SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS
1. Procès-verbal (p. 1).
2. Candidature à un organisme extraparlementaire (p. 2).
3. Privilèges et immunités de la Croix-Rouge. - Adoption d'une proposition de loi (p. 3).
Discussion générale : MM. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères ; Robert Del Picchia, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; André Rouvière, Louis Moinard.
Clôture de la discussion générale.
M. le secrétaire d'Etat.
Article 1er. - Adoption (p. 4)
Article 2 (supprimé)
Vote sur l'ensemble (p. 5)
Mme Hélène Luc.
Adoption de la proposition de loi.
4. Personnels de DCN et GIAT Industries. - Adoption d'une proposition de loi (p. 6).
Discussion générale : Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense ; MM. Serge Vinçon, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; Jean-Pierre Godefroy, Mmes Hélène Luc, Josette Durrieu, MM. BernardFournier, Louis Moinard.
Clôture de la discussion générale.
Mme le ministre.
Article 1er. - Adoption par scrutin public (p. 7)
Article 2 (p. 8)
Mme Josette Durrieu.
Amendements identiques n°s 1 de Mme Josette Durrieu et 2 de Mme Hélène Luc. - Mme Hélène Luc, M. le rapporteur, Mme la ministre, M. Bernard Murat. - Rejet, par scrutin public, des deux amendements.
Adoption de l'article.
Vote sur l'ensemble (p. 9)
Mme Hélène Luc, MM. Bernard Fournier, Claude Estier.
Adoption de la proposition de loi.
5. Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire (p. 10).
Suspension et reprise de la séance (p. 11)
6. Outre-mer. - Discussion d'un projet de loi de programme déclaré d'urgence (p. 12).
M. le président.
Discussion générale : Mmes Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer ; Marlène Mélisse, rapporteur de la section des économies régionales et de l'aménagement du territoire du Conseil économique et social ; M. Roland du Luart, rapporteur de la commission des finances ; Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; MM. Daniel Soulage, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Victor Reux, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Jean-Paul Virapoullé.
Suspension et reprise de la séance (p. 13)
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
7. Communication relative à une commission mixte paritaire (p. 14).
8. Outre-mer. - Suite de la discussion d'un projet de loi de programme déclaré d'urgence (p. 15).
Discussion générale (suite) : Mme Anne-Marie Payet, MM. Georges Othily, Claude Lise, Thierry Foucaud, Mmes Lucette Michaux-Chevry, Jacqueline Gourault, MM. Rodolphe Désiré, Paul Vergès, Gaston Flosse, Dominique Larifla, Simon Loueckote, Robert Laufoaulu, Victor Reux.
Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer.
Clôture de la discussion générale.
Renvoi de la suite de la discussion.
9. Dépôt d'une question orale européenne avec débat (p. 16).
10. Retrait d'une question orale avec débat (p. 17).
11. Dépôt d'une proposition de loi (p. 18).
12. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 19).
13. Dépôt de rapports (p. 20).
14. Dépôt de rapports d'information (p. 21).
15. Dépôt d'un avis (p. 22).
16. Ordre du jour (p. 23).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS
vice-président
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
CANDIDATURE A` UN ORGANISME
EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du Conseil supérieur de l'établissement national des invalides de la marine.
La commission des affaires sociales a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Marcel Lesbros pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
PRIVILÈGES ET IMMUNITÉS
DE LA CROIX-ROUGE
Adoption d'une proposition de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 203, 2002-2003), adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux privilèges et immunités de la délégation du Comité international de la Croix-Rouge en France. [Rapport n° 249 (2002-2003).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de m'offrir aujourd'hui l'occasion de souligner l'intérêt que le Président de la République et le Gouvernement attachent au Comité international de la Croix-Rouge - le CICR - et la qualité des relations que la France entretient avec le Comité et sa délégation à Paris.
Le Comité est en effet un interlocuteur privilégié et incontournable des Etats, ainsi que le souligne fort justement l'exposé des motifs de la proposition de loi présentée par M. le député Philip.
En créant ce Comité international en 1863, Henry Dunant dénonçait le « fléau terrible » de la guerre et appelait à une solidarité internationale pour porter secours aux victimes. La vocation universelle attribuée au Comité dès sa création constitue une de ses particularités. Le fait qu'il soit demeuré une association de droit suisse, en raison d'un attachement commun au principe de neutralité, en est une autre.
En 1949, les quatre conventions de Genève ont consacré le rôle unique du CICR en lui confiant la responsabilité de travailler à l'application du droit international humanitaire, de protéger et d'assister toutes les victimes des conflits. Le CICR veille en particulier à la protection des populations civiles, qui sont les plus touchées par les conflits contemporains.
S'appuyant sur l'immense réseau des sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, il fournit également une assistance matérielle aux personnes que ces violences rendent particulièrement vulnérables. Il est souvent la seule organisation présente dans les régions les plus difficiles. Il en a payé récemment le prix en perdant deux délégués, en Afghanistan et en Irak.
Le CICR est une référence pour les autres organisations humanitaires, qui se sont largement inspirées des principes qui guident son action, notamment ceux d'humanité, d'impartialité et d'indépendance.
C'est en reconnaissance de l'importance des missions du CICR et de sa position unique que les Nations unies lui ont accordé, en 1990, le statut d'observateur permanent auprès de l'Assemblée générale.
Le principe de neutralité et le respect de la confidentialité permettent au CICR d'être un interlocuteur pour les différentes parties à un conflit et de nouer entre elles un dialogue en qualité d'intermédiaire neutre. Cette « diplomatie humanitaire », qui s'appuie sur une connaissance approfondie des situations et des réalités du terrain, est un outil précieux dans la recherche de solutions de paix. Aussi le CICR a-t-il été, à plusieurs reprises, associé à des pourparlers. Je citerai les négociations conduites à Marcoussis pour rétablir la paix en Côte d'Ivoire, auxquelles a assisté un représentant du Comité international.
Pour toutes ces raisons, le CICR mérite un soutien fort, politique, mais aussi matériel. Le Gouvernement a consenti un effort financier particulier en 2002 afin d'intégrer le groupe des principaux donateurs. Il a versé au Comité international une contribution exceptionnelle de 3 millions d'euros pour ses activités en Irak.
Les autorités françaises entretiennent également un dialogue permanent avec la délégation du CICR en France sur de nombreux sujets d'intérêt commun. Le Gouvernement, qui apprécie la qualité du travail du CICR et la finesse de ses analyses, souhaite bien entendu le poursuivre.
La France est par ailleurs très sensible au rôle joué par la délégation dans la diffusion du droit international humanitaire et des principes fondamentaux de l'action humanitaire. Cette activité, qui a pris notamment la forme de deux séminaires en 1999 et 2001, permet aux organisations non gouvernementales françaises d'approfondir leur réflexion et d'affermir leur action.
Alors que les droits de l'homme et le droit international humanitaire sont parfois remis en cause, le Gouvernement juge essentielle l'action du CICR pour la défense des principes fondamentaux.
C'est pourquoi il se félicite de la décision qui a été prise par le CICR d'établir une délégation à Paris et se déclare favorable à l'adoption de toute mesure susceptible de faciliter sa tâche.
Les Français ont toujours été très sensibles aux crises humanitaires. Le Gouvernement estime donc particulièrement bienvenu qu'en leur nom une proposition de loi ait été déposée afin de faire bénéficier la délégation à Paris du Comité international de la Croix-Rouge et son personnel de privilèges et immunités identiques à ceux qui sont accordés à l'Organisation des Nations unies et à son personnel par la Convention de 1946. Il va de soi qu'il s'agit d'une mesure tout à fait spécifique, qui n'a pas vocation à régir d'autres situations.
En conclusion, permettez-moi de souligner que le caractère très favorable du traitement fiscal envisagé témoigne de l'intérêt que notre pays porte au Comité international de la Croix-Rouge. Ce texte qui, je le rappelle, s'appliquera exclusivement à la délégation du CICR à Paris et à ses membres recueille le plein soutien du Gouvernement. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Robert Del Picchia, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi que nous avons à examiner a pour objectif d'accorder des privilèges et immunités à la délégation du Comité international de la Croix-Rouge, le CICR, en France.
A l'origine, la proposition de loi de M. Christian Philip se composait de deux articles : l'article 1er traitant des privilèges et immunités et l'article 2 visant à gager la proposition de loi sur les droits des tabacs et alcools, comme il est usuel de le faire pour ne pas tomber sous le coup de l'article 40 de la Constitution.
Or, lors de l'examen en séance publique à l'Assemblée nationale, l'article 2 a été supprimé par le vote d'un amendement présenté par le Gouvernement, qui souhaitait lever le gage.
Le débat sur la proposition de loi est donc recentré sur le fond, c'est-à-dire l'opportunité d'accorder des immunités et privilèges à la délégation du CICR, installée à Paris depuis le 1er avril 1999.
Pour éclairer ce débat, je commencerai par évoquer l'action et le statut du CICR, avant d'aborder l'opportunité de lui accorder un statut particulier. Puis, je présenterai le contenu des privilèges et immunités qui seraient reconnus à sa délégation à Paris si le Sénat adopte cette proposition de loi.
Je vais tout d'abord resituer le CICR dans l'histoire et au sein du mouvement de la Croix-Rouge, pour ensuite présenter son rôle dans les conflits et dans le développement du droit international humanitaire.
Comme vous le savez, le mouvement de la Croix-Rouge émerge dans la seconde moitié du xixe siècle, sous l'impulsion de Henry Dunant, particulièrement choqué par la vision du champ de bataille de Solferino le 25 juin 1859. En 1863 est fondé le Comité international de secours aux blessés, qui deviendra, en 1875, le Comité international de la Croix-Rouge. Dès 1864, son rôle international est reconnu dans le cadre de la Convention internationale pour l'amélioration du sort des militaires blessés dans les armées en campagne.
Depuis lors, le mouvement de la Croix-Rouge s'est considérablement développé. Il est composé de trois entités différentes.
Le CICR, organe fondateur et directeur du mouvement, actif au niveau international, est responsable de la direction et de la coordination de l'action de la Croix-Rouge dans les conflits armés.
Les sociétés nationales, qui sont près de 180, agissent selon les principes du mouvement dans chaque pays.
Enfin, la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge, créée en 1919, a pour objectif de coordonner et d'appuyer les sociétés nationales dans le soutien qu'elles apportent aux victimes de catastrophes naturelles et technologiques, ou dans les cas d'urgence sanitaire.
Le CICR, mes chers collègues, joue donc bien, au sein du mouvement de la Croix-Rouge, un rôle spécifique qui n'est pas assimilable aux autres institutions.
Présent aujourd'hui dans près de quatre-vingt pays, le CICR emploie 12 000 personnes, dont 800 à Genève, et son budget, financé à 90 % par les Etats, s'élève à environ 650 millions d'euros.
Il a pour mission de fournir protection et assistance aux victimes civiles et militaires des conflits armés en agissant de manière strictement neutre et impartiale.
Il a notamment pour tâche de visiter les prisonniers de guerre et les détenus civils, de rechercher les personnes portées disparues, d'organiser l'échange de messages entre membres séparés d'une même famille, de fournir des secours aux civils privés des services essentiels - eau, nourriture, santé, par exemple - enfin, de diffuser le droit humanitaire et de contribuer à son respect en attirant l'attention sur ses violations.
Le CICR a joué, et joue encore aujourd'hui, un rôle essentiel dans l'élaboration du droit humanitaire. Il a contribué de manière très importante à l'élaboration des conventions régissant le droit de la guerre. Nous avons déjà mentionné la convention de 1864, mais il faut surtout faire référence aux quatre conventions conclues à Genève en 1949 et à leurs deux protocoles additionnels de 1977.
En effet, dans ces dernières conventions, ratifiées par la quasi-totalité des Etats, le CICR est explicitement mentionné.
On lui reconnaît notamment la capacité de se substituer aux « puissances protectrices » dans ses missions humanitaires et un droit d'initiative pour assurer l'application du droit humanitaire dans les conflits armés internes.
Cette mission, le CICR la remplit sans relâche, au plus près des victimes et du danger. Je rappelle qu'un délégué du CICR est mort récemment en exerçant ses fonctions au cours de la guerre en Irak. Je tiens à lui rendre hommage aujourd'hui.
L'action du CICR est très importante. Faut-il pour autant lui accorder un statut spécifique à travers des privilèges et des immunités ? Telle est la question qui nous est posée.
En effet, en droit international, seuls les Etats et les organisations internationales intergouvernementales peuvent bénéficier de privilèges et d'immunités diplomatiques. Les Etats refusent d'ailleurs de conclure des accords de siège avec des ONG, cette faculté étant strictement réservée aux organisations intergouvernementales.
Or, si le CICR n'est pas une organisation intergouvernementale, il n'est pas non plus une ONG comme les autres.
Juridiquement, le CICR est une association de droit suisse, cette base juridique apparaissant comme une protection juridique et politique visant à assurer sa neutralité. Ce statut lui permet notamment d'avoir une direction mononationale, constituée uniquement de Suisses, et de rester sous la protection de la neutralité de son pays d'origine.
Association de droit suisse, le CICR s'est toutefois vu reconnaître un statut sui generis par l'ensemble de la communauté internationale. Son rôle est reconnu dans les conventions de 1949 et dans les protocoles de 1977. Il bénéficie du statut d'observateur aux Nations unies depuis 1990.
Soixante-seize Etats, dont la Suisse, lui ont reconnu des privilèges et des immunités, soit à travers un accord de siège, soit à travers un accord unilatéral, comme en 1988 aux Etats-Unis. Son budget est couvert à 90 % par les contributions volontaires des Etats.
Enfin, ses délégués se sont vu accorder une exemption de témoignage devant la Cour pénale internationale afin de préserver la neutralité et la confidentialité des démarches du CICR, qui seraient fortement compromises en cas de témoignage devant une cour. Le CICR veut rester maître de rendre publiques ou non les violations du droit international qu'il découvre, sa mission étant de secourir les victimes et non de dénoncer ou d'enquêter.
On comprend mieux pourquoi il serait normal que la France, qui entretient des liens étroits avec le CICR et qui fait partie, depuis cette année, du groupe des donateurs les plus importants, accorde à la délégation du CICR à Paris les mêmes droits que ceux dont il jouit dans les autres grands pays étrangers. Pour ce faire, la présente proposition de loi paraît être la solution ad hoc, cette procédure ayant déjà été utilisée pour accorder, en 1989, des privilèges et immunités au siège à Paris de l'Association internationale des parlementaires de langue française, l'AIPLF, devenue depuis l'Assemblée parlementaire de la francophonie, dont certains d'entre nous sont membres.
Quelles sont donc, mes chers collègues, les immunités et privilèges que la proposition de loi prévoit d'accorder à la délégation du CICR à Paris ?
Notre collègue député Christian Philip a proposé, en plein accord avec le Quai d'Orsay, de définir les privilèges et immunités accordés au CICR en se référant à la convention sur les privilèges et immunités des Nations unies du 13 février 1946.
Se référer à ce texte permet d'éviter de redéfinir des dispositions spécifiques et a, en outre, une signification politique.
Il s'agit bien de reconnaître le rôle du CICR sur la scène internationale, mais cette référence a un inconvénient : la convention de 1946 n'ayant pas été rédigée à propos du CICR, elle comporte des dispositions qui ne trouveront pas à s'appliquer, comme l'article IV relatif aux représentants des Etats membres de l'ONU.
Concrètement, la délégation se voit reconnaître la personnalité juridique lui permettant d'assurer son fonctionnement matériel. Le texte lui assure l'inviolabilité de ses locaux, de ses archives et de sa correspondance. La délégation bénéficie de surcroît des privilèges douaniers et fiscaux reconnus aux délégations tels que l'exemption de la TVA.
En outre, le personnel de la délégation bénéficiera d'immunités, notamment de juridiction, lui évitant par exemple de devoir témoigner devant un tribunal. Seuls les ressortissants étrangers bénéficieront de privilèges fiscaux.
En conclusion, monsieur le président, mes chers collègues, je crois que nous pouvons émettre un avis favorable sur la présente proposition de loi. Elle correspond au souhait de notre pays de développer ses relations avec le CICR et de favoriser son action. La formule juridique retenue permet, en outre, d'éviter la constitution d'un précédent et de répondre aux souhaits de la France et du CICR, la référence au cadre connu de la convention de 1946 apparaissant finalement comme la meilleure solution.
C'est pourquoi, sous le bénéfice de ces observations, je vous demande d'approuver la présente proposition de loi. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. André Rouvière.
M. André Rouvière. Monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le rapporteur, vous l'avez dit d'une manière très claire, ce texte a pour objet d'accorder des privilèges et immunités à la délégation du Comité international de la Croix-Rouge à Paris, ainsi qu'à ses personnels.
Nous savons que la délégation de la Croix-Rouge à Paris est de création récente. Elle a remplacé en 1999 le bureau qui existait depuis 1996. Cette transformation visait à développer les actions du Comité depuis Paris. La proposition de loi que le Sénat est appelé à adopter aujourd'hui vient à point nommé pour permettre à la délégation de réaliser ce louable objectif.
Ce passage législatif était nécessaire dans la mesure où le Gouvernement se trouve dans l'impossibilité d'accorder à cette délégation la conclusion d'un accord de siège, le CICR étant non pas une organisation intergouvernementale mais une association de droit suisse.
Nous en sommes conscients : il s'agit d'une situation singulière, qui demande un traitement particulier.
Je ne reviendrai pas sur la place, le rôle et les missions de la Croix-Rouge sur la scène internationale. L'excellent rapport de notre collègue Robert Del Picchia montre bien le rôle majeur de cette organisation internationale dans le monde actuel.
Je souhaite simplement apporter le soutien du groupe socialiste à cette proposition de loi et exprimer ainsi une certaine idée de l'évolution des relations internationales.
En effet, en reconnaissant la place de la Croix-Rouge auprès des victimes des guerres qui secouent le monde, dans la résolution pacifique des conflits, dans l'aide humanitaire et les secours d'urgence, dans la protection des populations civiles, nous reconnaissons d'un même mouvement la place éminente que le droit international doit occuper.
Les actions du CICR s'inscrivent dans la plus chaude des actualités.
Pour préparer ce débat, j'ai eu la curiosité de consulter le site internet du CICR. J'y ai trouvé un dossier concernant sa « réponse humanitaire » en Irak avec, entre autres, la description d'une action particulière d'aide aux familles pour localiser leurs proches disparus depuis le début du conflit et la mise sur pied d'une unité spéciale à Genève destinée à centraliser l'information relative aux prisonniers de guerre et aux personnes disparues.
J'ai aussi trouvé des informations précises sur l'action du CICR auprès des personnes détenues par les Etats-Unis dans leur base de Guantanamo et sur la fin de la première étape d'une distribution de graines et de nourriture à large échelle dans les régions frappées par la sécheresse, en Ethiopie.
Le travail du CICR est d'une très grande importance au moment où nous voyons des Etats qui se délitent, des populations éloignées de tout secours humanitaire, des guerres qui se prolongent dans l'indifférence générale, où nous constatons l'apparition de conflits d'un type nouveau et, hélas ! l'essor du terrorisme de masse.
Par ailleurs, reconnaître aujourd'hui la légitimité et la force de l'action des organisations internationales participe d'un mouvement, que nous soutenons, tendant à redonner une place essentielle au droit international et à la concertation au sein de la communauté internationale face au développement de certaines actions unilatérales.
En votant ce texte, qui accorde à la délégation du CICR des privilèges et immunités identiques à ceux dont jouissent les Nations unies, nous lui donnons la possibilité de bien effectuer son travail et nous manifestons notre attachement à ce type d'organisation internationale.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez souligné qu'il s'agissait d'un cas exceptionnel, mais je ne peux m'empêcher de penser que d'autres organisations humanitaires seront tentées de chercher à obtenir les mêmes avantages. Les parlementaires vont certainement être sollicités pour déposer une proposition de loi visant à élargir le champ d'application de ces mesures. Qu'en pensez-vous ? Ne serait-il pas sage de définir des critères afin que les demandes ne soient pas trop nombreuses et les interventions trop pressantes ?
Sous le bénéfice de cette réflexion que je me permets de vous soumettre, le groupe socialiste votera ce texte avec enthousiasme.
M. le président. La parole est à M. Louis Moinard.
M. Louis Moinard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la guerre en Irak vient de s'achever et nul ne peut exactement dire à quoi ressemblera l'ordre international de demain ni quels rôles l'Europe et la France seront amenées à jouer en son sein.
La question n'est plus de savoir si notre pays a eu raison ou non de porter l'étendard du camp de la paix. L'heure n'est plus à la polémique, aux affrontements stériles. Le temps des bombardements, de la terreur, des tueries d'innocents est bien révolu en Irak. La guerre est finie, vive la paix ! Il s'agit aujourd'hui de reconstruire.
Reconstruire signifie, pour l'Irak, secourir ses populations et, pour la France, se repositionner sur la scène internationale.
Dans un pays en ruines, avant que soit posée la première pierre des nouveaux bâtiments, que soit donné le premier coup de truelle pour édifier de nouvelles infrastructures, il est impératif de porter secours à un peuple qui se trouve dans le dénuement le plus total, menacé par la famine, le choléra et autres épidémies.
Du point de vue français et européen, reconstruire signifie également retrouver une place au sein d'une communauté internationale chamboulée, même si, en regard des angoisses du peuple irakien, ces considérations paraissent bien dérisoires.
Membre de la délégation de notre commission des affaires étrangères qui s'est rendue récemment dans la corne de l'Afrique, j'ai pu constater, avec mes collègues, la précarité de peuples en proie à l'insécurité et à la famine.
C'est à la conjonction de ces deux préoccupations d'après-guerre que se situe la proposition de loi relative aux privilèges et immunités de la délégation du CICR en France.
Ce texte peut paraître anecdotique. Pourtant, jugé à l'aune des menaces nouvelles et bien réelles d'attentats et de guerres qui pèsent désormais sur la communauté internationale, il revêt toute son importance.
La Croix-Rouge, créée par Henry Dunant après qu'il eut été atterré par la vision qu'offrait le champ de bataille de Solférino en 1859, est devenue la mère de toutes les ONG à vocation humanitaire. Cette organisation ne connaît qu'un seul camp : celui de la paix.
Or la France s'est, elle aussi, faite récemment le héraut de la paix. C'est pour être cohérent avec ses options internationales que notre pays doit aujourd'hui consentir - hélas ! il est vrai, un peu tardivement - à conférer à la délégation française du CICR les privilèges et immunités qui lui sont habituellement reconnus.
Ces privilèges et immunités sont quasi identiques à ceux dont la Croix-Rouge bénéficie dans soixante-seize pays de la planète, parmi lesquels les Etats-Unis, la Belgique et la Russie. Ils sont donc significatifs, mais classiques, et faciliteront l'accomplissement de son rôle opérationnel.
Il est nécessaire de donner à l'organisation les moyens matériels mais aussi juridiques de faire de notre pays une plate-forme à partir de laquelle le CICR pourra déployer ses actions.
Parce que l'action internationale de la France ne peut pas se résumer à son action diplomatique, il est impératif d'aider la Croix-Rouge à conserver le rôle unique qu'elle joue sur la scène internationale, comme observateur permanent auprès des Nations unies, comme promoteur et gardien du droit humanitaire ou comme assistant et protecteur des populations touchées par les conflits armés ou par la violence.
La France a refusé de participer à l'intervention militaire en Irak. Elle peut à présent trouver sa place dans la reconstruction, par l'intermédiaire de la Croix-Rouge, qu'elle accompagne de tout son soutien et qui se mobilise fortement au travers de l'envoi d'une mission d'évaluation dont le rôle est le recensement des besoins au sud de Bagdad.
Hélas ! le tandem France - Croix-Rouge ne verra pas, dans l'avenir, son champ opératoire se limiter au cas irakien. Pays des droits de l'homme et porte-parole du camp de la paix, la France doit tout faire pour donner à des ONG telles que le CICR les moyens de venir en aide aux victimes de la guerre et des tyrannies d'aujourd'hui, et de faire face aux menaces nouvelles qui pèsent sur le monde depuis la chute du mur de Berlin et les attentats du 11 septembre.
Vous en conviendrez avec moi, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, un dessein et des actions si nobles valent bien quelques privilèges !
Le groupe de l'Union centriste votera donc la proposition de loi qui nous est soumise.
Il me reste à féliciter notre rapporteur, M. Robert Del Picchia, ainsi que la commission des affaires étrangères pour leur excellent travail. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier des positions que vous avez clairement exprimées et qui vont largement dans le sens de la diplomatie française. Celle-ci, conformément à l'histoire et à la culture de notre pays, défend l'idée d'un monde multipolaire, où l'action humanitaire trouve toute sa légitimité.
Comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, de même que les orateurs qui sont intervenus ensuite, le présent texte est à la fois important, cohérent et nécessaire.
Cependant, le propos de M. Rouvière appelle de ma part une précision. Le CICR n'est pas une organisation non gouvernementale comme les autres. Il jouit d'ailleurs, auprès des Nations unies, d'un statut tout à fait particulier d'observateur permanent, qui lui confère des droits et des devoirs spécifiques. Cela signifie, dans l'esprit du Gouvernement, que la mesure proposée ne peut s'appliquer qu'au CICR.
Je tiens, enfin, à me féliciter du consensus que cette proposition de loi suscite entre tous les groupes de l'Assemblée nationale et du Sénat et le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous passons à la discussion des articles.
M. le président. « Art. 1er. - Le Comité international de la Croix-Rouge et son personnel bénéficient en France de privilèges et immunités identiques à ceux accordés à l'Organisation des Nations unies et à son personnel par la convention sur les privilèges et immunités des Nations unies du 13 février 1946.
« Toutefois, les traitements et émoluments versés par le Comité international de la Croix-Rouge aux membres français de son personnel sont soumis à l'impôt sur le revenu dans les conditions de droit commun. »
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
M. le président. L'article 2 a été supprimé par l'Assemblée nationale.
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Hélène Luc, pour explication de vote.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, je veux simplement apporter le soutien du groupe communiste républicain et citoyen à la présente proposition de loi.
Nous connaissons tous la Croix-Rouge, qui, dans la plus stricte neutralité, intervient auprès de toutes les parties engagées dans les conflits et dont l'action, au-delà de son aspect humanitaire, s'inscrit dans le combat pour la défense des droits de l'homme et pour la paix. C'est ainsi qu'elle se préoccupe, par exemple, des droits des prisonniers de Guantanamo.
Le 8 mai, le CICR a tenu à faire état des difficultés qu'il avait rencontrées pour acheminer l'aide indispensable au cours de l'intervention anglo-américaine en Irak.
Au sein de la commission des affaires étrangères, j'ai proposé au ministre des affaires étrangères que la France envoie des spécialistes de l'électricité et de l'approvisionnement en eau. Il n'est évidemment pas facile de faire accepter une telle proposition par les Etats-Unis, mais j'espère que nous y parviendrons.
Je tiens à saluer le dévouement de ces bénévoles que nous connaissons tous dans nos départements, dans nos communes. Je veux tout spécialement rendre hommage au membre de la Croix-Rouge qui a trouvé la mort pendant la guerre d'Irak : cet homme a fait son devoir jusqu'au bout.
M. le président. Je mets aux voix de l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée à l'unanimité.)
PERSONNELS DE DCN ET GIAT INDUSTRIES
Adoption d'une proposition de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 284, 2002-2003), adoptée par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions relatives à certains personnels de DCN et GIAT Industries. Rapport (n° 295, [2002-2003]).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi portant diverses dispositions relatives à certains personnels de DCN et de GIAT Industries a été adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 7 mai dernier.
Vous l'avez constaté, ce texte est court ; c'est, je le crois, plutôt une qualité. Il s'agit simplement de lever un certain nombre de blocages juridiques, administratifs ou financiers qui gênent le règlement de la situation de certains personnels de DCN et de GIAT Industries.
M. Serge Vinçon, que je tiens à remercier, a fait dans son excellent rapport une présentation très exhaustive des données du problème. Vous me permettez donc d'en rappeler seulement les traits principaux.
L'article 1er du présent texte entre dans le cadre de la transformation de DCN en société nationale au capital entièrement détenu par l'Etat. Cette transformation deviendra effective le 1er juin prochain, comme je vous l'avais dit à l'occasion du débat budgétaire.
Je tiens à réaffirmer ici qu'il s'agit d'une bonne réforme. En effet, en s'appuyant sur la haute technicité des personnels, elle va donner à l'entreprise une dimension européenne en lui permettant de conclure un certain nombre d'alliances et en la situant au niveau pertinent pour les industries de défense, c'est-à-dire le niveau d'un continent.
Dans le cadre de la réforme qui va être mise en place, il est essentiel d'attacher une importance particulière à l'adhésion des personnels. Encore une fois, c'est parce que nous nous sommes appuyés sur la qualité de ces personnels que nous pouvons avoir confiance dans l'avenir. Il convient donc de reconnaître cette qualité, en faisant en sorte que la motivation du personnel garantisse le succès de l'entreprise.
Les difficultés que nous rencontrons aujourd'hui tiennent à des rigidités que la proposition de loi a pour objet de lever. En effet, la direction de DCN - et l'Etat, bien entendu - tiennent tout particulièrement à ce que les différentes catégories de personnel, y compris les ouvriers mis à la disposition de la nouvelle société, aient accès à toutes les instances représentatives ainsi qu'aux informations sur la situation actuelle et sur les perspectives économiques de l'entreprise. Il s'agit à la fois d'une condition essentielle pour assurer la motivation du personnel et pour développer une véritable culture de l'entreprise intéressant tous ceux qui y participent.
L'article 2 de la proposition de loi a un objet différent, mais il se situe exactement dans la même perspective. Le projet de renouveau de GIAT Industries doit permettre de transformer profondément l'entreprise en trois ans, pour la rendre viable dans la durée. Je rappelle en effet - même si ce n'est pas le fond du débat d'aujourd'hui - que cette entreprise a connu de nombreux plans sociaux qui n'ont pas abouti. Dans la plupart des cas, on a surestimé les projets, en se fondant notamment sur des contrats hypothétiques qui n'ont pas été réalisés, et on a donc sous-estimé les nécessités d'ajustement.
M. Louis Moinard. Le char Leclerc, par exemple !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Si l'on avait fait preuve d'un peu plus de courage lors du plan précédent, nous n'en serions vraisemblablement pas aujourd'hui là où nous en sommes, dans la situation que j'ai trouvée à mon arrivée au ministère.
Nous avons donc décidé, cette fois-ci, de donner des perspectives sur le long terme aux salariés qui vont rester dans GIAT Industries. L'Etat prendra toute sa part pour assurer ces perspectives, notamment avec un contrat d'entreprise reposant sur la loi de programmation militaire - que vous avez votée -, ce qui garantira l'activité de l'entreprise sur de nombreuses années. Cela n'empêchera pas, d'ailleurs, que la nouvelle entreprise ait également la possibilité de se redévelopper sur des contrats à venir - mais ils ne sont pas prévus au départ, pour éviter toute illusion - et sur des possibilités d'adossement lui donnant une dimension européenne.
Sur la base des objectifs qu'il a fixés, l'Etat a décidé d'accompagner par des décisions fortes le projet de mutation qui sera mis en oeuvre. Le projet GIAT 2006 se veut en effet exemplaire, dans son volet social, par la priorité donnée au reclassement des salariés dont l'emploi serait supprimé. Tous les salariés bénéficieront ainsi de moyens de reclassement exceptionnels, se situant dans les meilleures pratiques.
L'Etat a, pour sa part, décidé d'assumer tout particulièrement ses engagements vis-à-vis des ouvriers sous décret en leur proposant des postes dans les différentes fonctions publiques ou au ministère de la défense.
En ce qui concerne ce dernier, cela ne pose pas trop de difficultés, mais il convient, dans les autres cas, de lever un certain nombre de blocages administratifs, statutaires ou financiers susceptibles de limiter les reclassements dans les fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière.
L'article 2 de la proposition de loi a donc pour objet de permettre aux ouvriers sous décret de GIAT Industries d'être recrutés en qualité d'agents non titulaires avec un contrat à durée indéterminée. Les ouvriers concernés conserveront à titre personnel le bénéfice des prestations de leur régime de retraite et ils bénéficieront d'une indemnité de départ substantiellement renforcée, pour compenser les conséquences des ajustements rendus nécessaires. Un certain nombre de détails supplémentaires feront, comme c'est normal, l'objet de négociations au sein de l'entreprise.
Tel est l'objet des deux articles qui vous sont soumis. Il s'agit, dans les deux cas, de lever un certain nombre de rigidités de façon à répondre aux intérêts de certaines catégories de salariés, qu'ils appartiennent à GIAT Industries ou à DCN.
Après la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées de votre Haute Assemblée, que je tiens à remercier tout particulièrement de son excellent travail, c'est avec un avis très favorable que le Gouvernement vous propose d'adopter ce texte. En le votant dans les mêmes termes que l'Assemblée nationale, vous montrerez à la fois votre volonté d'assurer la représentation la plus large possible des personnels dans les instances de DCN et de concourir au reclassement des personnels de GIAT dans les meilleures conditions. Ce sera aussi un signe de nature à rassurer les personnels qui, aujourd'hui encore, sont dans l'incertitude. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Serge Vinçon, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées va vous proposer dans quelques instants d'adopter sans modification les deux articles de cette proposition de loi, votée voilà deux semaines par l'Assemblée nationale.
Ces deux articles nous ont en effet paru très utiles - et même indispensables - pour accompagner l'évolution de nos deux grandes entreprises de défense, héritées des anciens services industriels de l'Etat : DCN et GIAT Industries.
Il n'y a pas lieu, à l'occasion de l'examen de ce texte, de revenir sur les enjeux industriels, sociaux et stratégiques de cette évolution. Notre commission a manifesté à de multiples reprises sa préoccupation pour l'avenir de ces deux entreprises, et en dernier lieu lors du vote de la loi de programmation militaire.
La transformation de DCN en société commerciale, le 1er juin prochain, marque incontestablement une étape majeure, même si bien des années se sont écoulées entre le diagnostic établissant très clairement l'inadaptation du statut administratif et l'entrée en vigueur d'une véritable réforme. Confortée par les perspectives de plan de charge ouvertes par la loi de programmation et libérée de nombreuses contraintes qui entravaient sa gestion, DCN devrait désormais progresser vers l'équilibre de ses comptes. L'Etat s'est, pour sa part, fortement engagé, par la contribution financière qu'il apportera à DCN et par l'accompagnement social de la réforme.
C'est dans ce cadre que s'inscrit l'article 1er de la proposition de loi : il s'agit d'apporter aux personnels mis à disposition, qui ne seront pas juridiquement des salariés de DCN, la garantie du plein exercice des droits électoraux pour la désignation des instances représentatives du personnel. Notre commission approuve, bien entendu, cette disposition nécessaire à la cohérence de la réforme de DCN.
L'article 2 concerne, quant à lui, GIAT Industries et répond à l'engagement pris par le Gouvernement, au début du mois d'avril, de présenter au Parlement une disposition législative permettant de faciliter le reclassement dans la fonction publique d'Etat, dans les collectivités locales ou les établissements hospitaliers des ouvriers sous statut de cette entreprise.
Dans la situation difficile que connaît GIAT Industries depuis de nombreuses années, et face à une diminution inéluctable du carnet de commandes, les orientations arrêtées par le Gouvernement visent à sauver l'entreprise et à préserver une capacité française de haut niveau dans l'armement terrestre, tout en se fondant sur des perspectives crédibles et réalistes sur le plan industriel, vous venez de le rappeler, madame le ministre.
Devant la commission des affaires étrangères, vous avez souligné à juste titre la nécessité de ne pas entretenir de perspectives illusoires auprès des hommes et des femmes de GIAT Industries, tous très attachés à leur métier mais profondément déstabilisés par cinq plans sociaux successifs qui n'ont pas donné les résultats escomptés.
Alors que la mise au point définitive du plan de restructuration interviendra au début de l'automne, après que les organisations syndicales auront pu formuler des propositions alternatives, nous savons déjà que l'Etat est déterminé à s'engager très fortement sur le volet social de ce plan. Le président du groupe et vous-même, madame le ministre, avez donné de nombreuses précisions sur ce point devant la commission le 30 avril dernier.
L'article 2 de la proposition de loi permettra d'éliminer certains obstacles statutaires et réglementaires limitant les possibilités concrètes de reclassement des ouvriers sous statut dans les administrations, les collectivités locales ou les établissements publics. Il permettra donc d'élargir le champ des propositions faites aux ouvriers concernés par des suppressions ultérieures d'emplois, dans le cadre d'un examen attentif de la situation de chacun d'eux.
Cet article présente, par conséquent, une utilité incontestable et la commission a exprimé ce matin un avis favorable à son adoption.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous propose donc d'adopter sans modification les deux articles de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, avant de commencer mon propos, permettez-moi, puisque c'est la première fois que nous parlons de DCN depuis le 8 mai 2002, de rendre hommage aux victimes de l'attentat de Karachi, en l'honneur desquelles une plaque commémorative a été scellée sur le mur d'enceinte de DCN Cherbourg le 8 mai 2003.
Concernant la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui, il s'agit de garantir les conditions les meilleures pour le changement de statut. Je vous ai déjà interrogée à plusieurs reprises à ce sujet, madame le ministre, en particulier à l'occasion des débats sur la loi de programmation militaire pour la période 2003-2008, et je vous avais déjà posé la question de la représentation des personnels à statut dans les instances représentatives de la nouvelle société.
Je suis un peu étonné qu'il faille en passer par une proposition de loi pour régler cette question ! Aucun accord unanime n'a pu être trouvé au sein de l'entreprise. Cela augure mal du dialogue social en son sein !
Cela dit, l'article 1er, tel qu'il nous vient de l'Assemblée nationale, ne nous pose à cet égard aucun problème. Il met sur un strict pied d'égalité l'ensemble des différentes catégories de personnels pour la représentation au conseil d'administration ou de surveillance ainsi que pour les élections aux instances représentatives du personnel. Cela nous semble parfaitement normal. Il eût été tout à fait inconvenant que les personnels souhaitant garder leur statut de travailleur de l'Etat ne puissent pas participer aux élections dans les instances représentatives !
Mais permettez-moi, très brièvement, d'élargir le débat.
Je pense que DCN, société nationale, ne pourra prétendre à un avenir prometteur que si, restant ancrée dans le secteur public, elle est correctement capitalisée et assurée d'un plan de charge et d'effectifs importants.
Le scénario du changement de statut est, semble-t-il, désormais bouclé, vous venez de le dire, madame le ministre. Le 1er juin prochain, DCN deviendra une société privée à capitaux 100 % publics. J'insiste sur le « 100 % publics », puisque, ici même, certains sénateurs de la majorité ont avancé l'idée de limiter la part de capital public.
Le coût de cette privatisation devrait s'élever à 1,2 milliard d'euros : 540 millions d'euros au titre de la capitalisation et 644 millions d'euros pour la modernisation de l'outil industriel et l'apurement des dettes. Ces sommes sont-elles officialisées ? Pouvez-vous, madame le ministre, les confirmer devant la Haute Assemblée ?
Je rappelle que, lors du vote de la loi de programmation militaire pour 2003-2008, je ne m'étais pas opposé à un texte qui comportait des choix en faveur de la marine nationale permettant d'espérer un plan de charge suffisant pour DCN et, surtout, qui correspondait à un objectif stratégique déterminant.
Mais qu'en est-il aujourd'hui du contrat d'entreprise ? Certes, DCN Cherbourg construit le quatrième sous-marin nucléaire lanceur d'engins nouvelle génération ; deux sous-marins nucléaires d'attaque type Barracuda semblent prévus à l'horizon 2008 - nous n'avons pas réellement de confirmation -, ainsi que des sous-marins classiques types Agosta et Scorpène dans le cadre de plusieurs contrats à l'exportation. Si des marchés analogues à ceux qui sont en cours de négociation, avec l'Inde notamment, sont utiles pour l'entreprise en termes financiers, ils ont un effet beaucoup plus restreint en ce qui concerne le volume d'emploi et l'activité industriel de l'établissement, même si l'on doit se féliciter de la part « études » que cela génère.
A cet instant, je voudrais attirer votre attention - et je ne doute pas que vous y attachiez de l'importance - sur la nécessaire sécurité des personnels appelés à intervenir dans deux pays aux relations diplomatiques extrêmement tendues : le Pakistan et l'Inde.
Pas ailleurs, j'espère, madame le ministre, que ce contrat d'entreprise sera consolidé et que l'Etat ne se désengagera pas.
J'ajoute que nous n'avons toujours pas de réponse au sujet du volume attribué à DCN à l'horizon 2008 concernant les frégates multi-missions avec l'Italie, et que nous sommes toujours dans l'expectative concernant le deuxième porte-avions.
Un tel plan de charge devait permettre le maintien des effectifs actuels. Or, le 12 mars dernier, la direction de DCN a confirmé la suppression de plus de 1 000 emplois en trois ans, de sorte qu'en 2005 les effectifs seront ramenés à 12 300 environ. C'est d'ores et déjà inquiétant.
Ma collègue Josette Durrieu interviendra tout à l'heure sur l'amendement que le Gouvernement a introduit à l'Assemblée nationale s'agissant des personnels de GIAT Industries.
En l'absence de politique européenne de défense et si elle veut être un acteur mondial utile, la France doit disposer des outils nécessaires pour défendre ses intérêts vitaux, son modèle de civilisation, sa vision de la paix, de la sécurité et du progrès. Faute de disposer de vrais moyens de défense autonomes, la vassalisation est à craindre.
Comment ne pas s'étonner alors de ces restructuratioins et suppressions d'emplois ? Si nous voulons que notre politique de défense soit plus active, il faut s'en donner les moyens ! Sinon, il ne peut s'agir que de pseudo-déterminisme. Il me semble donc qu'il y aurait une contradiction entre une volonté politique d'affirmation d'indépendance face aux Etats-Unis et une politique intérieure et économique qui consisterait à ne pas soutenir nos entreprises d'armement.
Si l'on continue de démanteler notre industrie militaire, quel sera notre poids au sein du Conseil de sécurité des Nations unies ? Quelle sera notre possibilité de créer, au sein de l'Europe élargie, une véritable industrie d'armement où nos établissements auraient toute leur place ? Et l'on sait - il n'est pas utile d'y revenir aujourd'hui - que la concurrence est rude !
Par ailleurs, vous me permettrez d'aborder très rapidement un point que je juge essentiel mais que l'on n'évoque pas très souvent : il me semble discutable que les dépenses publiques en matière de défense entrent dans les critères de convergence. Il est plus facile pour les pays qui n'ont pas de dépenses militaires d'élargir leur champ d'action dans d'autres domaines ! Cette situation les pousse vers la recherche d'une protection par les Etats-Unis, au détriment d'une force européenne à construire.
Ce sera encore plus vrai avec l'élargissement, l'ensemble des futurs pays européens ne souhaitant certainement pas obérer leurs finances publiques par une politique de défense dont ils ne perçoivent pas l'utilité. A défaut, une politique de solidarité vis-à-vis de l'effort de défense devrait être instituée, exigeant la participation à un niveau significatif de tous les Etats membres. Des actions sont à mener en ce sens à l'échelon européen.
Je ne peux donc que me réjouir de l'orientation souhaitée, à cet égard, par Paris, Rome, Bruxelles et Berlin lors de la réunion, lundi dernier, des ministres de la défense et des chefs de la diplomatie des Quinze.
Une telle orientation pourrait également être envisagée pour la recherche et la santé. On doit s'interroger sur la dépense publique et sur les objectifs à long terme ! Le débat est ouvert, mais je tenais à l'aborder brièvement aujourd'hui.
En conclusion, le groupe socialiste votera la proposition de loi initiale de M. Jean-Pierre Giran, relative à la représentation du personnel de DCN. Mais je laisse à ma collègue Josette Durrieu le soin de présenter la position de notre groupe sur GIAT Industries. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'aimerais tout d'abord à mon tour rendre hommage aux employés de DCN décédés lors d'un attentat terroriste à Karachi, voilà un an, et renouveler toute ma solidarité à leurs familles, en espérant que les conditions de cet attentat seront très vite élucidées.
La Haute Assemblée discute aujourd'hui d'une proposition de loi dont l'article 2 est inattendu. Initialement consacrée à la représentativité des salariés de DCN dans les instances représentatives de l'entreprise et des personnels, cette dernière s'est transformée en proposition de loi portant diverses dispositions relatives à certains personnels de DCN et GIAT Industries.
Alors même que les mesures prises en faveur de DCN nous paraissaient satisfaisantes au vu de la situation actuelle de certains salariés, nous désapprouvons totalement celles qui concernent GIAT Industries et les conditions dans lequelles elles ont été déposées.
La discussion que nous entamons aujourd'hui induit un autre débat, qui porte sur l'industrie de la défense nationale.
Lors du vote de la loi de finances rectificative de 2001, le groupe communiste républicain et citoyen avait fait part de ses réserves sur le changement de statut de DCN. Intervenant au nom du groupe, j'avais exprimé notre inquiétude à propos d'une disposition prise dans la précipitation, sans que le processus nécessaire à la concertation ne se soit entièrement déroulé. Je plaidais alors pour que soit inscrit à l'ordre du jour de nos travaux un projet de loi spécifique garant de tous les droits des salariés et des missions de l'entreprise.
Le vote d'un article unique montre aujourd'hui ses limites.
La proposition de loi initialement déposée, l'actuel article 1er, permet de pallier les carences en matière de représentation de certains personnels de DCN.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen sont d'accord avec cette disposition qui résulte d'un consensus et qui constitue une avancée en matière de représentativité de salariés. En effet, les ouvriers d'Etat et les fonctionnaires civils et militaires auront désormais la possibilité de siéger dans les instances représentatives du personnel et au conseil d'administration ou de surveillance.
Ces considérations induisent cependant un autre débat puisque le passage, pour DCN, du statut d'entreprise nationale à celui de société de droit privé sera effectif à compter du 1er juin prochain.
Alors que le changement de statut avait pour objet d'assurer la pérennité à la fois de l'entreprise et des emplois, la direction confirmait, au mois de mars dernier, la suppression de plus de mille emplois sur une période de trois ans, les effectifs étant ainsi ramenés à 12 300 en 2005 ! Il s'agirait d'une véritable érosion de l'emploi dans ce secteur puisque, au total, plus de 4 000 emplois seraient touchés en six ans à peine. Qu'il s'agisse du plan social ou du non-renouvellement des salariés qui partent, le constat reste le même.
A ce jour, seuls les ouvriers d'Etat pourront maintenir leur statut jusqu'à la retraite. Les 2 500 fonctionnaires auront la possibilité de demander leur détachement ou leur mise en disponibilité pour conclure un nouveau contrat de travail.
En ce qui concerne les agents sous contrat, je regrette que cette proposition de loi n'envisage leur existence que de manière transitoire. Ce sont ainsi 800 agents contractuels mis à disposition qui devront choisir entre un contrat de droit privé type CDI s'ils désirent rester dans l'entreprise et une affectation dans un service de l'Etat. Ces employés, à l'instar de ceux qui partent en retraite, ne seront pas tous remplacés. Au final, 1 300 à 1 400 salariés sous contrat de droit privé - statut plus précaire - remplaceront 2 000 à 2 600 salariés.
Des interrogations apparaissent aussi pour les salariés mis à disposition de DCN. Ainsi, de quelles garanties disposeront les fonctionnaires pour réintégrer un ministère, notamment dans une période où votre gouvernement, madame la ministre, annonce un gel de l'emploi public et une réduction des dépenses publiques ?
En ce qui concerne GIAT Industries, je veux dire que je suis choquée, comme les salariés, de la manière dont s'est déroulé le dépôt de l'amendement visant cette entreprise. En effet, le dépôt de ce cavalier gouvernemental a eu lieu le jour même où les représentants des salariés et la direction se rencontraient pour finaliser l'accord d'entreprise qui a été signé le 12 mai dernier.
Après l'accord de méthode, j'apprécie que le délai pour le comité central d'entreprise ait été prolongé de deux mois, jusqu'en septembre prochain, allongement en faveur duquel j'ai ardemment plaidé, en particulier auprès de vous, madame la ministre, à plusieurs reprises, ainsi que de M. Vigneron, président-directeur général de GIAT Industries, lors de son audition par la commission des affaires étrangères.
Alors que l'on pouvait y voir une avancée et une lueur d'espoir pour le devenir de GIAT Industries, dans le même temps se produisait un véritable recul, ressenti comme un déni des négociations par les salariés.
Devant les protestations de mes amis députés du groupe communiste et républicain, vous avez affirmé, madame la ministre, que cet amendement avait été déposé à la demande de certains syndicats. Je veux redire ici qu'aucune demande n'a été faite dans ce sens lors des réunions officielles. Dès lors, je voudrais croire, madame la ministre, que la demande a été évoquée lors de réunions informelles. Mais elle n'a dans ce cas, aucune valeur officielle.
Ce n'est pas en allant à l'encontre des discussions en cours par le biais de l'article 2 que la situation au demeurant très difficile de GIAT Industries pourra être réglée.
Vous affirmez, madame la ministre, que cette disposition permettra de donner des garanties aux ouvriers sous décret.
Les salariés de GIAT Industries craignent, pour leur part, que cet amendement ne présage un blanc-seing législatif donné à la direction, lui permettant de supprimer les emplois des personnels à statut - ouvriers sous décret et fonctionnaires - sous couvert de leur reclassement dans la fonction publique, pour s'assurer, à terme, la présence exclusive de personnels placés sous contrats de droit privé. Les craintes des salariés sont d'autant plus vives que le reclassement risque de se révéler fort difficile, alors même que le Gouvernement annonce la réduction des effectifs de la fonction publique en ne remplaçant qu'un retraité sur deux.
L'intégration des ouvriers sous décret dans la fonction publique se fera sous la forme d'un contrat de droit privé, ce qui occasionnera, pour eux, la perte d'avantages importants.
Voilà quelques années encore, GIAT Industries était un véritable fleuron de l'industrie française en matière d'armement terrestre. Aujourd'hui, affaiblie par de nombreux plans de restructuration, des gestions hasardeuses - sous tous les gouvernements, semble-t-il -, des contrats mal négociés, cette entreprise est en train de dépérir, menacée une nouvelle fois de licenciements et de fermetures de sites partielles ou totales.
Madame la ministre, vous voudriez, avec l'article 2 de la présente proposition de loi, envisager le reclassement des personnels, alors même qu'il est nécessaire de décider de l'avenir de GIAT Industries. L'élaboration de propositions, les négociations, le travail conjoint entre représentants des salariés et enquêteurs sont en cours avec l'objectif de pérenniser les emplois.
Les syndicats travaillent également activement pour proposer des alternatives, à la fois civiles et militaires, afin de sauver leur entreprise du désastre. Un accent plus poussé devrait être mis sur la recherche. En un mot, GIAT Industries possède des ressources matérielles et humaines, des femmes et des hommes motivés, attachés à leur entreprise et prêts à se battre pour sauvegarder leur bassin d'emploi. Le Gouvernement doit les écouter et les aider.
Pour notre part, en cohérence avec nos propositions de développement de GIAT Industries et avant de connaître les positions des syndicats et des personnels, nous ne pouvons accepter que des reclassements soient envisagés.
Que ce soit pour DCN ou pour GIAT, les enjeux sont les mêmes, ceux de l'industrie française de l'armement. Je le redis, l'armement ne peut pas être considéré comme une marchandise lambda ballottée au gré du marché et des nécessités capitalistiques.
Ces deux entreprises sont des acteurs majeurs d'un service public. Nous craignons qu'elles ne soient démantelées à l'appel des chantres de l'économie libérale. Et pourtant, toutes deux possèdent un savoir-faire incomparable et des personnels hautement qualifiés qui ne demandent qu'à appliquer leurs compétences au service de la France.
La crainte de voir des fusions et des participations croisées faisant de notre industrie de l'armement un véritable marchand d'armes sans aucun contrôle autre que celui de l'argent et de la bourse n'est pas si éloignée.
Avec mes amis du groupe communiste républicain et citoyen, nous demandons un débat national au cours duquel l'Etat doit prendre la pleine mesure de ses responsabilités en la matière.
Que dire du paradoxe de l'industrie de défense française aujourd'hui, qui veut que les fonds publics soient de plus en plus utilisés pour financer des projets via des entreprises privées, leur permettant ainsi de devenir de plus en plus concurrentielles et compétitives ? Cette situation jette dans l'impasse la plus totale nos entreprises nationales.
La sous-traitance devient monnaie courante, sous-traitance qui s'opère aussi bien en France qu'à l'étranger. Je prendrai pour exemple la construction du deuxième porte-avions dont la maîtrise d'ouvrage doit incomber - je le souhaite ardemment - à DCN. Des rumeurs circulent - mais ce ne sont que des rumeurs - selon lesquelles la maîtrise d'ouvrage de la coque confiée à DCN serait sous-traitée en Espagne, voire en Pologne, pays qui donne ses crédits de recherche aux Etats-Unis et qui a acheté récemment des F16 américains plutôt que des Mirage français ! Ce serait un comble ! Mais j'espère, madame la ministre, que vous allez démentir ces rumeurs.
La conjoncture internationale nous montre aujourd'hui plus que jamais à quel point la défense et son industrie doivent être circonscrites et étroitement encadrées sur le plan national et, sous certains aspects, en étroite coordination avec l'Europe. Cela nous conforte dans l'idée que l'industrie de défense doit obligatoirement être intégrée dans un pôle public de l'armement au sein duquel GIAT Industries et DCN ont toute leur place. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.
Mme Josette Durrieu. Madame la ministre, avec le groupe socialiste, j'ai déposé un amendement de suppression de l'article 2. Avec beaucoup de respect mais tout aussi fermement, j'ai envie de vous dire que je conteste le procédé, voire la méthode utilisée par le Gouvernement dans cette affaire.
A l'Assemblée nationale, c'est par un cavalier législatif sur un texte concernant DCN - et non pas GIAT Industries - que vous avez introduit ce qui est devenu aujourd'hui l'article 2, dont nous demandons la suppression.
La méthode n'est pas bonne, le motif non plus.
Vous avez dit tout à l'heure qu'il fallait lever des blocages administratifs. C'est vrai, à certains moments, mais je ne crois pas que l'heure soit venue. En tout cas, c'est prématuré.
Vous semblez inverser l'ordre des facteurs dans la démarche qui a été définie et qui a été acceptée par votre gouvernement.
Y a-t-il urgence ? Non ! En revanche, il y a, à coup sûr, précipitation. L'accord de méthode, on vient de le rappeler, a été signé le 12 mai. Il repousse à septembre l'examen du plan Vigneron, ce qui nous laisse quelques mois.
Ce plan Vigneron entraîne, tout de même, la suppression de 4 000 emplois. Par conséquent, 4 000 familles seront durement touchées. Cela nous autorise à prendre le temps de la réflexion avant d'agir.
Le CCE se prononcera le 29 septembre sur le volet industriel et le 16 octobre sur le volet social. Ce délai est essentiel.
Pendant ce temps, des expertises seront conduites, des solutions de remplacement et des scénarios différents seront sans doute - je l'espère - formulés et, peut-être, sera-t-il demandé de retirer le plan Vigneron.
Je conteste également la légalité de votre démarche, madame la ministre.
L'accord de méthode suspend la procédure. Certes, il ne la suspend que provisoirement, mais il la suspend néanmoins. Or, vous, par des mesures législatives anticipées, vous voulez déjà gérer le reclassement. Je crois que vous n'en avez pas le droit.
Cherchez-vous à passer en force ? Je viens d'entendre les mots « déni des négociations ». Cherchez-vous à peser sur les discussions ? Voulez-vous diviser les salariés ?
L'objet du texte, c'est le statut des ouvriers sous décret. Mais, ai-je envie de dire : et les autres ? Qu'en sera-t-il des fonctionnaires, des agents sous contrat, des ouvriers d'Etat ? Y aura-t-il des discriminations ?
Nous avons besoin, nous aussi, de clarifications. Le plus grand flou règne. On ne sait pas grand-chose sur les « avantages » qui seraient consentis pas plus que sur les salaires.
J'ai envie de vous demander, madame la ministre, pourquoi le dispositif dérogatoire prévoit des mesures de reclassement au sein des collectivités territoriales ou de la fonction publique hospitalière, puisque, comme vous l'avez dit, à juste titre d'ailleurs, tout à l'heure, nous n'en sommes pas encore là. Pourtant, dans les Hautes-Pyrénées, deux anciens employés de GIAT Industries travaillent maintenant au conseil général.
Alors, faux espoirs ou illusions, comme l'a dit M. Vinçon ? Nous n'avons pas le droit d'agir ainsi et vous non plus, madame la ministre, car la situation est assez difficile et dramatique pour que nous procédions autrement.
Avec le groupe socialiste et le groupe communiste républicain et citoyen, je demande donc la suppression de l'article 2. J'ai envie de vous dire, madame la ministre : chaque chose en son temps.
Si je devais hiérarchiser les priorités, comme vous, je dirai : sauvons GIAT Industries et préservons les emplois. J'adhère d'ailleurs à certaines de vos réflexions, notamment lorsque vous avez parlé des responsabilités de chacun qui nous ont conduits à la situation présente. Toutefois, le plan Vigneron ne nous donne pas du tout l'impression de viser à sauver l'entreprise. Au contraire, il tend à supprimer 4 000 emplois.
J'évoquerai maintenant les solutions de remplacement, car il est temps de les examiner. Nous avons le sentiment qu'il y en aura, et je voudrais à cet égard que vous répondiez, madame le ministre, à toutes les questions que je me pose parce que je suis vraiment dans un état de frustration. Or, nous sommes des élus de la République.
Quelles perspectives la France a-t-elle en termes de défense nationale si GIAT Industries ne compte plus que 2 000 à 2 500 personnes ?
Vous parlez en permanence, madame la ministre, d'alliances. Lesquelles ?
Certes, vous l'avez indiqué, certaines n'ont pas été conclues auparavant au niveau de l'Europe - c'est un fait que j'admets - mais quelles alliances introuvables devrait-on conclure demain ? Dites-nous-en un peu plus si vous voulez que nous adhérions à vos propos et aux propositions que vous allez formuler parce que, dans l'immédiat, nous n'avons pas de réponses aux questions que nous nous posons.
Par ailleurs, vous avez indiqué que le plan de restructuration, dit plan Vigneron, qui commencera sûrement par un plan social, sera exemplaire en termes de reclassement. Je n'en doute pas, mais j'attends de voir.
Or c'est probablement le domaine dans lequel vous ferez les plus grands efforts. Soit dit en passant, comptez sur d'autres que sur nous, les collectivités territoriales, car nous savons ce que nous avons déjà donné : dans les Hautes-Pyrénées, nous avons perdu 10 000 emplois en dix ans, et nous les avons reconstitués. Cela signifie que nous avons usé toute notre énergie, toute notre substance. Nous savons qu'aujourd'hui tout emploi perdu, même au GIAT, l'est définitivement. On pourra toujours mettre de l'argent à notre disposition, vous savez très bien qu'il n'y aura pas de projet pour autant.
C'est pourquoi nous voulons connaître le contenu exact du plan industriel. Ne serait-ce que pour l'armement, un savoir-faire s'est constitué sur tous les sites, mais notamment à Tarbes, et je crains qu'il ne soit sur le point d'être perdu.
Il vous faudra donc nous convaincre, madame la ministre, que vous avez réellement l'intention de nous aider à préserver notre aménagement du territoire. Nous avons de sérieuses raisons de douter que vous le ferez, car nous avons le souvenir de ce que d'autres avant vous ont réalisé, ou n'ont pas réalisé. Ces promesses sont, si je puis dire, une « tarte à la crème » sous laquelle il n'y a pas grand-chose. Or il est évident que nous avons besoin non seulement d'argent, mais surtout de projets.
Madame la ministre, des textes existent, que vous devez respecter. L'accord de méthode s'impose dans sa lettre et dans son esprit : rien ne vous obligeait à engager ce processus administratif de façon aussi précipitée pour régler certains problèmes par anticipation. Mais surtout, nous devons, vous comme nous, respecter les salariés. En ce moment la douleur, au-delà de la colère, est profonde, et vous le savez. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Robert Bret applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je tiens avant tout à saluer solennellement la mémoire de nos compatriotes décédés voilà un an dans un attentat odieux commis à Karachi. Qu'il leur soit ici publiquement et officiellement rendu hommage, au moment où nous évoquons leur entreprise, DCN.
Vous comprendrez aisément que, lors de l'examen de la proposition de loi portant diverses dispositions relatives à certains personnels de DCN et GIAT Industries, l'intervention du parlementaire que je suis, élu du département de la Loire, se devait d'être exclusivement consacrée à l'amendement du Gouvernement, adopté par l'Assemblée nationale, qui constitue aujourd'hui l'article 2 du texte et qui porte sur le devenir de GIAT Industries.
L'annonce faite le 7 avril 2003 au comité de groupe du projet de restructuration de GIAT Industries, dans le cadre de la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel, a fait l'effet d'un coup de tonnerre et n'a pas manqué de traumatiser, une fois encore, les employés et les élus locaux des départements concernés. Il s'agit, chacun le sait, de la sixième tentative de sauvetage de GIAT Industries.
Le département de la Loire, que je représente ici, a donc, si vous me passez l'expression, « encaissé » cette annonce de plein fouet, puisqu'il est concerné à travers deux sites : Roanne et Saint-Chamond.
Le précédent plan stratégique, économique et social, qui portait sur les années 1999 à 2002, aurait dû assurer les conditions du retour à l'équilibre de GIAT Industries. Ce ne fut malheureusement pas le cas.
Des responsabilités doivent être dégagées, et je les chercherai d'abord du côté de feu la majorité plurielle (Applaudissements sur les travées de l'UMP.),...
M. Alain Dufaut. Bravo !
M. Bernard Fournier. ... qui, pendant les cinq années où elle a été aux affaires, a refusé de prendre les décisions qui s'imposaient.
Je l'entends aujourd'hui vilipender l'action du Gouvernement, et je me sens enclin, sinon autorisé, à l'inviter à un peu plus de pudeur et de retenue, car quelques comptes rendus de débats qui se sont tenus à l'Assemblée nationale pendant la législature précédente pourraient bien la faire pâlir ! Mais il s'agit là d'un autre débat...
Force est de se rendre aux évidences : d'une part, le carnet de commandes n'a cessé de diminuer à cause de l'arrêt, programmé pour 2005, de la production du char Leclerc, qui représentait les deux tiers de l'activité ; d'autre part, des pertes structurelles polluent les résultats du groupe depuis 1990, avec 4 milliards d'euros de pertes cumulées compensées par 3,4 milliards d'euros de recapitalisation. Voilà ce qui a conduit à la gabegie qui frappe GIAT.
Le résultat est là : le groupe est à la croisée des chemins, et le sénateur qui vous parle est tiraillé entre le point de vue purement comptable qui prend en considération les obligations d'une entreprise tenue de rendre des comptes à la nation et la perspective de l'élu local ligérien qui déplore le gâchis social et humain qui frappe son département.
Toutes les bonnes volontés doivent dorénavant agir dans le même sens : il est ainsi heureux que, à la suite de l'accord du 11 mai, direction et syndicats soient convenus d'un délai supplémentaire afin que le comité central d'entreprise mandate deux cabinets d'experts dont la mission sera d'envisager toutes les solutions possibles. La procédure destinée à mettre en place la restructuration devrait être lisible au mois d'octobre (Mme la ministre opine) ; d'ici là, l'Etat doit apporter toutes les garanties aux personnels, quel que soit leur statut. C'est en partie, me semble-t-il, le sens de notre débat.
Mes chers collègues, soyons bien conscients que la réorganisation de l'entreprise qui est envisagée aujourd'hui représente d'abord une saignée d'une ampleur telle qu'elle ne peut que susciter l'inquiétude et la colère, non seulement chez les salariés, mais aussi chez les élus. Elle est aussi, il faut bien le dire, la dernière chance donnée à cette entreprise.
Je citerai quelques chiffres, car, s'ils sont triviaux, ils sont nécessaires pour prendre la juste mesure du cataclysme social à venir : 3 750 emplois vont être supprimés dans les trois prochaines années, touchant les deux tiers des effectifs ; deux sites de production vont purement et simplement fermer leurs portes : Saint-Chamond et Cusset ; d'autres implantations, Roanne, Tarbes et Tulle, vont être victimes, pour parler avec pudeur, de l'« allégement » drastique de leurs effectifs. Pour être plus concret encore, 900 emplois seront supprimés à Roanne et 700 à Saint-Chamond.
La facture payée par le département de la Loire est à mon sens la conséquence d'une imprévision coupable de la direction du groupe, et il faut avoir le courage de le dire. Les élus et les représentants du personnel, mais aussi la population, tous sont écoeurés, le mot n'est pas trop fort.
Je demeure persuadé que, si les précédentes équipes avaient fait d'autres choix, GIAT Industries ne connaîtrait sans doute pas le marasme qu'il traverse.
Le ministre Alain Richard aurait dû sommer la direction de revoir ses choix ; il ne l'a pas fait. Il est vrai, mes chers collègues, que l'attentisme électoral de la précédente majorité n'inclinait pas aux décisions courageuses : le dossier des retraites dont nous débattrons bientôt me paraît en être la cuisante illustration !
Il est l'heure non plus de hurler avec les loups, mais bien de prendre ses responsabilités, et j'ai noté que, à maintes reprises, le Gouvernement a manifesté son souhait d'assumer la part qui lui incombe à l'égard des personnels. Il faut s'en féliciter.
Je considère néanmoins, comme beaucoup, que la vision prospective a manqué, et, au-delà de la seule question de la viabilité de l'entreprise, la représentation nationale devra s'interroger sur la volonté passée des directions de GIAT Industries de participer au maintien d'une industrie puissante de l'armement. Un hiatus apparaît entre les objectifs jadis affichés et les moyens qui leur ont été consacrés.
Le maintien de ce secteur industriel est, aux yeux de la majorité, la garantie de l'indépendance de notre pays. Cette indépendance n'est ni négociable ni soluble dans la mondialisation. Elle l'est d'autant moins que la France a enfin retrouvé la voix qui lui revient sur une scène internationale crispée, remodelée, et qui risque de conduire à un monde unipolaire.
Jean-Pierre Raffarin et vous-même, madame le ministre, marquez de ce fait une rupture lisible avec l'équipe de Lionel Jospin : vous assumez pleinement le choix d'une industrie nationale de l'armement rationalisée et recentrée sur les besoins d'une armée de métier voulue par M. le Président de la République, Jacques Chirac.
J'ai bien conscience, madame le ministre, que le Gouvernement a été acculé à des choix douloureux. Je le déplore ! Je veux bien comprendre que c'est parce que notre pays est soucieux de son indépendance stratégique que le Premier ministre et vous-même avez autorisé GIAT à remodeler son organisation. Je lis d'ailleurs les crédits affectés par la loi de programmation militaire, que j'ai votée, comme un gage de cette ligne politique. En approuvant ces crédits, nous avons validé le principe du maintien d'une industrie d'armement, même si, je le confesse, le volet concernant GIAT ne répond pas aux attentes des élus de la Loire.
Des interrogations se sont exprimées ici même sur les mesures à venir concernant les salariés qui ne bénéficient pas du statut d'agent public ou d'ouvrier d'Etat. Il faudra les lever. Peut-être nous en direz-vous plus tout à l'heure, madame le ministre.
Des inconnues subsistent sur les retombées indirectes en termes d'aménagement du territoire et d'emplois induits. Le devenir des sites est une autre question qui nous préoccupe : il s'agit d'un patrimoine industriel important qui risque de dégénérer en véritables friches urbaines. Là aussi, la vigilance s'impose à chacun.
Revenons à la question des personnels : à situation exceptionnelle, moyens exceptionnels ! Je me félicite que la procédure utilisée par le Gouvernement en première lecture à l'Assemblée nationale traduise son implication et donne un signe éloquent au personnel de l'entreprise. Gardons toutefois à l'esprit que la voie législative, rendue nécessaire par l'existence de certains statuts spécifiques, n'est que la partie émergée de l'iceberg. Il reviendra à la négociation entre tous les acteurs concernés d'assurer l'essentiel des mesures sociales de reclassement et d'accompagnement.
J'en viens au fond du texte soumis à l'examen de la Haute Assemblée, toujours en me limitant au volet « GIAT ».
Il concerne les ouvriers sous décret, soit la moitié des effectifs. L'article 2 dessine le schéma de l'intégration de ces personnels dans la fonction publique. Quelques difficultés juridiques demeurent qu'il convient de lever, car les trois fonctions publiques ont naturellement vocation à assurer à ces personnels la voie normale de leur reclassement. Le dispositif exceptionnel que nous examinons constitue donc une diversification des solutions offertes aux salariés.
Dans un contexte aussi douloureux, il était nécessaire que les ouvriers concernés gardent les droits et avantages qu'ils ont acquis à la force de leurs compétences et de leur expérience : il en va ainsi de la durée indéterminée de leur contrat et des dispositions relatives à leur régime de retraite. Ce sera chose faite avec l'adoption du dispositif envisagé par le Gouvernement.
Enfin, il est utile de souligner que la démarche gouvernementale recueille un large assentiment. Il sera toutefois nécessaire, à l'avenir, d'apporter de solides garanties aux personnels qui ne sont pas visés par l'amendement gouvernemental, même si l'implication de Mme le ministre de la défense dans la mise en oeuvre du nouveau plan social, je le dis très sincèrement, est de nature à rassurer les organisations syndicales et les élus locaux. Ainsi, 40 % des effectifs bénéficieront d'une démarche individualisée intégrant la compensation financière et leur assurant un reclassement professionnel.
Pour le futur, il sera rigoureusement indispensable que le Parlement contrôle plus efficacement l'action de la direction de GIAT Industries et que le ministre de la défense informe la représentation nationale du suivi social prévu dans le plan de restructuration.
La proposition de loi qui nous est soumise répond donc à une demande des personnels. Saluons l'esprit de responsabilité du Gouvernement ! Elle tend à lever les obstacles administratifs aux reclassements et ne peut donc qu'être consensuelle.
Ne pas la voter, ce serait refuser d'aider les salariés. Que ceux qui s'y opposeront assument leur choix devant les ouvriers ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Louis Moinard.
M. Louis Moinard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis aujourd'hui nous conduit à réfléchir sur les restructurations qui sont en cours dans l'industrie française d'armement.
En effet, si le texte initial de la proposition de loi, présentée à l'Assemblée nationale par M. Jean-Pierre Giran, ne concernait que la construction navale militaire au travers de la question de la représentation des personnels au sein de diverses instances de DCN, un amendement déposé par le Gouvernement nous amène à considérer également les efforts de restructuration de GIAT Industries, c'est-à-dire de l'armement terrestre.
Aussi, je voudrais poser trois principes qui doivent guider l'indispensable restructuration de ces secteurs.
Premier principe : il faut assurer la pérennité et la compétitivité de notre industrie d'armement.
Les restructurations actuelles ne sont pas les premières tentatives pour redresser un secteur qui connaît des difficultés depuis plusieurs années. Mais force est de constater que les efforts déjà consentis n'ont pas suffi : sans restructuration, il y a malheureusement fort à parier que notre industrie d'armement serait amenée à péricliter, voire, à terme, à disparaître. Or, tant pour des questions de défense nationale que pour des raisons liées à notre participation à la construction d'une réelle défense européenne, nous ne pourrions accepter de voir disparaître ce savoir-faire.
Deuxième principe : il faut assurer la transformation de ces industries en tenant compte des attentes légitimes de leurs personnels.
Les personnels concernés par le texte que nous discutons aujourd'hui ont déjà consenti de nombreux efforts. Il ne serait pas acceptable que les restructurations envisagées se fassent en l'absence de solutions recevables pour chacune des catégories de personnel. Or, qu'il s'agisse des modes de représentation de certains personnels de DCN ou des possibilités de reclassement de certains personnels de GIAT Industries, je constate que des réponses précises sont apportées.
Troisième principe : ces restructurations doivent comporter un important volet d'accompagnement des collectivités locales concernées.
Les restructurations des industries de défense ont un effet considérable sur les territoires qui les accueillent. Bien souvent, elles sont synonymes de pertes d'emplois importantes pour des collectivités dont, par ailleurs, l'économie subit déjà des reconversions. Il faut souligner la nécessité que ces restructurations soient accompagnées d'une aide spécifique aux collectivités concernées.
Tels sont, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les trois principes que, au nom du groupe de l'Union centriste, je souhaitais rappeler dans la discussion générale de cette proposition de loi. Je suis d'ailleurs convaincu qu'ils guident l'action du Gouvernement.
Les restructurations de l'industrie d'armement française sont indispensables ; il faut les mener en fonction des impératifs de la défense nationale, tout en acceptant les efforts à fournir en faveur des personnels et des collectivités.
Je tiens, pour conclure, à remercier le président de la commission et le rapporteur.
Avec le groupe de l'Union centriste, je voterai la proposition de loi telle qu'elle nous est présentée aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Je souhaite remercier chacun des orateurs de la modération et du sérieux dont ils ont fait preuve en présentant leurs arguments, même si, bien entendu, je ne les partage pas tous.
Sans revenir sur le fond du débat relatif aux restructurations, car ce n'est pas le lieu, j'essaierai de répondre à un certain nombre de questions qui ont été posées.
M. Godefroy m'a interrogée sur le coût de la transformation de DCN et sur divers éléments qui font partie du contrat d'entreprise.
Je rappelle que, s'agissant de la capitalisation de DCN, la participation de l'Etat s'élève non pas à 540 millions d'euros de fonds propres, comme vous l'avez dit, monsieur le sénateur, mais à 560 millions d'euros.
En ce qui concerne l'apurement du passif, 691 millions d'euros sont couverts par des reprises de provisions, par des apports d'actifs et par des apports de trésorerie. Le coût total de l'opération s'élève donc à 1 250 millions d'euros.
Par ailleurs, pour ce qui est du contenu du contrat d'entreprise, j'ai eu l'occasion d'indiquer, à plusieurs reprises, que des engagements ont été pris, y compris au moment de la loi transformant DCN en entreprise nationale. Bien entendu, ces engagements seront tenus au fur et à mesure, car il est un certain nombre de points sur lesquels je ne peux pas vous répondre aujourd'hui. Par exemple, s'agissant des frégates multi-mission, dont nous discutons actuellement avec l'Italie, il m'est impossible de vous dire quelle sera leur part.
De la même façon, en ce qui concerne le porte-avions, toutes les supputations et rumeurs que l'on peut entendre sont dénuées de tout fondement. En effet, à l'heure actuelle, nous ne connaissons ni le modèle de porte-avions que nous allons retenir ni avec qui nous traiterons. Il faut être donc extrêmement vigilant s'agissant des rumeurs.
Avant d'aborder un point qui a été évoqué par plusieurs d'entre vous, à savoir la politique européenne de défense et la politique industrielle de défense, je souhaite répondre à l'une de vos questions concernant plus spécifiquement DCN et qui prend évidemment une dimension toute particulière aujourd'hui : il s'agit de la sécurité des personnels. Je suis peut-être plus sensible que quiconque à ce problème, mais il est évident que notre préoccupation première, lorsque nous signons un contrat, c'est d'abord la sécurité des personnels qui sont appelés à travailler à l'étranger. Nous avons revu, pays par pays, l'ensemble des données, et, par conséquent, les adaptations qui doivent être apportées. Car aucune mesure générale ne peut être envisagée ; cela dépend du contexte !
Vous m'avez également interrogé sur nos industries d'armement, en l'absence, dites-vous, d'une politique européenne de défense.
La France a besoin - et elle en a la capacité - d'avoir des industries d'armement nationales compétitives. C'est d'ailleurs tout le sens du changement de statut de DCN ; c'est également le sens de ce que nous voulons faire à GIAT Industries. Mais pour avoir des industries compétitives, encore faut-il tenir compte des réalités. Cela a été mentionné excellemment à plusieurs reprises, notamment par M. Fournier : des industries dont le carnet de commandes est vide ou dont les coûts sont sans commune mesure avec ceux du marché ne tiennent pas très longtemps. Il est vrai que l'Etat français passe des commandes - de ce point de vue, il joue son rôle -, mais si aucune exportation n'est possible, ces industries ne seront pas viables, pour des raisons non seulement économiques, mais également stratégiques.
La France fonctionne de plus en plus en interopérabilité avec d'autres pays, qu'ils soient européens ou non. Or, dès lors que des produits ne sont utilisés que par nous, cela pose de sérieux problèmes au niveau de l'interopérabilité.
C'est la raison pour laquelle il nous faut appliquer un principe de réalisme : les entreprises doivent fonctionner selon la réalité du marché, c'est-à-dire correspondre à des marchés effectifs. C'est ce qui explique la différence entre ce que nous faisons pour GIAT Industries aujourd'hui et ce qui a été fait dans le passé, où il n'a pas été tenu compte de cette réalité : on a agi comme si les chars Leclerc allaient continuer à être largement produits après 2005, alors que l'on savait déjà que ce ne serait pas le cas.
De la même façon, il faut tenir compte du prix de revient, car il n'est pas possible qu'il soit deux ou trois fois supérieur à celui du marché. C'est essentiel, car nous sommes en train de construire une Europe de la défense et une industrie européenne de l'armement.
Pour ce qui est de l'Europe de la défense - je n'y reviendrai pas, nous avons déjà eu l'occasion d'en parler - je vous avais dit que nous irions en Macédoine, et nous y sommes. Même si c'est une petite opération, pour la première fois, l'Union européenne a pris la relève de l'OTAN. Je pense qu'il en sera de même l'année prochaine en Bosnie.
Avant-hier encore, j'étais à Bruxelles, avec mes collègues ministres de la défense des différents pays de l'Europe et nous avons avancé dans ces différents domaines. Aujourd'hui, nous sommes passés des groupes d'étude sur nos lacunes capacitaires aux groupes de projets dans un certain nombre de domaines. Par ailleurs, nous avons décidé d'élargir les premiers groupes qui avaient été fondés à Athènes voilà quelques mois
Cela signifie que l'Europe de la défense progresse, d'autant qu'elle intègre également la dimension de l'industrie de l'armement à l'échelon européen. Le principe de la création d'une agence de définition et de fabrication des armements a été acquis. Nous l'avons d'abord acté avec nos collègues britanniques au Touquet, puis elle a fait l'objet d'une large approbation, sinon d'une unanimité, lors de notre réunion de lundi dernier. Il est prévu que cette création fasse partie des conclusions de la convention. Donc, là aussi, on avance !
Mme Durrieu m'a interrogée sur les prespectives d'alliances européennes de la France, y compris en ce qui concerne GIAT Industries. Un certain nombre d'entreprises, qu'elles soient françaises, allemandes ou britanniques, ont fait savoir qu'elles étaient intéressées par les savoir-faire de ces entreprises, mais qu'elles n'envisageaient pas de passer une quelconque alliance avec une entreprise qui se trouverait dans une situation financière désastreuse.
Par conséquent, un certain nombre de contacts ont été établis. Des gens sont effectivement intéressés, mais par une entreprise dont ils puissent être sûrs de la fiabilité à long terme. Tel est l'objectif que nous nous sommes fixé.
Voilà ce que je voulais vous dire, d'une façon générale, sur la politique européenne de défense, sur l'industrie européenne de l'armement et sur les perspectives de la France.
En ce qui concerne la mise en oeuvre de la transformation de DCN, tout le monde s'accorde sur le fait que, au moment où nous parvenons au bouclage de cette opération, toutes les garanties doivent être apportées au personnel, qui sera totalement associé à l'opération.
Pour ce qui est de GIAT Industries, je veux répondre à la préoccupation d'un certain nombre d'entre vous, notamment M. Moinard, M. Fournier et Mme Durrieu s'agissant de la participation de l'Etat, particulièrement en matière d'aménagement du territoire. Il est vrai que l'Etat interviendra dans GIAT Industries à la fois en tant qu'actionnaire et en tant que client. Un contrat d'entreprise sera conclu. La loi de programmation militaire que vous avez votée constituera un élément important de pérennisation.
Par ailleurs, l'Etat jouera son rôle en matière d'aménagement du territoire - nous en avons déjà discuté - en aidant les collectivités territoriales. En tant qu'ancien maire j'y suis particulièrement sensible, car je sais ce que représente la fermeture totale ou partielle d'une entreprise.
Nous avons donc l'intention de soutenir au maximum la création d'activités au travers de nouvelles entreprises. Je pense que, d'ici à quelques jours, pour les uns, d'ici à quelques semaines, voire un peu plus, pour les autres - cela dépendra des situations - mais, en tout cas, d'ici à la fin du plan qui s'étalera sur trois ans, nous aiderons effectivement certaines activités qui seront situées concrètement sur un certain nombre de sites. En outre, l'Etat jouera pleinement son rôle en matière d'aide à l'attractivité des sites.
L'Etat a également l'intention de jouer son rôle à l'égard des différentes catégories de personnel. Je ne crois pas que l'on puisse parler à leur égard, madame Durrieu, de discrimination. Ce n'est pas parce que l'on s'intéresse aux uns en essayant de trouver une solution adaptée à leur statut que l'on se désintéresse des autres. Si les autres ont un statut différent, ce ne sont ni les mêmes règles qui s'appliquent ni les mêmes problèmes qui se posent.
En ce qui concerne les salariés sous convention collective, je vous l'ai dit tout à l'heure, nous avons choisi d'offrir des solutions individualisées et une prise en charge personnelle, à chacun de ceux qui le souhaitent. Toutefois, pour les ouvriers sous décret, qui relèvent plus particulièrement de l'Etat, nous essayons de trouver des solutions, notamment en vue de favoriser leur reclassement.
Alors, je ne peux pas laisser dire que l'amendement du Gouvernement aurait été déposé dans l'urgence. Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que je vous ai parlé de la nécessité de procéder à un aménagement législatif lorsque je suis venue devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat en précisant que je vous saisirai d'un texte.
M. Jean-Guy Branger. C'est exact !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Cela remonte à plusieurs mois. Nous avons évoqué pour la première fois ce dossier à l'occasion de la discusion de la loi de programmation militaire, puis au moment de l'examen du budget.
A l'époque, je ne pouvais pas vous dire quel serait le contenu de ce texte, Mais, à partir du moment où vous était présenté un autre texte, j'y ai ajouté celui-ci. D'ailleurs, je vous avais alors indiqué que je ne savais pas quelle forme il prendrait : un projet de loi ou autre.
Il n'y a donc là ni urgence ni précipitation. Un seul intérêt est pris en compte : celui des salariés. En effet, comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis sensible à la détresse des personnels qui sont aujourd'hui concernés par ce projet. Ils ont des compétences reconnues, et ils le savent. Or, depuis dix ans, c'est le sixième plan qui les touche. Même si celui-ci se présente sous une forme totalement différente des précédents, puisqu'il donne de véritables assurances - je peux les garantir, puisqu'elles figurent dans la loi - les personnels ont besoin d'être confortés. Mon souci est de les rassurer psychologiquement en leur montrant que le Gouvernement, conscient de leur inquiétude, fait un geste à leur égard et que des solutions seront apportées à leurs problèmes. Libre à vous de leur dire que vous vous désintéressez de leur angoisse et de leurs problèmes ! Mais il me paraît plus responsable d'essayer d'apporter à un certain nombre d'entre eux la garantie que leurs problèmes seront pris en compte et de leur dire que la possibilité qui leur est aujourd'hui offerte l'est dans leur seul intérêt.
Tel est le sens du présent texte. Je remercie ceux qui apporteront leur soutien à cette proposition de loi, ainsi amendée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous passons à la discussion des articles.
M. le président. « Art. 1er - Les fonctionnaires, les agents sous contrat et les ouvriers de l'Etat mis à la disposition de l'entreprise nationale DCN en application de l'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001 (n° 2001-1276 du 28 décembre 2001) sont électeurs et éligibles au conseil d'administration ou au conseil de surveillance, ainsi qu'aux instances représentatives du personnel prévues par le code du travail. Ils bénéficient des droits reconnus aux salariés par les articles 5, 7 à 13, 15 à 28, 37, 40-1 et 40-2 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, les titres II et III du livre IV, ainsi que le chapitre VI du titre III du livre II du code du travail. »
Je mets aux voix l'article 1er.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
157313313157313 Le Sénat a adopté à l'unanimité. (Applaudissements.)
M. le président. « Art. 2. - Les ouvriers de la société nationale GIAT Industries régis par le décret n° 90-582 du 9 juillet 1990 relatif aux droits et garanties prévus à l'article 6 (b) de la loi n° 89-924 du 23 décembre 1989 autorisant le transfert à une société nationale des établissements industriels dépendant du Groupement industriel des armements terrestres (GIAT) peuvent être recrutés sur leur demande en qualité d'agent non titulaire de droit public par l'une des collectivités publiques ou un établissement public à caractère administratif mentionnés à l'article 2 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
« En cette qualité, ils bénéficient d'un engagement à durée indéterminée, des dispositions légales et réglementaires régissant les agents non titulaires de la fonction publique dont relève la collectivité ou l'établissement public qui les recrute ainsi que, dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat, des dispositions réglementaires régissant ces mêmes agents.
« Dans cette situation, ils peuvent demander à conserver, à titre personnel, le bénéfice du maintien de prestations de pensions identiques à celles qui sont servies aux ouvriers sous statut du ministère de la défense. Le montant des cotisations afférentes au risque vieillesse sera identique à celui mis à la charge des ouvriers sous statut du ministère de la défense. Les conditions d'application du présent alinéa sont précisées par un décret en Conseil d'Etat. »
La parole est à Mme Josette Durrieu, sur l'article.
Mme Josette Durrieu. Cet article 2 me fournit l'occasion de rappeler à tous que, de 1990 à 2002, la France a eu quatre ministres des armées.
Entre 1990 et 1993, les socialistes et la gauche étaient au gouvernement. Entre 1993 et 1997, deux autres ministres se succédèrent, mais ils n'étaient plus socialistes. Puis, de 1997 à 2002, le ministre fut Alain Richard. Comptez : cela fait quatre ministres, et six plans !
Il ne s'agit pas pour moi, monsieur Fournier, de rendre à César ce qui appartient à César, mais je pense qu'il serait plus juste de partager les responsabilités que nous avons sans doute, les uns et les autres, dans une situation qui s'est traduite par 4 milliards d'euros de pertes et 591 millions d'euros de recapitalisation.
Quant aux parts de marché, pour dire le vrai, force m'est de constater que certains marchés ont été extrêmement mal négociés et que l'Etat, en la personne des différents ministres responsables, n'a pas honoré toutes les commandes qu'il avait au départ envisagées, puique l'on est passé de mille quatre cents au départ à quatre cent six à l'arrivée.
M. Jean Chérioux. Vous avez réduit les budgets !
Mme Josette Durrieu. Admettez, chers collègues, qu'il ne serait pas normal que l'on continue à entendre le même discours. En ce qui nous concerne, nous aurons l'honnêteté de reconnaître, tout simplement, que les responsabilités, en la matière, sont partagées.
Certes, madame la ministre, vous nous aviez prévenus du dépôt d'un texte destiné à introduire certaines modifications, mais vous n'aviez pas dit quand et comment. Admettons... Il n'empêche que la méthode - celle d'un cavalier législatif déposé à l'Assemblée nationale sur un texte qui n'était pas initialement le bon - n'est pas forcément la meilleure. Mais soit !
Ce que je regrette le plus, et je le redis au nom du collectif qui se réunit dans une heure à l'Assemblée nationale et qui regroupe les élus de tous les sites, c'est que vous n'ayez pas respecté l'accord de méthode et que vous n'ayez pas laissé le processus normal suivre son cours, d'autant plus qu'à la sortie vos pouvoirs sont identiques à ce qu'ils étaient à l'entrée, et notre détermination à dénoncer un certain nombre de choses aussi !
Vous avez parlé de réalisme et de réalité des marchés. Vous avez raison ! Vous avez évoqué la capacité de l'industrie de l'armement française. Vous avez raison ! Mais nous nous posons ensemble le problème de savoir ce qui va en rester.
Quant à l'Europe de la défense, madame la ministre, je vous livre un témoignage tout récent, puisque j'étais ce matin même encore en Bosnie - j'y ai rencontré le général français qui est le numéro deux de la SFOR pour évoquer tous les problèmes qui se posent sur place - et que j'étais la semaine dernière en Macédoine.
Car, vous n'êtes pas sans le savoir, nous sommes présents en Macédoine, depuis quelques semaines seulement, il est vrai, et pas à la date qui était prévue. L'OTAN est restée plus longtemps : nous devions arriver en décembre, puis en janvier. Il a fallu attendre encore. J'ai cru comprendre hier que, peut-être, les Américains partiraient moins vite que cela n'avait été envisagé au départ et que la présence de l'Europe, qui sera probablement effective, serait sans doute beaucoup plus difficile à affirmer. Voilà pourquoi il faudra que l'industrie européenne de l'armement et la politique européenne de défense soient très fortement structurées de sorte que nous puissions exister sur cet espace.
Je pense que, sur ce point, nos intentions sont les mêmes, madame la ministre, et que ce serait un prolongement de la politique diplomatique menée ces derniers mois et à laquelle nous avons adhéré.
Je dois dire que je n'ai pas eu de réponse sur les alliances. En termes et de politique et d'industrie, j'espère que vous êtes à la recherche de partenaires ; dans l'immédiat, les contacts que vous nous avez dit chercher ne donnent pas encore lieu à informations aux parlementaires. Nous en prenons acte, mais nous espérons que tout cela débouchera.
Pour l'heure, faute d'obtenir de nouvelles informations, je m'en tiens à celles que vous nous avez données, pour conclure que nous restent, comme champ d'action, la rénovation ainsi que la maintenance du Leclerc et de l'AMX.
Certes, avec le Leclerc, nous en avons pour trente ans, ce qui met en perspective un certain nombre de possibilités. Mais enfin, ce n'est que de la rénovation et de l'entretien. Mais ce n'est déjà pas si mal !
Entre parenthèses, nous vous avions demandé un certain nombre d'heures pour Tarbes : sur la base actuelle de dix mille heures, avec cent cinquante mille heures, nous avions plus de cent emplois. Mais nous n'avons pas eu cette réponse de votre part.
Pour ce qui est des munitions, semble-t-il, la situation se stabilise. Tarbes garde la pyrotechnie. En somme, nous gardons ce que nous avons, donc personne aujourd'hui ne voudrait... Mais, donc, nous gardons ce que nous avons. Et nous ne disons rien. Même pas que nous sommes heureux de conserver soixante-dix emplois !
Faites attention, madame la ministre, dans vos comptages, car, au titre de la diversification, il faudra s'assurer que l'entreprise SPRIA, dont je veux bien croire qu'elle est filialisée, reprendra bien des employés du GIAT, ce qu'elle n'a pas fait, ou n'a fait que dans de très faibles proportions, jusqu'à maintenant.
Mais d'autres questions me viennent à l'esprit : s'agissant des blindés moyens légers, le VBCI, ou véhicule blindé de combat d'infanterie - 2006-2013 -, pour le moment, nous n'avons que les commandes des Belges. Et derrière ? Quant à l'autre blindé à roues, 2020, c'est loin ! Mais enfin, c'est toujours une perspective.
J'avais envie tout à l'heure de vous poser aussi quelques questions sur la recherche. Où en sommes-nous ? On sait très bien que certains crédits ont été transférés, et l'on pense à la recapitalisation. Vous nous le préciserez.
Bref, madame la ministre, je reste sur les arguments que j'ai développés tout à l'heure : vous n'auriez pas dû, dans ce contexte, introduire un article malgré tout inopportun et dont je demande la suppression.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 1 est présenté par Mme Durrieu et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattaché.
L'amendement n° 2 est présenté par Mmes Luc, Mathon et Beaufils, M. Autexier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendement sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 1 a déjà été défendu.
La parole est à Mme Hélène Luc, pour présenter l'amendement n° 2.
Mme Hélène Luc. Envisager la question du reclassement des ouvriers sous décret annonce que le sort de GIAT Industries est scellé.
Or cette disposition relative au reclassement a été présentée et votée à l'Assemblée nationale le jour même où un accord de méthode était négocié entre tous les partenaires sociaux, les représentants des salariés et la direction des entreprises. Madame la ministre, ce n'est pas seulement une question de moment, c'est aussi une question de procédé, une question de principe. A quoi sert la concertation si, d'avance, on décide de reclasser les personnels ?
Signé le 11 mai, cet accord se place pleinement dans le processus de négociation et de concertation qui se déroulera jusqu'au mois de septembre. Le 11 juin prochain, d'ailleurs, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat recevra les syndicats, comme l'a fait précédemment la commission homologue de l'Assemblée nationale.
Ainsi, des propositions concrètes vont être élaborées et discutées pour permettre que des solutions alternatives voient le jour. Les deux cabinets d'experts mandatés élaboreront leurs conclusions sur cette base.
Les personnels de GIAT Industries sont prêts à envisager la diversification de la production de leur entreprise, tournée à la fois vers le militaire et le civil. Des solutions pour le développement de la recherche doivent aussi être prises en compte.
Les personnels de GIAT ont été fortement touchés par les divers plans de restructuration, et il faut éviter que ce sixième plan ne sonne le glas de leur emploi et de leur entreprise.
Les ressources humaines et matérielles sont là, bien présentes, et nous demandons que chacune soit étudiée de façon approfondie, afin d'éviter un véritable désastre vidant des bassins d'emploi de leurs forces vives et pensantes.
Dans un contexte économique morose où, chaque jour, nous voyons des entreprises licencier, il faut donner une chance au GIAT. C'est non seulement le sort de ses salariés et de leur famille qui est en jeu, mais aussi celui de notre industrie de défense nationale.
Avec l'article 2 va naître également le risque de pousser un peu plus vers la sortie les salariés sous décret pour que l'entreprise ne conserve, à terme, que des salariés de droit privé, plus malléables et susceptibles d'être plus facilement remplacés, voire licenciés.
Parce qu'il convient de sauvegarder les emplois et d'assurer leur pérennité, parce que l'avenir de GIAT Industries n'est pas encore déterminé, nous vous demandons, mes chers collègues, de voter cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Serge Vinçon, rapporteur. En présentant ces deux amendements identiques, nos collègues du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen considèrent que l'article 2 préjuge les conclusions du processus en cours à GIAT Industries, les décisions définitives devant, je le rappelle, intervenir en octobre. Nous pensons, pour notre part, que tel n'est pas le cas.
En effet, la présente proposition de loi offre l'occasion d'inscrire dans la loi des dispositions supplémentaires favorables aux ouvriers sous statut de GIAT Industries. Nous ne connaissons aujourd'hui ni le nombre, ni l'échéance des éventuelles mesures de reclassement qui pourraient intervenir.
Mme Hélène Luc. Justement !
M. Serge Vinçon, rapporteur. Ce n'est pas pour autant une raison pour se priver de mettre en place un dispositif législatif qui peut s'appliquer dès la promulgation de la loi, et qui est favorable aux ouvriers sous décret ou sous contrat de GIAT Industries. Ce dispositif peut se révéler très utile le moment venu.
Alors que, dans la fonction publique, on réfléchit à d'éventuelles passerelles entre les différents corps, il n'est pas inutile de penser que, même à GIAT Industries, des ouvriers sous contrat ou sous statut puissent, au cours de leur carrière, envisager une affectation dans d'autres services et dans d'autres corps que ceux dans lesquels ils ont été initialement embauchés.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements de suppression.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux deux amendements identiques de suppression.
M. le président. La parole est à M. Bernard Murat, pour explication de vote.
M. Bernard Murat. Madame la ministre, je vous remercie, au nom des familles, au nom de tous les ouvriers et de tous les employés qui vont attendre les décisions du mois d'octobre, car certains savent déjà qu'ils vont pouvoir passer des vacances, sinon tranquilles, du moins sereines ! Ce n'est pas l'élu de la Corrèze que je suis qui aura l'outrecuidance de prétendre apporter une idée novatrice pour résoudre les problèmes de GIAT Industries. Bien d'autres élus de Corrèze y ont réfléchi avant moi !
Je voudrais simplement attirer votre attention, madame la ministre, sur les hasards du calendrier, qui font se croiser aujourd'hui deux préoccupations. Hier, nous avons débattu ici, au Sénat, de l'avenir des services publics en milieu rural. Le ministre, notre ami Jean-Paul Delevoye, nous a appris que la Corrèze allait être choisie comme département expérimental pour le redéveloppement des services publics. Je pose donc la question : ne serait-il pas opportun de se saisir de l'occasion de cette proposition de loi, que nous allons bien évidemment voter, pour permettre à des Corréziens de rester en Corrèze, si toutefois ils ne font pas de discrimination entre le service public d'Etat et le service public territorial ? (Mme la ministre fait un signe d'approbation.)
Mme Hélène Luc. Si vous croyez que c'est ça qui satisfera les salariés de GIAT, vous vous trompez !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 1 et 2.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste, l'autre, du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
158313305154105200
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Hélène Luc, pour explication de vote.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe communiste républicain et citoyen était prêt à voter cette proposition de loi si la Haute Assemblée avait consenti à supprimer l'article 2, ajouté inopinément lors du débat à l'Assemblée nationale.
En effet, pour ce qui concerne la DCN, nous sommes tout à fait conscients de la nécessité d'assurer une juste représentation de tous les personnels au sein du conseil d'administration ou du conseil de surveillance et au sein des instances représentatives des personnels.
Nous restons toutefois attentifs sur le devenir de la DCN et ne manquerons pas de suivre l'évolution de cette dernière, notamment avec le passage en société de droit privé, au mois de juin prochain.
En ce qui concerne le GIAT, nous ne pouvons cautionner une mesure qui vient perturber les négociations, une mesure destinée à « purger » l'entreprise des ouvriers sous décret, et dont le résultat risque d'être, à terme, une entreprise représentée uniquement par des salariés de droit privé, dont on sait que le statut est plus précaire que celui qui est accordé aux ouvriers sous décret.
Depuis le départ, nous nous plaçons dans une logique de pérennisation des emplois et de diversification des productions, pour éviter au GIAT de courir à sa perte. Les salariés de GIAT s'inscrivent dans le mouvement des grandes luttes qui se déroulent dans le pays pour sauver des emplois : il s'agit d'aider à faire vivre des familles, mais aussi à financer des retraites. C'est pourquoi les salariés se battent en même temps pour les emplois et contre le projet du Gouvernement sur les retraites. Pour ce faire, nous croyons fermement que l'accord de méthode et l'élaboration de propositions de la part des représentants des personnels doivent aller à leur terme.
Pour toutes ces considérations, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre ce texte.
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe UMP, au nom duquel je m'exprime, ne peut que se féliciter des avancées contenues dans la proposition de loi que nous venons d'examiner.
S'agissant de DCN, les droits et prérogatives du personnel seront respectés dans la future entreprise qui va pouvoir mieux s'insérer dans le contexte européen. Le changement de statut va dégager l'entreprise de contraintes administratives et juridiques inhérentes au droit public. Sa compétivité s'en trouvera améliorée. Il fallait garantir la situation des personnels : c'est désormais chose faite !
M'étant déjà longuement exprimé sur la question de GIAT Industries, je ne peux que réitérer ma position : le Gouvernement assume ses responsabilités à l'égard des personnels qui traversent une crise due à des décisions qui ont été prise par le passé.
Pour ces raisons et pour celles que j'ai indiquées lors de la discusion générale, le groupe UMP votera, bien évidemment, ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Hilaire Flandre. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Claude Estier.
M. Claude Estier. Pour que les choses soient bien claires, je tiens à préciser que le groupe socialiste avait déposé deux demandes de scrutin public, ce qui lui a permis de voter l'article 1er de la proposition de loi concernant DCN. Mais il avait également demandé la suppression de l'article 2 qui avait été introduit à l'Assemblée nationale pour les raisons que Mme Durrieu a exposées.
La majorité s'étant prononcée, la proposition de loi comprend toujours les deux articles et, dans ces conditions, le groupe socialiste ne participera pas au vote sur l'ensemble.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président. Je rappelle que la commission des affaires sociales a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Marcel Lesbros membre du Conseil supérieur de l'Etablissement national des invalides de la marine.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
OUTRE-MER
Discussion d'un projet de loi
de programme déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi de programme (n° 214, 2002-2003) pour l'outre-mer. [Rapport (n° 296, 2002-2003).]
Avant d'ouvrir la discussion, je dois vous rappeler que M. le président a reçu de M. le président du Conseil économique et social une lettre par laquelle le Conseil économique et social demandait que Mme Marlène Mélisse, conformément aux dispositions de l'article 69 de la Constitution, puisse, pour ce texte, exposer l'avis du Conseil économique et social devant le Sénat.
Conformément à l'article 69 de la Constitution et à l'article 42 de notre règlement, huissiers, veuillez faire entrer dans l'hémicycle Mme Marlène Mélisse, rapporteur de la section des économies régionales et de l'aménagement du territoire du Conseil économique et social.
(Mme Marlène Mélisse est introduite selon le cérémonial d'usage.)
M. le président. Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 4, du règlement, le représentant du Conseil économique et social expose devant le Sénat l'avis du Conseil avant la présentation du rapport de la commission saisie au fond.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à la fin de l'année dernière, à l'occasion de la présentation du projet de budget de mon ministère pour 2003, je m'étais engagée à revenir devant vous afin de vous proposer la mise en oeuvre d'une politique de réformes en faveur du développement économique et social de l'outre-mer. Je suis par conséquent heureuse de le faire aujourd'hui en vous présentant ce projet de loi de programme pour l'outre-mer qui traduit tous les engagements, de nature législative, du Président de la République et du Gouvernement en faveur d'un développement durable de l'outre-mer.
J'ai souhaité que ce projet, déjà bien connu des sénateurs de l'outre-mer, fasse l'objet, au cours de son élaboration, d'une très large concertation, menée, tant outre-mer qu'en métropole, avec l'ensemble des acteurs du développement économique de nos collectivités ultramarines.
C'est donc au contact des élus, des parlementaires, des présidents des assemblées locales, mais aussi des représentants des milieux socioprofessionnels que les dispositions que vous allez examiner ont été élaborées et qu'elles se sont progressivement enrichies. Elles méritent sans doute encore de l'être, et notre discussion va nous permettre de le faire ensemble, à partir notamment des amendements adoptés par les commissions de votre assemblée. Je remercie d'ailleurs celles-ci pour le travail important qu'elles ont accompli, dans un délai particulièrement court.
Mais avant d'en arriver à ce stade de notre débat, je souhaiterais préciser devant vous les objectifs que le Gouvernement se fixe pour l'outre-mer et vous présenter les moyens qu'il entend en conséquence donner à nos collectivités d'outre-mer, au travers des dispositions de ce projet de loi de programme, pour les atteindre.
Quels sont les objectifs du Gouvernement pour l'outre-mer ?
Avec ce texte, le Gouvernement souhaite mettre en place une véritable stratégie de développement durable de nos collectivités ultramarines. Ce développement doit se concevoir en termes de rattrapage avec la métropole et doit être fondé sur une logique d'activité et de responsabilité, et non pas d'assistanat.
L'objectif prioritaire est en effet de réaliser, après l'égalité sociale, achevée en 1996, l'égalité économique, qui constitue l'ultime étape de l'accès à la pleine citoyenneté de chacun par le travail et la dignité.
Pour atteindre cet objectif, il faut créer, outre-mer, un environnement économique favorable au développement de l'activité des entreprises et, par conséquent, de l'emploi. Nul ne peut se satisfaire en effet de constater qu'outre-mer le RMI constitue un revenu de remplacement pour 19 % de la population ou que le chômage frappe un actif sur quatre, voire un sur trois.
Créer un environnement économique plus favorable au développement de l'activité et de l'emploi passe par la réduction des handicaps dont souffrent les économies d'outre-mer. Ces handicaps sont bien connus et totalement reconnus, y compris à l'échelon européen. Ce sont ceux qu'énumère l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, à savoir l'éloignement, l'insularité, la faible superficie, un relief et un climat difficiles et une forte dépendance économique vis-à-vis d'un petit nombre de produits. Ces handicaps se combinent entre eux et ont un effet cumulatif qui accentue leur impact négatif sur les économies locales. Il en résulte que ces économies connaissent un retard de développement significatif par rapport à la métropole.
Pour illustrer mon propos, je citerai plusieurs chiffres qui rendent compte de cette réalité : de 1993 à 1998, la croissance économique a été plus forte dans les DOM qu'en métropole. Elle était en effet de 27,9 %, alors qu'elle n'atteignait que 18,5 % en métropole. Néanmoins, en 1998, le PIB par habitant ne représentait que 54 % du niveau métropolitain, et cette situation ne s'améliore que beaucoup trop lentement.
Le développement de l'activité en outre-mer suppose par ailleurs la valorisation des atouts de ces collectivités, atouts qui sont nombreux. Outre un dynamisme économique qui se traduit par une capacité remarquable à créer relativement plus d'emplois qu'en métropole, il convient de souligner l'atout majeur pour l'outre-mer que constitue, à moyen terme, sa jeunesse : la moitié de la population de la Guyane, de la Réunion, de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française est âgée de moins de vingt-cinq ans ; trois Mahorais sur cinq ont moins de vingt ans.
Par ailleurs, certains secteurs économiques sont particulièrement porteurs de développement, tels le tourisme et l'hôtellerie, la recherche ou encore le secteur des énergies renouvelables. Ils doivent en conséquence être soutenus et encouragés.
Le projet de loi de programme que j'ai préparé au nom du Gouvernement doit par conséquent contribuer à combler le retard de développement des économies de l'outre-mer et à valoriser leurs atouts. Pour parvenir à ce résultat, notre action doit s'inscrire dans la durée. Il s'agit en effet d'envoyer à tous les acteurs du développement économique de l'outre-mer un signal fort les assurant de la stabilité de l'effort consenti par la communauté nationale en leur faveur et de notre confiance dans leurs capacités à tirer le meilleur parti de dispositions destinées à créer les conditions d'un développement durable et cohérent. C'est la raison pour laquelle les mesures qui vous sont proposées ont une durée de quinze ans.
Les principales dispositions de ce projet de loi de programme, qui contient quarante-quatre articles, procèdent pour l'essentiel de trois idées fortes.
Première idée forte, la création d'emplois durables dans le secteur marchand doit être favorisée, ce qui passe prioritairement par un allégement renforcé du coût du travail pour rendre les entreprises plus compétitives ainsi que par la mise en place d'incitations directes à l'embauche, afin que les entreprises recrutent les personnes qui, aujourd'hui, rencontrent le plus de difficultés pour accéder à l'emploi. C'est le cas notamment, vous le savez, des jeunes.
Deuxième idée forte, la relance de l'investissement privé doit être encouragée. C'est d'autant plus nécessaire que les crédits publics deviennent plus rares. Si la commande publique doit continuer dans les années qui viennent à jouer son rôle en matière de contribution à la croissance des économies ultramarines et si la solidarité nationale à l'égard des plus démunis ne saurait, bien évidemment, être remise en cause, il est également primordial que l'initiative privée apporte une part croissante au développement de ces collectivités. La refonte du dispositif de soutien fiscal à l'investissement outre-mer vise à accompagner cet essor.
Troisième idée forte, la continuité territoriale entre les collectivités d'outre-mer et la métropole doit être mieux prise en compte. La défaillance d'Air Lib en début d'année n'a fait à cet égard qu'accentuer un problème que l'on ne peut décemment pas ne pas traiter.
Notre premier objectif est donc de favoriser la création d'emplois durables dans les entreprises privées.
J'ai la conviction que ce sont avant tout les entreprises qui créent des emplois pour peu que l'action publique contribue à lever les obstacles qu'elles rencontrent pour être réellement en situation de le faire. A cet égard, l'abaissement du coût du travail est un des axes qu'il faut privilégier.
Loin de constituer, comme d'aucuns le prétendent, un « cadeau pour les patrons », cette mesure a fait ses preuves. Ainsi, le dispositif d'allégement de charges sociales mis en place par la loi Perben en 1994 et qui a été poursuivi par la loi d'orientation pour l'outre-mer a permis la création de plusieurs milliers d'emplois.
Aussi vous est-il proposé, dans la continuité des mesures initiées en 1994 et confirmées en 2000, un allégement renforcé du coût du travail pour les entreprises subissant plus particulièrement les contraintes liées à l'éloignement, à l'insularité et à un environnement extérieur où le coût du travail est particulièrement bas.
Plus précisément, la mesure proposée a deux cibles.
Elle concerne, d'une part, les entreprises des secteurs d'activité où la création de valeur ajoutée est la plus forte, comme l'industrie, l'agriculture, les énergies renouvelables, entreprises pour lesquelles l'exonération jouera dans la limite de 1,4 SMIC, ou les entreprises dont le potentiel de développement est le plus prometteur, par exemple dans le tourisme ou l'hôtellerie, entreprises pour lesquelles l'exonération jouera dans la limite de 1,5 SMIC.
Elle vise, d'autre part, les PME, ce qui correspond à la réalité des économies ultramarines puisque plus de 80 % des entreprises situées outre-mer comptent moins de dix salariés.
S'agissant plus particulièrement des petites entreprises, il est prévu de supprimer le mécanisme, pénalisant pour la création d'emploi, introduit en 2000 par la loi d'orientation pour l'outre-mer : ces entreprises, dès lors qu'elles recrutent au-delà de dix salariés, doivent en effet pouvoir conserver le bénéfice de l'allégement de charges sociales, dans la limite de 1,3 SMIC et de dix salariés.
Dans le même esprit, il est proposé que les exploitations agricoles dont la surface d'exploitation se développe au-delà de 40 hectares dans le cadre d'une diversification de la production ou de la mise en valeur de terres incultes ou sous-exploitées continuent de bénéficier de l'exonération actuelle, dans la limite de 40 hectares.
Il vous est par ailleurs proposé pour la première fois d'appliquer une mesure d'exonération de charges sociales - à hauteur de 1,3 SMIC - aux entreprises de transport aérien, maritime et fluvial qui desservent l'outre-mer. Il nous faut en effet créer les conditions d'une diversification de l'offre de transport, en particulier de transport aérien, pour véritablement assurer la nécessaire continuité territoriale, sujet sur lequel j'aurai l'occasion de revenir.
Toutes ces mesures devront faire l'objet d'une évaluation tous les trois ans, notamment au regard de la création d'emploi. C'est ce dernier critère en effet qui déterminera s'il convient de les maintenir ou de les adapter.
L'emploi durable doit pouvoir être offert prioritairement aux jeunes d'outre-mer, qui, je le rappelle, sont nombreux et qui ont des attentes fortes et légitimes. C'est la raison pour laquelle le projet de loi contient des mesures qui leur sont plus particulièrement destinées.
Il s'agit d'inciter les entreprises à embaucher des jeunes, qu'ils soient diplômés ou non, notamment ceux qui occupent actuellement des emplois-jeunes.
Au 31 décembre 2002, les emplois-jeunes étaient plus de 16 000 dans les DOM et à Saint-Pierre-et-Miquelon. L'on ne peut se satisfaire de les voir occuper des emplois qui, pour la plupart, ne leur offrent pas de véritables perspectives. C'est, je le dis sans détour, les tromper que de leur laisser croire le contraire.
Il s'agit aussi d'offrir aux jeunes, qui, souvent, sont employés de façon illégale épisodique - on les appelle aux Antilles les « jobeurs » -, des solutions d'emploi pérennes et une couverture sociale lorsqu'ils occupent des emplois occasionnels.
Les mesures proposées aux articles 5 à 10 du projet de loi visent à répondre à ces préoccupations. Elles concernent notamment les jeunes arrivant au terme des contrats emplois-jeunes. Il est ainsi proposé d'ouvrir aux entreprises la possibilité de les recruter sur des contrats d'accès à l'emploi, les CAE, jusqu'à la fin de 2007.
Ces contrats combinent deux incitations pour l'employeur : d'une part, une prime au recrutement et une exonération de charges sociales ; d'autre part, la possibilité de faire bénéficier les jeunes qu'ils recrutent d'une formation financée par l'Etat.
Ces mesures concernent également les jeunes diplômés de dix-huit à trente ans, dont il faut favoriser le recrutement dans les entreprises, notamment celles de moins de vingt salariés. En effet, ces entreprises, qui sont les plus nombreuses, ne peuvent le plus souvent pas franchir le pas de recruter un cadre. Il convient donc de leur permettre de le faire et d'offrir ainsi à ces jeunes des responsabilités à la mesure de leurs diplômes.
Ces mesures concernent, par ailleurs, les jeunes gens et les jeunes filles qui suivent une formation professionnelle dans le cadre du service militaire adapté, le SMA.
Il vous est ainsi proposé, d'une part, de donner un fondement législatif aux activités du SMA dans le cadre des chantiers d'application et de rappeler leur absence de caractère commercial ; d'autre part, de moduler la durée de renouvellement des contrats des stagiaires du SMA - actuellement fixée à douze mois - afin de l'adapter aux cycles de formations professionnelles dispensées par les unités du SMA.
Enfin, je tiens à préciser que le revenu minimum d'activité, le RMA, dont l'institution a été proposée par mon collègue François Fillon, a vocation à s'appliquer dans les collectivités de la Guadeloupe. de la Martinique, de la Guyane, de la Réunion et de Saint-Pierre-et-Miquelon. Ce nouvel outil d'insertion dans les secteurs marchand et non marchand des bénéficiaires du RMI qui ont plus de deux ans d'ancienneté dans ce dispositif s'inscrit dans le cadre d'un contrat de travail de type particulier, d'une durée de vingt heures par semaine, pour une période de dix-huit mois au plus.
Ce RMA s'ajoutera, par conséquent, aux dispositifs particuliers destinés à l'outre-mer que sont le CIA pour le secteur non marchand et le CAE pour le secteur marchand, qui tous deux demeurent plus attractifs.
Le CIA et le CAE, comme vous le savez, ont été créés par la loi Perben.
Les CIA sont destinés aux seuls RMIstes et à leurs conjoints et ne comportent aucune condition d'ancienneté dans le RMI, à la différence du RMA. La durée d'un CIA peut atteindre vingt-quatre mois. Il s'agit d'un contrat à temps partiel.
Les CAE, quant à eux, peuvent concerner non seulement les RMIstes, mais également les demandeurs d'emploi depuis plus de deux ans, et ils visent actuellement les jeunes de moins de vingt-six ans. Nous renforçons encore leur caractère incitatif en majorant l'exonération de charges sociales qui y est attachée. Ces contrats peuvent être à durée déterminée - dans les limites d'un an au minimum ou de deux ans au maximum - ou à durée indéterminée, à temps plein ou à temps partiel.
Notre deuxième objectif est de susciter la relance de l'investissement privé grâce à un dispositif de défiscalisation qui favorise véritablement l'initiative.
Entre 1997 et 2000, on a constaté que les investissements agréés au titre de la défiscalisation par l'administration fiscale avaient été divisés par deux outre-mer. Entre 2000 et 2001, on a encore noté une baisse de 42 % des montants d'investissements agréés dans les départements d'outre-mer. L'année 2002 n'a pas été meilleure, et le début de l'année 2003 n'est pas davantage encourageant.
Or, comme vous le savez, aucun investissement ne peut se réaliser outre-mer sans défiscalisation. C'est dire la gravité de la situation actuelle et l'impérieuse nécessité d'y remédier.
Une refonte complète du dispositif de défiscalisation des investissements vous est en conséquence proposée au titre II de ce projet de loi de programme.
Il s'agit tout d'abord de stabiliser le cadre du dispositif en portant à quinze ans sa durée de validité. Les investisseurs disposeront ainsi de la visibilité nécessaire pour réaliser leurs projets, sans craindre chaque année la remise en cause de ce dispositif, comme c'était le cas lorsque celui-ci était inclus dans la loi de finances. Or, pour rétablir un climat de confiance, il faut conjuguer durée et stabilité.
Nous voulons aussi simplifier la mise en oeuvre de la défiscalisation par un changement de logique s'agissant des secteurs éligibles. L'éligibilité des investissements à la défiscalisation devient la règle générale et les secteurs exclus sont explicitement cités. Ce sont ceux pour lesquels le bénéfice de l'aide serait injustifié - tels le commerce et les activités financières - ou malaisé à plaider à Bruxelles, comme les investissements immatériels, et, surtout, ceux qui, par le passé, ont donné lieu à des abus. Je pense notamment à la navigation de croisière.
Il convient de signaler que les investissements nécessaires à l'exploitation de concessions de service public deviennent éligibles quelles que soient la nature des biens considérés et leur affectation finale.
Je précise en outre que les investissements nécessaires à l'exploitation d'un service public affermé ouvrent également droit au bénéfice de la défiscalisation, dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues pour les investissements affectés à l'exploitation d'une concession de service public. Cette précision est, je le crois, de nature à apaiser certaines inquiétudes.
Le Gouvernement entend aussi favoriser les investissements dans quatre secteurs particulièrement importants pour le développement de l'outre-mer.
Le premier de ces secteurs est celui de l'hôtellerie : le taux de défiscalisation est porté à 70 % pour les travaux de réhabilitation dans les départements d'outre-mer. De plus, la « détunnelisation » est rétablie dans ces départements, pour une durée de cinq ans.
Le deuxième secteur que le Gouvernement souhaite privilégier est celui du logement.
Les taux de défiscalisation sont majorés et portés de 25 % à 40 % pour les logements « intermédiaires ». Un avantage supplémentaire de 10 points est accordé aux logements situés en zone urbaine sensible dans les DOM.
Par ailleurs, dans un souci de préservation du patrimoine bâti local - lequel, vous le savez, est particulièrement menacé puisqu'on estime que 50 % des « cases créoles » ont déjà disparu ou sont irréparables -, les logements de plus de quarante ans deviennent éligibles à la défiscalisation, au taux de 25 %.
En outre, le plafond du prix au mètre carré pour les logements constituant la résidence principale de leurs propriétaires est porté de 1 525 à 1 750 euros hors taxe.
A ces mesures, qui sont destinées à encourager l'investissement privé dans le secteur du logement, il convient d'ajouter celles qui figurent au titre III du présent texte et qui, elles, visent à favoriser la construction ou la réhabilitation de logements sociaux : il s'agit de l'abaissement à 2,1 % du taux de TVA pour les logements locatifs sociaux, ainsi que de l'abattement de 30 % pendant cinq ans de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les logements locatifs sociaux ayant fait l'objet de travaux de mise aux normes sismiques ou cycloniques.
Toutes ces mesures constituent donc un ensemble cohérent d'actions en faveur d'un secteur clé pour l'outre-mer compte tenu des besoins importants en logement qui doivent être satisfaits.
Le troisième secteur que le Gouvernement veut favoriser est celui des énergies renouvelables. Une majoration de 4 points est accordée pour les logements alimentés par l'énergie solaire, la majoration étant de 10 points pour tout investissement en matière de production d'énergies renouvelables.
Enfin, quatrième secteur, le Gouvernement souhaite soutenir le financement des entreprises. Une réduction d'impôt de 50 % est accordée au titre des souscriptions au capital de sociétés spécialisées dans ce financement et exerçant exclusivement leur activité dans les DOM : c'est le mécanisme des sociétés de financement de l'outre-mer, les SOFIOM. Par cette mesure très novatrice, nous souhaitons drainer l'épargne des particuliers vers des projets d'investissement et associer davantage nos compatriotes d'outre-mer au développement économique de leur collectivité.
Nous souhaitons également introduire plus de transparence dans la délivrance de l'agrément lorsque celui-ci est requis, c'est-à-dire lorsque l'investissement est supérieur ou égal à 1 million d'euros, ce seuil ayant été relevé. C'est ainsi que tout dossier pour lequel des réserves seront émises par l'administration fiscale pourra être soumis, pour avis, à une commission interministérielle, présidée par le ministère de l'outre-mer.
Par ailleurs, nous souhaitons supprimer les dispositions qui constituent des entraves à l'investissement défiscalisé. C'est ainsi que la réduction d'impôt sur le revenu devient imputable sans plafonnement, alors que celui-ci est actuellement limité à 50 %, dès la première année.
Enfin, s'agissant des investissements réalisés en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon, nous voulons affirmer la règle de la non-déduction de l'assiette fiscale éligible des aides résultant de la mise en oeuvre des régimes autonomes d'aide fiscale en vigueur dans ces collectivités.
En contrepartie, les contrôles exercés par l'administration fiscale seront renforcés. Le dispositif législatif de défiscalisation des investissements ne doit en effet pas être le moyen pour certains d'échapper à l'impôt de manière frauduleuse.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
Mme Brigitte Girardin, ministre. C'est avant tout un outil de développement économique pour l'outre-mer, et j'entends bien que cette finalité soit la seule qui prévale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Troisième idée forte, le projet de loi de programme doit tendre à mieux assurer la continuité territoriale entre les collectivités d'outre-mer et la métropole.
Le rôle de l'Etat dans ce domaine est double.
Il lui revient tout d'abord de créer les conditions d'une offre de transport, aérien notamment, suffisante et adaptée, en termes de capacité et de tarif, aux besoins des collectivités d'outre-mer. Tel est le sens de la disposition que j'ai évoquée précédemment et qui vise à alléger les charges sociales des compagnies aériennes, maritimes et fluviales desservant l'outre-mer.
La mise en oeuvre de cette mesure, par l'allégement des charges d'exploitation qu'elle induira, doit en effet permettre un abaissement du coût du transport, tant pour les passagers que pour le fret. Elle est de nature en outre à susciter, du moins je le souhaite, une offre supplémentaire de transport et, par conséquent, une saine concurrence, ce qui ne pourra que contribuer à la baisse du coût du transport.
Le rôle de l'Etat est également, dans le cadre de la solidarité nationale, de compenser en partie les contraintes liées à l'éloignement. Nos compatriotes d'outre-mer doivent en effet pouvoir se déplacer plus facilement à des conditions acceptables. C'est nécessaire notamment pour les jeunes qui ont à se rendre en métropole pour leurs études ou pour y prendre un premier emploi, ou encore pour les familles, qui ont à supporter aujourd'hui un coût de transport particulièrement lourd.
Après un premier pas franchi dès l'été 2002 avec l'instauration du « passeport mobilité » destiné aux jeunes, il faut aller plus loin.
Aussi, à l'instar de ce qu'ont fait l'Espagne et le Portugal pour les résidents de leurs régions ultrapériphériques et comme il a été fait pour les liaisons aériennes entre la France continentale et la Corse, il est proposé que l'Etat participe au financement d'un dispositif d'abaissement du coût des billets d'avion en versant à chaque collectivité d'outre-mer une dotation annuelle de continuité territoriale.
Cette dotation permettra d'accorder aux résidants ou résidents - je précise, pour éviter toute polémique, que le dictionnaire admet les deux orthographes -, c'est-à-dire aux personnes qui ont leur résidence principale outre-mer, une aide forfaitaire, limitée à un voyage par an entre la collectivité d'outre-mer concernée et la métropole. L'objectif est que cette dotation s'ajoute aux concours des collectivités locales et de l'Union européenne ayant le même objet.
Pour faciliter la mise en oeuvre de ces dispositifs, nous avons créé, avec mon collègue chargé des transports, un groupe de travail associant les compagnies aériennes desservant l'outre-mer et dont la mission est de nous aider à optimiser ces mesures, afin qu'elles produisent les meilleurs effets.
En conclusion, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi de programme pour l'outre-mer, vous pouvez le constater, n'a pas pour objet de verser à nos collectivités d'outre-mer des subventions « à fonds perdus ». Il vise, au contraire, en allégeant en partie les contraintes qui pèsent sur ces économies, à créer les conditions d'un développement durable de l'activité pour offrir, notamment aux jeunes, de réelles perspectives d'avenir.
Je signale également qu'il permet, par son titre VI, d'actualiser le droit de l'outre-mer. Votre assemblée, qui s'est toujours préoccupée de cette question, sait bien que le droit applicable outre-mer ne doit pas, s'agissant des collectivités soumises au principe de spécialité législative, demeurer trop longtemps en décalage avec le droit en vigueur en métropole. L'article 43 ouvre donc une nouvelle habilitation, sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, pour permettre par ordonnances ce rattrapage des textes à étendre à certaines collectivités d'outre-mer.
En outre, pour renforcer la sécurité juridique du droit applicable outre-mer, l'article 44 du texte procède à la ratification de nombreuses ordonnances prises entre 2000 et 2002.
Je soulignerai enfin que ce projet de loi de programme n'est pas, pour autant, la seule réponse du Gouvernement aux préoccupations et aux attentes de l'outre-mer. Il vient prendre sa place aux côtés des réformes et des actions réalisées ou engagées en faveur de l'outre-mer par ce gouvernement.
J'en donnerai trois exemples.
Il s'agit d'abord de la réforme de la Constitution, qui permet désormais aux collectivités d'outre-mer qui le souhaitent de bénéficier d'institutions et de compétences aménagées, tout en renforçant leur ancrage dans la République. Ces collectivités seront, par ailleurs, pleinement prises en compte dans les textes en préparation relatifs à la décentralisation. J'ai toutefois tenu à inscrire dès maintenant dans le projet de loi de programme le principe de critères spécifiques à l'outre-mer pour la fixation des dotations de l'Etat.
Il s'agit ensuite de la refonte du dispositif de l'octroi de mer, principale ressource des collectivités. Vous savez à quel point le Gouvernement et les présidents de région se sont mobilisés à propos de ce dossier, que nous avons récemment défendu à Bruxelles devant M. le commissaire européen Bolkestein.
Il s'agit enfin de la défense des dossiers agricoles de l'outre-mer auprès de l'Union européenne. Je puis vous assurer que c'est, pour Hervé Gaymard et moi-même, un souci quotidien, et que nous agissons avec beaucoup d'énergie et de détermination.
J'ajoute que, au cours des consultations intenses auxquelles j'ai procédé avec tous nos partenaires pour préparer ce texte, j'ai été saisie de nombreuses propositions intéressantes et constructives. J'y donnerai suite, mais on ne les retrouve pas dans ce projet de loi, pour la seule raison qu'elles n'exigent pas l'intervention du législateur.
Au total, j'ai la conviction que ce projet de loi de programme pour l'outre-mer est un élément supplémentaire et déterminant dans la construction d'un outre-mer français qui, fort de ses atouts et conscient de ses handicaps, doit accéder à l'égalité économique avec la métropole.
Permettez-moi d'ajouter un dernier mot, mesdames, messieurs les sénateurs. Nous sommes aujourd'hui le 21 mai. Il y a deux ans, jour pour jour, une loi importante reconnaissant la traite et l'esclavage comme crime contre l'humanité était promulguée. En ce jour anniversaire et à la veille de la commémoration, en Martinique, de ce moment si douloureux de notre histoire qui nous impose à tous un devoir de mémoire, je souhaite prendre devant vous l'engagement de donner à cette loi sa pleine expression, en mettant en place par décret, comme cela est prévu à son article 4, le comité qui proposera de créer des lieux et d'organiser des actions, sur l'ensemble du territoire national, qui garantiront pour les générations à venir la pérennité de la mémoire de ce crime. Je considère qu'engager un débat important pour l'outre-mer en ce 21 mai a valeur de symbole et confirme que nos collectivités d'outre-mer sont bien au coeur de l'action gouvernementale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Marlène Mélisse, rapporteur, à qui je souhaite la bienvenue dans notre assemblée.
Mme Marlène Mélisse, rapporteur de la section des économies régionales et de l'aménagement du territoire du Conseil économique et social. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de programme pour l'outre-mer soumis aujourd'hui à la Haute Assemblée a fait l'objet d'un examen préalable par le Conseil économique et social. Celui-ci a en effet été saisi par lettre du Premier ministre en date du 23 janvier 2003.
En conséquence, c'est dans le cadre de l'article 69 de la Constitution et en ma qualité de rapporteure de la section des économies régionales et de l'aménagement du territoire que j'ai l'honneur de vous présenter, dans ses grandes lignes, l'avis examiné et adopté en séance plénière par le Conseil économique et social les 11 et 12 février derniers.
Auparavant, le Conseil avait unanimement salué l'initiative du Gouvernement de le consulter et ainsi de le conforter dans son rôle d'éclaireur de la décision publique.
Le Conseil a, en outre, souligné que cette consultation contribue indéniablement à faire régresser l'image d'un outre-mer exotique, agité et d'abord consommateur de solidarité, pour faire progresser la connaissance de territoires confrontés à des handicaps structurels liés à la géographie, à des retards accumulés en raison de l'histoire, à des inégalités qui perdurent et s'aggravent avec la mondialisation.
Ces territoires sont, cependant, des acteurs contributifs par l'impôt, par le volume de leurs importations en provenance de la France et de l'Europe, par la présence de la France qu'ils assurent sur trois continents.
Dans son avis, préparé dans un délai très court, le Conseil prend acte de l'objectif du Gouvernement de contribuer, au travers de ce projet de loi de programme, au développement économique et social durable et d'agir, pour y parvenir, sur trois fronts : l'emploi, la relance de l'investissement et la continuité territoriale.
S'appuyant sur une esquisse de bilan de l'action publique qui constitue la première partie de l'avis, le Conseil s'est attaché à apprécier les réponses apportées par le projet de loi au regard des problèmes posés par le développement de ces territoires et de l'objectif affiché.
Le Conseil a d'abord relevé que la fiscalité avait été choisie comme instrument privilégié d'intervention.
Le texte prévoit, en effet, la généralisation d'exonérations de charges afin de réduire le coût du travail et la reconduction du dispositif corrigé de défiscalisation.
Le Conseil observe que, de ce point de vue, les propositions contenues dans le projet de loi se situent dans la continuité des politiques publiques mises en oeuvre dans l'outre-mer depuis 1952, régulièrement corrigées mais toujours reconduites et amplifiées, sans que l'on ait pu véritablement mesurer leur incidence sur l'emploi et leur efficacité en vue de l'enclenchement d'une dynamique de développement endogène et durable.
Le Conseil souligne, en outre, le caractère controversé de ces mesures, ainsi que les risques que comportent, pour les territoires concernés et leur population, les choix d'investisssement externalisés conduisant à un développement échappant aux acteurs locaux et ne s'appuyant pas sur les capacités et les initiatives locales.
Il a été pris acte de ce que ces mesures ont fait l'objet de nombreux rapports, généralement critiques. Pour autant, faute de propositions de rechange, ils n'ont jamais conduit à une remise en cause.
Dans ces conditions, le Conseil regrette l'absence de moyens et de structures de pilotage, qui auraient permis de contenir les dérives, d'agir mieux et plus efficacement là où c'est nécessaire. Il prend acte de l'intention du Gouvernement, affichée dans le projet de loi, de procéder à des évaluations régulières, et insiste sur la nécessité de mettre en place un dispositif d'évaluation, qui devra pouvoir s'ouvrir aux collectivités locales comme aux partenaires sociaux et disposer de moyens effectifs et renforcés.
Quoi qu'il en soit, la permanence et le caractère récurrent des difficultés auxquelles l'outre-mer est confronté lui paraissent attester que ces mesures, à elles seules, ne peuvent suffire à enclencher une dynamique de développement durable, qu'elles doivent, pour que l'objectif puisse être atteint, s'inscrire dans le cadre de stratégies locales de développement négociées, s'appuyer sur les hommes et agréger des mesures complémentaires, qui font l'objet des recommandations du Conseil.
Ces réserves faites, s'agissant de l'objectif de développement durable, le Conseil considère que le projet de loi comporte des avancées indéniables dans le domaine de l'emploi et de l'investissement en faveur des secteurs les plus fragilisés des économies d'outre-mer.
A ce titre, il apporte des réponses concrètes aux urgences qui nourrissent la crise, réponses qui correspondent généralement aux demandes exprimées par de nombreux acteurs économiques et sociaux.
Le Conseil souligne en particulier les efforts prévus en faveur de l'emploi productif, qui ne remettent pas en cause le traitement social du chômage puisque les dispositifs antérieurs sont maintenus et conjugués avec les mesures nouvelles.
Le Conseil relève la présentation de mesures particulièrement favorables à l'emploi des jeunes, notamment de ceux d'entre eux qui sont diplômés et inscrits à l'ANPE ou qui relèvent des dispositifs pour l'emploi des jeunes. Il souligne le caractère innovant et incitatif de mesures nouvelles qui autorisent le cumul de plusieurs aides à l'emploi et qui paraissent de nature à renouveler le dialogue avec les entreprises, à élargir l'offre d'emploi et à favoriser effectivement le retour à l'emploi des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion.
Enfin, le Conseil remarque que le principe de la priorité à l'emploi local est posé pour la première fois et qu'un dispositif particulier est prévu en faveur de l'insertion professionnelle des jeunes Mahorais.
S'agissant de la défiscalisation, le Conseil considère que l'inscription du dispositif dans la durée - quinze ans - est de nature à donner de la lisibilité au système et à rassurer les investisseurs.
La réservation au secteur hôtelier de la « détunnelisation » et d'un taux exceptionnel de défiscalisation - 70 % pour la réhabilitation - lui paraît correspondre à la nécessité de privilégier la remise à niveau d'un parc hôtelier particulièrement dégradé et déjà important. Cette mesure pose toutefois, pour des régions accusant des retards en matière d'équipement dans ce domaine - Mayotte et la Guyane en particulier -, le problème du gel du parc hôtelier.
En revanche, s'agissant de la continuité territoriale, le Conseil considère que le projet de loi a le mérite d'en affirmer pour la première fois le principe, mais que le dispositif proposé se situe bien en deçà de celui qui avait été initialement annoncé et qui consistait à mettre en oeuvre un système analogue à celui dont bénéficient les régions ultrapériphériques. En l'état, le dispositif semble s'apparenter davantage à une aide au transport des personnes.
Le Conseil remarque par ailleurs qu'un certain nombre de questions qui conditionnent l'efficacité de la loi ne sont pas traitées. Il en est ainsi, notamment, de la situation financière des collectivités et des mesures qui doivent permettre d'accompagner celles-ci dans l'accomplissement de leur mission.
De même, le projet de loi ne prévoit aucune disposition pour renforcer les capacités d'analyse et de prospective locales, assurer les moyens d'une insertion régionale effective et renforcer les moyens de la formation initiale et professionnelle.
Le Conseil présente en conséquence, dans son avis, des mesures complémentaires, qui sont principalement les suivantes : étendre les exonérations de TVA aux services publics locaux et au logement ; préciser la composition du dispositif d'évaluation ; élargir les mesures de défiscalisation aux secteurs exclus, tels que la réparation automobile, les services aux entreprises et, spécialement, la navigation de plaisance, de sorte que l'activité touristique soit traitée comme un tout ; mettre en place localement des moyens effectifs de contrôle ; renforcer les moyens de la formation initiale et professionnelle ; faire de la formation professionnelle une condition d'éligibilité aux exonérations de charges ; conforter les moyens financiers et en ingénierie des collectivités locales ; créer un fonds d'activité d'utilité sociale pour rendre solvables les besoins de proximité, soutenir les petits projets locaux et élargir l'offre d'activité, eu égard à l'ampleur du chômage.
Le Conseil a, en outre, souhaité que certaines mesures puissent être amendées. Cela concerne les mesures de défiscalisation en faveur du parc hôtelier, le taux exceptionnel de 70 %, réservé aux opérations de réhabilitation, qui devrait pouvoir être étendu aux constructions neuves à Mayotte et en Guyane, le taux de rétrocession de l'avantage fiscal appliqué aux petits projets, qui doit être réduit pour faciliter leur montage, le plafonnement du prix du mètre carré du logement pour l'obtention de l'avantage fiscal, lequel doit mieux prendre en compte les différences de prix de marché entre les différents territoires, et, enfin, le plafond pour l'exonération des charges sociales, qui pourrait être porté à 1,4 SMIC pour les petites entreprises, voire à 1,5 SMIC lorsque celles-ci s'organisent en groupement de manière à faciliter les recrutements de cadres et à favoriser le dialogue social.
Le texte qui vous est soumis, mesdames, messieurs les sénateurs, a déjà évolué positivement à la marge, depuis que nous avons rendu notre avis, dans le sens que nous avons suggéré. Il évoluera sans doute encore, si j'en juge d'après les amendements d'ores et déjà déposés. C'est pourquoi je voudrais souligner, en guise de conclusion, que le développement est toujours une affaire complexe et un pari sur l'avenir. Il ne se décrète pas, mais se construit de manière pragmatique et à petits pas. Ce projet de loi de programme est une étape, un nouveau pas dans la bonne direction ; il faudra l'agréger à d'autres mesures et fonder sa mise en oeuvre sur l'action des hommes pour en garantir la pleine efficacité.
A coup sûr, une présence moins discrète des ressortissants de l'outre-mer dans leur environnement régional confortera les chances de ces collectivités de surmonter les défis singuliers auxquels la géographie et la mondialisation les confrontent. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Roland du Luart, rapporteur.
M. Roland du Luart, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous entamons l'examen en séance publique, et pour lequel l'urgence a été déclarée, constitue en quelque sorte l'« acte II » de la politique du Gouvernement dans le domaine de l'outre-mer.
La loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République du 28 mars dernier a donné à l'outre-mer un nouveau cadre institutionnel de nature à permettre les nécessaires adaptations à la diversité des situations locales et propice à la prise de responsabilités par les assemblées locales.
Après le volet institutionnel, nous abordons maintenant le volet économique et social du programme du Gouvernement.
Permettez-moi en préambule, madame la ministre - je crois pouvoir en cet instant parler au nom de l'ensemble de mes collègues - de vous dire combien nous sommes sensibles à votre choix de soumettre votre projet de loi en premier lieu au Sénat.
Lorsque l'on est saisi d'un tel projet de loi, deux questions viennent à l'esprit : pourquoi des mesures spécifiques à l'outre-mer ? Pourquoi une nouvelle loi sur l'outre-mer, deux ans et demi après l'entrée en vigueur de la loi d'orientation de décembre 2000 ?
La réponse à la première de ces questions est connue, mais les éléments du diagnostic méritent d'être rappelés : l'outre-mer, comme d'ailleurs la Corse, est confronté à des handicaps spécifiques, dont la correction nécessite des mesures particulières. Ces handicaps sont reconnus par l'article 299-2 du traité d'Amsterdam. Quels sont-ils ?
Ils sont, tout d'abord, d'ordre géographique. C'est une évidence, certes, mais il faut le rappeler : la distance est un facteur qui augmente les coûts des produits importés de 15 % à 20 %, si l'on prend en compte le transport et le stockage.
Le climat est également à prendre en considération, ainsi que les risques naturels.
Ces singularités géographiques créent donc des conditions forcément différentes de celles de la métropole, il est important d'en avoir conscience.
Les handicaps sont également économiques.
Les difficultés de l'outre-mer peuvent se mesurer avec quelques chiffres : le handicap de productivité oscille, selon l'INSEE, entre 30 % et 60 % par rapport à la métropole, à cause, notamment, d'un manque de formation professionnelle ; le produit intérieur brut par habitant s'établit à environ 50 % de la moyenne communautaire ; le chômage touche plus d'un tiers de la population.
Je voudrais enfin évoquer brièvement la crise grave que traverse le secteur du tourisme, et qui constitue, madame la ministre, un des grands axes de votre projet de loi.
Le tourisme, un des domaines les plus prometteurs pour l'outre-mer, connaît une situation difficile, en partie due, reconnaissons-le, à l'ampleur des conflits sociaux récents, que nous avons tous présents à l'esprit.
Pour autant, il faut relever que les structures touristiques, notamment hôtelières, ne sont plus adaptées à une clientèle exigeante qui se tourne de plus en plus vers des concurrents moins chers et parfois - hélas ! - de meilleure qualité, comme Cuba ou Saint-Domingue.
En outre, et vous l'avez rappelé, madame la ministre, la desserte aérienne souffre du monopole d'Air France et de la faillite de certaines compagnies. Nous savons que vous êtes bien consciente de cette question, et que vous avez pris, avec votre collègue Gilles de Robien, certaines initiatives, dont vous pourrez peut-être nous parler.
Seconde question : pourquoi une nouvelle loi deux ans et demi après la nouvelle loi d'orientation, qui commence tout juste à être mise en oeuvre ?
Vous nous direz ce que vous en pensez, madame la ministre, mais j'ai le sentiment qu'il s'agit, en premier lieu, moins de faire table rase de tout ce qui a été voté en 2000 que de réorienter la politique de l'Etat outre-mer vers l'aide au secteur marchand, afin de rompre avec la logique d'assistance et de mise sous perfusion qui sous-tendait en partie les orientations de vos prédécesseurs, et je tiens à vous en féliciter.
En deuxième lieu, il s'agit de procéder à des innovations témoignant de l'ambition pour l'outre-mer dont fait preuve le Gouvernement. Je pense en particulier à la création de la dotation de continuité territoriale, qui s'inscrit dans le cadre d'une politique globale en faveur de la desserte aérienne de l'outre-mer et de l'amélioration de la mobilité de nos compatriotes ultramarins.
En troisième lieu, et j'y reviendrai quand j'évoquerai le volet fiscal du projet de loi, il s'agit de remettre en ordre de marche des mécanismes quelque peu grippés par les évolutions législatives récentes.
Pour examiner votre projet de loi, madame la ministre, le Sénat s'est mobilisé. Cinq commissions permanentes sur six sont saisies. La commission des finances, saisie au fond, a choisi de s'en remettre aux commissions saisies pour avis pour les articles relevant directement de leur champ de compétence, afin de garantir la qualité de l'expertise des dispositions qui nous sont proposées.
Je laisserai donc, mes chers collègues, aux rapporteurs pour avis le soin de vous présenter les dispositions qu'ils ont examinées.
Je voudrais simplement, avant de présenter les aspects sur lesquels la commission des finances s'est prononcée, attirer votre attention sur le fait que, selon l'étude d'impact, les dispositions du projet de loi représenteront un coût annuel supplémentaire pour l'Etat de 240 millions d'euros à 250 millions d'euros.
Dans le contexte budgétaire plus que tendu que nous connaissons aujourd'hui, une telle exception au profit de l'outre-mer montre que le Gouvernement attend des mesures proposées un rapport coût-avantages particulièrement élevé.
J'en arrive au volet fiscal, et en particulier aux modifications apportées au dispositif de défiscalisation qui, en termes d'impact budgétaire, est le plus important du projet de loi : le Gouvernement annonce une dépense fiscale supplémentaire de l'ordre de 164 millions d'euros.
Les entreprises d'outre-mer bénéficient, de manière d'ailleurs justifiée, d'importants avantages en matière fiscale et en matière d'allégements de charges sociales. Il convient cependant d'être conscient que la portée de ces avantages pourrait être anéantie si les entreprises d'outre-mer venaient à perdre la protection que constitue pour elles l'octroi de mer, cet impôt dont le régime, mis en place en 1992, expire à la fin de l'année et qui est en cours de renégociation devant la Commission européenne. Où en est ce dossier, madame la ministre ? A-t-on déjà une idée des modifications qui devront être apportées au régime de l'octroi de mer ?
Cela étant dit, j'en viens à la défiscalisation elle-même.
En résumé, mes chers collègues, les modifications proposées constituent non pas une remise en cause de la logique de la défiscalisation, qui reste la même depuis 1986, mais des aménagements techniques visant à débloquer le marché de la défiscalisation, étouffé depuis deux ans par certaines obligations issues de la loi Paul qui ont notamment pour effet de rendre plus difficile la constitution de « tours de table » pour financer des investissements, ou encore de freiner l'accès au financement défiscalisé pour les petites entreprises.
J'ai été particulièrement sensible, madame la ministre, au fait que les modifications que vous proposez reprennent en grande partie les propositions que j'avais formulées au nom de la commission des finances, en novembre dernier, dans un rapport d'information. Il en va ainsi, par exemple : de l'inversion de la logique de la défiscalisation, en partant du principe que toutes les activités sont éligibles sauf celles qui sont explicitement exclues ; de la recherche d'une compatibilité entre la procédure de l'agrément et celle de la notification à la Commission européenne ; de la réduction du taux de rétrocession pour les plus petits projets ; ou encore de la possibilité de moduler le taux de la réduction d'impôt dans certains secteurs d'activité.
Sur d'autres points, notamment en matière de seuils, vous retenez une approche différente de celle que j'avais proposée, mais je me rallie bien volontiers à votre logique.
Par ailleurs, au sein du dispositif général de défiscalisation, vous proposez un régime spécifique pour le secteur de l'hôtellerie, en rétablissant partiellement la « détunellisation ».
La commission des finances s'est efforcée de renforcer, sur tel ou tel point, l'efficacité du dispositif proposé. Nous en débattrons lors de l'examen des articles.
A ce stade de la discussion, madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer l'état d'avancement de la procédure de notification à la Commission européenne des aides d'Etat prévues par votre projet de loi ? Je rappelle, mes chers collègues, que le précédent gouvernement avait rendu applicable sa réforme de la défiscalisation le 1er janvier 2001, alors que la Commission européenne ne l'avait déclarée conforme au droit communautaire que onze mois plus tard.
Avant de conclure, j'évoquerai les deux derniers articles du projet de loi, qui ont pour objet, d'une part, d'autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnances dans un grand nombre de domaines et, d'autre part, de ratifier vingt-trois ordonnances publiées ces dernières années.
Il faut se féliciter de la poursuite du mouvement d'actualisation et de modernisation engagé en 1998. Il importe cependant que nous veillions, mes chers collègues, à ce que la procédure de l'article 38 de la Constitution soit suffisamment encadrée, et en particulier que le champ de l'habilitation soit défini très précisément. En effet, le Parlement doit savoir très exactement dans quels domaines il se dessaisit temporairement de son pouvoir législatif. Nous devons également nous assurer que le champ de l'habilitation est adapté aux modifications que le Gouvernement souhaite apporter au droit applicable outre-mer. Il serait en effet dommage de découvrir, une fois l'habilitation votée, que son champ est trop étroit.
Il faut encore plus se féliciter du fait que l'article 44 du projet de loi prévoit la ratification d'un grand nombre d'ordonnances. La Constitution n'impose pas de délai pour la ratification. Il importe cependant qu'elle intervienne le plus tôt possible.
Apurer le passé, ajuster l'existant, fournir un cadre pour quinze ans à la politique de l'Etat en matière de soutien au développement de l'outre-mer : votre projet de loi est tout cela à la fois, madame la ministre. Il est ambitieux, et au Sénat, nous partageons cette ambition. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis.
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a largement souscrit aux lignes directrices du projet de loi de programme qui nous est aujourd'hui soumis.
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2003, le Gouvernement en avait annoncé l'économie générale, en précisant que ce texte serait ambitieux puisqu'il a vocation à s'appliquer pendant quinze ans, et novateur, car il comporte des mesures nouvelles importantes. C'est donc avec satisfaction que la commission des affaires sociales accueille aujourd'hui ce texte, visant à donner à l'outre-mer les moyens de surmonter des difficultés sociales toujours préoccupantes.
Ce défi est, pourtant, de plus en plus difficile à réaliser : budgets et programmations pluriannuelles se sont succédé, ces dernières années, sans jamais guérir complètement les maux économiques et sociaux de l'outre-mer.
Le réalisme ne doit pas pour autant céder au fatalisme. En effet, l'outre-mer, véritable laboratoire d'idées, manifeste des signes de redressement. Il a été à l'origine de nombreux succès, comme le service militaire adapté ; il a lancé des initiatives importantes dont s'inspire aujourd'hui la métropole, comme le revenu minimum d'activité et le titre de travail simplifié ; il a été le terrain privilégié de nombreuses expérimentations, comme les mesures en faveur de la mobilité professionnelle et de l'insertion des jeunes dans le secteur marchand.
Cette réactivité est, en grande partie, à l'origine du mouvement général de baisse du chômage, en particulier des jeunes, et de l'augmentation continue de l'emploi. Ainsi, depuis 1997, le taux de chômage a diminué de 10 %. Parallèlement, le nombre de créations d'emploi a crû de plus de 4 % quand il n'augmentait que de moitié en métropole. Ces évolutions positives sont à mettre sur le compte d'une conjonction de facteurs favorables, comme le ralentissement du dynamisme démographique ou les politiques d'allégement du coût du travail engagées par la loi Perben.
Cependant, chaque étape dans le progrès social est venue buter sur des handicaps structurels lourds, quasiment inconnus en métropole : dynamisme démographique, insularité des territoires, environnement concurrentiel, chômage de longue durée, faiblesse de la formation initiale. Les réponses ont été diverses : décentralisation, relèvement des dotations budgétaires, y compris communautaires, renforcement de la continuité territoriale, traitement social du chômage, politique de l'offre. Mais le rattrapage espéré est resté en deçà des attentes.
En privilégiant la politique de l'offre, seule voie durablement efficace en matière de lutte contre le chômage et d'insertion professionnelle, la loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000 aurait pu apporter les réponses attendues. Mais, comme le soulignait alors la commission des affaires sociales, ella a laissé une impression d'inachevé, le Gouvernement ayant préféré s'arrêter au milieu du gué, quand on attendait de lui qu'il agisse vite et fort.
D'abord, le dispositif d'allégement de charges sociales prévu par la loi d'orientation s'est révélé particulièrement pénalisant pour les entreprises dépassant le seuil de dix salariés. Ensuite, l'utilisation des mesures en faveur des jeunes s'est avérée nettement en retrait par rapport aux attentes. Quant au dispositif de lutte contre l'exclusion et l'égalité sociale, il commence à peine à produire ses effets en raison de nombreuses contraintes.
Cette loi d'orientation était, pourtant, supposée « sortir l'outre-mer du cycle du pessimisme et de l'assistance pour entrer dans celui du développement ». Force est de constater que, malgré les efforts engagés, la situation sociale de l'outre-mer reste source d'inquiétudes.
D'une part, en matière d'emploi, les écarts avec la métropole persistent en raison du ralentissement de la décrue du chômage et de la reprise du chômage de longue durée.
D'autre part, en matière d'insertion, la montée de l'exclusion démontre que le traitement social du chômage ne saurait tenir lieu de politique. De fait, le RMI, dont vivent 20 % de la population, a acquis un poids considérable dans les sociétés ultramarines, sans commune mesure avec la métropole. En conséquence, les voies de l'insertion sont étroites, comme en témoigne l'importance des emplois aidés et du travail clandestin. Ces chantiers restent donc prioritaires.
Or, à la gestion des handicaps traditionnels s'ajoutent de nouveaux défis institutionnels, sociaux et économiques, qui placent l'outre-mer à la croisée des chemins.
Il faut, d'abord, relever le défi de la décentralisation. La loi du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République tend, en effet, à reconnaître les collectivités d'outre-mer dans la diversité de leur statut, ce qui entraîne nécessairement un traitement diversifié de chaque territoire.
Il faut ensuite lutter contre la dégradation - avérée ou non - du climat social. La crise du tourisme et la multiplication des conflits sociaux témoignent de la concurrence de plus en plus vive que doivent subir les collectivités d'outre-mer de la part de leurs voisins directs, ce qui pose de nouveau la question d'une meilleure intégration dans leur zone géographique.
Enfin, se pose la question du maintien en l'état des aides communautaires après 2006. A la suite du Conseil européen de Séville, la Commission européenne est appelée à redéfinir les critères d'éligibilité à l'objectif 1 des régions ultrapériphériques de l'Union européenne, dont font partie les départements d'outre-mer. Sur ce point, mes chers collègues, je vous renvoie à l'excellent rapport que notre collègue Jean-Paul Virapoullé a remis au Premier ministre le 12 mars dernier.
Face à cette nouvelle donne, le projet de loi de programme, porté par un budget important, apporte des solutions équilibrées, répondant ainsi aux engagements forts du Président de la République.
Les mesures proposées dans le présent projet de loi de programme visent à mettre en oeuvre deux priorités : d'une part, l'insertion des jeunes et des exclus et, d'autre part, la réorientation de la politique de l'emploi en direction du secteur marchand, notamment à travers son titre Ier, sur lequel porte le présent avis.
Trois axes forts se dégagent des dispositions sociales du projet de loi de programme.
D'abord, ce texte prévoit un dispositif d'allégement du coût du travail, qui se décline en trois volets.
Le premier concerne les exonérations de charges sociales en faveur des entreprises. Le projet de loi de programme supprime le mécanisme dégressif prévu par la loi d'orientation, qui pénalisait les entreprises dépassant le seuil de dix salariés. En effet, ces entreprises n'étaient exonérées de charges sociales pour les dix premiers salariés que durant un an. Ces exonérations étaient ensuite progressivement supprimées sur cinq ans, à un rythme dégressif. Les entreprises renonçaient donc souvent à recruter un onzième salarié, préférant recourir aux heures supplémentaires, parfois non déclarées. En outre, les allégements proposés sont étendus aux entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics, ainsi qu'aux entreprises de transport desservant l'outre-mer. Le Gouvernement répond ainsi aux souhaits exprimés par la commission des affaires sociales lors de l'examen du projet de loi d'orientation.
Pour les secteurs exposés, le projet de loi de programme renforce significativement les allégements de charges sociales, et ce sans condition d'effectif. Ainsi, s'agissant des activités touristiques, le relèvement des plafonds d'exonération de charges sociales sera décisif pour des entreprises qui concentrent une part non négligeable de l'emploi salarié dans les départements d'outre-mer.
Ces mesures très attendues sont, de fait, beaucoup plus volontaristes que la loi d'orientation dont, du reste, elles corrigent les insuffisances. Elles auront vocation à relancer l'emploi marchand par une politique de l'offre, que votre commission des affaires sociales n'a eu de cesse d'appeler de ses voeux.
Le deuxième volet concerne les exploitants agricoles dont les terres dépassent quarante hectares. En effet, en subordonnant l'exonération de charges sociales prévue à la diversification de la production ou à la mise en valeur de terres incultes, le Gouvernement répond à la nécessité de valoriser des territoires où l'espace utile est compté, en particulier à la Réunion.
Le troisième volet accorde aux marins en début d'activité une exonération de cotisations sociales pendant vingt-quatre mois, quand la loi d'orientation limitait cette mesure aux travailleurs indépendants.
De manière novatrice, l'ensemble de ces mesures fera l'objet d'une évaluation triennale qui servira de fondement à leur éventuelle adaptation. La commission des affaires sociales s'en félicite tout particulièrement.
Ensuite, le projet de loi comporte un dispositif ambitieux en faveur de l'insertion professionnelle des jeunes dans le secteur marchand.
En premier lieu, le succès croissant du service militaire adapté, le SMA, auprès de la jeunesse ultramarine est conforté grâce à son extension à la quasi-totalité des collectivités d'outre-mer et les conditions d'application de la formation qu'il dispense sont précisées. Ces dispositions sont essentielles au bon fonctionnement du SMA, qui a réussi à insérer professionnellement 100 000 jeunes depuis sa création. La commission des affaires sociales a tenu tout de même à porter à votre connaissance qu'entre 1994 et 2000 les crédits consacrés au SMA ont diminué de 6 millions d'euros à 1 million d'euros. Aujourd'hui, le Gouvernement a décidé un relèvement substantiel du budget consacré au SMA. Si cet effort doit être salué, la commission des affaires sociales a estimé qu'il n'en demeure pas moins insuffisant par rapport à l'ambition que l'on souhaite donner au SMA. Dès lors, dans les années à venir, l'effort devra être poursuivi et amplifié afin de garantir la qualité et la sécurité des infrastructures, ainsi que la motivation des formateurs.
En deuxième lieu, l'embauche en CDI, contrat à durée indéterminée, de jeunes diplômés dans les petites entreprises fera l'objet d'une aide de l'Etat, cumulable avec les exonérations de charges patronales. Cette disposition vise à renforcer l'encadrement des petites entreprises, tout en facilitant l'insertion professionnelle des jeunes diplômés de manière durable. A Mayotte, une prime à la création d'emplois aura pour objet de favoriser l'insertion des jeunes chômeurs dans le secteur marchand. Parallèlement, la transition intergénérationnelle au sein de l'entreprise sera renforcée grâce à un congé solidarité beaucoup plus attractif. Surtout, le contrat d'accès à l'emploi devient l'outil privilégié de l'insertion à la fois des bénéficiaires d'emplois-jeunes en fin de contrat et des bénéficiaires du RMI.
Sur ce point, la commission, qui n'a eu de cesse, dans ses avis précédents, d'alerter sur les impasses auxquelles mène inévitablement une politique de l'emploi exclusivement axée sur les contrats non marchands, se félicite de la volonté du Gouvernement d'insérer durablement les publics en difficulté dans le secteur marchand.
Toutefois le développement des emplois marchands ne suffit pas, à lui seul, à prendre en compte l'ensemble des problématiques sociales liées au chômage. Il est donc apparu impératif à la commission d'associer à cette nouvelle politique des moyens en faveur de l'accompagnement des titulaires de contrats aidés.
Enfin, ce projet de loi comporte un dernier volet consacré à la simplification administrative à travers le titre de travail simplifié, le TTS. Limité par la loi d'orientation aux entreprises de moins de onze salariés, le recours au TTS, véritable outil de simplification administrative pour les entreprises, est étendu, dans l'espace, à Saint-Pierre-et-Miquelon et, dans le temps, au-delà de cent jours de travail par an, pour devenir un contrat à durée indéterminée. La mesure devrait permettre de renforcer la transparence des emplois occasionnels et clandestins.
Mes chers collègues, la commission des affaires sociales ne peut donc que souscrire au volet social du présent projet de loi de programme. Non seulement il comble les insuffisances de la loi d'orientation qu'elle avait dénoncées en son temps, mais, de plus, il apporte un souffle nouveau à la politique de l'emploi outre-mer.
En complément, le Gouvernement souhaite, à l'article 43, être habilité à prendre par ordonnances des mesures d'adaptation du droit outre-mer dans trois matières : le droit du travail, le droit de la santé, en particulier en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, ainsi que le droit de la prévention et de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles à Mayotte.
Parallèlement à l'article 44, le Gouvernement propose la ratification d'une série d'ordonnances sociales prises en vertu des deux lois d'habilitation du 25 octobre 1999 et du 12 juin 2001.
Sur ce point, je souhaiterais porter à votre connaissance l'amendement que j'ai présenté, à titre personnel, avec Mme Payet, sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit. Ce projet de loi comportait en effet une disposition habilitant le Gouvernement à simplifier le droit de la santé à Mayotte, qui recoupe l'habilitation figurant à l'article 43 du présent projet de loi. Par souci de cohérence, j'ai obtenu de nos collègues le transfert de l'habilitation relative au droit de la santé du projet de loi de simplification administrative au présent projet de loi de programme.
Considérant que les collectivités d'outre-mer, placées dans une situation d'urgence sociale, ne sauraient s'accommoder plus longtemps d'une politique de l'emploi aux contours mal définis, la commission des affaires sociales vous propose, mes chers collègues, d'une part, d'améliorer l'efficacité des dispositifs du texte et, d'autre part, d'en renforcer la cohérence dans un souci de clarté et d'équité.
Une première série d'amendements vise à améliorer l'efficacité des mesures contenues dans le projet de loi de programme, notamment en précisant le champ des collectivités concernées par les mesures d'allégements de charges sociales, en garantissant toute leur souplesse aux mesures d'insertion professionnelle des jeunes et en allégeant les contraintes financières et réglementaires pesant sur les entreprises qui embauchent.
Par ailleurs, la commission a tenu à rendre les dispositifs en faveur de l'emploi plus équitables.
Ce souci d'équité entre les collectivités d'outre-mer doit prévaloir. Ainsi, malgré leurs spécificités, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon doivent pouvoir bénéficier des mêmes avantages que les départements d'outre-mer.
Parallèlement, la commission a estimé nécessaire qu'un plus grand nombre de secteurs économiques et de professions dont l'activité est décisive pour le développement outre-mer soient également concernées par les mesures d'allégement de charges sociales.
Enfin, l'effort en faveur de l'insertion professionnelle des titulaires du revenu minimum d'insertion ne doit pas s'accompagner d'un recul en matière de garanties sociales.
La commission des affaires sociales a également souhaité améliorer la clarté de ce projet de loi de programme sur divers points. Elle a tenu notamment à renforcer la cohérence entre les nombreux projets soumis actuellement au Parlement et à préciser le champ d'application des mesures en faveur de l'emploi.
Efficacité, équité et clarté, tels sont les trois principes qui ont guidé la commission dans son souci de contribuer à l'élaboration d'un texte qu'elle a jugé utile et volontariste. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis.
M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de programme pour l'outre-mer intervient dans un contexte économique difficile. Alors que le chômage touche durablement une part très importante des populations d'outre-mer et représente deux à trois fois le taux moyen enregistré en métropole, les investissements diminuent depuis trois ans et l'emploi ne progresse pas. Cette conjoncture défavorable est particulièrement perceptible dans le secteur du tourisme, dont la crise fragilise l'économie entière de certains départements d'outre-mer, comme la Martinique et la Guadeloupe.
Il est vrai que la proximité de pays en voie de développement offrant des coûts de production peu élevés constitue une concurrence redoutable pour des collectivités d'outre-mer dont le régime juridique et social est aligné sur celui de la métropole.
Par ailleurs, les collectivités d'outre-mer connaissent des retards importants dans de nombreux domaines, comme celui des infrastructures ou de la politique environnementale. Par exemple, le traitement des déchets souffre du manque d'usines d'incinération et de la difficulté à pratiquer le recyclage. A bien des égards, toute action publique est plus difficile à mettre en oeuvre outre-mer en raison de la distance et de l'insularité.
Pour répondre à cette situation, le présent projet de loi propose des mesures fortes, articulées autour de l'allégement du coût du travail en vue de favoriser l'emploi et d'un renforcement de la défiscalisation pour relancer l'investissement.
La saisine de notre commission porte sur une dizaine d'articles se rapportant à des domaines variés, qui vont du logement social au droit de l'eau en passant par la politique des transports.
En matière de logement social, les dispositions examinées par la commission des affaires économiques sont celles qui figurent aux articles 33, 34 et 35 du projet de loi.
Il convient d'insister sur l'importance des besoins dans le domaine du logement social, estimés à plus de 10 000 logements nouveaux chaque année.
Si une grande partie des logements relèvent du secteur locatif, il importe de ne pas négliger l'accession sociale à la propriété, qui est garante d'une certaine mixité sociale dans les quartiers et d'un bon entretien du parc de logement.
La commission a également examiné l'article 38 du projet de loi, qui prévoit d'associer les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes responsables des SCOT à l'élaboration, par les régions, des schémas d'aménagement régional, et l'article 39, qui reconnaît une compétence à ces régions pour créer et gérer des infrastructures de transport ferroviaire. Cette dernière disposition vise à permettre la réalisation d'un projet particulier à la Réunion, où il n'existe pas de voies ferrées à caractère national.
La commission des affaires économiques a pris note de la création, à l'article 41, d'une redevance sur les prélèvements d'eau au profit des offices de l'eau dans les DOM, sur le modèle de la redevance perçue en métropole par les agences de bassin. Cette redevance, qui pourrait rapporter chaque année entre 1,37 million et 13,5 millions d'euros aux offices, devrait leur permettre de conduire une véritable politique de gestion de l'eau, d'autant plus nécessaire que les territoires d'outre-mer sont souvent confrontés à une disponibilité irrégulière de cette ressource.
La commission des affaires économiques se félicite de la création, à l'article 42, d'une dotation de continuité territoriale au profit des collectivités d'outre-mer.
Allouée chaque année par l'Etat, cette dotation, qui devrait représenter 30 millions d'euros, servira, selon le projet de loi, à faire bénéficier les résidents d'une aide au transport aérien pour leurs trajets vers la métropole.
Au-delà du transport des personnes, qui a incontestablement une forte dimension sociale, la continuité territoriale devrait également concerner le transport des marchandises, pour lesquelles la distance induit un surcoût important.
La possibilité d'utiliser la dotation de continuité territoriale pour subventionner le fret supposerait que soit prévue une enveloppe budgétaire plus importante que celle qui est envisagée. Or nous savons que le contexte budgétaire est tendu. Certains amendements poseront toutefois utilement le débat. Le traitement du volet fret est, en effet, indispensable pour favoriser une diversification des activités économiques des collectivités d'outre-mer.
L'article 43 habilite le Gouvernement à prendre des ordonnances dans des domaines variés, dont certains relèvent de la compétence de la commission. Ces ordonnances visent à rattraper un certain retard dans la législation des collectivités d'outre-mer tout en adaptant le droit métropolitain. Mayotte est particulièrement concernée, puisqu'il s'agira d'y créer une chambre d'agriculture et de mettre en valeur sa zone des cinquante pas géométriques.
Une autre ordonnance importante visera à donner une législation forestière à la Guyane. Notre collègue Georges Othily avait déposé, en 1999, une proposition de loi dans ce sens. Sur le fondement de ce texte, une concertation a été conduite sur le terrain ; elle devrait déboucher, nous l'espérons, sur une publication rapide de l'ordonnance. Elle devrait doter la Guyane d'un régime forestier inspiré du code forestier et permettre un meilleur contrôle des infractions par l'Office national des forêts.
En outre, cette ordonnance devrait autoriser des cessions gratuites de parcelles à des communes ou à des communautés d'habitants. Il convient de rappeler que la forêt guyanaise, qui est, avec près de 8 millions d'hectares, la première forêt tropicale de l'Union européenne, relève aujourd'hui, pour l'essentiel, du domaine privé de l'Etat.
Enfin, à l'article 44, la commission des affaires économiques a examiné les dispositions visant à ratifier trois ordonnances. La première est relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles à Wallis-et-Futuna, la deuxième, à l'application du code de l'aviation civile à plusieurs collectivités d'outre-mer et, la troisième, au service public de l'électricité à Mayotte.
En conclusion, on peut dire que ce projet de loi marque des avancées très importantes et consent un véritable effort d'ordre fiscal, pour l'outre-mer français. Bien entendu, tous les problèmes n'ont pu être traités dans ce cadre. Ainsi, dans le domaine agricole, outre l'inquiétude que suscite l'avenir de l'organisation commune du marché de la banane, des problèmes particuliers se posent, liés notamment à la pression foncière qui s'exerce sur les terres agricoles. Il conviendra d'examiner cette question à l'occasion de la discussion du projet de loi sur les affaires rurales.
De manière générale, il importera, dans chaque domaine des politiques publiques, de continuer à prendre en compte la spécificité, la fragilité et le retard de ces territoires, notamment sur le plan économique. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'excellent rapporteur de la commission des finances concluait que l'actuel projet de loi de programme pour l'outre-mer était ambitieux. Il l'est d'autant plus dans le contexte de maîtrise des finances publiques que nous connaissons. De ce point de vue, on peut dire qu'un effort important est consenti. Toutefois, il n'est pas facile d'évaluer un tel projet, car, comme l'a souligné M. du Luart, des recettes supplémentaires pourront être induites par le développement économique.
Le rapporteur de la commission de finances ainsi que les différents rapporteurs pour avis viennent de décliner les principales dispositions de ce projet de loi de programme, qui concernent avant tout l'emploi, le soutien à l'économie, le logement et les collectivités locales.
La commission des lois, pour sa part, outre l'article 40 concernant l'exercice des pouvoirs de police sur la voirie nationale résultant du transfert de cette voirie aux régions d'outre-mer, a examiné avec attention le titre VI, qui a pour objet d'actualiser le droit d'outre-mer. Les deux articles de ce titre ont pour objectif de mettre à niveau le droit applicable outre-mer, dans le respect des spécificités de ces collectivités.
C'est une nouvelle et large habilitation qui est donnée au Gouvernement dans l'article 43 afin que soit actualisé le droit applicable outre-mer sur le fondement de l'article 38 de la Constitution.
Le texte qui nous est présenté répond d'ailleurs aux exigences définies par le juge constitutionnel pour la mise en oeuvre de cet article 38 de la Constitution.
Ces exigences sont de trois ordres.
Premièrement, la finalité de la demande d'habilitation est globalement indiquée, et l'article 43 énumère pour chaque collectivité les matières dans lesquelles interviendront les ordonnances.
Le rapporteur de la commission des lois a d'ailleurs été rendu destinataire, pour les points relevant de cette commission - mais ce fut sans doute le cas pour les rapporteurs des autres commissions saisies -, d'avant-projets d'ordonnances ou de notes de présentation permettant de cerner précisément le champ d'habilitation et d'appréhender les objectifs poursuivis.
Certaines rubriques concernent non seulement les collectivités soumises au principe de spécialité législative, mais également des départements d'outre-mer.
Deuxièmement, l'article 43 du projet de loi indique les délais impartis au Gouvernement pour prendre les ordonnances, délais variables selon la complexité de la législation à intervenir, et pour déposer les projets de loi de ratification.
Troisièmement, la délégation ne porte pas sur des mesures relevant de la loi organique, ce qu'interdit la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Il est prévu, enfin, la consultation des assemblées délibérantes - et, pour les Terres australes et antarctiques françaises, celle du conseil consultatif - sur les projets d'ordonnances. (M. Georges Othily s'étonne.)
Oui, monsieur Othily, nous n'allons pas consulter les populations !
S'agissant du régime communal de Polynésie française, il y a lieu de noter que l'habilitation visée au 4° c) ne saurait être mise en oeuvre que si une loi organique définissant la répartition des compétences et les relations financières avec le territoire était votée préalablement. Des dispositions en ce sens pourraient figurer dans le projet de loi statutaire consacré à la Polynésie française, consécutif à la dernière révision constitutionnelle. Ce serait l'occasion de rattraper le retard apporté à cette réforme...
M. Gaston Flosse. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. ... puisqu'un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire concernant le régime communal applicable en Polynésie française ont été déposés au printemps 1998 sur le bureau du Sénat mais n'ont jamais été inscrits à l'ordre du jour.
Rappelons que le projet de loi qui nous est soumis a été déposé avant la révision constitutionnelle résultant de la loi du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République. L'article 74-1 de la Constitution résultant de l'application de son article 11 prévoit en effet une procédure spécifique d'habilitation du Gouvernement lui permettant, en ce qui concerne les collectivités d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie, d'étendre par ordonnances, avec les adaptations nécessaires, les dispositions législatives en vigueur en métropole ; toutefois, il est exigé une ratification explicite de ces ordonnances dans les dix-huit mois suivant leur publication.
Cette procédure permet au Gouvernement de faire l'économie d'une loi d'habilitation et d'accélérer le processus d'actualisation du droit applicable outre-mer, souvent freiné par l'encombrement du calendrier législatif. Elle permettra sans doute aussi de pallier le peu d'empressement mis par divers ministères à procéder à l'extension des dispositions législatives à l'outre-mer. Elle n'interdit pas, bien entendu, de continuer à utiliser la procédure de l'article 38, qui peut paraître moins contraignante à certains égards.
Il faut se féliciter qu'à travers l'article 44 du projet de loi nous soit proposée la ratification de vingt-trois ordonnances prises pour l'actualisation du droit applicable outre-mer depuis le début de l'année 2000 et résultant de trois lois d'habilitation.
Les projets de loi de ratification n'ont jamais été inscrits jusqu'à présent à l'ordre du jour du Parlement, ce qui est regrettable. En effet, comme l'a souligné à plusieurs reprises la commission des lois - je le fais moi-même régulièrement dans le rapport que j'établis sur le budget de l'outre-mer - la modernisation du droit applicable outre-mer risque d'avoir pour contrepartie, en raison de l'absence de l'inscription à l'ordre du jour des assemblées des projets de loi de ratification, hormis une ratification implicite, une complexification extrême de la hiérarchie des normes et une multiplication du contentieux, le bénéfice des avancées enregistrées étant annulé par une confusion accrue de l'ordonnancement juridique.
En effet, comme l'observait le président Garrec à l'occasion du débat relatif à la révision constitutionnelle concernant l'article 74-1, « les dispositions contenues dans les ordonnances, sauf ratification implicite résultant d'une modification opérée par une loi ultérieure et leur conférant valeur législative, [devenaient] vulnérables car elles [pouvaient] être contestées devant le juge administratif » ; « ce risque contentieux [était] d'ailleurs susceptible d'affecter, par ricochet, la loi métropolitaine que l'ordonnance avait précisément pour objet d'étendre à l'outre-mer ».
C'est donc un avis très favorable que la commission des lois émet sur l'article 44 ainsi que sur les dispositions permettant d'ouvrir un nouveau champ d'actualisation du droit applicable outre-mer, sous réserve de l'adoption de deux amendements visant à ôter du texte certaines dispositions qui n'ont pas à faire l'objet d'une habilitation, puisqu'elles ont été déjà inscrites dans la loi ; je pense notamment aux dispositions relatives à la violence routière. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Victor Reux, rapporteur pour avis.
M. Victor Reux, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le système éducatif et de formation a un rôle éminent à jouer dans la perspective visée par le présent projet de loi de programme : il s'agit de promouvoir, sur le long terme, un développement économique durable pour l'outre-mer.
C'est pourquoi la commission des affaires culturelles s'est saisie pour avis des articles qui visent à favoriser l'insertion sociale et professionnelle des jeunes par l'école et la formation, notamment des articles 11 et 12, ainsi que de l'alinéa qui procède à la ratification de l'ordonnance du 19 avril 2000 portant prolongation de la scolarité obligatoire dans le territoire des îles Wallis-et-Futuna.
Ces mesures s'inscrivent dans la volonté du Gouvernement de faire prévaloir une logique d'activité et de responsabilité pour l'outre-mer. Elles participent donc d'une inspiration que la commission ne peut qu'approuver. En outre, elles répondent de façon positive aux fortes attentes des populations et des autorités ultramarines, dans le contexte spécifique que connaissent les collectivités d'outre-mer.
En premier lieu, il faut bien reconnaître que, si la lutte contre l'échec scolaire est aujourd'hui considérée comme une priorité nationale, la situation est d'autant plus urgente dans les départements d'outre-mer.
Ce constat s'impose en raison de caractéristiques que je soulignais déjà au moment de l'examen, en 2000, de la loi d'orientation pour l'outre-mer.
Les populations sont tout d'abord très jeunes et leur évolution est dynamique : à la Réunion, les effectifs scolarisés représentent environ 30 % de la population totale. La Guyane doit en outre scolariser une population en grande partie issue de l'immigration, et donc non francophone.
De plus, les systèmes éducatifs souffrent encore de nombreux retards, malgré quelques améliorations apportées ces dernières années, en matière de taux d'encadrement. Les résultats aux diplômes et examens restent globalement inférieurs à ceux de la métropole.
Enfin, les perspectives d'insertion professionnelle des jeunes restent limitées : le taux de chômage des jeunes, particulièrement important outre-mer, représente pour notre système éducatif un défi majeur en termes d'amélioration de ses performances et de prévention des ruptures scolaires, source d'exclusion durable du marché de l'emploi
En conséquence, il est primordial d'enrayer la logique de marginalisation des jeunes, qui sont nombreux dans les DOM à être en situation de rupture avec le système d'enseignement traditionnel et à quitter chaque année l'école sans perspective professionnelle et sans qualification.
En outre, la commission des affaires culturelles tient à souligner la question cruciale que représente la formation professionnelle outre-mer, particulièrement en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, dans la mesure où les lois organiques du 12 avril 1996 et du 19 mars 1999, qui les concernent respectivement, ont dévolu à ces collectivités la compétence en matière de formation professionnelle.
Dans un contexte lui aussi marqué par l'impératif d'insertion d'une population jeune et par d'importants besoins en termes de développement économique, la formation professionnelle représente un enjeu pour l'essor économique des territoires. La nécessité de disposer d'une main-d'oeuvre de qualité figurait ainsi parmi les conditions du développement économique et social citées dans les accords de Nouméa conclus le 5 mai 1998.
Dès lors, les autorités locales ont engagé des efforts considérables, en parallèle et en complément de la compétence générale de l'Etat en matière d'enseignement secondaire et supérieur. Ces efforts se sont principalement orientés vers les besoins spécifiques de l'économie, à travers l'apprentissage et les formations sectorielles. L'adéquation de l'offre de formation aux réalités économiques locales est en effet la condition d'une insertion professionnelle réussie pour les jeunes diplômés.
Les mesures proposées dans le présent projet de loi de programme apportent une réponse adaptée à ces impératifs, en mesure de satisfaire les attentes des populations et d'améliorer les perspectives d'insertion des jeunes.
Ces mesures prévoient, d'une part, un soutien de l'Etat aux dispositifs mis en oeuvre par les DOM afin de prévenir les risques de rupture scolaire et apportent, d'autre part, des garanties quant à la valeur des diplômes délivrés par la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française au titre de leur compétence en matière de formation professionnelle.
La commission des affaires culturelles approuve ces orientations, qui offrent l'avantage de concilier la volonté d'encourager et de valoriser les initiatives locales et l'affirmation par l'Etat de la responsabilité qui lui incombe en matière d'éducation.
L'Etat sera tout d'abord appelé à favoriser et à renforcer la mise en oeuvre de dispositifs pédagogiques innovants destinés aux jeunes collégiens qui connaissent de grandes difficultés scolaires, dispositif dont les premiers résultats sont encourageants. Les autorités et acteurs locaux ont en effet porté leurs efforts ces dernières années sur le développement de méthodes alternatives de formation dans le cadre d'effectifs restreints, permettant un suivi individualisé de chacun, un accompagnement vers une socialisation de l'élève et une réconciliation avec l'école.
Sur le modèle des classes-relais et ateliers-relais, mis en place par le ministère de l'éducation nationale à partir de 1998, le conseil général de la Réunion a lancé l'expérience du « Collège de la vocation », à laquelle participent désormais tous les collèges de l'île. Le but de cette pédagogie différenciée est d'inciter l'élève à s'exprimer à travers diverses activités culturelles, sportives et artistiques, de susciter sa motivation, de l'ouvrir sur l'environnement extérieur et de lui faire découvrir des métiers.
Les dispositions de l'article 11 du projet de loi visent tout spécialement à étendre cette expérience aux établissements des DOM et de Saint-Pierre-et-Miquelon, sur la base du volontariat.
La commission des affaires culturelles est très favorable à cette disposition, qu'elle considère propre à améliorer la qualité et l'efficacité des systèmes éducatifs, à répondre à la mission de l'éducation et à favoriser la réussite de tous les élèves. Elle vous demandera donc de l'adopter et d'étendre son bénéfice aux îles Wallis et Futuna, qui sont confrontées aux mêmes difficultés.
Quant aux dispositions de l'article 12 du projet de loi de programme, elles répondent elles aussi à une forte attente en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.
S'il est primordial pour les autorités locales compétentes de mettre en place des formations professionnelles orientées vers les besoins spécifiques de l'économie, par exemple dans le secteur des mines ou du tourisme, la valeur et la qualité des diplômes délivrés l'est tout autant.
En conséquence, ces formations nécessitent de faire l'objet d'une attestation claire par l'Etat, afin que soit reconnue aux titres et diplômes délivrés dans ces collectivités une valeur égale à celle des diplômes nationaux.
Les autorités locales estiment donc essentiel que soit mis en place un système de reconnaissance par l'Etat, ce qui contribuerait à clarifier la situation actuelle et offrirait l'avantage de permettre aux diplômés de se prévaloir automatiquement de leurs titres dans les départements de métropole et d'outre-mer et, éventuellement, dans les Etats membres de l'Union européenne. L'appellation « diplôme d'Etat » apporte en effet une garantie supplémentaire certifiant la valeur et la qualité du titre obtenu pour de nombreux employeurs.
Le projet de loi répond à ce besoin de clarification.
Toutefois, en accord avec nos collègues de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française et avec le Gouvernement, la commission propose que la rédaction de l'article soit améliorée, principalement afin de mentionner de façon plus explicite le principe de reconnaissance des diplômes par l'Etat et d'associer à la procédure les autorités compétentes de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française.
Sous réserve des amendements que je vous soumettrai, la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption de ces dispositions du projet de loi de programme. Elles contribuent en effet à inscrire dans la durée le développement économique et social de l'outre-mer, un développement responsable qui valorise le formidable potentiel que représente sa jeunesse. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire : 82 minutes ;
Groupe socialiste : 44 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 16 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 13 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, madame la ministre, madame le rapporteur du Conseil économique et social, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, c'est avec une grande joie que nous allons discuter aujourd'hui, demain - et peut-être après-demain... - du présent projet de loi de programme.
Lorsque l'on regarde l'outre-mer de la métropole, on se dit : comment font-ils ? Leur taux de chômage est de 30 % ; leur niveau de productivité, comme l'a dit avec beaucoup de talent M. le rapporteur, est inférieur à celui de la métropole ; leur niveau d'équipement est plus faible que celui de la métropole, et leur niveau de vie inférieur au niveau de vie moyen européen. Comment font-ils pour s'en sortir ? Eh bien ! grâce à la solidarité nationale et, aujourd'hui, à la solidarité européenne, grâce au travail des hommes et des femmes de ces régions françaises, ces territoires ont malgré tout fait du chemin.
Deux siècles après l'abolition de l'esclavage, période que vous avez évoquée dans cet hémicycle avec beaucoup d'émotion, madame la ministre, les taux de réussite scolaire de l'outre-mer sont proches de ceux de la métropole. Le niveau d'équipement des territoires en matière de santé publique est équivalent à celui de la métropole, meilleur que certains pays européens. Et, si la situation dans le secteur du logement reste difficile, elle a toutefois beaucoup évolué.
Nous ne sommes pas, et nous en sommes conscients, le dernier « radeau de la Méduse » de la République ! Nous avons une identité culturelle, une volonté politique de réussir qui sont fortes. Mais nous sommes heureux qu'un gouvernement en place depuis un an à peine, malgré la crise qui frappe les finances publiques et nos entreprises au niveau tant national que local, fasse à notre égard un geste de solidarité considérable en nous disant : vous êtes les plus mal lotis, alors passons un nouveau contrat de confiance pour atteindre un objectif clair, celui de l'égalité économique, cet objectif voulu par le chef de l'Etat, qui a été réélu voilà un an.
Qu'est-ce que l'égalité économique ? Avez-vous une stratégie, avez-vous un projet cohérent pour l'atteindre ?
Je peux répondre à ces questions, madame la ministre, bien que vous l'ayez fait largement tout à l'heure avec Mmes et MM. les rapporteurs.
L'égalité économique, cela consiste à amener ces régions et ces territoires à un niveau de développement qui leur permette d'avoir un positionnement économique sur la carte mondiale, à amener ces régions et ces départements à conquérir des parts de marché dans nos régions géographiques et sur le plan européen, à sortir de la voie encore persistante de l'assistance et à conduire par l'éducation et le travail la population vers plus de dignité et de responsabilité.
Nous savons que c'est une tâche difficile. Nous savons que, même dans certaines banlieues et dans certaines régions de métropole, ce n'est pas encore fait. Nous savons que pour les nouveaux pays qui entrent dans l'Europe, les pays d'Europe centrale et orientale, ce n'est pas non plus le cas. Nous savons lorsque nous quittons la Réunion pour rejoindre la métropole que toute l'Afrique est un océan de misère.
Alors, nous prenons en compte tous ces éléments et nous disons : voilà l'Etat, voilà la République, voilà le Gouvernement qui nous tend la main pour utiliser l'argent qui est mis à notre disposition avec efficacité et cohérence, en fonction de cet objectif de développement.
Pour cela, nous avons une stratégie en plusieurs volets.
Le premier a été la réforme constitutionnelle : il s'agissait de stabiliser les départements d'outre-mer dans l'ancrage de la République. S'il n'y a pas de stabilité, qui va venir investir chez nous, qui aura confiance ? La réforme constitutionnelle votée le 17 mars a permis cette stabilité.
Le deuxième volet tend à mettre en place un dispositif cohérent, pertinent, novateur, efficace, pour que les entreprises aient confiance dans nos régions et pour que les jeunes, les pères, les mères de famille trouvent ou retrouvent le chemin de l'emploi, car, comme celles de métropole, les populations d'outre-mer préfèrent travailler plutôt que de percevoir un revenu de solidarité.
Un an seulement après l'arrivée du Gouvernement - et pas quatre ans après, comme ce fut le cas précédemment,... et je crois même que certains décrets de la LOOM, la loi d'orientation pour l'outre-mer, ne sont pas encore parus -, un an après son arrivée, le Gouvernement nous propose d'élargir les secteurs qui seront concernés par la baisse du coût du travail, pour nous placer dans des conditions de compétitivité et de production comparables à celles des pays qui nous entourent, voire meilleures.
Alors, bien sûr, nous avons dialogué avec le monde professionnel : il manque toujours cinq francs pour faire dix francs ! Mais, à la fin de la discussion, la plupart ont reconnu que l'effort est considérable, et que vous avez visé un large éventail du secteur économique.
Vous savez cependant comme nous que, si l'on baisse le coût du travail en laissant le coût du capital élevé, les investisseurs ne viennent pas. Et c'est la raison pour laquelle le Gouvernement propose, par votre intermédiaire, madame la ministre, d'adopter un large dispositif destiné à baisser le coût du capital.
Votre action est cohérente : baisse du coût du travail, baisse du coût du capital, et nouvelle logique du processus de défiscalisation, qui, de logique d'exclusion, se transforme en logique d'adoption. La défiscalisation concernera désormais un large domaine, n'en seront exclus que les secteurs nommément désignés par la loi.
Dès lors, nous ne ferons pas la fine bouche devantce projet de loi, parce que nous sommes conscients de l'effort considérable qui a été fait : le Gouvernement abandonne la logique du prêt-à-porter législatif destinéà l'outre-mer au profit de la logique du sur-mesure législatif.
Nous ne ferons pas la fine bouche, parce que nous pressentons les conséquences de l'application de cette loi : nous verrons, dans les années qui viennent, sortir de terre des entreprises, des hôtels, des zones consacrées aux technologies de l'information et de la communication.
Nous ne ferons pas la fine bouche, malgré les critiques habituelles : en 1986, lorsque M. Pons a défendu son projet de loi de défiscalisation - j'étais député à l'époque - que n'ai-je entendu ! Que c'était une loi scélérate, que la défiscalisation allait enrichir les riches et appauvrir les pauvres ! Or, en 1988, quand nous avons perdu les élections, le nouveau gouvernement n'a pas supprimé cette loi ; il l'a étranglée, charcutée au point qu'elle est devenu inapplicable, mais il l'a conservée.
En 1993, ensuite, lorsque nous avons créé la TVA sociale afin de baisser le coût du travail, on nous a dit - ma collègue Lucette Michaux-Chevry s'en souvient sans doute : nous étions à l'Assemblée nationale ensemble - que cette loi était inutile. La loi Perben, cependant, a permis de baisser le coût du travail et tout le monde sait que, grâce à ce dispositif, dans les départements d'outre-mer, le SMIC a pu être aligné sur le SMIC métropolitain sans dégâts, que les investissements se sont développés et que des secteurs entiers ont été rentabilisés.
Nous sommes habitués aux critiques ! D'ailleurs, parfois, ces critiques ne peuvent qu'attester de la justesse des dispositifs que nous préconisons !
Alors, les dispositions de ce projet de loi sont-elles suffisantes ? Vous l'avez dit, madame la ministre, la vie ne s'arrête pas avec ce dispositif ! Le Gouvernement n'a pas l'intention de régler tous les problèmes dans une seule loi. Mais il nous incombe à nous, élus d'outre-mer, de ne pas venir seulement à Paris au moment du vote du projet de loi de finances ou du projet de loi de programme pour l'outre-mer en négligeant tous les autres travaux lesgislatifs ! Ainsi, la loi Dutreil a créé les fonds d'investissement de proximité, les FIP, et nous avons déposé un amendement visant à les étendre. Nous avons été suivis sur ce point.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales, viendra prochainement au Sénat pour évoquer les finances des collectivités locales. Nous serons présents pour faire valoir nos handicaps, nos retards et nos besoins.
Lorsque M. Henri Plagnol viendra parler de la réforme de l'Etat, nous serons également présents, comme nous le serons pour aborder le grand chantier européen auquel vous êtes, comme nous, passionnément attachée, madame la ministre, sans oublier les dossiers relatifs au mémorandum et à l'octroi de mer.
Tous ces dispositifs forment un ensemble cohérent, au service du travail.
Pour en revenir au projet de loi que nous examinons, nous proposerons quelques amendements destinés à en améliorer le contenu.
Nous proposerons notamment un amendement concernant le matelas de crédits non utilisés du fonds régional pour le développement et l'emploi dans certaines régions. Nous ne pouvons pas comprendre, en effet, que certaines communes connaissent un déficit et que d'autres ne puissent pas utiliser les recettes de l'octroi de mer ! Il faudra rendre à César ce qui est à César et aux communes ce qui est aux communes ! Cela nous permettra de mettre en place un dispositif d'accompagnement des emplois aidés, de telle sorte que les jeunes concernés ne soient pas laissés-pour-compte.
Par ailleurs, comme vous le savez, la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR, à votre demande et à celle de M. Jean-Pierre Raffarin, travaille actuellement sur une mission interministérielle concernant les nouvelles technologies de l'information et de la communication. Evidemment, ces NTIC constituent un pan entier du développement des DOM.
Nous sommes équipés du Safe. Mais le monopole de France Télécom empêche son utilisation. Les tarifs sont deux fois supérieurs à ceux de l'île Maurice et le débit n'est pas conforme aux normes de compétitivité.
Il faut rendre le système conforme, mais aussi rendre éligibles les NTIC. C'est pour cela que je souhaite que cette question soit abordée au cours du débat.
L'outre-mer connaît deux fléaux - je parle notamment pour la Réunion - celui de l'alcool et celui de la cigarette.
Pour lutter contre le fléau de l'alcool, il faut donner au conseil général les moyens de mettre en oeuvre des mesures. Chaque année, sur environ cent morts par accident de la route, cinquante le sont à cause de l'alcoolisme. C'est quand même dramatique ! C'est la raison pour laquelle nous sollicitons une taxe sur les alcools forts pour la Réunion.
Je ne parle pas du rhum martiniquais ou guadeloupéen pour ne pas m'attirer les foudres de mes collègues ! (Sourires.)
Mme Lucette Michaux-Chevry et M. Simon Loueckhote. Il ne vaut mieux pas ! (Rires.)
M. Jean-Paul Virapoullé. J'ai déjà donné quand j'étais à l'Assemblée nationale !
Il faut également - et c'est la quatrième source d'amélioration - favoriser l'investissement dans les PME en permettant la défiscalisation dans l'investisssement des fonds d'investissement de proximité, les FIP, à hauteur de 50 %.
Voilà, madame la ministre, les remarques que je souhaitais formuler sur ce projet de loi. Nous allons l'approuver parce qu'il est voulu par le Chef de l'Etat et qu'il correspond à son engagement et parce que le Premier ministre, malgré la crise, a répondu à votre demande pressante et a rendu les arbitrages qui convenaient. Nous tenons à l'en remercier aujourd'hui.
Je terminerai en affirmant très sereinement - car c'est mon intime conviction - que nous allons gagner un nouveau pari outre-mer : le pari de la dignité par le travail, le pari de la liberté par le développement. Pour cela, il faut qu'un climat social favorable règne. Or, vous le savez, à la Réunion comme en métropole, le climat est plutôt conflictuel.
Certaines réformes sont contestées par des syndicats ou par des coordinations. Même chez nous, madame la ministre, des examens ont été annulés, des copies ont été confisquées. Des élèves de dix-huit à vingt ans voient le couronnement de leurs efforts se heurter à l'intransigeance de certains. Après des années d'efforts, ils viennent, stressés, passer leur examen et ne peuvent le faire en raison de la grève.
La grève est un droit. Mais, en contrepartie de ce droit, il y a un devoir : celui de ne pas sanctionner les jeunes en les prenant en otages.
Au moment où le ministre de l'éducation reçoit l'ensemble des syndicats, nous souhaitons qu'un dialogue fructueux se noue entre l'Etat, le Gouvernement et les professionnels de l'éducation.
Nous sommes autant attachés que les syndicats à la réussite des enfants. Nous militons nous aussi pour une éducation laïque, publique, gratuite, mais efficace. On ne peut se satisfaire du fait que 35% des jeunes maîtrisent mal le français, l'écriture et la lecture à leur entrée en sixième. On ne peut non plus se satisfaire du fait que seuls 25 % des jeunes d'une classe d'âge arrivent au baccalauréat, alors que l'objectif national est 80 %. Mais ce n'est pas beaucoup mieux en métropole !
A la veille des examens, je souhaite, si nouveaux blocages interviennent, qu'un compromis soit trouvé, que ce soit un moratoire ou un report des examens.
En cette année 2003, nos enfants ne doivent pas être sanctionnés au moment où ils vont conquérir la clé qui va leur ouvrir, peut-être, les portes de leur avenir. Nous devons les aider à réussir parce que la jeunesse est la condition nécessaire et suffisante pour que le pari que vous engagez ce soir devant la représentation nationale, madame la ministre, soit une réussite.
Nous voterons votre texte. Nous le voterons avec conviction, avec reconnaissance, avec confiance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
COMMUNICATION RELATIVE
À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitation et à la construction est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
OUTRE-MER
Suite de la discussion d'un projet
de loi de programme déclaré d'urgence
M. le président. Nous reprenons la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi de programme pour l'outre-mer.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de programme pour l'outre-mer, qui s'articule autour de trois axes majeurs - la création d'emplois, la relance de l'investissement privé et la continuité territoriale - répond aux attentes des Réunionnais et concrétise les engagements de M. Chirac annoncés pendant la campagne de l'élection présidentielle.
L'exonération des cotisations patronales a démontré son effet bénéfique sur l'emploi salarié dans les DOM, qui a augmenté de 4,2 % entre 2000 et 2001.
Cette mesure, qui est reconduite, tout en supprimant les effets pervers de la loi d'orientation pour l'outre-mer, insufflera une nouvelle énergie, tant aux secteurs particulièrement exposés à la concurrence, comme l'hôtellerie et le tourisme, qu'à ceux qui subissent les contraintes liées à l'insularité et à l'éloignement. Ce sont des exonérations importantes, parfois totales, qui leur seront accordées, dans la limite d'un certain seuil de salaire. Aucun secteur n'a été délaissé.
Le bâtiment, qui reste le premier secteur de l'artisanat en nombre d'entreprises et en nombre d'emplois avec un accroissement des effectifs de plus de 12 %, se voit consentir une exonération totale de cotisations patronales dans la limite de 1,3 SMIC pour toutes ses entreprises de cinquante salariés au plus. Ce seuil était de dix salariés avec le dispositif mis en place par la loi d'orientation pour l'outre-mer. C'est une belle avancée pour ce secteur dont la fédération mène une action depuis plus de trois ans pour lutter contre le travail illégal.
Cependant, pour éviter les effets de seuil qui entraîneraient une atomisation certaine des entreprises, celles-ci préfèreraient renoncer à l'exonération totale jusqu'à cinquante salariés et bénéficier d'une exonération à 70 % pour toutes celles comptant plus de dix salariés.
Au moment où elles doivent être en mesure de faire face aux grands travaux programmés, notamment la « route des Tamarins » ou le projet « Tram train », et de relever le défi de construire neuf mille logements par an jusqu'en 2020, il convient de les encouragre à se développer et à accroître leur technicité.
J'approuve votre décision, madame la ministre, de procéder à une évaluation périodique de l'effet de ces mesures. Un tel dispositif est nécessaire, afin de pouvoir les réorienter en cas de besoin.
Je salue également votre volonté de développer la création d'emplois dans le secteur marchand. En effet, le projet de loi donne un véritable cadre législatif aux activités du service militaire adapté, le SMA, au cours duquel les jeunes reçoivent une formation professionnelle de qualité. Il faut savoir que, dans certaines filières, plus de 90 % des jeunes trouvent un emploi à l'issue de leur formation.
Par ailleurs, ce texte incite fortement les entreprises à embaucher des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion dans le cadre des contrats d'accès à l'emploi en rendant ce dispositif plus attractif pour le nouveau salarié. Cette mesure me paraît essentielle dans la mesure où l'emploi est infiniment plus valorisé que l'inactivité et l'assistanat.
Les personnes concernées représentent 18 % de la population globale des DOM et 20 % de la population réunionnaise, contre 3 % en métropole. Cela ne signifie pas que nous manquons de dynamisme économique. L'économie réunionnaise est dynamique : elle créée plus de quatre mille emplois par an, chiffre supérieur à la moyenne métropolitaine. Néanmoins, en raison d'une forte pression démographique - plus de sept mille personnes arrivent sur le marché du travail chaque année -, nous ne pouvons absorber la demande.
Grâce à la décentralisation, qui confie au département la gestion du revenu minimum d'insertion, transformé en revenu minimum d'activité, et à la forte implication des entreprises privées, l'intégration des jeunes s'en trouvera facilitée.
De même, les nouvelles mesures concernant le congé-solidarité permettront aux bénéficiaires du dispositif des emplois-jeunes en fin de contrat de ne pas se retrouver dans la spirale du chômage. Toutefois, je pense que des garanties locales peuvent se substituer aux garanties d'assurances s'agissant de l'étalement du paiement de la quote-part des entreprises sur cinq ans.
Enfin, la politique menée par le conseil général en vue de favoriser la réussite des élèves et de contribuer à leur épanouissement - en particulier ceux qui sont en difficulté - par le biais d'activités culturelles, sportives ou artistiques, par l'apprentissage, l'enseignement technique ou encore la découverte d'un métier manuel, a porté ses fruits. Le collège de la vocation connaît un vif succès : tous les collèges de l'île s'y sont inscrits pour l'année 2003. Il est vrai que le conseil général des jeunes constitue un véritable outil de dynamisation des collégiens. Madame la ministre, en proposant d'étendre ce genre d'expérience, vous avez bien vu l'intérêt d'un tel dispositif, qui réconcilie les jeunes avec les enseignements qui leur sont dispensés.
Notre jeunesse, comme le répète souvent mon collègue Jean-Paul Virapoullé, constitue une véritable richesse et nous avons le devoir de tout mettre en oeuvre pour lui offrir un avenir meilleur ; vous l'avez vous-même souligné tout à l'heure, madame la ministre.
La défiscalisation constitue le deuxième axe de ce projet de loi. Les mesures d'incitation fiscale que vous proposez sont intéressantes pour l'économie des départements d'outre-mer : elles garantissent un cadre stabilisé sur quinze ans ; les conditions d'éligibilité sont élargies ; les taux sont majorés ; enfin, elles permettent d'étaler la défiscalisation sur dix ans pour les propriétaires occupant leur logement.
Par ailleurs, pour la première fois, madame la ministre, le principe de la continuité territoriale est affirmé en ce qui concerne l'outre-mer, ce qui répond à une attente forte des Réunionnais. Les allégements de charges sociales dont bénéficieront les compagnies aériennes desservant l'outre-mer, d'une part, et les dotations qui seront versées à chaque région, d'autres part, ont pour objet de réduire le handicap de la distance avec la métropole. Ce dossier constitue l'une de vos priorités. Dès le lendemain des élections présidentielles, vous avez instauré le passeport mobilité, première concrétisation de vos engagements en la matière. Il conviendrait cependant, en concertation avec les collectivités régionales et conformément à la législation européenne, de réduire le coût des intrants destinés à des transformations sur place, ainsi que les coûts d'expédition des produits manufacturés localement.
Mais la politique du Gouvernement ne se résume pas à ce projet de loi de programme : d'autres actions seront menées hors du cadre législatif, ainsi que vous l'avez précisé cet après-midi, madame la ministre.
Ainsi, le projet de loi de programme pour l'outre-mer a le mérite de répondre, de façon pertinente, à des attentes importantes de la population ultramarine et d'ouvrir le dossier de l'outre-mer, même si, comme l'a souligné à juste titre mon collègue Jean-Jacques Hyest, les restrictions budgétaires actuelles invitent à la mesure.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, le groupe de l'Union centriste votera le projet de loi qui nous est soumis. Il me reste à féliciter les commissions des finances, des affaires sociales et des affaires économiques, M. du Luart, rapporteur, ainsi que Mme Létard et M. Soulage, rapporteurs pour avis, de leur excellent travail. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Madame la ministre, le projet de loi de programme que vous proposez permettra le développement économique de l'outre-mer. Cependant, certains des amendements que nous proposerons devront être adoptés.
M. Simon Loueckhote. Ah !
M. Georges Othily. Vous n'ignorez pas que, dans l'outre-mer français, il y a des pays qui ne sont pas encore préparés pour que votre projet de loi trouve son application ; la Guyane en est l'exemple le plus étonnant.
En effet, la Guyane, comme vous le savez, c'est l'immigration sauvage, avec plus de cent trente-quatre nationalités recensées. C'est aussi l'exportation des prestations sociales dans les pays d'origine, qui se chiffre par milliards et qui ne contribue pas à son développement économique. La Guyane, c'est encore l'insécurité sociale. C'est l'insécurité pour les citoyens. C'est la violence engendrée par la délinquance sud-américaine, qui connaît en ce moment une explosion.
La Guyane, c'est le pays enclavé. Ce sont aussi les fonctionnaires des Antilles et de la Guyane partant à la retraite et qui, à la différence des fonctionnaires réunionnais, perdent 75 % de leur salaire. Il vous appartient de mettre fin à cette discrimination, madame la ministre.
Avec ce constat, vous avez tous les ingrédients qui font de la Guyane l'exemple même de l'échec de la colonisation, de la départementalisation et de la décentralisation.
Vous avez décidé, après de multiples concertations avec les élus et les socioprofessionnels, de proposer aux pays d'outre-mer un dispositif particulier pour une période de quinze ans, qui devrait permettre de favoriser le développement économique.
Nous savons aussi que le Président de la République attache de l'importance à l'aménagement du territoire au moment où la décentralisation va franchir une étape nouvelle et décisive. Il a fort opportunément mis l'accent sur les liens qui unissent ces deux politiques. Cependant, stimuler l'initiative des collectivités locales en développant leurs compétences et en renforçant leur autonomie ne suffira ni à assurer le minimum d'égalité territoriale à laquelle les Français et les Guyanais aspirent ni à combler le retard de la Guyane.
Malheureusement, votre texte arrive aujourd'hui dans un contexte difficile sur le plan financier, mais différent après la révision du titre XII de la Constitution, qui donne de nouvelles possibilités aux collectivités d'outre-mer en application de l'article 73 de la Constitution.
Cependant, il est bon de rappeler que, depuis 1952, l'outre-mer bénéficie d'un système fiscal à l'investissement, qui a d'abord pris la forme de bénéfice sous condition de réemploi, puis, à partir de 1980, d'un dispositif de défiscalisation proprement dit.
Aucun de ces dispositifs n'a permis aux pays d'outre-mer, jusqu'à aujourd'hui, de connaître un développement.
Pourquoi ? Depuis des années, tous les gouvernements qui se sont succédé persistent dans l'erreur. Ils s'entêtent à mesurer le dynamisme économique et social de l'outre-mer en retenant deux indicateurs : le niveau du produit intérieur brut par habitant par rapport à la moyenne communautaire et l'évolution du taux de chômage.
L'erreur est que la départementalisation de 1946 avait mis en place un système social avant que la départementalisation économique ne soit réalisée.
Pour la Guyane, à la faiblesse de la population, laissez-moi vous dire que nous opposons l'immensité du territoire, l'importance de la surface maritime, des potentialités économiques sans commune mesure avec le reste de l'outre-mer.
Comment, dès lors, ne pas avoir, à notre âge, de l'enthousiasme pour relever le défi du développement de notre pays que vous nous proposez ?
Les dispositions contenues dans ce projet de loi de programme seront favorables à l'environnement géographique des îles, mais elles ne paraissent pas suffisamment adaptées à l'environnement géographique et physique guyanais.
Tant que la Guyane sera rattachée aux régions d'outre-mer et tant qu'il n'y aura pas une loi spécifique pour son développement économique, il ne pourra y avoir de véritable développement de cette région.
Sans maîtrise du foncier et sans espaces aménagés, pas d'installation d'entreprises. Sans formations suffisantes pour la jeunesse, pas d'emploi satisfaits. Sans un système de santé assaini et rénové, pas de développement pour la Guyane.
Cependant, le projet de loi que vous nous proposez me semble perfectible et, au cours de ces quelques heures de débat, nous le rendrons plus performant, de sorte que nous puissions dire, en 2018, que notre génération a gagné le pari du développement !
Vous retenez deux axes forts : le tourisme et l'emploi. Cela peut convenir aux îles d'outre-mer. Pour la Guyane continentale, les priorités me paraissent être plutôt les infrastructures pour le désenclavement, l'agriculture, la forêt, la pêche, les mines, la santé...
Aussi j'apprécierais que vous nous donniez votre sentiment sur l'application du dispositif Sofipêche, qui permet aux personnes physiques de déduire de leur revenu net global le montant des souscriptions au capital de ces sociétés dans une certaine limite.
Pour les mesures en faveur du logement, il faut aller plus loin dans vos propositions et, par exemple, permettre aux associations gestionnaires des établissements sociaux et médico-sociaux des DOM de bénéficier d'aides de l'Etat pour financer les résidences sociales pour personnes âgées ainsi que leur rénovation et leur réhabilitation.
Il devrait en être de même pour la réalisation de foyers d'étudiants, ainsi que pour la diversification des aides à l'amélioration de l'habitat.
Avez-vous, madame la ministre, envisagé, avec votre collègue du ministère des finances et du budget, la rédaction d'un décret pour permettre d'atteindre cet objectif ?
Nous déposerons aussi d'autres amendements pour ouvrir les droits à l'exonération de 100 % du montant des cotisations patronales afférentes aux salaires et rémunérations dans le secteur du BTP.
Nous voulons également étendre l'application de la TVA réduite aux missions de maîtrise d'ouvrage déléguée et de maîtrise d'oeuvre, et ramener à vingt ans l'âge des logements pouvant bénéficier des mesures de défiscalisation pour des travaux de réhabilitation, compte tenu des conditions climatiques outre-mer, singulièrement en Guyane.
Le fonds régional pour le développement et l'emploi, que M. Virapoullé a évoqué, part d'une bonne idée. Mais l'utilisation de l'octroi de mer, normalement réservé aux communes, par une autre collectivité crée une situation de tutelle. Il nous faut envisager une modification sur ce point.
Pour ce qui concerne le titre VI relatif à la continuité territoriale, il n'y a aucune similitude avec la continuité territoriale entre la France continentale et la Corse.
Cependant, pour la Guyane, madame la ministre, la continuité territoriale, ce n'est pas Matoury-Orly, c'est aussi Cayenne et tout le reste de la Guyane !
En Corse, pour 280 000 habitants, 162 millions d'euros sont versés par l'Etat au titre de la continuité territoriale. L'outre-mer, avec un peu plus d'un million d'habitants, reçoit 30 millions d'euros : soit il faut faire un effort important, soit il faut éviter de poursuivre la discrimination entre Français.
Quant à l'actualisation du droit de l'outre-mer, vous proposez pour la Guyane de prendre par ordonnance des dispositions pour le droit domanial, foncier et forestier. Il manquait à la Guyane une législation pour les ports et les transports fluviaux. Je déposerai un amendement dans ce sens, afin que, par ordonnance, nous puissions avoir un dispositif juridique adapté.
Vous avez aujourd'hui, madame la ministre, acquis l'intime conviction que les Guyanais attachent une importance capitale au problème foncier : il faut une véritable loi foncière pour la Guyane.
Pour le code forestier, quelles dispositions entendez-vous prendre par ordonnance ? En 1999, j'avais déposé une proposition de loi pour la gestion de la forêt guyanaise. J'ose espérer qu'avec vous, madame la ministre, elle pourrait aboutir.
Vous connaissez la situation sanitaire de la Guyane. Les dispositions que vous proposez pour la réhabilitation et la rénovation de l'outre-mer pourraient être aussi étendues aux cliniques privées.
Madame la ministre, les réponses que vous nous apporterez au cours de ce débat nous conforteront dans le choix que nous avons fait d'améliorer votre texte, de le soutenir, pour que, dans l'exception territoriale, l'outre-mer français soit un atout pour la France et un exemple pour le reste du monde. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur celles de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole à M. Claude Lise.
M. Claude Lise. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'annonce faite, depuis plus d'un an déjà, de l'élaboration, comme prévu dans le programme du Président de la République, d'une loi de programme pour l'outre-mer n'a évidemment pas manqué de susciter une très forte attente dans les départements d'outre-mer.
L'attente était à la mesure des difficultés économiques que connaissent ces départements, à la mesure aussi de l'importance des taux de chômage et de sous-emploi qu'on y trouve encore, avec le cortège de situations sociales insupportables qui en découle. Une attente à la mesure également, il faut bien le dire, des vertus exceptionnelles dont semblait, de prime abord, parée cette loi.
On se souvient de l'engagement du Président de la République pendant la campagne présidentielle : « Après l'égalité sociale, mon objectif est l'égalité économique grâce à un modèle de développement mis en oeuvre par une grande loi de programme présentée au Parlement en 2002. » Egalité économique, modèle de développement, grande loi de programme en 2002 ? La réalité, vous en conviendrez, n'est pas à la hauteur de la grande ambition ainsi affichée !
Il a fallu revoir l'échéance 2002 fixée pour le débat parlementaire et, du même coup, pour l'entrée en application de la loi. Mais, surtout, ce qui frappe tout observateur un tant soit peu objectif, c'est que l'on est en présence d'un dispositif législatif qui ne brille pas tellement par l'originalité !
Il ne s'agit manifestement, pour l'essentiel, que de réaménagements de la loi d'orientation pour l'outre-mer et de la loi de défiscalisation, dite « loi Paul », votées sur l'initiative du gouvernement précédent.
Le Conseil économique et social n'a pas manqué de souligner ce point dans l'avis qu'il a rendu à la suite de sa saisine. Il considère, en effet, que le texte « s'inscrit dans le prolongement des mesures antérieures, spécialement de la LOOM » et qu'en matière de défiscalisation « le projet de loi procède à des correctifs, mais à la marge, des dispositifs hérités de la législature précédente ».
La commission des finances fait, à son tour, un constat assez proche, puisqu'on lit, sous la plume du rapporteur, M. du Luart, que « les dispositions de ce projet de loi, dans l'ensemble, restent dans la logique instaurée précédemment ». Une logique qui ne semblait pourtant pas partagée - est-il besoin de le rappeler ? - par l'opposition de l'époque !
Il serait d'ailleurs édifiant, au regard de ce qui nous est proposé aujourd'hui, de relire les critiques virulentes qui étaient faites sur le volet économique et social de la loi d'orientation ! On a pu, d'ailleurs, en percevoir encore quelques échos tout à l'heure.
Il est en tout cas on ne peut plus édifiant de comparer les quelques améliorations apportées actuellement à ce dispositif à l'ampleur du saut qualitatif et quantitatif que représentait le passage de la loi Perben - que d'aucuns, d'ailleurs, persistent à prendre comme seule référence - à la loi d'orientation.
Car enfin, tout de même, le passage de l'une à l'autre loi, s'agissant du volet relatif à l'exonération des charges patronales, s'est traduit par un effort budgétaire annuel multiplié par quatre ! Je dis bien par quatre, mes chers collègues !
Cet effort correspond à des avancées tout à fait remarquables pour les entreprises, puisqu'elles étaient destinées à accroître notablement l'attractivité des mesures d'exonération. Il en va ainsi du relèvement du plafond des salaires exonérés de 30 %, et ce, désormais, sans condition d'être à jour de ses cotisations, contrainte qui réduisait singulièrement le nombre d'entreprises effectivement éligibles auparavant.
Cet effort budgétaire correspond surtout à un élargissement considérable du champ des secteurs éligibles, avec la prise en compte, notamment, et quel que soit le nombre de salariés, des secteurs du tourisme, des énergies renouvelables, des nouvelles technologies de l'information et de la communication, les NTIC, de la conchyliculture et du bâtiment et des travaux publics, mais avec la prise en compte aussi de tous les autres secteurs, y compris le secteur associatif et les professions libérales, dans la limite de dix salariés. Je crois qu'il faut de temps en temps le rappeler. Nous étions tout de même passés à une autre dimension !
Les résultats sont d'ailleurs patents, puisque l'emploi salarié a augmenté de plus de 4 % dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon entre 2000 et 2001, alors même que l'application des mesures s'est échelonnée tout au long de l'année 2001 ; nous savons que d'aucuns ont d'ailleurs tout fait pour ralentir l'application de certains dispositifs et éviter qu'on les utilise. Pour la seule Martinique, cela s'est traduit par une baisse de deux points du taux de chômage, qui est passé de 26 % à 24 %.
On prend, du coup, la mesure de l'aveuglement et du sectarisme dont ont été animés ceux qui ont combattu sans relâche un dispositif législatif qui ne prétendait aucunement constituer une panacée mais qui, à l'évidence, tranchait par rapport à tout ce qui avait été faitjusqu'alors, non seulement par l'ampleur des mesures visant la création d'activité et d'emplois, mais surtout par la volonté d'aborder dans une vision d'ensemble questions économiques, questions sociales et questions institutionnelles.
Il s'agit là d'un comportement que, bien entendu, je n'entends pas, pour ma part, adopter.
J'éprouve, vous l'aurez compris, madame la ministre, une réelle déception, une déception partagée par beaucoup, d'ailleurs, dans mon département. Cela ne signifie par pour autant que je sous-estime les aspects positifs de votre projet de loi, et il y en a, bien sûr.
La déception dont je fais état provient, en fait, pour une bonne part, du trop grand décalage qui existe entre ce que certains effets d'annonce avaient fait espérer et ce qu'une analyse du texte soumis à notre approbation permet raisonnablement d'attendre.
J'aurais, je vous l'assure, préféré vous voir présenter un projet d'une autre envergure, mais il aurait fallu pour cela, en plus, bien sûr, d'une réelle volonté politique, prendre le temps de la concertation et le temps de l'évaluation des mesures existantes.
La concertation à laquelle vous avez procédé ne pouvait suffire, dès lors qu'il était question d'une grande loi de programme visant, si j'en crois le Président de la République, à la mise en oeuvre d'un nouveaux modèle de développement.
Cette concertation n'a malheureusement pas connu l'ampleur de celle qui a précédé et accompagné l'élaboration de la loi d'orientation. Elle n'a pas suffisamment cherché à mobiliser localement les forces vives, elle a été menée au pas de charge, comme si, pour l'essentiel, les experts du Gouvernement savaient déjà parfaitement - comme d'habitude- ce qu'il convenait de faire !
Le mode de consultation des assemblées locales s'est révélé tout à fait significatif à cet égard, puisque c'est la procédure d'urgence qui a été utilisée. Le conseil général de Martinique a ainsi eu moins de dix jours pour étudier le texte du projet de loi en commissions, procéder aux indispensables auditions de socioprofessionnels et tenir une séance plénière afin de formuler un avis.
Je le sais, vous allez m'objecter que la volonté du Gouvernement a été de mettre en oeuvre le plus rapidement possible des mesures favorables au développement économique. Certes, mais, de toute façon, le temps minimal d'élaboration d'une loi de programme ne nous permettant pas d'envisager que ce texte puisse porter effet avant 2004, n'aurait-il pas été plus judicieux de faire voter, l'année dernière, un dispositif législatif intermédiaire - beaucoup plus léger - portant effet, lui, dès cette année 2003 ? Cela aurait permis de consacrer un peu plus de temps à la préparation d'une authentique grande loi de programme conçue non seulement avec la préoccupation de la durée, mais aussi et surtout avec celle de la définition d'une stratégie globale de développement, une stratégie globale vraiment réfléchie, c'est-à-dire dégagée de la pensée unique qui laisse entendre qu'outre-mer on ne pourrait trouver d'autres leviers de développement économique que celui des allégements de charges patronales et, surtout, celui de la défiscalisation.
En attendant, nous aurions pu tirer bénéfice du dispositif transitoire ciblé, lui, sur l'amélioration d'un certain nombre de dispositifs en vigueur et dont l'impact sur l'activité et l'emploi ne fait pas de doute.
On voit évidemment tout l'intérêt qu'il y aurait eu à procéder auparavant à une évaluation de la LOOM, évaluation d'ailleurs prévue à l'article 74 de cette loi, mais qui suppose que l'on se décide enfin à réunir la commission prévue à cet effet, et dont les membres ont pourtant déjà été désignés.
Cela aurait permis, bien sûr, de procéder plus rapidement à un renforcement des mesures d'allégement de charges sociales dans certains secteurs d'activité, mais cela aurait permis aussi de prendre en compte tout l'intérêt d'une attractivité accrue de mesures telles que le projet initiative jeunes, le PIJ, ou le congé-solidarité. A titre indicatif, en Martinique, 507 salariés ont déjà bénéficié du congé-solidarité et 571 entreprises ont été créées dans le cadre du PIJ.
Le dispositif législatif transitoire aurait pu comporter, par ailleurs, quelques mesures manifestement urgentes à mettre en oeuvre pour corriger certains effets négatifs, apparus à l'usage, de l'actuelle loi de défiscalisation : la « détunnellisation » pour le secteur hôtelier aurait déjà été opérée.
Enfin, le même dispositif législatif transitoire aurait pu comporter quelques mesures d'urgence en faveur d'un renforcement des capacités financières des collectivités locales d'outre-mer. Ces dernières, malgré la faiblesse de leurs ressources, doivent faire face, on le sait, à des contraintes spécifiques et sont obligées de s'impliquer très fortement tant dans les politiques sociales que dans les politiques de développement qui doivent être menées localement.
Cela étant, vous avez, madame la ministre, fait un autre choix. Un choix que l'on ne peut, par conséquent, que prendre en compte. Il ne me reste donc plus qu'à vous faire part des réflexions que m'inspirent les principales dispositions contenues dans le projet de loi avec, pour principal objectif, de l'améliorer.
Le titre Ier regroupe une série de mesures visant à améliorer le dispositif d'allégements de charges en vigueur et qui ne peuvent évidemment qu'avoir des effets bénéfiques pour les entreprises concernées.
Je me félicite particulièrement de la suppression, pour les entreprises du BTP comptant jusqu'à cinquante salariés, de l'abattement de 50 % qui leur était appliqué. Cela contribuera, sans nul doute, à redynamiser un secteur en crise, dont le potentiel de création d'emplois est très important, à condition, toutefois, que soient prises, concomitamment, les mesures de soutien aux collectivités locales qui sont, ne l'oublions pas, les principaux donneurs d'ordre dans ce secteur.
Je me félicite également du relèvement du plafond des salaires bénéficiant d'une exonération à hauteur de 1,4 SMIC pour les entreprises des secteurs productifs et de 1,5 SMIC pour les secteurs de l'hôtellerie et du tourisme en faveur desquels, il faut consentir, nous le savons, un effort important !
Je considère cependant, madame la ministre, qu'il est nécessaire d'étendre le régime d'exonération aux activités culturelles, sportives et de loisir liées au tourisme. Elles conditionnent en effet, pour une bonne part, l'attractivité de ce secteur soumis à la forte concurrence des pays voisins.
Quant à la suppression de l'effet de seuil concernant les entreprises exonérées dans la limite de dix salariés, je tiens à souligner, tout en reconnaissant qu'elle peut s'avérer utile, qu'il convient de relativiser son impact réel. Je rappelle, en effet, que 94,8 % des entreprises dans les DOM ont moins de dix salariés et qu'en Martinique, chiffre encore plus éloquent, 96 % de ces entreprises de moins de dix salariés sont en fait des entreprises de cinq salariés et moins, y compris celles qui n'en ont pas du tout. Cela ne concerne pas un très grand nombre d'entreprises. En tout état de cause, cette mesure n'est pas mauvaise et je n'y suis pas hostile.
Le titre Ier propose également des incitations à l'embauche des jeunes diplômés et des emplois-jeunes qui m'apparaissent bonnes, tout comme le renforcement de l'allocation de retour à l'activité, l'ARA, pour les allocataires du RMI.
En revanche, et compte tenu de ce que j'ai eu l'occasion d'évoquer précédemment, l'aménagement proposé pour le congé-solidarité m'apparaît insuffisant. Le dispositif peut devenir beaucoup plus attractif, mais cela suppose un aménagement plus favorable du régime fiscal et social de l'indemnité de départ et la révision du plafond de référence pour le calcul de cette indemnité.
Je regrette, par ailleurs, que rien ne soit prévu pour renforcer le dispositif du projet initiative jeunes, le PIJ.
J'ai indiqué tout à l'heure le nombre d'entreprises qui avaient été créées dans ce cadre. Je pense que l'on peut renforcer ce dispositif en termes de facilitation des procédures, de meilleure adaptation de l'aide au titre d'entreprises créées et aux secteurs d'activité dans lesquels ces entreprises envisagent d'opérer, ainsi qu'en termes d'accompagnement pendant une certaine période, sur la gestion notamment.
Le titre II est consacré à la défiscalisation. La volonté d'inscrire le nouveau dispositif dans la durée constitue un point positif. Le risque n'est pas pour autant réellement levé de voir le Parlement y apporter des modifications à l'occasion du vote annuel de la loi de finances. Il ne sera peut être levé qu'à l'horizon 2006, lors de l'entrée en vigueur de la réforme de la procédure budgétaire. Mais il vaut mieux, pour l'affichage, mettre en avant la durée de quinze ans.
S'agissant du volet logement du dispositif de défiscalisation, je me félicite de voir prise en compte la réhabilitation de logements existants. Mais, en réalité, la mesure n'aura d'effets réels que si le seuil des quarante ans est abaissé à vingt ans, pour tenir compte des conditions dans lesquelles se dégradent les bâtiments en milieu tropical humide.
Par ailleurs, il serait intéressant d'étendre l'aide aux travaux de réhabilitation d'immeubles destinés, après travaux, à être affectés aux logements.
Une autre mesure positive voit sa portée réduite par une mesure négative. Il s'agit du relèvement des taux de la réduction d'impôt en cas d'investissements dans des logements destinés à être loués. Il est contrebalancé, en effet, par l'extension à tous les investissements en logements, y compris ceux qui sont destinés à être loués, du système de plafond exprimé en prix au mètre carré de surface habitable.
Qui plus est, le plafond retenu ne tient pas compte des variations de prix selon les zones. Il risque, par ailleurs, d'inciter à réaliser des constructions locatives de qualité médiocre. Enfin, il ne prend pas en compte les surfaces à usage de terrasses ou de balcons.
S'agissant maintenant de l'aide fiscale aux investissements d'entreprises, la méthode consistant à énumérer des exceptions, puis à apporter des exceptions à ces exceptions ne contribue évidemment pas à la clarté du texte. Cela dit, je ne peux que déplorer les conditions dans lesquelles nous sommes amenés à nous prononcer sur les secteurs à aider et ceux à exclure : d'abord, parce que nous ne disposons pas d'éléments d'appréciation suffisants ; ensuite, parce que l'on peut difficilement admettre qu'une même mesure puisse convenir à la grande diversité de situations que l'on connaît outre-mer.
Je me contenterai donc de souligner les points suivants.
Premièrement, tout le monde semble s'accorder sur l'intérêt des mesures renforçant l'aide fiscale dans certains secteurs, tels celui des énergies renouvelables ou celui de l'hôtellerie.
Toutefois, à propos de l'hôtellerie, si je considère volontiers qu'il est nécessaire d'augmenter le taux de réduction d'impôt et surtout de procéder à une suppression de la « tunnellisation », je regrette que ces avantages soient réservés uniquement à la réhabilitation d'hôtels. L'on me dit qu'en Martinique il n'est pas nécessaire de construire de nouveaux hôtels, mais l'on ne peut pas s'enfermer dans une règle aussi absolue.
Deuxièmement, je veux souligner le caractère discutable de la possibilité offerte aux investisseurs extérieurs de bénéficier d'un report sur six ans de l'excédent de réduction d'impôt avec remboursement in fine de l'éventuel solde positif. Un tel avantage aurait dû, selon moi, être réservé aux seuls investisseurs exploitants. Je crois qu'il y a là un abus.
Troisièmement, il me paraît nécessaire de faire bénéficier de la défiscalisation l'ensemble des restaurants de tourisme, et non les seuls « restaurants de tourisme classés » - d'ailleurs, je ne sais pas si cette terminologie est maintenue -, les services aux entreprises dans le secteur des activités liées au tourisme - hors jeux et casinos -, les activités de loisir liées au tourisme. Dans un tout autre domaine, je propose également que l'on prenne en compte les activités liées à l'accueil des personnes âgées dans nos pays, je pense notamment aux Antilles, où nous assistons à une prolongation de la durée de vie. Le nombre de personnes âgées augmente ainsi que tous les problèmes liés à leur accueil en établissement spécialisés.
Quatrièmement, il est nécessaire de prévoir, dans le cadre des procédures d'agrément, que les exécutifs locaux seront consultés pour avis. A une époque où il est tellement question d'avancée de la décentralisation, il n'est pas normal que les projets d'investissement ne soient appréciés que par les services centraux.
Le titre III regroupe des dispositions nouvelles en faveur du logement social. Elles ont bien sûr retenu - vous vous en doutez - toute mon attention, compte tenu de l'importance des besoins que les départements d'outre-mer connaissent dans ce domaine. En Martinique, plus de 11 000 demandes sont en instance. Malheureusement, leur financement me semble poser problème. Je ne peux, pour ma part, qu'attirer l'attention sur les conséquences de ces mesures pour la ligne budgétaire unique et le budget des collectivités locales.
Il me semble, par ailleurs, qu'il vaudrait mieux envisager une approche plus globale du problème du logement social, qui prenne notamment en compte la nécessité, maintes fois soulignée, de disposer de produits et d'aides financières adaptés. Il est également nécessaire de réformer un certain nombre de procédures complexes et inadaptées qui rendent très difficile la réalisation de logements évolutifs sociaux. L'année dernière, nous n'avons même pas pu en réaliser !
Le titre IV concerne les collectivités locales.
Je ne vous étonnerai pas, madame la ministre, en vous disant que je n'y vois pas ce que j'aurais aimé y trouver, à savoir de vraies mesures destinées à renforcer les capacités financières des collectivités locales d'outre-mer.
Mme Brigitte Girardin, ministre. Nous y travaillons.
M. Claude Lise. Bien sûr, il y a des projets, mais ils sont à venir.
Je note simplement, au milieu de diverses dispositions dont, à vrai dire, je ne perçois pas très bien l'intérêt ni la portée, une mesure positive, mais temporaire, destinée à aider les communes à procéder au recensement de leurs bases fiscales.
Par ailleurs, je m'interroge sur l'opportunité de procéder à une nouvelle création des offices départementaux de l'eau. Peut-être pourrez-vous m'en expliquer les raisons. Je préside, pour ma part, depuis l'année dernière, l'office départemental de l'eau de la Martinique. J'aimerais bien savoir en quoi consiste cette « recréation ».
Le titre V vise à renforcer la continuité territoriale entre les collectivités d'outre-mer et la métropole. L'intention affichée est évidemment fort louable. On ne peut que s'en féliciter. Mais, là encore, je m'interroge sur les conditions réelles de financement et je note, non sans inquiétude, que, dans l'exposé des motifs du projet de loi, il est clairement indiqué que la dotation de l'Etat s'ajoutera au concours des collectivités locales. Je me demande toutefois, compte tenu de l'état actuel des finances de ces collectivités locales, quels moyens supplémentaires l'Etat va pouvoir avancer.
Enfin, le titre VI a, lui, pour objet d'habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance, diverses mesures destinées à clarifier le droit applicable outre-mer. Je me contenterai de souhaiter que le Gouvernement ait à coeur de consulter les assemblées locales dans des délais leur permettant un examen réel des textes qui leur seront soumis. Tous les élus réclament en permanence de tels délais, mais, en la circonstance, compte tenu du nombre important d'ordonnances, il est essentiel que nous puissions en discuter en connaissance de cause. Je souhaite bien entendu que le Gouvernement tienne compte le plus possible des avis qui lui seront donnés.
En conclusion, il m'est difficile de faire la balance entre les mesures que je ne peux qu'approuver et celles que je trouve contestables ou inacceptables. Mais le vrai problème n'est pas là. Le vrai problème est de savoir si ce projet de loi suscitera une dynamique permettant à l'outre-mer, en particulier aux départements d'outre-mer, d'emprunter enfin la voie du développement durable.
Pour ma part, je ne le crois pas. Ce projet de loi, je l'ai déjà dit, n'est pas à la hauteur de son ambition initiale. Il ne met en effet en oeuvre que des leviers très classiques, auxquels nous sommes habitués, le principal étant manifestement pour vous celui de la défiscalisation, leviers dont on peut certes attendre, une fois de plus, un effet de relance à court et à moyen terme, mais dont les effets à long terme sont loin d'être prouvés.
Il reste en réalité à concevoir une vraie stratégie globale de développement durable pour l'outre-mer. Mais cela suppose que l'on se décide vraiment à appréhender l'outre-mer autrement et dans toute sa diversité. Cela suppose surtout que l'on accepte de privilégier l'écoute de ses élus et de l'ensemble de ses forces vives. Il devient vraiment urgent d'en prendre conscience. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si l'on prend en compte les résultats des plus récents recensements de la population, ce sont deux millions d'habitants qui demeurent aujourd'hui dans les départements, territoires et collectivités d'outre-mer.
Cette donnée essentielle au débat nous permet d'apprécier en conséquence les attendus et les objectifs du présent projet de loi de programme ainsi que les moyens qu'il prévoit de mobiliser pour répondre aux multiples défis, qu'ils soient économiques, culturels, sociaux, éducatifs, etc., que doivent relever ces territoires.
Ma vision de ce projet est évidemment moins idyllique que celle de M. Virapoullé qui s'est exprimé au nom de l'UMP.
Il parlait de clarté et, en effet, soyons clairs : croit-on vraiment qu'avec un peu moins de 300 millions d'euros de dépenses nouvelles, c'est-à-dire plus ou moins 150 euros par habitant, on va répondre aux multiples questions aujourd'hui posées ?
Quand, de surcroît, une part importante de cette dépense nouvelle ne correspond en réalité qu'à une progression de dépenses fiscales déjà existantes, et pour lesquelles aucune étude d'impact, ni analyse d'efficacité, n'a encore été véritablement effectuée, on peut se permettre de douter de la portée réelle de cette loi de programme.
Tout se passe un peu comme si, dans la double perspective des élections régionales et des élections européennes de 2004, l'on avait voulu, à toute force, faire adopter un projet de loi, en procédant à quelques aménagements cosmétiques de l'existant, destiné à servir de programme électoral aux candidats investis par le gouvernement actuel.
Mais, dans le même temps, la pression des événements et des réalités sociales et économiques se fait sentir et nous appelle naturellement à d'autres choix que ceux qui sont aujourd'hui portés par ce projet de loi de programme.
Si l'on examine l'ensemble des paramètres qu'il s'agisse du taux de chômage - plus de 25 % - que connaissent la plupart des territoires et départements d'outre-mer, de la situation économique générale, et, entre autres, de la dégradation des échanges commerciaux, mais aussi de la situation sociale, par exemple, le nombre de RMIstes est six fois plus élevé en outre-mer qu'en métropole - des retards du système de formation initiale, de l'insuffisante mobilisation des moyens financiers pour faire face aux exigences de développement des entreprises, on s'aperçoit que tout concourt à promouvoir des solutions autrement plus audacieuses que celles qui sont préconisées dans ce projet de loi de programme.
Celui-ci est de surcroît fondé sur un certain nombre d'attendus plus ou moins dogmatiques : il est notamment porteur de la croyance en une dynamisation des économies ultramarines par le secteur marchand.
Une telle orientation mériterait au moins d'être analysée au regard de la réalité vécue ces dix dernières années, notamment à travers la mise en oeuvre de la loi Pons ou de la loi Perben.
Ainsi, le développement de l'équipement touristique dans certains département d'outre-mer a montré ses limites : aujourd'hui, le présent projet de loi de programme nous invite à financer la réhabilitation d'un patrimoine hôtelier dont certains propriétaires ont négligé l'entretien, alors même qu'il est également victime des vicissitudes de captation de la clientèle, en particulier nord-américaine, par d'autres territoires.
M. Georges Othily. Par Cuba !
M. Thierry Foucaud. Bien sûr, il ne faut pas opposer l'emploi privé à l'emploi public.
Mais dans le même temps, le développement de l'emploi non marchand, et nous pensons en particulier aux emplois-jeunes, est bradé, brisé, jetant des milliers de personnes dans l'incertitude du lendemain.
Le projet de loi de programme est donc également victime des orientations de la politique gouvernementale de réduction de la dépense publique.
Malgré le retard des équipements, des dispositifs d'éducation et de formation notamment, qui nous dit que, demain, les départements et collectivités locales d'outre-mer ne seront pas victimes, comme les autres régions du pays, de la logique d'austérité qui prévaudra dans la politique de recrutement de la fonction publique ?
Nous estimons donc qu'il conviendrait pour le moins de maintenir et d'officialiser les emplois publics et de procéder à une véritable analyse prospective des besoins réels.
Les parlementaires du groupe communiste républicain et citoyen - mon collègue et ami Paul Vergès, sénateur et président du conseil régional de la Réunion, le soulignera - estiment donc nécessaire une profonde amélioration du texte qui est soumis aujourd'hui au Sénat, et ils ont d'ailleurs déposé des amendements en ce sens.
A défaut d'une véritable réécriture du projet de loi de programme, nous ne pourrons que nous prononcer contre son adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de programme pour l'outre-mer que nous examinons repose sur une stratégie et une logique qui nous donnent des raisons d'espérer.
Il correspond à l'engagement de M. le Président de la République française dont on connaît l'attachement pour ces régions lointaines.
Il faut en effet rappeler qu'en 1986, alors qu'il était Premier ministre, M. le Président de la République avait impulsé une première loi de programme et, son corollaire, une loi de défiscalisation qui permit notamment l'abolition du monopole d'Air France et l'ouverture du ciel. De même, étaient lancées les premières mesures visant à finaliser l'égalité sociale, achevée en 1995.
Depuis, la loi Perben a fortement stimulé l'économie sociale.
Les différentes modifications apportées ensuite à ces deux grandes lois ont cependant eu pour conséquence de figer les dispositifs existants et d'affaiblir la confiance, nécessaire à tout investissement, particulièrement outre-mer.
Il est reproché à votre texte, madame la ministre, de ne pas être à la hauteur du projet du Président de la République, qui souhaitait une grande réforme et un nouveau modèle de développement.
Certains oublient donc l'état dans lequel le gouvernement précédent a laissé les finances de l'Etat et, par exemple, les 7 millions d'euros de déficit de la caisse d'allocations familiales !
Il faut quand même avoir en mémoire que l'Etat, qui doit pourtant donner l'exemple, n'a pas payé les cotisations chômage des emplois-jeunes qu'il a embauchés !
M. Roland du Luart, rapporteur. Ça fait désordre !
Mme Lucette Michaux-Chevry. On vous reproche, madame la ministre, de ne rien faire pour les communes, mais il ne vous appartient pas de revoir les bases fiscales : les préfets ont déjà, sur place, commencé à le faire.
On vous reproche de ne pas définir la politique du logement, mais, moi, je ne vous demande pas de définir la politique du logement en Guadeloupe !
En Guadeloupe, nous avons créé un guichet unique et nous avons dit : voilà le modèle de logement que nous voulons mettre en place. Il faut que les élus cessent de courir auprès des ministres pour leur demander de définir à leur place la politique qu'ils doivent mettre en oeuvre dans leur région !
J'ai été choquée quand j'ai entendu dire que vous preniez des mesures secrètes. Vous vous êtes conduite, madame, en grande démocrate !
Pour ma part, je n'ai jamais « mis les pieds » au ministère de l'outre-mer, ni quand M. Paul était secrétaire d'Etat, ni après. La LOOM nous a été imposée.
Vous, madame la ministre, vous avez convoqué tous les élus de l'outre-mer et c'est avec nous, même si nous ne sommes pas entièrement d'accord, que vous avez élaboré le texte.
Vous avez rencontré tous les socioprofessionnels et même des personnalités qui n'étaient pas des élus. Pendant un an, vous vous êtes mise à l'écoute de tous. Vous vous êtes rendue dans toutes les régions et tous les territoires d'outre-mer pour affiner votre approche avant de rédiger le texte qui nous est aujourd'hui soumis.
On vous reproche de recourir à une mesure qui est déjà appliquée : la défiscalisation. Mais tout le monde le sait, la défiscalisation est la seule réponse adaptée à notre environnement juridique. Les autres pays de la Caraïbe ont des zones franches et de bas salaires, et c'est justement pourquoi leurs produits parviennent à concurrencer les nôtres.
La défiscalisation et la prise en charge des charges sociales sont donc les seules mesures envisageables.
J'ignore ce qui s'est passé en Martinique, peut-être la mise en oeuvre de la LOOM s'est-elle arrêtée en Guadeloupe, mais, ce que je sais, c'est que les critères retenus par les trésoriers-payeurs généraux ont tout bloqué !
Je dis donc que, avec la défiscalisation, la réduction des charges sociales et le soutien financier au désenclavement de nos régions, vous apportez des réponses positives qui prennent en compte l'acuité de nos problèmes : même si ce n'est pas suffisant, vous nous engagez dans la voie du renouveau.
J'espère, par exemple, que l'importance des flux de touristes qui vont dans les îles de la zone Caraïbe acheter des produits à bien meilleur marché que ceux que l'on trouve dans nos DOM nous amènera à soulever la question de l'aménagement de zones franches.
Il est indispensable que la France commence, avec l'Europe, à occuper réellement et de plus en plus profondément les espaces économiques dans certaines parties du monde en mettant en place des règles adaptées à l'environnement de l'outre-mer. C'est le sens du projet de loi de programme que vous nous présentez puisqu'il vise à réduire les handicaps qui fragilisent le développement de nos régions.
En outre, même si les mesures que vous nous proposez ne sont pas suffisantes, dans un contexte économique et financier difficile, vous abordez pour la première fois dans sa réalité la dimension de l'espace territorial français et européen.
Vous apportez aussi les premières réponses en matière de désenclavement de l'outre-mer. J'exerce une responsabilité politique depuis plus de vingt ans et, depuis plus de vingt ans, nous nous demandons où est la continuité territoriale. Cette continuité territoriale, vous l'instaurez dans votre texte, et c'est la porte ouverte au désenclavement de nos régions. C'est fondamental. Pouvons-nous en effet tolérer que des enfants nés aux Saintes ou à Marie-Galante aient à payer de lourds frais pour se rendre au lycée en Guadeloupe continentale ?
Certes, aux termes des dispositions qui nous sont soumises sur le désenclavement, nous ne bénéficions pas du même traitement que celui qui est réservé à la Corse. J'ose espérer cependant que nous verrons bientôt les cartes géographiques de l'outre-mer figurer à côté de la carte de France, tant il est vrai que la France ne se réduit pas à l'Hexagone. En inscrivant dans le texte le principe d'une dotation de continuité territoriale, comme nous le revendiquions, vous sortez en effet - enfin ! - l'outre-mer de la périphérie et vous engagez notre pays dans le monde moderne, celui de l'espace.
Après le mémorandum de 1987 de Bernard Pons, après le POSEIDOM, après l'égalité sociale, après le traité d'Amsterdam défendu par M. le Président de la République, voilà l'outre-mer engagé sur le chemin de l'égalité économique !
Pour ce faire, votre texte repose sur des critères forts, des idées force : encourager l'emploi, favoriser la relance de l'investissement, renforcer la continuité territoriale. Il se fonde sur une logique d'activité, de créativité, de responsabilité et non plus sur une logique d'assistanat.
Le traitement du chômage, chez nous, ce sont des hommes et de femmes qui ne travaillent pas et qui attendent le facteur. Quant au RMI, il a conduit à la légalisation du travail au noir !
Ce n'était pas ce que l'on attendait du législateur !
En 1992, à l'Assemblée nationale, j'ai voté contre le RMI, car je savais qu'il entraînerait systématiquement le non-travail.
C'est pourquoi, aujourd'hui, je soutiens avec force l'idée du revenu minimum d'activité : la réinsertion par le travail est une valeur fondamentale et je vous supplie, madame la ministre, d'en faire un des piliers de votre action outre-mer. Vous ne sortirez l'outre-mer de l'assistanat que si vous conditionnez le versement d'un revenu minimum au travail. Sinon, toutes les aides que vous pourrez verser aux artisans pour embaucher seront inopérantes !
Il y a des niches d'emploi chez nous. Il faut les utiliser. M. Virapoullé, M. Othily, tous, nous nous battons depuis des années en faveur d'un système comme le RMA. Il ne s'agit pas de verser une allocation de remboursement à un artisan : il faut obliger le RMIste à travailler, à présenter une feuille de salaire pour toucher son allocation. S'il faut changer le code du travail, alors changez-le !
La drogue et l'alcool, dans nos régions, ont l'oisiveté pour cause, et l'oisiveté a tué la créativité chez nous ! (M. Virapoullé opine.)
Pouvons-nous admettre que des planteurs de canne touchent à Marie-Galante le RMI et embauchent des Haïtiens pour couper la canne ! Haïtiens qui se font soigner dans les hôpitaux français aux frais des contribuables, Haïtiens que nous devons scolariser dans nos écoles et dans nos lycées !
Oui, il y a des choses à revoir ! Vous vous êtes engagée à le faire, madame la ministre, et vous avez eu raison !
Quant au fonds régional de développement, je m'étonne que des élus qui réclament plus d'autonomie et plus de responsabilité demandent au Gouvernement de gérer une recette locale qui nous appartient depuis 1863 : l'octroi de mer. Si les élus ne sont pas satisfaits de la façon dont les exécutifs régionaux utilisent les recettes de l'octroi de mer, qu'ils les mettent en minorité !
A quoi utilisons-nous le fonds régional de développement, mes chers collègues ? Précisément à préfinancer les mesures d'intérêt régional ! Si la gestion du fonds régional de développement est confiée aux communes, il tombera dans l'unité de caisse et financera des dépenses de fonctionnement. Réclamer au fonds régional de développement de financer des contrats emplois-jeunes, c'est oublier que nous avons un retard de développement et que nous devons utiliser tous les moyens à notre disposition pour le rattraper.
Le fonds régional de développement nous permet d'accompagner les communes et je conteste avec fermeté les conclusions du conseil économique et social régional selon lesquelles il ne serait pas utilisé.
Je tiens à dire, et je peux le prouver, que 98 % du FEDER et 93 % du fonds social européen sont consommés en Guadeloupe.
Avec votre aide, madame la ministre, en mettant en place le préfinancement des fonds européens, nous apportons au monde agricole le soutien qu'il attend.
Restent quelques points sur lesquels je souhaite vous interroger.
Je souhaite le rétablissement du fonds de calamité. Quand ce fonds, qui doit être abondé par l'Europe, l'Etat, les collectivités, sera-t-il mis en place ? Il nous permettrait de mieux faire face aux regrettables conséquences des cyclones.
Par ailleurs, nous nous intéressons beaucoup, vous le savez, aux énergies renouvelables : nous souhaiterions savoir si les fonds régionaux de l'ADEME, disponibles notamment au titre des programmes verts, pourront être maintenus sur d'autres programmes de l'ADEME éligibles au contrat de plan.
Enfin, je veux espérer que la France fera preuve d'un peu plus d'agressivité auprès des instances communautaires. Comment accepter que les îles portugaises et espagnoles, dont les taux de chômage, soit environ 9 %, sont beaucoup plus bas que chez nous, bénéficient encore du fonds de cohésion alors que les régions et départements d'outre-mer n'en bénéficient pas ?
C'est un combat que nous menons avec nos collègues de la Réunion depuis un certain temps déjà, et je crois qu'il est temps que nous obtenions l'aide du fonds de cohésion pour favoriser le développement de nos régions.
De même, la clause « Madère », qui prévoit une dotation financière équivalente à 75 % du différentiel entre le revenu du planteur de bananes et le prix garanti, n'est pas applicable dans les mêmes conditions aux planteurs des Antilles, ceux-ci ne bénéficiant que du taux de 45 %. Vous venez d'obtenir une mesure extrêmement avantageuse et qui a satisfait les planteurs de bananes, mais il n'empêche que la question reste posée.
Tels sont les points qu'il me paraît important de souligner dans le projet de loi, étant entendu que le contrôle de son application tous les trois ans permettra si nécessaire de le réactualiser et de l'affiner.
Mais il m'est difficile de conclure sans évoquer le corollaire de ce texte : je veux parler de la loi de décentralisation et de son volet institutionnel.
Pour la première fois, un gouvernement modifie l'article 73 de la Constitution en intégrant les dispositions de l'article 299-2 du traité de l'Union, qui reconnaît la permanence des caractéristiques et contraintes particulières de nos régions et la faculté d'adapter en conséquence la législation.
Quel que soit l'usage du droit de gouvernance, ce dispositif n'a de sens qu'avec l'outil qui l'accompagne, c'est-à-dire la loi de programme, juridiquement fondée sur cette reconnaissance constitutionnelle des handicaps structurels de nos régions et territoires d'outre-mer.
Je sais bien que la gouvernance n'est pas une fin en soi et que c'est le développement économique durable de nos régions, placées sous la responsabilité des populations et des élus, qui est de nature à répondre à nos problèmes. Mais notre capacité à assumer notre destin n'a de sens que si nous disposons des moyens pour le faire. Les moyens de la gouvernance, c'est aussi la loi de programme.
Cette gouvernance nouvelle et cette responsabilité incontournable des citoyens dans la gestion de leur développement n'ont de signification que si elles s'accompagnent d'un élan nouveau et spécifique en termes de décentralisation, décentralisation qui devra être suivie d'une déconcentration de l'Etat.
C'est la voie que vous venez d'ouvrir, madame la ministre, avec sérieux et sans démagogie. Nous avons déposé quelques amendements en vue de compléter ce projet de loi, que je voterai, car il est de nature à changer bien des choses outre-mer ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, s'il est un principe auquel chaque citoyen français me paraît profondément attaché et qu'il est du devoir de la Haute Assemblée de faire respecter, c'est bien celui de la continuité de l'Etat et de la République sur l'ensemble de notre territoire.
Il me sera difficile, madame Michaux-Chevry, de m'exprimer avec autant de passion et de force de conviction que vous, mais, et j'en parlais avec nos collègues Jean-Paul Virapoullé et Anne-Marie Payet, il est important que des sénateurs métropolitains prennent aussi la parole dans ce débat. C'est également cela la continuité républicaine. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
Mme Jacqueline Gourault. Cette obligation doit se traduire d'un point de vue économique, social, juridique et politique, et c'est bien de cela qu'il s'agit aujourd'hui, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi de programme pour l'outre-mer.
En effet, comme viennent de le rappeler nombre de mes collègues, ce qui nous est proposé aujourd'hui n'est pas un luxe : il faut réformer, de manière que la République française ne soit pas un concept à géométrie variable selon que l'on vit d'un côté ou de l'autre de l'océan.
Il faut tout d'abord assurer la continuité de la République sur le plan économique.
De même qu'il n'est pas acceptable que certaines parties du territoire métropolitain se développent tandis que d'autres se trouvent vidées progressivement de leur substance, il n'est pas acceptable que la métropole connaisse un dynamisme nettement supérieur à celui des collectivités d'outre-mer sans qu'une redistribution réelle ne soit mise en oeuvre. La recherche de cohésion et le souci d'égalité entre les citoyens qui ont fait notre histoire doivent être réaffirmés en outre-mer, sans doute plus encore qu'ailleurs compte tenu de la situation particulière de ces territoires.
M. Simon Loueckhote. Très bien !
Mme Jacqueline Gourault. Dans cet esprit, le présent projet de loi comprend des mesures salutaires visant à encourager la création d'emplois et à relancer l'investissement privé. Il est notamment nécessaire de poursuivre l'effort d'allégement des charges sociales au profit de l'outre-mer. Les mesures de soutien fiscal à l'économie, favorisant en particulier l'investissement dans les secteurs du bâtiment et du tourisme, sont également indispensables.
La continuité de la République doit aussi être garantie d'un point de vue géographique.
Ainsi, l'article 42 du projet de loi de programme, en vertu duquel l'Etat versera aux régions et collectivités d'outre-mer une dotation de continuité territoriale destinée à faciliter les déplacements aériens des résidents de ces collectivités entre celles-ci et le territoire métropolitain, tend à mieux garantir cette continuité.
Faciliter les déplacements entre la métropole et l'outre-mer est le moyen le plus efficace de faire en sorte que les dispositions de la présente loi ne se réduisent pas, dans l'avenir, à un catalogue de voeux pieux. Ce dispositif sera un moyen efficace d'encourager les investissements souhaités, ainsi que l'effort consenti par les jeunes pour acquérir une formation complémentaire en métropole.
Parce qu'elle doit permettre d'améliorer la formation des plus jeunes, parce qu'elle doit contribuer à renforcer les liens entre acteurs économiques, cette disposition est bonne. Elle s'inscrit dans une logique de désenclavement, aérien en l'occurrence, qui a souvent été mise en application avec efficacité pour d'autres territoires.
La continuité économique et géographique est certes nécessaire, mais l'application de la loi de programme pour l'outre-mer exige encore que soit respectée une certaine forme de continuité juridique, sans laquelle les collectivités d'outre-mer risqueraient d'être victimes d'une accumulation, d'un empilement de dispositifs dont les effets théoriquement bénéfiques s'annuleraient mutuellement. Sans la mise en oeuvre d'une certaine continuité juridique, la réforme du droit de l'outre-mer pourrait se résumer à une opération à somme nulle.
Ainsi, ouvrir aux anciens RMIstes la possibilité de bénéficier d'un contrat d'accès à l'emploi tout en continuant à toucher l'allocation de reprise d'activité est une excellente chose. Toutefois, en métropole, cette mesure porte un nom : il s'agit du revenu minimum d'activité, le RMA. Lors des premiers travaux préparatoires à l'élaboration du projet de loi de programme pour l'outre-mer, il n'était pas encore question du RMA, ce qui explique que ce texte soit muet sur ce point. Mais aujourd'hui, la perspective de la création du revenu minimum d'activité soulève certaines questions : comment les dispositifs du contrat d'accès à l'emploi couplé à l'allocation de reprise d'activité, d'une part, et du RMA, d'autre part, vont-ils se combiner ? L'une des deux mesures ne va-t-elle pas éclipser l'autre ?
De la même manière, la loi Fillon relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi exclut tout cumul d'aides. Ainsi, une entreprise qui entendrait bénéficier des réductions de charges sociales prévues par le présent projet de loi ne pourrait continuer à percevoir la prime liée à la RTT. Or l'interdiction légale de cumul pèsera sur les entreprises les plus petites et les plus fragiles, celles qui sont essentielles pour le maintien d'un tissu économique dynamique. Dans ces conditions, ne serait-il pas souhaitable d'autoriser, comme le suggère la commission des affaires sociales, un cumul temporaire, jusqu'en 2005, ce qui couvre toute la période d'alignement des SMIC, afin d'éviter un effet « couperet » nuisible, qui réduirait la portée de la réforme ?
Je salue donc l'effort engagé, tout en appelant de mes voeux une amélioration du texte, et tiens à féliciter les commissions et leurs rapporteurs pour leur excellent travail.
Je conclurai mon propos en évoquant le cadre plus général dans lequel s'inscrit forcément ce projet de loi : celui de la décentralisation. L'objectif principal doit être de rendre aux citoyens et aux différents acteurs des territoires un service plus proche et plus efficace. La décentralisation, qui a déjà fait ses preuves, doit donc se combiner avec la vocation naturelle de l'Etat à compenser les handicaps de chacun des territoires, que les collectivités locales ne sauraient prendre seules en charge. Ce projet de loi me paraît s'inscrire dans cette démarche et je m'en félicite. Le groupe de l'Union centriste votera ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Rodolphe Désiré.
M. Rodolphe Désiré. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans un climat morose où tous les indicateurs de l'économie nationale et européenne passent au rouge, le Gouvernement présente un projet de loi de programme pour l'outre-mer, respectant en cela les promesses formulées le 6 février 2002 à la Martinique par le Président de la République. Dans son discours de Madiana, celui-ci avait en effet déclaré l'urgence de mettre en oeuvre, après le rattrapage social, le rattrapage économique des DOM par rapport à la métropole.
J'ai souligné plusieurs fois, à cette tribune, l'importance des efforts consentis par l'Etat depuis vingt ans en faveur de l'outre-mer : contrats de plan en 1984, loi de défiscalisation et loi de programme en 1986 et, plus récemment, en 2000, loi d'orientation, indépendamment de la progression annuelle des crédits budgétaires.
Cependant, je dois dire d'emblée qu'après avoir suscité beaucoup d'espoir ce projet de loi, qui représente lui aussi, il faut l'avouer, un effort important en faveur de l'outre-mer, risque d'entraîner beaucoup de déceptions.
Il est vrai qu'il n'est pas si facile de faire passer une société de plantation post-esclavagiste, qui n'a pas connu d'accumulation du capital, au stade de société moderne, à l'instar de celui que nous connaissons en Europe.
Vous avez mis l'accent, madame la ministre, ainsi que M. du Luart et d'autres intervenants, sur les nombreux handicaps qui freinent notre développement et qui ont été bien définis par notre collègue Jean-Paul Virapoullé, évoquant l'article 299-2 du traité d'Amsterdam : l'éloignement, les séquelles de l'histoire, le handicap économique de la masse critique, le haut niveau d'intégration sociale. Il faut y ajouter, comme l'a noté notre collègue Roland du Luart, l'effondrement de l'économie touristique aux Antilles, dû essentiellement à l'affaiblissement, depuis cinq ans, des flux financiers induits par la « loi Pons », après la prétendue « moralisation » de cette dernière, et non pas seulement aux mouvements sociaux. Chacun sait que les conflits sociaux sont souvent le propre d'entreprises qui n'ont plus de marge.
De plus, comme vous le savez, les perspectives à moyen terme pour l'emploi sont sombres : 50 000 emplois pourraient être menacés à la fois par l'achèvement, en 2006, de la mise en place de l'OCM « banane », amenant la suppression des aides préférentielles jusqu'alors accordées, par la libéralisation intégrale, en 2006 et en 2009, des marchés du sucre et du riz, au travers des schémas de préférence généralisée, qui ne nous permettront pas de résister à la concurrence étrangère, et par les incertitudes concernant la prorogation du régime de l'octroi de mer en 2004.
Dans ce contexte, je ne peux que saluer les bonnes intentions du Gouvernement qui, par le biais du projet de loi de programme, tente de « colmater les brèches », s'agissant notamment de l'aide à l'emploi, du soutien fiscal à l'économie et de la continuité territoriale.
Compte tenu du temps qui m'est imparti, je me contenterai d'émettre quelques observations me paraissant essentielles.
Concernant l'aide à l'emploi, indépendamment des problèmes posés par les effets de seuil, qui semblent imparables, il est absolument nécessaire d'éviter que l'harmonisation du SMIC en trois ans prévue par la « loi Fillon » n'absorbe entièrement, pour les entreprises, les bénéfices permis par la mise en oeuvre de la loi de programme. Cela enlèverait à celle-ci toute substance.
A propos du principe du soutien fiscal à l'économie, on peut citer l'économiste Eliane Mossé, qui, dans son rapport au gouvernement de février 1999, donc rédigé avant l'entrée en vigueur de la LOOM, écrivait que l'« on ne doit pas juger la défiscalisation selon des critères moraux, mais plutôt en fonction de ses effets économiques (...). Il n'est pas négligeable qu'une épargne soit drainée de la métropole vers les DOM, qui en ont fortement besoin, plutôt que vers des paradis fiscaux parfois situés dans la zone géographique des DOM, et où les placements français ne feraient que favoriser la concurrence exercée sur les départements d'outre-mer ».
Madame la ministre, il ne faut pas s'attendre à un rattrapage économique durable sans des apports massifs de capitaux privés, compte tenu de la faiblesse des fonds propres des entreprises locales. Cela se comprend aisément, puisque les premières tentatives infructueuses de diversification de nos économies « post-coloniales » datent d'une trentaine d'années à peine.
Je suis donc quelque peu étonné de la timidité du Gouvernement s'agissant de la relance de l'économie touristique : procéder uniquement à des réhabilitations ne sera pas suffisant pour relancer ce secteur qui, aujourd'hui, est le seul sur lequel on puisse s'appuyer pour engager une véritable stratégie de développement durable.
Je suis encore plus étonné de constater que le seul segment de ce secteur touristique qui ait montré, malgré la crise, une certaine vitalité entraînant des retombées considérables pour l'économie locale, je veux parler de la location de bateaux aux Antilles, est actuellement écarté du bénéfice des avantages consentis à l'hôtellerie. Cependant, après plusieurs mois d'efforts, je ne désespère pas d'être entendu, mais peut-être faut-il plutôt s'orienter vers l'installation de zones franches.
Les mesures concernant la continuité territoriale présentent, quant à elles, le mérite de témoigner qu'un problème existe dans ce domaine. Ne soyons pas jaloux des régimes dont bénéficient les autres régions ultrapériphériques de l'Europe, ainsi que la Corse, tant pour le fret que pour le transport des passagers. Soulignons tout de même que le PIB moyen des départements d'outre-mer atteint 55 % du PIB moyen métropolitain, alors que celui de la Corse s'élève à 76,9 % de ce dernier. J'insisterai surtout sur la nécessité d'une continuité territoriale entre les trois départements français d'Amérique pour permettre à ceux-ci d'établir une véritable coopération économique et de constituer une masse critique susceptible de doper leurs économies. Il n'est pas acceptable que le prix d'un billet Fort-de-France - Cayenne soit plus élevé que celui d'un billet Fort-de-France - Paris.
Par ailleurs, je souhaite, madame la ministre, que vous puissiez articuler étroitement le projet de loi de programme avec les autres dispositifs mis en oeuvre. Il faudra notamment veiller à l'optimisation de l'utilisation des fonds européens, alors que nous sommes en train de renégocier, à mi-parcours, le document unique de programmation. Je profite de cette occasion pour vous rappeler que les communes des Antilles ne bénéficient pas de fonds structurels pour financer la rénovation des écoles primaires, particulièrement délabrées. Cela représente des besoins financiers énormes. J'ai vérifié avant-hier, à Bruxelles, auprès de la Commission, que ces opérations sont bien éligibles aux fonds européens, à condition que les collectivités locales et l'Etat formulent une demande.
Enfin, je voudrais attirer de nouveau l'attention sur les difficultés qu'affrontent les entreprises pour financer les investissements productifs, en raison du désengagement du système bancaire. Leur situation risque de devenir plus compliquée encore à l'heure où, dans un contexte où les taux d'intérêt sont plus élevés qu'en métropole, un nouveau ratio de solvabilité voit le jour.
Madame la ministre, j'ai conscience des difficultés que vous avez rencontrées pour convaincre vos collègues des autres ministères d'intervenir fortement en faveur de l'outre-mer. La « météorologie économique » ne s'y prêtait pas. Quoi qu'il en soit, deux des aspects positifs du présent projet de loi de programme sont sa durée de validité de quinze ans et sa réévaluation prévue tous les trois ans. Je souhaite ardemment que, ces trois prochaines années, la France retrouve ses capacités d'intervention par la relance de la croissance et que, plus simplement, nous profitions de ce laps de temps pour mener une réflexion approfondie sur les moyens de tous ordres, y compris institutionnels, à mettre en oeuvre pour permettre un véritable développement durable de nos économies insulaires, conjuguant tout particulièrement développement économique et cohésion sociale. Pour l'outre-mer, soyons réalistes : demandons l'impossible ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur celles de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Paul Vergès.
M. Paul Vergès. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après la loi Pons de 1986 relative à la défiscalisation, la loi Perben de 1994 et la loi d'orientation pour l'outre-mer de décembre 2000, il s'agit, en moins de vingt ans, du quatrième texte visant à relever le défi du développement de l'outre-mer.
Par-delà les schémas partisans, l'échéance, fixée à quinze ans, aurait pu être l'occasion de renouveler notre regard sur les sociétés d'outre-mer et de nous inviter à nous projeter dans le futur, à donner un sens à notre projet de développement et à imaginer, sans tabous ni partis pris, un nouvel horizon.
Or, au-delà des mesures envisagées, qui visent en fait à améliorer ou à compléter les dispositifs existants, ou des moyens financiers supplémentaires prévus, ce qui fait précisément défaut à ce projet de loi, c'est une vision à moyen terme et un sens global donné à l'action à entreprendre.
Par ailleurs, la diversité de l'outre-mer, désormais admise par tous, rend inopérantes les tentatives de légiférer de manière identique pour des territoires dont les situations sont très variées et se différencient de plus en plus.
C'est pourquoi je m'en tiendrai au cas de la Réunion.
La Réunion compte actuellement près de 750 000 habitants ; au terme de l'exécution de la loi de programme, elle en comptera 200 000 de plus. En 2030, la population active regroupera 440 000 personnes, contre 300 000 en 2000, soit une augmentation de près de 50 % en trois décennies. Pour maintenir le chômage à son niveau actuel, déjà intolérable puisqu'un tiers de la population active est touché, il faudrait donc créer 140 000 emplois supplémentaires sur cette période : le défi est considérable.
Rappelons en outre que, sur notre île, 330 000 personnes relèvent actuellement de la couverture maladie universelle. On y dénombre 100 000 chômeurs, 100 000 illettrés, 67 000 foyers dépendant du RMI, ce qui représente 165 000 personnes. Qu'en sera-t-il de ce « deuxième monde » réunionnais dans quinze ans, au terme de l'exécution de la loi de programme, si rien ne change fondamentalement ?
Veuillez m'excuser, madame la ministre, mes chers collègues, de cette litanie de chiffres, mais ce sont des chiffres officiels, qui traduisent la réalité de notre île, pour aujourd'hui et pour demain, et que nous devons constamment prendre en compte. Quelle serait l'orientation des politiques publiques si la France, avec les mêmes indicateurs, devait voir sa population s'accroître de quelque vingt millions d'habitants en quinze ans ? Telle est l'ampleur du problème que nous affrontons.
Si la réalisation de l'égalité sociale a permis d'atténuer les effets les plus graves d'une telle situation, il est illusoire de penser que les mesures sectorielles envisagées, qui s'inscrivent dans la continuité des lois précédentes, sont de nature à transformer radicalement l'héritage de politiques successives menées depuis de nombreuses décennies.
Comment croire, en effet, que des dispositifs de réduction du coût du travail et de défiscalisation, sans lien aucun avec une véritable stratégie de développement économique, pourraient à eux seuls ouvrir des perspectives crédibles à la Réunion, dont l'environnement est constitué de pays où le coût du travail est de quatre à trente fois inférieur ?
Cette réalité ne nous laisse aucune autre solution que de changer de perspective et d'échelle pour vaincre les obstacles, dans un environnement géo-économique en pleine évolution. Redisons-le : toute stratégie de développement pour la Réunion doit prendre en compte sa double appartenance à l'Union européenne et à l'océan Indien. Cette situation crée des contraintes, mais elle nous donne aussi des atouts irremplaçables.
C'est pourquoi la Réunion doit jouer au maximum du plus prometteur de ses avantages comparatifs : je veux parler, bien sûr, du niveau de formation de sa jeunesse. Elle ne pourra se développer qu'en investissant dans la formation, la connaissance, l'innovation technologique et la recherche, c'est-à-dire en faisant le pari d'une sortie « par le haut » de la crise actuelle. La scolarisation généralisée a permis en un temps très court à des milliers de jeunes d'accéder au savoir et à la connaissance, mais il nous faut aujourd'hui, en valorisant cet atout, passer à une étape supérieure et investir de nouveaux champs pour ouvrir des perspectives à notre jeunesse, de mieux en mieux formée. Or aucun dispositif de la loi de programme ne prévoit une augmentation des moyens en faveur de la formation, de la recherche, ou encore de l'exportation des services.
Parallèlement, il nous faut aussi réfléchir à une solution permettant d'offrir une perspective à tous ceux qui ne pourront pas intégrer l'économie concurrentielle, laquelle nécessitera des qualifications de plus en plus élevées et une forte valeur ajoutée.
Là encore, constatons que la loi de programme demeure silencieuse. Rien sur les emplois-jeunes, où l'attente est pourtant forte. Rien sur la structuration d'une économie alternative dont chacun souligne les potentialités en matière d'emplois et d'activités et dont le fonctionnement exige le maintien de la solidarité nationale. Il s'agit, me direz-vous, d'un héritage. Certes, mais vous avez la responsabilité de le gérer.
La société réunionnaise est traversée par de multiples fractures qui font peser de lourdes menaces sur sa cohésion. Dans ce contexte, toute tentative de réforme, si elle est sectorielle, se heurte inévitablement à la résistance de ceux qui estiment que leurs intérêts sont mis en cause.
L'actualité est dominée à la Réunion par la mobilisation de la communauté éducative contre ce qui apparaît comme une atteinte à l'unité du service public et comme une menace contre un élément structurant de la société réunionnaise, l'éducation nationale. J'ai donné des exemples de l'attachement de la population à cette institution qui a permis un tel progrès social pour les couches les plus pauvres de la société. Cela confirme que toute réforme partielle et non concertée est vouée à l'échec.
L'ampleur et la durée de la protestation traduisent l'attachement des Réunionnais à l'école de la République, facteur de cohésion et moteur d'ascension sociale. Mais elles s'inscrivent également dans un climat d'incertitude et de malaise ressenti par de nombreuses couches de la population, inquiètes pour leur avenir et pour l'avenir de la Réunion.
Il s'agit, notamment, de l'inquiétude de plus en plus vive des emplois-jeunes : aucune solution durable n'a été trouvée, notamment pour ceux qui sont employés par des associations pour lesquelles la convention pluriannuelle de trois ans est insuffisante. Il s'agit aussi de l'urgence d'une solution pour les 600 aides éducateurs dont les contrats arrivent à échéance dans quelques semaines. Il faut bien être conscient que le problème des emplois-jeunes est devant nous : en 2003 et 2004, près de 3 000 contrats arrivent à échéance.
Par ailleurs, le débat sur les retraites se pose dans des conditions infiniment plus graves à la Réunion. Compte tenu du nombre de chômeurs, des emplois précaires et de la durée actuelle de cotisation, les Réunionnais, dans leur majorité, ne bénéficient pas de la retraite et perçoivent le minimum vieillesse : ils représentent 51,3 % des retraités, contre 3,6 % en France métropolitaine. Avec l'allongement de la durée de cotisation, on peut craindre que, dans quelques années, l'écrasante majorité des Réunionnais ne soit exclue du bénéfice d'une retraite normale.
Les interrogations sont également vives parmi les allocataires du RMI et les acteurs de l'insertion. Dans quelles conditions se mettra en place la gestion décentralisée du RMI dans le contexte particulier de la Réunion, où 165 000 personnes - soit près du quart de la population - sont directement concernées ? Et comment se fera l'articulation entre le futur RMA, préconisé par le Gouvernement, et les dispositions de la loi de programme sur le contrat d'accès à l'emploi qui s'adresse au même public, avec la possibilité de bénéficier des dispositions de l'ARA, l'allocation de revenu d'activité ?
L'inquiétude est également grande chez les agriculteurs, compte tenu des bouleversements engendrés par les accords commerciaux entre l'Union européenne et les pays les moins avancés, et des menaces pesant sur le futur règlement sucrier, sans sous-estimer celles qui découlent de la plainte du Brésil et de l'Australie devant l'OMC concernant le sucre européen.
Il nous faut, madame la ministre, trouver les voies d'élaboration d'un « nouveau contrat social » à la Réunion. Il va de soi que la solidarité interne ne peut se développer que si la solidarité nationale est garantie. Il appartient à l'Etat d'assurer l'égalité des citoyens sur l'ensemble du territoire de la République. L'application de ce principe à la Réunion exige le nécessaire rattrapage des retards connus de tous.
C'est dans le même esprit que doit être abordée la question de la continuité territoriale. L'engagement du Gouvernement est, sur ce plan, en décalage avec le principe auquel il se réfère. Comment expliquer - d'autres orateurs l'ont dit avant moi - que, pour la Corse, l'Etat consacre plus de 165 millions d'euros pour 260 000 habitants au titre de la continuité territoriale et qu'il ne prenne aucun engagement financier pour les collectivités d'outre-mer ?
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au moment où nous examinons la loi de programme et discutons de l'efficacité de telle ou telle mesure, la Réunion vit une crise sociale révélatrice de nombreuses contradictions et dont l'exacerbation peut prendre des chemins inattendus.
Cette actualité nous invite encore plus à relativiser la portée de ce projet de loi de programme et à considérer que ce texte est loin d'assumer et de prendre en charge l'ensemble des défis auxquels nous sommes confrontés à la Réunion.
Aurons-nous l'humilité d'en tirer toutes les conséquences, au Gouvernement, au Parlement et, surtout, à la Réunion, où l'ensemble des responsables politiques, économiques, sociaux et culturels doivent participer à l'élaboration d'un plan de développement global sans lequel les mesures qui nous sont proposées aujourd'hui n'auront qu'un effet très limité ? De notre attitude à tous, madame la ministre, dépendra l'échec de ce projet de loi, ou, au contraire, son inscription dans la perspective d'un espoir à sauver. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Georges Othily. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gaston Flosse. (M. Jean-Paul Virapoullé applaudit.)
M. Gaston Flosse. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui est la traduction, sur le plan législatif, des engagements pris par le Président de la République et par le Gouvernement. Les mesures proposées s'inscrivent sur le long terme et visent à promouvoir un développement économique fondé sur une logique de responsabilité et d'activité.
Je tiens à saluer ici votre engagement, madame la ministre, et le rôle moteur que vous avez joué dans la mise en place de ce nouveau plan d'action, un plan d'action sur quinze ans visant à soutenir durablement l'activité des entreprises outre-mer et à favoriser ainsi l'emploi des jeunes, mais aussi à lutter contre l'assistanat. Cette démarche est indispensable à la dynamique du développement économique de l'outre-mer.
Je suis heureux de saluer cette orientation, qui correspond à celle que nous avons choisie en Polynésie française dès 1991.
Depuis cette date, en effet, nous avons mené de front deux actions complémentaires : la recherche de l'autonomie politique et le développement de nos ressources économiques. L'autonomie, c'est la responsabilisation des élus et de la population, indispensable au développement économique.
Je crois que le chemin parcouru depuis 1991 est significatif. L'augmentation de nos ressources propres dans la formation de notre produit intérieur brut est supérieure à celle que nous avions fixée comme objectif. Nous sommes passés de 22 % à 45 %.
Pour atteindre ce résultat, nous avons maintenu une position de principe fondamentale en matière sociale. En Polynésie française, il n'y a pas d'indemnité de chômage,...
M. Georges Othily. Ah !
M. Gaston Flosse. ... pas de RMI, pas de 35 heures ni de RTT. (M. Jean-Paul Virapoullé applaudit.)
M. Georges Othily. Très bien !
M. Gaston Flosse. En revanche, nous avons encouragé le travail et l'effort.
M. Roland du Luart, rapporteur, et MM. Jean-Paul Virapoullé et Georges Othily. Très bien !
M. Gaston Flosse. Nous avons mis en place des fonds permettant de mettre en oeuvre un dispositif d'insertion des jeunes, des chantiers d'intérêt général, pour un montant global de 20,8 millions d'euros, soit 2,5 milliards de CFP.
Pour la formation professionnelle, l'investissement est considérable et constitue une priorité. Nous avons créé la protection sociale généralisée, qui garantit une couverture sociale à toute la population, et ce depuis 1995 : soins gratuits, allocations familiales, minimum vieillesse pour les plus démunis.
Depuis les événements de septembre 2001, nous avons augmenté considérablement les investissements publics pour pallier le ralentissement de nos ressources propres : tourisme, pêche, perle. En 2003, le budget d'investissement atteindra 583,3 millions d'euros, soit 70 milliards de CFP.
Jamais les créations d'entreprises n'ont été aussi nombreuses. Jamais les investissements privés n'ont été aussi élevés.
Mais si l'économie de la Polynésie se porte bien dans un océan Pacifique où de nombreux Etats insulaires indépendants s'enfoncent progressivement dans le sous-développement et l'anarchie, cela tient à une action déterminée que nous avons menée en partenariat avec l'Etat, avec vous, madame la ministre.
Nous avons mis en place des aides pour les petites entreprises. Nous avons également, pour provoquer des investissements lourds dans les secteurs stratégiques, créé un dispositif de crédit d'impôt extrêmement puissant. C'est ce dernier, combiné avec le mécanisme de défiscalisation métropolitaine, qui a permis l'essor du parc hôtelier polynésien.
Le tourisme est notre première ressource, mais, confronté à la concurrence des pays à faible coût de main-d'oeuvre, il ne peut se passer des aides à l'investissement. C'est pourquoi nous saluons l'abandon définitif dans la loi des tentatives d'interdiction du cumul des aides locales et nationales. Mais nous pensons que, pour la rénovation hôtelière, nous aurions dû pouvoir bénéficier des mêmes taux de réduction d'impôt que les départements d'outre-mer.
D'ailleurs, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de regretter que le projet de loi de programme qui nous est aujourd'hui présenté soit tourné en priorité vers les départements d'outre-mer.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Jaloux ! (Rires.)
M. Gaston Flosse. Pourtant, comme je l'ai dit, il me semble que nous faisons preuve de responsabilité et notre travail, notre dynamisme et nos résultats sont évidents, comme vous l'avez vous-même remarqué.
Lorsque des compagnies aériennes nous abandonnent, nous n'attendons pas que l'Etat nous apporte la solution : nous la trouvons, nous la créons ! (Mme Lucette Michaux-Chevry et M. Jean-Paul Virapoullé applaudissent.)
M. Georges Othily. Bravo !
M. Gaston Flosse. Lorsque le marché de la perliculture, dans une conjoncture mondiale déprimée, s'affaiblit, nous ne demandons pas une aide supplémentaire à l'Etat : nous cherchons nous-mêmes à promouvoir nos ventes et à discipliner notre offre. Avons-nous tort d'agir comme nous le faisons ?
M. Georges Othily. Non !
M. Gaston Flosse. Je ne le pense pas, et je suppose que vous ne le pensez pas non plus, madame la ministre.
Alors, quand nous demandons à bénéficier du même traitement que les départements d'outre-mer, pourquoi nous le refuse-t-on ? Lorsque nous demandons plus de transparence dans les procédures d'agrément, pourquoi nous laisse-t-on entendre que cela alourdirait le dispositif ?
Je ne veux cependant pas diminuer votre mérite, madame la ministre. Vous vous êtes battue, comme toujours avec détermination, pour obtenir ce qui vous paraît nécessaire. Vous avez voulu une loi qui garantisse une action dans la durée. Vous avez essayé de mieux participer aux décisions du ministère des finances mais, malheureusement, vous vous heurtez à une forteresse imprenable, imperméable à la réalité de l'outre-mer.
M. Georges Othily. C'est une bastille !
M. Gaston Flosse. En définitive, et malgré les obstacles, vous avez réussi à améliorer la loi de défiscalisation sans ambition qu'avait laissée votre prédécesseur.
Je sais aussi, et surtout, que, à la différence de ce dernier, vous voulez que l'essor de l'outre-mer, dont vous avez la lourde charge, soit assuré.
La défiscalisation des investissements est indispensable pour atteindre cet objectif et j'ai la certitude que vous ferez en sorte que la loi soit effectivement appliquée.
Dans cette entreprise, vous savez, madame la ministre, que vous pouvez compter sur mon soutien actif et déterminé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
MM. Jean-Paul Virapoullé et Georges Othily. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Dominique Larifla.
M. Dominique Larifla. Madame la ministre, je qualifierai le texte que vous nous présentez de synthèse.
En premier lieu, parce qu'il s'inscrit dans la continuité de la politique menée par vos prédécesseurs, que vous prolongez en y apportant des assouplissements.
Vous faites ainsi la preuve de la pertinence de cette politique en faveur de l'emploi. Car, incontestablement, la loi d'orientation a instauré un cadre favorisant le dynamisme de nos économies en matière de création d'emplois.
Au cours de la période 2000-2001, l'emploi s'est effectivement accru en outre-mer au rythme de 4 %, mais on peut faire mieux, et il faut faire mieux !
L'autre volet de cette synthèse réside dans la rénovation d'un dispositif dont l'impact est, pour sa part, moins identifiable : celui de la défiscalisation. En effet, si chacun connaît les dérives auxquelles cette dernière a donné lieu, l'incidence sur la croissance d'un tel instrument reste, quant à elle, moins mesurable. Et, à ce jour, si l'abaissement des coûts de l'investissement est nécessaire et incontestée, rien ne vient pour autant démontrer son impact sur les économies d'outre-mer.
Avec ce texte, nous arrivons aussi à une période charnière, à la croisée de deux politiques : c'est donc une double continuité.
Le projet de loi de programme que nous examinons a suscité localement de nombreuses attentes, tant il est vrai que nul ne pouvait s'opposer à l'ambition annoncée d'un développement durable. Mais les indicateurs traduisent un tel retard que l'action sur l'avenir se doit d'être doublée d'un rattrapage, par l'effacement de certaines dettes ou par le comblement de lacunes, en matière d'équipements publics, par exemple.
C'est un secret de polichinelle, il est vrai qu'en ces temps de sagesse budgétaire l'Etat ne peut se permettre de conduire une politique par trop dispendieuse. C'est sans doute ce qui explique que cette période de quinze ans s'amorce avec timidité.
Bien sûr, des améliorations notables sont apportées, mais il était possible, et même souhaitable, d'aller plus loin en parachevant certaines mesures.
Les quinze prochaines années, constituant du long terme à l'échelle d'une économie, seront déterminantes. A cet égard, je salue votre démarche consistant à inscrire ce cadre dans une durée suffisamment longue pour constater les manques et les corriger.
S'agissant, par ailleurs, de l'effectivité du texte, pouvez-vous, madame la ministre, nous donner l'assurance d'une réponse des autorités communautaires ? Et, si oui, en quoi ont-elles, dans leur avis, nourri la réflexion ? En effet, il faut craindre que, sans ce dernier avis, cette loi ne se conjugue au conditionnel.
J'en viens maintenant à quelques-unes des dispositions du projet de loi qui, pour certaines, apportent des réponses franches à des questions précises alors que d'autres devront être précisées.
On peut dire sans conteste que l'effort qui est effectué en direction du secteur hôtelier arrive comme un souffle nouveau après une campagne médiatique qui a largement porté atteinte à l'image des départements français d'Amérique, à la Guadeloupe en particulier.
Je ne garantis pas que les entreprises appartenant à d'autres secteurs socioprofessionnels pourront en dire autant. Je pense notamment aux entreprises qui, en fonction du principe de non-cumul et de la suppression de la « prime des 35 heures », mobiliseront le bénéfice des exonérations de charges consenties par le présent texte pour financer le coût de l'harmonisation des SMIC.
S'agissant de la continuité territoriale, sur laquelle nous avons fondé de grands espoirs, aujourd'hui, je la renommerais bien « mobilité ». En effet, à bien y regarder, elle s'inscrit en deçà de l'effort mis en oeuvre ailleurs, en Corse par exemple.
La dotation viendra s'ajouter aux actions ponctuelles d'ores et déjà menées en ce sens par les collectivités locales, sans qu'elles soient « labellisées ».
Permettez-moi d'ouvrir une parenthèse s'agissant de la continuité territoriale. Pour moi, la Guadeloupe prolonge la France, au-delà de l'Atlantique, et elle en est fière. Elle est fière, dans le cadre de la coopération régionale décentralisée, d'appliquer, avec tous les Caribéens, les Haïtiens en particulier, la grande devise de la République : « Liberté, égalité, fraternité » ; c'est cela la solidarité entre les peuples.
Madame la ministre, ce texte semble faire largement le pari de la croissance par la défiscalisation. Or, comme je le disais, on connaît mieux les effets pervers de ce mécanisme que ses retombées positives. Peut-on prendre ce risque sur quinze ans ? Peut-on dans ce cas parler de développement ?
Quoi qu'il en soit, en dépit de ce qui précède, je me garderai de vous faire un procès d'intention. Les modifications apportées au cours de la discussion des amendements détermineront le sens de mon vote. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Simon Loueckhote.
M. Simon Loueckhote. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la situation des Français d'outre-mer est une nouvelle fois au centre de nos réflexions et de nos débats, à travers l'examen de ce projet de loi de programme.
C'est bien entendu une grande satisfaction pour nous, élus de l'outre-mer, de constater, à la suite de la récente révision constitutionnelle, une nouvelle traduction de l'engagement du Président de la République en faveur de nos compatriotes.
Cet engagement est ambitieux, porteur de beaucoup d'espoirs pour les populations de l'outre-mer en ce qu'il tend vers un objectif d'égalité économique.
Il est ressenti comme un témoignage de l'intérêt profond que le chef de l'Etat, le Gouvernement, le Parlement et le peuple français portent à leurs compatriotes d'outre-mer, attitude que nous, élus de ces terres, apprécions à sa juste valeur.
En effet, aucune autre circonstance dans l'histoire des relations entre la France et ses populations d'outre-mer n'a pu nous donner une telle confiance en l'avenir.
Je voudrais ajouter que ce sentiment n'est pas anodin, car il est le fondement de tout investissement, il est à la base de l'effort collectif de développement dans nos collectivités dispersées de par le monde.
Cette confiance, nous la ressentons aujourd'hui et nous souhaitons vous la témoigner.
L'outre-mer représente, à ce jour, un peu plus de trois millions de Français : aux deux millions vivant effectivement dans les collectivités d'outre-mer, s'ajoutent un million de nos compatriotes qui en sont originaires et qui résident en métropole.
Ce nombre, qui illustre le dynamisme de nos démographies, est loin d'être marginal.
La représentation nationale a d'ores et déjà manifesté sa reconnaissance de la place de l'outre-mer au sein de la République par un geste symbolique, remarquable, lors de la récente adoption de la loi constitutionnelle qui a consacré, en quelque sorte, la réunification du peuple français.
Aujourd'hui, madame le ministre, vous nous proposez, dans le droit-fil de la décentralisation, un texte d'envergure, qui fixe, sur une durée significative, des mesures d'accompagnement, des outils visant à améliorer les conditions de vie de nos compatriotes.
Oh, bien sûr, un tel projet de loi ne manque pas de susciter toute une série de réactions, justifiées ou non !
Mais, au-delà, mes chers collègues, ce qu'il est important de rappeler, c'est la difficulté d'apporter à la fois des solutions adaptées aux contraintes structurelles qui entravent le développement de l'outre-mer et des solutions répondant à la diversité des situations.
C'est pourquoi je veux souligner le mérite qu'a ce projet de loi de prévoir des moyens appropriés tout en luttant énergiquement contre cette idée fausse et néanmoins tenace qui tend à figer l'outre-mer dans le rôle de quémandeur de ressources. Comme si trois millions de nos compatriotes n'étaient pas partie prenante dans la richesse produite par la France et ne contribuaient pas à la croissance de cette richesse !
Précisément, l'occasion nous est donnée de rappeler le dynamisme économique des collectivités d'outre-mer, alors même qu'elles évoluent dans le contexte très pénalisant de l'insularité, pour la grande majorité d'entre elles, ou de l'enclavement, pour la Guyane, et qu'elles se situent dans un environnement régional qui n'est pas en synergie avec leur propre croissance.
Il suffit, pour s'en convaincre, d'observer le niveau de développement de nos voisins immédiats et l'ampleur de leurs besoins. La présence, en France, du Premier ministre du Vanuatu et les liens de coopération que nous entretenons avec ce pays du Pacifique en sont une éclatante illustration.
C'est pourquoi nous sommes sensibles à la ligne directrice de ce projet de loi de programme, qui place résolument les collectivités dans une logique productive, en parfaite adéquation avec nos attentes.
Il apparaît, en l'occurrence, que la philosophie de ce texte est tout à fait louable puisque ses dispositions permettront notamment d'alléger le coût du travail, de favoriser l'insertion professionnelle des jeunes et de réduire le coût du capital, par une refonte du système de défiscalisation applicable à l'outre-mer.
Il s'agit bien, mes chers collègues, non pas de ponctionner le budget de la nation mais de donner à l'outre-mer les moyens durables de se développer et de lutter contre ses handicaps structurels.
Je voudrais, à cet égard, souligner le contexte encore plus défavorable que subissent certaines collectivités : je veux parler de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Mayotte, de la Polynésie française, de Wallis-et-Futuna et de la Nouvelle-Calédonie.
En effet, pour nous Saint-Pierrais, Miquelonnais, Mahorais, Polynésiens, Wallisiens-et-Futuniens ou Calédoniens, la continuité territoriale est une utopie, tant l'éloignement de la métropole est considérable.
Il faut rappeler, en outre, que nous ne bénéficions que très marginalement des financements européens, n'ayant bien entendu pas le statut de région ultrapériphérique de l'Union européenne.
Il est donc primordial que nos collectivités puissent bénéficier du dispositif de défiscalisation que vous nous proposez, madame le ministre, pour accompagner leur développement.
A titre d'exemple, je rappellerai, après M. Gaston Flosse, que la compagnie Air France a décidé de ne plus desservir la Nouvelle-Calédonie pour des raisons financières et que notre territoire a pris lui-même des engagements financiers très lourds pour soutenir sa compagnie aérienne locale, Air Calédonie International, afin de maintenir, dans des conditions satisfaisantes, la desserte aérienne de l'archipel.
Cela n'aurait pu avoir lieu sans le dispositif de défiscalisation qui nous a permis d'acquérir trois Airbus. Il est manifeste que cette transition n'aurait pu s'opérer sans le soutien de l'Etat.
Il en est de même pour la construction de nos infrastructures hôtelières, critère déterminant du développement de notre secteur touristique, et ce ne sont là que quelques exemples.
Eu égard à ce contexte, la Nouvelle-Calédonie, qui, en raison de ses compétences, est essentiellement concernée par le dispositif de défiscalisation contenu dans le projet de loi, aurait souhaité qu'il fût un peu plus audacieux.
Cependant, je suis intimement persuadé que Mme le ministre est pleinement consciente de nos besoins et qu'il en sera tenu compte dans la mise en oeuvre effective des dispositions de cette loi.
Grâce à la présence de ses collectivités d'outre-mer, la France continue de rayonner de par le monde en affichant toujours plus de modernité, de créativité et de respect dans sa manière de gérer les populations concernées. En cela, la France est enviée et elle force l'admiration.
C'est donc bien un témoignage de reconnaissance que nous adresserons, prochainement, au premier d'entre nous, je veux parler du Président de la République, Jacques Chirac, qui nous fera l'immense plaisir de se rendre, au mois de juillet, dans le Pacifique.
Sachez, mes chers collègues, que les Français d'outre-mer sont, dans leur très grande majorité, fiers d'appartenir à une grande nation et heureux de pouvoir, eux aussi, contribuer à sa prospérité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de programme dont nous débattons aujourd'hui vise à promouvoir un développement économique durable pour l'outre-mer.
C'est là un vaste défi.
Les gouvernements qui se sont succédé ces dernières années ont tous cherché à établir des dispositifs tendant à pallier le considérable retard de développement dont nous souffrons, mais hélas ! jusqu'ici, avec des succès mitigés.
Conformément aux engagements pris par M. Jacques Chirac pendant la campagne présidentielle, le Gouvernement respecte sa promesse en nous soumettant un projet de loi ambitieux et qui surtout, cela est primordial, s'inscrit dans la durée.
Qu'il me soit donc permis de remercier le Gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin et tout particulièrement Mme Girardin, dont je connais depuis longtemps, non seulement la grande connaissance des dossiers, mais aussi le profond attachement à l'outre-mer.
Madame la ministre, chacun a pu, depuis un an, apprécier votre qualité d'écoute, et nous savons que nous avons en vous le meilleur des avocats pour plaider notre cause, dans un contexte économique et financier difficile.
Je tiens à remercier aussi l'ensemble des rapporteurs, qui ont effectué un travail remarquable, dans un esprit de dialogue et d'ouverture.
Cette loi, reconnaissons-le, va coûter de l'argent. Mais à tous les tenants d'une vision strictement budgétaire et à court terme, je souhaite dire que l'Etat doit investir à moyen et long termes et que si, enfin, un développement durable s'installe en outre-mer, c'est autant d'économies que l'Etat fera en subventions et aides qui pèsent actuellement lourd sur son budget.
Le grand mérite du texte qui nous est soumis aujourd'hui est bien de nous faire sortir d'une logique d'assistanat pour entrer dans une logique de responsabilité et d'activité.
Le développement de l'outre-mer est un défi immense, car nos collectivités sont handicapées structurellement en raison de notre situation géographique, de notre isolement, de notre insularité. Les îles Wallis-et-Futuna sont actuellement la collectivité territoriale de la République la moins avancée, car, à tous ces handicaps, s'ajoutent l'éloignement, l'exiguïté, la distance entre nos îles, par ailleurs fort mal desservies. L'essor touristique paraît donc bien illusoire pour notre territoire.
Malgré le peu de potentialité en ressources naturelles, les îles Wallis-et-Futuna veulent, avec l'Etat, s'engager résolument dans un nouveau processus de développement.
Une stratégie de développement durable du territoire a d'ailleurs été élaborée à la fin de l'année 2002 et certains points devaient être intégrés dans la loi de programme.
C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un certain nombre d'amendements qui visent à respecter les engagements pris.
La situation de l'emploi à Wallis-et-Futuna est littéralement catastrophique. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 2 500 habitants seulement sur 15 000 sont salariés, dont près de la moitié dans le secteur public ou para-public et presque un quart dans les chantiers de développement. Cela se passe de commentaires !
L'emploi constitue donc notre priorité absolue. Le territoire a engagé une réflexion sur les politiques sectorielles à dynamiser, la pêche étant le premier secteur concerné.
Il est donc indispensable d'aider les créateurs d'emplois par des mesures incitatives, comme cela est prévu dans la stratégie de développement.
A cet égard, nous souhaitons bénéficier d'un système de prime pour l'emploi des jeunes, à l'instar de ce que le texte prévoit pour Mayotte. Ce qui est valable pour Mayotte l'est aussi pour Wallis-et-Futuna.
Corollaire de l'emploi, qu'il conditionne en amont, l'enseignement doit lui aussi être renforcé. Déjà en 1996, le ministre de l'éducation nationale de l'époque, François Bayrou, reconnaissait que Wallis-et-Futuna réunissait toutes les conditions pour être déclaré zone d'éducation prioritaire.
Nous ne désirons pas que le dispositif de ZEP nous soit appliqué ; nous souhaitons que des aménagements adaptés soient décidés afin de faire évoluer et progresser l'enseignement au profit de notre jeunesse.
Je remercie par conséquent notre collègue Victor Reux, qui a bien voulu reprendre, au nom de la commission des affaires culturelles, l'amendement tendant à étendre à Wallis-et-Futuna les mesures prévues à l'article 11 visant à prévenir l'échec scolaire et à réinsérer les jeunes qui ont quitté le système scolaire en situation d'échec.
Le titre II du projet de loi a pour objectif de relancer l'investissement privé au travers d'un dispositif de défiscalisation qui suscite véritablement l'initiative. Les efforts de l'Etat dans ce domaine sont extrêmement appréciables et nous espérons qu'ils porteront enfin leurs fruits à Wallis-et-Futuna.
En effet, depuis 1986, le système de défiscalisation n'a été utilisé qu'une fois sur notre territoire, à concurrence de 60 000 euros, ce qui est dérisoire.
L'économie de Wallis-et-Futuna n'est dominée par aucun secteur, la principale source de devises étant la vente de timbres fiscaux et l'exportation, encore embryonnaire, d'holothuries et de trocas. La vente de produits artisanaux ou de produits d'élevage et de culture constitue un apport occasionnel. Quant à l'activité des entreprises, du commerce et du BTP, elle dépend pour une large part de la commande publique.
Aussi, pour réaliser un développement harmonieux et durable, les Wallisiens et les Futuniens doivent avant tout bénéficier d'un environnement propice à leurs initiatives. Les porteurs de petits projets se heurtent actuellement aux lacunes du secteur bancaire, puisque la seule banque installée sur le territoire bloque les dossiers. Tant que ce problème ne sera pas résolu, les projets économiques ne pourront aboutir.
Il est donc indispensable d'encourager les organismes financiers à venir s'installer sur le territoire, et si nous savons, tout en le déplorant, qu'il n'était pas envisageable d'étendre la défiscalisation à ces services en raison des contraintes communautaires, nous demandons à l'Etat de nous aider à trouver, le plus rapidement possible, des solutions à ce problème crucial qui conditionne notre développement économique.
Le désenclavement du territoire constitue une autre priorité pour nous. En effet, ce territoire est le plus éloigné de la métropole et les services n'y sont pas toujours à la hauteur des besoins de sa population et de ses acteurs économiques. Votre dernier voyage à Wallis-et-Futuna, madame la ministre, illustre parfaitement les difficultés auxquelles nous sommes confrontés avec le transport aérien, mais aussi maritime.
Les rumeurs qui courent actuellement laissent entendre que le déplacement dans le pacifique de M. le Président de la République, prévu en juillet, pourrait faire l'impasse sur Wallis-et-Futuna en raison des problèmes de desserte. C'est bien une illustration de nos difficultés.
Comment peut-on concevoir le développement durable du territoire, notamment au travers de la pêche, de l'accroissement de nos exportations, voire d'un peu de tourisme, alors que nous n'avons même pas des infrastructures portuaires et aéroportuaires dignes de ce nom ?
Je présenterai donc un amendement visant à ce que, spécifiquement et uniquement pour la construction des infrastructures portuaires et aéroportuaires à Wallis et Futuna, la défiscalisation soit réellement incitative. Ainsi, peut-être les capitaux privés viendront-ils enfin jusqu'à nous et nous permettront-ils de réunir les conditions nécessaires à notre développement.
Mais une autre solution pourrait être envisagée, telle une subvention spéciale de l'Etat, subvention que nous aimerions voir actée dans ce projet de loi de programme, qui ne fait pas la part belle à notre territoire.
J'espère, madame la ministre, que vous pourrez nous donner satisfaction, d'une façon ou d'une autre, sur notre problème primordial de communication avec l'extérieur par le biais des ports et aéroports.
Pour ce qui est de la continuité territoriale, traitée dans le titre V, je tiens à saluer les efforts consentis par l'Etat, car ils répondent à une attente très forte de tous nos concitoyens d'outre-mer.
A Wallis et Futuna, c'est une vraie nécessité, tant les tarifs pratiqués par la compagnie aérienne sont prohibitifs, et je vous remercie donc, madame la ministre, de ces mesures.
Enfin, je souhaite terminer mon intervention sur l'article 43, qui a pour objet d'habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances diverses dispositions de nature législative, afin de compléter ou de clarifier l'état du droit applicable outre-mer.
Concernant les sociétés d'économie mixte, qui revêtent juridiquement la forme de sociétés anonymes régies par la loi du 24 juillet 1966 aux termes de l'article L. 1522-1 du code général des collectivités territoriales, nous souhaiterions que l'extension et l'applicabilité de cette habilitation à Wallis et Futuna soient clairement définies. Il en est de même pour les sociétés d'économie mixte locales prévues par la loi du 7 juillet 1983.
En revanche, je proposerai d'exclure Wallis et Futuna du champ de l'habilitation pour les domaines du droit immobilier et de la construction. En effet, conformément à la stratégie de développement signée avec l'Etat, la réforme de tout ce qui touche au foncier et à l'urbanisme doit être confiée aux autorités coutumières du territoire, ou réalisée en concertation avec elles.
En espérant que vous pourrez répondre, madame la ministre, à nos préoccupations et à nos demandes, je vous renouvelle mon soutien et je vous remercie de votre action. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Victor Reux.
M. Victor Reux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, faire davantage, faire mieux sur le long terme que ne l'a fait la majorité précédente, voilà bien la ligne tracée par le Président de la République dans l'ambition qu'il a toujours nourrie pour la France d'au-delà des mers. Déjà, lors de l'élaboration de la loi d'orientation pour l'outre-mer en 2000, l'opposition, dans laquelle nous étions alors, avait dit sa préférence pour une loi de programme. Nous y voilà...
Ainsi se trouve amplifié dans votre texte le dispositif d'exonérations de charges sociales patronales qui s'applique à quasiment tous les champs d'activité, avec un relèvement de taux très sensible, allant jusqu'à 1,4 SMIC dans de nombreux domaines, et même 1,5 SMIC dans les secteurs de l'hôtellerie et du tourisme.
Le secteur important pour l'emploi que constitue le BTP bénéficie, quant à lui, de mesures nouvelles étendues avec la suppression de l'effet de seuil introduit par la loi d'orientation pour l'outre-mer.
En ce qui concerne les marins devenant propriétaires embarqués, votre texte, madame la ministre, vient réparer un vide juridique existant dans la précédente loi d'orientation ; c'est une excellente chose.
Les nouvelles dispositions sont donc bienvenues dans le secteur de la pêche locale, dont vous connaissez les aléas, madame la ministre.
De même, en ce qui concerne les primes à la création d'emplois instituées à l'égard des entreprises exportatrices, ces avantages sont heureusement maintenus.
Ces dispositions nouvelles s'inscrivent dans une démarche qui a reçu l'approbation des principales instances représentant les forces vives de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Quant à la compensation intégrale à la caisse de prévoyance sociale de Saint-Pierre-et-Miquelon du montant total des diverses exonérations, il est nécessaire qu'elle soit explicitement reformulée dans la nouvelle loi.
De plus, il convient d'en garantir la périodicité de telle sorte qu'elle ne reste pas, comme ce fut le cas en 2002 durant neuf mois consécutifs, sans recevoir la moindre compensation, ce qui a entravé la réalisation de son schéma d'action sociale.
Sur tous ces points, je présenterai donc des amendements.
Ce projet de loi de programme pour l'outre-mer fait une large place à tout un train de mesures ciblées sur l'emploi des jeunes de dix-huit à trente ans, les chômeurs de longue durée, les bénéficiaires du RMI, toutes dispositions applicables à Saint-Pierre-et-Miquelon et qui, évidemment, recueillent mon assentiment.
Le congé de solidarité voit aussi son dispositif amélioré. Il peut constituer, dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, un levier de dopage de l'emploi local, mais son application sur le terrain n'a pas été effective du fait de la conjoncture budgétaire que nous connaissons localement et qui limite le niveau de participation du conseil général dans la convention récemment signée.
Un autre aspect majeur de votre projet de loi, madame la ministre, consiste en un renforcement de la continuité territoriale entre la métropole et les divers territoires qui composent l'outre-mer. Le « passeport mobilité » a été la première concrétisation bienvenue de la volonté politique affirmée par le Gouvernement en ce domaine.
Vous savez quelles sont les particularités de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui n'est pas relié directement à la métropole. En effet, nous devons transiter par le Canada et souvent voyager, pour une partie du trajet, sur une compagnie canadienne.
Le versement par l'Etat à la collectivité territoriale d'une subvention pour faciliter la mobilité de mes compatriotes est donc bien accueilli mais il va de soi que le montant de cette subvention devrait être adapté aux réalités tarifaires qui sont les nôtres pour que cette mesure atteigne son but. Or je suis quelque peu sceptique quant à une participation de fonds européens en ce qui nous concerne.
S'agissant du transport aérien proprement dit, les divers acteurs intéressés accueillent avec satisfaction les mesures d'exonération de charges sociales, mais, évidemment, il faut que ces allégements se traduisent dans les faits par une baisse réelle des coûts pour l'usager.
Jusqu'ici, les diverses exonérations existantes, qui représentent pour notre petite collectivité quelques millions d'euros, ont été décidées sans qu'on ait cherché, en réalité, à déceler, au plan économique ou social - ce qui est la finalité des mesures instituées - un effet notoire en proportion des avantages financiers octroyés.
A ce sujet, votre intention, exprimée dans le texte, de procéder à cette évaluation périodiquement afin d'en tirer les enseignements et de procéder, le cas échéant, à des ajustements, est rassurante.
Le titre II, second axe fort du projet de loi, traite des avantages financiers destinés à relancer ou à soutenir l'action économique outre-mer grâce à des mesures de défiscalisation étendues à des secteurs qui n'y étaient pas éligibles antérieurement.
C'est ainsi que les activités d'extraction industrielle éventuelle d'hydrocarbures au large de Saint-Pierre-et-Miquelon ne feront plus exception. Il en sera de même des biens financés dans le cadre des concessions de service public.
Je considère que ces deux dispositions, entre autres, sont très positives pour Saint-Pierre-et-Miquelon, même si, en l'état actuel des choses, elles rencontrent l'obstacle de la convention fiscale existant entre l'Etat et la collectivité territoriale.
Mais il est vrai aussi que votre dispositif offre la possibilité de la double défiscalisation, élément objectivement attractif pour l'investissement, comme le seront d'ailleurs les créations de sociétés de financement pour l'outre-mer, les « SOFIOM », vers lesquelles pourra se diriger l'épargne des particuliers.
Le projet que vous nous présentez, madame la ministre, a le mérite de rompre avec l'excès de rigueur élitiste et compliqué de la loi de votre prédécesseur.
Il privilégie le secteur sensible de l'hôtellerie de même que le logement social et les énergies renouvelables, tout en renforçant les possibilités de contrôle fiscal propres à contrer les abus qui pourraient en découler.
Par ailleurs, concernant les collectivités locales, vous avez mis l'accent sur la reconnaissance des spécificités qui caractérisent et distinguent davantage les collectivités territoriales d'outre-mer, afin que leurs dotations soient mieux en accord avec leurs particularités, dont la faiblesse des moyens financiers est le paramètre essentiel.
Votre souci de parvenir à dresser au préalable un état des lieux de la situation réelle des collectivités locales semble de nature à apporter plus de transparence et de lisibilité dans l'usage qui est fait des fonds publics. En parallèle, cette méthode stimulera davantage les responsabilités de certains élus.
Dans le projet de loi de programme, vous accordez également une attention particulière aux forces de l'avenir que constitue la nombreuse jeunesse de l'outre-mer. D'une part, vous intégrez la formation aux créations d'emploi ; d'autre part, vous proposez avec réalisme l'extension dans toutes les collectivités des dispositifs pédagogiques innovants ayant commencé à faire leurs preuves.
Ainsi pourra se poursuivre et s'étendre peu à peu un processus visant à une meilleure socialisation, à une meilleure réconciliation avec l'école des jeunes qui finissent par être exclus du monde du travail.
Nous avons, je crois, madame la ministre, travaillé dans la concertation avec votre ministère pour progresser vers une amélioration de l'existant pour toutes les collectivités de l'outre-mer.
Vous êtes consciente, comme nous tous, que le projet du Gouvernement ne va pas régler tous les problèmes. Mais sa philosophie ambitieuse et généreuse va dans le bon sens, celui qui est propre à fédérer les énergies créatrices. Je lui apporterai donc mon suffrage. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Brigitte Girardin, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord remercier chacun d'entre vous de sa participation particulièrement constructive à notre débat. J'aurai un mot notamment à l'attention de Mme et MM. les rapporteurs des commissions, qui ont bien voulu présenter ce projet de façon très complète. Je les remercie de leurs remarques, de leurs commentaires et de leurs suggestions.
Je m'efforcerai de vous faire part de mes propres réactions à ce que j'ai entendu et je tenterai de répondre aux diverses questions que vous m'avez posées.
Je commencerai par saluer le commentaire de M. du Luart, qui a parlé d'acte II après la réforme de la Constitution. Nous sommes en effet en train d'écrire un nouvel acte de la politique de ce gouvernement pour l'outre-mer, et je suis tout à fait heureuse de pouvoir tenir devant vous les engagements très forts qui avaient été pris par le Président de la République au cours de ses déplacements outre-mer, dans le cadre de la campagne électorale.
Vous avez souligné toute l'importance que nous attachons au secteur du tourisme dans ce projet de loi.
Je rappellerai que les mesures qui concernent ce secteur ne se limitent pas à celles qui figurent dans ce projet de loi de programme. Le Gouvernement a un plan global de relance du tourisme, que j'ai mis en place avec Léon Bertrand et qui comprend d'autres types de mesures attractives, liées notamment à la relance du dialogue social. Car si nous voulons attirer des touristes outre-mer, il faut prévenir les conflits sociaux et accroître nos actions de formation à destination des jeunes qui se destinent à des métiers du tourisme, porteurs d'avenir.
Vous m'avez également interrogée sur l'action que nous menons conjointement avec le ministre des transports pour résoudre le problème de la desserte aérienne. J'ai réuni récemment avec Gilles de Robien, Dominique Bussereau et Léon Bertrand toutes les compagnies aériennes qui desservent l'outre-mer. Nous nous sommes chargés de bien leur faire comprendre que les nouvelles mesures d'exonération de charges sociales, dans la limite de 1,3 SMIC, n'avaient évidemment pas pour objectif d'augmenter leur rentabilité, mais qu'elles devaient, bien sûr, se traduire par une baisse du coût du transport et créer un environnement économique susceptible de favoriser l'émergence de nouvelles compagnies aériennes. Car il n'est pas acceptable que, comme vous l'avez souligné, Air France soit en situation de monopole dans de nombreux cas.
Nous souhaitons également travailler dans d'autres directions. Ainsi, un groupe de travail a été créé pour essayer d'optimiser la dotation de continuité territoriale versée par l'Etat. Nous souhaitons, bien sûr, pouvoir cibler un public, cibler certains vols, et nous travaillons à cette optimisation pour que les avions soient plus remplis pendant les périodes creuses tout en évitant, dans le même temps, les difficultés que l'on rencontre pour trouver des places à certaines périodes, nos compatriotes d'outre-mer devant alors payer des tarifs particulièrement élevés pour se rendre dans leur territoire.
Nous souhaitons aussi renforcer les obligations de service public et faire en sorte que les compagnies aériennes mettent en place une véritable politique commerciale adaptée à l'outre-mer. A cette fin, le groupe de travail s'est déjà réuni et va se réunir de nouveau pour que nous puissions, dès l'entrée en vigueur de cette loi de programme, publier très vite les décrets d'application sur ce point tout à fait essentiel.
Vous m'avez interrogée, monsieur du Luart, sur l'octroi de mer. Lorsque je suis arrivée à la tête de ce ministère, la situation était particulièrement difficile, puisque le dispositif devait prendre fin en décembre 2002. J'ai immédiatement rencontré M. Bolkestein, le commissaire européen en charge du marché intérieur, de la fiscalité et de l'union douanière, pour lui expliquer que nous avions besoin d'une année suplémentaire afin de pouvoir présenter le dossier que la Commission avait demandé à mon prédécesseur. Il s'agissait non pas de justifier le principe même de l'octroi de mer, mais d'expliquer les différences dans la taxation applicable aux productions locales et aux productions importées.
Nous avons réalisé un important travail d'analyse économique avec les présidents de région et nous avons, bien sûr, profité des travaux que Jean-Paul Virapoullé a réalisés dans le cadre de la mission qu'il a effectuée auprès de moi. Nous avons pu ainsi présenter à la Commission, il y a quelques semaines, un document très fouillé et très précis, qui montre notre volonté de réformer ce système de l'octroi de mer.
Nous n'avons pas hésité à proposer des améliorations et une modernisation de ce système, avec des écarts de taux entre 10 % et 50 % selon les produits. Mais nous avons maintenu le principe de l'autonomie de décision des régions d'outre-mer, car, constitutionnellement, elles sont compétentes dans ce domaine et il n'est, bien sûr, pas question de revenir sur ces compétences.
Depuis, j'ai eu différents contacts avec la Commission européenne, et je n'ai pas de raison d'être pessimiste sur l'issue de ces discussions.
Nous avons souhaité que l'octroi de mer soit reconduit sur une durée de quinze ans, pour garder une cohérence avec la durée de la loi de programme. Nous avons également proposé une clause de révision tous les trois ans, toujours dans un souci de cohérence, ainsi qu'une clause de souplesse, parce qu'il est vrai que certaines productions locales ont besoin d'être protégées aujourd'hui alors qu'elles n'auront pas besoin de l'être demain, et que peuvent arriver sur le marché de nouveaux produits qui peuvent nécessiter une protection rapide. Nous avons donc souhaité que ce système soit plus souple et plus réactif.
Une décision doit intervenir d'ici à la fin de l'année, afin que le nouveau système soit en place dès le début de l'année prochaine. Mais, lorsque je vois que les Canaries, autre région ultrapériphérique de l'Europe, ont obtenu un système similaire alors qu'elles partaient de rien et qu'elles ne disposaient d'aucun système du type de l'octroi de mer - cette décision n'est d'ailleurs même pas remontée jusqu'au Conseil européen et le COREPER, le Comité des représentants permanents des Etats membres auprès de l'Union européenne, a quand même avalisé ce système - cela me rend optimiste. En effet, en ce qui nous concerne, nous n'inventons pas un système nouveau, nous demandons simplement la prolongation d'un système qui a montré toute son efficacité et qui est indispensable, à la fois pour protéger nos productions locales et pour fournir des recettes budgétaires tout à fait nécessaires aux communes. Je rappelle que 50 % des recettes budgétaires des communes outre-mer proviennent de l'octroi de mer !
Vous m'avez aussi interrogée, monsieur le sénateur, sur la notification à la Commission européenne du nouveau système de défiscalisation.
J'ai été quelque peu effarée moi aussi de constater qu'il avait fallu treize mois à la Commission européenne pour donner son feu vert au système proposé par mon prédécesseur. Nous avons pris à bras-le-corps ce dossier et nous en sommes à notre cinquième déplacement à Bruxelles pour expliquer à la Commission ce que nous allons faire.
Nous avons noué les premiers contacts avec la Commission au mois d'octobre dernier et nous avons eu une nouvelle réunion ces jours-ci. Nous avons fait la notification officielle à la Commission le 25 février dernier. Nous sommes en train de rédiger la réponse à un questionnaire, ce qui est prévu par la procédure, et j'ai bon espoir que la Commission pourra nous donner une réponse avant la fin de l'été.
Madame Létard, vous avez eu raison de rappler que l'outre-mer est souvent un laboratoire pour la métropole, ce qui est toujours un grand sujet de satisfaction pour nous. Vous avez cité le revenu minimum d'activité, le RMA, le titre de travail simplifié, le TTS, la mobilité et le SMA.
Nous sommes tous fiers de ce service militaire adapté. J'ai souvent pour habitude de dire que c'est le plus bel outil d'insertion et de formation dont nous disposons outre-mer.
Je rappelle que 100 000 jeunes ont été formés depuis sa création et que le taux de réussite pour trouver un emploi à la sortie du SMA est particulièrement élevé puisque de 70 % à 90 % des jeunes passant par le SMA en sortent avec un emploi.
Je suis heureuse que votre assemblée ait confié à deux de ses membres, MM. Michel Pelchat et Jean-Pierre Masseret, le soin de mener une mission d'investigation pour étudier les possibilités de transposition à la métropole de l'exemple réussi du SMA.
Il faut sans doute faire plus pour essayer d'amplifier ce dispositif qui fonctionne bien. A cet effet, nous travaillons actuellement dans trois directions : l'augmentation du nombre des filières de formation dans certains secteurs ; l'accroissement des lieux d'implantation et le règlement du problème de l'encadrement, puisque, depuis la fin du service national, nous avons recours à des volontaires.
Ce problème de l'encadrement est donc en voie de règlement et nous souhaitons évidemment que le SMA continue d'être attractif pour des volontaires, car cela permet de former nos jeunes d'outre-mer.
Vous avez pu d'ailleurs constater l'effort particulier qui a été fait dans le budget pour 2003, avec l'accroissement des moyens budgétaires : il s'agissait, me semble-t-il, d'un signe d'encouragement en faveur du SMA, et cela dans un contexte qui n'était déjà pas facile. Je peux vous assurer que je m'efforcerai d'améliorer encore les moyens de formation des jeunes et les conditions de leur encadrement.
Monsieur Soulage, vous avez notamment évoqué la continuité territoriale et la question du fret.
Avec notre système, nous avons voulu surtout combler le vide existant en matière d'aide au transport des résidents entre les collectivités d'outre-mer et la métropole. Actuellement, rien n'est fait pour aider nos compatriotes à supporter le coût du titre de transport vers la métropole.
Nous avons commencé de régler le problème pour les jeunes, avec la mise en place du passeport mobilité, et nous essayons d'en accroître la dotation.
La question du fret m'est souvent posée. L'exonération de charges sociales des compagnies aériennes devrait se traduire par une baisse du coût du transport, aussi bien pour les passagers que pour le fret.
Je rappelle que certains moyens financiers ont déjà été prévus en matière de fret aérien. Ainsi, certaines régions d'outre-mer utilisent déjà très bien le concours du FEDER dans le cadre des DOCUP ; je songe à la région Guadeloupe, notamment.
Il ne faut pas hésiter à avoir recours aux crédits européens pour essayer d'alléger le coût des intrants, sujet dont on me parle souvent, notamment à la Réunion.
Monsieur Hyest, je vous remercie d'avoir évoqué une question qui me tient à coeur, celle du coût de cette loi, et d'avoir souligné que ce que l'on dépense d'un côté peut rapporter de l'autre. Je suis sensible à cet argument tant il est vrai que l'on a tendance à dresser la colonne des dépenses et jamais celle des économies réalisées par l'Etat.
J'entends dire bien des choses sur le coût de cette loi de programme. A cet égard, il faut savoir que ce qui coûte vraiment cher à l'Etat, ce sont les exonérations de charges sociales parce qu'il doit rembourser les organismes sociaux.
Les exonérations de charges sociales découlant de cette loi de programme s'élèvent à 40 millions d'euros, soit l'équivalent de ce que coûtent 4 700 chômeurs. Or j'ai l'ambition de créer un peu plus de 4 700 emplois grâce à ce dispositif.
J'ajoute que, si nous remettons 4 700 chômeurs dans le circuit du travail, ce sont 34 millions d'euros que ces ex-chômeurs verseront à l'UNEDIC. Vous voyez que les chiffres méritent d'être relativisés ! Je persiste donc à dire que cette loi va, sur de nombreux postes budgétaires, permettre à l'Etat de réaliser des économies.
Remettre certains dans le circuit du travail présente un double effet : redonner leur dignité et leur pleine citoyenneté aux personnes jusque-là privées d'emploi et économiser les allocations de chômage, le RMI et les autres aides.
Monsieur Hyest, vous avez également souligné, à juste titre, la nécessité de poursuivre l'actualisation du droit de l'outre-mer.
J'y veille avec un souci constant car il n'est pas admissible que nos concitoyens d'outre-mer, principalement ceux qui vivent dans les collectivités soumises au principe de spécialité, soient confrontés à des situations juridiques souvent inextricables quand il suffit que l'Etat applique, dans le cadre de ses compétences, les textes qu'il édicte pour la métropole.
J'ai déjà eu l'occasion de dire, en défendant devant vous le nouvel article 74-1 de la Constitution, que le droit à double vitesse ne doit pas conduire à la citoyenneté à double vitesse. Tant avec l'habilitation ouverte par la présente loi qu'avec le nouvel article 74-1 de la Constitution, je m'attacherai à résoudre au mieux les questions récurrentes que votre assemblée connaît bien.
Chaque fois que cela sera possible, le Parlement sera bien entendu associé à cette oeuvre, comme c'est le cas aujourd'hui, afin de donner sa pleine efficacité au principe constitutionnel d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi.
Monsieur Reux, vous avez mis l'accent sur la formation.
Je soutiens les propositions que vous avez formulées, en liaison notamment avec nos amis Polynésiens et Calédoniens, sur la reconnaissance des diplômes. Je suis favorable à l'amélioration du projet sur ce point, car elle lèvera toute les ambiguïtés qui auraient pu subsister.
Vous avez bien voulu souligner l'intérêt que présente l'exemple réunionnais du collège de la vocation pour l'ensemble de l'outre-mer. Les expériences qui ont prouvé leur efficacité méritent d'être reprises et, c'est la raison pour laquelle nous avons introduit ce principe dans le projet de loi de programme.
Monsieur Jean-Paul Virapoullé, j'adhère complètement à la métaphore que vous avez utilisée : le prêt-à-porter s'est transformé en surmesure. C'est tout à fait le sens de notre action.
S'agissant de la Constitution, la Réunion a vraiment bénéficié de dispositions surmesure. Le projet de loi de programme s'inscrit dans la même logique. Certes, il convient de définir un cadre général, commun à tous, mais il faut savoir moduler les mesures quand cela s'impose.
Comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, le ministère de l'outre-mer a une vocation interministérielle. Chaque fois qu'un ministre prépare un texte, je m'emploie à l'adapter à l'outre-mer. Je l'ai fait pour la loi sur la sécurité intérieure de Nicolas Sarkosy et je le ferai systématiquement, y compris pour les lois de décentralisations.
C'est notre réflexe constant, et je vous remercie de l'avoir rappelé car non seulement le budget de l'outre-mer ne représente que 10 % des dépenses qui sont réalisées, mais ce ministère a aussi pour rôle de donner un peu de culture de l'outre-mer à tous les autres ministères. Nous nous y employons, je peux vous l'assurer.
Madame Anne-Marie Payet, vous avez évoqué, vous aussi, le problème du coût des intrants. Il faut essayer de mobiliser les financements qui existent. En effet, j'ai tendance à penser que, très souvent, c'est plus un problème de consommation de crédits, de mobilisation sur des projets précis que de manque de ressources financières.
Je salue évidemment l'expérience réunionnaise, que vous avez rappelée, du collège de la vocation.
Avec pragmatisme, je suis prête, comme vous l'avez souhaité, à réorienter les différentes mesures dans un délai de trois ans. J'ose espérer aussi que, dans trois ans, le contexte budgétaire sera un peu plus favorable qu'il ne l'est aujourd'hui.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !
Mme Brigitte Girardin, ministre. Monsieur Othily, vous avez parlé du retard de la Guyane. J'ai entendu aussi les délibérations des assemblées locales évoquant ce contexte difficile et la demande d'une loi spécifique de rattrapage.
Vous avez évoqué également la question des infrastructures.
Il est vrai que la Guyane est un territoire particulièrement vaste, qui est confronté à des problèmes d'aménagement de son territoire, et je reconnais bien volontiers que des mesures particulières s'imposent. Mais, là aussi, ne confondons pas les exercices : je ne présente pas une loi de programmation, il ne s'agit pas de programmer les crédits de l'Etat pour les quinze ans à venir. Nous disposons d'autres instruments pour cela : les contrats de plan, les fonds structurels européens.
Je crois d'ailleurs que si la Guyane arrive à consommer à 100 % tous ces crédits, dès que nous disposerons de l'examen à mi-parcours de ces contrats et de ces DOCUP, nous envisagerons l'étape suivante. Si nous constatons que les crédits ont été consommés, nous en tiendrons compte et nous ferons en sorte que, lors de l'exercice suivant, nous puissions davantage prendre en compte les nécessités de rattrapage de la Guyane.
En tout cas, vous comprendrez que je ne puisse plaider un dossier que si tous les crédits disponibles ont été totalement consommés. Je suis alors plus crédible lorsque je demande des crédits supplémentaires.
Je ne voudrais pas que, à la fin des échéances, il reste des crédits dont on aurait eu quelques difficultés à assurer la consommation.
L'agriculture - je le rappelle - est un secteur que nous soutenons plus particulièrement dans cette loi de programme. J'ai déjà indiqué comment nous avions corrigé un effet pervers de la loi d'orientation agricole. Le Gouvernement considère que l'agriculture est un secteur sensible, ce qui a justifié que les exonérations de charges sociales aillent jusqu'à 1,4 SMIC, ce qui n'était pas le cas jusqu'à maintenant.
Vous m'avez interrogée sur le système des Sofipêche. Je partage votre préoccupation. Nous sommes tout à fait d'accord pour considérer que le secteur de la pêche joue un rôle très important dans les départements d'outre-mer.
Ce dispositif répond parfaitement aux besoins des professionnels en matière de renouvellement et de modernisation des bateaux de pêche.
J'ai rencontré récemment les professionnels de la pêche, mon collègue du budget aussi, et nous avons ensemble évoqué cette question. Je puis vous dire que nous examinerons la question de la prorogation du dispositif national des Sofipêche au-delà du 31 décembre 2003 avec la loi de finances pour 2004.
Votre préoccupation est prise en compte : je l'ai d'ailleurs fait savoir aux professionnels de la pêche.
En ce qui concerne la ligne budgétaire unique pour les associations qui gèrent des résidences pour personnes âgées, nous sommes en train de travailler, avec le ministère des finances, à la révision des arrêtés, ce qui permettra de répondre à votre attente. Je partage tout à fait votre analyse sur ce point.
Pour ce qui est de la forêt, sujet qui vous est cher, je vous assure que votre proposition de loi pourra naturellement être prise en compte et inspirera, je pense, très largement la rédaction de la future ordonnance.
Je reviendrai maintenant sur vos commentaires relatifs à l'immigration.
Je rappelle que ce Gouvernement a, depuis un an, fait adopter de nombreuses mesures spécifiques à la Guyane pour pérenniser des dispositifs qui, jusqu'à maintenant, étaient provisoires, notamment les mesures renforçant les contrôles d'identité ou définissant un statut pour les pêcheurs illégalement arrivés à terre. Une procédure administrative spéciale a été mise en place pour les reconduites à la frontière.
Toutes ces mesures figurent dans la loi sur la sécurité intérieure. On peut donc difficilement nous reprocher d'être inactifs dans ce domaine. Ce sujet très sensible en Guyane est évidemment étroitement lié au développement économique de ce département.
Monsieur Lise, vous m'avez reproché d'aller à la fois trop vite et trop lentement. Je ne sais quelle critique prendre en compte ! Vous m'avez dit que le Gouvernement s'était engagé à ce que ce projet de loi de programme soit examiné en 2002. Je reconnais que le Président de la République avait déclaré qu'il souhaitait qu'il soit déposé au Parlement à la fin de l'année 2002. Mais « déposé » ne signifie pas « examiné » et « voté ». Je puis vous assurer que le calendrier que nous avions à l'esprit, à savoir l'adoption de cette loi en 2003, sera respecté.
Vous noterez que, malgré un calendrier parlementaire particulièrement chargé, les départements et les territoires d'outre-mer sont demeurés une priorité. Tout nous incite à penser que cette loi sera effectivement en vigueur d'ici au mois de juillet prochain.
Je me permets de vous mettre au défi de me prouver qu'un seul des engagements du Président de la République figurant dans ses discours de Madiana, de Champ-Fleuri ou dans son programme électoral ne serait pas tenu !
Vous semblez considérer que des promesses très importantes auraient été faites et qu'elles auraient été revues à la baisse. Je suis désolée de vous dire que ce n'est pas le cas. Je connais bien ces discours. Je connais bien ce programme électoral et j'ai mis un point d'honneur à ce que tous les engagements qui avaient été pris soient respectés à la lettre.
Vous m'avez indiqué que nous conservions la même logique. Je l'ai déjà dit, je suis quelqu'un de pragmatique. Lorsque je vois qu'un dispositif fonctionne, je le prolonge. Lorsque je vois que des choses doivent être améloriées, je les corrige. Et lorsque je constate que cela ne fonctionne plus du tout, je n'hésite pas à innover. J'ai essayé de respecter cette logique.
Je reconnais que je suis peut-être en rupture avec le gouvernement précédent en ce qui concerne la politique de l'emploi, notamment en matière d'emplois aidés.
Encore une fois, je ne suis pas naïve au point de penser que, outre-mer, nous pourrons nous passer des emplois de solidarité tels les CES ou les CEC. Bien évidemment, l'Etat devra toujours manifester sa solidarité de cette façon. Mais mon ambition est de réduire ces emplois aidés et de les faire basculer, notamment pour la jeunesse, vers de vrais emplois durables. Car les emplois aidés, qu'on le veuille ou non, sont des emplois précaires, et je crois que la jeunesse d'outre-mer a besoin d'autre chose : il faut lui offrir de vrais emplois durables, assortis de formations.
Je vous citerai un exemple vous montrant que je suis effectivement en rupture avec ce qui s'est fait précédemment : le fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, le FEDOM, a été créé par la loi Perben en 1994. Son objectif initial était de créer des emplois dans les entreprises avec, notamment, le dispositif du contrat d'accès à l'emploi. Or que s'est-il passé ? Année après année, le FEDOM a été sollicité pour financer à la fois les emplois-jeunes et de plus en plus d'emplois aidés.
J'ai souhaité, dès le budget pour 2003, réorienter le FEDOM pour que nous puissions financer davantage d'emplois en entreprises. Il faut essayer de provoquer à nouveau ce basculement des emplois aidés vers les vrais emplois. Par conséquent, je le répète - je le dis notamment pour la Réunion - loin de nous l'idée de laisser des jeunes sur le bord du chemin. Nous nous employons à ce que chacun puisse trouver une solution, et nous redoublons d'efforts afin que ces emplois-jeunes se transforment, au terme des cinq ans, en véritables emplois.
Je rappelle que nous ne portons pas la responsabilité de l'interruption des emplois-jeunes au bout de cinq ans.
Vous m'avez interrogée sur les offices de l'eau. Je précise que l'article 41 du projet de loi de programme codifiera, dans le code de l'environnement, les dispositions en vigueur concernant le fonctionnement des offices de l'eau, ce qui conforte leur pérennité. Mais cet article codifie également des dispositions nouvelles concernant les redevances, ce qui leur donnera les moyens financiers de mettre en oeuvre une politique adaptée dans le domaine de la gestion de l'eau.
S'agissant de votre proposition d'instaurer un dispositif intermédiaire permettant une évaluation de la loi d'orientation pour l'outre-mer, je n'ai pas souhaité, en arrivant à la tête de ce ministère, commander une fois de plus, comme en 1997, de multiples rapports : le gouvernement de l'époque a commandé de nombreux rapports et, finalement, la loi d'orientation a été repoussé de trois ans. Nous en avons suffisamment ! D'ailleurs, tous les rapports qui avaient été commandés par le gouvernement socialiste en 1997 sur les dispositifs qui avaient été mis en place depuis de nombreuses années et qui visaient à agir sur le coût du travail et sur le coût du capital par des exonérations de charges sociales et un système de défiscalisation, ont conduit ledit gouvernement socialiste à s'en inspirer, à les confirmer, voire à les amplifier même si ces dispositifs avaient instaurés par la loi Pons et la loi Perben.
De nombreux éléments ont montré l'efficacité de ces mesures. Si un gouvernement de gauche, succédant à un gouvernement de droite, ne les a pas remises en cause, c'est qu'elles ont produit les effets que l'on pouvait en attendre.
Vous m'avez demandé de revoir le congé-solidarité ; je m'y emploie ! Ce n'est pas moi qui ai créé ce système. Il est vrai qu'il n'est pas d'une très grande efficacité. Nous l'avons donc modifié et nous verrons, lors de l'évaluation s'il a produit réellement ses effets, ce que nous souhaitons. Là encore, nous nous sommes engagés dans une démarche pragmatique, car ce que nous recherchons, c'est l'efficacité.
Par ailleurs, vous m'avez demandé d'étendre le système de défiscalisation pour les travaux de rénovation et de réhabilitation, c'est-à-dire le taux de réduction d'impôt de 70 % et la « détunnelisation » sur cinq ans, aux constructions neuves.
Je rappelle que les constructions neuves dans le domaine hôtelier sont toujours éligibles aux exonérations de charges sociales et peuvent bénéficier de la défiscalisation. Mais si nous avons voulu favoriser la réhabilitation hôtelière, c'est précisément pour répondre à une crise que l'on constate, notamment, aux Antilles. Ce que nous souhaitons, c'est mettre l'accent sur la remise à niveau de nos infrastructures touristiques.
Je comprends qu'il faille promouvoir des projets nouveaux, mais je ne pense pas que ceux-ci doivent bénéficier du même soutien que les projets de réhabilitation.
Notre action répond également à un souci de protection de l'environnement. Je ne veux plus voir, je vous le dis franchement, quand je vais à Saint-Martin, par exemple, des carcasses d'hôtel qui pourrissent sur place parce que les établissements ne sont plus rentables. De telles verrues ne doivent plus exister dans le paysage et il faut absolument que ces sites, qui ont été choisis pour des opérations touristiques, soient réutilisés. Pour cela, il nous faudra procéder à des opérations de réhabilitation. Il ne s'agit pas seulement de rénovation : il ne suffit pas de changer la moquette d'une chambre d'hôtel.
Nous devrons donc mettre en place de véritables projets de réhabilitation pour pouvoir mieux lutter contre la concurrence étrangère, notamment celle des Etats voisins de la Caraïbe. Cet effort, qui devra se poursuivre, selon moi, pendant cinq ans, nous permettra d'utiliser vraiment tous les sites que nous possédons et d'offrir un produit de qualité et réellement compétitif.
J'en viens aux collectivités locales. Je reconnais - j'ai déjà eu l'occasion de le dire - que ce projet de loi de programme comporte très peu de mesures les concernant. Cela est tout simplement dû au fait que Patrick Devedjian proposera prochainement au Parlement un projet de loi sur l'autonomie financière des collectivités locales. Ce texte prendra pleinement en considération l'outre-mer et il devra tenir compte des critères spécifiques que nous avons mis en place dans cette loi de programme pour que les dotations de l'Etat soient ajustées en conséquence.
Monsieur Foucaud, vous m'avez indiqué que je brisais les emplois aidés. Je crois avoir répondu sur ce point. Il est vrai que nous ne sommes pas tout à fait dans la même logique : je souhaite, pour ma part, la diminution des emplois aidés et l'augmentation des emplois dans les entreprises, car c'est là que nous trouverons de véritables perspectives pour notre jeunesse.
Vous m'avez reproché de pas avoir réalisé d'études.
Nos prédécesseurs ont effectué des études qui ont prouvé l'efficacité de ces mesures. Puisqu'ils ont continué dans cette voie, je ne vois pas de raison de douter du bien fondé de ces dispositions.
Madame Michaux-Chevry, votre suggestion de créer un fonds regroupant l'Europe, l'Etat et les collectivités locales pour indemniser les calamités me paraît tout à fait intéressante. Il existe toutefois un dispositif spécifique dont bénéficie l'outre-mer pour indemniser les calamités agricoles et celles qui résultent de catastrophes naturelles. Des crédits d'extrême urgence sont débloqués sans délai chaque fois que nous devons faire face à des besoins immédiats pour les personnes sinistrées. Tel est le cas, nous l'avons vu récemment en Nouvelle-Calédonie, après le passage du cyclone Erica.
En outre, un fonds de secours permet d'indemniser les particuliers non assurés et les collectivités territoriales, ainsi que l'agriculture pour les dégâts causés tant aux fonds qu'aux récoltes.
Actuellement, nous poursuivons les discussions avec la Commission européenne pour élaborer un mécanisme se substituant aux licences « cyclones », qui sont devenues incompatibles avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce.
Enfin, il existe depuis peu, sur l'initiative du commissaire Barnier, un fonds spécial pour indemniser les calamités exceptionnelles. Nous restons très vigilants et ces différents instruments seront activés, en tant que de besoin, au profit de l'outre-mer.
Nous considérons aussi, comme vous, qu'il est indispensable que la France soit plus présente auprès de la Commission européenne. A cet égard, la préparation du mémorandum des régions ultrapériphériques constitue une étape très importante ; l'Etat et les régions françaises d'outre-mer doivent évidemment peser de tout leur poids.
Les résultats obtenus pour les régions d'outre-mer sont encourageants, puisque, pour la première fois, les producteurs de bananes antillais bénéficieront d'un dispositif pluriannuel de complément à l'aide compensatoire « banane ». Ces premiers résultats montrent, me semble-t-il, l'intérêt de la démarche engagée par le Gouvernement avec les professionnels depuis le début de l'année en vue d'améliorer l'organisation commune du marché de la banane.
S'agissant de votre remarque concernant le RMI, je partage, bien sûr, tout à fait votre analyse. Je souhaite, comme vous, madame le sénateur, favoriser fortement l'insertion professionnelle des RMIstes. Ainsi que vous le savez, j'ai défendu le RMA. Ce dispositif fait aujourd'hui l'objet d'un projet de loi du ministère des affaires sociales, dont vous allez d'ailleurs débattre dans les prochains jours. Ce nouveau contrat d'insertion doit naturellement trouver toute sa place au sein des DOM dans le cadre d'une gestion du RMI qui est appelée à être décentralisée.
Cette nouvelle disposition vient compléter - je l'ai dit dans mon intervention liminaire - les contrats d'insertion par l'activité, les CIA, qui sont une mesure spécifique à l'outre-mer. Je profite de cette occasion pour rappeler que vingt-trois mille CIA ont été signés en 2002.
Nous améliorons, nous aménageons les CAE afin de renforcer les possibilités de reprise d'un emploi pour les RMIstes en les prolongeant et en augmentant les exonérations de charges sociales. En tout cas, nous essayons de concourir au maximum à cette insertion professionnelle des RMIstes, qui est notre objectif à tous.
Madame Gourault, vous avez souligné à juste titre l'importance de la continuité entre la métropole et l'outre-mer. Comme vous le savez, le Président de la République et le Premier ministre ont proposé au Parlement une révision constitutionnelle qui a été adoptée et qui consacre de la façon la plus solennelle l'appartenance de nos collectivités ultramarines à la République.
S'agissant du RMA, je formulerai les même remarques que celles que je viens de faire en réponse à Mme Lucette Michaux-Chevry.
Sur les problèmes d'optimisation des fonds européens, monsieur Désiré, je souscris en totalité à votre analyse. Vous vous préoccupez du tourisme nautique : vous connaissez ma position. Je crois que nous allons pouvoir nous entendre sur cette question importante, comme vous le verrez au cours du débat.
Quant à la continuité territoriale pour les trois départements français d'Amérique, je rappelle que le passeport mobilité pour les jeunes s'applique aussi à la prise en charge du coût du transport entre les collectivités d'outre-mer.
Monsieur Vergès, s'agissant des emplois-jeunes, vous me reprochez de ne rien faire. Faut-il rappeler que, là encore, nous avons hérité d'une véritable bombe à retardement ?
Non, en effet, monsieur le sénateur, nous n'allons pas faire des « emplois-vieux » avec les emplois-jeunes ! (Sourires.) Reste qu'il faut trouver des solutions. Nous faisons tout pour que les jeunes puissent, au sortir des contrats, trouver de vrais emplois. Le dispositif des CAE jusqu'à la fin 2007 est une première réponse ; nous en avons mis d'autres en place, notamment avec François Fillon. Nous nous efforçons de trouver une solution pour chacun.
Je m'adresserai maintenant au président du gouvernement de la Polynésie. Cher Gaston Flosse, je voudrais saluer le dynamisme de la Polynésie. Tous ceux qui se rendent dans ce beau territoire peuvent constater que le partenariat avec l'Etat y fonctionne bien, grâce à une économie particulièrement dynamique. Il est vrai que nous l'aidons, mais ce n'est qu'un juste retour après tout, compte tenu de ce que la population polynésienne a pu donner pendant des années à la République, notamment pour la défense de notre pays. Notre solidarité à l'égard de la Polynésie doit donc se manifester de façon pérenne.
Comme vous le savez, le Gouvernement soutient votre démarche vers l'autonomie. Nous en avons fait inscrire le principe dans la Constitution et la future loi organique statutaire, à laquelle nous travaillons activement, en tirera toutes les conséquences, dans le respect des grands principes républicains et des nécessaires garanties démocratiques qui doivent prévaloir sur l'ensemble du territoire national.
Vous souhaitez être assimilés aux départements d'outre-mer.
M. Jean-Paul Virapoullé. Eh bien, échangeons !
Mme Brigitte Girardin, ministre. En effet, vous pouvez peut être échanger avec Jean-Paul Virapoullé, un 73 contre un 74 ! (Sourires.)
C'est surtout par son volet « défiscalisation » que ce texte concerne l'ensemble des collectivités d'outre-mer, mais, sur le reste, je dirai que c'est la conséquence, aussi, de l'autonomie des territoires : on ne peut pas vous exonérer de charges sociales, puisque l'Etat ne perçoit pas les taxes afférentes ! C'est la logique du système.
Monsieur Larifla, la loi de programme n'est pas une loi de programmation. Vous appelez de vos voeux de vastes efforts de rattrapage : consommons déjà les contrats de plan et les fonds structurels européens. Il y a là des moyens financiers disponibles, mais encore faut-il les mobiliser et les consommer complètement.
Vous m'avez interrogée sur la réponse de Bruxelles. Nous sommes en pourparlers, et nous pensons que nous obtiendrons le feu vert de la Commission dans des délais raisonnables.
Quant aux effets pervers de la défiscalisation, je crois avoir déjà suffisamment expliqué que, précisément, le nouveau système permettra d'éviter tous les dérapages et tous les abus qui ont pu être constatés dans le passé.
Je voudrais remercier M. Simon Loueckhote de son appréciation du dispositif de la loi de programme. Effectivement, grâce à un système de défiscalisation, nous avons pu, non sans peine, obtenir que Air Calédonie International puisse desservir la Nouvelle-Calédonie. La compagnie Air France s'étant retirée de la desserte de Nouméa, nous mesurons à quel point la défiscalisation est indispensable.
Notre nouveau système tranchera avec le précédent en ce qu'il évitera, je l'espère, le véritable parcours du combattant auquel il fallait se livrer pour plaider ce type de dossier auprès du ministère des finances, compte tenu des procédures particulièrement lourdes qui prévalaient.
Je ne veux pas que la continuité territoriale en Nouvelle-Calédonie soit une utopie, pour reprendre votre expression ; nous nous efforcerons de faire en sorte qu'elle devienne un peu plus une réalité.
Monsieur Laufoaulu, je connais évidemment les difficultés de Wallis-et-Futuna, et je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que le territoire a besoin de quelque chose en plus, en plus de la loi de programme, en plus des contrats de plan. C'est d'ailleurs le sens de la convention de développement, qui suit la mise en place d'une véritable stratégie de développement durable pour Wallis-et-Futuna. C'était un engagement du Président de la République et il est désormais tenu. Nous avons signé cette convention, le ministère de l'outre-mer ayant apporté sa contribution, mais ce n'est qu'un début, car nous allons élargir aux autres ministères la possibilité de participer au développement de Wallis-et-Futuna.
Tous les sujets que vous avez évoqués sont évidemment de vrais sujets, et nous allons nous mobiliser, dans le cadre de cette convention, pour vous apporter ces mesures supplémentaires dont le territoire a grandement besoin.
J'ajoute que je ne vois pas d'obstacle à ce que le statut des sociétés d'économie mixte soit adapté aux spécificités de Wallis-et-Futuna par voie d'ordonnance.
Quant aux questions foncières, le Gouvernement n'a aucunement l'intention de porter atteinte aux règles de droit coutumier en vigueur.
Enfin, monsieur Victor Reux, vous avez évoqué les difficultés que connaît Saint-Pierre-et-Miquelon. Il faut se rendre sur place pour mesurer les problèmes de continuité territoriale qui se posent. Il est vrai que l'archipel est dans une situation tout à fait particulière.
Vous avez insisté sur les nécessaires adaptations, notamment sur le plan social, avec la Caisse de prévoyance sociale. Je suis ouverte à toute amélioration en ce sens, comme nous le verrons dans la discussion des articles.
Je suis ravie que la double défiscalisation, même si quelques petits problèmes techniques avec la convention fiscale doivent encore être réglés, puisse produire davantage d'effets à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir me pardonner une si longue intervention, mais j'ai essayé de répondre à chacune de vos préoccupations. Sans doute n'aurez-vous pas été complètement satisfaits, mais vous connaissez nos contraintes budgétaires. J'ose espérer que, lorsque nous évaluerons l'application de cette loi, dans trois ans, le contexte économique sera un peu plus porteur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Roland du Luart, rapporteur. Souhaitons-le !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
DÉPÔT D'UNE QUESTION
ORALE EUROPÉENNE AVEC DÉBAT
M. le président. J'informe le Sénat que j'ai été saisi de la question orale européenne avec débat suivante :
Mme Odette Terrade souhaite attirer l'attention de M. le Premier ministre sur la libéralisation du commerce des services se déroulant dans le cadre des négociations au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) qui, en vertu de l'accord général sur le commerce des services, conclu en 1995, oblige les pays membres de l'OMC à ouvrir à la concurrence le secteur des services. En l'état actuel, l'Union européenne, à l'égal d'un certain nombre d'autres pays membres de l'OMC, n'a pas respecté le délai limite fixé par la conférence de Doha au 31 mars 2003 pour le dépôt de la liste des services devant être déréglementées. Le caractère irréversible des engagements conduisant à une libéralisation totale des services figurant sur cette liste explique incontestablement ce « retard » tant les enjeux de société à la clé sont cruciaux. La question porte en effet sur le choix du modèle de société pour demain puisqu'il s'agit de ceux des secteurs qui pourraient échapper au champ de la dérégulation et donc en dernière instance à la privatisation. Car, à l'exception des traditionnelles fonctions dites régaliennes de l'Etat (police, justice, défense), l'ensemble des autres domaines et, en particulier, ceux des services publics (énergie, eau, transport...) sont concernés.
Or, d'une part, la plus grande opacité entoure ces négociations qui se déroulent sous l'égide de la Commission européenne, sans véritable concertation avec les parlements nationaux et le Parlement européen.
D'autre part, l'argument traditionnellement invoqué et selon lequel l'ouverture des échanges n'aurait aucun impact sur le caractère public de la propriété des entreprises de service ne nous paraît pas recevable. La mise en concurrence contraindra de fait les entreprises à des exigences de rentabilité et de compétitivité telles qu'elles ne pourront plus assumer leur mission de service public, ouvrant donc la voie, au prétexte d'une moindre efficacité, à leur privatisation. Pour ces principales raisons, Mme Odette Terrade demande à M. le Premier ministre d'informer, en toute transparence, le Parlement sur l'état des négociations en cours ainsi que de lui indiquer s'il a l'intention, dans la continuité des exigences qu'avait portées la France face à l'AMI, d'exiger le gel des négociations en cours pour permettre l'organisation d'un réel débat dans le respect de la démocratie et du droit des peuples à choisir le type de société dans lequel ils souhaitent vivre et voir vivre leurs enfants et petits-enfants concernés. (N° QE4.)
Conformément aux articles 79, 80 et 83 bis du règlement, cette question orale européenne avec débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.
RETRAIT D'UNE QUESTION ORALE
AVEC DÉBAT
M. le président. J'informe le Sénat que Mme Hélène Luc a fait connaître qu'elle retire la question orale avec débat n° 17 qu'elle avait posée à Mme la ministre de la défense.
Cette question avait été communiquée au Sénat le 6 mai 2003.
Acte est donné de ce retrait.
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président. J'ai reçu de M. Joseph Ostermann une proposition de loi visant à étendre aux communes de moins de 3 500 habitants les formalités de déclaration de candidature applicables aux communes de plus de 3 500 habitants pour les élections municipales.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 307, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4
DE LA CONSTITUTION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1255/96 portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur certains produits industriels, agricoles et de la pêche.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2276 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2505/96 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2277 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté, d'un accord entre la Communauté européenne, d'une part, et Malte, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels et proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne, d'une part, et Malte, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2278 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Conseil modifiant les directives 92/79/CEE et 92/80/CEE, en vue d'autoriser la France à proposer l'application d'un taux d'accise réduit sur les produits du tabac mis à la consommation en Corse.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2279 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté, d'un accord modifiant le protocole à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République tchèque, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels et proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord modifiant le protocole à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République tchèque, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2280 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté, d'un accord modifiant le protocole à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Hongrie, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels. Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord modifiant le protocole à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Hongrie, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2281 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil modifiant la décision du Conseil du 7 décembre 1998 portant approbation de l'adhésion de la Communauté européenne de l'énergie atomique à la convention sur la sûreté nucléaire pour ce qui concerne la déclaration qui y est jointe.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2282 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil modifiant pour la troisième fois le règlement (CE) n° 2465/1996 du Conseil concernant l'interruption des relations économiques et financières entre la Communauté européenne et l'Iraq.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2283 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Recommandation pour une recommandation du Conseil à la France visant à ce que soit mis un terme à la situation de déficit public excessif. - Application de l'article 104, paragraphe 7, du Traité.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2284 et distribué.
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président. J'ai reçu de M. Bernard Seillier un rapport, fait au nom de la commission des affaires sociales, sur le projet de loi portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité (n° 282, 2002-2003).
Le rapport sera imprimé sous le n° 304 et distribué.
J'ai reçu un rapport déposé par M. Henri Revol, premier vice-président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur la charte de l'environnement (audition publique).
Le rapport sera imprimé sous le n° 306 et distribué.
J'ai reçu de MM. Dominique Braye et Charles Guené, rapporteurs pour le Sénat, un rapport, fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction.
Le rapport sera imprimé sous le n° 309 et distribué.
DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION
M. le président. J'ai reçu de M. Jacques Oudin un rapport d'information, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sur le financement des infrastructures de transport à l'horizon 2020.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 303 et distribué.
J'ai reçu de MM. Michel Thiollière et Jack Ralite un rapport d'information, fait au nom de la commission des affaires culturelles, par la mission d'information chargée d'étudier l'évolution du secteur de l'exploitation cinématographique.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 308 et distribué.
DÉPÔT D'UN AVIS
M. le président. J'ai reçu de M. Michel Mercier un avis présenté au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité (n° 282, 2002-2003).
L'avis sera imprimé sous le n° 305 et distribué.
ORDRE DU JOUR
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, fixée à, aujourd'hui, jeudi 22 mai 2003 :
A neuf heures quarante-cinq :
1. Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 214, 2002-2003) de programme pour l'outre-mer.
Rapport (n° 296, 2002-2003) de M. Roland du Luart, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Avis (n° 299, 2002-2003) de Mme Valérie Létard, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Avis (n° 292, 2002-2003) de M. Daniel Soulage, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.
Avis (n° 293, 2002-2003) de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Avis (n° 298, 2002-2003) de M. Victor Reux, fait au nom de la commission des affaires culturelles.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
A quinze heures et le soir :
2. Questions d'actualité au Gouvernement.
3. Suite de l'ordre du jour du matin.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité (n° 282, 2002-2003) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 23 mai 2003, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 26 mai 2003, à onze heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 22 mai 2003, à zéro heure quarante.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
Lors de sa séance du 21 mai 2003, le Sénat a reconduit M. Marcel Lesbros pour siéger au sein du conseil supérieur de l'Etablissement national de la marine.
DÉLAI LIMITE POUR LE DÉPÔT DES AMENDEMENTS À UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
En application de l'article 73 bis, alinéa 6, du règlement, la commission des affaires économiques et du Plan examinera, le mardi 27 mai 2003 après-midi, le rapport de M. Jean Bizet sur la proposition de résolution n° 56 (2002-2003) de M. Marcel Deneux sur la responsabilité environnementale en vue de la prévention et de la réparation des dommages environnementaux (E 1966) ainsi que les éventuels amendements qui seront présentés sur cette proposition de résolution.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est fixé au lundi 26 mai 2003, à 12 heures. Les amendements devront être déposés directement au secrétariat de la commission.
Il est rappelé que, conformément à l'article 73 bis, alinéa 6, du règlement, les amendements dont aucun des auteurs n'appartient à la commission saisie au fond sont présentés devant celle-ci par leur premier signataire. La présente publication vaut, à leur égard, convocation à la réunion de la commission.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON
QUESTIONS ORALES
REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT
(Application des articles 76 à 78 du réglement)
Fermeture de laboratoires de recherche du plateau de Saclay
270. - 16 mai 2003. - M. Paul Loridant appelle l'attention de Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies sur la situation critique que traversent la source de neutrons ORPHEE et le laboratoire mixte CEA-CNRS Léon-Brillouin (LLB). Ces deux centres constituent un très grand équipement de recherche (TGE), implanté sur le plateau de Saclay, dont l'avenir semble remis en cause. En effet, les organismes de tutelle, durement touchés par les diminutions budgétaires, ont fait part de leur intention soit de se retirer totalement (CNRS), en rupture avec les engagements de la convention en vigueur, soit de diminuer considérablement les coûts (CEA). Sans solution de financement pour 2004, cette installation serait fermée fin 2003. La fermeture de LLB et d'ORPHEE serait un coup sérieux pour l'avenir de la recherche française et son rayonnement, n'entraînant que des économies dérisoires à court terme. C'est pourquoi il l'interroge pour savoir quelles mesures elle entend prendre pour assurer la pérennité de ce très grand équipement de recherche.
Réglementation du transport combiné mer-route
271. - 20 mai 2003. - Mme Sylvie Desmarescaux souhaite attirer l'attention de M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer sur les distorsions de concurrence dont sont victimes les ports français, en particulier celui de Dunkerque, du fait de la réglementation actuelle en matière de transport routier et combiné. En effet, les transporteurs belges, britanniques et néerlandais ont l'autorisation de circuler à 44 tonnes, et même 50 tonnes aux Pays-Bas, pour tous les types de trafic. Or, la réglementation applicable en France à l'heure actuelle est beaucoup plus restrictive. D'une part, l'arrêté du 21 février 1995, qui transcrit la directive européenne du 7 décembre 1992 établissant des règles communes pour certains transports combinés de marchandises entre Etats membres, est trop contraignant. Il place notamment les ports français en situation de distorsion de concurrence par rapport aux autres grands ports européens pour lesquels le camion de 44 tonnes est autorisé pour tous les types de trafics mer-route, y compris lorsque le trajet maritime est intercontinental. D'autre part, l'article R. 55 du code de la route ne considère pas le trafic mer-route comme du trafic combiné. Enfin, les flux routiers pour les trafics autres que le combiné sont interdits en France à plus de 40 tonnes, ce qui s'avère très pénalisant pour le développement de trafics conventionnels. Alors que le Port autonome de Dunkerque affiche d'excellents résultats économiques pour 2003 et que les perspectives de développement sont bonnes, il est donc primordial de rétablir des conditions de concurrence loyales entre le port de Dunkerque et ses concurrents directs de l'Union européenne. Par conséquent, elle lui demande quelles mesures il envisage de prendre afin de remédier à cette situation.
Spécificités des collectivités insulaires
272. - 20 mai 2003. - M. Jacques Oudin attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur la spécificité des collectivités insulaires. Certains pays européens ont su faire reconnaître la spécificité de leurs îles (Açores, Madère, Baléares, Canaries, etc.) qui bénéficient ainsi du statut de région ultra-périphérique. Tel n'est pas encore le cas de la France. L'insularité engendre naturellement des contraintes diverses et des surcoûts très importants tant pour les particuliers (scolarisations en internat, accouchements et soins médicaux, approvisionnements divers, etc.) que pour les collectivités. Il a été démontré que ce surcoût a pour conséquence majeure, pour la collectivité, de diminuer sa capacité d'investissement d'environ 460 000 EUR par an, ce qui freine la réalisation de travaux et de programmes importants. De surcroît, ces collectivités, de par leur insularité, ne peuvent bénéficier de la péréquation effectuée dans le cadre d'une intercommunalité (centre d'enfouissement technique, déchetterie, aérodrome, hélistation, station d'épuration, téléphonie, logements, etc.). Compte tenu des difficultés rencontrées par ces collectivités insulaires et des exemples européens en la matière, il lui demande s'il envisage de faire reconnaître la spécificité des îles françaises et donc de doter ces collectivités de moyens particuliers, adaptés à leur situation géographique excentrée.
Situation de GIAT Industries et de l'industrie de défense
273. - 21 mai 2003. - Mme Hélène LUC attire l'attention de Mme la ministre de la défense sur la situation particulièrement préoccupante de GIAT Industries et de l'industrie de défense française. L'annonce du sixième plan de restructuration de l'entreprise prévoyant d'ici à 2006 la suppression de 3 750 emplois, la fermeture complète des sites de Saint-Chamond et Cusset et la fermeture partielle des établissements de Tarbes, Tulle et Toulouse a suscité de vives réactions de la part des employés ainsi qu'une forte inquiétude quant à l'avenir de l'industrie de défense. La décision prise le 29 avril dernier, lors d'une réunion entre la direction et les représentants de GIAT Industries, de nommer deux experts et d'allonger de deux mois le délai pour le comité central d'entreprise, n'a pas permis d'apaiser les tensions et d'aboutir à un véritable compromis. Elle lui demande qu'un véritable débat public sur l'avenir du GIAT et sa place dans la politique nationale de défense avec la création d'un pôle public de l'armement se développe aussi bien au Parlement qu'avec les salariés du GIAT, que la concertation sur le devenir de l'entreprise et le développement de projets alternatifs militaires et civils soit engagée globalement et non pas site par site, comme c'est le cas actuellement.
ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mercredi 21 mai 2003
SCRUTIN (n° 157)
sur l'article 1er de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions relatives à certains personnels de DCN et GIAT Industries.
Nombre de votants :313Nombre de suffrages exprimés :313Pour : 313Contre : 0Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Pour : 23.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (27) :
Pour : 27.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17) :
Pour : 17.
GROUPE SOCIALISTE (83) :
Pour : 82.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Bernard Angels, qui présidait la séance.
GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (166) :
Pour : 164.
N'ont pas pris part au vote : 2. _ MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Emmanuel Hamel.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :
N'ont pas pris part au vote : 5.
Ont voté pour
Nicolas About
Jean-Paul Alduy
Nicolas Alfonsi
Jean-Paul Amoudry
Michèle André
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Maryse Bergé-Lavigne
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Laurent Béteille
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Marie-Christine Blandin
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Nicole Borvo
Didier Boulaud
Joël Bourdin
Brigitte Bout
André Boyer
Jean Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Robert Bret
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Claire-Lise Campion
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Ernest Cartigny
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Charles Ceccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Gérard Cornu
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Robert Del Picchia
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Rodolphe Désiré
Yves Detraigne
Evelyne Didier
Eric Doligé
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Guy Fischer
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
François Fortassin
Thierry Foucaud
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Jean-Claude Frécon
Yves Fréville
Bernard Frimat
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Charles Gautier
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Jean-Pierre Godefroy
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Jean-Noël Guérini
Michel Guerry
Hubert Haenel
Claude Haut
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Odette Herviaux
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Alain Journet
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Yves Krattinger
Christian de La Malène
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Gérard Le Cam
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
André Lejeune
Serge Lepeltier
Louis Le Pensec
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Claude Lise
Gérard Longuet
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Hélène Luc
Brigitte Luypaert
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Jean-Louis Masson
Serge Mathieu
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Michel Mercier
Louis Mermaz
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Roland Muzeau
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Jean-Marc Pastor
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jacques Peyrat
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Henri de Raincourt
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Gérard Roujas
André Rouvière
Janine Rozier
Michèle San Vicente
Bernard Saugey
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Michel Sergent
Bruno Sido
René-Pierre Signé
Daniel Soulage
Louis Souvet
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Michel Thiollière
Jean-Marc Todeschini
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
André Trillard
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
André Vantomme
Alain Vasselle
Paul Vergès
André Vezinhet
Jean-Pierre Vial
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
Henri Weber
François Zocchetto
N'ont pas pris part au vote
Philippe Adnot, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Emmanuel Hamel, Bernard Seillier, Alex Türk, Christian Poncelet, président du Sénat, et Bernard Angels, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 316Nombre de suffrages exprimés :316Majorité absolue des suffrages exprimés :159Pour : 316Contre : 0Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 158)
sur les amendements n° 1 déposé par Mme Josette Durrieu et n° 2 déposé par Mme Hélène Luc tendant à supprimer l'article 2 de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions relatives à certains personnels de DCN et GIAT Industries (reclassement dans la fonction publique).
Nombre de votants :313Nombre de suffrages exprimés :305Pour : 105Contre : 200Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Pour : 23.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (27) :
Contre : 27.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17) :
Contre : 9.
Abstentions : 8. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin et Dominique Larifla.
GROUPE SOCIALISTE (83) :
Pour : 82.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Bernard Angels, qui présidait la séance.
GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (166) :
Contre : 164.
N'ont pas pris part au vote : 2. _ MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Emmanuel Hamel.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :
N'ont pas pris part au vote : 5.
Ont voté pour
Michèle André
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
Yves Krattinger
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Ont voté contre
Nicolas About
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Ernest Cartigny
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean-Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
Abstentions
Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin et Dominique Larifla.
N'ont pas pris part au vote
Philippe Adnot, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Emmanuel Hamel, Bernard Seillier, Alex Türk, Christian Poncelet, président du Sénat, et Bernard Angels, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 314Nombre de suffrages exprimés :306Majorité absolue des suffrages exprimés :154Pour : 106Contre : 200Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.