du fait de la fusion des listes à l'échelon régional et du mode d'attribution des sièges.
M. Nicolas About. C'est pourtant facile à comprendre !
M. Jean-Louis Carrère. C'est essentiellement ce mécanisme que nous contestons !
La préservation de la représentation départementale est un argument que nous devons entendre et que nous pouvons recevoir, bien que nous ne le partagions pas ; car nous pensions que c'est au moment de l'élaboration des listes que ce principe devait être imposé. Cependant, je le reconnais honnêtement, cela aurait été extrêmement complexe.
Mais convenez a contrario que les modalités de calcul et d'attribution des sièges, qui prennent en compte une pondération régionale pour l'appliquer au niveau départemental, entraînent le risque qu'une liste ayant recueilli 20 % des voix obtienne plus d'élus qu'une liste à 40 %.
Mes chers collègues, je vous demande simplement d'y réfléchir : ne me répondez même pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Patrice Gélard, rapporteur. D'accord !
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de l'article 4 du projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques.
(La motion n'est pas adoptée.)
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 2, tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale l'article 4, adopté par l'Assemblée nationale, de la loi relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques (n° 247, 2002-2003), soumis à nouvelle délibération en application de l'article 10, alinéa 2, de la Constitution. »
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à M. Robert Bret, auteur de la motion.
M. Henri de Raincourt. C'est un ami de M. Gaudin !
M. Jean-Claude Gaudin. Il finira sur ma liste, et, là, il sera assuré d'être élu ! (Rires.)
Mme Nicole Borvo. C'est la collusion des Marseillais !
M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'a indiqué lors de la discussion générale mon amie Nicole Borvo, c'est avec un grand intérêt que nous avons pris connaissance de la décision du Conseil constitutionnel sur le projet de loi dont nous discutons à nouveau.
Contrairement à M. le ministre de l'intérieur, nous estimons que le sujet qui nous occupe aujourd'hui n'est pas secondaire : nous ne perdons pas de temps quand nous discutons de la démocratie et quand nous débattons sur les moyens à mettre en oeuvre pour associer réellement les citoyens aux prises de décision.
Si M. le ministre de l'intérieur considère que ce texte ne mérite plus que l'on s'y arrête, pourquoi avoir pressé les choses à ce point et pris tant de risques avec l'utilisation intempestive du 49-3 sur une loi touchant à la vie démocratique du pays ?
De toute évidence, ce texte que vous semblez chercher à oublier - « nous pourrons désormais sortir de ce débat qui intéresse fort peu les Français », a dit M. le ministre de l'intérieur - tenait beaucoup à coeur au Président de la République, au Gouvernement et à l'UMP.
Il est clair que, depuis hier, ces derniers tentent de minimiser le désaveu prononcé par le Conseil constitutionnel et de passer rapidement à autre chose pour éviter de mettre à jour des discordances internes, pourtant évidentes.
La tentative de faire passer en force la bipolarisation de la vie politique a donc en partie échoué, mais en partie seulement, car cet article 4 continue, comme le projet de loi dans son ensemble, à menacer gravement le pluralisme.
Le Conseil constitutionnel, rappelons-le, s'est prononcé non pas sur l'incidence de la fixation du seuil à 10 % des inscrits ou à 10 % des suffrages exprimés, mais sur la vie politique du pays.
Pour mémoire, il s'agit en l'occurrence du seuil permettant d'accéder au second tour de l'élection régionale.
Je cite le considérant 11 de la décision du Conseil constitutionnel : « Considérant, en premier lieu, que, du fait de la déclaration d'inconstitutionnalité des dispositions précitées de l'article 4 de la loi déférée relatives au seuil nécessaire à une liste pour se maintenir de façon autonome au second tour, il n'y a pas lieu d'examiner les autres griefs dirigés contre ces dispositions et notamment celui tiré de l'atteinte au principe du pluralisme des courants d'idées et d'opinions ; ».
Le Conseil constitutionnel rend donc une décision de pure forme mais, en refusant expressément de se prononcer sur le fond, il incite à la réouverture du débat sur les conséquences de la loi et sur le fonctionnement démocratique de nos institutions.
Substituer la notion de suffrages exprimés à celle d'électeurs inscrits, comme l'a fait le Gouvernement, ne permet pas, à notre sens, d'éluder un tel débat.
Nous assistons depuis plusieurs années à un recul du caractère démocratique du mode de scrutin régional.
D'un système proportionnel à un tour, qui permettait une photographie proche de la réalité du corps électoral, nous sommes passés, sous la pression de la poussée du Front national, à un mode de scrutin à deux tours qui a déjà, - et cela aurait été le cas même si des garanties avaient été obtenues - affaibli le caractère démocratique de la proportionnelle.
Aujourd'hui, en établissant le seuil à 10 % des suffrages exprimés, option qui avait été écartée par l'Assemblée nationale en 1998, c'est l'idée même de proportionnelle qui se trouve dénaturée.
Ainsi, les partisans de la bipolarisation, ce mode d'organisation politique qui écarte une part croissante des citoyens de la représentation et, par là même, de l'action publique, mettent-ils à bas un à un les obstacles à la captation de l'immense majorité des rouages institutionnels et de la quasi-totalité des pouvoirs par une minorité de plus en plus restreinte de formations politiques.
Comment ne pas faire le lien - j'avais développé ce point de vue en défendant la motion référendaire que j'avais déposée avec Michel Dreyfus-Schmidt lors de la première et unique lecture de ce texte - avec la volonté d'imposer un modèle libéral à notre société ? On dessaisit en effet la grande masse des habitants de notre pays et ceux de l'Europe entière des leviers décisionnels pour les confier aux cercles du pouvoir financier.
Les dispositions concernant le mode de scrutin européen vont également dans ce sens.
Nous avons souligné la démagogie, pour ne de pas dire l'hypocrisie, sous-jacente à la création de « super-régions » comme nouvelles circonscriptions, au détriment de la circonscription nationale unique.
Là encore, on évoque le rapprochement des élus et des citoyens. La principale conséquence sera le brouillage du débat national sur la place de la France dans l'Europe et sur le devenir de la construction européenne.
Cette proposition est profondément fédéraliste, comme le précisait François Bayrou lui-même, et elle se marie parfaitement avec l'offensive libérale qui se heurte aujourd'hui à une spécificité française empreinte d'idéaux de solidarité, de justice et d'égalité dans les services publics, idéaux qui continuent à être des symboles malgré bien des incertitudes.
La nouvelle organisation du mode scrutin européen pousse à la bipolarisation et menace le pluralisme. Sur ce point aussi, nous considérons que la commission, au vu des remarques du Conseil constitutionnel sur le pluralisme, se doit d'approfondir sa réflexion en procédant à des auditions et, si nécessaire, à des simulations.
Il est un autre point important qui motive notre demande de renvoi en commission et qui me ramène à l'article 4 du projet de loi.
Dans ses considérants 18 et 19, le Conseil constitutionnel émet des réserves que je qualifierai d'appuyées sur la complexité du mode de scrutin régional instauré et, notamment, de la mise en oeuvre des sections départementales.
Face au caractère incompréhensible pour beaucoup des nouvelles dispositions, le Conseil constitutionnel s'est livré dans sa décision à une véritable explication de texte pour tenter de le rendre intelligible.
Le Conseil constitutionnel juge par exemple nécessaire de préciser les obligations des autorités compétentes pour éclairer les électeurs : « Il leur appartiendra en particulier d'expliquer que le caractère régional du scrutin et l'existence d'une prime majoritaire peuvent conduire à ce que, dans une section départementale donnée, une formation se voir attribuer plus de sièges qu'une autre, alors qu'elle a obtenu moins de voix dans le département correspondant. »
Concernant ce mécanisme fort complexe, le Conseil constitutionnel a tenu à rappeler que l'intelligibilité de la loi était un objectif constitutionnel.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, qui peut croire un seul instant que la complexité aide la démocratie ?
Lors du non-débat qui s'est déroulé devant cette assemblée, nous n'avons pu examiner sérieusement la question de ce manque de clarté du projet de loi qui est un facteur d'éloignement des citoyens de la vie politique et donc contraire à l'objectif annoncé.
Menace persistante sur le pluralisme, complexité dissuasive du mode de scrutin, les motifs ne manquent pas pour justifier que l'on remette le projet de loi sur le métier ! Ces deux aspects fondent, bien entendu, notre opposition à ce dernier, même remanié.
N'oublions pas non plus que M. le ministre de l'intérieur n'avait pas caché ses réserves à l'égard de l'offensive du président de l'UMP.
M. Jean-Louis Carrère. Eh oui ! contre Juppé !
M. Robert Bret. Mes chers collègues, la voie démocratique est ailleurs. Elle passe par la démocratisation en profondeur de notre institution et par une réappropriation des lieux de débat et de décision par le peuple lui-même.
La proportionnelle, je l'ai déjà indiqué, joue un rôle essentiel dans cette démarche.
C'est ce système qui permet l'adéquation la plus proche de la réalité entre représentant et représenté.
C'est ce système qui permet la mise en oeuvre de la parité et du renouvellement en politique.
Certains, sur les travées de la majorité ou sur les bancs du Gouvernement, à commencer par vous, monsieur le ministre, brandissent le spectre du Front national.
Les partisans de la proportionnelle feraient ainsi le lit du Front national.
Cette polémique doit cesser. Nous sommes d'accord sur un point avec M. le ministre de l'intérieur : le Front national se combat en effet politiquement, par des choix de société clairs et progressistes qui ne flattent pas les bas instincts, par le rejet sans ambiguïté de la xénophobie, du racisme et de l'antisémitisme. Le Front national croît, on le sait, sur le terreau de la misère et de la précarité. Discutons-en sérieusement et nous ferons reculer les idées de haine, mes chers collègues.
Ce n'est pas par la cuisine et les accommodements électoraux que l'on combat un phénomène qui trouve sa source dans une politique économique et sociale donnée, et la vôtre aggrave en l'occurrence la précarité et la pauvreté dans notre pays.
Le projet gouvernemental ne vise aucunement à combattre le Front national, car la loi de 1999 prônait déjà les mesures nécessaires : il tend à assurer la domination d'un parti à droite et à bipolariser la vie politique.
Reconquérir la proportionnelle constitue un enjeu crucial pour la démocratie dans les années à venir, mais le projet de loi dont nous débattons à nouveau aujourd'hui va à contresens d'une telle démarche : il fait l'impasse sur le désir de pluralisme exprimé par les électrices et les électeurs le 21 avril dernier.
Ces remarques et notre souhait de voir le Parlement s'atteler réellement à la démocratisation de nos institutions motivent la motion de renvoi à la commission que nous soumettons à votre vote, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Louis Carrère. Ne vous inscrivez pas sur la liste de M. Gaudin, monsieur Bret !
M. Ivan Renar. C'est du racolage !
(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)