SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
1. Procès-verbal (p. 1).
2. Rappel au règlement (p. 2).
MM. Roland Muzeau, le président, Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité ; Mme Nicole Borvo.
Suspension et reprise de la séance (p. 3)
3. Réforme des retraites. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 4).
Exception d'irrecevabilité (p. 5)
Motion n° 28 de M. Claude Estier. - MM. Claude Domeizel, Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire ; Guy Fischer. - Rejet par scrutin public.
Question préalable (p. 6)
Motion n° 1 de Mme Nicole Borvo. - Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur, Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité ; MM. Roland Muzeau, Pierre Fauchon. - Rejet par scrutin public.
MM. Claude Estier, le président.
Suspension et reprise de la séance (p. 7)
Demande de renvoi à la commission (p. 8)
Motion n° 29 de M. Claude Estier. - MM. Gilbert Chabroux, le président de la commission. - Rejet par scrutin public.
Suspension et reprise de la séance (p. 9)
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
4. Candidatures à des organismes extraparlementaires (p. 10).
5. Rappel au règlement (p. 11).
MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le président.
6. Réforme des retraites. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 12).
MM. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; Claude Domeizel, Guy Fischer, Mme Nicole Borvo, MM. Roland Muzeau, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Hélène Luc, M. Jean Chérioux, Mme Françoise Henneron, M. Gilbert Chabroux.
Division additionnelle avant le titre Ier (p. 13)
Amendement n° 46 de Mme Michelle Demessine. - Mme Michelle Demessine, MM. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales ; François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité ; Michel Dreyfus-Schmidt, Paul Loridant. - Rejet.
Articles additionnels avant l'article 1er (p. 14)
Amendements identiques n°s 45 de M. Guy Fischer, 48 de Mme Michelle Demessine et 49 de Mme Nicole Borvo. - M. Guy Fischer, Mme Michelle Demessine, MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Marie-Claude Beaudeau, M. le président de la commission, Mmes Josiane Mathon, Hélène Luc. - Rejet des trois amendements.
Division additionnelle avant l'article 1er (p. 15)
Amendement n° 47 de Mme Michelle Demessine. - MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Articles additionnels avant l'article 1er (p. 16)
Amendements identiques n°s 50 de M. Guy Fischer, 51 de Mme Michelle Demessine et 52 de Mme Nicole Borvo ; amendements identiques n°s 53 de M. Guy Fischer, 54 de Mme Michelle Demessine et 55 de Mme Nicole Borvo ; amendements n°s 821, 823, 824 et 802 de M. Claude Estier. - M. Guy Fischer, Mmes Michelle Demessine, Nicole Borvo, Gisèle Printz, Claire-Lise Campion, Michèle San Vicente, MM. le rapporteur, le ministre, Roland Muzeau, Mme Odette Terrade, M. Gérard Le Cam, Mmes Marie-Claude Beaudeau, Hélène Luc, M. André Vezinhet. - Rejet des dix amendements.
Amendement n° 806 de M. Claude Estier. - Mme Claire-Lise Campion, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Division additionnelle avant l'article 1er (p. 17)
Amendement n° 56 de Mme Michelle Demessine. - Rejet.
Articles additionnels avant l'article 1er
ou après l'article 1er (p. 18)
Amendements n°s 58 de Mme Michelle Demessine, 822, 844 et 855 de M. Claude Estier. - MM. Roland Muzeau, Gilbert Chabroux, Claude Domeizel, le rapporteur, le ministre, Mmes Marie-Claude Beaudeau, Odette Terrade, Marie-Christine Blandin, M. André Vezinhet. - Rejet des quatre amendements.
Amendements n°s 845 de M. Claude Estier et 856 de M. Claude Domeizel. - MM. Claude Domeizel, le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux amendements.
Articles additionnels avant l'article 1er (p. 19)
Amendement n° 59 de Mme Michelle Demessine. - Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements identiques n°s 60 de M. Guy Fischer, 61 de Mme Michelle Demessine et 62 de Mme Nicole Borvo. - M. Guy Fischer, Mmes Michelle Demessine, Odette Terrade, MM. le rapporteur, le ministre, Mme Hélène Luc, M. Paul Loridant. - Rejet des trois amendements.
Demande de priorité (p. 20)
Demande de priorité du titre Ier. - MM. le président de la commission, le ministre. - La priorité est ordonnée.
7. Nomination de membres d'organismes extraparlementaires (p. 21).
8. Dépôt d'un rapport de la Cour des comptes (p. 22).
Suspension et reprise de la séance (p. 23)
9. Réforme des retraites. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 24).
Rappels au règlement (p. 25)
M. Claude Estier, Mme Nicole Borvo, MM. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; Gilbert Chabroux.
Suspension et reprise de la séance (p. 26)
Article 1er (priorité) (p. 27)
MM. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Claude Domeizel.
Mmes Hélène Luc, Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland Muzeau, Mme Michelle Demessine, MM. Claude Domeizel, Bernard Frimat, Mmes Gisèle Printz, Claire-Lise Campion, Marie-Christine Blandin, MM. François Marc, Gilbert Chabroux, Roland Courteau.
Amendements identiques n°s 95 de Mme Nicole Borvo, 96 de M. Guy Fischer et 97 de Mme Michelle Demessine ; amendements n°s 849 rectifié de M. Claude Estier, 850 rectifié, 853 rectifié, 854 rectifié de M. Claude Domeizel, 851 rectifié de M. Gilbert Chabroux, 852 rectifié de Mme Claire-Lise Campion, 1083 rectifié de M. Gérard Delfau, 1093 rectifié de Mme Nelly Olin et sous-amendement n° 1106 de Mme Michelle Demessine ; amendements identiques n°s 64 rectifié de M. Guy Fischer, 65 rectifié de Mme Michelle Demessine et 66 rectifié de Mme Nicole Borvo ; amendements identiques n°s 67 rectifié de M. Guy Fischer, 68 rectifié de Mme Michelle Demessine et 69 rectifié de Mme Nicole Borvo ; amendements n°s 70 rectifié et 72 rectifié de Mme Michelle Demessine ; amendements identiques n°s 73 rectifié de M. Guy Fischer, 74 rectifié de Mme Michelle Demessine et 75 rectifié de Mme Nicole Borvo ; amendement n° 76 rectifié de Mme Michelle Demessine ; amendements identiques n°s 77 rectifié de M. Guy Fischer, 78 rectifié de Mme Michelle Demessine et 79 rectifié de Mme Nicole Borvo ; amendements identiques n°s 81 rectifié de M. Guy Fischer, 82 rectifié de Mme Michelle Demessine et 83 rectifié de Mme Nicole Borvo ; amendements identiques n°s 84 rectifié de M. Guy Fischer, 85 rectifié de Mme Michelle Demessine et 86 rectifié de Mme Nicole Borvo ; amendements identiques n°s 87 rectifié bis de Mme Nicole Borvo, 88 rectifié bis de Mme Michelle Demessine, 89 rectifié bis de M. Roland Muzeau et 90 rectifié bis de M. Guy Fischer ; amendements identiques n°s 92 rectifié bis de M. Guy Fischer, 93 rectifié bis de Mme Michelle Demessine et 94 rectifié bis de Mme Nicole Borvo ; amendements identiques n°s 1067 rectifié de M. Guy Fischer, 1068 rectifié de Mme Michelle Demessine et 1069 rectifié de Mme Nicole Borvo ; amendements n°s 98, 99 de Mme Michelle Demessine et 1087 rectifié de M. Gérard Delfau. - Mmes Nicole Borvo, Marie-Claude Beaudeau, MM. Claude Estier, Claude Domeizel, Gilbert Chabroux, Mmes Claire-Lise Campion, Gisèle Printz, M. Gérard Delfau, Mmes Nelly Olin, Michelle Demessine, Hélène Luc, M. Gérard Le Cam, Mmes Josiane Mathon, Odette Terrade, MM. le rapporteur, le ministre, Paul Loridant. - Rejet, par scrutin public, des amendements n°s 95 à 97 ; rejet des amendements n°s 849 rectifié à 854 rectifié, 1083 rectifié et du sous-amendement n° 1106.
Mme Michelle Demessine, MM. le président de la commission, le ministre. - Rejet d'une demande de priorité.
MM. Roland Muzeau, Gérard Delfau, Mme Marie-Christine Blandin, M. Jean-Paul Emorine. - Adoption de l'amendement n° 1093 rectifié rédigeant l'article, les autres amendements devenant sans objet.
Renvoi de la suite de la discussion.
10. Dépôt d'une proposition de loi (p. 28).
11. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 29).
12. Ordre du jour (p. 30).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à onze heures.)
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour un rappel au règlement.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaite intervenir sur l'organisation de nos travaux, ainsi que sur ceux de la commission des affaires sociales.
Je m'interroge, avec mes amis du groupe communiste républicain et citoyen et, j'en suis certain, avec d'autres collègues assis de part et d'autre de cet hémicycle, sur la nécessité de saucissonner l'examen des amendements par la commission.
Croyez-vous, monsieur le ministre des affaires sociales, qu'il soit sérieux d'engager l'examen des articles sans que la commission ait pu se prononcer sur l'ensemble des propositions émises ?
Je prends un exemple précis d'incohérence : l'article 1er pose le principe de la sauvegarde du système par répartition, mais, dans le même temps, le dernier chapitre organise l'épargne des particuliers pour la retraite, engageant fortement l'ouverture de notre système à la capitalisation.
Comment peut-on sérieusement se prononcer sur l'article 1er si nous n'avons pas eu en commission le débat sur le chapitre que je viens d'évoquer ? Je souhaite donc, monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, que nous ayons ce débat.
L'exemple que j'ai choisi me semble d'autant plus pertinent qu'hier, en fin d'après-midi, la CFE-CGC a indiqué, dans un communiqué, qu'au travers du dispositif voté à l'Assemblée nationale la France « met la main dans l'engrenage des fonds de pension ».
M. Gilbert Chabroux. C'est vrai !
M. Roland Muzeau. Michel Lamy, secrétaire national de la CFE-CGC, rappelle que « pour la Banque mondiale, tous les systèmes de retraite doivent être réformés en direction de la privatisation et de la capitalisation ». Ces propos émanent de l'un des signataires de l'accord.
La CFE-CGC dénonce la création, par l'Assemblée nationale, d'un plan individuel pour les retraites.
Il s'agit, monsieur le ministre, d'un pavé dans la mare du Gouvernement, car, rappelons-le, la CFE-CGC demeurait l'un des rares soutiens syndicaux à votre réforme. Pourrez-vous encore vous en prévaloir après une telle déclaration et après nos débats d'hier ?
J'aimerais connaître votre sentiment, afin que le Sénat soit informé de l'état d'esprit réel des organisations syndicales signataires.
En tout état de cause, je demande une suspension de séance de quinze minutes afin que le point soit fait sur l'articulation entre le travail de la commission et la séance publique. C'est un souci de cohérence qui ne peut vous échapper, monsieur le président. Cette suspension de séance permettra en outre à M. le ministre de préparer sa réponse sur l'attitude nouvelle de la CFE-CGC.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Notre travail est, selon nous, tout à fait cohérent, car, au travers de la discussion générale et du débat qui s'est tenu à l'Assemblée nationale, nous connaissons parfaitement l'ensemble des propositions et nous avons donc pu les étudier.
Nous nous sommes attachés à oeuvrer par titre et nous n'avons pas du tout le sentiment d'avoir été mal informés en examinant d'abord les dispositions générales, comme nous l'avons fait ce matin. Demain matin, nous aborderons le régime général et la fonction publique. Par conséquent, le fait de ne pas avoir étudié les derniers amendements déposés par le groupe CRC ne nous trouble absolument pas. Notre façon d'agir reste, selon nous, très cohérente et efficace.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole.
M. le président. Laissez-moi présider, madame Borvo !
La parole est à M. le minsitre.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. M. Muzeau est un parlementaire trop averti et il connaît trop bien ce sujet pour savoir que le titre V que nous proposons n'a absolument rien à voir avec les fonds de pension.
Le dispositif des fonds de pension est, en général, obligatoire, il comporte un abondement par l'employeur. C'est d'ailleurs cet abondement par l'employeur qui a fait l'objet de vives critiques, à gauche comme à droite, lors de la mise en place de la loi Thomas, parce qu'il pesait sur l'équilibre des comptes des organismes sociaux.
Nous n'avons pas voulu prévoir d'abondement dans ce texte : il s'agit d'un dispositif facultatif, qui ne fait que reproduire ce que vous avez toléré, et même, dans un certain nombre de cas, encouragé pour quelques catégories de Français - les fonctionnaires, les cadres supérieurs, les élus locaux - qui bénéficient, justement, de systèmes d'épargne-retraite.
Quant à la CFE-CGC, elle a signé avec le Gouvernement un relevé de décisions auquel le titre V est parfaitement conforme.
Mme Michelle Demessine. Oui, mais il a été amendé par l'Assemblée nationale !
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, je constate que, souvent, les groupes de la majorité demandent des suspensions de séance et que celles-ci leur sont accordées. En revanche, à chaque fois que nous demandons une suspension de séance, elle nous est refusée. C'est un manque de courtoisie !
Le Sénat pourrait être consulté sur cette demande de suspension de séance, qui est tout à fait justifiée. En effet, malgré les dénégations de M. le ministre, nous constatons que tout le monde n'a pas la même interprétation de son projet de loi.
M. le président. Madame Borvo, je considère que votre admonestation ne m'est pas destinée, car je n'ai jamais refusé une suspension de séance à votre groupe !
Mme Hélène Luc. Il faut la mettre aux voix !
M. le président. Madame Luc, c'est moi qui préside !
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le ministre, pardonnez-moi d'y revenir, mais je crois que vous vous méprenez sur le sens de mon intervention, ou peut-être ne m'avez vous pas bien écouté. Je vous en rappelle la teneur.
L'un des signataires d'un accord préalable au débat à l'Assemblée nationale se trouve aujourd'hui en opposition complète avec le dispositif qu'il a accepté car l'une des dispositions qui figuraient dans cet accord a été modifiée par les députés. Il considère que l'Assemblée nationale a dévoyé le contenu dudit accord, qui a été signée dans la nuit du 15 mai dernier, me semble-t-il.
Je souhaite, monsieur le ministre, que vous me répondiez non pas à côté, mais sur le sujet que j'évoque. Si vous voulez en savoir un peu plus, il vous suffit de lire la dépêche de l'AFP relative à la déclaration de la CFE-CGC, laquelle indiquait que l'Assemblée nationale, avec son dispositif, « met la main dans l'engrenage des fonds de pension ». Le secrétaire national de cette organisation syndicale, M. Michel Lamy, rappelle que « pour la Banque mondiale, tous les systèmes de retraite doivent être réformés en direction de la privatisation et de la capitalisation ». Cette dépêche de l'AFP figure sur tous les téléscripteurs ! Je ne l'ai pas inventée ! Je désire, je le répète, que le Gouvernement réponde précisément sur le sujet que j'ai évoqué et non sur autre chose. C'est le minimum que nous sommes en droit d'attendre !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Monsieur Muzeau, je ne connais qu'une seule personne à la CFE-CGC, son président, M. Cazettes : il a apporté son soutien à ce relevé de décisions et il n'a pas changé d'avis. (M. Roland Muzeau s'exclame.)
Mais je constate avec intérêt qu'après nous avoir expliqué toute la soirée qu'il n'y avait pas eu de négociation (M. Alain Gournac rit), tout d'un coup, le groupe communiste républicain et citoyen nous parle d'une négociation qui a abouti à un accord avec plusieurs syndicats (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste)...
M. Alain Gournac. Et voilà !
Mme Hélène Luc. C'est dérisoire !
M. François Fillon, ministre. ... pour s'étonner de certaines de ses considérations. C'est bien la preuve qu'il y a eu négociation et que celle-ci a abouti à un accord ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Roland Muzeau. Vous ne respectez même pas la parole donnée !
M. le président. Monsieur Muzeau, je vous donne acte de votre rappel au règlement. Pour être agréable à Mme Borvo, nous allons interrompre nos travaux pendant cinq minutes. (C'est très bien ! sur les travées de l'UMP.)
Le séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures dix, est reprise à onze heures vingt.)
M. le président. Le séance est reprise.
RÉFORME DES RETRAITES
Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 378, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant réforme des retraites. [Rapport n° 382 (2002-2003) et avis n° 385 (2002-2003).]
Je rappelle que la discussion générale a été close.
M. le président. Je suis saisi, par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, d'une motion n° 28, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant réforme des retraites (n° 378, 2002-2003). »
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Claude Domeizel, auteur de la motion. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Claude Domeizel. Messieurs les ministres, que prétendez-vous garantir dans ce texte ? l'avenir des retraites. Pourtant, si l'objectif est louable, les moyens mis en oeuvre au travers de cette réforme sont parfois injustes et, à nos yeux, impliquent quelques entorses à la Constitution.
Prenons l'article 3, qui pose le principe d'un traitement équitable des assurés. Mais, qui dit équité dit aussi prise en compte des particularités de groupes de citoyens.
Précisément, messieurs les ministres, votre texte ne tient pas assez compte de la pénibilité des différents métiers et de l'espérance de vie qui en découle. Vous vous contentez d'allonger la durée de cotisation, mais sans apporter de réponse circonstanciée aux cas particuliers de ceux qui exercent des métiers pénibles : le traitement du dossier est renvoyé... à plus tard !
La prise en compte de la pénibilité dans le calcul des retraites aurait, pour le moins, nécessité un débat approfondi. Mais vous êtes pressés d'en finir. Et tant pis pour les inégalités engendrées par la loi, vous dites-vous finalement.
Permettez-moi de citer quelques exemples démontrant la fragilité de votre texte au regard de la Constitution.
L'article 8 traite de l'information. C'est une bonne chose, car l'information doit être placée au coeur de la réforme. Mais comment traitez-vous, dans les faits, cette question ?
M. le Premier ministre a fait parvenir à tous les Français - aux frais du contribuable - une lettre traitant du projet, lettre qui ressemblait, d'ailleurs, à une propagande partisane élaborée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Guy Fischer. C'est vrai !
M. Alain Gournac. Pas du tout !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. C'est une plaisanterie ?
MM. Jean Chérioux et Roger Karoutchi. Pauvre argument !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Demandez à Lang ce qu'il a fait !
M. Claude Domeizel. Le Gouvernement a mis ainsi le doigt dans un engrenage qui l'oblige désormais à réécrire à tous nos concitoyens et, faut-il le préciser, à toutes nos concitoyennes, pour les informer totalement du contenu de la loi définitive. On peut supposer, en effet, que le texte définitif sera différent du projet de loi initial. Sinon, à quoi sert le Parlement ?
Si la loi ne prévoit pas une information générale dès le lendemain de sa parution, elle sera source d'incompréhensions, peut-être même de fausses informations, donc d'inégalités. Se trouverait alors méconnu l'objectif constitutionnel d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi. En cette matière peut-être plus que dans d'autres, une telle complexité, source d'insécurité juridique, présente, en effet, un risque induit de violation du principe d'égalité.
Pour être concret, au lendemain de la publication de la loi, il y aura ceux qui en auront anticipé les conséquences et les autres, c'est-à-dire la grande majorité, qui n'auront pas vu partir le coup. Disposeront-ils du temps et des moyens pour questionner les gestionnaires de leur régime respectif ? Mais pour tous, le 1er janvier 2004, le couperet tombera. C'est bien là une inégalité inacceptable.
De la même façon, les articles 20 et 28, qui rendent possible, sous conditions, le rachat des années d'études, dans la limite de douze trimestres, introduit lui aussi une inégalité flagrante, puisque seuls les plus aisés et ceux qui trouveront très vite un emploi pourront en bénéficier.
Lorsque l'on y regarde de plus près, cette mesure - le rachat des années d'études -, parce qu'elle est facultative et qu'elle n'est pas accessible à tous, est non seulement fortement inégalitaire, mais en plus introduit une sorte de capitalisation volontaire dans la répartition.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Vous êtes contre ? Dites-le !
M. Claude Domeizel. Et l'égalité entre hommes et femmes ?
Nous aurons à plusieurs reprises l'occasion, pendant les débats, de démontrer que votre projet de loi, messieurs les ministres, est loin d'être égalitaire entre les sexes, puisque les femmes sont les principales victimes de la réforme.
Dans la fonction publique d'Etat, la pension est une rémunération. Changer les règles de calcul pour tout élément entrant dans la constitution de la pension, pour toute période antérieure à la loi, c'est porter atteinte à l'égalité entre tributaires. C'est aussi vrai pour les avantages familiaux que pour le taux à appliquer aux années validées.
Jusqu'à présent, seules les femmes bénéficiaient de bonifications pour enfant : vous étendez cette mesure aux hommes, mais quelle tromperie, lorsqu'on sait que cet avantage sera, en réalité, inacessible dans de nombreux cas !
Les articles 27 et 31 suppriment ces bonifications pour les remplacer, s'agissant des enfants nés après le 1er janvier 2004, par une prise en compte de périodes de cessation d'activité, encore mal définies aujourd'hui, puisque cela relève de futurs décrets.
On doit ici, de surcroît, relever l'incompétence négative du législateur.
En outre, s'agissant des enfants nés cette fois avant le 1er janvier 2004, on introduit une inégalité flagrante entre les titulaires selon que le départ à la retraite se situe avant ou après cette date.
Je me permets d'insister : pour les fonctionnaires, la pension est une rémunération. Donc, pour toute période antérieure à la loi, les éléments constitutifs du calcul de la pension doivent être les mêmes pour tous. Sinon, c'est une inégalité flagrante. Et c'est ce que vous prévoyez dans votre projet de loi, messieurs les ministres.
La bonification est l'un des éléments constitutifs du calcul de la pension. Pour la période antérieure à 2004, elle doit être la même pour toutes les femmes, qu'elles aient pris leur retraite avant ou après cette date.
Et pour les hommes ? La Cour de justice des Communautés européennes a tranché : pour les hommes aussi. C'est la raison pour laquelle, par souci de respect du principe d'égalité, nous proposerons de maintenir la bonification selon la règle actuelle et de l'étendre aux hommes afin de respecter cette jurisprudence confirmée par le Conseil d'Etat le 10 juillet 2002.
A la différence précédemment soulignée s'ajoute le fait que le futur retraité verra ses droits octroyés de façon différente, en fonction des dispositions transitoires induisant des conditions de durée d'assurance, de rémunérations de trimestres différentes et déterminées par la date d'ouverture des droits. Ainsi, à parcours professionnel strictement identique, des écarts seront introduits dans les prestations servies.
Par ailleurs, ces droits différeront également du fait de la bonification pour enfants - je viens d'en parler - ou du droit à pension à jouissance immédiate pour trois enfants au moins.
Au nombre des grandes orientations présidant au projet de loi, trois méritent d'être citées. Il s'agit d'« assurer un haut niveau de retraite, par l'allongement de la durée d'activité et de la durée d'assurance », de « préserver l'équité et l'esprit de justice sociale de nos régimes de retraite » et de « permettre à chacun de construire sa retraite en donnant davantage de souplesse et de liberté de choix ».
Comment, alors, expliquer aux futurs retraités, notamment à ceux dont la majeure partie de la carrière s'est déroulée avant 2004, que la même annuité de service effectuée avant 2004 sera rémunérée différemment suivant qu'ils seront partis avant ou après le 1er janvier 2004 ? Comment leur faire comprendre que rares seront ceux qui pourront bénéficier de ce taux plein à 60 ans, puisqu'il faut à la fois réunir les durées d'assurance et d'annuités maximales, faute de quoi une décote sera appliquée, et ce dans un contexte économique où l'entrée dans la fonction publique est de plus en plus tardive et où les fonctionnaires locaux ont une durée moyenne de carrière plutôt courte ?
Comment expliquer aux futurs retraités que le minimum garanti, lui aussi, ne rémunère plus de façon égale les annuités effectuées avant 2004 selon que la date de départ du fonctionnaire se situe avant ou après 2004 ? En effet, alors qu'il suffit de 25 annuités actuellement pour obtenir 100 % du montant garanti, il en faudra 40 demain, même s'il s'agit d'annuités effectuées avant 2004. On notera que les nouvelles règles sont particulièrement pénalisantes pour les femmes, dont les carrières sont moins longues et moins rémunérées que celles des hommes.
Enfin, comment faire comprendre que, contre toute attente et en dépit de la jurisprudence, le projet de loi n'étend pas aux hommes fonctionnaires le droit à pension à jouissance immédiate pour trois enfants ? Or cette discrimination a été dénoncée par la Cour de justice des Communautés européennes au nom du principe d'égalité de traitement.
Les mesures évoquées s'appliqueront aux fonctionnaires dont les droits seront ouverts postérieurement au1er janvier 2004. Il y aura donc obligatoirement une disparité de rémunération des services accomplis jusqu'au 31 décembre 2003 entre ceux qui sont déjà partis ou partiront à la retraite avant 2004 et ceux qui seront admis à faire valoir leurs droits à partir de l'année prochaine.
En ne prévoyant pas que les services effectués avant 2004 seront rémunérés à l'identique, quelle que soit la date de mise à la retraite, et selon les règles actuellement en vigueur, l'article 55, article ô combien important, confère à la réforme une portée rétroactive indiscutable en matière de rémunération des services.
Rien, en droit français ou en droit européen, ne permettant de porter atteinte au principe d'égalité de rémunération des fonctionnaires qui bénéficient d'un régime d'employeur, il en résulte que l'ensemble des dispositions du projet de loi modifiant le mode de rémunération des années de services effectuées avant son entrée en vigueur sont contraires au droit européen et à notre droit constitutionnel, qui garantissent le principe du respect de l'égalité ; ces dispositions ne peuvent donc, au mieux, que s'appliquer aux seules années de services effectuées à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle.
Toute tentative pour maintenir en l'état le caractère rétroactif du projet de loi actuel ne ferait qu'exposer ce dernier à une annulation en vertu de la jurisprudence européenne.
En outre, les nouvelles dispositions, relatives, par exemple, à la prise en compte des années d'études et du temps partiel, comptabilisé comme du temps plein pour la liquidation, mesures qui profiteront aux seuls fonctionnaires des grades les plus élevés disposant des moyens financiers pour verser les cotisations correspondantes, ne sauraient venir contrebalancer l'affaiblissement patent de la rémunération des années de services effectuées avant 2004.
La conclusion s'impose donc, s'agissant des dispositions concernant tous les fonctionnaires et ouvriers d'Etat : messieurs les ministres, votre projet de loi est, globalement, contraire au droit européen et au droit constitutionnel français, en l'état, au motif de l'atteinte rétroactive à l'égalité de rémunération des fonctionnaires, et peut, au mieux, j'y insiste, s'appliquer aux seuls services qui seront effectués à compter de 2004.
J'ajoute que l'atteinte au principe d'égalité en matière de pension est d'autant plus forte et d'autant plus insupportable que le fonctionnaire a cotisé pour les annuités qu'il a effectuées et qu'il a donc droit à la fois au respect de l'égalité de rémunération avec ses collègues, mais aussi au respect des droits qu'il a acquis personnellement.
Je vous demande donc de mettre un terme à cette situation en faisant disparaître la rétroactivité des mesures qui portent atteinte au principe d'égalité de rémunération des fonctionnaires.
Mes chers collègues, je vous invite, pour toutes ces raisons, à adopter la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité que je viens de vous présenter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Les premiers arguments qu'a présentés M. Claude Domeizel concernaient l'article 3. Je rappelle à notre collègue que, précisément, la commission a consacré ses travaux à cet article, et que, dans sa majorité, elle a réaffirmé vendredi dernier le principe d'un traitement équitable au regard de la retraite, « quels que soient leurs activités professionnelles passées et le ou les régimes dont ils relèvent »
Les distinctions entre les assurés ne peuvent être fondées, je vous le rappelle, que sur « l'utilité commune ou sur les différences objectives de situation légalement constatées ». Nous avons donc bien posé le principe d'équité entre les assurés, que ceux-ci relèvent de plusieurs régimes - je pense aux polypensionnés - ou d'un régime unique, qu'il s'agisse de régimes du secteur privé ou du secteur public.
Quant à la portée de ce principe, elle est également bien précisée.
Aucune différence n'est constitutionnellement justifiable si elle ne relève pas justement de ces deux exceptions : d'une part, l'utilité commune, d'autre part, les différences de traitement qui doivent être conformes à la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le principe d'égalité.
M. Claude Domeizel. Nous verrons bien !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Ensuite, vous arguez du fait que les termes de la réforme ne seraient pas respectueux de la nature des pensions servies aux fonctionnaires.
Pour vous, les pensions sont des traitements continués, et la Cour de justice des Communautés européennes a condamné la France sur ce constat, dans l'arrêt Griesmar, pour discrimination salariale. Vous prétendez, à ce titre, que le projet de loi portant sur la réforme des retraites introduit donc une inégalité, une discrimination entre les retraités, ce qui suffirait à entraîner l'inconstitutionnalité du projet de loi soumis à notre examen.
Je vous ferai une réponse en deux temps : tout d'abord, monsieur Domeizel, ne vous trompez pas de juge. Le principe et la jurisprudence que vous invoquez sont de nature européenne. Or le Conseil constitutionnel s'est toujours refusé à examiner la constitutionnalité de la loi au regard des engagements internationaux, vous le savez bien.
Ce refus, il l'a réitéré dans sa décision du 23 juillet 1991, s'agissant de la loi portant diverses dispositions relatives à la fonction publique.
Ensuite, si vous souhaitez motiver une saisine du Conseil constitutionnel, il faut le faire au regard de principes constitutionnels, c'est évident.
Le Conseil constitutionnel a rappelé, à l'occasion de sa décision du 16 janvier 1986, que l'article 34 de la Constitution donne compétence au législateur « pour fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'Etat ; que ces garanties concernent, notamment, le droit à pension reconnu aux anciens fonctionnaires au regard duquel ceux-ci sont dans la même situation statutaire que face aux droits et obligations attachés à leur fonction durant la période active de leur carrière ».
Le Conseil a également rappelé que, « si le principe d'égalité interdit qu'à des situations semblables soient appliquées des règles différentes, il ne fait nullement obstacle à ce que, en fonction des objectifs poursuivis, à des situations différentes soient appliquées des règles différentes ».
Donc, aux termes de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires sont du niveau législatif et non constitutionnel. Il nous appartient, à nous, législateur, de changer les termes de ces garanties si nous le jugeons opportun. En outre, l'application du principe d'égalité n'interdit nullement que des personnes placées dans des situations différentes soient l'objet d'un traitement différent.
C'est pourquoi la commission ne peut pas accueillir favorablement cette motion.
M. Claude Domeizel. Nous en parlerons aux fonctionnaires !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est tout l'intérêt du débat parlementaire que de permettre le rétablissement de la vérité.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Absolument !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Je suis extrêmement surpris, monsieur Domeizel, par l'erreur de raisonnement que vous commettez, mais elle est intéressante... (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Hélène Luc. Ah ?
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Mais n'y voyez aucune critique de ma part, d'autant moins que nous avons très clairement dit quelle confusion régnait dans l'opinion sur le système de répartition. Je rappelle le principe : dans un tel système, ceux qui travaillent paient la retraite de ceux qui sont en retraite. Or, tout en réaffirmant que vous souhaitez voir ce système consolidé, vous donnez une valeur à l'annuité. Mais affecter à toute annuité la valeur de 2 %, c'est déjà faire de la capitalisation !
M. Jean Chérioux. Eh oui !
M. Claude Domeizel. Je n'ai pas dit cela, j'ai parlé de l'égalité !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Monsieur Domeizel, il n'est pas choquant de faire une erreur et de la rectifier ! Je suis en permanence attentif à ce que vous dites et, si je fais une erreur, il est évident que je la corrigerai.
Vous prétendez qu'il y aura diminution de la rémunération par abaissement de la valeur de l'annuité à 1,875 %. Or, vouloir affecter une valeur à l'annuité, c'est entrer dans un système de capitalisation.
Le contrat des fonctionnaires veut qu'ils aient droit à une retraite égale à 75 % du traitement indiciaire au bout de 37,5 ans aujourd'hui et de 40 ans demain. A l'évidence, vous êtes dans une logique qui consiste non pas à capitaliser mais à avoir droit à liquider 75 % de sa pension.
En outre, vous invoquez un risque d'inégalité par rapport à l'information en soulignant l'importance que revêt cette information pour les cotisants. Je vous ai interrogé sur la capacité de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, que vous présidez, de reconstituer la carrière des nombreux agents qui, ayant commencé à cotiser au régime général et étant entrés tardivement dans la fonction publique territoriale, ont aujourd'hui la possibilité, pour calculer leurs droits, d'additionner les deux carrières. Or, si la Caisse nationale d'assurance vieillesse du régime général dispose d'une grande capacité d'information, en revanche, nous avons des efforts à faire pour coordonner nos différents réseaux afin qu'ils soient en mesure de permettre à nos agents de reconstituer leur carrière et de prendre la bonne décision compte tenu de leurs droits de liquidation.
L'un des mérites de ce débat sur les retraites, quelles que soient nos opinions, est d'avoir sensibilisé nos concitoyens à cet égard ; car, si nous procédions à un test, y compris peut-être dans cette enceinte, nous constaterions que 90 % des Français ne s'intéressent à la liquidation de leur retraite qu'un an, six mois, voire trois mois avant leur départ à la retraite, ce qui les conduit souvent à commettre un certain nombre d'erreurs. C'est la raison pour laquelle nous avons mis en place des simulateurs ainsi qu'une plate-forme téléphonique permettant à chacun d'appréhender la réalité de la réforme.
Il me paraît important, aujourd'hui, de veiller à ne pas laisser s'accréditer l'idée qu'une loi, parce qu'elle créerait une inégalité dans l'information, serait anticonstitutionnelle : à l'évidence, chacun sait aujourd'hui, notamment dans les mairies, que la véritable inégalité, c'est la méconnaissance dans laquelle sont nos concitoyens de leurs droits, et notre effort principal doit aujourd'hui viser à leur permettre de les connaître. C'est ce que font en permanence les collectivités territoriales ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. André Vézinhet. Arrêtez ! Nous allons pleurer !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Cet argument me paraît donc totalement infondé.
Par ailleurs - et nous entrons là dans le débat constitutionnel -, que dit le Conseil constitutionnel dans une décision du 20 janvier 1984 ? Il pose qu'une loi peut toujours modifier une loi antérieure dès lors que les règles et principes à valeur constitutionnelle sont respectés.
M. René-Pierre Signé. Vous ne l'avez pas interrogé !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. La seule limite qui s'impose au pouvoir législatif est donc le maintien des garanties légales aux exigences à caractère constitutionnel.
En matière de retraite, il est intéressant de noter quelles sont les garanties constitutionnelles. Il s'agit, premièrement, de l'existence même d'un régime de retraite, prévue dans le préambule de la Constitution de 1946, et, deuxièmement, du droit à pension des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat, rappelé dans la décision du Conseil constitutionnel du 16 janvier 1986. Dans ce cadre, le législateur est libre de définir les modalités d'organisation du droit à pension : juridiquement, il n'existe pas d'avantages acquis.
Dans sa décision du 3 août 1994, le Conseil constitutionnel a considéré « qu'aucune règle ni aucun principe constitutionnel ne garantit "l'intangibilité des droits à retraite liquidés" ». Il a donc reconnu que des modifications peuvent être apportées, à la seule condition de ne pas dépasser certaines limites : les pensions des fonctionnaires doivent être prises en charge par l'Etat - c'est la règle constitutionnelle du 29 décembre 1994 - et les fonctionnaires sont dans la même situation statutaire au regard du droit à pension qui leur est reconnu que « face aux droits et obligations attachés à leur fonction durant la période active de leur carrière », selon les termes de la décision du Conseil constitutionnel du 16 janvier 1986.
En conclusion, je soulignerai que le lien statutaire n'implique pas que la revalorisation des retraites liquidées doive se faire dans les mêmes conditions que celle des traitements. Le Conseil constitutionnel, comme le Conseil d'Etat, considère que le principe d'égalité ne peut pas être appliqué entre actifs et retraités, qui se trouvent dans des situations juridiques différentes.
De même, les règles de calcul des pensions déjà liquidées et celles des pensions qui ne le sont pas encore peuvent être différentes, même si les services ayant permis de constituer les droits à pension sont identiques. En effet, les droits sont appréciés en fonction de la législation en vigueur à la date de la liquidation de la pension, ce qui permet de respecter le principe d'égalité de traitement pour les agents atteignant au même moment l'âge d'ouverture de leur droit à pension.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement, qui souhaite réduire les inégalités et faire preuve de justice dans l'application de la loi, vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de rejeter cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen approuveront la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité déposée sur ce texte par le groupe socialiste.
Sans entrer dans le détail de l'examen de notre Constitution, qui, par une formule liminaire, reprend à son compte non seulement les droits et libertés prévus dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, mais également les principes proclamés dans le préambule de la constitution de 1946, il est facile de constater - et nous le prouverons tout au long de ces débats - que la réforme des retraites mise en chantier par le gouvernement Raffarin vient heurter certains principes économiques et sociaux et contrarier la philosophie même de la société chère aux constituants.
Les individus, les plus faibles d'entre eux, sont en droit d'exiger de l'Etat la réalisation, la jouissance effective de droits, de tous les droits.
Le préambule de la constitution de 1946 posait un certain nombre de garanties collectives, dont le droit à la solidarité nationale, le droit à une existence décente. Cette conception plus sociale des droits de l'homme, ces principes, en particulier ceux en vertu desquels la nation, notamment, garantit à tous, à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs, sont exprimés en ces termes : « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. » Ces principes, donc, ont largement inspiré les dipositifs d'assurance sociale progressivement mis en place en France, puis étendus à l'Europe.
Pour couvrir les risques liés à l'existence, la France a su, au cours de ces dernières décennies, édifier la sécurité sociale, qui garantit collectivement un revenu de remplacement à tous ceux qui partent à la retraite. Les principes de la répartition et de la solidarité, clés de voûte de notre système de protection sociale, ont permis à ce dernier d'être facteur de progrès social.
Pour prendre l'exemple qui nous intéresse, celui de l'assurance vieillesse, on constatera que les ajustements successifs ont atteint leurs objectifs et apporté des améliorations sociales indéniables.
Même si 900 000 personnes sont, aujourd'hui encore, concernées par le minimum vieillesse - contre plus de 2 millions dans les années soixante-dix - et s'il subsiste de très fortes disparités de situation quant au montant des pensions ou à l'espérance de vie, le niveau de vie moyen des retraités est à quasi-parité avec celui des actifs.
Les mesures Balladur ont commencé à inverser cette courbe vertueuse et ont modifié le mode de calcul des retraites des salariés du privé en touchant à la fois au nombre de trimestres requis, au salaire de référence servant de base pour calculer le montant des retraites et aux règles de revalorisation.
Les résultats sont déjà visibles : les retraités subissent une baisse très sensible des taux de remplacement et du montant de leur pension, alors qu'ils doivent parfois assumer la charge de leurs grands enfants, voire de leurs petits-enfants au chômage ou étudiants et de plus en plus souvent, de leurs parents dépendants.
Et vous voudriez que nous acceptions sans sourciller de renforcer encore l'incertitude quant aux droits à la retraite et de diminuer la garantie du niveau du revenu !
Nous n'entendons ni vous laisser paupériser les Français ni vous laisser démanteler le système français de protection sociale pour mieux le livrer demain aux appétits des marchés financiers, aux assureurs et aux investisseurs. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Car c'est cela que vous préparez !
Pour les Français - les mouvements sociaux de grande ampleur, que le Gouvernement a continuellement cherché à minimiser, mais qui n'ont pas été de simples grognes, le prouvent -, la retraite demeure, avec l'emploi et l'éducation, nationale, bien sûr - un thème majeur de préoccupation sur lequel nos concitoyens attendent un « plus » tangible en termes de garanties sociales. Il n'en sera rien !
Avec le référendum sur la Corse, les premiers résultats se sont fait entendre, mes chers collègues !
M. Roger Karoutchi. Qu'est-ce que cela vient faire ? C'est grotesque !
M. Roland du Luart. C'est absurde !
M. Guy Fischer. Cette réforme aurait dû fournir l'occasion de repenser certains aspects essentiels du travail, telle la pénibilité physique et psychologique. Or ce thème a été à peine évoqué !
Encore aurait-il fallu bâtir auparavant, comme nous y invitait le Conseil d'orientation des retraites, le COR, une grande politique nationale de l'emploi. Ce chantier est renvoyé à demain.
Dans ce domaine comme dans celui de la formation professionnelle, il nous est demandé de faire confiance aux partenaires sociaux ! Or l'attitude du MEDEF, ces dernières années, nous incite à craindre le pire ! Lorsqu'il est à l'initiative de réformes, elles s'accompagnent systématiquement d'une régression sociale. Les intermittents du spectacle en sont les dernières victimes.
M. Alain Gournac. Après la Corse, les intermittents...
M. Guy Fischer. Les parlementaires communistes entendent bien démontrer au cours des prochains débats que toutes les solutions n'ont pas été mises en avant, notamment les mesures permettant d'accroître les recettes des régimes de retraite, parce que le Gouvernement, évidemment, poursuit avant tout un objectif comptable de réduction des dépenses sociales et a fait des choix de société que nous réprouvons totalement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. M. Delevoye a évoqué la question de l'information. Il est bien évident que la loi doit prévoir pour le Premier ministre l'obligation d'information, sans quoi naîtra une inégalité entre ceux qui auront reçu le projet de loi, s'ils l'ont reçu, et ceux qui prendront connaissance de la loi telle qu'elle sera adoptée, car une seule chose compte : c'est la loi !
Monsieur le ministre de la fonction publique, vous me permettrez de rappeler les termes de l'article L. 1 du code des pensions civiles et militaires : « La pension est une allocation pécuniaire, personnelle et viagère accordée aux fonctionnaires civils et militaires [...] en rémunération des services qu'ils ont accomplis jusqu'à la cessation régulière de leurs fonctions. » C'est donc une rémunération - les fonctionnaires sont inscrits au grand livre de la dette publique -, qui, à ce titre, doit être identique pour tous.
La pension est calculée en fonction de deux éléments. On tient compte, d'une part, des années validables pour la liquidation, c'est-à-dire du nombre d'années effectuées et des bonifications pour enfant. Or, nous avons fait la démonstration qu'une femme qui partira à la retraite le 15 février 2004 n'aura pas obligatoirement les bonifications qu'a eues sa collègue de travail partie le 15 décembre 2003. C'est évident !
Intervient d'autre part le pourcentage qui s'applique à ces années validables. Il est de 2 % aujourd'hui et sera réduit à 1,977 % pour les années antérieures : en d'autres termes, celui ou celle qui partira le 15 janvier 2004 aura un traitement différent de celui ou de celle qui sera parti le 15 août 2003.
Le problème serait différent s'il ne s'agissait pas d'une rémunération !
C'est la raison pour laquelle je suis certain que le groupe socialiste votera pour cette motion - ne serait-ce que parce qu'il l'a présentée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Rires et exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 28, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 177
:
Nombre de votants | 313 |
Nombre de suffrages exprimés | 306 |
Majorité absolue des suffrages | 154 |
Pour | 106 |
Contre | 200 |
M. Paul Loridant. Quel dommage !
M. le président. Je suis saisi, par Mmes Borvo et Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant réforme des retraites (n° 378, 2002-2003). »
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Nicole Borvo, auteur de la motion.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, si je défends, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, la motion tendant à opposer la question préalable et donc à rejeter le projet de loi, c'est que celui-ci ne correspond pas aux objectifs affichés, à savoir la répartition et la solidarité.
Messieurs les ministres, il est encore temps de prendre la mesure de la critique de nos concitoyens à l'égard d'un projet de loi qui fait peser sur les salariés, et sur eux seuls, l'effort nécessaire au financement des retraites en leur imposant de cotiser davantage et plus longtemps pour des retraites dont le montant sera en diminution programmée.
Il est encore temps, messieurs les ministres, de prendre en compte le rejet par les salariés de votre conception de la solidarité nationale ; il est encore temps de rouvrir les négociations avec les organisations syndicales majoritaires et de consulter notre peuple sur la base d'un réel débat, démocratique et sincère, portant sur les solutions envisageables, débat qui jusqu'ici n'a pas eu lieu.
Vous avez refusé de nous entendre à l'Assemblée nationale. Hier, monsieur le ministre des affaires sociales, vous avez tourné en dérision nos propositions. Soit ! Mais il n'est jamais trop tard pour bien faire et pour adopter une position plus modeste. Le résultat du référendum en Corse nous montre qu'il est dangereux de s'enfermer dans des certitudes. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Roger Karoutchi. Cela n'a rien à voir !
Mme Nicole Borvo. Vos certitudes, ce sont celles de l'Europe libérale, de la Banque centrale européenne, de la Banque mondiale ; ce sont celles des institutions économiques et financières, qui se sont emparées depuis belle lurette de la question des retraites et, plus généralement, de celle de la protection sociale. Avec quels objectifs ?
Le premier est de limiter les dépenses publiques, par lesquelles il faut entendre les dépenses sociales, dont les retraites constituent un poste majeur : 45 % en Europe. Il s'agit donc de modifier la répartition des richesses produites pour qu'elle se fasse toujours plus au bénéfice des plus riches, toujours plus au détriment du travail.
Le second objectif est d'ouvrir largement aux institutions financières la manne des énormes masses d'argent de la protection sociale.
On sait très bien en effet qu'en réduisant le champ de l'intervention publique on ouvre largement l'espace à des réponses individuelles, c'est-à-dire aux retraites privées financées par capitalisation.
Bruno Palier, chargé de recherche au CNRS, auteur du « Que sais-je ? » La réforme des retraites, s'est très justement attaché à démontrer que l'évolution de la démographie, principale accusée dans les débats publics, ne constitue pas la seule explication, même si elle est réelle. Le nouvel environnement économique créé par l'ouverture des économies et par la construction européenne pèse, lui aussi, sur la situation financière des systèmes de retraite, comme sur le type de solution proposée. Bruno Palier considère à juste titre que, pour certains, « la réforme des retraites doit donc être l'occasion de reconfigurer les systèmes existants de façon à tirer profit des nouvelles opportunités offertes par l'intégration croissante des marchés financiers ». Voilà le réel objectif !
M. Raffarin invite les Français à « vivre la réforme comme une chance », mais pour qui est-elle une chance ? Pour les investisseurs et les assureurs, certainement, mais sûrement pas pour les actifs d'aujourd'hui et les retraités de demain, qui devront travailler plus longtemps sans pour autant avoir la garantie d'un revenu de remplacement décent.
Les assureurs s'étaient fixé comme priorité en 2003 la retraite et la santé. André Renaudin, délégué général de la FSSA, la fédération française des sociétés d'assurances, attendait ainsi du Gouvernement « qu'il permette à tous les Français d'accéder à des contrats individuels de type Préfon » et demandait pour les sociétés d'assurances « un élargissement de leur champ d'intervention sur la santé, avec un éventuel panier de soins défini par les pouvoirs publics ainsi que la participation directe à la gestion de certains risques ».
Si le présent projet est adopté, le premier objectif sera atteint. L'allongement nécessaire de la durée des cotisations pour obtenir une retraite à taux plein - combiné aux mécanismes de décote notamment et aux ajustements initiés par la funeste réforme Balladur de 1993 qui ont pour effet d'abaisser le niveau des retraites - fait en effet le lit de la capitalisation.
Quant au second objectif - l'introduction de la privatisation de la sécurité sociale -, les compagnies d'assurances sont en passe d'obtenir ce qu'elles souhaitent puisque le Gouvernement a décidé de lancer dès septembre le chantier de la réforme de l'assurance maladie sur ces bases.
Bien entendu, vous tenez un discours qui se veut rassurant. Nous l'avons entendu ici comme à l'Assemblée nationale ou à la télévision. Permettez-moi de dire que « vous mettez le paquet » pour faire passer l'équation : sauvegarde de la répartition égale réforme du Gouvernement.
M. Henri Torre. C'est vrai !
Mme Nicole Borvo. Le projet de loi réaffirme d'ailleurs les « fondamentaux », à savoir le principe de la répartition et celui de la solidarité, mais, messieurs les ministres, cela n'a pas empêché les Français de saisir que le projet du Gouvernement était tout autre (M. Roger Karoutchi fait un signe de dénégation), d'autant que M. le Premier ministre a fait un lapsus révélateur au cours d'un journal télévisé : il s'agit de « sauvegarder la capitalisation », a-t-il dit...
Votre discours se veut réaliste : toute solution - et vous avez visé à maintes reprises les propositions communistes - tendant à accroître les prélèvements obligatoires est à proscrire du fait de la concurrence et de la menace sur l'emploi que vous n'avez, bien entendu, pas manquée de brandir.
C'est, monsieur le ministre des affaires sociales, un bon sujet de débat. Aujourd'hui, l'Europe consacre en moyenne 10,5 % du PIB aux retraites alors que les Etats-Unis, le Canada, l'Australie, le Japon, la Corée du Sud n'y consacrent en moyenne que 5,5 %. La Banque mondiale « gronde » les Européens et les encourage vivement à prendre exemple sur ces pays !
L'Espagne, l'Autriche, la France s'empressent de se montrer bons élèves, et la France plus encore que les autres. Mais la Grande-Bretagne, qui, sous la houlette de la Dame de fer, a naguère largement aligné sa protection sociale sur le « moins-disant social », a-t-elle une économie plus saine, des entreprises plus concurrentielles ?
Ce qui est certain, c'est que les grands groupes britanniques font d'énormes profits mais que les retraités britanniques ont vu leurs petites économies placées en bourse fondre comme neige au soleil !
M. Roland Muzeau. C'est la vérité !
Mme Nicole Borvo. Et jusqu'où s'aligner, monsieur le ministre, sur le « moins-disant » des autres ? On pourrait prendre pour modèle les pays qui n'ont aucun système de protection sociale. Ce serait encore plus net !
M. Robert Bret. C'est le « progrès » !
M. Francis Giraud. Comme en Corée du Nord, par exemple !
M. Roland Muzeau. C'est ce qu'ils veulent : c'est dans leur programme !
Mme Nicole Borvo. La compétitivité de l'économie de notre pays a toujours été assise sur les capacités de ses salariés, capacités dont formation et protection sociale sont les piliers.
Monsieur le ministre, contrairement à ce que vous aimez à nous dire, nous ne contestons pas les réalités démographiques, mais nous constatons que les données économiques, dont l'évolution de la productivité du travail, ont, elles, été étrangement passées sous silence ou tronquées. Il est vrai qu'en acceptant de mettre en débat l'ensemble de ces données, notamment l'évolution des richesses produites, vous risquiez d'avoir beaucoup plus de mal à convaincre nos concitoyens !
Pourtant, des solutions alternatives sont possibles. Pourquoi refuser d'admettre ce qu'ont établi des rapports officiels comme le rapport Chadelat, que vous avez cité, ou celui du Conseil d'orientation des retraites, à savoir que notre économie peut absorber les besoins de financement du système de retraite à l'horizon de 2040 ? C'est parce que, avant toute chose, vous souhaitez ne pas toucher aux règles qui font qu'aujourd'hui la répartition du surplus de richesses engendré par les gains de productivité sert à augmenter la rémunération du capital au détriment des salaires.
Ce discours me fait penser à celui de ces économistes du xixe siècle qui, analysant scientifiquement l'augmentation de la circulation à Paris en 1850, avaient estimé qu'en 1950 il faudrait consacrer tous les rez-de-chaussée aux écuries et les premiers étages au fourrage ! (Rires sur les travées du groupe CRC.)
Les parlementaires communistes n'ont pas été les seuls à regretter que la question, pourtant centrale, du financement des retraites ait été oubliée.
Des syndicats et des économistes ont proposé des pistes de nature à augmenter les ressources de l'assurance vieillesse, qu'il s'agisse du retour à l'équilibre initial entre la part patronale des cotisations vieillesse et la part payée par les salariés, la part patronale étant figée depuis 1979, qu'il s'agisse de changer l'assiette de calcul des cotisations patronales en l'élargissant à l'ensemble des richesses créées ou qu'il s'agisse de moduler ces cotisations pour favoriser les entreprises qui privilégient l'emploi et les salaires, solution que ma collègue, Michelle Demessine, a défendue hier, que nous avons défendue à l'Assemblée nationale et que nous avons défendue lors des débats sur tous les projets de loi de financement de la sécurité sociale, y compris - les comptes rendus des débats en font foi - sous le précédent gouvernement.
M. Roland Muzeau. Très bien !
Mme Nicole Borvo. Parmi les pistes, citons encore l'institution d'une contribution sociale des entreprises sur leurs revenus financiers, sans oublier bien sûr la nécessité de mener une politique active et volontariste en matière d'emploi et de formation professionnelle.
Monsieur le ministre, vous aimez à dire que ni les jeunes ni les vieux Français ne travaillent. Il faut le dire autrement : trop de jeunes ne trouvent pas de travail et trop de salariés de 50 à 60 ans sont au chômage alors qu'ils veulent travailler.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Bien sûr, et c'est grâce aux politiques de l'emploi menées depuis des années !
Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre des affaires sociales, c'est la prospérité du plus grand nombre qui crée des emplois, et non pas les énormes profits de quelques-uns.
M. Roland Muzeau. Voilà !
Mme Nicole Borvo. Nous vous reprochons, monsieur le ministre, d'avoir joué du catastrophisme et du fatalisme, d'avoir en quelque sorte, et en conséquence, falsifié les termes du débat sur les solutions en présence ; nous vous reprochons de tout avoir orchestré pour confisquer autant que possible ce débat qui porte pourtant sur de véritables choix de société.
Tout avait pourtant a priori bien commencé : la méthode « du renouveau de la démocratie sociale » fixée par le Premier ministre, le lancement de la réforme en ce lieu symbolique qu'est le Conseil économique et social...
Mais, très rapidement, les partenaires sociaux ont compris à leurs dépens que la volonté du Gouvernement de les associer à cette réforme était seulement de la poudre aux yeux. Vous étiez certes prêts à consulter - vous avez d'ailleurs reçu les partis politiques -, à écouter et à discuter, mais pas à négocier !
D'un côté, le Président de la République appelait de ses voeux un consensus sur un sujet au coeur du contrat social ; de l'autre, hélas ! il n'y avait pas de consensus et le Gouvernement a montré ce qu'il en était en réalité. Il s'est employé à diviser, à opposer les uns aux autres, et notamment les salariés du secteur du privé aux fonctionnaires. Il est resté sourd aux appels de la rue, déterminée elle a protéger le droit à la retraite à 60 ans et la garantie collective d'un revenu de remplacement.
Vous avez utilisé toutes les ficelles : intimidation, menace, violence même contre les militants syndicaux.
C'est, hélas ! du déjà vu, et c'est un fait historique bien connu : la régression sociale s'accompagne toujours d'une régression démocratique.
Mais, messieurs les ministres, aucun gouvernement, aucune majorité n'y échappe : quand le peuple entre en lice, il modifie toujours la donne.
Le conflit que nous avons connu laissera, à n'en pas douter, des traces dans notre société. Le Gouvernement est le premier responsable de sa radicalisation. Et, comme le disait la sociologue Danièle Lenhart, dans la mesure où « dans ce conflit, c'est la nature même des relations entre les citoyens et les politiques qui se joue, quand on n'écoute pas la rue, on aggrave la coupure entre ces deux mondes ».
Les parlementaires communistes n'ont eu de cesse de demander au Gouvernement d'accepter de rouvrir des négociations afin de parvenir à la signature d'un accord majoritaire pour ensuite mieux visiter la démocratie parlementaire, voire - pourquoi pas ? - lorsque les options offertes aux Français seraient fixées, pour appeler ces derniers à se prononcer.
Messieurs les ministres, ni la méthode choisie ni les choix politiques retenus ne nous conviennent.
Le pilier central de votre réforme, monsieur le ministre des affaires sociales, à savoir l'allongement de la durée de cotisation, qui selon vous relève de l'équité, est au contraire une mesure « hypocrite et injuste », selon la formule empruntée aux syndicats non signataires.
Dans le contexte économique que nous connaissons, parier sur la diminution du chômage des jeunes et des « quinquas » est risqué, surtout si l'on tient compte des décisions prises en matière de politique de l'emploi - fin des emplois-jeunes, remise en cause des 35 heures, facilitation des licenciements et du temps partiel, massification des exonération de charge,... - qui viennent contrarier vos ambitions puisqu'elles tendent à augmenter le nombre de chômeurs.
Dans ces conditions et en l'absence de dispositions incitant de manière effective les entreprises à changer de comportement à l'égard des salariés de plus de 50 ans - et également à repenser le travail, comme nous y invite à le faire le Conseil économique et social, notamment en ce qui concerne les conditions de travail -, plus nombreux seront les salariés qui partiront demain sans pouvoir bénéficier du taux plein.
Les femmes ne sont que 39 % à pouvoir accéder à l'âge de la retraite à une pension complète. Combien seront-elles demain ? Monsieur le ministre, vous aviez l'air étonné hier lorsque cette question a été abordée. C'est pourtant simple : même si les femmes travaillent davantage, elles s'arrêtent souvent pour élever leurs enfants. Voyez-vous dans votre réforme le moyen de recruter les infirmières et les aides-soignantes dont les hôpitaux ont tant besoin ? Elles sont seulement 22 % à faire une carrière complète aujourd'hui. Combien seront-elles demain ? Pour les institutrices, dont nous avons tout aussi besoin, le problème se pose dans les mêmes termes.
Un professeur d'université, un sénateur conçoivent fort bien d'exercer leur activité à 70 ans. Une infirmière, une institutrice, un professeur de collège, non. C'est bizarre, n'est-ce pas ?
M. François Fillon, ministre. Ce n'est pas ce que nous leur demandons.
Mme Nicole Borvo. Nous n'avons décidément pas la même conception de l'équité...
M. Roger Karoutchi. Ça, c'est sûr !
Plusieurs sénateurs de l'UMP. Certainement !
Mme Nicole Borvo. Augmentation pour tous de la durée de cotisation, diminution importante du taux de remplacement, dites-vous. Pour vous, l'équité est synonyme de « moins-disant » social. Pour nous, elle signifie retour aux 37,5 annuités pour tous, prise en compte des réalités en matière d'inégalité d'espérance de vie, garantie d'un niveau de vie à parité entre les retraités et les actifs.
Il faudrait assurer une véritable possibilité de choix, mais le choix n'est possible que si les droits sont ouverts à égalité pour tous.
Je ne vois pas dans le présent texte le « sursaut de solidarité » qu'exige, selon les termes de M. Raffarin, cette réforme, si ce n'est dans la « mesurette » destinée aux salariés ayant commencé à travailler jeunes et dans une référence aux salariés assujettis à des travaux pénibles. Mais quant à trouver la trace de la solidarité de tous, non : seuls les salariés payent !
Dernier pilier : la liberté et la souplesse qu'apporteraient les nouvelles dispositions. Là encore, nos appréciations divergent.
Les salariés seront contraints de travailler plus longtemps et seront victimes de l'érosion des pensions. Vous parvenez à imposer, à ceux qui pourront y cotiser, les fonds de pensions : c'est la réalité, que vous le vouliez ou non.
Nous considérons que, contrairement à ce que prétendent le Gouvernement et sa majorité, le projet de loi fait la part belle à la capitalisation - c'est d'ailleurs ce que vient de reconnaître, tardivement, la CGC - et qu'il met donc en péril les principes d'égalité et de solidarité.
Telles sont les raisons qui motivent notre demande de rejet du présent texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Roland Muzeau. Excellent !
M. Alain Gournac. Vous avez oublié de parler du MEDEF !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Franchement, il y a des logiques difficiles à suivre !
Mme Borvo, qui nous demande de ne pas débattre du projet de loi au prétexte qu'il ne répond ni aux enjeux présents et à venir ni aux aspirations des Français, nous invite ce matin à suivre les partenaires sociaux afin que la négociation dont, paradoxe, elle déplorait hier l'absence reprenne !
Cela m'amène à revenir sur la méthode. Au cours des derniers mois, la commission des affaires sociales, qui a d'ailleurs ouvert à plusieurs reprises ses auditions à l'ensemble de nos collègues, a bien évidemment reçu les partenaires sociaux - elle l'a fait à trois reprises - ainsi que des personnalités qualifiées et elle a pu entendre ces différentes personnes se féliciter d'avoir tout au long de l'année pu dialoguer avec le Gouvernement, en particulier, bien sûr, avec les ministres chargés du dossier des retraites et leurs collaborateurs. Certains ont même comptabilisé plus de vingt séances de quatre heures au cours de la phase préalable de concertation avec les partenaires sociaux et les personnes qualifiées, phase pendant laquelle la concertation s'est de surcroît conjuguée avec une information adressée à l'ensemble des Françaises et des Français.
Je crois donc qu'il n'y a pas lieu aujourd'hui d'arrêter la phase parlementaire, car c'est la suite logique de la phase d'information, de concertation et de négociation qui vient de se dérouler. Il nous appartient maintenant, après l'Assemblée nationale, de prendre notre place dans le débat.
J'ai relevé un deuxième illogisme.
Selon Mme Borvo, le projet de loi ne serait pas à la hauteur des enjeux auxquels est confrontée la France et ses objectifs ne seraient pas les bons. Pourtant, et on l'a dit à de nombreuses reprises, la réflexion du Gouvernement et le projet de loi qui en résulte se sont fondés sur des rapports qui avaient suscité l'adhésion de tous, à commencer par le premier et le plus significatif d'entre eux, celui de Michel Rocard en 1991.
Mme Nicole Borvo. Il y en a eu d'autres depuis !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Certes, madame Borvo, et, en outre, depuis 1991, vous et votre parti avez participé à l'action gouvernementale, vous l'avez soutenue...
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Où est la cohérence dans vos critiques, alors que le projet de loi reprend, dans la majeure partie de sa trame, les conclusions de différents rapports dont je ne rappelle que les plus importants, celui de Michel Rocard évidemment, mais aussi ceux de Jean-Michel Charpin et de Raoul Briet ?
Tous se félicitent de la pertinence du rapport Charpin. Or je relisais récemment la lettre de mission que le Premier ministre d'alors, M. Lionel Jospin - vous souteniez son gouvernement, madame Borvo -, avait adressée à M. Charpin. Il était demandé à ce dernier d'apporter, en se fondant sur les très bonnes bases du Livre blanc de M. Rocard mais aussi - paradoxe ! - sur la réforme pertinente menée en 1993 par Edouard Balladur, ses réflexions personnelles afin de permettre au Gouvernement d'agir en la matière.
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas un argument ! Vous fuyez vos responsabilités !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Autre incohérence, vous nous reprochez depuis hier de ne pas avoir pris de dispositions pour mettre en place, en corollaire de la réforme des retraites, une véritable politique de l'emploi. Je vous rappelle que, lors de l'élaboration, dans les conditions que vous connaissez, de la loi sur les 35 heures - la plus grande loi de l'après-guerre, selon Mme Aubry -...
M. Pierre Fauchon. La plus désastreuse !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. ... nous avions déploré qu'une réflexion sur le travail n'ait pas été menée dans ce pays.
Ne nous reprochez donc pas de ne pas faire ce que vous-mêmes n'avez pas fait !
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je laisse maintenant à M. le président de la commission des affaires sociales le soin d'évoquer les problèmes de fond et les objectifs de cette réforme, qui sont, je le rappelle, en grande partie fondés sur les conclusions des principaux rapports rédigés ces dernières années. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
MM. Marcel Debarge et Guy Fischer. Merci de nous regarder en face !
Mme Hélène Luc. Regardez-nous droit dans les yeux !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je vous regarde droit dans les yeux, mais je dois dire que je ne comprends pas très bien les intentions du groupe communiste républicain et citoyen. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo. Allons bon !
M. Guy Fischer. On va vous les expliquer !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je n'en doute pas, monsieur Fischer !
Votre intention est-elle véritablement de retarder la discussion de ce projet de loi ?
M. Alain Gournac. Voilà !
M. Marcel Debarge. Et après ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je n'en suis pas très sûr, mes chers collègues ! En effet, lorsque l'on pousse la critique d'un texte jusqu'à la caricature, à la démagogie, voire à la provocation à l'égard du Gouvernement, et ce d'une façon presque insultante, l'objectif est-il vraiment de faire de l'obstruction ? Ne serait-il pas plutôt d'amener le Sénat à adopter la motion tendant à opposer la question préalable, pour hâter le débat et se diriger plus vite vers la constitution d'une commission mixte paritaire ? (Rires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
MM. Claude Domeizel et Guy Fischer. Chiche !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Ça, c'est une bonne idée !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je me demande si telle n'est pas l'intention réelle du groupe CRC ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
En effet, celui-ci fait preuve, d'habitude, d'un plus grand sens de la mesure. Ses membres savent bien que, après la gabegie et le temps perdu à l'Assemblée nationale, il faut accélérer nos débats pour sauvegarder notre système de retraite par répartition.
Mme Hélène Luc. Retirez ces mots, monsieur le président de la commission !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pour y parvenir, vous savez que nous devons agir vite et qu'il n'y a plus de temps à perdre, au regard des situations tragiques qu'affrontent les travailleurs de notre pays.
Mme Hélène Luc. Ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale est le reflet de ce qui s'est passé dans le pays ! Retirez vos propos, le débat à l'Assemblée nationale ne relève pas de la gabegie !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Conscients comme vous du temps déjà perdu tout en étant respectueux de l'obligation qui s'impose au Sénat de débattre au fond d'un tel sujet, nous ne voterons pas votre motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Guy Fischer. Nous voilà rassurés !
Mme Hélène Luc. C'est honteux de parler de gabegie à propos d'un débat parlementaire !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Regardez ce qui s'est passé au cours de la première semaine de débat à l'Assemblée nationale !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme j'ai déjà eu l'occasion de le faire à l'Assemblée nationale, je tiens à saluer l'effort consenti par le parti communiste pour rédiger un projet de rechange.
Son contenu est à l'image d'une politique économique et sociale qui n'a désormais plus cours dans aucun pays d'Europe. (Rires au banc des commissions.) Dans le monde de concurrence qui est le nôtre et dans une Europe ouverte, cette politique serait, selon moi, source de déclin économique et de chômage. (Oui ! sur les travées de l'UMP.)
Nous estimons que prospérité sociale et développement économique doivent être accordés et équilibrés ; vous estimez, pour votre part, mesdames, messieurs les membres du groupe CRC, qu'il existe un « trésor caché » que l'on saura bien solliciter au titre des prélèvements obligatoires et des taxes.
Mme Nicole Borvo. Toujours la caricature !
M. François Fillon, ministre. Finalement, la réforme des retraites ne serait, pour le parti communiste, que le moyen de contester l'économie libérale, qu'il continue de combattre.
Cette hostilité viscérale à l'égard du marché...
Mme Nicole Borvo. La création de la sécurité sociale a été votée par les gaullistes !
M. François Fillon, ministre. ... est cohérente avec son idéologie. Il est dommage qu'elle le soit un peu moins avec sa pratique, puisque, durant cinq ans, le PCF a soutenu une politique qui a « surfé » sur une augmentation, entre 1998 et 2000, de près de 100 % de la plupart des valeurs boursières ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis, et M. Roland du Luart. Eh oui !
M. François Fillon, ministre. Mais je laisse l'opposition à ses contradictions...
En ce qui le concerne, le Gouvernement a fait le choix de l'exigence et du courage pour assurer le maintien de la répartition et en garantir le financement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Le reste n'est que contrevérités, notamment lorsque vous essayez de faire croire aux Français que certaines dispositions du texte, telles que l'élargissement du champ de l'épargne-retraite, font le lit de la capitalisation. La Préfon a-t-elle fait le lit de la capitalisation ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Jacques Peyrat. Très bien !
Mme Nicole Borvo. C'est ridicule de dire cela !
M. François Fillon, ministre. Dès lors, pourquoi réserver celle-ci uniquement au secteur public et rejeter son extension au secteur privé ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Jacques Peyrat. Parfait !
M. François Fillon, ministre. Ce serait faire preuve d'injustice, et ce au nom même de l'équité que nous souhaitons consacrer par ce projet de loi.
Le parti communiste a toujours fait montre de beaucoup de talent pour s'octroyer le monopole de la défense des oubliés,...
M. Alain Gournac. Toujours !
M. François Fillon, ministre. ... mais la vérité est que, grâce à l'effort collectif que nous demandons, c'est nous et notre majorité qui allons réussir à faire évoluer enfin la situation de salariés qui, jusqu'à présent, étaient laissés pour compte ! (Mme Nicole Borvo s'exclame.)
MM. Alain Gournac et Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Eh oui !
M. François Fillon, ministre. Ce sont d'abord ceux qui ont toujours travaillé au SMIC : le montant de leur retraite s'élèvera, pour une carrière complète, à un minimum de 85 % du SMIC net en 2008,...
M. Alain Gournac. C'est vrai !
M. François Fillon, ministre. ... contre, je le rappelle, 81 % aujourd'hui ! (Protestations sur les travées du groupe CRC. - Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Hilaire Flandre. Très bien !
M. François Fillon, ministre. Cela sera rendu possible par la revalorisation du minimum contributif, à laquelle vous n'avez pas procédé pendant cinq ans.
M. Jacques Peyrat. Très bien !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Ils sont contre !
M. François Fillon, ministre. Vous contestez l'indexation sur les prix, et souhaitez une indexation sur les salaires. Or, indexer les pensions sur les salaires, outre le fait que, depuis 1987, cette idée ne vous était jusqu'à présent jamais venue à l'esprit (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP),...
Mme Nicole Borvo. Vous ne vous tenez pas au courant !
M. François Fillon, ministre. ... c'est 2,5 % de PIB en plus à l'horizon 2040. Ce n'est donc plus quatre points de PIB qu'il faut trouver pour financer notre régime de retraite par répartition, mais six et demi ! (M. Alain Gournac rit.)
Mme Marie-France Beaufils. Et alors ?
M. François Fillon, ministre. Par ailleurs, les départs anticipés en cas de longue carrière constituent la deuxième avancée sociale, considérable et unique en Europe. Grâce à l'accord que nous avons signé, les personnes ayant commencé à travailler à l'âge de 14, de 15 ou de 16 ans et justifiant d'une durée d'assurance et de cotisation définie par le relevé de décision du 15 mai 2003 pourront partir à la retraite entre 56 et 59 ans.
Mme Nicole Borvo. Vous n'avez pas convaincu les Français !
M. François Fillon, ministre. Madame la sénatrice, quand on a obtenu 5,6 % des voix aux élections législatives, on ne peut pas non plus prétendre avoir convaincu tous les Français ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Roland Muzeau. M. Chirac a fait 19 % !
M. Marcel Debarge. Un peu de modestie !
M. François Fillon, ministre. Les départs anticipés constituaient une vieille revendication des partenaires sociaux, relayée par certains parlementaires, notamment communistes, en novembre 2000, mais le gouvernement socialiste avait alors opposé une fin de non-recevoir à cette demande pourtant juste et humaine.
La troisième avancée sociale de ce texte tient à la suppression de la condition d'âge pour les pensions de réversion. Le système de l'assurance veuvage, qui profite aujourd'hui aux veuves âgées de moins de 55 ans, est contesté par les associations de conjoints survivants. Cela concerne 16 % des veuves : supprimer, dans le mécanisme de la réversion, la condition d'âge représente un effort supplémentaire de 300 millions d'euros à l'horizon 2008.
Enfin, pour la première fois dans l'histoire de notre système de retraite, la notion de pénibilité entre dans la loi. Les partenaires sociaux seront en effet invités à conclure une négociation sur la pénibilité afin de la prendre en compte et de définir les moyens de la réduire. Ils ont trois ans pour y parvenir.
Tel est notre projet. Toutes ces avancées démontrent que c'est bien la réforme par l'effort partagé et demandé à tous qui permet de faire progresser la justice sociale.
Cela étant, madame Borvo, projet contre projet : passons au vôtre !
M. Alain Gournac. Ah !
M. François Fillon, ministre. Vous nous présentez un certain nombre de mesures, qui sont au demeurant intéressantes, mais dont la seule lacune est l'absence de chiffrage. Je vais donc apporter ma pierre à la construction de votre projet (Rires au banc des commissions) en chiffrant le coût de quelques dispositions, afin qu'ensuite l'on puisse débattre des moyens de les financer.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. François Fillon, ministre. Vous proposez d'abord une augmentation immédiate des retraites et pensions, incluant une première étape de rattrapage du pouvoir d'achat, ce qui représenterait un effort de près de 2 milliards d'euros en faveur des retraités du seul régimegénéral.
Vous proposez ensuite une réindexation des retraites sur l'évolution moyenne des salaires bruts - j'ai d'ailleurs dit tout à l'heure que telle n'était plus la règle depuis 1987 -, ce qui engendrerait une dépense de 16 milliards d'euros en 2020.
Vous proposez en outre la prise en compte, pour établir le montant des pensions de retraite, de la totalité des rémunérations pour les fonctionnaires, avec intégration des primes dans les traitements indiciaires du secteur public, soit 5 milliards d'euros supplémentaires.
Vous proposez également la revalorisation du minimum contributif au niveau de 1983 - je rappelle que cela n'a pas été fait ces cinq dernières années -, soit 95% du SMIC, ce qui coûterait 2,1 milliards d'euros à l'horizon 2020.
M. Alain Gournac. Et on continue !
M. François Fillon, ministre. Vous proposez 37,5 annuités de cotisation pour tous, soit plus de 10 milliards d'euros de dépenses supplémentaires.
Vous proposez enfin le départ avant 60 ans pour ceux qui ont cotisé quarante ans, ce qui représente, pour l'ensemble de cette catégorie, je l'ai dit tout à l'heure, 8 milliards d'euros pour les régimes de base.
Le mérite du projet du parti communiste est qu'il prévoit le financement des mesures présentées, ce qui est assez rare dans les projets de l'opposition...
Ainsi, pour ce qui est du financement, vous nous proposez notamment de nous en remettre à l'augmentation de la productivité, qui assurera, comme ce fut le cas dans le passé, prétendez-vous, le financement des retraites. (M. Alain Gournac s'esclaffe.)
Le Conseil d'orientation des retraites répond très clairement à cette suggestion. Il a chiffré quelle serait l'incidence d'une haute productivité, la plus haute imaginable. Le besoin de financement serait alors réduit de 1,1 point par rapport aux 4 points de PIB prévus en 2040. Mais c'est un scénario qui repose sur l'idée que la totalité des gains de productivité sont affectés aux seules entreprises, au seul financement des retraites. Si l'on partage - ce qui est naturel - les gains de productivité entre les salariés et les retraités, il n'y a alors plus d'effet sur le solde des régimes de retraite.
Vous nous proposez également la suppression des exonérations de cotisations. Ainsi que j'ai eu l'occasion de le démontrer à plusieurs reprises, de telles exonérations sont nécessaires pour alléger le coût de l'emploi, notamment le coût de l'emploi peu qualifié. Si on les supprimait aujourd'hui, il y aurait un choc en retour immédiat sur l'emploi, et donc sur les recettes de la sécurité sociale.
Vous nous dites qu'il suffit d'augmenter les cotisations patronales, qui sont à la charge des entreprises.
M. Roland Muzeau. Nous n'avons jamais dit : « il suffit » !
M. François Fillon, ministre. Cela montre bien, incidemment, que, quand vous prétendez par ailleurs que la totalité de l'effort en matière de financement est demandé aux salariés, vous oubliez au passage que les cotisations vieillesse sont acquittées, pour les deux tiers, par les entreprises !
M. Roland Muzeau. Les entreprises, ce sont les salariés !
M. Jean-Louis Lorrain. Ecoutez !
M. François Fillon, ministre. Le rapport du COR indique, à la page 234, que toutes les études économiques menées dans le passé montrent qu'une hausse des cotisations pour les employeurs et les salariés finit toujours par peser sur le salarié.
M. Roland Muzeau. Cela fait trente ans que ça n'a pas bougé !
M. François Fillon, ministre. La hausse des cotisations n'est naturellement pas à écarter, puisque nous la retenons pour les deux tiers du besoin de financement, mais cela ne peut constituer la seule réponse au problème.
Un sénateur de l'UMP. Bien sûr !
M. François Fillon, ministre. Par ailleurs, le Fonds de réserve des retraites, dont le principe a été approuvé en 1999 puis en 2001, sous le gouvernement précédent, ne trouve pas grâce aux yeux des parlementaires communistes. Il en est de même pour le Fonds de solidarité vieillesse, créé par la loi de 1993 pour financer les avantages non contributifs.
Ces propositions, mesdames, messieurs les sénateurs, si elles étaient mises en oeuvre, auraient un effet massif dès la première année d'application, compte tenu des demandes de revalorisation générale.
La seule remise en cause de la réforme de 1993 et le rétablissement de l'indexation des pensions sur les salaires, qui n'est plus pratiquée depuis 1987, représenteraient un coût minimal de l'ordre de 30 milliards d'euros à l'horizon 2010.
On le voit bien, l'ensemble des demandes que vous formulez constituent une remise en question complète de notre système, avec un besoin de financement supplémentaire de l'ordre de 50 milliards d'euros (Exclamations sur les travées de l'UMP), montant final qui, d'ailleurs, n'a pas été contesté à l'Assemblée nationale. Les retenir rendrait impossible le maintien de notre régime de retraite par répartition. Ce n'est pas le choix qu'a fait le Gouvernement,...
M. Roger Karoutchi. Ni le nôtre !
Mme Nicole Borvo. Vous n'avez pas tout chiffré !
M. François Fillon, ministre. ... et même si la majorité peut avoir la tentation d'abréger les débats, je lui demande de ne pas adopter la motion tendant à opposer la question préalable ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Monsieur le ministre, vous vous trompez. Il y a belle lurette que nous n'avons plus de modèle. (M. Alain Gournac rit.) Cela étant, vous venez d'exposer le vôtre.
Votre modèle,...
M. Henri de Raincourt. Libéral !
M. Roland Muzeau. ... c'est celui que subissent des millions de salariés qui, pendant quarante ans, restent payés au SMIC, et ce dans le meilleur des cas, puisque nombre d'entre eux travaillent à temps partiel ou passent des mois, voire des années, au chômage.
Votre modèle, celui du libéralisme et de l'ultralibéralisme, consiste à maintenir, dans notre pays, des rémunérations minimales pour une majorité de salariés qui mènent une vie impossible. Tel n'est pas notre modèle !
Devant la commission des affaires sociales, vous aviez commencé votre intervention, monsieur le ministre, en affirmant de manière péremptoire et tout à fait significative votre volonté farouche de faire passer en force ce projet de loi, qui serait, selon vos dires, le « fruit du dialogue social ».
M. Henri de Raincourt. C'est vrai !
M. Roland Muzeau. Comment pouvez-vous, sur le plan intellectuel, soutenir une telle chose ?
Vous prétendez que vous avez reçu à maintes reprises les organisations syndicales. Mais les recevoir et discuter ne veut absolument pas dire négocier ! Pour vous, la réforme nécessaire, c'était la vôtre ! Elle s'inscrivait dans votre logique et ne pouvait s'ouvrir à des contre-propositions. Vous venez de nous donner de nouveau votre version des faits.
La vérité n'a pas été dite aux Françaises et aux Français, à tous les salariés de notre pays. Vous parlez de dialogue social alors que le gouvernement auquel vous appartenez érige la surdité en vertu politique. La grande majorité de la population - 58 % de nos concitoyens, selon un sondage réalisé voilà quelques jours - rejette votre réforme, mais vous persévérez contre vents et marées...
Le régime des retraites relève d'un choix de société. La France, quatrième puissance économique mondiale, a retenu, dans ce domaine, des options différentes de celles de ses voisins.
Nous n'acceptons pas, monsieur le ministre, la multiplication des contrevérités.
Un vrai débat doit par exemple avoir lieu sur la question de la démographie.
L'évolution de celle-ci constitue, selon vous, un argument massue : dans les années à venir, les enfants du baby-boom parviendront à l'âge de la retraite et ne seront pas remplacés par un nombre suffisant d'actifs. Et pour cause, serais-je tenté de dire : il n'est qu'à voir les effets dévastateurs de la croissance du nombre de sans-emploi, indemnisés ou pas, et des vagues de licenciements.
A vous en croire, monsieur le ministre, une seule voie existerait pour sauver le régime de retraite par répartition : faire travailler les Français plus longtemps et, surtout - ce sera le résultat inévitable - abaisser le niveau des retraites et pensions. Mais cela, vous ne le dites pas !
L'argument massue de la démographie ne résiste pas à l'analyse et au débat. Bien entendu, l'évolution de la population a des conséquences, mais vous niez l'existence d'autres leviers macroéconomiques permettant de faire face au vieillissement de la population.
Tout d'abord, toute réforme des retraites est irrecevable sans lancement d'une lutte efficace et d'envergure contre le chômage et la précarité. Ce qui « plombe » le système, c'est avant tout le fait que des milliers de personnes ne peuvent y contribuer.
A cet égard, la question de la jeunesse est cruciale. Quelles dispositions envisage-t-on de prendre pour permettre à la jeunesse de trouver sa place dans la vie active, dès les études finies ?
Par ailleurs, il s'agit de permettre aux salariés de travailler effectivement, s'ils le souhaitent et si les entreprises ne les rejettent pas vers l'ANPE, jusqu'à l'âge de 60 ans. Que pensez-vous du fait que notre taux d'activité des salariés âgés de plus de 55 ans soit le plus bas d'Europe ? En effet, ce taux est de 31 % en France, contre 66 % en Suède, 52 % au Royaume-Uni, 50 % au Portugal, 45 % en Finlande, 37 % en Allemagne et 38 % en Espagne et en Grèce. C'est là un problème pour l'Europe tout entière, mais qui est particulièrement sensible en France.
Quel dispositif réellement coercitif entend-on mettre en place à l'encontre des entreprises qui licencient par seul souci de rentabilité financière, comme vient de le réaffirmer le baron Seillière ?
De même, la question de l'emploi des femmes est centrale. Quelles conditions veut-on créer pour qu'elles ne soient pas les premières victimes du sous-emploi et des sous-rémunérations ?
En France, 56,1 % d'entre elles ont un emploi, contre 70 % en Suède, 65 % au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas et 61 % au Portugal.
Enfin - ce sera mon troisième et dernier argument pour justifier le rejet d'emblée du texte que vous nous présentez aujourd'hui et exiger, en synergie avec le mouvement social, l'ouverture de véritables négociations, comme le feront ceux qui manifesteront demain devant le Sénat et que vous pourrez rencontrer, chers collègues de la majorité, si vous sortez de cette enceinte (Exclamations sur les travées de l'UMP) -, le projet de loi relève d'un choix dogmatique, celui de la mondialisation libérale.
Mon amie Nicole Borvo a cité tout à l'heure un ouvrage très instructif de la collection « Que sais-je ? ». Je vais donner moi aussi au Sénat lecture d'un passage de ce livre, pour que chacun comprenne bien les données du problème :
« Ce n'est pas seulement la situation démographique qui pousse à la réforme des retraites. (...) Les processus d'intégration économiques et mondiaux ont contribué à pousser les réformes vers une limitation des dépenses publiques des retraites. »
L'auteur, M. Bruno Palier, dévoile très sérieusement le « pot aux roses » que vous dissimulez, monsieur Fillon :
« Ces politiques d'inspiration monétariste et néoclassique reposent sur l'orthodoxie budgétaire (dette et déficits réduits, taux d'intérêt bas, taux d'inflation réduits) et limitation des dépenses publiques. Les mesures de réduction future des retraites sont donc tout autant imposées par les choix économiques partagés au niveau européen que par la démographie. »
Messieurs les ministres, je vous demande solennellement de répondre à cette démonstration, ce que vous avez refusé de faire jusqu'à présent.
Je vous demande également de répondre à l'argument suivant : la production de richesse par habitant devant doubler d'ici à 2040, la part de PIB supplémentaire exigible pour financer les retraites dans l'avenir ne peut-elle être puisée à cette source ? Ce qui a été possible ces quarante dernières années le sera forcément aisément au cours des quarante prochaines ! C'est bien la question de la répartition du surplus de richesse engendré par les gains futurs de productivité entre salaires nets, cotisations sociales pour les retraites et revenus du capital qui est posée. Les gains de productivité dus aux nouvelles technologies doivent profiter à l'homme et non plus aux circuits financiers.
Monsieur le ministre, un choix de société existe : le nôtre, qui place l'épanouissement humain en son coeur, n'est pas le vôtre ou celui de vos amis, qui place le marché comme seul horizon pour l'humanité. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen en feront la démonstration et agiront en ce sens. Un autre monde et une autre logique sont possibles ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. M. Muzeau n'a pas le monopole du coeur !
M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.
M. Pierre Fauchon. Les arguments produits, en particulier par Mme Borvo, à l'appui de cette motion tendant à opposer la question préalable nous paraissent élever la pratique des contrevérités au rang des beaux-arts. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Si je comprends, la motion tend non à l'amélioration du projet de loi par voie d'amendements, ce qui aurait été concevable, mais à son retrait pur et simple, c'est-à-dire au renvoi de celui-ci aux calendes grecques.
Les auteurs de cette motion pensent sans doute qu'il n'y a aucune urgence. On a beau leur montrer de la manière la plus claire que les échéances qui ruineront le système des retraites par répartition sont maintenant proches, ils préfèrent l'ignorer adhérent sans doute à la politique des Shadocks : « à quoi bon chercher à savoir où on va, il sera bien temps de voir quand on y sera ». (M. Alain Gournac rit.)
Une autre explication - puisque j'écarte celle qui a été avancée, non sans finesse, par M. le président de la commission des affaires sociales, mais qui, apparemment, a été refusée - serait qu'ils préfèrent conserver le mérite de résoudre le problème quand ils seront de retour au pouvoir.
M. Alain Gournac. Voilà !
M. Pierre Fauchon. Ce calcul repose sur l'idée qu'ils ont d'autres solutions et que leur retour aux affaires est proche, ce qui est tout de même un raisonnement un peu faible et résulte d'une vue excessivement optimiste des choses.
M. Roland Muzeau. C'est la Corse qui vous le fait penser ?
M. Pierre Fauchon. Qui peut croire, mes chers collègues du groupe CRC, contre toute logique de répartition, à laquelle vous êtes si attachés, et contre toute équité, que l'on pourra faire payer aux entreprises les charges des retraites à venir ? Le Conseil d'orientation des retraites - on a déjà cité ces chiffres, mais il faut les rappeler sans cesse - évalue le financement des compléments de retraite à deux point du PIB en 2020 et à quatre points en 2040. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo. Et alors ? On a déjà payé bien plus !
M. Robert Bret. Et une meilleure répartition des richesses ?
M. Pierre Fauchon. Faut-il rappeler qu'actuellement le prélèvement sur les entreprises représente trois points du PIB ? Qui peut croire sérieusement qu'on pourra doubler, voire tripler ce prélèvement dans le monde à venir ?
Tout à l'heure, monsieur Muzeau, vous avez dit : pourquoi ne pourrait-on pas faire dans les quarante années à venir ce que l'on a fait au cours des quarante années qui viennent de s'écouler ? Il faut tout de même que vous vous rendiez compte que le monde a changé. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo. Il a beaucoup plus changé entre 1800 et 1900, monsieur Fauchon !
M. Pierre Fauchon. Le monde a complètement changé. Vous qui aimez chanter l'Internationale, dites-vous bien que le monde est effectivement devenu international ! Dans ce monde internationalisé, on ne peut plus gérer l'économie comme on la gérait au lendemain de la dernière guerre ! Il serait grand temps de s'en rendre compte ! (Protestations sur les mêmes travées.) Il est donc parfaitement irresponsable, et il sera de votre part irresponsable, de voter une telle motion. Irresponsabilité d'autant plus grave que les seules victimes de cette parade dérisoire - car ce n'est qu'une parade ! - sont ceux-là mêmes que l'on feint de protéger ! (Mme Nicole Borvo s'exclame.)
Les seuls qui soient à plaindre, madame Borvo, ce sont effectivement ces travailleurs - que vous feignez de tant aimer - qui voient s'éloigner l'âge de leur retraite, et ce moins du fait même de cet éloignement car il y aurait beaucoup à dire sur la perspective d'un troisième âge si long et si désoeuvré (Protestations sur les travées du groupe CRC) - je souhaiterais d'ailleurs que l'on ouvre une réflexion sur ce point, et j'espère que nous en reparlerons -...
M. Roland Muzeau. Regardez dans les aéroports et vous verrez s'il est désoeuvré !
M. Pierre Fauchon. Ces travailleurs sont à plaindre moins du fait qu'ils voient s'éloigner l'âge de leur retraite, disais-je, que du fait - et c'est plus grave - qu'on les a entretenus dans l'idée selon laquelle la retraite était une terre promise qui ne cesserait de se rapprocher. On les a coupablement entretenus dans cette illusion et, à cet égard, je comprends ceux qui défilent dans la rue,...
M. Roland Muzeau. Vous les prenez pour des imbéciles !
M. Pierre Fauchon. ... pas ceux qui sont au premier rang mais ceux qui sont derrière, car ceux-là, on les a trompés. En effet, les dirigeants économiques et les dirigeants sociaux savaient déjà et depuis longtemps que c'était faux. Coupablement, car on s'est employé soit à ignorer cette réalité, soit à la dissimuler derrière des paravents, comme celui qui a été complaisamment dressé il n'y a pas si longtemps par un certain rapport du Conseil économique et social, signé par M. Teulade, et selon lequel la croissance résoudrait tous les problèmes.
Mme Nicole Borvo. Allez voir ce que font les femmes qui travaillent dans les hôpitaux !
M. Pierre Fauchon. En effet, quand ce rapport a été publié, tout le monde savait que la croissance nécessaire n'était aucunement garantie...
Mme Nicole Borvo. Allez voir les travailleurs dans les usines, monsieur Fauchon !
M. Pierre Fauchon. ... et qu'elle était tout ce qu'il y a de plus aléatoire. Or on s'est abrité derrière ce rapport pour ne rien faire pendant des années et des années.
Politique de l'autruche, refus de voir les réalités en face,...
M. Alain Gournac. Effectivement !
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Pierre Fauchon. ... consolidation dans l'esprit du public d'un modèle de vie hérité du xixe siècle (Marques d'approbation sur plusieurs travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe CRC) et qui ne correspond en rien aux données de la vie moderne, qu'il s'agisse du social, de la santé, du travail ou du domaine économique.
Telles sont les responsabilités des auteurs de cette motion qui, en réalité, n'est qu'un simulacre, le simulacre de ceux qui, au fond d'eux-mêmes, ne sont pas si mécontents de voir que d'autres prennent le risque d'affronter les réalités. (Très bien ! sur plusieurs travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe CRC.)
La seule question préalable qui mérite d'être posée et que nous vous posons, c'est celle de la responsabilité de ceux qui ont laissé les choses en venir au point où elles sont. (Bravo ! et applaudissements sur plusieurs travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
Il n'appartient pas à ceux-là, à ceux qui n'ont rien fait, de donner des leçons à ceux qui ont le mérite et le courage de faire quelque chose.
Mme Nicole Borvo. Grâce à qui les retraites existent-elles, monsieur Fauchon ?
M. Pierre Fauchon. Telles sont les raisons qui nous conduisent à repousser cette motion présentée par le groupe communiste républicain et citoyen (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 178
:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 311 |
Pour | 106 |
Contre | 205 |
Nous allons examiner maintenant la motion n° 29, tendant au renvoi à la commission.
M. Claude Estier. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Claude Estier.
M. Claude Estier. Il est douze heures cinquante. A cette heure, il n'est pas raisonnable d'examiner la troisième motion. Aussi, je souhaite que nous interrompions maintenant nos travaux. (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Monsieur Estier, la séance reprendra à seize heures. Nous pouvons donc examiner maintenant la motion tendant au renvoi à la commission, car M. Chabroux ne va pas parler trois heures, et il n'y a pas d'explication de vote.
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Claude Estier. Dans ces conditions, je demande une suspension de séance.
M. le président. Nous allons interrompre nos travaux pendant cinq minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à douze heures cinquante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par MM. Estier,Chabroux et Domeizel, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, d'une motion n° 29, tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant réforme des retraites (n° 378, 2002-2003). »
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à M. Gilbert Chabroux, auteur de la motion.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans son discours de politique générale, le 3 juillet 2002, voilà un an, le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, déclarait : « la République doit s'ouvrir à la démocratie sociale ». Il poursuivait ainsi : « s'ouvrir à la démocratie sociale, c'est mettre fin à un système qui met trop souvent l'Etat et le citoyen directement face à face ». Il ajoutait : « le dialogue social sera au coeur de l'action du Gouvernement ». Il insistait en ces termes : « un dialogue social qui est le préalable nécessaire au règlement de nos dossiers majeurs ».
Où en sommes-nous aujourd'hui sur un dossier majeur, le dossier des retraites ? Le divorce n'a jamais été aussi grand, exception faite de 1995, entre la population et le Gouvernement.
M. Roger Karoutchi. Mais non !
M. Gilbert Chabroux. Alors qu'il est le garant de la cohésion nationale, le Gouvernement a essayé de dresser les Français les uns contre les autres, opposant le secteur public au secteur privé, les parents aux enseignants, l'opinion publique aux salariés. En essayant de jouer la division syndicale, il a pris la lourde responsabilité de casser, peut-être pour longtemps, la perspective d'une démocratie sociale rénovée.
Le Gouvernement, en guise de dialogue social, n'a eu qu'une stratégie : celle de l'essoufflement de l'opposition. Il a parié sur la lassitude, l'épuisement, l'usure. Il en a été ainsi pour les manifestations et les grèves ; il en a été de même à l'Assemblée nationale où il n'y a eu qu'un simulacre de débat.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. A l'Assemblée nationale ?
M. Gilbert Chabroux. Oui, à l'Assemblée nationale !
Ainsi que vous l'aviez annoncé, votre texte ne pouvait être modifié qu'à la marge.
M. Jean-Paul Emorine. Parce qu'il est bon !
M. Gilbert Chabroux. La longueur des débats n'y change rien.
Au Sénat, il faudra moins de temps. La majorité n'a qu'une hâte, voter conforme le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale et partir en vacances !
M. Serge Lepeltier. Comme vous !
M. Gilbert Chabroux. Elle attendra sans crainte les conclusions de la CMP. Elle ne présente que quelques amendements et n'interviendra que parcimonieusement dans la discussion.
M. Roger Karoutchi. Tout a été dit !
M. Gilbert Chabroux. Le rapporteur répondra laconiquement à l'opposition, le Gouvernement ne sera pas davantage prolixe. Un tel débat ne sert à rien. Et vous croirez pourtant avoir gagné, alors que tout sera à refaire !
M. Roland Muzeau. Eh oui !
M. Gilbert Chabroux. Pourquoi un tel gâchis ?
M. Jean-Pierre Schosteck. Et vous, vous n'avez rien eu à gâcher ! Cinq ans pour ne rien faire !
M. Gilbert Chabroux. Vous disposiez pourtant au départ d'atouts importants.
Tout d'abord, le climat était apaisé, rasséréné. Il avait fallu du temps, plusieurs années, pour effacer ou du moins atténuer le traumatisme causé par le plan Juppé de 1995 (M. Roger Karoutchi rit)...
Un sénateur socialiste. C'est vrai !
M. Gilbert Chabroux. ... qui avait mis des millions de personnes dans la rue.
M. Jean-Pierre Schosteck. Au moins, avec Jospin, il n'y avait pas de traumatisme !
M. Gilbert Chabroux. Vous aviez eu le temps de tirer les leçons de cet échec cinglant !
Le Conseil d'orientation des retraites, créé sur l'initiative du gouvernement précédent,...
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est sa seule création !
M. Roger Karoutchi. Sa seule action !
M. Gilbert Chabroux. ... a effectué un remarquable travail préparatoire.
M. Jean-Pierre Schosteck. Ah oui ! il a bien préparé !
M. Gilbert Chabroux. Il a déminé le dossier...
M. Christian Demuynck. Oh là là !
M. Gilbert Chabroux. ... et établi un diagnostic partagé par la plupart des acteurs concernés. Seul le MEDEF n'a pas participé à ses travaux.
M. Jean-Pierre Schosteck. Ah !
M. Gilbert Chabroux. L'opinion a bien compris qu'une réforme des retraites était inéluctable. Elle s'y préparait. Et les sept principales organisations syndicales, dans leur déclaration commune du 6 janvier 2003, affirmaient la nécessité d'une réforme et définissaient les priorités devant y figurer.
La réforme des retraites vous offrait une exceptionnelle opportunité pour mettre en pratique le dialogue social et la négociation collective. Vous aviez aussi une responsabilité particulière si l'on se réfère, comme le fait volontiers le Premier ministre, à l'esprit de mai.
Faut-il ajouter que vous aviez du temps devant vous, au moins quelques mois, pour permettre à la négociation de se développer ? En effet, contrairement à ce que vous voudriez faire croire, il n'y avait nul besoin de faire preuve de précipitation : rien n'oblige à vouloir aboutir au vote de la loi en plein été, en cette période où les Français sont en vacances et ne peuvent évidemment pas manifester.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ah bon ? Au contraire !
M. Gilbert Chabroux. L'allusion que vous faites au retard de la France en matière de réforme des retraites est spécieuse. Ce n'est qu'à partir de 2006 que les problèmes structurels commenceront à se poser.
M. Roger Karoutchi. On a le temps !
M. Gilbert Chabroux. L'apparition des déficits n'interviendrait pas avant 2007, 2008.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Tout va bien alors !
M. Gilbert Chabroux. D'ici là, l'équilibre financier du système de retraite est assuré. Je ne dis pas qu'il faut attendre 2006 pour se préoccuper de ce dossier,...
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. C'est pourtant ce qu'on avait cru comprendre !
M. Gilbert Chabroux. ... mais il y a le temps pour mener une vraie négociation.
La situation de notre système de retraite n'est nullement comparable à celle de la branche maladie de la sécurité sociale. Le Gouvernement, a laissé filer les déficits qui s'élèvent maintenant à 16 milliards d'euros.
M. André Lardeux. Pour financer les 35 heures !
M. Gilbert Chabroux. C'est un dossier autrement alarmant que celui des retraites. Pourtant, curieusement, vous semblez vouloir vous donner du temps pour le traiter.
Je voudrais dire en passant que, s'il n'y a pas à agir dans la précipitation en matière de retraites, nous le devons à l'action du gouvernement précédent (M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis, s'esclaffe) qui a fait reculer l'urgence et a créé en cinq ans deux millions d'emplois (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste.)...
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. On ne vous connaissait pas cet humour !
M. Gilbert Chabroux. ... et réduit de près de un million le nombre de chômeurs. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Vous ne contestez pas ? (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Robert Bret. C'est la réalité !
M. Gilbert Chabroux. Des emplois en plus, des chômeurs en moins, c'est bien sûr plus de cotisants et de recettes. Nous devrions nous en souvenir, car sans une politique volontariste et active pour l'emploi, il n'y a pas de solution viable au problème des retraites.
Vous comparez la France aux autres pays européens qui ont mis en oeuvre une réforme des retraites. Vous avez fait un voyage dans un certain nombre de ces pays au début de l'année, mais vous n'en retenez que ce qui vous arrange. Vous négligez ainsi la spécificité de la démographie française...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tiens, la démographie vous intéresse !
M. Gilbert Chabroux. ... qui, par rapport à la moyenne des autres pays européens, se caractérise par un taux de fécondité supérieur et donc une moindre dégradation des taux de dépendance démographique rendant moins urgentes les adaptations du système de retraites.
M. Hilaire Flandre. Attendre, toujours attendre !
M. Gilbert Chabroux. Vous oubliez aussi que les réformes ne sont intervenues qu'après de longues négociations, après des mois et des mois, voire des années - quatorze années en Suède,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Que ne l'avez vous fait !
M. Gilbert Chabroux. ... deux en Italie - pour rechercher le consensus le plus large possible.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Que de temps perdu !
M. Gilbert Chabroux. Et si l'on veut poursuivre la comparaison, la réforme que vous proposez est l'une des plus dures d'Europe.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas vrai !
M. Gilbert Chabroux. Elle programme - et j'y insiste - le recul du niveau des retraites le plus important après la Grande-Bretagne et l'Italie.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non !
M. Gilbert Chabroux. Ce constat a été établi par le Conseil européen lui-même et par son comité de politique économique.
Avec un peu plus de temps, et donc en faisant preuve de moins de précipitation, vous auriez pu affiner la question du financement de la réforme que vous proposez. Elle n'est en effet financée qu'à 40 %, et encore, ce financement n'est qu'hypothétique puisqu'il est fondé sur une division par deux du taux de chômage.
La situation actuelle n'incite pas à l'optimisme, mais il est vrai que vous pariez plus sur le long terme. Pourtant, personne ne peut faire des prévisions fiables à 20 ans ou même à 10 ans ou à 5 ans. Il faudrait déjà se donner les moyens d'agir sur l'emploi alors que tous les leviers qui favorisaient l'emploi ont été mis en sommeil et que le nombre de chômeurs s'est accru de 100 000 en un an.
Pour la première fois depuis 1993, notre pays détruit plus d'emplois qu'il n'en crée. Les questions d'emploi et de conditions de travail devraient être examinées à l'occasion de ce débat sur les retraites. Le problème de la pénibilité, par exemple, n'a été qu'à peine effleuré.
Avec un peu plus de temps, vous auriez pu étudier la proposition qu'ont faite une vingtaine de députés de l'UMP - et, nous dit-on, quelques sénateurs - de taxer les entreprises pour financer les retraites.
Vous nous avez livré vos citations, à mon tour de vous faire part des miennes !
Ces parlementaires réunis au sein du groupe de réflexion « Les démocrates »,...
M. Jean-Pierre Sueur. Broutille !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'y en a pas beaucoup !
M. Gilbert Chabroux. ... - les démocrates de droite -, ont annoncé leur volonté de déposer un amendement portant de 33,5 % à 34,5 % le taux de l'impôt sur les sociétés pour celles qui réalisent un chiffre d'affaires d'au moins 3 millions d'euros, ce qui rapporterait plus d'un milliard d'euros par an d'ici à 2020 et permettrait de verser aux fonds de réserve des retraites environ 20 milliards d'euros. Ce n'est pas moi qui le dit, mais notre ancien collègue maintenant député, M. Alain Joyandet.
Un autre député de la majorité a ajouté : « Ce serait un acte symbolique. Cela permettrait de montrer que tout le monde porte l'effort ». (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mais cet amendement n'est pas venu en discussion à l'Assemblée nationale. Il aurait pu !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Incroyable !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Des pressions peut-être ?
M. Gilbert Chabroux. Il pourrait être discuté au Sénat après avoir été examiné par la commission des affaires sociales. Il y a bien des démocrates de droite dans cette commission !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. De droite, oui !
M. Gilbert Chabroux. Il y a certainement des sénateurs de la majorité qui pensent, comme M. Alain Joyandet, que l'on entend beaucoup la voix des libéraux de l'UMP et pas assez celle des modérés. L'UMP ne doit pas être un parti de droite libérale débridée.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Adhérez !
M. Gilbert Chabroux. Changez d'abord !
Beaucoup d'autres propositions auraient pu être discutées à condition d'ouvrir un débat assez large et de ne pas considérer que votre réforme est la seule possible. Des solutions existent et des financements peuvent être trouvés à condition de sortir du dogme libéral selon lequel tout impôt est, par définition, une charge insupportable, surtout pour les entreprises.
Il fallait une véritable négociation. Or, que s'est-il passé ? Pendant trois mois, au début de l'année, le Gouvernement organisa une sorte de concertation au statut mal défini mais dont la finalité n'était pas, selon vos propres déclarations, de négocier, encore moins d'aboutir à un document susceptible d'être soumis à la signature des partenaires sociaux.
Le Gouvernement ne devait révéler complètement ses intentions qu'avec la publication de l'avant-projet de la loi qui devait être soumis pour avis, au Conseil supérieur de la fonction publique et aux conseils d'administration des caisses de sécurité sociale avant d'être transmis au Conseil d'Etat.
La journée de grèves et de manifestations du 13 mai prit une telle ampleur que, le lendemain, une séance de négociations fut organisée sans qu'aient été invitées les deux principales organisations syndicales représentatives de la fonction publique d'Etat - la fédération syndicale unitaire, la FSU, et l'Union nationale des syndicats autonomes des fonctionnaires, l'UNSA - alors que la partie la plus importante des sujets abordés concernait les fonctionnaires. Le surlendemain, vous avez fait savoir qu'il n'y avait plus rien à négocier.
On peut s'interroger sur cette curieuse procédure de dialogue social. Quel statut faut-il accorder à un texte approuvé par une minorité d'organisations syndicales ? (M. Josselin de Rohan s'exclame.) Quelle valeur contractuelle peut-il avoir ? Qu'en est-il de l'idée même d'accord majoritaire ? Ce sont autant de questions que l'on peut se poser.
Il y a certes une légitimité politique qui fait que c'est le Parlement qui vote la loi. Mais cette légitimité politique gagnerait à s'appuyer sur la légitimité sociale au lieu de lui tourner le dos.
M. Robert Bret. C'est trop leur demander !
M. Gilbert Chabroux. Le Gouvernement renforce l'idée que rien n'est possible dans la concertation. Il est déjà loin le temps, un an, où le Premier ministre s'engageait, dans son discours de politique générale, à créer les conditions d'une négociation préalable entre les partenaires sociaux. La brutalité de la méthode employée pour la remise en cause des 35 heures (M. Roger Karoutchi s'exclame) de la loi de modernisation sociale, des emplois-jeunes (M. Jean-Pierre Schosteck proteste), aujourd'hui des retraites, montre la véritable nature de ce gouvernement pour qui la négociation n'est qu'un exercice formel, un passage obligé avant d'imposer sa volonté au Parlement.
Or, plus que jamais, c'était d'une grande négociation sur les retraites que pouvait sortir une solution acceptée comme un véritable contrat social par nos concitoyens. (M. Josselin de Rohan s'exclame.)
Au centre de cette négociation, la question qui se pose est de savoir quelle part des richesses produites peut aller aux retraites.
M. Robert Bret. C'est « la » question !
M. Gilbert Chabroux. La commission des affaires sociales n'a pas eu de véritable débat sur cette question qui est pourtant la question fondamentale. Contrairement à ce qu'elle a fait sur de nombreux dossiers où elle est particulièrement active - par exemple la politique familiale, l'assurance-maladie, les personnes handicapées -, ...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tout à fait !
M. Gilbert Chabroux. ... elle s'est limitée, sur le dossier des retraites, à un service minimum.
M. Roland Muzeau. Bien sûr !
M. Robert Bret. Un service commandé !
M. Gilbert Chabroux. Certes, elle a entendu les partenaires sociaux. Mais, à la date des auditions, au mois d'avril dernier, le projet de loi n'avait pas encore été examiné par le Conseil des ministres,...
M. Claude Domeizel. Pourtant, certains le connaissaient !
M. Gilbert Chabroux. ... et une seule organisation, la CGPME, paraissait avoir connaissance d'un avant-projet assez précis.
M. Roland Muzeau. Même Guillaume Sarkozy ne l'avait pas !
M. Gilbert Chabroux. Il aurait été utile de les entendre à nouveau sur le contenu du projet de loi et sur le relevé de décisions du 15 mai.
M. le rapporteur s'est trouvé bien seul, le 11 juin, pour ces nouvelles auditions : quatorze auditions en une journée ! Ses mérites n'en sont que plus grands !
Certes, les commissaires intéressés pouvaient être présents et poser des questions. Quelques-uns - un tout petit nombre, de l'opposition essentiellement - l'ont fait. Il est néanmoins regrettable que la commission n'ait pas fait preuve de plus d'enthousiasme, disons même de motivation, sur un tel dossier.
Elle pourrait maintenant faire oeuvre utile et s'en saisir. C'est l'objet de cette motion. Peut-être pourrait-elle ainsi proposer l'ouverture de véritables négociations, comme le réclament la très grande majorité des partenaires sociaux ainsi que la majorité de nos concitoyens ?
M. Robert Bret. Une session de rattrapage !
M. Gilbert Chabroux. Compte tenu des problèmes très graves qui vont se poser pour les femmes en matière de retraite, il aurait été également souhaitable que la commission entende la délégation aux droits des femmes. Nous ne pouvons imaginer que cette délégation n'ait rien à dire !
M. Marcel-Pierre Cléach s'est exprimé hier soir, à titre personnel, même s'il a lu un rapport qui n'a pas été adopté.
M. Jean-Louis Lorrain. C'est une manoeuvre !
M. Gilbert Chabroux. Nous demandons une audition de la délégation pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté.
Mme Hélène Luc. Très bien ! Vous avez raison !
M. Gilbert Chabroux. De même, il aurait été utile que la commission des finances nous éclaire sur les problèmes de financement, car bien des questions restent posées.
M. Roger Karoutchi. Quel rapport avec le texte ?
M. Gilbert Chabroux. La réforme des retraites engage l'avenir. Elle mérite mieux qu'un affrontement entre le Gouvernement et la plus grande partie des syndicats, entre le secteur public et le secteur privé, entre la majorité et l'opposition. Une réforme de cette importance ne peut être élaborée que dans le dialogue et la concertation.
C'est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers collègues, de voter pour le renvoi à la commission du texte qui nous est présenté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission a émis un avis défavorable à l'adoption de la motion du groupe socialiste tendant à ce que le présent projet de loi lui soit renvoyé.
Le temps qui a été imparti à la commission pour examiner le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale peut vous paraître court.
Je concède aux auteurs de la motion qu'il y a parfois une disproportion entre le temps des commissions et le temps de la séance publique.
De fait, l'Assemblée nationale a consacré quatre semaines en séance publique à l'examen du projet de loi. Vous parliez tout à l'heure de simulacre, monsieur Chabroux. Je ne suis pas persuadé que les 187 rappels au règlement et les 110 suspensions de séance qui ont émaillé cet examen aient beaucoup contribué à éclairer les travaux préparatoires de la loi.
Je ne suis pas sûr que chacun des 11 153 amendements déposés ait été indispensable, et je constate que les groupes socialiste et communiste républicain et citoyen au Sénat apparaissent plus raisonnables.
Quoi qu'il en soit, nous approuvons le calendrier annoncé par le Premier ministre dès le début du mois de février : il y a en effet urgence.
M. Chabroux nous a dit tout à l'heure que nous pouvions encore attendre. Or trop de retard a déjà été pris, Lionel Jospin le reconnaissait lui-même. En décembre 2001, il exhortait le futur gouvernement à « prendre à bras-le-corps » ce dossier des retraites dès le début de la session parlementaire.
C'est fait, avec un léger décalage, je vous le concède, et je demande au groupe socialiste de bien vouloir nous pardonner ce retard.
Dans ce contexte, la commission des affaires sociales s'est attachée à procéder à un examen approfondi du projet de loi, comme en témoignent les amendements qu'elle présente.
Il est vrai que cet examen approfondi a été grandement facilité par un très gros travail effectué en amont et d'abord - faut-il le rappeler ? - tout au long de la précédente législature.
En juin 1999, notre collègue Alain Vasselle nous a présenté une analyse détaillée du rapport Charpin.
Nous avons entendu, à plusieurs reprises, le commissaire général au plan. Nous avons même entendu M. René Teulade.
En janvier 2001, notre collègue Alain Vasselle toujours opérait un contrôle sur pièces et sur place au fonds de réserve pour les retraites, dont il dénonçait « l'avenir hypothéqué ».
Entre-temps, notre commission s'était penchée sur la question de l'épargne retraite.
En octobre 1999, sur le rapport de notre ancien collègue Charles Descours, le Sénat adoptait une excellente proposition de loi « visant à améliorer la protection sociale par le développement de l'épargne retraite ».
Aussi notre commission s'est-elle réjouie, en février dernier, que le processus de réforme soit enclenché par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin.
Elle a suivi avec la plus grande attention l'élaboration du projet de loi ainsi que chacune des étapes de la concertation conduite par le Gouvernement.
Elle a entendu le ministre une première fois, le 6 février 2003 ; elle a entendu Mme Moreau, la présidente du Conseil d'orientation des retraites, toute une matinée, le 19 mars 2003.
Les 29 et 30 avril, elle procédait à deux journées d'auditions publiques des partenaires sociaux, dont le compte rendu intégral figure dans son rapport sur le projet de loi.
Naturellement, notre excellent rapporteur a également conduit de nombreuses auditions, dont celles, à nouveau, des partenaires sociaux, le 11 juin dernier. Il a souhaité ouvrir ces auditions à l'ensemble des commissaires, que je remercie d'être venus nombreux. Vous en faisiez partie, monsieur Chabroux, je vous en donne acte.
Enfin, nous avons longuement entendu les ministres, le jeudi 3 juillet, sur le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale.
Notre commission a beaucoup travaillé et bien travaillé ; j'en rends une nouvelle fois hommage à son rapporteur, Dominique Leclerc, qui est également, rappelons-le, le rapporteur des lois de financement de la sécurité sociale pour l'assurance vieillesse.
Son rapport qui, en deux tomes, représente près de 800 pages,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous ne l'avons eu qu'hier !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. ... a été mis à la disposition des groupes sous une forme ronéotypée, non pas hier, monsieur Dreyfus-Schmidt, mais dès samedi (Exclamations sur les travées du groupe socialiste) pour permettre à ceux qui le souhaitaient de travailler durant le week-end. Il n'a été mis en distribution dûment imprimé qu'hier matin, c'est vrai.
Je crois que toutes les conditions sont donc réunies pour que nous puissions débattre sans attendre des différents articles du projet de loi.
Aussi, mes chers collègues, la commission des affaires sociales vous demande-t-elle de repousser la présente motion de renvoi à la commission. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 29, tendant au renvoi à la commission.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 179 :
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour | 111 |
Contre | 204 |
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Serge Vinçon.)
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
CANDIDATURES À DES ORGANISMES
EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein de deux organismes extraparlementaires.
La commission des affaires économiques et du Plan a fait connaître qu'elle propose la candidature :
- de M. Henri Revol pour siéger au sein du Conseil supérieur de la sûreté et de l'information nécléaire ;
- de M. André Ferrand pour siéger au sein du conseil d'administration du Centre français du commerce extérieur.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour un rappel au règlement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons entendu ce matin M. le président de la commission des affaires sociales souligner le travail consciencieux et extrêmement complet effectué par sa commission.
Mme Nelly Olin. Tout à fait !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il oubliait sans doute qu'un certain nombre de sénateurs pouvaient être intéressés par le sujet traité même s'ils ne sont pas membres de sa commission. Or beaucoup d'entre nous, y compris des membres de la commission, n'ont pu disposer qu'hier du texte imprimé !
Mme Nelly Olin. Il a été distribué la semaine dernière !
Mme Françoise Henneron. Nous l'avons eu dès jeudi soir !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Dès lors, il est évident que personne n'a eut le temps de le lire !
Un texte ronéotypé était, paraît-il, disponible samedi au Sénat. Mais c'est se moquer du monde ! Chacun sait bien que, le samedi, il n'y a plus de sénateurs à Paris !
M. François Trucy. Ils ont tort ! Il faut rester le samedi !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ceux qui ont bien voulu venir hier, lundi, ont pu en prendre connaissance, mais la plupart des sénateurs ne l'ont trouvé, en vérité, que ce matin !
Un sénateur du groupe socialiste. C'est un peu court !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Or, sur un sujet aussi important, un tel délai ne permet pas de se préparer au débat.
Au reste, cela devient une habitude que de délivrer les rapports au tout dernier moment.
Que de papier - 398 pages pour le tome I, 355 pour le tome II - utilisé en pure perte !
En fait, il ne sera vraiment possible de lire ce rapport que lorsque vous aurez adopté ce texte ! Ce n'est vraiment pas sérieux et je tenais, au nom du groupe socialiste, à dénoncer cette méthode qui tend à devenir habituelle, mais qui est particulièrement dommageable s'agissant d'un sujet aussi important que celui dont nous traitons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, je vous donne acte de votre déclaration.
RÉFORME DES RETRAITES
Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant réforme des retraites.
Nous avons achevé l'examen des motions de procédure.
Nous passons à la discussion des articles.
Je suis saisi de quatre-vingt-dix-sept amendements, dont plusieurs sont identiques, portant division ou article additionnel, avant l'article 1er.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Certains ont, semble-t-il, eu peu de temps pour se préparer et pour étudier le rapport. En tout cas, ils n'ont pas manqué de temps pour rédiger de très nombreux amendements ! (Sourires et marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)
M. Guy Fischer. Oui, nous avons travaillé !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je n'en doute pas mais vous n'avez pas travaillé dans le vide : vous l'avez fait avec les documents nécessaires.
Quoi qu'il en soit, près de cent amendements tendant à créer des divisions et des articles additionnels ont été déposés avant l'article 1er. Ces amendements sont principalement de deux ordres : soit ils affirment de grands principes liés à la retraite, et nous retrouverons des amendements similaires portant sur le titre Ier du projet de loi ; soit ils traitent des différents aspects de la politique de l'emploi, par exemple, et n'ont pas de lien direct avec le texte dont nous sommes saisis, sauf à considérer que tout est dans tout et réciproquement.
Nous allons les étudier, comme il est normal, tout au long de cet après-midi, mais je crois qu'il faut que nous abordions sans trop tarder les articles mêmes du projet de loi.
C'est pourquoi je vous informe dès maintenant, monsieur le président, mes chers collègues, afin que chacun puisse s'organiser, que je demanderai que le titre Ier du projet de loi, intitulé « Dispositions générales », qui comprend les articles 1er à 13 bis, soit examiné par priorité à la reprise de ce soir.
M. Henri de Raincourt. Demande très utile !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Tout à l'heure, notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt a fait remarquer que nous avions reçu les rapports seulement lundi. On nous a indiqué que ces documents étaient disponibles dès samedi. Mais figurez-vous que, samedi, nous étions nombreux à nous trouver loin de Paris !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. A l'avenir, vous serez là le samedi !
M. Claude Domeizel. Maintenant, si je comprends bien, on vient nous dire que l'on renvoie à plus tard la discussion des divisions et articles additionnels avant l'article 1er. Cela nous paraît inacceptable, ne serait-ce que parce que nous avons préparé nos interventions en fonction de l'organisation habituelle de la discussion d'un texte. Il n'est pas si facile de s'organiser pour présenter les quelque mille amendements que nous avons déposés.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, je vous demande une suspension de séance d'une demi-heure.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur Domeizel, vous n'étiez pas là samedi pour prendre connaissance du rapport mais vous étiez là voilà deux minutes pendant que je m'exprimais. Soit je n'ai pas été clair, soit vous ne m'avez pas écouté !
J'ai simplement demandé la priorité sur le titre Ier à la reprise de ce soir. Nous avons donc largement le temps d'examiner tous les amendements avant l'article 1er que vous avez préparés, et cela sans connaître le texte, d'après ce qui a été dit.
M. Henri de Raincourt. C'est le bon sens !
Mme Hélène Luc. Mais pourquoi demander la priorité ?
M. le président. Nous allons donc pouvoir entamer la discussion des divisions et articles additionnels dès maintenant, conformément à ce que vient de dire M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument ! Je n'ai pas dit autre chose !
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, je voudrais, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, émettre une protestation solennelle, car les articles additionnels avant l'article 1er sont le fruit d'une réflexion et d'un travail cohérent qui a été entamé plusieurs semaines avant le début de notre débat. Même si nous ne savions pas exactement quand l'Assemblée nationale achèverait ses travaux, l'ensemble des sénateurs de notre groupe ont travaillé.
En fait, monsieur le président de la commission des affaires sociales, en procédant ainsi, vous garrottez d'emblée le débat sur les retraites ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Henri de Raincourt. Voilà que M. About est un « garrotteur » !
M. Guy Fischer. Vous le faites avorter avant qu'il n'ait commencé puisque, sur la centaine d'amendements qui ont été déposés avant l'article 1er, seuls quelques-uns pourront être examinés.
De toute évidence, il est décidé dès à présent - mais nous nous y opposerons par tous les moyens dont nous disposons - d'empêcher que le débat puisse véritablement avoir lieu puisque l'on ne veut pas nous permettre de présenter tous nos amendements.
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, c'est un coup terrible que vous portez à ce débat !
Mme Hélène Luc. Il faut qu'il ait lieu comme prévu !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En vérité, il suffira à tous ceux qui sont présents dans cet hémicycle de prendre connnaissance des premiers amendements déposés avant l'article 1er pour se rendre compte qu'ils s'appliquent à la première ligne de l'article 1er.
Il ne faut pas confondre la manipulation et le débat. Nous ne cherchons pas du tout à « garrotter » le débat. Nous allons écouter la présentation des articles additionnels et, dès le premier, nous comprendrons parfaitement que nous sommes en fait dans l'article 1er et non pas avant l'article 1er.
M. Henri de Raincourt. C'est le bon sens !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Je tiens également à protester, monsieur le président.
J'aimerais savoir à quoi vise la proposition formulée par M. le président de la commission des affaires sociales si ce n'est à nous empêcher de discuter sur les articles additionnels avant l'article 1er.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous avez quatre heures, ne les gâchez pas !
Mme Hélène Luc. Pourquoi agir ainsi ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Précisément, par cohérence ! Puisqu'il s'agit en fait de l'article 1er !
Mme Nicole Borvo. Mais la cohérence peut être inverse. La discussion des articles additionnels vous amènera peut-être à revoir votre position sur les articles qui suivent. Mieux vaut donc respecter l'ordre normal de la discussion.
M. Henri de Raincourt. Il faut suivre la proposition de M. le président de la commission !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Suivre l'ordre normal de la discussion, cela consiste en général à examiner d'abord l'article 1er. Mais je peux demander la réserve immédiate de l'ensemble des articles additionnels, si vous voulez ! Ce sera plus rapide !
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Je suis très étonné par l'intervention de M. le président de la commission des affaires sociales et par le silence du Gouvernement. Mais peut-être le Gouvernement a-t-il demandé à M. About de procéder ainsi et de saccager un débat dont tous les membres du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que d'autres, je suppose, ont souhaité qu'il soit serein, constructif,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous venez de perdre un quart d'heure !
M. Roland Muzeau. ... qu'il permette à chacun de se faire une opinion juste et précise quant aux enjeux de société que sous-tend le dossier des retraites.
Croyez-le bien, monsieur About, nous avons la volonté d'avancer normalement, et non pas à une vitesse d'escargot. Si vous répondez à nos questions et à nos remarques, il n'y a strictement aucune raison pour que le débat ne se déroule pas correctement.
Ne tournons pas autour du pot : votre proposition vise à provoquer une accélération, voire une précipitation tout à fait inadmissible. Vous voulez imposer le silence à nombre des élus ici présents. Vous pouvez d'ailleurs remarquer que l'opposition est largement représentée cet après-midi, ce qui n'est pas toujours le cas de la majorité, même si ses membres sont nombreux en ce moment ; mais nous verrons ce qu'il en sera ce soir...
Je souhaite, monsieur About, que vous ne provoquiez pas l'opposition avec de telles propositions, qui reviennent, que vous le vouliez ou non, à prendre les sénateurs communistes républicains et citoyens et quelques autres de leurs collègues pour des pots de fleurs. Nous sommes là pour débattre d'un sujet extrêmement important, et nous tenons à le faire jusqu'au bout.
Vous prétendez que la discussion des articles additionnels avant l'article 1er ne sont pas de nature à éclairer les débats. Laissez-nous les examiner tous : vous verrez qu'ils font partie intégrante de ce débat et que, à partir du moment où nous nous opposons à la logique de ce projet de loi, il est indispensable que nous puissions les défendre tous de manière approfondie.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'y a pas plus muet que celui qui ne veut pas parler !
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous ne comprenons pas la proposition de M. About. D'un côté, il accepte que les articles additionnels soient examinés à partir de maintenant, mais, d'un autre côté, il nous explique que, si nous n'en avons pas terminé avec eux à la suspension de ce soir, il faudra passer tout de même à l'article 1er.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Par-dessus le marché, il nous dit qu'il suffit de lire le premier amendement tendant à insérer un article additionnel pour se rendre compte qu'on est déjà dans l'article 1er. Ainsi, puisque les articles additionnels portent, selon lui, sur l'article 1er, il est tout à fait normal que l'on commence par là.
Sa demande est donc étrangère à toute logique. Alors, pour l'instant, n'en parlons plus ! Nous verrons ce soir où nous en serons !
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Ce débat, le président Poncelet a bien dit qu'il tenait à ce qu'il ait réellement lieu.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument, et il aura lieu !
Mme Hélène Luc. Alors, il ne faut pas commencer par faire ce que vous faites !
Déjà, vendredi, Mme Terrade et moi-même devant nous rendre à une réunion de la délégation aux droits des femmes, nous n'avons pas pu assister à la totalité de l'audition des ministres. Et, à ce moment-là, nous ne disposions pas encore du texte complet.
Mmes Françoise Henneron et Janine Rozier. C'était jeudi !
Mme Hélène Luc. Si vous voulez torpiller ce débat, dites-le franchement ! En revanche, si vous voulez qu'il ait réellement lieu, laissez-le se dérouler selon l'ordre prévu.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Commençons donc par l'article 1er !
Mme Hélène Luc. Non, monsieur About. Il faut commencer par les articles additionnels, parce qu'ils conditionnent d'autres propositions.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas vous qui faites le règlement !
Mme Hélène Luc. Je demande, monsieur le président, que vous consultiez le Sénat sur cette question. Ce ne sera pas du temps perdu, car le débat y gagnera en cohérence. On ne peut pas affirmer une chose et en faire une autre !
M. le président. Nous sommes prêts à examiner dès à présent les amendements tendant à introduire des divisions et des articles additionnels. Je vous propose de le faire sans tarder.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je dirai simplement que ce genre de débat me consterne. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Absolument ! C'est l'art de poser des faux débats, et c'est ce que vous ne cessez de faire !
Il y a un texte et il y a un certain nombre d'amendements que vous voulez défendre. Vous les défendrez et, lorsque nous examinerons l'article 1er, nous percevrons très bien la redondance entre vos articles additionnels avant l'article premier et vos amendements sur cet article.
M. Claude Estier. Ce n'est pas votre problème !
M. Jean Chérioux. Alors, ne jouez pas les hypocrites ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Soyez sincères pour une fois ! C'est un faux débat, que vous ne lancez que pour la galerie ! Je ne pense pas que vous vous grandissiez en agissant ainsi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Henneron.
Mme Françoise Henneron. Je souhaite apporter une petite rectification aux propos de Mme Luc en précisant que la délégation aux droits des femmes s'est réunie jeudi dernier et non pas vendredi, et que nous avions le texte jeudi soir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. Vous avez raison, dont acte ! Mais c'est un point mineur.
Mme Nicole Borvo. C'est du temps perdu !
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour un rappel au règlement.
M. Gilbert Chabroux. Je m'étonne des procédés employés par le président de la commission des affaires sociales. Alors que nous nous sommes réunis ce matin, monsieur About, vous n'avez pas fait allusion à votre tactique. Je ne comprends pas l'objectif que vous visez.
M. Henri de Raincourt. Cela ne fait rien !
M. Gilbert Chabroux. J'ai déjà dit que la commission des affaires sociales avait assuré un service minimum, mais j'ai l'impression que, maintenant, elle veut en faire encore moins en se livrant à des manoeuvres d'obstruction ! (Rires sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Nous ne débattons pas dans de bonnes conditions, propices à la sérénité. Sur ce dossier majeur, qui engage l'avenir,...
M. Henri de Raincourt. Oui !
M. Gilbert Chabroux. ... je ne comprends pas que vous recouriez à ce type de procédé.
M. Henri de Raincourt. Vous allez le comprendre !
M. Gilbert Chabroux. Voulez-vous, oui ou non, que nous débattions de tous les amendements ?
M. Henri de Raincourt. Oui !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Gilbert Chabroux. Si vous voulez faire un tri, et en exclure un certain nombre, il faut le dire dès le départ et très clairement !
Il y a un peu plus de mille amendements à examiner, ce n'est pas extraordinaire, et, ainsi que l'a dit M. le ministre des affaires sociales à l'Assemblée nationale, nous avons tout l'été devant nous pour ce faire. Nous ne demandons pas autant de temps que les députés, mais, tout de même, laissez-nous débattre de ce projet important, pendant quelques jours, sans nous reprocher de vouloir faire de l'obstruction.
Vous n'avez pas débattu, vous n'avez pas engagé de véritable négociation avec les partenaires sociaux. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Vous avez tourné le dos à la légitimité sociale, laissez la légitimité politique s'exprimer.
Sommes-nous, oui ou non, en démocratie ? Il n'y a pas eu de démocratie sociale. Y a-t-il une démocratrie politique ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Je souhaite que nous puissions débattre. Ou alors dites-nous clairement de quels amendements vous ne voulez pas que nous débattions.
S'agissant d'amendements qui se rapportent à l'article 1er, qui sont des amendements très utiles, j'ai entendu M. le président de la commission des affaires sociales dire qu'il n'y avait pas lieu de parler de l'emploi.
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est un peu fort !
M. Gilbert Chabroux. Mais ce point de vue, qui n'engage que lui, est parfaitement erroné !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. J'ai dit qu'il ne fallait pas parler de l'emploi ? Vous avez fantasmé !
M. Gilbert Chabroux. Vous avez évoqué les amendements qui se rapportent à l'emploi. Mais enfin, une politique de plein emploi, c'est la condition nécessaire pour mettre en place un système de retraite équilibré. Tout le monde le sait !
Un point de chômage en moins, ce sont 4 milliards de cotisations en plus. Donc l'emploi est nécessaire. Il faut que nous en débattions ! Il faut débattre d'une politique de formation professionnelle et d'un certain nombre de préalables. Je souhaite donc que nous débattions dans la sérénité, mais que nous débattions de tout. Ou alors, il faudra reconnaître que c'est vous qui faites de l'obstruction ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, nous ne nous sommes pas compris ! (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) « Procédé », « obstruction », « antidémocratique », a-t-on entendu ; mais, monsieur Chabroux, vous ne connaissez pas le règlement de notre assemblée.
J'annonce, par courtoisie - en effet, je ne suis pas tenu de le faire -, que je demanderai la priorité sur le titre Ier. J'aurais pu simplement attendre la suspension de cette séance pour faire cette annonce, et vous n'auriez défendu que trois amendements dans tout l'après-midi. J'ai la courtoisie vis-à-vis de mes collègues de dire que la commission des affaires sociales estime qu'il est de bon ton de commencer à la reprise, ce soir, l'examen du titre Ier. Mais vous n'appréciez pas la courtoisie, puisque vous venez déjà de perdre vingt-cinq minutes ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et de groupe CRC.)
Mme Hélène Luc. Cela ne change rien au fond !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Manifestement, je le répète, vous ne connaissez pas le règlement. En demandant la priorité sur le titre Ier, je ne vous interdis absolument pas de débattre à la suite de la discussion du titre Ier de la totalité de vos amendements. D'ailleurs, je ne suis pas encore parti en vacances et, monsieur Chabroux, nous resterons ensemble, s'il le faut, tout l'été. A droite, nous ne sommes pas pressés. Nous avons tout le temps de discuter de ce texte important et nous ne souhaitons pas écourter le débat sur les retraites. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, pourrait-on rattacher les amendements à l'article 1er ?
Division additionnelle avant le titre Ier
M. le président. L'amendement n° 46, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant le titre Ier, insérer une division additionnelle ainsi rédigée :
« D'un régime de retraite fondé sur la solidarité ».
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Par cet amendement n° 46, nous voulons, d'abord, en utilisant le droit qui est celui du Parlement d'insérer des articles additionnels, entamer un débat sur un certain nombre de propositions alternatives au projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui, et qui s'inscrivent dans une autre logique. Nous proposons d'insérer ces quelques dispositions dans une division additionnelle intitulée « D'un régime de retraite fondé sur la solidarité ».
Bien entendu, la clef de ce système réside dans la répartition, mais la référence à la notion fondamentale de solidarité peut permettre de relever les défis de l'avenir en matière de retraite.
Certains de ceux qui siègent sur les travées de la majorité sénatoriale jugeront excessive la présentation de ces amendements en un seul bloc, comme vous venez de le dire, monsieur About, et estimeront qu'elle relève plus d'une opération de blocage que d'une volonté de débat.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas le problème !
Mme Michelle Demessine. Il n'en est rien.
M. le ministre des affaires sociales a lui-même reconnu la nécessité de confronter les points de vue. Le Gouvernement et l'UMP ont toujours nié l'existence de propositions alternatives. Comment vous convaincre pourtant qu'il existe bel et bien d'autres solutions qui se distinguent du choix que vous faites ?
Ces solutions étant partagées par nombre de nos concitoyens, vous ne pouvez les ignorer ni les décrédibiliser. Loin de rejeter toute prise en considération de ce qui est possible, elles visent à tenir compte de l'évolution du mode de vie, des conditions du passage de la vie active à la retraite, de l'espérance de vie, des besoins et des aspirations des retraités.
Ces solutions expriment la reconnaissance des droits que tous ont acquis par leur contribution passée à la richesse nationale et par leur apport présent à la société. Elles sont indissociables de l'exigence d'une politique orientée vers la construction d'une nouvelle sécurité sociale et d'un système de sécurité d'emploi et de formation.
Elle se construisent sur deux fondements : le premier consiste à rompre avec la régression du pouvoir d'achat des retraites ; le second est de garantir le droit et les conditions effectives d'une retraite à taux plein à soixante ans.
La suppression, par les mesures Balladur de 1993, de l'indexation des retraites du régime général sur les salaires et son remplacement par l'indexation sur les prix ont rompu le lien de solidarité intergénérationnelle qui est à la base du système par répartition.
De même, l'application des accords AGIRC-ARRCO sur les retraites complémentaires de 1993, 1994 et 1996 a fortement amplifié cette tendance en répercutant une baisse des pensions de 12 %.
Les prélèvements sur les retraites institués à partir de 1980 par le gouvernement Barre, puis par le plan Juppé, ont été au total - cotisations maladie, CSG, CRDS - multipliés par 2,5 entre 1993 et 1997. Ils représentent aujourd'hui près d'un mois de retraite net par an.
Il est donc urgent d'inverser la tendance et de déterminer des garanties quant au montant et à l'évolution des pensions de retraite qui permettent leur revalorisation effective et le rattrapage du pouvoir d'achat perdu. C'est maintenant qu'il faut ouvrir le débat sur cette alternative. A quoi servirait-il en effet de discuter de telles propositions alors que le projet aurait déjà été adopté en tout ou partie ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Après avoir écouté avec attention Mme Demessine, je tiens à relire l'article 1er du projet de loi selon lequel : « La Nation réaffirme solennellement, dans le domaine de la retraite, le choix de la répartition, au coeur du pacte social qui unit les générations. »
Par l'amendement n° 46, madame Demessine, vous nous demandez d'insérer une division additionnelle ainsi rédigée : « D'un régime de retraite fondé sur la solidarité ». Sans faire de dialectique, j'aimerais savoir, quand le choix de la répartition est bien affirmé, ce qu'apportent de plus les mots : « fondé sur la solidarité » ?
M. Jean Chérioux. Rien ! Du vent !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L'un induit l'autre. La commission des affaires sociales a donc donné, à juste titre, un avis défavorable à cet amendement.
M. Henri de Raincourt. Evidemment !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. L'avis que je vais donner vaudra pour de nombreux autres amendements qui seront examinés à l'article 1er.
Dans le projet de loi, nous avons souhaité introduire trois articles énumérant des principes généraux et qui résument le texte rédigé dans le cadre du groupe confédéral qui, pendant vingt-deux réunions, a travaillé à la réforme des retraites avant que nous n'engagions la négociation sur les amendements déposés par les uns et les autres, négociation qui s'est achevée par l'accord du 15 mai. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement ne souhaite pas que l'on dénature des principes qui ont fait l'objet d'un consensus avec l'ensemble des partenaires sociaux. Vous aurez pu constater que l'intégralité de cette déclaration de principe, dont les trois premiers articles reprennent l'essentiel, figure dans l'exposé des motifs.
Beaucoup d'amendements proposés avant l'article 1er, contrairement à celui dont nous discutons, ne portent pas sur les principes. Ils ne s'appliquent donc pas à cette partie du texte. Je pense, par exemple, à la proposition du groupe communiste, dont nous débattrons ultérieurement, de revenir sur les décrets de 1993. Nous ne sommes plus là sur l'énoncé des principes.
Naturellement, le Gouvernement est défavorable à ce premier amendement n° 46. J'ajoute que mes explications seront peut-être moins longues sur les amendements qui suivront.
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement, en prévoyant un régime de retraite fondé sur la solidarité, est parfaitement bienvenu. En effet, avant la guerre, beaucoup de gens avaient mis de l'argent de côté en vue de leur retraite. L'inflation a tout mangé, et nous savons parfaitement que le Gouvernement et sa majorité sont, en vérité, pour une « répartition par capitalisation ».
M. Jean Chérioux. Ce n'est pas vrai !
MM. Henri de Raincourt et Alain Gournac. C'est faux !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si la Bourse ne s'était pas effondrée récemment, c'est évidemment ce que vous nous auriez proposé ! (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Un sénateur du groupe socialiste. Absolument !
M. Henri de Raincourt. C'est faux !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les hommages que vous rendez au système par répartition ne me satisfont pas. La répartition, cela ne suffit pas ! Que ferez-vous lorsque la durée moyenne de l'espérance de vie sera de 95 ans pour les femmes et de 90 ans pour les hommes ? Devra-t-on alors prendre sa retraite à 75 ans et à 80 ans (Exclamations sur les mêmes travées), tout en payant beaucoup plus ?
La vérité, chers collègues, est qu'il arrive un moment où la répartition ne suffit plus et où il est nécessaire que la solidarité joue. Le budget de l'Etat doit, pour compenser les disparités et pour maintenir les avantages acquis, fournir l'effort voulu.
Alors, évidemment, il nous faudra opérer des choix. Nous devrons décider s'il convient de construire deux, trois ou quatre porte-avions supplémentaires, ou si, au contraire, l'argent de l'Etat doit servir à compléter le système par répartition.
M. Josselin de Rohan. Vous dites n'importe quoi !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est pourquoi le terme « solidarité » convient beaucoup mieux que tout autre.
M. Alain Gournac. C'est du verbiage !
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour explication de vote.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le ministre, mes chers collègues, le mot « solidarité » n'a de force que s'il est démontré à partir de son contenu. J'insisterai, pour ma part, sur ce contenu.
A cet égard, le groupe CRC propose notamment que les retraites soient indexées sur l'évolution moyenne des salaires bruts, que soit garantie une retraite totale au moins égale à 75 % du salaire brut moyen des dix meilleures années de la carrière dans le secteur privé ou du traitement indiciaire brut des six derniers mois dans le secteur public et que soit prise en compte la totalité des rémunérations, primes et heures supplémentaires incluses, dans le calcul du montant des pensions.
Nous l'avons largement dénoncé depuis le commencement de ce débat : les mesures Balladur ont pour effet une diminution importante du niveau des pensions de base, amplifiée encore par la mise en place d'une décote par trimestre manquant lorsque les carrières sont incomplètes.
Des pénalités du même ordre pouvant atteindre jusqu'à 22 % s'appliquent depuis 1996 aux retraites complémentaires.
Pour corriger ces mauvais effets, nous proposons d'abroger les dispositions de la loi de 1993 et de donner à la personne la possibilité de prendre sa retraite à taux plein à 60 ans au plus tard après avoir cotisé pendant 37,5 annuités. A cette fin, les périodes non travaillées telles que les études, les contrats d'insertion, la recherche d'un premier emploi, les périodes de chômage et de fin de droit doivent être validées gratuitement en tant qu'annuités. Par ailleurs, nous demandons la suppression de tout principe de décote des pensions.
Dans ce cadre, nous devons aussi prendre en compte les situations particulières.
C'est ainsi que les femmes et les hommes ayant exercé des travaux pénibles ou contraignants doivent pouvoir faire valoir leur droit à la retraite à taux plein dès 55 ans.
De même, tout salarié doit pouvoir, après 40 ans de cotisation, obtenir immédiatement sa retraite à taux plein sans attendre son soixantième anniversaire.
Enfin, les personnes ayant à charge ou ayant eu à charge un enfant ou un adulte handicapé ou une personne dépendante doivent pouvoir bénéficier de mesures particulières dans la constitution de leur retraite.
Ces mesures ont un coût, c'est un fait que nous assumons, ce qui ne semble pas être votre cas, monsieur le ministre, puisque vous n'assumez pas vous-même le financement de votre réforme et repoussez le traitement de sa question à 2008. Reconnaissez donc que l'équilibre financier n'est pas assuré par votre réforme. Il vous est effectivement plus facile d'imposer aux salariés une nouvelle mise à contribution plutôt que d'aller chercher l'argent...
M. Charles Josselin. ... là où il est !
Mme Michelle Demessine. ... là où il nuit le plus à l'emploi.
L'accroissement du besoin de financement pose avec force l'enjeu de la répartition de la richesse nationale produite par le travail, à condition, bien entendu, d'inverser la tendance observée ces dernières années où la part des salaires dans la valeur ajoutée s'est fortement dégradée puisqu'elle est passée de 70 % à 60 % alors que la part du capital est passée de 30 % à 40 %.
Tel est le sens que nous donnons à la notion de solidarité et dont nous voulons débattre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Paul Loridant, pour explication de vote.
M. Paul Loridant. Il n'aura pas échappé au Gouvernement comme à la commission des affaires sociales que l'article 1er réaffirme effectivement le principe de la répartition. Pour autant, une fois ce principe affirmé, et après vous avoir entendu, monsieur le ministre, exposer vos intentions, la main sur le coeur, nous sommes quelques-uns à demeurer sceptiques et à vouloir vérifier, en déclinant article par article votre projet de loi, si cet objectif, que nous partageons certainement tous, est réellement servi par ce texte.
Vous me permettrez d'éprouver quelques doutes, lesquels me font dire que l'amendement présenté par ma collègue Mme Demessine est particulièrement bienvenu. En effet, introduire le mot « solidarité », c'est en quelque sorte, monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité, conforter vos positions : s'il est louable de votre part de vous déclarer favorables à la répartition, nous voulons, nous, vérifier que vous allez jusqu'au bout du principe que vous énoncez.
Or, à l'examen de ce projet de loi, nous constatons, en toute bonne foi, que s'il est adopté en l'état, il aboutira à la baisse des pensions de retraite.
M. Josselin de Rohan. Mais non !
M. Paul Loridant. Libre à vous d'estimer que l'objectif final est atteint par la baisse du niveau des pensions de retraite, que ce soit du fait de l'allongement de la durée de cotisation, du fait de la décote, du fait de nouvelles règles concernant les femmes au travail qui ont dû interrompre ou réduire leur activité professionnelle pour assumer leurs charges de famille ! Nous considérons, quant à nous, que ce projet de loi est en contradiction avec ce qui est affirmé dès l'article 1er.
Par ailleurs, si vous êtes vraiment sûr que la répartition est suffisante dans votre projet de loi, vous n'aurez pas de mal à admettre que l'on introduise le mot « solidarité ». En effet, il est question, dans ce projet de loi, non seulement de la retraite des salariés, mais aussi de celle des agriculteurs, des professions libérales et, que je sache, la majorité sénatoriale n'est pas indifférente à la retraite de ces catégories professionnelles. Si, donc, est réaffirmé le principe de solidarité, vous devriez voter cet amendement.
M. Jean Chérioux. Heureusement que vous êtes là ! Je n'y aurais pas pensé !
M. Paul Loridant. Nous réaffirmons ce principe de solidarité non seulement pour les salariés, mais pour toutes les catégories d'acteurs de la vie économique de ce pays.
Enfin, puisque la bonne intention de privilégier le régime de retraite par répartition est réaffirmée dans cet article, vous voudrez bien m'expliquer pourquoi figurent, dans le projet de loi, des dispositions relatives à l'épargne salariale et à l'épargne retraite !
Précisément, nous touchons là le coeur du débat ! Il va bien falloir faire la distinction entre ceux qui auront la capacité d'épargner, de préparer leur avenir, et ceux qui auront peu ou n'auront pas les moyens de le faire. Affirmer le principe de la répartition est une bonne chose, mais l'examen du projet de loi, article par article, montre qu'il conforte en fait les inégalités dans notre pays.
Nous le contestons et, pour vous aider à être en conformité avec vos aspirations, chers collègues de la majorité, cher ministre, nous vous proposons de voter l'amendement défendu par Mme Demessine. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Mme Demessine souhaite qu'un débat ait lieu, et je suis tout à fait disposé à m'y prêter, comme je l'ai fait à l'Assemblée nationale. C'est pour cette raison que je suis ici. Mais, pour qu'il y ait un débat, il faut qu'à un moment donné les arguments qui sont avancés par le Gouvernement, surtout lorsqu'il s'agit de faits, soient pris en compte. A défaut, je vous le dis dès à présent, il n'y aura pas de débat : vous ferez vos discours et je vous écouterai.
Quand vous dites que nous avons choisi de ne pas financer cette réforme alors que, depuis quatre semaines, je vous explique que les cotisations vieillesse augmenteront de trois points, vous énoncez une contrevérité. Ou bien vous acceptez de prendre en compte cet argument et vous changez de discours sur ce sujet, ou bien il n'y aura en effet pas de débat, parce qu'il ne peut y avoir de débat sans échange, et qu'un échange implique deux personnes.
En outre, je voudrais illustrer devant le Sénat la conception que certains, à gauche, ont de la solidarité s'agissant des retraites : 40 ans de cotisation pour les salariés du privé, 37,5 pour les fonctionnaires, c'est-à-dire que les plus modestes paient par leurs impôts les retraites des autres. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste. - Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo. C'était 37,5 ans pour tout le monde il n'y a pas si longtemps !
M. Henri de Raincourt. Cela fait mouche !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 46.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 45 est présenté par MM. Fischer, Bret et Coquelle, Mmes David et Luc et M. Renar.
L'amendement n° 48 est présenté par Mmes Demessine, Beaufils et Beaudeau, M. Foucaud, Mme Mathon, MM. Le Cam et Biarnès.
L'amendement n° 49 est présenté par Mme Borvo, M. Muzeau, Mme Bidard-Reydet, M. Ralite, Mme Terrade et M. Loridant.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Avant l'article 1er, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Préambule pour une réforme audacieuse dans l'intérêt du peuple du système français de retraite par répartition.
« Le peuple de France affirme solennellement les principes suivants. »
La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 45.
M. Henri de Raincourt. Il aurait pu défendre les trois !
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n'ai entendu dans cette enceinte que des propos catastrophistes sur les « défis démographiques », qui justifieraient, selon le Gouvernement, son projet de réforme demandant encore plus d'efforts aux salariés en activité pour assurer leur retraite.
Je n'entrerai pas dans un débat sur les projections et les simulations démographiques ; je laisse cela aux spécialistes. Je sais, en revanche, que les plus grands spécialistes en la matière ont recours à ce qu'ils appellent des « exercices de prospective » limités dans le temps - dix ans en général - supposant différentes hypothèses, haute et basse, et portant sur une problématique précise : évaluer le nombre de départs à la retraite dans la fonction publique dans les dix prochaines années, par exemple. Rien qui ressemble à une doctrine scientifique telle que le Gouvernement la revendique !
Je vois également que, sous le même terme générique, on parle aussi bien de l'évolution de pays qui présentent des problèmes de surpopulation que de pays dont le taux de nativité, ou plutôt de natalité est très faible.
Je vois encore que le MEDEF s'inscrit dans un scénario catastrophe en parlant « d'un hiver démographique sans précédent » et en présentant l'accroissement de l'espérance de vie et la part des plus de soixante ans dans la population comme une « catastrophe nationale ». De tels propos sont, à notre sens, cyniques et ignobles.
Le système par répartition sera exposé, à partir de 2005-2010, à un déficit démographique - tout le monde en convient -, si l'on additionne mécaniquement l'arrivée à la retraite des générations du baby-boom et l'allongement de l'espérance de vie après 60 ans. Mais peut-on se contenter de prolonger la tendance de ces vingt-cinq denières années ?
On sait que, durant cette période de référence, l'indice de fécondité était au plus bas. Cette période correspond également à l'entrée en crise ouverte du capitalisme, à la faible croissance durable, à la désindustrialisation des territoires, aux vagues de délocalisations, au chômage massif et à la montée de l'exclusion.
On sait enfin que les actifs de 2020 ne sont pas nés. Le marché du travail connaîtra la pénurie à cet horizon. Néanmoins, s'agissant de l'après-2020 ou 2025, on ne sait pas grand-chose.
Ce que l'on sait, en revanche, c'est que le regain relatif de la croissance, depuis 1995, s'est traduit par une remontée de l'indice de fécondité de 1,65 à 1,90, même s'il faut évidemment tenir compte du décalage de la procréation. Les enquêtes récentes montrent que le désir des couples s'établit à 2,3, donc au-delà du seuil de renouvellement des générations, à savoir 2,1.
Avez-vous mobilisé les moyens financiers et non financiers pour répondre aux désirs des couples ? Evidemment non !
Va-t-on assister, dans les prochaines années, à une nouvelle dynamique démographique, ou bien à un simple frémissement sans lendemain ? On sait que les ressorts démographiques d'une population sont intimement liés à son accès aux revenus, au pouvoir d'achat, à l'emploi, à la prise en charge collective de l'enfance, aux équipements collectifs et sociaux.
Les projections macroéconomiques de long terme ne peuvent prétendre non plus à une validité scientifique. Rien que pour les années 2002 et 2003, les prévisionnistes ont montré leur incapacité de prévoir l'évolution de la conjoncture à six mois !
M. le Premier ministre, M. le ministre du budget et notre collègue M. Marini juraient, la main sur le coeur, que la croissance serait de 2,5 % en 2003 ; aujourd'hui, ils estiment qu'elle s'établira à 0,8 %, voire à 0,7 % !
Les projections ne peuvent pas être fiables, tant pour un diagnostic qui porte sur les quarante années à venir que pour l'élaboration de politiques pertinentes sur le long terme.
Mais, vous l'avez dit vous-même, monsieur le ministre, « c'est un débat fondamental parce qu'il amorce des changements profonds dans notre pacte social ». C'est ce processus de bouleversement régressif des bases de notre société que nous refusons, et c'est pourquoi nous avons déposé cet amendement qui vise à sauvegarder les intérêts du peuple de France.
Notre projet alternatif s'appuie sur une vision d'ensemble développant la maîtrise sociale, à l'image de ce qui s'est fait en France à la Libération.
Faut-il rappeler les deux ordonnances promulguées par le général de Gaulle, dès 1945 ? La première crée les comités d'entreprise, qui permettent aux ouvriers de prendre la parole au sein de l'entreprise et de gérer un certain nombre d'activité et d'oeuvres sociales ; la seconde met en place la sécurité sociale, le 4 octobre 1945.
Nous sommes là dans une logique de renforcement de la solidarité sociale, alimentée par les années de combats et de réflexion de la Résistance !
Aujourd'hui, nous considérons que les progrès techniques et scientifiques nous permettent d'aller plus loin ; le retraite peut ouvrir la voie à une transformation des conditions mêmes de la production des richesses.
Je vais écourter mon propos (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP),...
M. Josselin de Rohan. Bonne idée !
M. Henri de Raincourt. Oh non !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oh non, c'est intéressant !
Mme Nicole Borvo. C'est dommage de réagir ainsi, chers collègues, parce que vous apprenez des choses ; cela vous remémore des périodes historiques intéressantes !
M. Guy Fischer. Eh oui ! D'un côté, la droite nie l'apport du travail salarié dans la constitution du capital. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Henri de Raincourt. Jamais !
M. Guy Fischer. C'est toute la différence. Monsieur de Raincourt, vous êtes vous-même bien placé...
M. Henri de Raincourt. Oui, parce que je suis capitaliste, moi !
M. Guy Fischer ... pour savoir que « le capital est du travail volé ».
MM. Henri de Raincourt et René Garrec. Du travail accumulé !
M. Guy Fischer. Ces propos sont tirés du livred'Auguste Blanqui, Critique sociale.
D'un autre côté, la droite se présente comme l'apôtre du travail, mais selon les dogmes de la finance, sous-entendu : travaillez plus, plus longtemps, gagnez moins, et taisez-vous, il faut que mon entreprise soit compétitive ! C'est la problématique qui sous-tend la réforme des retraites.
Monsieur le ministre, savez-vous qui a dit : « La vie n'est pas le travail : travailler sans cesse rend fou » ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est Fischer !
M. Guy Fischer. Personne ne sait, pas même nos collègues de la majorité ? Eh bien, c'est le général de Gaulle, cité par André Malraux dans son livre Les Chênes qu'on abat. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
J'appelle donc mes collègues sensibles aux besoins de solidarité et de transformation moderne et progressiste du système de répartition à voter cet amendement de fond. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter l'amendement n° 48.
M. Henri de Raincourt. C'est le même !
Mme Michelle Demessine. Non, ce n'est pas le même.
M. Jean-Pierre Fourcade. C'est exactement le même !
M. Jean Chérioux. On voit la bonne foi !
Mme Michelle Demessine. A travers cet amendement, nous tenons à réaffirmer que des propositions alternatives existent, que d'autres solutions que celles qui consistent à allonger la durée des cotisations et à mettre en place, en complément du système actuel, la capitalisation sont possibles.
Le vieillissement de notre population ne doit pas être envisagé sous l'angle d'un handicap économique insurmontable qui nous contraindrait à démanteler progressivement notre système de retraite fondé sur la solidarité.
La nécessité de la réforme des retraites ne peut, vous le savez, être envisagée indépendamment des enjeux liés aux nouvelles technologies, aux gains de productivité qu'elles génèrent et à la réduction du temps de travail qu'elles rendent possibles.
Toutes ces questions ont pourtant été exclues du débat et reléguées à l'arrière-plan, au profit des analyses purement comptables et financières, comme si l'on pouvait séparer aussi aisément les questions de financement de tout ce qui participe du mouvement réel de l'activité économique : l'emploi, la qualification, l'organisation du travail, l'utilisation des nouvelles technologies.
Les nouvelles technologies ont permis un accroissement des gains de productivité, c'est incontestable. Or la plupart des rapports tablent sur des chiffres assez faibles, dont on peut présager qu'ils sont en deçà de la réalité.
Cela est révélateur, me semble-t-il, des difficultés des mesures propres aux périodes de bouleversements technologiques profonds qui brouillent les modes traditionnels de mesure.
L'un des plus célèbres prix Nobel d'économie ne disait pas autre chose, en constatant que l'essor des nouvelles technologies était visible partout, sauf dans les statistiques.
Nous savons combien ces nouvelles technologies, mieux utilisées, sont à même de permettre une réduction du temps de travail à l'échelle d'une vie entière, permettant d'envisager la retraite comme un troisième temps de la vie, ce qui suppose, bien entendu, un niveau décent de pensions.
Nous défendons donc le droit de disposer d'une retraite à taux plein pour tous ceux qui ont 37,5 annuités de cotisations.
Pour cela, nous devons également tenir compte des transformations sociales qui se sont produites au cours des trente dernières années. Ainsi en est-il de l'allongement de la durée des études et de l'entrée dans la vie active plus tardive, des parcours de vie plus heurtés avec des périodes alternées de chômage et d'activité, de la plus longue durée de recherche d'un premier emploi. Nous pensons que ces périodes non travaillées, comme les études, les contrats d'insertion, les périodes de fin de droit et de chômage doivent être prises en compte dans le calcul et validées gratuitement.
Enfin, comme je l'ai souligné précédemment, nous ne pouvons envisager une réforme des retraites sans mener une véritable réforme du financement de notre économie. Développer l'emploi, la formation, la qualification, c'est faire preuve d'un réel volontarisme politique, capable de nous faire renouer avec une croissance saine et durable, à même de garantir le financement de nos retraites.
L'on doit aujourd'hui s'interroger sur les mécanismes qui affaiblissent notre croissance et qui génèrent des inégalités sociales. Au premier rang de ces facteurs figurent les marchés financiers. Ils puisent non seulement dans nos richesses créées, mais, qui plus est, ils imposent à nos industries des taux de rentabilité défiant tout raisonnement économique.
Plutôt que d'exonérer les entreprises des charges sociales, des mesures cherchant à dissuader les placements financiers à court terme et à réorienter le flux des investissements vers des projets de développement de l'activité productive sur le long terme seraient sans aucun doute plus efficaces sur le plan économique.
Favoriser les entreprises créatrices d'emplois, soucieuses d'emplois qualifiés à la hauteur des nouvelles technologies et faisant progresser les salaires en conséquence sont autant de mesures permettant d'assurer le financement de nos retraites en relançant l'activité économique.
La modulation des taux de cotisation en fonction de la part relative des salaires dans la valeur ajoutée globale constitue, nous le pensons, une réponse appropriée pour mettre un terme à la croissance financière qui tue l'emploi. L'instauration d'une cotisation additionnelle sur les revenus financiers des entreprises et des banques à hauteur de la contribution des salariés en est une autre.
Cela suppose aussi de cesser les exonérations de cotisations sociales patronales, dont le coût pour la collectivité est des plus élevé et qui, jusqu'à présent, n'ont fait preuve d'aucune efficacité en termes de création d'emplois.
Telles sont les motivations de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 49.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. C'est le même !
M. Roland Muzeau. Avec le projet de loi portant réforme des retraites, le gouvernement de M. Raffarin nous offre une vision purement comptable de l'avenir des Français. La réforme consiste, nous dit-on officiellement, à travailler plus pour économiser plus.
Loin de cette vision très étriquée, les sénateurs communistes considèrent que toute réflexion sur les retraites doit s'insérer dans un projet de réforme ambitieux ayant pour objectif ultime la transformation de la société.
Tel est l'objet du présent amendement, qui tend à créer les principes directeurs autour desquels devrait être structurée toute réforme audacieuse, dans l'intérêt du peuple, du système français de retraite par répartition. Or celle que nous propose le Gouvernement n'est ni audacieuse ni élaborée dans l'intérêt du peuple ; encore moins vise-t-elle à garantir le système de retraite, par répartition.
La réforme est frileuse, car elle fait l'économie des questions centrales, notamment celle de la place du travail dans la société. Aborder la question des retraites en occultant complètement la situation du travail est une aberration, si l'on veut bien avoir à l'esprit le fait que le travail est de plus en plus pénible, de plus en plus usant, de plus en plus précaire et de moins en moins sécurisé.
Faire une réforme audacieuse dans l'intérêt des Français, de tous les Français - et non de quelques hauts dirigeants ou cadres d'entreprise qui auront peut-être, eux, les moyens de capitaliser leur retraite, surtout s'ils ont mis de côté toutes les plus-values des différents produits financiers qui sont à leur disposition -, c'est prendre le pari de l'emploi et de sa juste rémunération.
C'est en favorisant l'emploi, la qualification et la formation que l'on pourra prétendre à un financement des retraites qui soit juste et équilibré, et qui ne repose pas sur l'abaissement du niveau de vie des retraités. Il faut une réforme qui permette de prendre en compte toutes les périodes non travaillées, comme les études, les contrats d'insertion, les recherches d'emploi. Mais la politique du Gouvernement, qui précarise et « désécurise » l'emploi, qui diminue l'ensemble des crédits de la recherche tout en cherchant à l'étranger des qualifications qu'elle ne veut plus financer, qui prétend défendre la culture française en lui imposant une exigeance de rentabilité, est exactement inverse. Voilà ce que vise le Gouvernement !
Lorsque, à la fin de l'année 1999, j'ai appris que Michelin avait décidé de licencier 7 500 salariés juste après avoir annoncé des bénéfices records pour cette même année, j'ai cru que c'était une blague. J'ai pensé : « Pas en France, et pas comme ça ! », car, pour moi, la France, c'était autre chose. C'était un pays qui faisait passer le bien-être de ses citoyens avant l'obsession du profit, qui reconnaissait la valeur du travail et qui avait établi un contrat social implicite. Si vous travaillez dur et que votre entreprise prospère, vous aussi allez prospérer.
Tout cela, c'est fini. Cette France n'existe plus. La décision de Michelin de punir ses salariés pour leur contribution à la prospérité de leur entreprise, une des plus riches du monde, peut être interprétée comme un tournant majeur. Elle marque le jour où la France a décidé d'ignorer sa tradition d'équité et de décence, et de déclarer la guerre à son propre peuple. Ce sont les mots de Michael Moore en introduction de son livre Dégraissez-moi ça ! En fait de guerre contre les Français, le gouvernement Raffarin a choisi la guerre totale.
M. Jean Chérioux. Rien que ça !
M. Roland Muzeau. Hier, c'était l'emploi, avec la remise en cause de la loi de modernisation sociale et de toutes ses avancées en matière de licenciements ; aujourd'hui, ce sont les retraites et le glissement insidieux vers la capitalisation ; demain, ce sera la sécurité sociale, qui est en passe d'être privatisée.
Les sénateurs communistes se battront pied à pied contre cette vision régressive qui met en péril l'ensemble des systèmes de protection dans leur ensemble et valorise le capital plutôt que le travail. Fort du soutien de la majorité des Français - soutien que j'ai rappelé ce matin en évoquant le dernier sondage selon lequel 58 % sont défavorables à votre projet -, ils se battent pour la justice et l'équité auxquelles ne peut prétendre cette réforme. Telles sont les raisons pour lesquelles nous appelons à adopter notre amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission est défavorable à ces trois amendements.
Madame Demessine, vous sembliez hésiter en début de propos, mais votre amendement est bien identique aux amendements présentés par MM. Fischer et Muzeau.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement est hostile à ces trois amendements pour les raisons que j'ai indiquées tout à l'heure.
Je voudrais faire une remarque à M. Fischer. Je ne sais pas si c'est Auguste Blanqui qui a dit que l'iconoclaste est un idolâtre, mais je suis fasciné par l'importance des références religieuses dans le discours du parti communiste.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ils avancent masqués ! (Sourires.)
M. François Fillon, ministre. A l'Assemblée nationale, Jean-Pierre Brard nous a donné des leçons de théologie brillantes et, à l'instant, M. Fischer vient de confondre natalité et nativité.
M. Guy Fischer. Non !
M. François Fillon, ministre. C'est un lapsus lourd de sens ! (Rires. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Tout à l'heure, Mme Luc, pour qui j'ai beaucoup de révérence, a employé un verbe qui m'a étonné. Elle a dit que nous voulions « torpiller » le débat.
Mme Hélène Luc. Mais c'est mon impression !
M. Jean-Pierre Fourcade. Après avoir écouté avec beaucoup d'intérêt les trois exposés de Mme Demessine, de M. Fischer et de M. Muzeau sur le même amendement, j'ai deux questions à poser, monsieur le président.
Première question : est-il concevable que trois sénateurs d'un même groupe politique disposent chacun de cinq minutes - soit au total quinze minutes - pour défendre le même amendement ?
Deuxième question : est-il possible, à l'occasion de la présentation d'un amendement visant à introduire un préambule dans le projet de loi, de faire un exposé général sur des sujets aussi divers que la dérive des produits financiers ou la gestion de l'entreprise Michelin ?
Monsieur le président, au fauteuil où vous êtes, je souhaite que vous fassiez appliquer le règlement afin que nous ne passions pas notre temps à discuter longuement d'amendements identiques ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Danielle Bidard-Reydet, pour explication de vote.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Par cet amendement, nous souhaitons insérer, avant l'article 1er, un préambule définissant une réforme audacieuse du système français de retraite par répartition et dans l'intérêt du peuple.
Vous le savez tous ici, c'est en 1853 qu'une loi a institué le premier système de retraite par répartition destiné aux fonctionnaires. Depuis s'est construit, petit à petit, grâce à des luttes difficiles, souvent exemplaires, un système de retraite qui donne à chacun l'assurance que sa cessation d'activité ne se traduira pas par une perte importante de revenus. Ce système permet une véritable solidarité entre les générations.
Les tentatives de remise en cause de cette logique solidaire par l'introduction de la capitalisation sont nombreuses. Je citerai, parmi les mesures les plus récentes, la réforme Balladur, qui marque en 1993 un recul très important, mais aussi le fameux Livre blanc de M. Michel Rocard en 1991, le rapport Charpin en 1999, sans oublier la tentative en 1995, dite « plan Juppé », que les salariés ont heureusement pu mettre en échec.
Toutes ces réformes et tentatives de réformes vont dans le sens que préconise le MEDEF et sont à l'opposé de ce qu'il faudrait mettre en oeuvre pour notre peuple.
Tous ceux qui entrent dans cette logique libérale et sociale libérale répètent que le système par répartition serait à bout de souffle, submergé par la vague immense des « papy-boomers ». Nous pensons qu'en ce domaine comme dans d'autres, rien ne relève de la fatalité. Les travaux du Conseil d'orientation des retraites, mis en place en mai 2000, ont permis tout au contraire d'avancer dans le diagnostic et dans l'identification des choix possibles en matière de retraites.
Vous le savez, monsieur le ministre, il est prévu, selon un calcul comptable, que, en 2040, 1,7 salarié produira autant de richesses que quatre salariés en l'an 2000.
Nous sommes favorables - nous l'avons déjà dit, mais nous le répètons - à ce qu'une véritable réforme du financement soit mise en oeuvre.
Elle passe à notre avis par le développement de l'emploi, par la qualification, par la formation et par une augmentation substantielle des salaires. Elle passe aussi par une modulation des taux de cotisation en fonction de la part plus ou moins grande des salaires dans la valeur ajoutée, cela en vue d'aider les entreprises qui créent effectivement des emplois et augmentent le niveau des salaires et des qualifications et, en revanche, de pénaliser celles qui n'ont pour objectif que la croissance financière.
Dans le même esprit, nous considérons qu'une vraie réforme doit intégrer tous les éléments de la rémunération dans l'assiette des cotisations sociales et augmenter la part patronale dans les cotisations qui est bloquée depuis près d'un quart de siècle.
Pour toutes ces raisons, nous invitons le Sénat à adopter notre amendement n° 45. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, pour explication de vote.
Mme Marie-Claude Beaudeau. D'abord, je voudrais revenir quelques instants sur la discussion que nous avons eue au début de la séance cet après-midi.
Si je vous ai bien compris, monsieur le président de la commission des affaires sociales, vous nous proposez en fait d'examiner quelque 120 amendements avant vingt heures.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela dépendra du temps que vous passerez sur chacun d'entre eux !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cela dépend aussi du temps que vous nous donnerez ! (Rires.)
M. Jean Chérioux. Ces amendements sont répétitifs !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous y passerons le temps nécessaire pour donner une cohérence à nos propositions, monsieur About !
Je voudrais rappeler ici que, lundi matin, la commission des finances a été convoquée à dix heures pour entendre M. Gouteyron, en tant que rapporteur pour avis de la commission des finances, sur les amendements qui avaient été déposés. Nous avons donc commencé nos travaux à dix heures, et la séance a été close à midi. Or, en une heure quarante-cinq - d'ailleurs, M. Gouteyron, qui est présent, pourra confirmer mes propos -, nous avons examiné entre quinze et vingt amendements.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Dix-neuf !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Par conséquent, je ne vois pas comment nous pourrions, en même pas deux heures, examiner plus d'une centaine d'amendements ! Il y a là, me semble-t-il, une incohérence totale. Pour ma part, je me félicite du travail que nous avons accompli en commission des finances et je m'étonne que l'on ne veuille pas faire de même ici, alors que nous sommes beaucoup plus nombreux !
J'en viens à l'amendement que nous proposons.
Il s'agit d'un amendement en faveur d'une réforme audacieuse de notre régime de retraite, et ce dans l'intérêt du système français de retraite pas répartition.
Il met en complémentarité trois notions en faveur de la réforme : l'audace, l'intérêt du peuple français et notre système de répartition.
Lorsque vous avez répondu dans la nuit à l'ensemble des orateurs qui sont intervenus au cours de la discussion générale, monsieur le ministre, vous n'avez absolument pas évoqué une des propositions que j'avais faites sur la possibilité d'une cotisation sociale. J'ai encore recherché ce matin : pas un mot sur la question ! Or c'est une proposition qui « tient la route ». Elle a été défendue par de nombreux économistes et, jusqu'à preuve du contraire, vous ne vous êtes pas inscrit en faux.
Sur les trois amendements que nous avons déposés tout à l'heure, je m'attendais, monsieur le ministre, à une prise de position noble de votre part. Or vous n'avez répondu que sur la forme, et non sur le fond. Je suis extrêmement déçue. J'ai envie de dire que c'est vous qui manquez d'audace dans votre façon de rejeter notre démarche.
Vous nous avez dit hier soir, à plusieurs reprises, que nos propositions ne servaient à rien, qu'elles aboutiraient à accabler le peuple français d'impôts,...
M. Jean Chérioux. Ça, c'est vrai !
Mme Marie-Claude Beaudeau. ... de taxes et de charges, à réduire la croissance, l'emploi...
M. Jean Chérioux. C'est aussi vrai !
Mme Marie-Claude Beaudeau. ... et, finalement, à ne trouver aucune solution au financement des retraites.
Vous balayez d'un revers de main le côté humain et audacieux de notre proposition visant à permettre à l'homme et à la femme de travailler moins pour bénéficier d'une autre vie de repos, de paix, de loisirs, d'activités culturelles, et d'une vie familiale aussi.
M. René-Pierre Signé. Le côté humain, ça ne les intéresse pas !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je suis obligée de vous rappeler nos propositions : départ à la retraite à soixante ans, retraite à taux plein avec 37,5 annuités de cotisation pour tous, prise en compte des périodes non travaillées, comme celles des études, de fin de droit, et validées gratuitement comme annuité, mais aussi liberté de départ anticipé avant soixante ans afin de gommer les inégalités face à l'espérance de vie liées à la pénibilité du travail, à la précarité, aux astreintes professionnelles.
J'ai d'ailleurs entendu d'autres collègues hier soir, lors de la discussion générale, sur d'autres travées que celles du groupe communiste républicain et citoyen, évoquer la question de la pénibilité du travail pour certaines catégories. Et je compte bien, à l'occasion du débat sur nos amendements, ainsi que sur ceux qui ont été déposés par certains de mes collègues, revenir sur ce sujet, parce que, monsieur le ministre - je vois que vous hochez la tête et vous avez raison -, le départ progressif à la retraite de ceux qui travaillent péniblement est un vrai sujet. Je pense aux travailleurs, aux chômeurs âgés qui ne retrouveront jamais de travail et pour lesquels il faut organiser le départ à la retraite.
Ces conditions nouvelles de vie seraient plus propices à une dernière partie de vie plus riche, humainement, pour chaque citoyen. Mais vous n'en parlez pas. D'ailleurs, on se demande ce que vous en pensez. Dites-le clairement et ne vous contentez pas de répondre qu'une telle réforme serait contraire aux intérêts du peuple de France, incompréhensible et injustifiable !
Vous affirmez seulement qu'elle accablerait le citoyen d'impôts et de taxes, pour évoquer le problème de financement des retraites.
M. le président. Il faudrait conclure, madame Beaudeau !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je suis au regret, monsieur le ministre, de vous dire que le financement que nous vous proposons est l'antithèse de vos allégations. Ces dernières vont à l'encontre de ce que nous dicteraient de faire la réduction de la croissance et celle de l'emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Jean Chérioux. Quelle leçon d'économie soviétique ! On a vu ce que ça a donné !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mme Beaudeau, manifestement, ne m'a pas compris. Nul, ici, n'a dit que l'on ne discuterait pas des amendements réservés. Ils n'ont nullement été, pour l'instant, frappés d'irrecevabilité, même si plus de 20 % d'entre eux pourraient l'être - ou le seront - en vertu de l'article 40.
Vous affirmez, madame la sénatrice, que vous ne disposez pas de beaucoup de temps pour défendre vos amendements, et vous prenez en exemple la commission des finances qui, en deux heures, en a étudié dix-neuf.
Je vous rappelle, madame Beaudeau, que le groupe CRC a déposé cinquante-deux amendements avant l'article 1er, qui doit être discuté avant dix-neuf heures trente, et que, sur ces cinquante-deux, vingt-cinq sont identiques à la lettre près, au mot près ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Nous venons d'en avoir la démonstration, puisque ces trois amendements sont identiques à la virgule près !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ce n'est pas vrai ! Non, pas à la virgule près, on ne peut pas laisser dire cela !
M. Jean Chérioux. A deux virgules près, alors ! (Sourires.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le groupe CRC a donc grosso modo à défendre vingt-sept amendements différents, et, si la commission des finances a pu en examiner dix-neuf en deux heures, nous devons être largement capables d'en étudier vingt-sept en quatre heures ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. René-Pierre Signé. Information contestable !
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour explication de vote.
Mme Josiane Mathon. Nous continuons de penser que tous les salariés devraient pouvoir bénéficier d'une retraite à taux plein après trente-sept annuités et demie de cotisation. Il s'agit bien de défendre notre système de retraite par répartition, fondé sur la solidarité entre les générations et à même d'assurer la cohésion de notre société. Cette vision repose sur une analyse des réalités sociales et économiques qui permet d'envisager des solutions de remplacement fondées sur un partage des gains de productivité et sur une répartition plus équitable des richesses créées.
De plus, depuis les années quatre-vingt, et malgré les gains considérables de la productivité globale à laquelle s'ajoute une augmentation de l'intensité du travail dans certaines industries où des efforts importants ont été demandés aux salariés, la part des salaires dans la valeur ajoutée n'a cessée de diminuer. La restauration des profits des entreprises n'a pas pour autant permis d'assurer une croissance riche en emplois et stable. Au contraire, la croissance est de plus en plus heurtée et s'essouffle continuellement, tandis que le chômage augmente de nouveau.
Cette situation est paradoxale dans la mesure où les gains de productivité engendrés par les nouvelles technologies ne débouchent pas sur un développement économique riche en création d'emplois. Au contraire, les inégalités sociales se creusent au gré des euphories boursières et des krachs qui s'ensuivent.
Votre réforme vise précisément, monsieur le ministre, à conforter les marchés financiers, en leur permettant de capter l'épargne salariale et les fonds de capitalisation que les salariés - ceux qui le pourront - seront contraints de se constituer pour s'assurer une retraite décente.
Par ces amendements, nous avons tenu à affirmer notre opposition au développement des fonds de pensions et à l'individualisation de la retraite. Cette financiarisation de nos retraites que vous engagez risque de placer les individus dans une insécurité permanente du fait des spéculations boursières et des malversations financières auxquelles on a tristement assisté ces dernières années.
Pensez-vous qu'il suffise d'accroître la transparence des comptes des entreprises ou de moraliser les moeurs boursières pour faire face à ce qui ne s'apparenterait qu'à des dysfonctionnement passagers ? L'affaire Enron constitue-t-elle l'un de ces dysfonctionnements que l'on pourrait corriger si les comportements étaient plus éthiques ? La faillite des fonds de pensions américains relèverait-elle d'une question de morale ?
Nous sommes convaincus que le dysfonctionnement est inhérent au marché financier et qu'en ouvrant la voie au développement de la capitalisation vous faites courir de graves dangers à notre système de retraite.
La financiarisation de nos économies compromet, par sa logique même, la croissance économique. Les exigences actuelles de rémunération du capital investi sont significatives d'un dérèglement de l'ensemble de notre système. Car exiger de la production réelle des taux de rendement de l'ordre de 15 %, c'est être complètement déconnecté des réalités économiques. La conséquence immédiate, c'est un chômage durable et une précarisation accrue du monde du travail.
Une attitude morale et responsable consiste à éviter que ne se développe la financiarisation de notre système de retraite, et non pas à croire qu'il suffirait d'injecter des mesures d'ordre éthique susceptibles de contraindre le comportement des marchés financiers, dont la logique même est fondée sur la rentabilité immédiate élevée de titres financiers, de papiers, circulant de place en place à l'appel des fluctuations juteuses.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous tenions à réaffirmer la nécessité de pérenniser notre système actuel de retraite par capitalisation. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote.
Mme Hélène Luc. Ce qui est extraordinaire, dans le débat sur les retraites, c'est que ce qui devrait être considéré comme un progrès, à savoir l'allongement de l'espérance de vie et celui de la durée des études, devient un prétexte, pour les partisans de la logique libérale, pour remettre en cause des droits sociaux acquis. Ainsi, ce qui devrait être un mieux est transformé en recul de civilisation. Pourtant, à chaque fois qu'une découverte médicale est annoncée et que l'espérance de vie est allongée, nous sommes nombreux à nous en réjouir, car, parmi celles et ceux qui vont en profiter, nous avons des êtres chers. C'est cela le progrès, c'est cela la civilisation !
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, votre réforme va à contre-courant de l'histoire. A qui feriez-vous croire que notre société n'a pas les moyens de financer collectivement ces retraites plus longues induites par les progrès médicaux, notamment ? Evidemment, pour cela, il faut prélever une part supplémentaire des richesses produites, et vous savez, monsieur le ministre, que nous avons des propositions très précises à cet égard.
M. Jean Chérioux. Et très réalistes !
Mme Hélène Luc. Avec cette réforme, le Gouvernement a fait le choix de revenir sur un objectif des trente dernières années, à savoir établir la parité entre le niveau de vie des actifs et celui des retraités. Nous voulons, au contraire, que notre pays se donne les moyens d'atteindre et d'améliorer cette parité de niveaux de vie. C'est pourquoi nous souhaitons que tous les salariés puissent bénéficier d'une retraite à taux plein après 37,5 ans de cotisation. Cette mesure correspond aux aspirations profondes des salariés à ne pas travailler au-delà de 60 ans et elle est rendue possible par les progrès techniques et l'amélioration constante de la productivité du travail.
Votre réforme est d'autant plus paradoxale que, au moment même où l'on prétend faire travailler plus les salariés âgés, les entreprises n'ont qu'un souci, se débarrasser au plus vite des salariés les plus âgés, ce qui n'empêche pas que certains vantent leurs mérites, leurs connaissances et leurs capacités.
Toutefois, au-delà de ces apparents paradoxes, cette réforme possède une cohérence fondamentale, celle de donner le plus de cadeaux possibles au patronat et de préparer les fonds de pension, même s'ils ne portent pas officiellement ce nom. En cela, elle est fidèle à la logique de la réforme Balladur. Mais, comble de l'injustice, en même temps que vous multipliez les cadeaux au grand patronat, vous demandez aux Français de travailler plus longtemps pour, in fine, percevoir des pensions en forte baisse.
M. Jean Chérioux. C'est un discours ringard !
Mme Hélène Luc. Les Français se rendent compte de ce recul que le Gouvernement veut leur imposer et disent : « non ». Au Parlement, nous ne pouvons que relayer ce refus tout à fait justifié.
Monsieur le ministre, vous avez beau dire que ce que vous proposez est bon pour les salariés, ils ne sont pas d'accord ! Ils vous le disent dans la rue. Ils continuent et continueront à le dire, et une majorité de Français les soutiennent.
Pour toutes ces raisons, nous sommes amenés à vous proposer d'insérer cet article additionnel avant l'article 1er. Mesdames, messieurs de la majorité, votre vote sera révélateur de ce que vous voulez faire de ces retraites. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 45, 48 et 49.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme Hélène Luc. Voilà ! C'est révélateur ! (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Une petite leçon de morale, cela ne fait pas de mal !
M. Jean Chérioux. Un beau numéro de cirque !
M. Alain Gournac. Le ridicule ne tue pas ! C'est heureux pour vous !
Division additionnelle avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 47, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, insérer la division additionnelle suivante :
« Chapitre Ier
« De la solidarité. »
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Cet amendement a déjà été défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, car il s'agit toujours d'insérer, à côté du mot : « répartition », le mot : « solidarité ».
M. Jean Chérioux. C'est un pléonasme, car solidarité et répartition, c'est la même chose !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 47.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. Je suis saisi de dix amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 50 est présenté par MM. Fischer, Bret et Coquelle, Mmes David, Didier et Luc et M. Renar.
L'amendement n° 51 est présenté par Mmes Demessine, Beaufils et Beaudeau, M. Foucaud, Mme Mathon, MM. Le Cam et Biarnès.
L'amendement n° 52 est présenté par Mme Borvo, M. Muzeau, Mme Bidard-Reydet, M. Ralite, Mme Terrade et M. Loridant.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Avant l'article 1er, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« La solidarité entre les générations constitue le principe et la fin de toute réforme du système de retraite. »
Les trois amendements suivants sont également identiques.
L'amendement n° 53 est présenté par MM. Fischer, Bret et Coquelle, Mmes David, Didier et Luc et M. Renar.
L'amendement n° 54 est présenté par Mmes Demessine, Beaufils et Beaudeau, M. Foucaud, Mme Mathon, MM. Le Cam et Biarnès.
L'amendement n° 55 est présenté par Mme Borvo, M. Muzeau, Mme Bidard-Reydet, M. Ralite, Mme Terrade et M. Loridant.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Avant l'article 1er, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« La répartition est le seul moteur efficace de la solidarité intergénérationnelle. Elle seule permet de conforter le principe fondateur de la retraite inscrit dans le fonctionnement de la branche vieillesse de la sécurité sociale française : assurer à chacun un revenu décent face aux aléas de l'existence. »
L'amendement n° 821, présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Le système de retraite par répartition est au coeur du contrat social entre les générations. Il garantit à chacun un niveau élevé de pension. »
L'amendement n° 823, présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vartomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Le système de retraite par répartition est au coeur du contrat social entre les générations. Il est garanti par la mise en oeuvre d'un pacte national pour l'emploi. »
L'amendement n° 824, présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Le système de retraite par répartition est au coeur du contrat social entre les générations. Il garantit le pouvoir d'achat des pensions de retraite. »
L'amendement n° 802, présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« La réforme des retraites doit faire l'objet d'une véritable négociation entre les pouvoirs publics et les partenaires sociaux afin de garantir le choix du système par répartition au coeur du pacte social qui unit les générations. »
La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 50.
M. Guy Fischer. Le principe de solidarité doit fonder le système de retraite français.
Or, avec ce projet de réforme conservatrice, monsieur le ministre, c'est à une offensive sans précédent contre les droits de l'ensemble des salariés, du privé comme du public, que l'on assiste.
Avec les allongements successifs de la durée de cotisation, alors que les générations en activité ont déjà de plus en plus de mal à simplement atteindre un durée de cotisation minimale du fait de carrières incomplètes, de périodes de chômage, de travail à temps partiel, c'est une lourde amputation du niveau des pensions qui est programmée.
A moins de considérer qu'il n'est plus besoin de salariés qualifiés, ayant fait des études, qui pourront à l'avenir aligner quarante-deux années de cotisations.
Comment y parvenir alors qu'actuellement près des deux tiers des salariés du privé qui liquident leur pension ne sont déjà plus en activité, victimes du chômage, des restructurations ou des délocalisations ?
Ce n'est pas en s'attaquant aux droits des fonctionnaires que cette situation sera modifiée !
Quel intérêt y a-t-il à allonger la durée de cotisations, objectif essentiel de la réforme, alors que les entreprises mettent les salariés de plus de 50 ans à la porte, ce qui n'empêche d'ailleurs pas le chômage des jeunes d'atteindre un niveau record au sein de l'Union européenne ?
Comment oublier les déclarations de M. Guillaume Sarkozy, vice-président du MEDEF, se vantant d'être fier de délocaliser des entreprises ?
Pourquoi maintenir plus longtemps les anciens salariés au chômage et préférer financer un chômeur plutôt qu'un retraité ?
Après avoir pratiqué le « jeunisme », le nouveau mot d'ordre sera-t-il de « seniorisme » ? On sait que c'est un objectif du Gouvernement.
D'ailleurs, M. Denis Kessler disait : « Il va falloir mettre autant d'énergie à garder les salariés âgés qu'on en a mis à les faire partir. »
Mais cela vaut également pour le secteur public : allonger la durée de cotisation et ainsi pousser à un départ à la retraite plus tardif, alors que de si nombreux jeunes chômeurs cherchent désespérément une place, revient à préférer maintenir au travail un fonctionnaire âgé plutôt que d'embaucher un jeune chômeur.
Drôle de choix, rendu encore plus aberrant au moment où vous décidez de ne remplacer qu'un départ à la retraite de fonctionnaire sur deux. Et cela, c'est la vérité.
Après avoir opposé le secteur public au secteur privé, rendant responsables les fonctionnaires des malheurs des salariés du privé, vous allez opposer les jeunes aux plus anciens, rendre ces derniers responsables du chômage des premiers, et miner ainsi la solidarité intergénérationnelle !
Monsieur le ministre, que faites-vous de l'opinion des Françaises et des Français qui, à 70 %, préfèrent ne pas travailler après 60 ans ?
Vous déclarez conserver le système par répartition, mais vous en évacuez le fond : le droit à la retraite repose non pas sur le fait d'avoir cotisé, mais sur celui d'avoir travaillé. Une génération gagne le droit à la retraite parce qu'elle a, par son activité, jeté les bases du niveau de vie des générations suivantes.
Chaque génération, comme on le dit communément, « monte sur les épaules de la génération précédente ». En contrepartie, les générations encore en activité doivent assurer le niveau de vie de celles qui sont parties à la retraite, y compris quand une dimension de ce niveau de vie est l'allongement de la durée d'existence.
Voulez-vous que nous disions aux plus anciens que nous sommes prêts à leur assurer une retraite décente à condition qu'ils ne vivent pas trop longtemps ? Certainement pas !
Les retraités ont droit à une retraite plus longue parce que l'allongement de l'espérance de vie qui la rend possible est en grande partie le fruit de leurs efforts passés, quand ils étaient en activité.
Je vais m'arrêter là, même si, bien entendu, je pourrais développer très longuement encore ce point. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Merci de votre synthèse ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter l'amendement n° 51. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Fourcade. C'est le même !
Mme Nelly Olin. C'est exactement le même !
M. Jean Chérioux. Peut-on savoir quelle est la différence entre les deux amendements ?
M. Dominique Braye. Ils ont oublié les points sur les « i » !
Mme Michelle Demessine. L'amendement que nous vous proposons a l'ambition de poser en principe préalable à notre système de retraite la notion de solidarité entre les générations.
Nous tenons à rappeler que c'est la solidarité qui, au lendemain de la Libération, a permis l'élaboration de notre système de protection sociale et qui, par là même, a mis pour la première fois les Français à l'abri des aléas de la vieillesse.
Jamais, dans toute l'histoire, un tel principe de protection, uniquement fondé sur la solidarité, n'avait été envisagé. Les conditions dans lesquelles il a vu le jour étaient pourtant difficiles : vous le savez, la guerre avait dévasté le pays, la population sortait à peine de la pénurie et les privations n'étaient pas terminées.
M. Hilaire Flandre. Vous n'y étiez pas !
M. Alain Gournac. Ne parlez pas de ce que vous ne connaissez pas !
Mme Michelle Demessine. Le reconstruction était encore à faire. Il fallait reloger des villages entiers.
Toute l'énergie de notre pays était mobilisée pour son redressement économique. Et pourtant, un système d'assurance vieillesse fondé sur la solidarité a pu être élaboré, alors que le pari semblait impossible.
Dès lors, pourquoi, aujourd'hui ne serait-il plus possible d'envisager une retraite décente à 60 ans ? Le principe de solidarité n'est pas opposé au principe d'efficacité. Notre système de retraite n'a cessé de se développer au cours des années.
La solidarité, facteur de justice sociale, est également garante de stabilité. Elle est même la condition de l'efficacité économique.
Au cours des trente glorieuses, solidarité et développement économique étaient conciliables. Pourquoi, aujourd'hui, alors que nous sommes parmi les cinq premières puissances économiques et commerciales du monde, alors que nos ressources sont infiniment plus grandes qu'au lendemain de la guerre (C'est sûr ! sur les travées du groupe CRC), remettez-vous en cause notre système de retraite au nom de l'efficacité économique ?
Si nous consacrons moins d'argent à la progression sociale, en particulier aux retraites, nous verrons l'individualisme progresser et la solidarité reculer.
En 2040, la part du PIB à consacrer aux retraites serait, d'après vos précisions, multipliée par 1,5 par rapport à aujourd'hui. Mais vous oubliez que, théoriquement, le produit intérieur brut devrait, en quarante ans, être multiplié par deux. Ces prévisions, bien qu'elles soient hypothétiques,...
M. Jean Chérioux. C'est le moins qu'on puisse dire !
Mme Michelle Demessine. ... laissent tout de même une bonne marge de manoeuvre. (M. le rapporteur rit.)
Avec votre réforme, vous placez au centre de notre société le principe de l'individualisme.
Mme Hélène Luc. Eh oui !
Mme Michelle Demessine. Vous demandez toujours plus à l'individu pour pallier les risques liés à la maladie, à la vieillesse, au chômage.
Vous oubliez le principe essentiel de la solidarité, qui doit être au coeur de notre système social. C'est en effet la solidarité qui maintiendra l'unité de notre société ; c'est elle qui en assurera l'équilibre.
Voilà pourquoi notre amendement vise à réaffirmer de manière rigoureuse le principe vital de la solidarité entre les générations.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour défendre l'amendement n° 52.
Mme Nicole Borvo. Il est défendu.
M. le président. La parole est à Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 53.
M. Guy Fischer. La reconnaissance d'un droit au travail, à un vrai salaire, est indissociable du droit à la retraite et du choix d'un système par répartition, d'une part, et de la solidarité entre les générations, d'autre part. C'est un principe que vous avez carrément évacué, mais qui revêt aujourd'hui une importance particulière.
« Je n'ai jamais séparé la République des idées de justice sociale dans la vie privée, sans lesquelles elle n'est qu'un mot », a dit Jean Jaurès. Avec cet amendement, nous souhaitons remettre véritablement le mécanisme de répartition au coeur de notre système de retraite pour qu'il continue d'être juste.
Nous ne désirons pas individualiser la retraite selon les revenus, comme cela se profile dans votre projet de loi, monsieur le ministre. Pour nous, en effet, quels que soient sa condition sociale, son déroulement de carrière, chacun doit pouvoir disposer d'un revenu qui lui permette de vivre décemment la dernière période de sa vie. Pour apporter cette garantie, la solidarité et la répartition sont nécessaires dans les faits. Ce n'est pas le cas avec le texte qui nous est présenté.
Vous commencez par charger la barque des fonctionnaires, en prévoyant une pénalité de 3 % du taux de pension par année manquante et en ramenant l'indexation de la pension à celle du seul point d'indice, écartant les revalorisations indiciaires et statutaires des agents en activité.
Pour calculer le salaire de référence, vous remplacez la période des six derniers mois par celle des trois dernières années, mais cela a posé problème. Pour avoir ce « moins », il faudra payer plus par le biais d'un accroissement des cotisations, et ce alors que le Gouvernement refuse toute augmentation des salaires des fonctionnaires.
L'éventuelle création d'une caisse de retraite complémentaire - mais c'est, en fait, une retraite additionnelle assise sur une partie des primes - favorisera surtout les hauts fonctionnaires et ne constituera qu'une contrepartie dérisoire eu égard au coup porté aux retraités les plus modestes.
Vous n'épargnez pas non plus le secteur privé : la réforme Balladur de 1993 est confortée.
Parallèlement à l'augmentation de la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein avant 65 ans, qui passe de 150 à 160 trimestres en 2008, la détermination du salaire moyen servant de base au calcul de la pension a été modifiée alors qu'il correspondait à la moyenne des dix meilleures années. Ce nombre d'années devrait peu à peu s'accroître jusqu'en 2008.
La liquidation des retraites s'effectue en actualisant les salaires des meilleures années en fonction de la hausse des prix et non de celle des salaires. Ainsi en est-il également de l'indexation du niveau des pensions.
Monsieur le ministre, vous avez fait état, au cours du débat parlementaire, de l'accord du Conseil d'orientation des retraites sur votre projet de loi. Je ne vois pas comment celui-ci pourrait l'approuver - mais peut-être s'agit-il de certains de ses membres qui s'expriment à titre individuel - quand il prévoit, pour le secteur privé, une dégradation du taux de remplacement de près de 20 % de 2000 à 2040.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine,pour présenter l'amendement n° 54.
Plusieurs sénateurs de l'UMP. C'est le même que l'amendement précédent !
M. Jean Chérioux. On voudrait connaître la différence entre ces amendements !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. « Belle marquise, vos beaux yeux me font d'amour mourir. » (Sourires.)
Mme Michelle Demessine. Il nous aura fallu tant de temps, tant de luttes pour arracher au capitalisme (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP) une protection sociale élargie permettant à tout un chacun, indépendamment de ses conditions sociales d'origine, de faire face aux aléas de l'existence que sont, entre autres, la maladie, l'accident du travail, le chômage et la vieillesse.
Il aura fallu tant de temps, tant de luttes, pour mettre en place un système de retraite fondé, à l'opposé de l'individualisme inhérent aux rapports capitalistes, sur la solidarité.
Ce temps long est aussi celui de l'histoire des luttes ouvrières de la fin du xixe siècle, de l'opposition des ouvriers et des salariés à la toute puissance d'un patronat qui souhaitait maintenir un contrôle sur les premiers fonds de secours et les premières caisses d'assurance ouvrières.
Faut-il rappeler juste à propos que la crise économique de la fin de ce xixe siècle, les débâcles financières et les faillites d'entreprises entraînèrent avec elles la faillite des caisses auxquelles les ouvriers avaient cotisé ? Il faudra attendre 1895 pour que soit votée une loi contraignant à déposer les cotisations ouvrières à la Caisse des dépôts et consignation afin que les ouvriers ne perdent pas ainsi leur épargne au gré de la conjoncture. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye. On est bientôt au Moyen Age !
Mme Hélène Luc. Oh ! Vous savez...
Mme Michelle Demessine. Les leçons de l'Histoire valent encore aujourd'hui, permettez-moi de vous les rappeler !
M. Jean Chérioux. Vous pourriez aller prendre vos leçons d'Histoire à l'est de l'Europe. C'est très intéressant, la faillite économique du système communiste !
Mme Michelle Demessine. Il aura fallu encore du temps et de la maturité d'esprit pour que soit imaginé un dispositif indépendant, fondé sur la solidarité et soustrait a priori aux aléas des variations de conjoncture capitalistes, pour faire en sorte que vieillesse ne rime plus avec pauvreté, pour promouvoir un système d'assurance contre la vieillesse en garantissant un revenu de transfert assuré par la communauté nationale.
Ce dispositif, nous le connaissons, c'est celui de la répartition, qui, en tant qu'instrument de redistribution, a pour fin l'intérêt collectif, transcendant les intérêts purement individuels.
Devons-nous aujourd'hui sacrifier un tel dispositif qui, fondé sur la répartition,...
M. Henri de Raincourt. Non !
M. Hilaire Flandre. Personne ne le dit !
Mme Michelle Demessine. ... met en oeuvre la solidarité intergénérationnelle,...
M. Henri de Raincourt. Non !
Mme Michelle Demessine. ... et ce au prétexte d'hypothèses démographiques fatalistes réalisées, qui plus est, dans une période de bouleversements si profonds qu'ils rendent bien incertaine toute prévision sur le moyen et le long terme, horizon même de la démographie ?
Devons-nous sacrifier notre système de répartition en permettant qu'il soit progressivement grignoté par la généralisation de la capitalisation, autrement dit par des systèmes individuels d'assurance, dépendant, en dernière instance, de la capacité financière personnelle et individuelle ?
Car il s'agit bien de cela, messieurs les ministres : compléter notre système de retraite par répartition avec la capitalisation et l'épargne salariale. C'est évidemment - qui le nierait ? - faire entrer le loup dans la bergerie, avec tous les risques de soumettre de nouveau les pensions de retraite aux fluctuations d'un capitalisme lié aux intérêts des marchés financiers, et ce au moment même où ces derniers n'ont pas encore tout à fait digéré les dernières débâcles boursières.
C'est pour toutes ces raisons que nous souhaitons que vous adoptiez notre amendement.
M. Bernard Saugey. Non !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour représenter l'amendement n° 55.
M. Jean Chérioux. Et d'autres références historiques de la faillite du communisme sur le plan économique !
Mme Nicole Borvo. Si nous insistons, c'est vrai, chers collègues, c'est qu'il s'agit d'une question de fond particulièrement importante.
Un débat entre répartition et solidarité s'est amorcé. Vous avez inscrit la répartition dans le projet de réforme ; le contraire serait étonnant, parce que nos concitoyens seraient bouleversés si on leur annonçait brutalement la fin programmée de la répartition.
Pour nous, et c'est bien ce qui nous oppose, répartition et solidarité nationale vont de pair. Or on voit bien que, dans votre projet de réforme, vous tendez à individualiser de plus en plus le système de retraite, alors que nous considérons, au contraire, qu'il doit être davantage ancré sur la solidarité de tous, c'est-à-dire fondé sur une plus juste répartition des fruits du travail.
Les retraites sont des revenus du travail et non une manne venant d'on ne sait où. Elles sont un droit, un acquis des avancées sociales de la Libération, comme vous le savez. Mais je ne résiste pas au plaisir de vous citer certains extraits du programme du Conseil national de la Résistance ; ils me paraissent parfaitement d'actualité. Ainsi, « les représentants des mouvements, groupements, partis ou tendances politiques groupés au sein du CNR proclament qu'ils sont décidés à rester unis après la Libération (...) afin de promouvoir les réformes indispensables :
« a) Sur le plan économique : l'instauration d'une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l'éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l'économie ; (...) le retour à la Nation des grands moyens de production monopolisés, fruit du travail commun, des sources d'énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d'assurance et des grandes banques ».
Je poursuis ma citation :
« b) Sur le plan social : le droit au travail et le droit au repos, notamment par le rétablissement et l'aménagement du régime contractuel du travail ; un rajustement important des salaires et la garantie d'un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d'une vie pleinement humaine ; (...) la reconstitution, dans ses libertés traditionnelles, d'un syndicalisme indépendant, doté de larges pouvoirs dans l'organisation de la vie économique et sociale ; un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d'existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l'Etat ; la sécurité de l'emploi, (...) une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ».
Alors, évidemment, votre réponse est toujours la même : le monde a changé.
M. Josselin de Rohan. Pas pour les communistes !
Mme Nicole Borvo. Eh bien, oui, le monde a changé !
M. Dominique Braye. Pas pour vous !
Mme Nicole Borvo. Oui, le monde a changé.
M. Dominique Braye. Si ce n'est que vous êtes passés de 20 % à 3 % !
Mme Nicole Borvo. Qu'est-ce que vous racontez ?
M. Roland Muzeau. 49 % en Corse !
M. Dominique Braye. Vous êtes morts : vous êtes passés de 20 % à 3 % !
Mme Nicole Borvo. Monsieur Braye, le PIB a été multiplié par quatre. Il sera multiplié par deux d'ici à quarante ans. (M. Dominique Braye s'indigne.)
Les gains de productivité...
M. Dominique Braye. Vous ne ressusciterez pas comme cela !
Mme Nicole Borvo. Ecoutez, monsieur Braye : les gains de productivité ont-ils été plus importants entre 1850 - année des premières assurances sociales - et 1945, ou entre 1945 et aujourd'hui ? Les gains de productivité ont été éminemment supérieurs depuis 1945. Démontrez-moi le contraire !
Vous citez le monde et l'Europe. L'Europe ? Elle dépend des choix des gouvernements. A l'époque, c'est tirés par le haut que des régimes d'assurance sociale ont été créés partout en Europe. Aujourd'hui, vous voulez tirer ces régimes par le bas. Eh bien, nous, nous manifestons la même cohérence à l'échelon national et à l'échelon européen pour tirer par le haut,...
M. Hilaire Flandre. C'est tiré par les cheveux !
Mme Nicole Borvo. ... en tenant compte des énormes progrès économiques réalisés, ainsi que des gains de productivité et des avancées technologiques,...
M. Dominique Braye. C'est toujours tiré par les cheveux !
Mme Nicole Borvo. ... le système de solidarité nationale et européenne ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour défendre les amendements n°s 821 et 823.
Mme Gisèle Printz. Une réforme des retraites doit affirmer de façon solennelle le principe de la retraite par répartition, système d'assurance collective où les salariés, par leurs cotisations, financent les retraites d'aujourd'hui et acquièrent des droits pour leur propre retraite.
Le système de retraite par répartition a pour objectif de garantir le pouvoir d'achat des retraités.
Il est nécessaire de garantir un taux élevé de remplacement par rapport à l'ensemble de la rémunération obtenue au moment du départ en retraite. Il est nécessaire également de garantir le niveau relatif par rapport aux rémunérations des actifs.
C'est dans cette perspective que pourrait se tenir, à l'image de la conférence annuelle sur les salaires, une conférence annuelle sur les pensions de retraite. Voilà pour l'amendement n° 821.
J'en viens à l'amendement n° 823.
Dans un système de retraite par répartition, l'emploi est la clé de tout. Il ne peut y avoir d'avenir pour la répartition sans la recherche du plein emploi, sans la volonté politique de favoriser l'accès à l'emploi pour les jeunes, sans la volonté politique de maintenir dans l'emploi les salariés âgés.
Le gouvernement de M. Lionel Jospin a, par sa politique de lutte pour l'emploi, apporté les ressources indispensables à l'avenir des retraites par répartition. En cinq ans, le nombre d'emplois créés a atteint 2 millions et le nombre de chômeurs a diminué de près de 1 million.
Le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin ne fait plus de la lutte pour l'emploi la priorité. En un an, notre pays compte 100 000 chômeurs de plus. En tournant le dos à une politique volontariste pour l'emploi, il compromet très gravement l'avenir des régimes de retraites par répartition.
Le groupe socialiste considère que la question de l'emploi est centrale dans le présent débat.
D'abord, c'est un haut niveau d'emploi et un faible niveau de chômage qui doivent garantir le financement des retraites tel que vous nous le présentez, monsieur le ministre. Vous comprendrez que, sur ce point également, nous ayons de sérieux doutes. L'augmentation du nombre de chômeurs - plus de 100 000 en un an - en est le meilleur exemple. Faut-il vous le rappeler, cela prive le régime d'assurance vieillesse de plus de 200 millions d'euros.
Ensuite, on sait bien que, sans une amélioration significative de la situation de l'emploi, les premières victimes de l'allongement de la durée de cotisation seront les salariés âgés qui seront licenciés ou qui quitteront leur activité après 55 ans sans aucune perspective de retour au travail.
C'est la raison pour laquelle nous considérons qu'il n'est pas possible d'effectuer une telle réforme sans l'accompagner d'initiatives fortes en matière d'emploi, ce que nous appelons un « pacte national pour la croissance de l'emploi ».
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour défendre l'amendement n° 824.
Mme Claire-Lise Campion. Cet amendement vise à souligner le lien fondamental qui existe entre la pérennisation du système de retraite par répartition et la politique de l'emploi, en particulier en direction des travailleurs âgés de plus de 50 ans, des jeunes et des femmes.
Le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, est fondé sur l'hypothèse d'un taux de chômage compris entre 5 % et 6 % de la population active en 2020. Mais comment y parvenir ?
Vous avez affirmé que, à terme, ce ne sont pas moins de 5 700 000 emplois qui seront libérés par le départ à la retraite des générations de l'après-guerre. Vous suggérez ainsi que ce départ massif entraînera de manière automatique une baisse du chômage. Bel optimisme !
Certes, nul ne doute qu'un recul se fera sentir, mais - et voici bien une différence entre la gauche et la droite - cette occasion historique de diminuer le chômage n'aura réellement de conséquences que si les pouvoirs publics accompagnent cette transition.
La remontée du taux d'activité est vitale pour le bien-fondé de votre réforme. Pourtant, nulle trace d'une politique de l'emploi en faveur des travailleurs ! Ce gouvernement, depuis son arrivée au pouvoir, choisit de s'en remettre essentiellement au bon vouloir des entreprises pour mener une politique qui relève de la responsabilité de l'Etat.
Or le risque est grand que cette méthode ne donne guère de résultats. J'en veux pour preuve que le MEDEF, votre partenaire préféré, a récemment dénoncé l'article 10 de ce projet de loi, qui repousse l'âge auquel un employeur peut mettre un salarié à la retraite de 60 ans à 65 ans.
Monsieur le ministre, nous sommes en apparence d'accord sur un point : la chute du chômage est une nécessité pour maintenir le système par répartition. Dans votre projet de loi, cette diminution est un postulat sur lequel repose la viabilité financière de cette réforme, mais rien n'indique que vous consacrez les moyens nécessaires à sa concrétisation.
Concernant le cas particulier des travailleurs âgés de plus de 55 ans, leur taux d'activité - on l'a dit à plusieurs reprises depuis hier après-midi - est le plus faibled'Europe. La réforme qui nous est présentée aurait dû prévoir la mise en place d'une grande politique nationale prenant en compte la nécessité d'adapter, sur le long terme, les emplois au vieillissement des salariés.
Il s'agissait d'encourager la formation professionnelle tout au long de la vie, de renforcer la validation des acquis dans l'expérience des séniors et de se préoccuper de l'organisation et des conditions de travail.
Ces orientations sont indispensables pour contrer l'exclusion persistante des salariés âgés du marché du travail. L'article 10 ne peut, à lui seul, satisfaire à cet impératif.
Le couplage entre politique de l'emploi et réforme des retraites est une nécessité qui n'apparaît pas dans votre projet de loi. C'est pourquoi les socialistes ont choisi de déposer un amendement qui vise à la mise en oeuvre d'un pacte national pour l'emploi. Celui-ci, loin d'être une coquille vide, comme vous le laissiez entendre lors des débats à l'Assemblée nationale, engagerait les pouvoirs publics à actionner tous les leviers favorables à l'emploi : éducation, formation, recherche, justice fiscale, défense des travailleurs âgés, renforcement du droit du travail ou égalité des chances entre les hommes et les femmes, notamment.
Au lieu de cela, l'arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement s'est traduite par une entreprise de démantèlement des protections sociales des travailleurs, par une remise en question des emplois publics, par une indifférence face aux licenciements massifs.
Si un pacte pour l'emploi ne vous parle guère, c'est sans doute parce qu'il n'est pas dans votre culture politique de vous engager dans des actions volontaires et parfois contraignantes pour le patronat.
Vous préférez « libérer des énergies », autrement dit précariser les conditions de travail, pour garantir la souplesse et la docilité des travailleurs au seul profit des entrepreneurs ; on l'a vu récemment avec l'instauration du RMA, le revenu minimum d'activité.
Les jeunes seront aussi très pénalisés. En effet, l'âge moyen de leur arrivée sur le marché du travail est de 21 ans et 7 mois. Si, comme le texte le prévoit, la durée de cotisation passe à 42 ans en 2020, l'obtention d'une pension à taux plein, alors, de fait, ne se fera qu'à l'âge moyen de 63 ans et 7 mois, dans le meilleur des cas, et encore, s'ils ne rencontrent aucune cassure dans leur parcours professionnel et personnel.
Certes, le projet de loi ouvre la possibilité de racheter jusqu'à trois années d'études supérieures. Mais à quel prix ! Où est l'équité, dans tout cela ?
Enfin, concernant les femmes, malgré une amélioration de leur condition sur le marché du travail, les chiffres restent accablants et démontrent qu'il reste encore une inégalité flagrante avec les hommes : la différence de niveau de pension entre hommes et femmes s'élève à 42 % ; même lorsqu'il s'agit de carrières complètes, l'écart de droits directs pour la pension s'élève encore à 33 %.
En 1998, on estimait à 760 000 le nombre de personnes bénéficiant du minimum vieillesse : 70 % étaient des femmes ; de plus, 85 % des salariés à temps partiel sont des femmes.
Enfin, de nombreuses femmes diffèrent la liquidation de leurs droits jusqu'à 65 ans afin d'éviter le système, très pénalisant, de la décote. Qu'en sera-t-il lorsqu'elles devront cotiser 42 ans ?
C'est pourquoi cet amendement tend, dans le cadre d'un pacte national pour l'emploi, à mettre en place les mesures nécessaires à la lutte contre l'emploi précaire, dont les femmes sont les premières victimes.
M. le président. La parole est à Mme Michèle San Vicente, pour présenter l'amendement n° 802.
Mme Michèle San Vicente. Ce projet est l'un des rares de la législature à engager autant l'avenir des Français.
La mise en oeuvre d'une réforme de cette ampleur et de cette importance nécessite une négociation approfondie afin que les travailleurs et les acteurs économiques adhèrent à un projet qui les concerne tous, qui nous concerne tous, car il engage nos enfants et nos petits-enfants.
Un tel projet repense les rapports qu'entretiennent les générations entre elles et redessine les contours de la société de demain. Il est au coeur du principe de solidarité dont il incarne l'exigence la plus haute, la plus nette et la plus vive.
Or, il n'y a pas eu de véritable volonté d'engager une négociation sur ce sujet - le plus important, aux yeux des Français -, comme le demandaient pourtant les partenaires sociaux.
En réponse, vous jouez un simulacre de discussion. Vous passez en force, fort du soutien de deux organisations syndicales seulement, ainsi que du MEDEF. Vous portez une atteinte indirecte au droit syndical, d'autant plus grave que vous le faites en pleine connaissance de cause. Cette attaque vise précisément à affaiblir les organisations syndicales : diviser pour régner.
La colère est générale. Monsieur le ministre, vous mettez des milliers de Français dans la rue et vous persistez ! Vous jouez la force et la précipitation sur une réforme qui modifiera profondément la vie des Français, qui allongera leur temps de travail et qui ne garantira pas, pour certains métiers, une retraite décente. Il faut, certes, réformer, mais pas de cette façon-là !
Au Sénat, nous n'avons disposé que d'une seule journée pour auditionner les partenaires sociaux. Le texte a été pris à la hâte dès sa transmission par l'Assemblée nationale et le rapport ne nous a été communiqué que samedi dernier, alors que la discussion générale a débuté le lundi suivant. Il n'y a donc pas eu de discussion en commission. Quel mépris pour la France et les Français ! Faut-il que vous craigniez les conséquences d'un véritable débat, en particulier sur la nature de votre projet, son contenu et, plus encore, sur le niveau des retraites auquel il conduira, pour que vous nous contraigniez à ce marathon !
Mais peut-être cherchez-vous, au contraire, à remporter de toute force une victoire sur le mouvement social : vous l'avez acculé à la contestation par votre refus de la négociation, peut-être pour mieux l'affaiblir et avoir, à l'automne, les mains libres et pour réduire encore les moyens des services publics et entamer l'autre réforme, celle de l'assurance maladie.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques n°s 50, 51 et 52.
S'agissant du régime de répartition, trois autres amendements identiques - les amendements n°s 53, 54 et 55 - ont été défendus. Dans le même esprit, la commission y est défavorable.
Ensuite a été soutenue une autre série de trois amendements - les amendements n°s 821, 823 et 824 - dont l'objet est identique mais dont la rédaction diverge légèrement. La commission y est encore défavorable.
En revanche, j'ai suivi avec intérêt l'argumentation qui venait à l'appui de l'amendement n° 802.
Permettez-moi, madame San Vicente, de vous dire en des termes mesurés que vous nous reprochez aujourd'hui de ne pas procéder, au dernier moment, à une nouvelle négociation, à une nouvelle concertation pour mener à bien cette réforme, mais que, depuis que je vous écoute, je me demande quelles ont été la concertation et la négociation préalables sur lesquelles repose la nouvelle réforme que vous présentez depuis le début de cette discussion !
La commission émet donc également un avis défavorable sur l'amendement n° 802.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement n'est pas favorable à ces amendements, car, comme je l'ai déjà indiqué, les articles 1er, 2 et 3 ont été élaborés par l'ensemble des partenaires sociaux. Je souhaite donc qu'ils soient adoptés dans leur rédaction actuelle.
Je voudrais répondre aux différents arguments qui ont été avancés et, pour commencer, je souhaite rectifier un petit point d'histoire.
A l'origine, les régimes de retraite, notamment ceux de la fonction publique, étaient des régimes par capitalisation et, alors qu'il s'était avéré qu'ils étaient en réalité peu performants, les salariés ont mené des combats sociaux pour empêcher le passage au régime par répartition.
Par ailleurs, le parti communiste nous a accusés de vouloir changer de régime de retraite. En réalité, chacun le voit bien, il n'en est rien, et, à cet égard, je vous lirai un petit texte qui résume assez bien la philosophie du projet du Gouvernement :
« L'on sait que l'insuffisance de la natalité entraîne un vieillissement lent et progressif de la population. Or, les retraites sont supportées par les travailleurs en activité ; la fixation à un âge trop bas de l'ouverture du droit à la retraite ferait peser sur la population active une charge insupportable. Au demeurant, le système tel qu'il vient d'être défini apporte des améliorations substantielles à la situation » - le vocabulaire va me trahir ! - « des vieux travailleurs. Il a surtout l'avantage d'établir l'assurance vieillesse sur des bases financières que l'on peut espérer durables et saines. »
Ce texte est signé non seulement du général de Gaulle, mais aussi du ministre Tillon : c'est l'exposé des motifs de l'ordonnance de 1945 qui définit les principes de notre régime de retraite, et c'est exactement ce que nous vous proposons aujourd'hui.
M. Jacques Oudin. Très bonne référence !
M. François Fillon, ministre. J'en viens aux amendements du groupe socialiste, que sous-tend un discours bien connu sur l'emploi. Pour que nous puissions avoir une vraie discussion sur ce sujet-là, même s'il n'est pas réellement au coeur de notre débat d'aujourd'hui, il faudrait que vous reconnaissiez, mesdames, messieurs les sénateurs socialistes, que, durant la dernière année du mandat de M. Jospin, vous avez créé 160 000 chômeurs. (M. Gilbert Chabroux s'exclame.)
Il est important de le dire, parce que ce discours que les uns et les autres ont tellement l'habitude de tenir et qui consiste à nier les réalités a pour effet de miner la politique.
Oui, aujourd'hui, des problèmes économiques créent du chômage. Oui, il y a eu plus de 100 000 chômeurs supplémentaires depuis que nous sommes arrivés au pouvoir. Mais il y en a eu 160 000 l'année précédente, malgré les dispositifs que vous aviez mis en place ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
C'est donc le signe que ces dispositifs ne fonctionnaient pas.
En présentant les choses comme vous l'avez fait, vous contribuez à décrédibiliser l'action politique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Un sénateur de l'UMP. Exact !
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 50, 51 et 52.
M. Roland Muzeau. C'est sur la solidarité entre les générations que s'est construit notre système de retraite. Depuis, il a fait la preuve de son efficacité, sur le plan tant social qu'économique et, bien sûr, humain.
Malgré vos affirmations, monsieur le ministre, vous voulez le remettre en cause.
M. Hilaire Flandre. C'est un procès d'intention !
M. Roland Muzeau. Ce sont donc des décisions politiques extrêmement importantes pour l'avenir qui vont être prises dans cet hémicycle. Or, la décision politique ne doit-elle pas viser avant tout la réponse aux besoins des femmes et des hommes ? Ne doit-elle pas viser à faire progresser notre civilisation sur la voie d'une émancipation toujours plus grande des êtres humains ?
Monsieur le ministre, vous proposez, à l'inverse, une régression complète, un retour en arrière de plusieurs décennies, et nous le refusons. Les centaines de milliers de nos concitoyennes et concitoyens qui ont manifesté, qui ont fait grève ou qui se sont montrés solidaires ont tous posé la question de l'avenir de notre société.
Ce sont les mécanismes solidaires qui, à la Libération, ont permis à notre pays, qui était pourtant exsangue - je reprends l'exemple que vous venez de citer - et manquait de main-d'oeuvre, de réaliser des avancées immenses. Aujourd'hui, vous les remettez en cause.
L'introduction de la capitalisation, l'allongement de la durée du travail couplé à un système de décote extrêmement pénalisant, la perspective de l'augmentation des cotisations pour les seuls salariés, bref, l'ensemble de votre projet de loi tend à inciter les salariés à se constituer eux-mêmes leur retraite, de manière individuelle, pour le plus grand bonheur des banques et des grandes compagnies d'assurances qui non seulement attendent cette manne financière avec impatience, mais encore anticipent le processus parlementaire en multipliant les colloques sur le sujet.
La remise en cause des fondements solidaires de notre société caractérise d'ailleurs l'ensemble de la politique gouvernementale. Les retraites sont le premier volet du bouleversement complet de la protection sociale auquel entend procéder le Gouvernement. La réforme de l'assurance maladie qui est en préparation a en effet pour objet de « casser » la solidarité dans le domaine de la santé, comme la réforme des retraites « casse » la solidarité intergénérationnelle, et de transférer les énormes masses financières de la sécurité sociale vers les compagnies d'assurances.
Il m'est agréable de vous lire, si vous ne l'avez déjà fait, à la page 77 du tome II du rapport, les propos tenus par M. Guillaume Sarkozy - non pas le ministre de l'intérieur, mais son frère -, au nom du MEDEF : « Enfin, je vous avance l'argument d'un citoyen inquiet : dans les années ou les décennies qui vont venir, la santé coûtera beaucoup plus cher. Je pense que c'est bien sur ce point que l'on peut trouver la justification la plus impérative à la réforme [des retraites] conduite par l'Etat. Nous allons avoir besoin de prélèvements pour financer ce qui est important, à savoir, pour être compétitifs et pour l'emploi. Ne les gaspillons pas ! » Voilà une citation qui nous ramène au sujet !
Depuis plusieurs décennies, les retraites par répartition, la sécurité sociale ou les services publics fondent - certes avec une grande insuffisance à laquelle il convient de remédier, et nous faisons des propositions en ce sens - une société dans laquelle l'égalité d'accès à la retraite, aux soins et aux services est un principe essentiel. Les détruire, comme veut le faire le Gouvernement, c'est trasnformer notre société en profondeur. La loi dite de décentralisation, qui constitue un axe majeur de ce remodelage et va faire exploser la cohésion nationale, l'illustre parfaitement.
De telles orientations n'ont cependant rien d'étonnant : ces valeurs représentent autant de freins à la politique ultra-libérale de la droite et du MEDEF - je viens de le citer, je le citerai de nouveau tout à l'heure, si vous le souhaitez -, auxquels le Gouvernement veut donner satisfaction sur tous les plans.
Ces valeurs ont sous-tendu les luttes - elles continuent de le faire, on l'a encore constaté récemment - comme elles ont sous-tendu les conquêtes démocratiques.
Dans le même sens, le Gouvernement n'a-t-il pas pour objectif, dans la lutte contre le mal-vivre, contre l'insécurité, de faire prévaloir le contrat sur la loi ? Ces réponses ne conduisent-elles pas au repli sur soi, au rejet de l'autre, à la recherche permanente du bouc émissaire, à la stigmatisation de certaines catégories de la population ?
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons, au travers de cet article additionnel, de conforter en l'inscrivant dans le texte lui-même le principe de la solidarité entre les générations.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. Mon explication porte sur l'amendement n° 51, qui tend à préciser dans la loi que la solidarité entre les générations constitue le principe et la fin de toute réforme du système des retraites.
Cet amendement s'inscrit contre la logique des fonds de pension, qui individualisent la retraite. Il vise à renforcer la solidité du système de retraite français en vue de renforcer la cohésion générationnelle de la nation.
Il nous apparaît incompréhensible qu'un pays où la retraite par répartition a été instaurée à une époque où il était exsangue, ruiné par cinq années de guerre, ne soit plus capable, alors qu'il est devenu la quatrième puissance économique mondiale, d'offrir une vie décente à ceux qui, des décennies durant, ont contribué à sa richesse actuelle.
Depuis 1945, dans tous les domaines, la technologie de production a évolué, notamment dans le sens de la productivité, si bien qu'un ouvrier produit en 2003 dix à vingt fois plus, selon les secteurs, qu'à cette époque.
Le principe de la semaine de 40 heures avait été acquis en 1936 ; quant à l'âge du départ à la retraite, fixé à 65 ans en 1945, il a fallu attendre 1982 pour qu'il soit ramené à 60 ans. Toutes ces avancées ont été obtenues malgré les protestations des patrons, qui criaient chaque fois à la catastrophe.
Un sénateur de l'UMP. On y est !
Mme Odette Terrade. Le problème qu'il s'agit de résoudre ne se résume donc pas à la simple évolution démographique, mais renvoie aussi et surtout à celui d'une autre forme de répartition de la richesse, ce que n'agrée pas, on s'en doute, le patronat, pour qui le salarié qui demande son dû est toujours un « malpoli ». (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Le patronat a la prétention de régenter la société, mais refuse d'assumer ses responsabilités envers les salariés. En revanche, il sait satisfaire les gros actionnaires : Enron, WorldCom, British Rail, Vivendi, Air Liberté,...
M. Eric Doligé. Air Lib, on peut en parler !
M. Henri de Raincourt. C'est M. Gayssot qui a donné l'argent à M. Corbet !
Mme Odette Terrade. ... sont les exemples de la faillite, au sens propre du terme, d'une gestion privée tournée tout entière vers la logique de la rentabilité financière, sans contrepartie sociale. Cette logique est vouée à l'échec, tout comme l'est cette réforme, monsieur le ministre.
Les parlementaires communistes sont à l'opposé de cette démarche. Ils pensent non seulement que la justice sociale est compatible avec l'efficacité économique, mais qu'elle en est la condition sine qua non.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr ! Social-traîtres !
Mme Odette Terrade. Une société dont l'individualisme serait le seul moteur serait dans l'incapacité de relever de nouveaux défis. Face aux risques de la vieillesse, de la mauvaise santé et du chômage, il faut plus de solidarité et de droits collectifs. A défaut, l'on peut craindre pour l'unité et la solidarité de notre peuple, et le risque serait alors grand de voir surgir une dérive individualiste et communautaire à l'américaine.
Après tout, cela ne serait peut-être pas pour déplaire à certains qui, pour atteindre des taux de profit toujours plus importants, veulent anéantir tout ce qui, de près ou de loin, peut ressembler à une conscience collective capable de s'opposer au libéralisme et au capitalisme.
C'est parce qu'ils pensent que la solidarité est le seul antidote contre une telle dérive que les sénateurs et sénatrices du groupe CRC voteront cet amendement, qui vise à ajouter un article additionnel avant l'article 1er du titre Ier du projet de loi.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela se comprend !
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. Nous avons tenu, à travers l'amendement n° 51, à réaffirmer notre attachement au principe de solidarité qui fonde notre système de retraite.
En ce sens, toute réforme doit préserver les valeurs essentielles de justice sociale en maintenant la solidarité. Ce faisant, elle s'inscrit en phase avec les exigences du maintien de la cohésion de la société. Remettre en cause ce principe même, c'est incontestablement faire reculer significativement notre civilisation.
Il ne faudrait pas oublier que ce principe de solidarité, qui est à la base de notre système de protection sociale, s'est développé au coeur même de la Résistance, période dans laquelle des hommes et des femmes de tous bords se sont retrouvés face à l'occupation nazie. De même, il ne faudrait pas oublier que toutes les avancées sociales de l'après-Seconde Guerre mondiale furent aussi une réponse au libéralisme sauvage des années vingt et à la déflation des années trente.
C'est donc dans une période particulièrement troublée qu'un système de protection sociale aussi novateur a été progressivement élaboré et a pu émerger après la guerre.
Mme Nelly Olin. Cela fait trois fois que l'on entend le même discours : c'est la méthode Coué !
M. Gérard Le Cam. Malgré une situation particulièrement difficile, alors qu'il fallait reconstruire et consacrer de grands efforts au redressement économique de notre pays, nous avons su mobiliser les mesures nécessaires à la mise en place d'un régime d'assurance vieillesse permettant à tout un chacun, indépendamment de ses conditions sociales d'origine et de sa trajectoire de vie, de bénéficier d'une sécurité pour ses vieux jours.
Je reste donc perplexe de constater que, sous la pression du vieillissement démographique, on développe des discours alarmistes selon lesquels notre système actuel de retraite serait condamné, qu'il faudrait donc le préserver, et que, pour cela, il devrait être complété par le régime par capitalisation.
Je suis inquiet de voir se développer de telles problématiques. A l'issue de la Seconde Guerre mondiale, en réponse à la grande crise des années trente, nous avons cherché à réguler nos économies en réduisant le poids des mécanismes de marché, qui avaient montré toute leur inefficacité sur les plans économique et social. J'ai l'intime conviction qu'aujourd'hui nous faisons un grand pas en arrière en abandonnant progressivement la régulation de notre économie aux seules forces du marché ; car, à n'en pas douter, ouvrir la porte à la capitalisation, même de façon marginale, c'est d'emblée mettre en danger notre système par répartition par la généralisation à terme, de la capitalisation et de l'épargne salariale.
Outre les dangers que représentent les fonds de pension, je ne suis pas sûr que le développement du capitalisme actionnarial soit capable d'assurer la régulation dont nous avons besoin. Je continue de penser qu'il contribue, à travers la domination des marchés financiers, à produire des inégalités, à affaiblir notre croissance et à créer du chômage.
On l'aura bien compris, à terme, c'est l'ensemble de notre système de protection sociale qui sera atteint dans ses fondements mêmes. Or, et je tiens à attirer l'attention sur ce point, croire que le marché et l'individualisme peuvent constituer des facteurs de régulation de nos sociétés, c'est commettre une grave erreur d'appréciation et d'analyse économique. Au contraire, les forces du marché détruisent la cohérence et l'unité de notre société-nation. Il est évident que les compagnies d'assurances, les sociétés d'investissement, les fonds de pension, ont intérêt à capter cette nouvelle épargne pour réaliser des profits juteux.
Sur le plan macroéconomique, il est clair que cette épargne supplémentaire pèsera sur la consommation, risquant d'affaiblir plus encore les perspectives de croissance ; il n'est absolument pas certain qu'elle alimentera le flux des investissements créateurs de richesses et d'emplois ! C'est bien le problème auquel nous sommes confrontés depuis plusieurs années : celui d'une mauvaise orientation de nos investissements qui contribue à nous ramener sans cesse au bord de la récession. Autant de risques qui laissent présager que nous ne sommes pas près de renouer avec la croissance, qui nous permettrait pourtant d'assurer de nouveaux financements à notre système de protection sociale !
Enfin, comment ne pas s'inquiéter du devenir de cette épargne, qui sera gérée par les marchés financiers en fonction des profits escomptés, d'une place boursière à l'autre ? Là aussi, on a pu l'observer pour les fonds de pension américains, la régulation fait largement défaut et la gestion, laissée à l'arbitraire des entreprises de placement, est susceptible de faire l'objet de spéculations de toutes sortes.
Au-delà des aspects négatifs que comporte votre projet de loi, monsieur le ministre, ce n'est guère au bénéfice des salariés que se réalise une réforme qui encourage la capitalisation.
Notre amendement visait au contraire à souligner la nécessité de préserver les principes de solidarité au moment où s'engage une réforme de notre système de retraite. Ce n'est pas la voie que vous avez choisie. Les salariés s'en souviendront, je l'espère, dès 2004.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. Henri de Raincourt. Ils ne votent plus pour la gauche !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, pour explication de vote. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Mes chers collègues, je veux expliquer mon vote sur l'amendement n° 53.
M. Alain Gournac. Il est nul !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Comment, il est nul ?
M. Guy Fischer. C'est M. Gournac qui fait de la provocation !
M. Alain Gournac. Ce n'est pas vrai !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Vous pensez et vous réaffirmez, monsieur le ministre, tout comme vous l'avez fait, monsieur le rapporteur, en donnant votre avis sur notre amendement n° 53, que celui-ci serait inutile au motif que, avec l'article 1er du projet de loi, la répartition serait placée au fondement de notre système de retraite.
M. Henri de Raincourt. C'est vrai !
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'affirmer est une chose, le faire en est une autre. Car les faits sont là, et nous estimons que votre réforme porte, à terme, un coup fatal au système de retraite par répartition.
Votre projet de réforme s'inscrit dans la logique de la réforme Balladur de 1993,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Que vous avez confirmée !
Mme Marie-Claude Beaudeau. ... que vous prolongez et que vous aggravez : avec l'allongement de la durée de cotisation, il faudra avoir cotisé 160 trimestres au lieu de 150.
En effet, que préconisez-vous ? Un allongement de la durée de cotisation d'abord dans le secteur public, pour la faire converger avec les 40 ans du secteur privé, puis dans le secteur privé et le secteur public conjointement, afin d'atteindre 41 ans pour tous en 2012 et 42 ans en 2020.
A l'époque, M. Balladur prévoyait l'indexation des pensions de retraite sur les prix et non plus sur les salaires bruts. Vous, vous prévoyez l'indexation des retraites sur l'inflation et non plus sur le niveau de vie, tant pour le calcul de la pension initiale que pour sa revalorisation ultérieure. Mais vous allez plus loin : des pénalités, que vous avez appelés « décotes », sont prévues pour tous ceux qui ne valideront pas le nombre de trimestres nécessaire.
La défiscalisation de l'épargne est placée sur des produits du type plan épargne retraite - vous savez bien qu'il s'agit en fait des fonds de pensions - et, du coup, la réforme affine les mesures qui tendent vers un système par capitalisation, ce qui ne vous empêche pas d'affirmer votre attachement à la répartition. Vous ne faites pas ce que vous dites, monsieur le ministre. La progression du système par capitalisation est inéluctable si votre texte est adopté en l'état !
L'indexation sur l'inflation aura par ailleurs deux effets que vous ne voulez pas voir : premièrement, une baisse progressive mais très élevée - 20 % d'ici à 2040 - du taux de remplacement et, deuxièmement, un décrochage progressif, certes, mais profond du pouvoir d'achat des pensions par rapport au salaire.
C'est d'autant plus regrettable que, dans un contexte de précarisation de l'emploi et de chômage massif, il est, et vous le savez bien, de plus en plus difficile de valider une carrière complète. On peut craindre dès lors que l'allongement de la durée de cotisation requise, couplée à l'instauration d'une très forte décote pouvant aller de 5 % à 10 % par année manquante, ne fasse encore davantage baisser le niveau des futures pensions.
Monsieur le ministre, cette réforme, que vous dites fondée sur la répartition, nous conduit inéluctablement et inexorablement vers un système par capitalisation, alors que seul le système par répartition est en mesure d'assurer un pouvoir d'achat suffisant et un niveau de vie décent aux personnes retraitées.
Nous sommes d'ailleurs déjà entrés dans ce processus, et cela ne manquera pas d'entraîner une déception, une perte de confiance, et peut-être la colère des salariés à terme, car, et c'est bien là-dessus que vous jouez, les effets de cette profonde réforme de structure ne seront pas tout de suite perceptibles. C'est seulement à partir de 2008 que les salariés et les retraités les ressentiront.
Vous affirmez donc le principe de la retraite par répartition, mais vous organisez la marche vers le placement d'une épargne croissante sur des fonds communs défiscalisés mis en place par le Gouvernement.
C'est pourquoi nous insistons tant dans ce débat et dans nos amendements, non seulement pour que la valeur fondamentale du principe de la répartition soit affirmée, mais aussi pour que son application soit concrètement assurée.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 50, 51 et 52.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 53, 54 et 55.
Mme Hélène Luc. Notre système par répartition - encore lui, évidemment, car c'est le coeur de la réforme sur les retraites - fondé sur la solidarité entre actifs et retraités doit être non seulement préservé, mais conforté.
Lui seul peut assurer à chaque retraité un revenu décent lui permettant de faire face aux aléas de l'existence quel qu'ait été son parcours professionnel, familial et social. Chaque citoyen doit avoir droit à une protection sociale inconditionnelle que seul le système par répartition peut lui garantir.
Le système par répartition est juste socialement et efficace économiquement. Le remettre en question d'une quelconque manière, notamment en encourageant la capitalisation, c'est préparer un véritable désastre social. En pratique, il est évident que l'effort de cotisation correspondant ne sera accessible qu'aux rémunérations élevées. Cela s'est confirmé dans tous les pays où ce système a été introduit.
Le Gouvernement va favoriser l'ouverture au secteur privé d'un marché juteux qu'il se désespérait de lui voir échapper. Les propositions tendant à financer les retraites par l'impôt, la CSG par exemple, vont dans le même sens, celui de l'individualisation des pensions.
Le scénario qui nous est proposé dans le projet de réforme du Gouvernement, c'est le retour de la France au début des années soixante, au temps où la vieillesse était largement synonyme de pauvreté, temps dont nous ne sommes d'ailleurs pas encore complètement sortis puisque 800 000 personnes touchent actuellement le minimum vieillesse, mais la paupérisation des retraités va de nouveau s'accentuer, et nous aurons l'occasion de le prouver avec des chiffres.
La logique de la réforme est contenue dans cette règle : que les salariés d'hier, d'aujourd'hui et de demain se répartissent le coût des fluctuations démographiques et se « débrouillent », mais, surtout, que l'on ne touche pas aux profits !
Ainsi, la réforme proposée, loin de « sauver » la répartition, en prépare la disparition. La réduction prévue des pensions et les menaces sur leur montant vont inciter ceux qui en ont les moyens à se tourner vers la capitalisation et les diverses propositions du privé, ce qui réduira peu à peu la retraite par répartition à une simple allocation minimale de base destinée à la grande masse de la population, laquelle sera amenée à travailler plus longtemps à l'image de ce qui s'est passé dans les pays anglo-saxons.
Autrement dit, seule la capacité à épargner de chaque salarié déterminera le montant de sa retraite. Ce sera d'autant plus difficile pour les salariés que l'on sait quelle politique les entreprises mènent en matière de bas salaires et quelle utilisation elles font de la précarité à des fins de profit.
Il est donc urgent que le Gouvernement prenne des dispositions pour faire cesser cette situation qui handicape les salariés pour le présent et pour l'avenir.
Pour notre part, nous refusons l'individualisation des pensions - le « chacun pour soi » - qui serait catastrophique pour l'énorme majorité des retraités. Je le dis avec force, démanteler ainsi la cohésion nationale, c'est prendre des risques extrêmement graves pour l'avenir.
Nous voulons au contraire préserver et consolider encore plus fermement les bases d'une société juste répondant aux besoins humains, d'une société pour l'avenir et non d'une société qui ne servent que les intérêts immédiats de quelques-uns, d'une société donc où la solidarité sera renforcée.
M. Dominique Braye. Les soviets !
Mme Hélène Luc. C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à voter ces amendements qui visent à conserver notre système par répartition.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 53, 54 et 55.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. André Vezinhet, pour explication de vote sur l'amendement n° 821.
M. André Vezinhet. Je voudrais, dans ce débat, rapporter les enseignements que le terrain nous renvoie.
Tout à l'heure, lorsque M. Chabroux a dit que le problème des retraites aurait dû être adossé à ceux de l'emploi et de la productivité, son propos a pu paraître incongru. Pourtant, il était frappé au coin du bon sens.
Il y a par exemple dans l'Hérault, département que j'ai la prétention de connaître aussi bien que vous connaissez le vôtre, monsieur le président, des gisements d'emplois qui seraient sûrement de nature, s'ils étaient exploités, à répondre aux interrogations que les uns et les autres nous formulons, gisements qui existent notamment dans le domaine de l'aide à la personne.
Ainsi, lorsque l'excellente loi sur l'allocation personnalisée d'autonomie - loi que Lionel Jospin nous a soumise - a été adoptée, on prévoyait que le nombre d'emplois qu'il faudrait pour assurer la mise en oeuvre de l'APA dans l'Hérault s'élèverait à 4 000. Quel autre secteur d'activité pourrait aujourd'hui donner lieu à la création de 4 000 emplois dans un tel département ? Pour ma part, je n'en vois pas d'autre !
La montée en charge du dispositif de l'APA au cours de l'année 2002 a entraîné la création de 1 700 emplois à plein temps et deux millions d'heures ont été accordées par les commissions spécialisées, mais nous ne sommes pas en mesure d'assurer plus d'un million d'heures, tant à cause du déficit de formation que de l'insuffisance des aides pour faire naître ces emplois, pourtant appelés à se développer dans un monde qui change. C'est une question de volonté, mais j'ai l'impression que les technocrates qui ont préparé le présent projet de loi ne voient pas le monde changer !
Il faut reposer complètement le problème, car la création d'emplois est bien la piste essentielle à examiner pour sortir de la difficulté dans laquelle nous nous trouvons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 821.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix sucessivement les amendements n°s 823, 824 et 802.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 806, présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« La garantie du système de retraite par répartition implique le refus de tout engagement vers un système développant les fonds de pensions. »
La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Cet amendement vise à mettre en évidence notre attachement à un système de retraite par répartition. C'est un choix de société, un choix politique fondamental. Il ne s'agit pas seulement d'affirmer notre attachement mais de sauver ce système qui repose sur la solidarité entre les générations. Les actifs cotisent pour payer les pensions des retraités actuels, ce qui leur ouvre des droits pour leur future retraite.
Il n'est plus à prouver que ce fut et que c'est le seul moyen efficace pour lutter contre la paupérisation des personnes âgées. Il ne doit être fait aucune place au système des fonds de pensions. Or, si le principe est affirmé dans le projet de loi, rien ne tend à garantir dans les faits la pérennité du système par répartition.
Nous pouvons l'affirmer parce que le projet de loi n'est financé que pour moitié dans la fonction publique et parce que, pour le régime général, le Gouvernement mise sur l'allongement de la durée d'assurance à 42 années.
De plus, vous faites des outils d'épargne un troisième pilier, au-delà des régimes de base et des régimes complémentaire, comme cela ressort des propos du rapporteur à l'Assemblée nationale, M. Accoyer.
Il n'y a qu'un pas vers la capitalisation, pas que vous n'avez pas pu franchir en raison de la récente chute vertigineuse des cours boursiers. Mais le danger est bien présent, et nos concitoyens doivent être conscients que le régime par capitalisation diviserait les Français avec, d'un côté, ceux qui pourront épargner et avoir une retraite décente et, de l'autre, ceux qui devront se contenter de ce qui deviendra une sorte de minimum vieillesse généralisé.
Vous prônez l'égalité entre les régimes en omettant de rappeler que c'est la réforme Balladur qui est à l'origine de la rupture d'égalité parce qu'elle a provoqué une chute brutale des niveaux de pension du régime général.
Ce projet de loi ne fait que renforcer l'inégalité, qui s'accroît cette fois entre les hommes et les femmes et entre ceux qui pourront épargner et ceux qui ne le pourront pas. Je rappelle à cet égard que la capacité moyenne d'épargne d'un cadre est de 24 % du salaire, celle d'un ouvrier de 6 %. Où est l'équité dans tout cela ? Les uns travailleraient plus longtemps pour toucher moins de pension, les autres épargneraient davantage pour toucher plus de pension.
Et ne nous rétorquez pas qu'à une époque récente nous avions accepté et mis en place le plan partenarial d'épargne salariale ! Celui-ci est limité à dix ans et ne peut être considéré comme une épargne retraite.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La disposition proposée est, là encore, sans objet, puisque l'article 1er prévoit le maintien du système de retraite par répartition.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement est contre cet amendement, et je voudrais souligner le caractère pour le moins malhonnête de la présentation qui est faite de la réforme qu'il propose. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Et je pèse mes mots !
M. Claude Domeizel. Alors, c'est encore pire !
M. François Fillon, ministre. D'abord, vous êtes coresponsables de la réforme Balladur puisque, pendant cinq ans, vous avez accompagné sa mise en oeuvre. Je parle des socialistes, bien entendu, et non pas des communistes (Nouvelles protestations sur les mêmes travées),...
M. André Vezinhet. Vous vous en tenez au purgatoire !
M. François Fillon, ministre. ... qui ont manifesté à plusieurs reprises leur opposition, mais qui n'ont pas été jusqu'à rompre l'unité de la majorité sur cette question pourtant fondamentale...
Ces mesures Balladur, les socialistes les ont soutenues et ils ont eu raison de le faire, puisqu'elles ont permis de sauver notre régime par répartition.
La deuxième remarque que je voudrais faire tient à l'accusation répétée à l'envi selon laquelle nous organiserions la fin de la répartition pour aller vers la capitalisation.
M. Guy Fischer. C'est la vérité !
M. François Fillon, ministre. Personne, dans ce pays, ne croit cela un seul instant ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) La raison en est très simple : c'est exactement le contraire de ce que nous faisons.
Si nous voulions aller vers un régime par capitalisation, nous n'aurions pas besoin de nous donner le mal que nous nous donnons pour réformer le régime par répartition !
Nous n'aurions pas besoin de prendre le risque d'encourir une certaine impopularité en allongeant la durée de cotisation !
L'allongement de la durée de cotisation a justement pour but de mieux répartir les charges entre les actifs et les retraités, et donc de sauver le régime par répartition.
M. André Vezinhet. Tout est parfait !
M. Dominique Braye. Et vous, qu'avez-vous fait ?
M. François Fillon, ministre. Si nous voulions aller vers la capitalisation, nous ne chercherions pas à garantir le niveau des retraites le plus élevé possible à chacun de nos compatriotes.
Nous laisserions - c'est finalement ce que vous faisiez d'ailleurs - le système se désagréger tout seul...
M. Bernard Frimat. Caricature !
M. Dominique Braye. C'est bien ce que vous avez essayé de faire !
M. François Fillon, ministre. ... et, quand il serait désagrégé, la capitalisation s'imposerait !
M. Bernard Frimat. Caricature !
M. François Fillon, ministre. Ça n'a rien d'une caricature, c'est la réalité. Je voudrais vous faire remarquer que cette réforme renforce la répartition. Rien dans cette réforme n'encourage la mise en place de fonds de pensions. Je vous le rappelle, notre pays détient le record d'Europe d'épargne.
Alors qu'il n'y a dans notre pays ni système par capitalisation ni fonds de pensions vous trouvez normal et naturel que nous ayons le record, tous pays européens confondus, de l'épargne...
M. Michelle Demessine. Qui épargne ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Pas les retraités !
M. François Fillon, ministre. Nous voulons bien sûr ouvrir des possibilités d'épargne retraite à tous nos concitoyens au lieu de les réserver aux fonctionnaires, aux cadres supérieurs et aux élus locaux,...
M. Dominique Braye. C'est ça votre égalité !
M. François Fillon, ministre. ... mais nous tournons le dos aux fonds de pensions. Il y aura d'ailleurs un juge de paix dans cette affaire,...
Mme Michelle Demessine. Ça, c'est sûr !
M. André Vezinhet. Oui, le suffrage universel !
M. François Fillon, ministre. ... car, lorsque le dispositif sera mis en oeuvre, tout le monde constatera que, sur ce sujet, vous avez défendu des positions irresponsables qui ne correspondaient pas à la réalité.
M. Dominique Braye. Ecoutez donc Michel Rocard !
M. François Fillon, ministre. Je finirai en indiquant au Sénat qu'un député du groupe socialiste qui ne fait pas partie du « quarteron » dénoncé hier par un sénateur du groupe socialiste, un jeune député socialiste, brillant,...
M. Claude Domeizel. Nous le sommes tous !
Mme Nicole Borvo. Il distribue des bons points maintenant !
M. François Fillon, ministre. ... a, au début du débat sur les retraites, indiqué dans une interview au Monde qu'il était, à titre personnel, favorable à la capitalisation obligatoire comme en Suède. Comprenne qui pourra ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 806.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Division additionnelle avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 56, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er insérer la division additionnelle suivante :
« Chapitre II
« De la période d'activité. »
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 57, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Le départ à la retraite est fixé pour tous à 60 ans. La retraite à 60 ans doit demeurer le pivot collectif autour duquel peuvent s'articuler les éléments de choix individuels ou collectifs. »
L'amendement n° 58, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« I. _ Le départ à la retraite à 60 ans s'effectue de droit à taux plein. Au-delà de cette limite, il ne peut donner lieu ni à retenues ni à désavantages.
« II. _ Les taux des contributions portant sur les revenus définis aux articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale sont relevés à due concurrence. »
L'amendement n° 822, présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Le système de retraite par répartition est au coeur du contrat social entre les générations. Il garantit à chacun le droit à la retraite à 60 ans à taux plein. »
L'amendement n° 844, présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« La nation réaffirme solennellement le choix du droit à la retraite à 60 ans à taux plein. »
L'amendement n° 855, présenté par MM. Estier et Chabroux, Mmes Pourtaud, San Vicente, Campion, Cerisier-ben Guiga, Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« La nation réaffirme solennellement le choix du droit à la retraite à 60 ans à taux plein. »
L'amendement n° 57 n'est pas soutenu.
M. Henri de Raincourt. Il est indéfendable !
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 58.
M. Roland Muzeau. Le vote de la réforme Balladur en 1993 et le passage à 40 annuités de cotisation pour le secteur privé n'ont fait qu'exacerber les problèmes liés aux retraites et à l'emploi des salariés de plus de 50 ans.
L'hypocrisie a consisté à faire croire que cette mesure se plaçait dans une logique de justice sociale. Or, loin d'apporter des réponses et de régler les problèmes existants, elle a eu pour effet un allongement de la durée des cotisations et l'apparition, entre autres conséquences, d'une inégalité. Nombre de salariés partent en effet désormais à la retraite sans bénéficier du taux plein, car ils ne possèdent pas le nombre d'années obligatoires de cotisation, et se voient infliger un système de décote très pénalisant.
Cette situation ne vous semblait pas assez injuste, monsieur le ministre, puisque le projet de loi qui nous est aujourd'hui présenté prévoit que ces mesures qui ont montré leurs limites et leur effet nocif seront maintenant applicables à tous - salariés du secteur public comme du secteur privé - à partir de 2008 !
Vous n'avez donc pas pris toute la mesure des réalités actuelles en matière de départs à la retraite ni de la situation du marché du travail pour la tranche d'âge comprise entre 50 et 60 ans.
L'allongement de la durée de cotisation légale et les difficultés que rencontrent certaines personnes pour atteindre celle-ci concernent tous les salariés.
Je prendrai, pour illustrer mon propos, un exemple très concret : celui des femmes.
Ainsi, 39 % des femmes qui liquident leur retraite n'ont pas validé une carrière complète, contrairement à 85 % des hommes. Pour éviter une réduction trop importante du montant de leur pension, elles sont souvent amenées à travailler jusqu'à un âge plus avancé que les hommes, en moyenne deux ans de plus.
A cela s'ajoutent des inégalités salariales qui influent sur le versement de la pension. Les femmes touchent un salaire inférieur de 25 % en moyenne à celui des hommes, et cet écart se creuse davantage encore lors de la retraite, pour atteindre 72 % du montant de la pension versée.
Monsieur le ministre, le système actuel crée donc des inégalités flagrantes et place de nombreux retraités en situation de précarité, au vu de la faiblesse, après décotes, des pensions perçues.
L'amendement n° 58 s'inscrit, par conséquent, dans une logique de justice sociale, car il apparaît essentiel que tous les salariés puissent, à l'âge de 60 ans, partir à la retraite sans qu'un système fondé sur un coefficient de minoration pour carrière incomplète leur soit appliqué.
Le taux plein à 60 ans, au prorata des années travaillées, doit être un droit, au même titre que le droit à la retraite, monsieur le ministre. Une personne qui décide de quitter la vie active à l'âge de 60 ans sans avoir cotisé le nombre d'années nécessaire ne doit pas avoir, pour autant, à subir des sanctions pécuniaires.
Nous vous demandons donc, mes chers collègues, d'adopter cet amendement, pour permettre à chacune et à chacun de nos concitoyens de quitter le monde du travail avec l'assurance que seront valorisées les années écoulées, sans craindre qu'un couperet budgétaire vienne amputer le montant de leur pension.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour présenter l'amendement n° 822.
M. Gilbert Chabroux. Nous sommes nous aussi très préoccupés par la question de l'âge de départ à la retraite à taux plein. La situation des jeunes nous inquiète. Ils se demandent comment ils atteindront le cap des 42 voire des 45 annuités, si les exigences du MEDEF finissent un jour par être satisfaites ! Et la question que nous devrions nous poser dans cette discussion est la suivante : que pouvons-nous répondre à ces jeunes ? En effet, les interrogations de la jeunesse ne doivent jamais être ignorées.
Les experts et les professionnels s'accordent à dire, sans esprit polémique, que les chiffres du chômage des jeunes masquent une réalité bien plus grave qu'il n'y paraît.
Selon les chiffres officiels, la hausse du chômage chez les moins de 25 ans a été de 7,5 % sur un an. Mais le nombre des jeunes accueillis par les missions locales augmente beaucoup plus vite, au moins de 10 % par an.
Plus grave, ces jeunes ne vivent pas tous ce que l'on peut appeler un chômage « classique ». Certains sont en situation de grande précarité, mais ne sont pas inscrits à l'ANPE. Ils n'en sont pas moins à la recherche d'un emploi. D'autres se présentent pour obtenir une formation, ou à cause de problèmes beaucoup plus graves de logement, de santé ou d'argent.
On pourrait penser que les jeunes diplômés ne rencontrent pas ces problèmes. Certes, leur situation est moins préoccupante, mais les missions locales sont maintenant présentes sur les campus universitaires parce que des jeunes de niveau bac + 1 ou bac + 2 ne parviennent pas à s'insérer professionnellement...
M. Dominique Braye. Qu'avez-vous fait du bac ?
M. Gilbert Chabroux. ... et qu'il faut mener à leur égard une action préventive.
Il faut d'ailleurs reconnaître, monsieur le ministre, que, pour le moment, vous n'avez pas songé à diminuer les crédits affectés aux missions locales. Votre expérience d'élu local vous aura fait connaître, il est vrai, le caractère indispensable de ces structures pour les jeunes en difficulté. Souhaitons que la décentralisation permette de maintenir ce degré de conscience et, surtout, que les crédits d'Etat soient correctement transférés.
Je rappelle en outre notre regret d'avoir vu supprimer la bourse d'accès à l'emploi, qui avait été créée pour accompagner le programme TRACE, trajet d'accès à l'emploi, ou pour les jeunes en difficulté. Vous avez semblé, ensuite, vouloir revenir sur cette disposition en évoquant la création d'une indemnité pour ne pas abandonner les jeunes concernés entre deux stages ou deux emplois. Monsieur le ministre, puisque vous êtes parmi nous pour quelques jours, permettez-moi de saisir l'occasion de vous interroger sur le point suivant : qu'en est-il de cette indemnité et avez-vous trouvé des crédits pour la financer ?
Plus généralement, les mesures que vous avez prises en ce qui concerne l'emploi et l'insertion professionnelle des jeunes ne nous semblent pas adaptées à la situation présente. Elles ne permettent de faire face ni à la morosité de l'économie ni à la remontée du chômage, qui frappe en priorité les jeunes.
Vous avez voulu prendre le contre-pied de la politique de vos prédécesseurs ; pourquoi pas, monsieur le ministre, si l'économie est en période durable d'expansion ? Pourquoi, en effet, ne pas se fonder sur le traitement économique du chômage, de préférence à son traitement social, si les entreprises sont capables de créer des emplois et de les maintenir durablement ? Cela pourrait se concevoir comme une utilisation pertinente des deniers publics, avec des contreparties en termes d'emplois. Il y aurait au moins matière à discussion.
Malheureusement, dans un contexte international qui se dégrade, avec des investissements en baisse, une consommation en berne et un chômage en hausse, cette politique ne paraît plus du tout appropriée.
S'agissant des jeunes, vous avez lancé le contrat jeunes en entreprise, un CDI destiné aux moins de 25 ans sans formation. A l'échelon national, il a donné des résultats moyens. Dans votre propre région, monsieur le ministre, on remarque que les deux tiers des bénéficiaires avaient un emploi lors de la signature du contrat, 54 % d'entre eux travaillant déjà dans l'entreprise avec laquelle le contrat était signé. L'effet d'aubaine a donc joué à plein au profit des employeurs, qui ont récupéré deux ans et demi de cotisations sociales patronales pour des employés qui étaient déjà à leur service.
L'effet sur la création nette d'emplois demeure donc négligeable. De plus, le jeune ne bénéficie pas d'une formation ou d'un accompagnement, et les jeunes les plus en difficulté restent à l'écart de l'emploi.
Par ailleurs, le coût du travail non qualifié pour l'entreprise a été diminué, et le coût de la protection sociale du salarié transféré à la collectivité. Cela s'inscrit dans la ligne du vade-mecum idéologique des libéraux.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Gilbert Chabroux. Pourtant, il y a nouveau distorsion de concurrence entre ceux qui savent et qui peuvent profiter du dispositif et les autres.
Toutefois, la vraie question est de savoir si ce dispositif sert véritablement l'économie, dont l'emploi est un élément moteur, et non une simple résultante. Je ne reviendrai pas sur ce que j'ai dit sur le lien manifeste entre l'emploi, la consommation et la croissance.
Un tel dispositif profite aux employeurs, mais il ne sert pas vraiment l'emploi parce qu'il ne comporte aucune exigence en termes de création nette d'emplois. C'est pourquoi nous craignons que le traitement purement économique du chômage appliqué aux jeunes, dont le sort nous préoccupe tout particulièrement, ne soit pas de nature à leur permettre de trouver un emploi durable et de constituer leurs droits à la retraite à taux plein. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour présenter les amendements n°s 844 et 855.
M. Claude Domeizel. Ces deux amendements sont presque identiques, mais, dans le texte du premier d'entre eux, le mot « Nation » est orthographié avec une majuscule, et c'est pourquoi je le défendrai de préférence. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Comme nous l'avons indiqué à plusieurs reprises lors de la discussion générale, le dispositif du projet de loi tend à remettre en cause la retraite à 60 ans.
M. Roland Courteau. C'est sûr !
M. Claude Domeizel. On comprendra donc pourquoi le groupe socialiste tient particulièrement à ces deux amendements, qui visent précisément à réaffirmer le choix du droit à la retraite à 60 ans à taux plein.
Certes, on peut affirmer que, pour équilibrer les comptes, il conviendrait de diminuer de 50 % le montant des pensions, d'augmenter de 60 % les cotisations et de prolonger de dix ans la durée de cotisation ! Nous comprenons en outre qu'il serait coûteux d'ouvrir le droit à pension après 40 annuités de cotisation même si le futur retraité n'a pas atteint l'âge de 60 ans. Cependant, à force d'écouter les financiers et les économistes, on finit par oublier ce dont on discute.
Or, de quoi, de qui s'agit-il ? Il s'agit de la retraite du maçon qui travaille en plein soleil, de l'infirmière qui travaille dans des conditions physiques et psychologiques difficiles, des marins qui sortent par tous les temps, etc. Je ne vais pas énumérer tous les métiers, mais c'est bien de cela dont nous parlons !
Dans cette optique, ce n'est pas un hasard si c'est le gouvernement de Pierre Mauroy, un homme du Nord, qui a instauré, en 1982, le droit à la retraite à 60 ans. Dans cette région, en effet, l'on savait ce que représentait la possibilité de partir à la retraite à cet âge ! D'ailleurs, les mineurs pouvaient prendre leur retraite à 50 ou à 55 ans, mais souvent ils n'en profitaient guère !
M. Guy Fischer. Ils mouraient de la silicose !
M. Claude Domeizel. Bien sûr ! C'est la toile de fond de toute mon enfance !
Il aura donc fallu attendre 1982 et le gouvernement de Pierre Mauroy pour que le droit à la retraite à 60 ans soit reconnu.
De façon paradoxale, on avait fixé, en 1945, à 65 ans l'âge de la retraite, alors que l'espérance de vie moyenne n'était que de 60 ans. On voit quelle importance pouvait revêtir, dans certains milieux professionnels, le droit à la retraite à 60 ans. On s'est battu pour atteindre un objectif qui a longtemps semblé inaccessible !
M. Dominique Braye. C'est vraiment nul ! C'est le café du commerce !
M. Claude Domeizel. Il a fallu attendre 1982 ! C'est la raison pour laquelle nous attachons un grand prix à ces amendements. Ceux d'entre nous qui ne les voteront pas montreront par là même qu'ils sont prêts à remettre en question un acquis essentiel, que nous voulons pour notre part inscrire d'une manière très claire et solennelle dans la loi, et non pas dans des articles épars du code de la sécurité sociale.
M. Dominique Braye. Ils ne seront pas votés, c'est tout !
M. Claude Domeizel. Je le répète : « La nation réaffirme solennellement le choix du droit à la retraite à soixante ans à taux plein. »
Excusez-moi, mes chers collègues, d'avoir parlé avec beaucoup d'émotion de cette question (Exclamations sur les travées de l'UMP),...
M. Dominique Braye. Au café du commerce, on parle avec beaucoup d'émotion !
M. Claude Domeizel. ... mais c'est parce qu'elle s'enracine dans mon enfance ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Après un tel plaidoyer, je serai très bref ! La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 58.
M. Roland Courteau. Ça, c'est un débat ! C'est très clair !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Toujours confiante et tournant ses regards vers l'avenir, elle est également défavorable aux amendements n°s 822, 844 et 855.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement n'est pas favorable à ces amendements. Cela étant, je voudrais faire remarquer à MM. Chabroux et Domeizel que les amendements qu'ils ont présentés mériteraient d'être réécrits.
M. Claude Domeizel. Nous sommes prêts à le faire !
M. François Fillon, ministre. En effet, dire que « la nation réaffirme le choix du droit à la retraite à 60 ans à taux plein » n'a pas de sens, car le droit à la retraite à 60 ans à taux plein n'existe pas aujourd'hui et n'a jamais existé ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Alain Gournac et Mme Nelly Olin. Et voilà !
MM. Dominique Braye et Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Ils n'ont rien compris !
M. François Fillon, ministre. C'est à 65 ans que ce droit est ouvert. Mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, vous aviez trouvé jusqu'à présent tout naturel qu'il en soit ainsi ! Par conséquent, nous ne proposons, dans ce domaine, aucun changement : prendre sa retraite à 60 ans est toujours possible, le taux plein ne pouvant être obtenu qu'à 65 ans. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. - Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Henri de Raincourt. Cela en devient comique !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 58.
M. Eric Doligé. Attention à ne pas faire de contresens !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet amendement vise, je le rappelle, à instaurer l'ouverture du droit à la retraite à taux plein dès l'âge de 60 ans, quel que soit le secteur d'activité du futur retraité.
Du fait de la dégradation massive des conditions de travail depuis plusieurs années, de l'intensification de la précarité et de l'exploitation, le travail est aujourd'hui bien souvent source de stress, de pathologies, d'accidents, de lassitude, de fatigue.
Le droit à la retraite prend dès lors une signification et une place essentielles dans la vie des salariés. Généralisé en 1946, au moment de la création de la sécurité sociale, ce droit ouvre la perspective d'un troisième temps de la vie, potentiellement source d'épanouissement et d'enrichissement auxquels les retraités, comme l'ensemble des membres de la société, peuvent prétendre.
Il serait d'ailleurs plus juste de dire qu'ils « devraient pouvoir » y prétendre, car, avec ce projet de réforme des retraites que vous entendez, monsieur le ministre, imposer au prix de contrevérités et de discours mensongers (Protestations sur les travées de l'UMP),...
M. Roland Courteau. C'est bien dit !
M. Alain Gournac. Ho, les communistes, soyez polis !
M. Roland du Luart. Ce n'est pas sérieux !
Mme Marie-Claude Beaudeau. ... s'agissant notamment des modalités de financement des retraites. La retraite comme temps de repos, de sérénité et nouvelle étape de la vie paraît bien compromise ! en effet, sans retraite garantie à 60 ans à taux plein pour tous, il est fallacieux de laisser croire que le droit à la retraite continuera à avoir une signification en termes d'égalité et de solidarité.
M. Henri de Raincourt. C'est comique !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ce droit à la retraite s'exerce - mais plus pour longtemps, même si vous vous employez vainement, monsieur le ministre, à persuader les Français du contraire - dans le cadre du système dit par répartition, et il est fondé sur l'égalité et sur la solidarité intergénérationnelle et interprofessionnelle.
Monsieur le ministre, vous tenez à placer votre réforme sous le signe de la modernité et du progrès. Or je vous le dis ici et deux millions de salariés et de fonctionnaires l'ont crié dans les rues des villes de notre pays voilà encore quelques semaines : la modernité et le progrès impliquent de maintenir le droit à la retraite et ses caractéristiques, notamment en ce qui concerne l'âge de départ, sans que l'on tente de rogner toujours davantage les revenus des salariés et les pensions des retraités et de remettre en cause les conditions de la préservation de la santé des Français.
Non seulement il faut que le départ à la retraite à 60 ans soit de droit à taux plein, mais il est également essentiel que, au-delà de cette limite, il ne puisse en aucun cas - c'est l'objet de notre amendement - donner lieu à retenues ou à désavantages.
Vous nous avez accusés à plusieurs reprises d'immobilisme, monsieur le ministre, et vous nous reprochez, au fur et à mesure de la présentation de nos amendements, de ne rien vouloir faire.
M. Henri de Raincourt. Eh oui !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Or nous demandons non pas le statu quo, mais le retrait de votre projet de loi et l'abrogation des lois et décrets Balladur et Veil de juillet et d'août 1993. A cette fin, nous formulons diverses propositions de financement que vous balayez à chaque fois d'un revers de main !
M. Alain Gournac. Cela ne tient pas debout !
M. Henri de Raincourt. Cela coûterait cinquante milliards d'euros !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Seules les solutions que vous préconisez seraient acceptables !
Une législation rétrograde a conduit à porter progressivement à 40 annuités la durée de cotisation requise, au titre du régime général, pour ouvrir le droit à la retraite à taux plein. Simultanément, les lois et décrets de 1993 induisent un allongement graduel à 25 années, à l'échéance de 2008, de la période de référence pour le calcul du montant de la retraite - établi en fonction de la moyenne des salaires des 25 meilleures années de la carrière -, ce qui, tout à fait logiquement, aboutit à une diminution importante de celui-ci.
Or - et là apparaît encore une fois l'objectif visé au travers des lois de 1993, à savoir la réduction du montant des retraites, quitte à aggraver la précarité - cette législation entraîne des conséquences dramatiques, notamment pour les salariés dont les carrières ont été incomplètes. Ceux-ci voient en effet leurs retraites amputées en proportion et sont en outre sanctionnés une seconde fois par le biais d'un abattement de 1,25 % par trimestre manquant. Ainsi, le salarié à qui il manque dix trimestres verra le taux de sa retraite chuter de 50 % à 37,5 % du salaire moyen des meilleures années de sa carrière.
Pour garantir l'exercice du droit au départ à la retraite à taux plein à 60 ans avec 37,5 annuités, il est donc nécessaire de valider gratuitement les périodes non travaillées, les années d'études, les contrats d'insertion, le temps de recherche du premier emploi, les périodes de chômage, indemnisées ou non.
M. Hilaire Flandre. Et caetera, et caetera !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Nul doute, en effet, que les carrières incomplètes, que celles-ci résultent ou non d'une démarche délibérée, correspondent, pour les salariés concernés, à des temps de formation, d'enrichissement, d'études, ou, malheureusement, à de difficiles périodes de chômage. En aucun cas, mes chers collègues, il ne s'est agi de vacances, sauf peut-être pour une minorité de nantis. Il est donc invraisemblable de sanctionner le caractère incomplet de certaines carrières.
M. Alain Gournac. Absolument pas !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Aussi, nous vous invitons à adopter cet amendement, en précisant, mais vous l'avez compris, mes chers collègues, qu'il n'exclut en rien ni les retraites anticipées à taux plein pour les salariés handicapés et/ou ayant exercé des travaux pénibles,...
M. Alain Gournac. Formidable !
Mme Marie-Claude Beaudeau. ... ni la possibilité laissée à ceux qui le souhaitent de choisir librement le moment de leur cessation d'activité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
M. Henri de Raincourt. Toujours la même litanie !
Mme Odette Terrade. J'ai bien entendu vos objections sur cet amendement, mais je reste intimement persuadée que les arguments que vous avancez ne tiennent absolument pas compte des réalités de la société française aujourd'hui. (Rires sur plusieurs travées de l'UMP.)
Il est vrai que l'appel mélodieux du MEDEF en direction du Gouvernement pour saper une fois de plus les avancées sociales pourrait correspondre au chant des sirènes qui avaient attiré Ulysse dans un monde apparemment merveilleux, mais rempli de pièges et d'illusions.
Monsieur le ministre, j'espère cependant que, tel Ulysse, vous aurez la lucidité de vous réveiller à temps, et que vous saurez écouter la voix de la sagesse.
Pour schématiser en quelques mots la projection que vous nous proposez pour réformer les retraites, il s'agirait donc de travailler plus, de gagner moins et d'accepter cet état de fait sans sourciller, au risque d'en être lourdement pénalisé.
Voilà quel est le rêve du Gouvernement. Mais laissez-moi vous exposer la réalité.
Si l'on vous écoute, la seule issue possible reviendrait à restreindre les départs anticipés à la retraite et à les repousser, je me permets d'ajouter : jusqu'à épuisement physique et moral.
Or il faut se rendre à l'évidence, enrayer tout départ anticipé n'aura pas comme corrélaire une présence accrue des salariés sur le marché du travail.
Les plus de 55 ans connaissent la crise de l'emploi. Le Conseil d'orientation des retraites lui-même a reconnu dans son rapport que l'emploi de cette catégorie de personnes n'était nullement assuré.
Nombre d'entre eux sont touchés par le chômage, ils sont écartés de leur travail parce qu'ils sont trop qualifiés et donc trop chers pour les patrons. Avouez tout de même que cette situation est insupportable !
Finalement, on s'aperçoit que le taux d'emploi au-delà de 55 ans est de seulement 30 %. A tel point qu'en période de baisse du chômage, cette catégorie est celle qui subit la baisse la moins importante et la moins rapide.
Avant même d'envisager un allongement de la durée du travail, il convient, à juste titre, de revoir les politiques d'emploi des seniors. Ces politiques doivent être appliquées dès l'entrée dans le monde du travail et doivent accompagner le salarié tout au long de sa vie.
Elles consistent par exemple - ces propositions ne sont pas exhaustives - à repenser les conditions de travail et à définir des programmes de formation tout au long de la carrière.
Les employeurs, pour leur part, ont l'obligation de modifier leurs comportements vis-à-vis des personnes qu'ils considèrent en fin de carrière, mais qui ont tellement de savoir-faire et de compétences à apporter aux entreprises.
En modifiant la perception de l'emploi, notamment de l'emploi des personnes âgées de plus de 50 ans, la France a la possibilité de sauver son système de retraite. Et par la modification des comportements actuels, nous pourrons sauvegarder le départ à la retraite à 60 ans et à taux plein, sans que des retenues, des décotes, des malus ou des désavantages soient imputables.
C'est pourquoi nous voterons l'amendement n° 58, qui a été présenté par mon collègue M. Roland Muzeau.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 58.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur l'amendement n° 822.
Mme Marie-Christine Blandin. Je souhaite soutenir l'affirmation selon laquelle le système de retraite est vraiment au coeur du contrat social entre les générations quand il est par répartition et quand il garantit à chacun le droit à la retraite à 60 ans à taux plein.
Paradoxalement, et contrairement à ce que vous dites, monsieur le ministre, votre projet de loi va créer des conditions mauvaises pour tous et une injustice pour les salariés du secteur privé.
En effet, l'obligation douloureuse de cotiser 40 annuités, même si les études furent longues, même s'il y eut des enfants, même s'il y eut chômage, sera possible à mettre en oeuvre pour les fonctionnaires, qui se maintiendront en poste, mais sera inaccessible pour les salariés du secteur privé, que les entreprises licencient déjà dès 50 ans. Vous allez créer des injustices croissantes pour les salariés du secteur privé. A moins que vous n'envisagiez de pénaliser ceux qui licencient les salariés âgés de plus de 50 ans. Car pourquoi les licencie-t-on ? Pour une rentabilité maximale ! Et pourquoi recherche-t-on la rentabilité exacerbée ? A cause des fonds de pension ! Car des gestionnaires de ces fonds courent de groupe en groupe pour faire valoir leurs réserves, et exigent des économies draconiennes et poussent aux licenciements précoces.
Voilà pourquoi nous sommes attachés à ce droit à partir à 60 ans, et nous souhaitons que ce chiffre soit inscrit dans la loi.
Répondant tout à l'heure à l'une de nos collègues, Mme Claire-Lise Campion, vous avez utilisé le terme « malhonnête »...
M. François Fillon, ministre. Oui !
Mme Marie-Christine Blandin. ... pour son soupçon sur les fonds de pension,...
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le ministre, vous aviez perdu votre sang-froid !
M. François Fillon, ministre. Ce n'était pas un soupçon, c'était une affirmation !
Mme Marie-Christine Blandin. ... et vous avez considéré que votre projet était clair : il affirme l'attachement à la répartition. Mais, hélas ! cette affirmation ne suffit pas. Votre répartition est mal ficelée, votre projet est mal financé.
Pourquoi notre groupe et Mme Campion ont-ils eu raison ? Parce que nous ne connaissons que trop bien votre méthode, désormais limpide : un« vrai-faux » budget démenti par des gels successifs ; un « vrai-faux » discours à Johannesburg démenti par l'étranglement de toutes les actions du développement durable - les voyous des mers courent toujours, mais les associations d'insertion ont été tuées en plein vol - ;...
M. Bernard Murat. Quel rapport ?
Mme Nelly Olin. Hors sujet !
Mme Marie-Christine Blandin. ... et aujourd'hui, une vraie-fausse répartition (Exclamations sur les travées de l'UMP) qui sera démentie à la fois par l'arithmétique et par l'entrée à pas de loup de la capitalisation. Vos discours rassurants sont, hélas ! le faux nez du démontage méthodique des acquis. Vous avez évoqué un juge de paix. Nous verrons qui vote l'amendement n° 822 ; le juge de paix sera le suffrage universel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC.)
M. Eric Doligé. C'est émouvant !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 822.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Henri de Raincourt. Pas de chance !
M. le président. La parole est à M. André Vezinhet, pour explication de vote sur l'amendement n° 844.
M. André Vezinhet. Tout à l'heure, quand mon collègue défendait cet amendement, on pouvait percevoir une certaine émotion dans sa voix. En effet, notre débat touchait, et ce n'est pas si fréquent, à l'universel. Il s'inscrit dans l'histoire de l'humanité.
M. Bernard Murat. N'exagérons pas !
M. André Vezinhet. Or l'histoire de l'humanité a un sens dont elle ne s'est jamais départi. Aujourd'hui, il y a une évidence : nous devons nécessairement aller vers la réduction du poids du travail. En effet, l'évolution de l'outil de travail nous y conduit. Aussi il est anachronique d'inscrire - car, en fait, c'est ce qu'on nous demande - que l'âge officiel de la retraite à taux plein sera de 65 ans. Cela ne va pas dans le sens de l'histoire de l'humanité.
M. Hilaire Flandre. Mais c'est une réalité !
M. Serge Lepeltier. Partout !
M. André Vezinhet. Je voudrais revenir sur ce que vient de dire excellemment ma collègue. Vous qui vous faites les parangons de la défense de l'égalité entre les trois fonctions publiques et le secteur privé, vous êtes en train de réintroduire l'inégalité. Les patrons exerceront leurs droits pour licencier les gens dès lors qu'ils estimeront que ceux-ci sont devenus trop vieux pour travailler. Et vous voulez que les salariés travaillent jusqu'à 65 ans ? Il y a là un tissu d'incohérences. La seule réponse est celle qu'a évoquée M. Chabroux : il faut créer de l'emploi. Ce faisant, vous aurez la réponse au problème des retraites et vous équilibrerez vos comptes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. Gérard Le Cam applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. A la suite de l'intervention de mon collègue, je ne résiste pas à l'envie de lire un passage de l'audition de M. Guillaume Sarkozy...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Chacun ses références !
M. Roland Muzeau. ... par la commission des affaires sociales - décidément, quelle audition ! - qui illustre le mépris du patronat, que malheureusement vous soutenez, à l'égard des salariés dont on vient de parler à l'occasion de l'examen de l'amendement.
S'agissant des salariés qui travailleront jusqu'à 65 ans, M. Guillaume Sarkozy déclare : « En effet, si les personnes peuvent rester plus longtemps et tirer de réels avantages à cela, elles pourront décider de rester plus longtemps au chômage : pourquoi demanderaient-elles, dans ce contexte, la liquidation de leurs droits ? »
Mesurez-vous bien le mépris que constituent de tels propos ? Les travailleurs sont des fainéants, les jeunes ne veulent pas travailler, etc. Ne parlons pas des immigrés ! Nous avons eu droit à toute une série de discours sur le revenu minimum d'insertion - revenu minimum d'activité, le RMI-RMA, que nous avons encore à l'esprit et qui sont affligeants pour la représentation nationale et terribles pour des millions de nos concitoyens. Voilà ce que dit et ce qui est écrit dans le rapport de la commission des affaires sociales. Tels sont les propos de M. Guillaume Sarkozy et du MEDEF.
Vous, vous les reprenez à votre compte en rejetant d'un revers de main des amendements de justice sociale. C'est extrêmement grave. Quand on parle de recul de société, on est dans le vrai ; on n'est pas dans l'approximatif. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 844.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 855.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 845, présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Les partenaires sociaux chargés de la gestion des régimes complémentaires de retraite engagent une négociation afin de garantir une retraite complémentaire à taux plein dès l'âge de 60 ans. »
L'amendement n° 856, présenté par MM. Domeizel, Lagauche, Krattinger, Vantomme et Godefroy, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Les partenaires sociaux chargés de la gestion des régimes complémentaires de retraite engagent une négociation afin de garantir une retraite complémentaire à taux plein dès l'âge de 60 ans. »
La parole est à M. Claude Domeizel, pour présenter l'amendement n° 845.
M. Claude Domeizel. Avec votre permission, monsieur le président, je présenterai également l'amendement n° 856.
Nous avons préparé ce débat dans une telle précipitation qu'on finit par ne plus savoir où on en est ! Cela nous a posé quelques problèmes !
Je reviens brièvement à l'amendement précédent. J'ai cru comprendre, monsieur le ministre, que s'il était rectifié, vous seriez prêt à lui donner un avis favorable s'agissant des 60 ans.
M. Hilaire Flandre. C'est une interprétation !
M. Claude Domeizel. Monsieur le ministre, vous avez le loisir, d'ici à la fin du débat, de le reprendre et de nous le soumettre à nouveau si vous pensez que nous pouvons trouver une rédaction qui puisse vous convenir. Pour notre part, nous y souscrivons.
Au cours de la discussion générale, nous avons évoqué la multiplicité des régimes : les régimes de base, les régimes complémentaires, les régimes spéciaux, etc. Je signale au passage qu'elle contribue à alourdir et à rendre encore plus difficile la réalisation d'une véritable réforme et explique pourquoi le temps que vous consacrez à tenter de manoeuvrer ce lourd « paquebot », comme je le disais tout à l'heure, est nettement insuffisant.
Au moment où l'âge de la retraite a été ramené à 60 ans, il fallait résoudre le problème des régimes complémentaires. En effet, on voyait mal comment on pouvait partir en retraite à 60 ans dans le régime de base si le régime complémentaire ne suivait pas. L'ordonnance de 1982 règle cette question, puisqu'elle donne la possibilité de partir à 60 ans sans coefficient de minoration et il y a un versement de cotisation à AGFF, l'association pour la gestion du fonds de financement de l'AGIRC et de l'ARRCO.
Cet amendement a finalement pour objet de bien asseoir, par la négociation, une garantie de retraite complémentaire à taux plein à l'âge de 60 ans. Il n'a rien à voir avec un amendement qui a été adopté par l'Assemblée nationale, sur une proposition du groupe socialiste, et qui concernait la période avant 60 ans. En l'occurrence, il s'agit de garantir une retraite à taux plein à l'âge de 60 ans.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 845 et 856 ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Mon cher collègue Domeizel, dans la mesure où vous évoquez le domaine de la négociation collective, la commission ne peut qu'émettre un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. Claude Domeizel. C'est bref !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Même avis.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 845.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 856.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 59, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« I. _ La durée maximale de cotisation pour l'ensemble des actifs permettant de bénéficier d'une retraite à taux plein est de 37,5 ans.
« II. _ Les taux des contributions portant sur les revenus fixés aux articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale sont relevés à due concurrence. »
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre, cet amendement porte sur deux remises en cause contenues dans votre projet de loi : celle des 40 ans pour les travailleurs du secteur privé et celle de la décision qu'a prise l'Assemblée nationale de porter la durée de cotisation à 40 ans pour les fonctionnaires.
Cet amendement comporte également deux propositions : la confirmation du pivot collectif de 60 ans et l'existence d'une limite maximale d'âge pour bénéficier d'une retraite à taux plein par une durée de cotisation de trente-sept années et demie.
Une telle proposition se fonde sur une conception morale de la vieillesse : quels que soient l'âge et la profession du salarié appelé à cesser sa vie de travail, il a droit aux mêmes égards, aux mêmes conditions de vie, au même repos, bien que les différences soient réelles aujourd'hui entre un salarié d'une fonderie et un fonctionnaire ayant toujours travaillé dans un bureau. Il s'agit là d'un principe non seulement de solidarité mais, beaucoup plus simplement, d'égalité.
Serait-il juste, en effet, que le mineur voie sa retraite amputée d'une partie de son pouvoir d'achat pour la simple raison que la profession de mineur a pratiquement disparu en France ? Serait-il juste que le fonctionnaire, dont la retraite est assurée, en ait la garantie, produite, elle, par la richesse nationale, c'est-à-dire par tous les citoyens qui travaillent ?
Il est juste et normal que le taux de remplacement - montant de la retraite par rapport au salaire d'activité - reste en moyenne de 77 % dans le secteur public et de 84 % dans le secteur privé. Qu'y a-t-il de normal à cet égard, mes chers collègues ? Voilà cinquante ans, un ouvrier retraité vivait avec de très faibles revenus, parfois dans la misère. Aujourd'hui, les différences subsistent, même si elles se sont atténuées.
Notre proposition reprend, en fait, les ordonnances de 1945 et la loi de mai 1946, adoptées sous le gouvernement du général de Gaulle, sous l'impulsion du ministre Ambroise Croizat, ce gouvernement ayant jeté les fondements d'une retraite juste, méritée, aisée, la plus égale pour tous entre les salariés. Elle nous conduit aujourd'hui à envisager une situation pouvant marquer un nouveau progrès si les propositions suivantes étaient retenues : maintien du droit pour tous au départ à temps plein et à 60 ans ; le salarié cotise pour un taux plein pendant 37,5 annuités de travail ; tout salarié ayant effectué un travail pénible doit pouvoir s'arrêter plus tôt ; pour compenser une entrée tardive dans la vie professionnelle, les temps de formation peuvent être pris en compte. Vous voyez bien, monsieur le ministre, que l'égalité est mieux assurée par de telles propositions.
Dès lors, que pouvez-vous y objecter sinon qu'elles sont conformes à cette notion que l'égalité est nécessaire, ainsi d'ailleurs, je le dis au passage, que la fraternité entre les hommes ?
La solidarité permet de dépasser les différences et d'établir la véritable égalité en matière de retraite encore plus que dans le reste de la vie sociale. Mais, je le sais, vous allez, une fois de plus, nous opposer des arguments financiers, en disant que cela coûte cher !
Nos propositions forment pourtant un tout indissociable en quatre points, et je viens de les rappeler. Toute dissociation, c'est vrai, entraîne une rupture avec toute politique d'ensemble faite de progrès social, de justice cohérente, avec une politique de diminution du temps de travail pour tous. Vous avez d'ailleurs du mal, mes chers collègues de la majorité, pour vous avoir entendus, à exprimer un chiffrage cohérent de cette dépense.
M. François Fillon, ministre. Absolument pas !
Mme Marie-Claude Beaudeau. J'entends une fois 100 milliards d'euros, une autre fois 50 milliards d'euros. Moi, j'ai envie de vous donner un chiffrage qui est réel.
M. Jean-Paul Emorine. Enfin !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le chiffrage est clair. Il pourrait être efficace. Nos propositions de financement comportent une priorité :...
M. Hilaire Flandre. Faire payer les riches !
Mme Marie-Claude Beaudeau. ... la suppression des exonérations de cotisations patronales. Vous ne pouvez pas contester le chiffre de 23 milliards d'euros de préjudice pour la sécurité sociale cette année, soit cinq fois de quoi financer le retour aux 37,5 annuités pour les seuls salariés du secteur privé. Sur cette mesure, que répondez-vous ? Je vous entends sur de nombreuses questions, mais jamais sur des réponses précises.
A cette somme, d'ailleurs, nous pouvons ajouter le préjudice causé par les plans d'épargne salariale en actions, qui ont coûté, je le rappelle, 6 milliards en 2001 à la sécurité sociale, sans compter les 2 milliards d'exonérations d'impôt sur les sociétés.
Les 37,5 années, vous les refusez. Peut-être finalement la mort dans l'âme, car il est difficile de se prononcer pour le progrès « en haut » par des affirmations de principe et faire tout le contraire pour la vie « en bas » des salariés et des retraités.
L'amendement que nous présentons est peut-être le plus important. C'est pourquoi - je l'ai entendu par ailleurs -, il provoque tant d'opposition et de hargne. Vous voulez à tout prix préserver les profits. Nous, nous voulons à tout prix défendre les droits des salariés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. J'ai écouté votre argumentaire, madame, mais le retour à 37,5 ans est impossible, vous le savez. Il est financièrement insupportable et exactement à l'opposé de l'esprit de la loi.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Donnez des chiffres !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. On va les donner !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Vous ne me ferez pas croire que vous n'avez pas procédé à un chiffrage !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Après le débat à l'Assemblée nationale, je pensais que le Sénat ferait preuve de beaucoup de rigueur. Or, madame Beaudeau - mais peut être n'étiez-vous pas là ce matin -...
Mme Marie-Claude Beaudeau. J'y étais !
M. François Fillon, ministre. ... j'ai commenté dans le détail le plan de financement du projet du parti communiste.
Mme Nicole Borvo et Mme Hélène Luc. Du groupe communiste républicain et citoyen !
M. François Fillon, ministre. Je l'avais présenté de la même manière à l'Assemblée nationale. Le président du groupe, M. Bocquet, m'avait du reste remercié d'avoir bien voulu accepter un vrai débat avec lui, et il n'avait en rien contesté les chiffres que j'avais donnés.
Il s'agit de 50 milliards de dépenses supplémentaires...
Mme Nicole Borvo. Vous n'avez pas chiffré le financement que nous vous proposons !
M. François Fillon, ministre. ... qui viendraient s'ajouter au déficit déjà prévisible de nos régimes de retraite à l'horizon 2020. Il nous faudrait donc trouver 50 milliards de plus !
Mme Nicole Borvo. Vous n'avez pas chiffré nos propositions de financement !
M. François Fillon, ministre. J'ai donné ce matin mon avis sur les financements que vous proposez !
Je ferai quelques remarques au sujet des 37,5 ans de cotisation.
Vous avez à ce propos évoqué l'esprit de la Libération. Mais il faut tout de suite préciser que cet esprit s'est brisé sur la fonction publique qui, naturellement, n'a pas suivi la même évolution et les mêmes règles que l'ensemble des régimes privés, et ce dès les années 1948 et 1949.
Aujourd'hui, nous proposons de porter à 40 ans la durée de cotisation pour tous les salariés, y compris pour les membres des fonctions publiques. Et vous, vous proposez de la porter à 37,5 ans ! Le groupe socialiste, tout du moins officiellement, ne vous suit pas sur cette proposition, et il a raison. (Protestations sur les travées du groupe CRC.).
Demander à une génération d'actifs sans cesse en diminution de financer plus longtemps une génération de retraités qui est sans cesse en augmentation, cela n'a pas de sens. A l'évidence cela n'est pas possible. Cela ne correspond pas aux réalités.
Au sein de l'Union européenne d'ailleurs, pour ne prendre que cet exemple, où les différents pays sont dirigés par des gouvernements très divers, de gauche comme de droite, aucun système de retraite n'est fondé sur une durée de cotisation de 37,5 années ! Aucun pays européen n'a opté pour une durée de cotisation de 40 annuités ! Tous les autres pays de l'Union européenne ont retenu des durées de cotisation qui sont grosso modo de 45 annuités !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Et alors ?
M. François Fillon, ministre. Certes, nous pouvons avoir raison seuls contre tous les autres. Mais aujourd'hui, ce n'est pas le bon choix ni le bon message d'espoir à adresser à nos concitoyens. Cela ne revient, en effet, qu'à les tromper sur la réalité des financements de la retraite. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme Nicole Borvo. Il y a même des pays qui n'ont pas de système de retraite !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 60 est présenté par MM. Fischer, Bret et Coquelle, Mmes David, Didier et Luc et M. Renar.
L'amendement n° 61 est présenté par Mmes Demessine, Beaufils et Beaudeau, M. Foucaud, Mme Mathon, MM. Le Cam et Biarnès.
L'amendement n° 62 est présenté par Mme Borvo, M. Muzeau, Mme Bidard-Reydet, M. Ralite, Mme Terrade et M. Loridant.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Avant l'article 1er, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Tout abattement pour carrière incomplète est supprimé au-delà de la limite d'âge du départ en retraite prévu pour le secteur d'activité ou le corps professionnel.
« Toute décote des pensions est supprimée dans son principe et son effet.
« Ces dispositions prennent effet dès adoption du présent article par le Parlement. »
La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 60.
M. Guy Fischer. Cet amendement présenté par les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen vise à permettre de garantir à tous un plancher limite pour le niveau des pensions, à savoir 75 % minimum du dernier salaire brut.
Pour les salariés dont la rémunération est égale au salaire minimum de croissance au moment de leur départ, les sénateurs de mon groupe considèrent qu'il est indispensable d'élever le niveau de rémunération à 100 %, afin de leur assurer un niveau de vie minimum. Lorsqu'on sait que plus de deux millions de travailleurs vivent actuellement en dessous du seuil de pauvreté, on comprend la portée d'une telle précision.
De quelle retraite parlons-nous en effet quand, pour de nombreuses personnes, « le travail ne fait plus vivre », pour reprendre les termes de la revue Politis ? L'apparition d'une nouvelle catégorie de travailleurs pauvres en est la traduction : il y a près de 2 millions de travailleurs pauvres en France, messieurs les sénateurs, c'est-à-dire 2 millions de personnes qui, bien qu'ayant un travail, ont un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté, et vivent avec moins de 550 euros par mois.
Mme Nicole Borvo. Il n'est pas possible de vivre avec 550 euros par mois !
M. Guy Fischer. Et, vous le savez, cette nouvelle tendance est en train de se généraliser. Ce phénomène est bien connu aux Etats-Unis, mais, maintenant, la grande pauvreté, la précarité sont en train de se développer en France.
M. Hilaire Flandre. Depuis que la gauche est là !
M. Guy Fischer. Non c'est un phénomène qui s'accélère avec la droite, monsieur Flandre !
M. Henri de Raincourt. Non !
M. Alain Fouché. Comment est-ce dans les pays de l'Est ?
M. Guy Fischer. Vous le verrez, avec votre réforme, cela ne fera que s'aggraver !
M. René-Pierre Signé. Parce que vous êtes des spécialistes du chômage !
Mme Nicole Borvo. Essayez d'imaginer comment on vit avec 550 euros par mois au lieu de vous gausser !
M. Guy Fischer. De quoi seront faites les retraites de ces personnes qui ne peuvent même pas vivre du revenu de leur travail ? Avez-vous cela à l'esprit aujourd'hui ?
Ne pas voter cet amendement reviendrait à accepter une paupérisation des salariés faiblement rémunérés au moment de leur retraite, ce qui constituerait un facteur supplémentaire d'exclusion.
Là encore, contrairement à ce que Geneviève de Gaulle-Anthonioz espérait, l'exclusion est en train de se développer.
Mme Hélène Luc. Oui !
M. Guy Fischer. Les conséquences seront d'autant plus dramatiques que, chaque jour, notre système de protection sociale est mis un peu plus en péril par les réformes que vous proposez et que vous nous proposerez, notamment celle du déconventionnement des médicaments.
M. Mattei vient de retenir un dossier selon lequel plusieurs centaines de médicaments devraient être déconventionnés.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est Mme Guigou qui a commencé !
M. Guy Fischer. Mais vous, vous accélérez !
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas une raison pour continuer !
M. François Fillon, ministre. Ce qui était bon avec Mme Guiguou ne l'est plus avec M. Mattei.
M. Guy Fischer. C'est l'institution du ticket modérateur qui va se généraliser. Il en serait question dans la réforme de l'assurance maladie, qui touchera peut-être les consultations, le remboursement des ordonnances.
Dans un débat sur la protection sociale, on ne peut pas dissocier retraite et assurance maladie ; nous discuterons donc automatiquement du dossier de la privatisation de la sécurité sociale.
Quel avenir proposez-vous à ces salariés déjà éprouvés par la précarisation de leur travail et la paupérisation ?
En refusant notre amendement, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous fabriquez les exclus et la grande pauvreté de demain. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter l'amendement n° 61.
Mme Michelle Demessine. La loi Balladur-Veil de 1993 a introduit une rupture de la parité entre l'évolution du pouvoir d'achat des actifs et celui des retraités. Sa mise en oeuvre conduit à une grave diminution du taux de remplacement net moyen, qui s'élèvera à 64 % en 2040 contre 78 % en 2000.
Avec ce projet de réforme des retraites, il est envisagé de généraliser au plus vite ces mesures en indexant les pensions sur les prix et non plus sur les salaires.
Cela s'ajoutait, à l'époque, à une décote par année manquante qui n'est pas remise en cause dans le présent projet de loi.
Certes, cette décote va être réduite et passer de 10 % par an à 5 % à partir de 2004. Mais elle ne compensera que très marginalement les effets combinés des mesures Balladur et ceux des dispositions du présent projet de réforme.
De plus, si le texte est adopté en l'état, l'instauration de la décote vaudra aussi pour le secteur public.
On sait que l'âge d'entrée dans la vie active a des conséquences directes sur l'acquisition des droits, ce qui pose un problème. Ceux qui ont fait de longues études, qui ont mis un temps plus ou moins long pour trouver un emploi, devront, afin de pouvoir prétendre à une retraite complète, travailler jusqu'à 65 ans, voire plus. Sinon, ils se verront pénaliser par l'application de la décote, qui diminuera plus que proportionnellement le montant de leur retraite. Puisque les années de formation et les difficultés d'insertion dans le marché du travail ne seront pas prises en compte, de nombreux jeunes auront des difficultés à obtenir le droit à une retraite à taux plein.
Les générations qui sont entrées dans la vie active au moment où le chômage de masse, la précarité, le travail à temps partiel se développaient verront aussi leur retraite souffrir plus que proportionnellement de ces mauvaises conditions d'accès au marché du travail.
Nous savons tous que le pourcentage des carrières complètes est très loin d'atteindre les 100 %. Parmi l'ensemble des salariés ayant pris leur retraite en 2001, seuls 52 % d'entre eux avaient atteint 40 annuités de cotisation.
Par ailleurs, si l'augmentation des taux d'activité professionnelle des femmes conduit, et c'est heureux, à un rapprochement des droits personnels à la retraite des hommes et des femmes, les projections démontrent qu'un écart se maintient durablement si : 84,5 % des hommes à la retraite ont effectué une carrière pleine, seulement 39,1 % des femmes sont dans ce cas.
Cet écart tient aux caractéristiques des carrières des femmes qui continuent d'être plus heurtées avec, vous le savez, des périodes d'interruption et de temps partiel fréquentes. Cet écart est également lié au fait que les femmes continuent à assumer au quotidien l'essentiel des tâches liées à l'éducation des enfants, ce qui a des incidences sur leur vie professionnelle.
Moins reconnues, moins payées à qualification égale, elles subissent de plein fouet la décote appliquée par année manquante. Il est évident que, dans ces conditions, les femmes sont particulièrement pénalisées.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, mes chers collègues, de voter l'introduction dans le projet de loi du présent article additionnel.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l'amendement n° 62.
Mme Odette Terrade. Avec le projet de loi que vous nous soumettez, monsieur le ministre, nous sommes à l'évidence confrontés à un véritable choix de société.
Vous optez pour une libéralisation, progressive certes, mais qui sera totale d'ici à 2020. Cette optique n'est pas la nôtre, vous vous en doutez bien.
Toutefois, ne croyez pas, mes chers collègues, que nous ne sommes pas favorables à une réforme de la protection sociale en général et de notre système de retraite en particulier. Bien au contraire ! Cependant, nous ne l'envisageons pas du tout sous le même angle ni avec les mêmes objectifs.
Quelles orientations devons-nous mettre à jour pour répondre à l'objectif d'un financement supplémentaire pour les pensions de retraite ? Qui doit prendre en charge ce besoin de financement et comment ?
Nous pensons que notre pays ne pourra assumer une véritable réforme de son système de retraite qu'en s'appuyant sur une vraie politique de l'emploi et des salaires, sur une politique nationale de sécurisation des parcours professionnels et sociaux. Dans cette perspective, nous avançons l'idée d'une refonte globale du financement de notre système de retraite par répartition et, plus généralement, de la sécurité sociale.
Tout d'abord, nous exigeons de stopper les exonérations de charges patronales, qui sont à l'origine des déficits de comptes de la sécurité sociale et qui sont totalement inefficaces pour l'emploi, et nous proposons d'utiliser les 18 milliards d'euros de ce manque à gagner pour construire une politique sélective du crédit des entreprises. Ainsi, plus les investissements permettraient de programmer des emplois, de la formation et des salaires et plus les taux d'intérêt seraient abaissés sous forme de bonifications d'impôts.
Le crédit étouffe aujourd'hui les entreprises. Nous proposons de le révolutionner pour en faire un outil de sécurisation de l'emploi et de la formation.
De même, nous estimons qu'il est nécessaire de réformer l'assiette des cotisations sociales patronales afin de rendre ce dispositif plus efficace en matière d'emploi et de création des richesses. C'est pourquoi nous proposons une modulation de l'assiette des cotisations sociales patronales.
C'est une réforme structurelle déterminante. En effet, cette modulation consisterait à faire cotiser plus ou moins chaque entreprise suivant l'effort qu'elle fournit en matière de création d'emplois, de formation et de salaires. La cotisation demeurerait assise sur les salaires, mais son taux serait modulé à la baisse si l'entreprise augmente la part de ses dépenses sécurisant emploi, formation et salaires, dans sa valeur ajoutée globale, et à la hausse si elle diminue la part de ses dépenses dans ces domaines. Il s'agirait de cette façon d'encourager les entreprises qui contribuent à l'emploi et à la formation et de pénaliser celles qui jouent la finance contre l'emploi.
Enfin, parce qu'il est inadmissible que la finance soit exclue d'une contribution sociale à la nation, nous proposons d'instituer une cotisation sociale sur les revenus financiers des entreprises et des ménages, hors épargne populaire, à un taux identique à celui qui s'applique aux salariés pour la branche vieillesse.
Contrairement à vous, nous ne nous contentons pas de traiter le problème du financement des retraites comme celui d'un gâteau qu'il convient de partager.
Nous nous sommes fixé comme principe de présenter un ensemble de réformes structurelles visant à augmenter le gâteau à partager en changeant le contenu de la croissance puisque, au final, la sécurisation de l'emploi et de la formation sécuriserait les retraites par répartition et le financement de ces dernières sécuriserait l'emploi et la formation.
Non seulement nous visons, par ces propositions, l'inscription des recettes de la protection sociale, dont celles de la vieillesse, dans un cercle vertueux de croissance, mais, en plus, nous avons l'ambition d'élaborer par ce moyen, avec le monde de l'entreprise, les conditions d'une nouvelle compétitivité de la force productive de notre pays.
C'est toute une logique économique et sociale que nous inventons.
Au demeurant, nous comprenons parfaitement que vous rejetiez ces propositions, tant elles s'éloignent du dogme libéral que vous ressassez et des intérêts de la finance que vous défendez.
Mme Nelly Olin. Nous n'avons pas les mêmes valeurs !
Mme Odette Terrade. Mais c'est à ce prix, et à ce prix seulement, que nous pourrons envisager sérieusement une réforme de notre système de retraite par répartition qui se construise non contre les travailleurs et les retraités de notre pays, mais avec eux.
Voilà le sens de notre amendement n° 62. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nelly Olin. C'est un non-sens !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Monsieur Fischer, en vous écoutant présenter l'amendement n° 60, j'ai été tenté de compléter quelque peu votre argumentaire !
Vous avez évoqué la situation, certes difficile, des basses pensions, puis la privatisation de la sécurité sociale. Or, quand je relis l'objet de votre amendement, où vous évoquez, notamment, les abattements pour carrière incomplète et les décotes pour pension par rapport à la réforme Balladur, j'ai du mal à situer vos propos, et c'est pour cela que je me proposais de continuer un petit peu votre argumentaire !
M. Guy Fischer. On va y arriver !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Mais, en entendant vos collègues présenter les amendements n°s 61 et 62, j'ai cru comprendre qu'ils avaient centré le débat sur des sujets qui répondaient mieux à ces trois amendements identiques. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mais j'ai cru aussi reconnaître le « triptyque » communiste, républicain et citoyen au travers de vos propos.
En ce qui concerne l'objet de ces trois amendements identiques, il y a quand même, me semble-t-il, une certaine confusion.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Clarifions !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Dans ce projet de loi, la décote est en effet toujours levée autour d'un certain âge : à 65 ans pour les travailleurs du secteur privé et, pour le secteur public, où elle sera mise en place progressivement, elle sera annulée à un âge pivot : 55 ans pour les services actifs, et 60 à 65 ans pour les autres.
Je tenais à relever cette première confusion. (M. Roland Muzeau s'exclame.) Vous le savez très bien, monsieur le sénateur, puisque vous avez participé aux réunions de la commission.
A l'article 17, la commission a d'ailleurs proposé que soit instaurée une surcote pour toutes les personnes qui, à l'âge de 65 ans, ne peuvent pas se prévaloir de 170 trimestres de cotisation.
Mme Hélène Luc. C'est un problème, effectivement !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il s'agissait, pour la commission, de rattraper le temps perdu.
Cela dit, la commission a émis un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Ces amendements du groupe communiste citoyen et républicain... Pardonnez-moi : je veux parler du groupe communiste républicain et citoyen. Il est vrai que ce n'est pas facile à mémoriser, d'autant que j'ai toujours pensé que les communistes étaient de toute façon républicains et citoyens ! Pourquoi cette sucession d'adjectifs ? (Sourires sur les travées de l'UMP.- Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Paul Blanc. C'est la faute de Loridant ! (Nouveaux sourires.)
M. François Fillon, ministre. Quoi qu'il en soit, ces amendements visent à supprimer la décote, qui était jusqu'à présent de 10 % et que nous allons porter progressivement à 5 %. Leurs auteurs reconnaîtront avec moi qu'ils seraient plus crédibles si, au cours des quinze dernières années, ils avaient manifesté quelque volonté de supprimer la décote qui existait dans le régime général et qui n'a jamais été remise en cause.
En vérité, la raison pour laquelle, tout d'un coup, une grande émotion se fait jour tient au fait que cette décote va désormais, en vertu de l'équité, s'appliquer aux régimes des fonctions publiques.
Mme Nelly Olin. Et voilà !
M. François Fillon, ministre. La décote va donc désormais concerner tous les régimes. Naturellement, cela provoque des émois, et je demande à la majorité de ne pas s'y laisser prendre.
M. Henri de Raincourt. Il n'y a pas de danger !
M. René-Pierre Signé. Il n'aime pas les fonctionnaires !
Mme Nicole Borvo. Ça, nous le savons bien !
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. Il s'agit d'un problème important, chers collègues !
Mme Nelly Olin. Nous en avons conscience !
Mme Hélène Luc. L'amendement n° 61 porte en effet sur la question fondamentale des modalités de calcul des pensions et retraites.
Comme nous aurons certainement encore l'occasion de le souligner et de le démontrer, une bonne part du financement de la réforme de notre système de retraite par répartition est assurée, en réalité, par une réduction du niveau des prestations qui seront servies aux assurés sociaux.
Dans la pratique, cela signifie que la présente réforme des retraites intégrera pleinement les effets de la réforme Balladur pour ce qui est du calcul du salaire de référence - les vingt-cinq meilleures années - comme pour ce qui est des modalités d'évolution du niveau des prestations - indexation sur les prix -, que, de surcroît, le calcul du salaire de référence sera affecté de coefficients négatifs, pudiquement appelés « décote » ou « minoration », et que cela touchera l'ensemble des personnes ayant eu le mauvais goût de ne pas avoir poursuivi une carrière complète.
Aujourd'hui, qu'est-ce que cela signifie, sinon que les jeunes ayant prolongé leurs études bien au-delà de l'âge de 25 ans, les femmes contraintes d'entrer dans la vie active pour faire face à l'éducation de leurs enfants, l'ensemble des personnes ayant tardé dans l'insertion dans la vie professionnelle seront directement pénalisés ? Je pense notamment aux enseignants, qui sont nombreux dans cette situation. Pour ne pas l'être, ces personnes seront invitées à prolonger plus que de raison leur activité professionnelle afin de parvenir, sauf rachat particulièrement coûteux des trimestres manquants, au nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier d'une retraite à taux plein.
Monsieur le ministre, comment feront les enseignants, par exemple, en particulier les nombreuses femmes seules qui exercent ce métier ? J'aimerais que vous répondiez à cette question. Les dispositions dont nous préconisons la suppression sont en fait profondément anti-sociales. Elles pénalisent les jeunes qui font l'effort d'accomplir de longues études ou les femmes désireuses de travailler pour disposer d'un revenu propre et d'une relative indépendance financière.
Les dispositions de minoration des pensions et des retraites n'ont qu'un objectif : réduire autant que faire se peut le montant des prestations servies en vue de préserver l'équilibre comptable des régimes de retaite.
Le groupe communiste républicain et citoyen - ici, au Sénat, il ne s'agit pas du parti communiste, monsieur le ministre - a une autre conception de la retraite, conception que, au demeurant, le parti communiste partage, bien entendu. (Ah ! sur les travées de l'UMP.) Nous souhaitons que chacun y trouve sa part.
Pour ces motifs, mes chers collègues, je ne peux que vous inviter à voter l'amendement n° 61.
M. le président. La parole est à M. Paul Loridant, pour explication de vote.
M. Paul Loridant. Je veux d'abord dire à monsieur le ministre que notre groupe est bien à la fois et communiste et républicain et citoyen : il est divers, ce qui implique que, parfois, des sensibilités différentes s'y expriment - nous ne sommes pas l'UMP ! -, même si nous sommes d'accord sur l'essentiel.
C'est précisément, en cet instant, le témoignage du citoyen que je souhaite apporter, monsieur le ministre.
J'ai trouvé la tonalité de votre réponse un peu revancharde à l'égard des fonctionnaires. Après tout, pourquoi faire reproche aux fonctionnaires de se battre pour leurs acquis ? Et pourquoi affirmer systématiquement qu'il faut s'aligner sur ce qui a été fait en 1993 ? Il est vrai que le corps social n'a pas suffisamment réagi en 1993 ; peut-être n'avons-nous pas su le mobiliser. Mais il faut se souvenir que le décret de 1993 était intervenu au mois d'août : le Premier ministre et le gouvernement de l'époque étant ce qu'ils étaient, ce n'était certainement pas un hasard.
Monsieur le ministre, les amendements qui sont proposés par les collègues de mon groupe ont tout de même une vertu : ils soulignent un aspect essentiel de votre réforme des retraites.
Je l'ai dit tout à l'heure, votre réforme, du fait de l'allongement de la durée de cotisation - sur quoi, à la limite, je suis prêt à discuter - auquel vient s'ajouter un système de décote, aboutit à un abaissement substantiel du niveau des retraites, et vous le savez très bien.
M. Guy Fischer. C'est une baisse de 20 % !
M. Paul Loridant. J'ai calculé le montant de cette baisse pour quelqu'un qui m'est proche : mon épouse.
Mme Hélène Luc. C'est un exemple concret !
M. Paul Loridant. Je puis vous dire que le manque à gagner par rapport au système actuel représentera, au moment de la retraite, de 1 500 à 2 000 francs par mois.
M. Guy Fischer. Vous vous rendez compte ?
M. Paul Loridant. Et il s'agit d'un simple fonctionnaire de catégorie B, non d'un inspecteur général de l'éducation nationale !
Mme Nicole Borvo. Ce ne sont pas des riches !
M. Paul Loridant. Vous reprochez à notre groupe un manque de cohérence. Or c'est en nous appuyant sur des situations concrètes, vécues, que nous élaborons nos amendements. Quand mes collègues proposent des amendements visant à réaffirmer un certain nombre de principes et à supprimer la décote à partir d'un certain niveau, cela me semble parfaitement cohérent.
C'est pourquoi, contrairement à vous, monsieur le ministre, j'invite nos collègues de la majorité à voter ces amendements. Ils sont, je le sais, très attachés au statut des fonctionnaires. Ils travaillent d'ailleurs en permanence avec des fonctionnaires dans les collectivités territoriales et ils ont le souci d'être proches de ceux qui les aident à gérer ces collectivités. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. - M. Serge Lagauche applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Je souhaite simplement rappeler à M. Loridant que la décote date non pas de 1993, mais de 1945. Si on l'a instituée en 1945, c'est qu'on avait sans doute de bonnes raisons de le faire. Pour notre part, nous souhaitons la réduire et la fixer au même niveau pour tout le monde. Notre objectif est naturellement - c'est toute la philosophie de ce projet de loi - d'obtenir que les Français travaillent un peu plus longtemps.
Monsieur Loridant, permettez-moi de vous dire que, si Mme Loridant travaille un peu plus longtemps, elle n'aura pas à souffrir de la décote ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. Quand il s'agit d'impôt sur le revenu, la décote ou la minoration sont des termes positifs. Il s'agit alors de prendre en compte la faiblesse ou la modestie des ressources des contribuables et de leur appliquer un correctif, signe de la bonne volonté et de la générosité de notre administration fiscale. Nombre de retraités modestes bénéficient d'ailleurs légitimement de ces mesures, car ils ne perçoivent que le minimum contributif ou le minimum vieillesse ou encore, s'agisssant des veufs et veuves, qu'une modeste pension de réversion.
Dans ce projet de loi, le mot « décote » est manifestement mis à toutes les sauces ; celle qui est présentée ici aux assurés sociaux est assez saumâtre et difficile à avaler ! En effet, en matière de retraites, la décote, c'est l'abattement qui sera appliqué sur le salaire de référence et conduira à réduire, dans des propositions non négligeables, une pension ou une retraite. Je précise d'ailleurs que le montant futur de cette retraite subira les affres du gel en termes de pouvoir d'achat.
L'allongement de la durée de cotisation pour bénéficier d'une retraite à taux plein incitera fortement les jeunes à interrompre plus rapidement leurs études ou encore les femmes à éviter de s'engager dans la vie professionnelle, car, majoritaires dans les carrières incomplètes, elles seront les premières victimes de ce dispositif de décote, qui les maintiendra au minimum vieillesse après des années de labeur. A moins que votre projet inavoué, monsieur le ministre, ne soit une fois de plus de les maintenir au foyer !
Comment peut-on décemment escompter créer les conditions d'un développement économique et social continu, régulier et producteur de nouvelles richesses à répartir au mieux entre tous les habitants de ce pays en favorisant dans les faits l'abaissement du niveau de formation initiale des jeunes ou en privant l'ensemble de l'économie et de la société de l'apport du travail féminin ?
C'est pourtant à cela que l'on risque de parvenir si l'on suit la logique infernale de la décote des pensions et des retraites.
C'est principalement pour ces raisons que nous voterons ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 60, 61 et 62.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, comme je l'ai indiqué en début d'après-midi, je demande l'examen par priorité du titre Ier, qui comprend les articles 1er à 13 bis, que nous pourrons ainsi aborder aussitôt après la suspension du dîner.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement y est favorable.
M. le président. La priorité est ordonnée.
NOMINATION DE MEMBRES
D'ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président. Je rappelle que la commission des affaires économiques et du Plan a proposé deux candidatures pour des organismes extraparlementaires.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :
- M. Henri Revol membre du Conseil supérieur de la sûreté et de l'information nucléaires ;
- M. André Ferrand membre du conseil d'administration du Centre français du commerce extérieur.
DÉPÔT D'UN RAPPORT
DE LA COUR DES COMPTES
M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier président de la Cour des comptes le rapport sur « La protection judiciaire de la jeunesse ».
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
réforme des retraites
Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant réforme des retraites.
Je rappelle que, avant la suspension, le Sénat a décidé d'examiner par priorité les articles 1er à 13 bis.
M. le président. La parole est à M. Claude Estier, pour un rappel au règlement.
M. Claude Estier. Monsieur le président, je tiens à protester solennellement, au nom de mon groupe, sur la façon dont on entend mener le débat ce soir, après l'initiative prise par le président de la commission des affaires sociales qui, à ma connaissance, n'a pas réuni la commission pour la consulter sur la demande de priorité qu'il a formulée, comme l'impose pourtant le règlement du Sénat.
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. Claude Estier. Je constate qu'à l'Assemblée nationale, où un nombre beaucoup plus important d'amendements et d'articles additionnels avaient été déposés avant l'article 1er, la commission et le Gouvernement ont laissé le débat se dérouler normalement.
Le groupe socialiste, pour ce qui le concerne, a déposé un nombre d'amendements que chacun a jugé raisonnable. Il faut croire que c'est encore trop, puisqu'on veut maintenant nous priver de la défense d'un certain nombre de ces amendements. Je tiens donc à protester solennellement au nom de mon groupe contre cette façon de faire. La commission et le Gouvernement n'y gagneront rien, car nous prendrons la parole autant de fois qu'il le faudra sur chacun des articles de ce projet de loi.
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
La parole est à Mme Nicole Borvo, pour un rappel au règlement.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre, dès cet après-midi, M. le président de la commission des affaires sociales avait demandé que soit examiné par priorité le titre Ier, à la reprise de la séance. Ainsi, avant même que ne débute la discussion des articles, la majorité sénatoriale avait exclu un échange sur le fond, une confrontation détaillée des points de vue.
Vous n'appréciez pas, nous le savons, que nous fassions porter la discussion sur des questions de choix de société, sur des questions aussi fondamentales que le devenir de la répartition des richesses produites. Pour vous, il n'y a qu'une réforme possible, la vôtre, vous nous l'avez dit et répété, et le meilleur moyen pour vous de le prouver est d'écarter du débat les propositions alternatives.
La demande de priorité, nous l'avons déjà dit tout à l'heure, était irrecevable à nos yeux sur le plan du débat démocratique. Un sujet comme les retraites mérite mieux que le recours à ce type de procédure. Pour notre part, afin que nos propositions soient discutées dans le cadre qui leur revient, nous venons de rectifier nos amendements n°s 64 à 94 rectifié pour les transférer du débat avant l'article 1er au débat sur l'article 1er en les transformant en paragraphes additionnels avant le texte même de cet article.
M. le président de la commission des affaires sociales nous a indiqué tout à l'heure qu'il suffira à chacun d'entendre la défense de nos amendements portant divisions ou articles additionnels pour s'apercevoir qu'ils s'appliquent à l'article 1er. Ainsi, monsieur le président de la commission des affaires sociales, votre voeu est exaucé et le débat aura lieu dans son ensemble dans le cadre de l'article 1er.
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je souhaite répondre aux deux présidents de groupe.
Monsieur Estier, je n'ai fait que respecter et la Constitution et le règlement du Sénat. Or si la Constitution dispose qu'« une assemblée saisie d'un texte voté par l'autre assemblée délibère sur le texte qui lui est transmis », il est normal que notre assemblée se saisisse d'entrée de jeu du texte qui lui a été transmis. Tels sont les termes de notre Constitution, et je ne peux faire autrement que d'en demander le respect.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous pouvons déposer des amendements avant l'article 1er !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous pouvez effectivement le faire, mais, si l'on s'en tient à l'esprit de notre Constitution, le Sénat doit commencer par délibérer du texte qui lui est transmis, comme le prévoient l'article 42 de notre Constitution ainsi que, dans des termes strictement identiques, l'article 42 du règlement du Sénat. Il n'y a donc rien de surprenant à ce que le président de la commission des affaires sociales demande le respect et du règlement du Sénat et de la Constitution de notre République.
En revanche, d'autres tentent de manipuler le système en déposant des amendements avant l'article 1er, donc avant le texte qui nous a été transmis. Comme je l'ai dit et comme vous en avez fait la démonstration, madame Borvo, les dispositions que vous avez présentées avant l'article 1er intéressent bien l'article 1er, et vous n'avez d'ailleurs pas eu de grande difficulté, pendant la suspension du dîner, à les réintroduire là où elles auraient dû se trouver. Nous avons donc fait la preuve de la manipulation qui a été engagée simplement pour empêcher le Parlement de se saisir du texte qui lui était transmis ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis de la commmission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. L'argument est imparable !
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour un rappel au règlement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Peut-il nous dire sur quel article il se fonde ?
M. Gilbert Chabroux. M. le président de la commission des affaires sociales vient de rappeler le règlement de notre assemblée, auquel nous sommes, bien sûr, prêts à nous conformer. Cela dit, ne convient-il pas aussi de parler d'usage et de se comporter d'une manière plus convenable ? (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Lors de la réunion de la commission des affaires sociales qui a eu lieu ce matin, son président, M. About, ne nous a pas fait part de ses intentions. Certes, il pouvait les garder pour lui jusqu'au dernier moment, mais il eût été correct d'en informer les membres de la commission, qui ont fait preuve d'assiduité et qui se sont intéressés de très près à ce dossier des retraites. Il aurait quand même fallu, me semble-t-il, préserver l'esprit de sérénité qui devrait présider à un tel débat. Personnellement, je ne comprends pas qu'il ait « pollué » ce débat ! (Oh ! sur les travées de l'UMP.)
Je ne comprends pas que vous vous soyez comporté de la sorte, monsieur About. Je ne comprends pas que des mots aussi graves que celui de « malhonnête » aient été prononcés dans cet hémicycle. Pour notre part, nous n'avons jamais employé de tels termes...
M. Henri de Raincourt. Evidemment, c'est vous qui êtes malhonnêtes !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je n'ai jamais prononcé ce mot !
M. Gilbert Chabroux. Vous avez rappelé le règlement, nous nous y conformerons. Nous n'avons pas dit que vous étiez malhonnête, mais d'autres ont dit que nous l'étions. Est-ce convenable ? Est-ce ainsi que l'on doit débattre des retraites ? Moi, je dis que vous vous comportez mal : il n'y a pas eu de négociations sur ce projet de réforme.
M. Gilbert Chabroux. Nous avons maintenant l'occasion de débattre. Il faut bien que la légitimité politique supplée la légitimité sociale. (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.) Il n'y a pas de légitimité sociale, car il n'y a pas eu de négociations. Nous sommes là pour discuter. Voulez-vous que la démocratie s'exerce ou êtes-vous opposé à ce système ? Il faut le dire ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Mme Nicole Borvo. Il faut supprimer le Parlement, alors !
M. Gilbert Chabroux. Je regrette profondément qu'on en soit arrivé là et je regrette que vous n'ayez pas informé la commission de vos intentions, monsieur About. Je souhaite, moi aussi, que nous nous réunissions et que nous débattions pour essayer d'apaiser le climat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, monsieur Chabroux.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je suis désolé : je n'ai pas à dire à M. Chabroux que j'entends respecter la Constitution !
J'aurais pu parfaitement, il est vrai, m'en tenir aux usages, si ceux-ci avaient été respectés. Mais quand on voit la liasse d'amendements déposés...
Je vous le rappelle, avant que j'intervienne pour demander la priorité, nous avons assisté, pendant une demi-heure, à la défense de trois amendements identiques déposés par le même groupe politique.
Mme Nelly Olin. Tout à fait !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et celui qui a défendu le premier amendement fut également celui qui a expliqué son vote sur le dernier. Cela signifie que l'on tourne en rond avec des amendements qui n'ont, en fin de compte, aucun intérêt, puisque leur seul but est d'occuper notre assemblée afin de l'empêcher d'accéder au texte que nous a transmis l'Assemblée nationale, et dont nous devons nous saisir conformément à ce que prévoit la Constitution. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nelly Olin. Tout à fait !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous en avons fait la démonstration. Sur cinquante-deux amendements, vingt-cinq étaient la réplique d'autres amendements du même groupe.
Mme Nelly Olin. Absolument !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Donc, ne nous traitez pas de malhonnêtes, monsieur Chabroux, et ayez la correction de retirer ce mot ! Nous n'avons été à l'origine d'aucune manipulation. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Gilbert Chabroux. Ce n'est pas moi qui l'ai dit, c'est le ministre !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est à moi que vous en faites le grief !
M. Gilbert Chabroux. Non, à d'autres !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En tout cas, je ne me suis livré à aucune manipulation et, ce matin, je n'avais pas particulièrement à vous dire que j'entendais voir respecter la Constitution,...
M. Jean-Louis Carrère. C'est un comble !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. ... car je m'attendais à un comportement digne de cette assemblée,...
M. Claude Estier. Nous aussi !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. ... un comportement qui permette de faire progresser la discussion de ce texte et non qui nous oblige à faire du surplace pendant des heures ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Monsieur le président, je demande une suspension de séance d'au moins cinq minutes.
M. Claude Domeizel. Je demande la parole.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures vingt, est reprise à vingt-deux heures quarante.)
M. le président. La séance est reprise.
TITRE Ier
DISPOSITIONS GÉNÉRALES
M. le président. « Art. 1er - La nation réaffirme solennellement, dans le domaine de la retraite, le choix de la répartition, au coeur du pacte social qui unit les générations. »
La parole est à M. le rapporteur, sur l'article.
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Avant de commencer l'examen de l'article 1er, je voudrais vous apporter quelques précisions. En effet, depuis le début de la discussion, nous n'avons cessé de réaffirmer l'importance de notre attachement à la répartition.
Comme il a été dit, la retraite par répartition a été mise en place en 1945 dans des conditions historiques bien précises, après l'étude des différents régimes qui avaient prévalu avant la Seconde Guerre mondiale. Cette répartition est au coeur d'un système fondé sur une certaine générosité, une certaine solidarité qui s'exprime entre les générations puisque ce sont les actifs d'aujourd'hui qui assurent le financement des pensions des retraités d'aujourd'hui.
En outre, comme nous le savons tous - les études du COR l'ont confirmé -, le rapport démographique, jadis très favorable - sept pour un à l'issue de la guerre de 1945 -, est aujourd'hui passé à deux pour un et sera demain de un pour un. Il était donc urgent d'agir - le COR l'a rappelé - pour sauver le système de répartition.
Parmi les solutions, le Gouvernement a choisi de privilégier la durée de cotisations, tout en se réservant la possibilité, dans le cadre d'une réforme étalée dans le temps, de toucher aux autres curseurs lors de rendez-vous programmés dans le projet de loi.
Aujourd'hui, je le souligne, les perspectives démographiques, l'allongement de la durée de vie nous obligent à agir rapidement tant il est vrai que ce rapport démographique va encore se détériorer dès 2005, 2006, 2007, donc à très court terme. Les chiffres sont connus : 350 000 personnes passent chaque année de la vie active à la retraite ; demain, elles seront plus de 500 000.
Il y a donc, nous le savons tous, une certaine urgence.
C'est pour cela que la majorité de la commission des affaires sociales a décidé d'accompagner cette réforme, non seulement ambitieuse et réaliste, mais aujourd'hui indispensable.
Nous voterons donc l'article 1er tel qu'il nous est proposé dans ce projet de loi. (Très bien ! sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, sur l'article.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président,...
M. le président. Vous êtes inscrit sur l'article, monsieur Domeizel ?
M. Claude Domeizel. J'avais demandé la parole avant même la suspension, monsieur le président. (Vives protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Josselin de Rohan. Ce n'est pas vous qui présidez ! Taisez-vous !
M. le président. Monsieur Domeizel, il ne s'agit pas de cela !
M. Claude Domeizel. J'ai levé le doigt ! Laissez-moi le temps de m'exprimer calmement !
M. le président. Nous avons engagé la discussion de l'article 1er sur lequel plusieurs orateurs sont inscrits. M. le rapporteur s'est déjà exprimé et je poursuis la discussion.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, je voudrais intervenir pour un rappel au règlement. Laissez-moi le temps de m'exprimer ! (Nouvelles protestations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Monsieur Domeizel, je vous inscris comme dernier orateur sur l'article 1er.
La parole est à Mme Hélène Luc, sur l'article.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement !
M. le président. Sur quel article du règlement vous fondez-vous ?
M. Claude Domeizel. Sur un fondement général... (Rires), et plus précisément sur l'article 27 !
M. le président. La parole est donc à M. Claude Domeizel, pour un rappel au règlement. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, mes chers collègues, je ne veux pas répéter ce qui a été dit par mon collègue M. Chabroux tout à l'heure,...
M. Gilbert Chabroux. Vous devriez !
M. Claude Domeizel. ... mais, ce matin, nous nous sommes réunis en commission et nous avons travaillé selon un ordre bien établi : nous devions examiner les articles additionnels avant l'article 1er et, ensuite, l'article 1er.
Figurez-vous que, pour ce qui nous concerne, nous nous sommes organisés pour étudier d'abord les amendements déposés avant l'article 1er. Vous savez, nous sommes un peu lents. Quant à moi, j'ai vraiment besoin de mettre les choses en ordre avant de partir sur de nouvelles bases.
Nous disposons d'un dérouleur, et je demande qu'on le respecte. Je ne vais pas vous demander de nous fournir un nouveau dérouleur ; nous allons nous servir de celui-ci. Je ne vais pas non plus vous demander de réunir la commission, alors que, selon l'article 44-6 du règlement, c'est la commission, et non pas son président, qui doit aurait dû demander que la discussion commence par l'article 1er. Je vous demande simplement de nous laisser quelques instants pour mettre en ordre notre méthode de travail. Vous n'en avez sans doute pas besoin, messieurs de la majorité, puisque vous ne dites rien ! (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Nous avons quant à nous envie d'intervenir dans le débat en suivant un certain ordre !
M. Roland du Luart. Arrêter de baratiner !
M. Claude Domeizel. Laissez-nous le temps de nous préparer. Je ne vous demande pas une longue suspension de séance, seulement le temps de mettre les documents en ordre. (Brouhaha sur les travées de l'UMP.)
M. Roland du Luart. Vous prenez les vessies pour des lanternes !
M. Claude Domeizel. Vous pouvez refuser cette suspension, mais, dans ce cas nous utiliserons d'autres méthodes ! (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Josselin de Rohan. Pas de menaces !
M. Claude Domeizel. On relira tout !
Vraiment, monsieur le président, dans l'intérêt du bon déroulement du débat, vous devriez nous donner un court instant pour remettre nos documents en ordre. Nous y gagnerons tous en temps et en valeur pour le débat. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland du Luart. Qu'avez-vous fait pendant la suspension ?
M. Claude Domeizel. C'est pourquoi je demande une suspension de séance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Monsieur Domeizel, à seize heures, M. le président de la commission a indiqué au Sénat qu'il allait demander la priorité des articles 1er à 13 bis, ce qui a été fait à dix-neuf heures trente.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Personne n'a rien dit à ce moment-là !
M. le président. Donc, entre seize heures et dix-neuf heures trente, soit pendant trois heures et demie, vous étiez clairement informé.
Monsieur Domeizel, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
Je poursuis la discussion sur l'article 1er.
M. Jacques Oudin. Bravo !
M. le président. Madame Luc, vous avez la parole sur l'article.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président...
M. Jean Chérioux. Taisez-vous ! Ça suffit !
M. Roland du Luart. C'est inadmissible !
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, MM. Vasselle et Fourcade devaient s'exprimer avant moi sur l'article.
MM. Henri de Raincourt et Roland du Luart. Ils sont galants !
Mme Hélène Luc. J'imagine, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, que vous continuez à ne pas vouloir participer à la discussion ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Je trouve personnellement que c'est faire preuve d'un mépris certain envers nos concitoyens qui attendent des éclaircissements de ce débat. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous êtes quelques-uns ce soir - vous étiez moins nombreux cet après-midi (Protestations sur les travées de l'UMP) -, mais vous avez délégué votre droit de parole à votre ministre. Ce n'est pas ainsi que je conçois le Parlement !
M. Jean-Claude Carle. Pas de jugement de valeur !
M. Bernard Saugey. Il faut leur dire que Staline est mort !
Mme Hélène Luc. Pour en revenir à l'article 1er, faut-il croire tous ceux qui affirment leur volonté de préserver le système de retraite par répartition qui, je le rappelle, garantit la solidarité, contrairement au régime par capitalisation.
M. Jean Chérioux. C'est un scoop !
Mme Hélène Luc. En parcourant le compte rendu des auditions effectuées voilà quelques semaines par la commission des affaires sociales, j'ai lu avec surprise les propos de M. Guillaume Sarkozy, le grand patron (Ah ! sur les travées de l'UMP), qui déclarait sans sourciller : « Nous souhaitons unanimement préserver la retraite par répartition en laquelle nous croyons. » M. Sarkozy s'exprimait au nom du MEDEF. Qui peut croire un instant que l'organisation patronale n'est pas pour la privatisation du système des retraites français ? Personne de sincère !
L'article 1er, monsieur le ministre, s'inspire de la même volonté de masquer la réalité en affirmant le contraire de ce qui est fait.
L'article 1er est le suivant : « La nation réaffirme solennellement, dans le domaine de la retraite, le choix de la répartition, au coeur du pacte social qui unit les générations ».
Le projet gouvernemental aura une conséquence immédiate : diminuer fortement les revenus issus de la répartition, en augmentant considérablement ceux issus de la capitalisation. On me répondra qu'il suffira aux salariés de travailler quelques années de plus et que le système de répartition fonctionnera à plein.
Quand le Gouvernement ou le patronat expliquent qu'il n'est pas dramatique de penser que nous travaillerons deux ou trois années complémentaires, ils font preuve d'une grande inhumanité. De tels propos relèvent bien de la rhétorique des « Maîtres des forges ». (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
M. François Trucy. Cela date !
M. Jean-Louis Carrère. C'est bien vu !
Mme Hélène Luc. Oui, il faut être inhumain pour exiger de quelqu'un qui parvient à 60 ans, après de longues années de travail souvent pénible, qui plus est pour une femme qui a une double activité, qu'il prolonge son activité !
Il faut avoir pendant des décennies effectué le trajet souvent long pour parvenir à son lieu de travail, supporté des conditions de travail souvent dégradées, vécu la crainte du chômage ou le harcèlement moral pour comprendre l'aspiration à la retraite effective à 60 ans. L'aspiration de nos concitoyens n'est pas de travailler plus, elle est de travailler mieux et de recevoir le juste retour de leur labeur.
M. Bernard Saugey. C'est du Zola !
Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, avez-vous analysé la souffrance du monde du travail d'aujourd'hui ?
M. Jean Chérioux. En Corée du nord, oui, mais pas ici ! Pensez-y !
Mme Hélène Luc. Ce sont souvent de nouvelles souffrances que les gens d'en haut ne perçoivent pas. Or, le premier grand discours concret que le Premier ministre a tenu à ceux qu'il appelle les gens d'en bas, c'est : « travaillez plus, sinon vous gagnerez moins ».
L'article 1er du projet de loi relève de la poudre aux yeux, et nous aurons l'occasion de le démontrer par nos différents amendements. L'ambition de votre projet de loi n'est pas de sauver le système par répartition. Il vise essentiellement à permettre à la France de mieux se couler encore dans le moule économique et budgétaire de l'Europe de Maastricht. Ce projet vise essentiellement à réduire la part des retraites dans les dépenses publiques et ainsi à mieux répondre aux exigences libérales de Bruxelles.
Comme l'indique M. Bruno Palier, chercheur à Sciences-Po, « s'il est rare de voir des réformes annoncer une baisse pure et simple du taux de remplacement des retraites, certaines mesures le permettent de façon plus ou moins visible. Par exemple, un allongement de la durée nécessaire des cotisations pour obtenir une même retraite à taux plein peut avoir cet effet si le marché du travail ne permet plus de travailler aussi longtemps que nécessaire. Les personnes ne pouvant plus cotiser le temps voulu voient le montant de leur retraite baisser ».
Monsieur le ministre, que pouvez-vous répondre à cette démonstration limpide, mis à part une énième promesse d'une baisse spontanée du chômage ? Les choses sont claires, la capitalisation ne servira que les salariés les plus favorisés.
Cette logique, monsieur le ministre, porte un coup grave à l'avenir de la France. Comment envisager la croissance, le développement de notre pays, alors que des sommes impressionnantes sont déviées de la consommation pour alimenter les marchés financiers de la capitalisation ?
Monsieur le ministre, nous rejetons l'hypocrisie de cet article 1er et nous nous attacherons à dévoiler les véritables objectifs d'un gouvernement qui, décidément, fait de la promotion du capitalisme son unique credo. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard Braun. Ridicule !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, sur l'article.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, je crois qu'il serait bon que vous accordiez la suspension de séance qui a été demandée. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Si, mes chers collègues ! Nous devons reprendre la totalité du dossier, et je comprends que nos collègues du groupe socialiste n'aient pas eu le temps de se préparer sur ces amendements. Donnez-nous cinq minutes pour que nous revoyions la question !
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, sur l'article.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, je crois qu'il est temps d'arrêter ce qui se produit depuis quelques minutes.
M. Gérard Braun. Vous avez raison, il faut arrêter !
M. Roland Muzeau. Si vous avez des choses à dire dans le débat, dites-le, car je ne vous ai pas entendu depuis au moins trois heures !
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Roland Muzeau. La question qui est clairement posée à cette heure-ci est la suivante : va-t-on faire passer à la trappe des amendements - et ils sont nombreux - du groupe le plus important de l'opposition dans cette assemblée ? Nous avons souvent des accords,...
M. Gérard Braun. Des accords ou des désaccords ?
M. Roland Muzeau. ... nous avons des positions différentes. En tout état de cause, nous ne pouvons pas tolérer - et j'interviendrais peut-être de la même façon si cela se passait sur d'autres travées - que des manoeuvres dilatoires fassent passer à la trappe des interventions importantes. Dans ces conditions, je ne parlerai pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, sur l'article.
Mme Michelle Demessine. Je pense qu'il serait plus raisonnable, monsieur le président, de suspendre la séance (Rires et exclamations sur les travées de l'UMP) pour que nous puissions réorganiser nos dossiers. En effet, plus personne ne s'y retrouve.
M. le président. Madame, je vous ai donné la parole sur l'article 1er.
La parole est à M. Claude Domeizel, sur l'article.
M. Claude Domeizel. Je demande une suspension de séance afin que nous puissions mettre de l'ordre dans nos documents ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Cette suspension est d'ailleurs de droit.
M. le président. Elle n'est pas de droit, monsieur Domeizel.
Mme Hélène Luc. On va gagner du temps si on suspend la séance, monsieur le président !
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, sur l'article.
M. Bernard Frimat. Monsieur le président, avec votre permission, j'interviendrai sur l'article 1er. (Marques de satisfaction sur les travées de l'UMP.)
L'attachement que nous avons à la Constitution, monsieur le président de la commission, est au moins égal au vôtre, et l'interprétation du règlement intérieur est un exercice difficile dans lequel nous avons tous de gigantesques progrès à faire.
L'article 1er, monsieur le ministre, affirme que le choix de la retraite par répartition est au coeur du pacte social. Si nous nous en tenons au texte, nous pouvons dire que nous sommes d'accord puisque, effectivement, le principe de la répartition caractérise notre système. Il s'agit d'un choix de société, d'un choix de solidarité entre les Français et entre les générations.
Si nous nous retrouvons dans ce principe, vous comprendrez bien - même s'il faut que ce débat, pour ne pas décevoir nombre d'entre vous, reste suffisamment polémique pour éviter l'ennui (Sourires) - que nous pourrions tous tomber d'accord sur le contenu même de ce texte. Ensuite, c'est l'interprétation et le scepticisme qui vont nous caractériser.
Nous nous demandons fortement si le principe que vous affirmez est une simple concession destinée à entraîner la signature minoritaire d'organisations syndicales ou bien s'il exprime véritablement le fond de votre conviction.
Or nous sommes plus que sceptiques sur votre approche, monsieur le ministre, comme mes collègues l'ont montré dans la discussion générale et comme nous le montrerons dans la discussion des amendements. En effet, quels que soient les moyens que vous utilisez, nous nous exprimerons.
Dans le même temps vous affirmez un principe à l'article 1er et, dans la construction globale de votre réforme, vous ne mettez pas en place les moyens juridiques et financiers qui permettent d'en garantir l'application. Votre projet de réforme, qui, pour nous, est plus une régression qu'une réforme, comporte donc des contradictions. Il est habituel, en matière de polémique - et le débat auquel j'ai assisté cet après-midi l'a confirmé - d'entendre dire par un certain nombre d'entre vous, s'adressant à ceux qui ont soutenu le gouvernement précédent : « Vous n'avez rien fait ! »
M. Josselin de Rohan. C'est vrai !
M. Bernard Frimat. C'est votre opinion ! Que vous approuviez vos propres propos peut vous conforter !
M. Jean Chérioux. Vous aussi !
M. Bernard Frimat. J'ai noté, monsieur de Rohan, que vous étiez d'accord avec vous-même, ce qui est déjà un progrès sur le plan intellectuel ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mais, au-delà de ce simple élément, nous savons tous - et je demande à M. le ministre de me démentir si mon propos est faux - qu'un point de chômage c'est 4 milliards d'euros de plus pour le financement des retraites. Par conséquent, qui peut dire sereinement dans cette assemblée que le fait d'avoir considéré les résultats comme première priorité s'agissant de la lutte contre le chômage n'a pas conforté le système par répartition et que l'augmentation du nombre de cotisants n'est pas une donnée essentielle ?
En conclusion - mais nous interviendrons de nouveau ultérieurement sur ce point -, l'absence d'une politique de l'emploi, la dégradation des termes de l'emploi, l'augmentation du chômage, la baisse de la consommation, la faiblesse des investissements rendent complètement illusoire l'essentiel de votre prévision économique, puisque tout votre édifice repose sur un taux de chômage réduit à 4,5 %. Nous en sommes très loin et nous le déplorons. Il nous semble que vous empruntez une voie inverse.
Vous pouvez toujours affirmer un principe, celui de la répartition, mais, dès lors, pourquoi toute votre démarche va-t-elle à l'encontre de cette affirmation ?
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, sur l'article.
Mme Gisèle Printz. L'article 1er tend à réaffirmer le principe de la répartition et nous ne pouvons qu'être d'accord. Seulement voilà, pour préserver le régime par répartition, étendre son champ d'application et assurer son financement, il faut d'abord mener une véritable politique pour l'emploi. Malheureusement, force est de constater que tel n'est pas le cas.
Depuis votre arrivée au Gouvernement, la situation n'a cessé de se dégrader sur le marché du travail, où les annonces de plans sociaux s'accumulent et succèdent aux fermetures d'usines. Mois après mois, les chiffres du chômage ne cessent de croître, provocant chez les salariés un véritable sentiment d'insécurité sociale.
Qu'a fait le Gouvernement devant cette hécatombe de suppressions d'emplois ? Il a suspendu la loi de modernisation sociale avec toutes les dispositions qui protégeaient les salariés contre les licenciements abusifs. Dans le même temps, il a baissé les taux les plus élevés de l'impôt sur le revenu et diminué les charges des entreprises.
Faut-il vous rappeler, monsieur le ministre, que, dans un système par répartition, c'est non pas au MEDEF qu'il faut faire des cadeaux, mais aux salariés, en les protégeant notamment du licenciement ? L'emploi doit être au coeur de toutes vos préoccupations et il doit absolument être consolidé si l'on veut pérenniser le régime par répartition.
Or c'est tout le contraire que l'on observe : du revenu minimum d'activité aux « emplois-vieux », on se dirige vers une nouvelle fragilisation de l'emploi, avec de la main-d'oeuvre gratuite pour les entreprises exonérées de cotisations sociales, ce qui grèvera davantage le financement des retraites par répartition.
Les mesures en faveur des jeunes ont connu un sort identique à celles qui ont été prises à l'encontre des salariés : extinction des emplois-jeunes, suppression de la bourse d'accès à l'emploi qui garantissait aux jeunes la possibilité de rester dans le programme TRACE, jusqu'à leur insertion professionnelle.
Que d'incohérences ! Alors que les jeunes sont les plus touchés par le chômage et la précarité, vous vous attaquez aux dispositifs instaurés en leur faveur. Ils ne pourront donc pas cotiser pour leur retraite et vous voulez les maintenir dans la vie active pendant 42 ans ? Comment vont-ils faire, alors qu'ils ne trouvent pas d'emploi au moment où ils veulent travailler ? La situation ne pourra qu'empirer.
Il est également à noter que les jeunes qui suivent des études longues - et ils sont nombreux - seront aussi pénalisés puisqu'ils devront travailler jusqu'à presque 70 ans, d'autant que le coût de rachat des annuités que vous leur proposez est absolument prohibitif.
En fait, l'actuel gouvernement a remis en cause un à un les outils de la politique de l'emploi du gouvernement Jospin, qu'il s'agisse des dispositions de prévention des licenciements économiques de la loi de modernisation sociale, du programme nouveaux services... nouveaux emplois, ou de la réduction de la durée du temps de travail.
Pourtant, ces mesures avaient largement fait la preuve de leur efficacité, en favorisant, notamment, la création de deux millions d'emplois et en diminuant le nombre de chômeurs de 900 000. Par cette politique déterminée pour l'emploi, le précédent gouvernement a incontestablement contribué au financement des retraites, offrant de réelles garanties pour sauvegarder le régime par répartition.
Ce n'est pas le cas aujourd'hui : il n'y a aucune garantie ! L'article 1er n'est en fait qu'une affirmation, une bonne intention sans suite, une coquille vide, en quelque sorte, car, pour vouloir sauver le régime par répartition, il faut mener une politique volontariste de création d'emplois. Cela doit être la priorité pour un gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Claire-LiseCampion, sur l'article.
Mme Claire-Lise Campion. Vous réaffirmez le choix du régime par répartition dans le domaine des retraites. Mais cela ne suffit pas. Encore faut-il mettre en oeuvre les mesures adaptées pour que ce système soit économiquement et financièrement viable. Ne pas le faire risque de le décrédibiliser aux yeux des Français et de pousser ces derniers vers les fonds de pension.
En effet, il est à craindre que, pour pallier la diminution prévisible de leurs pensions, les salariés ne cherchent d'autres sources de financement que celle qui est fondée sur la solidarité nationale. Cependant, recourir aux fonds de pension, c'est priver d'autant de ressources les régimes de base et complémentaires. C'est permettre aux actifs les plus aisés de s'assurer une pension décente, mais laisser ceux qui touchent de bas salaires sombrer dans la pauvreté une fois qu'ils seront à la retraite. Ceux qui rencontrent déjà des difficultés pour avoir une pension décente - je pense notamment aux jeunes, aux femmes et aux salariés âgés - verront leur situation se dégrader.
Comment, dans ces conditions, leur donner confiance dans le système par répartition tel que vous le proposez ? Le modèle d'une vie professionnelle continue et ascendante est loin d'être la règle. Le projet de loi, s'il en tient partiellement compte, ne suffit pas à rassurer nos concitoyens.
Le système par capitalisation ne peut représenter une alternative crédible. Il est fondamentalement inégalitaire et contraire au principe de justice sociale. Je vous rappelle, monsieur le ministre, que la capacité moyenne d'épargne d'un cadre est de 24 % de son salaire, alors que celle d'un ouvrier est de 6 % ! Par ailleurs, dans notre pays, certains exemples devraient nous inciter à la prudence.
Ainsi, le choix opéré par le Gouvernement de maintenir la diminution des pensions et de durcir les conditions d'accès à une retraite à taux plein risque, à terme, de donner l'impression que le système par répartition ne permettra pas de financer un niveau décent de retraite pour tous et un fort taux de remplacement.
De plus, le système par répartition sort affaibli de votre réforme. En effet, certains de nos concitoyens peuvent être tentés de croire que cette réforme, aussi douloureuse soit-elle pour eux, permettra peut-être de sauver le système fondé sur la solidarité. Or, compte tenu du financement très incomplet de votre projet, c'est illusoire, car rien n'en garantit la pérennisation. Bien au contraire, en faisant reposer le financement du manque à gagner du régime général sur un transfert des cotisations chômage, vous faites peser une épée de Damoclès sur nos pensions.
Vous ne mentionnez aucune mesure convaincante pour lutter contre le chômage des salariés âgés et contre les contrats précaires dont sont d'abord victimes les femmes et les jeunes. Dans ces conditions, comment espérer une diminution sensible du taux de chômage ? Le départ massif à la retraite de la génération du baby-boom ne suffira pas à garantir celle-ci.
Enfin, monsieur le ministre, vous nous dites que la réforme sera mise en place progressivement et que des rendez-vous d'ajustement seront pris en 2008 et en 2013 pour tenir compte des paramètres économiques et sociaux. Comment peut-on aménager un dispositif dont l'architecture même ne fait pas l'objet d'un consensus ?
Pour un membre d'un gouvernement qui revendique d'être issu de la « France d'en bas », vous restez bien sourd aux messages que celle-ci vous adresse désespérément depuis plusieurs semaines : absence de transparence, aucune recherche de compromis, pas de dialogue.
Fort de votre majorité, vous éludez toute concertation. Vous prétendez que le COR en aurait été le lieu privilégié. C'est oublier le véritable objet de sa création, à savoir décrire la situation financière actuelle et les perspectives des différents régimes de retraite, apprécier les conditions requises pour assurer la viabilité financière, à terme, de ces régimes et veiller à la cohésion du système de retraite par répartition.
Le COR n'avait donc pas vocation à être lieu des négociations. Et si tel avait été le cas, de toute façon, le MEDEF ayant refusé d'y participer, on n'aurait pas pu parler de véritables négociations. La réunion avec l'ensemble des partenaires sociaux, nous vous l'avons rappelé à différentes reprises, s'est tenue le 28 février dernier. Trois mois plus tard, le projet de loi est mis en discussion à l'Assemblée nationale, mais vous vous refusez à tout amendement et imposez le silence à votre majorité.
Une telle attitude sera lourde de conséquences, notamment pour la réforme de la sécurité sociale à venir prochainement. Vous avez semé la rancoeur et provoqué un sentiment d'humiliation et de mépris chez tous ceux qui se sont mobilisés pour demander une véritable négociation.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l'article.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, s'agissant de l'organisation de nos travaux, nous avons bien noté que le président de la commission des affaires sociales a modifié le déroulement de nos débats en décrétant la priorité sur l'article 1er dès la reprise de la séance,...
M. Henri de Raincourt. Non, il l'a fait cet après-midi !
Mme Marie-Christine Blandin. ... ce qui revient à surseoir à l'examen de soixante-huit amendements.
Nous avons également noté qu'il a demandé une suspension de séance à la suite de l'annonce de la rectification des amendements du groupe CRC dont l'examen était initialement prévu avant l'article 1er et requalifiés pour être recevables à l'article 1er. D'ailleurs, deux liasses de ces amendements rectifiés nous ont été distribuées successivement.
Je souhaiterais connaître les intentions du président de la commission pour la suite de nos travaux : les amendements faisant partie de la liasse qui vient de nous être remise vont-ils être examinés lors de la discussion de l'article 1er, et dans quel ordre, car le dérouleur qui nous a été distribué n'a pas été modifié ?
Tout en réprouvant le report et en déployant des artifices pour que le débat puisse être complet, il nous faut savoir comment seront appréhendées ces questions.
M. Roland Muzeau. Eh oui !
M. le président. La parole est à M. François Marc, sur l'article.
M. François Marc. L'article 1er tend à affirmer que le choix du régime par répartition est au coeur du pacte social, ce qui devrait emporter l'agrément de tous les collègues présents dans cet hémicycle.
Cependant, aujourd'hui, des inquiétudes se font jour sur la volonté réelle du Gouvernement de respecter de façon stricte ce principe de répartition. En effet, chacun a noté la précipitation avec laquelle ce texte a été soumis à la discussion parlementaire. D'ailleurs, une majorité de Français demandent que ce texte soit renégocié. Il règne donc véritablement un état de doute et d'inquiétude dans le pays. (M. Hilaire Flandre s'exclame.) Le scepticisme est alimenté par l'absence de véritables garanties sur l'équilibrage financier dans le temps, et cela, tout le monde en convient. En effet, est énoncée une hypothèse d'un taux de chômage de 4,5 % en 2020. Les réalités paraissent très inquiétantes, notamment lorsqu'on observe les résultats de la politique économique et de l'emploi conduite par ce gouvernement.
M. Joël Billard. Les 35 heures !
M. François Marc. Sur le premier trimestre, on notera un recul de l'emploi de 0,3 %. L'investissement stagne. La consommation a baissé de 1,6 % au mois de mai. L'épargne augmente considérablement, ce qui révèle la très forte inquiétude de nos concitoyens au regard de la politique qui est conduite dans ce pays. Enfin, le taux de croissance de 2,5 % pour 2003, qui nous avait été annoncé à grand renfort de déclarations multiples et variées à l'automne dernier, a été ramené à 0,8 %.
Incontestablement, un problème de confiance se pose aujourd'hui face à la politique menée par le Gouvernement. Et si l'on compare vos premiers résultats, monsieur le ministre, à ceux du gouvernement Jospin, le contraste est plus que saisissant. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Carle. Ça, c'est vrai, il est saisissant !
M. François Marc. ... puisque l'on a pu faire état de la création de deux millions d'emplois en cinq ans...
M. Jean-Claude Carle. La cagnotte !
M. François Marc. ... et de la diminution du nombre de chômeurs de 900 000.
On a également entendu parler, ces derniers mois, de la perte de compétitivité de la France. Cet argument était souvent avancé pour justifier une réforme,...
M. Joël Billard. Les 35 heures !
M. François Marc. ... car cette perte de compétitivité était due à la politique menée par le gouvernement précédent. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Chérioux. Eh oui !
M. François Marc. Or, mes chers collègues, quelle surprise ! Ces derniers jours, deux études qui font autorité, l'une de l'OCDE, l'autre de la Banque de France, indiquent que le pays le plus compétitif au monde en ce qui concerne l'attraction des capitaux étrangers est la France, avant la Chine, avant les Etats-Unis, avant tous les autres pays d'Europe. Ces études font autorité, je le rappelle, et elles ont été publiées dans toutes les revues spécialisées.
Voilà donc que, tout à coup, s'est dégonflée l'arrogance constatée durant les mois précédents, et l'on a vu le Gouvernement mettre sous cape pendant quelque temps ses arguments. En effet, alors qu'il était question d'améliorer la compétitivité de la France par de nombreuses mesures annoncées, subitement, on s'aperçoit qu'en définitive la situation de la France est bonne et l'on renvoie tout cela à l'automne.
Dans ces conditions, se pose nécessairement aujourd'hui la question d'une réorientation de la politique de l'emploi. Il est clair que ce ne sont pas les 300 000 départs à la retraite supplémentaires qui vont faire baisser le chômage. Il est urgent de mettre en oeuvre une politique de soutien à l'emploi, notamment en favorisant l'embauche des jeunes dans le secteur privé et dans le secteur public. Au-delà de la nécessaire refonte de la politique de l'emploi, il nous paraît indispensable de rechercher, pour le financement des retraites d'ici à 2020, de nouvelles ressources.
Mes chers collègues, si le Gouvernement renonçait à mettre en oeuvre la baisse de l'impôt sur le revenu, cela rapporterait 22 des 25 milliards d'euros nécessaires pour le rééquilibrage du plan de financement des retraites.
En conclusion, mes chers collègues, nous avons souhaité apporter des arguments clairs, précis, et incontestables sur le manque d'équilibrage financier, sur les inquiétudes quant aux résultats de la politique économique qui est actuellement conduite, et sur la nécessité de remettre en chantier ce plan de financement.
A nos yeux, l'affirmation d'un principe ne suffit pas, car sa crédibilité n'est pas assurée. Les moyens financiers de réaliser cette réforme ne sont pas au rendez-vous. Il est donc nécessaire, je le répète, de revoir complètement le plan de financement.
C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons donner acte au Gouvernement de sa véritable volonté de mettre en oeuvre ce principe de répartition. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, sur l'article.
M. Gilbert Chabroux. Hier, en ouvrant la session extraordinaire, le président de notre Haute Assemblée citait Clemenceau : « Le Sénat, c'est le temps de la réflexion. » Nous aurions aimé, mes chers collègues, que cela puisse s'appliquer ce soir.
M. Jean-Jacques Hyest. Nous aussi !
M. Gilbert Chabroux. Si personne ici ne doute de l'importance de légiférer vite, on ne peut accepter de le faire dans l'urgence, dans cette atmosphère.
J'avais demandé une réunion de la commission des affaires sociales,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pour quoi faire ?
M. Gilbert Chabroux. ... pour apaiser les esprits et détendre l'atmosphère.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous avez ma bénédiction !
M. Gilbert Chabroux. Je le regrette, le climat est tendu, il restera tendu (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste), parce que telle est votre volonté.
M. Jean Chérioux. Oh ! là ! là !
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, vous pourriez nous accorder une suspension de séance. (Protestations sur les travées du l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Josselin de Rohan. Respirez, cela ira mieux !
M. Gilbert Chabroux. Nous avons tous besoin de nous détendre, mais vous sans doute plus encore que nous. (Exclamations sur les mêmes travées.) Vous me semblez crispés, sur la défensive, parfois même agressifs. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Mes chers collègues, soyons sereins. Essayons de reprendre ce débat dans de bonnes conditions.
M. Paul Loridant. Respirez donc, à droite !
M. Gilbert Chabroux. Le débat qui s'ouvre ici est un rendez-vous majeur de la législature. Sans doute pensez-vous que les jeux sont faits.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oh non !
M. Gilbert Chabroux. Mais ce débat est l'occasion de présenter à une France troublée deux conceptions de la réforme, deux visions de la société, et le débat ne saurait être escamoté comme l'a été la négociation avec les organisations syndicales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Quatre semaines à l'Assemblée nationale !
M. Gilbert Chabroux. Alors, laissez-nous parler !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pendant quatre semaines au Sénat ?
M. André Lardeux. Parler, ils ne font que cela !
M. Gilbert Chabroux. Laissez-nous un peu de temps pour organiser notre participation au débat et rectifier un certain nombre de nos amendements. Si nous sommes dans cette situation, c'est de votre fait, c'est parce que vous nous avez contraints à recourir à ce procédé. Nous vous demandons de comprendre qu'il faut effectivement le temps de la réflexion.
J'en viens à l'article 1er. Evidemment, nous souscrivons au choix de la répartition, au coeur du pacte social qui unit les générations. Pour nous, c'est un principe qui ne doit souffrir aucune exception, aucune réserve, et qui ne doit être entaché d'aucune suspicion. Or le projet de loi que vous nous présentez ne nous apporte pas des garanties suffisantes sur ce plan, monsieur le ministre.
L'article 1er nous semble fragilisé pour un certain nombre de raisons. D'abord, le niveau des retraites étant réduit - tout le monde le sait bien -, le besoin se fera naturellement sentir de fonds de pension - on y viendra - de même que de la retraite par capitalisation, on y viendra aussi ! Avec votre système, vous réunissez en effet les conditions qui rendront incontournables les fonds de pension.
Le titre V du projet de loi accorde d'ailleurs une place importante à l'épargne retraite et aux plans d'épargne individuels pour la retraite, qui bénéficieront d'une incitation fiscale d'autant plus intéressante que les revenus imposables seront élevés.
Vous créez ainsi des inégalités supplémentaires. C'est une atteinte grave au principe de répartition.
Nous n'avons pas oublié la bataille menée avec acharnement par la majorité sénatoriale contre l'abrogation de la loi Thomas.
Autre raison qui nous amène à douter de vos intentions, monsieur le ministre, le projet de loi ignore le fonds de réserve pour les retraites. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Josselin de Rohan. Et pour cause : on ne sait pas ce qu'il y a dedans !
M. Alain Gournac. Il n'y avait rien quand on l'a trouvé !
M. Gilbert Chabroux. Non seulement nous ne savons pas comment il sera financé (Protestations amusées sur les travées de l'UMP), mais encore nous ne savons pas même s'il sera financé.
M. Josselin de Rohan. Avant, il n'y avait rien dedans !
M. Gilbert Chabroux. Or ce fonds est indispensable pour permettre au régime par répartition de franchir la période 2020-2040, qui sera particulièrement difficile. Il y va du principe même de la répartition. Si ce fonds était doté au niveau prévu de 150 milliards d'euros, en 2020, la moitié du financement des retraites dans le secteur privé serait ainsi assurée. Or vous ne prévoyez rien de précis, vous ne vous engagez pas, vous doutez même de l'utilité de ce fonds de réserve pour les retraites.
D'une manière générale, vous ne réglez aucun des problèmes de financement quel que soit le terme. Votre réforme n'est financée que pour 40 %, et encore ce financement n'est-il qu'hypothétique, puisqu'il se fonde sur une division par deux du taux de chômage. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
Pour le moment, nous voulons seulement relever, à l'occasion de la discussion de l'article 1er, qu'il ne suffit pas de se payer de mots et de réaffirmer le principe de répartition : encore faut-il se donner les moyens de le mettre en pratique, encore faut-il, à tout le moins, ne pas présenter, dans le même texte, des dispositions contraires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.
M. Roland Courteau. Comme vient de le dire mon collègue M. Marc, ce qui est demandé, c'est la renégociation de cette réforme. Et pour cause ! La logique du présent projet de loi est dangereuse, car il n'est pas financé. Mon collègue M. Chabroux l'a démontré à l'instant, le risque est grand que, faute de ressources, le régime par répartition soit progressivement affaibli et vidé de son sens.
M. Paul Blanc. Et la démographie ?
M. Roland Courteau. Le Gouvernement suppose une diminution de la moitié du chômage d'ici à 2007, tandis que le nombre des demandeurs d'emploi progresse, que la croissance est bridée et que les entreprises se débarrassent des travailleurs âgés chaque fois qu'elles en ont l'occasion.
L'emploi est la clef pour garantir le système des retraites par répartition. Il ne peut y avoir d'avenir pour les retraites sans la recherche d'une pleine activité pour les assurés. (M. Marcel Lesbros applaudit.)
Le gouvernement actuel s'est entêté à refuser l'existence d'une économie sociale et solidaire que l'ancien gouvernement avait mis partout en évidence en tant que système de remplacement au « tout secteur marchand ». Les emplois-jeunes, les contrats emploi-solidarité sont autant de réussites d'insertion dans le monde du travail que le gouvernement actuel s'est obstiné à détruire.
Le résultat, nous le connaissons : 19 200 chômeurs de plus en février dernier, une augmentation de 1,1 % du nombre des chômeurs de longue durée. Pendant ce temps, le Gouvernement réforme l'impôt de solidarité sur la fortune et fait d'innombrables cadeaux fiscaux.
L'avalanche des plans sociaux et la montée du chômage ont, enfin, fait réagir le Gouvernement, qui a tenté de reprendre la main en lançant une conférence nationale pour l'emploi le 18 mars dernier, au lieu de privilégier une politique d'insertion qui a déjà fait ses preuves.
Le gouvernement de Lionel Jospin avait engagé des mesures pour favoriser l'emploi : financements croisés, identification des besoins non satisfaits, repérage des qualifications nécessaires, parcours de professionnalisation, validation des acquis, engagements de l'épargne, nouveaux métiers en perspective... Vous avez tout cassé, monsieur le ministre !
Mme Nelly Olin. Il faut vraiment un sacré culot pour dire une chose pareille !
M. Roland Courteau. Tout d'abord, vous avez baissé l'appui à l'emploi aidé, puis fragilisé tout le réseau associatif impliqué : bref, rien qui puisse nous permettre d'espérer un taux de chômage de 6 % en 2020, rien qui puisse garantir le choix de la répartition.
M. le président. Sur l'article 1er, je suis saisi d'un certain nombre d'amendements. Pour la clarté du débat, je les appellerai successivement.
Les trois premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 95 est présenté par Mme Borvo, M. Muzeau, Mme Bidard-Reydet, M. Ralite, Mme Terrade et M. Loridant.
L'amendement n° 96 est présenté par MM. Fischer, Bret et Coquelle, Mmes David, Didier et Luc et M. Renar.
L'amendement n° 97 est présenté par Mmes Demessine, Beaufils et Beaudeau, M. Foucaud, Mme Mathon, MM. Le Cam et Biarnès.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter l'amendement n° 95.
Mme Nicole Borvo. Cet article 1er peut tromper sur la réalité de la réforme qui nous est proposée.
Le refus du débat exprimé par la majorité à l'Assemblée nationale, ainsi que la répétition d'arguments sur l'évolution démographique et la compétitivité des entreprises ont porté atteinte à la transparence et à la bonne information des habitants de notre pays, même si tous les foyers - enfin, presque tous - ont reçu la lettre de M. Raffarin destinée à leur expliquer ce qu'il fallait penser de la réforme : une seule voie était possible, celle de l'allongement de la durée du travail ou de la baisse des pensions et des retraites, voire les deux à la fois, avec, bien entendu, l'appel renforcé à la capitalisation.
J'avoue douter, monsieur le ministre, de la sincérité de cet article 1er. En effet, la logique de fond de votre projet, c'est bien de signifier à nos concitoyens que, s'ils ne veulent pas travailler jusqu'à 62, 63, 64, 65 ans et plus pour bénéficier d'une bonne retraite, il leur faut épargner, donc capitaliser.
La réalité est bien celle-là !
Ce projet de loi répond, avec, je vous l'accorde, un discours rassurant, aux attentes du MEDEF et des partisans les plus résolus du libéralisme. Cependant, à y regarder de plus près, ce projet répond également aux intentions exprimées par le Président de la République, qu'il faut bien rappeler même si elles peuvent paraître impopulaires ; il est vrai que le Président de la République ne les a plus reprises ensuite.
Le 14 juillet 1999, en effet, le Président de la République indiquait ceci : « Il faut faire un système de fonds de pension pour que les pensionnés et les travailleurs français puissent retrouver la propriété de leurs entreprises. »
On notera, au passage, la valeur de ce propos : le salarié américain qui avait gagé ses retraites sur l'entreprise Enron pourrait informer M. le Président de la République - mais sans doute celui-ci lit-il la presse - sur les dangers qu'il y a, pour un futur retraité, à miser tout son avenir sur la fortune d'une entreprise qui peut sombrer du jour au lendemain.
Au cours de la dernière campagne présidentielle, le Président de la République avait également mis en avant sa volonté de créer des fonds de pension, mais « à la française », était-il précisé.
Monsieur le ministre, la timidité actuelle dont vous faites preuve, vous et l'ensemble de votre majorité, à l'égard de la capitalisation, semble due uniquement au fait que l'intention déclarée du Président de la République est aujourd'hui assez impopulaire compte tenu des circonstances, c'est-à-dire compte tenu de la mauvaise tenue du marché des actions.
Mais cela ne change rien au fait que votre objectif est bien de faire entrer massivement la capitalisation dans la gestion de notre système de retraite.
Nous proposons donc la suppression de cet article 1er, qui masque, tel un paravent, la réalité de votre projet.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 96.
M. Guy Fischer. Il est défendu.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, pour présenter l'amendement n° 97.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre, cet article 1er n'a pas sa place dans votre réforme des retraites.
Tout d'abord, quelle légitimité avez-vous pour faire référence à un « choix de la nation », à un « pacte social unissant les générations » ?
M. Jean Chérioux. Oh !
M. Alain Fouché. Ce sont les électeurs qui l'ont dit !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Pendant plusieurs semaines, monsieur le ministre, la nation en marche, toutes générations confondues, ne vous a-t-elle pas fait comprendre qu'elle condamnait votre réforme des retraites ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Le résultat est là : trois millions de manifestants, une opinion publique toujours hostile à votre projet,...
M. Alain Fouché. C'est faux !
Mme Marie-Claude Beaudeau. ... malgré la débauche de propagande - 20 millions d'euros aux frais du contribuable - que le Premier ministre et vous-même avez déployée pour convaincre cette opinion publique. Cela ne vous autorise pas moralement à légiférer en son nom.
Si vous contestiez ce constat, monsieur le ministre,...
M. André Lardeux. J'espère bien !
Mme Marie-Claude Beaudeau. ... pourquoi n'avez-vous pas eu recours, sur un sujet de cette importance, au référendum, comme nous l'avons, avec d'autres, demandé, au nom d'un principe élémentaire de démocratie ?
M. Gérard Braun. Tiens donc !
M. Jean-Louis Carrère. Oui, un référendum comme en Corse !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le mouvement social, puissant et déterminé, mais également exigeant sur le fond, s'est montré très attentif au contenu de votre réforme, et vous le savez. Il a mis en évidence le fait que le projet visait non pas à sauver la répartition, comme vous le prétendez, mais à la démolir peu à peu.
Tout, vraiment tout, dans le contenu des dispositions concrètes de votre projet de loi, dément en effet l'affirmation de l'article 1er.
S'agissant des retraites, le pacte social auquel vous faites référence, et dont nous devons la mise en place, à la Libération, à un ministre communiste, Ambroise Croizat,...
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Pas seulement !
Mme Marie-Claude Beaudeau. ... part d'un choix de société : assurer un revenu, une pension digne aux travailleurs âgés.
La répartition est le mécanisme de ce contrat intergénérationnel de solidarité. Sa clé, depuis 1946, est la cotisation sociale, en l'occurrence la cotisation vieillesse, qui effectue directement sur la richesse créée par le travail, sans aucune accumulation financière, le prélèvement nécessaire au financement du niveau de retraite fixé par la société.
Votre projet de loi, monsieur le ministre, répond à une philosophie totalement inverse : il ne part pas des besoins, puisque vous posez en préalable le blocage des ressources, le blocage du niveau des cotisations, en premier lieu des cotisations patronales, et que vous organisez ensuite, à ressources figées, l'ajustement des prestations, c'est-à-dire le déclin du système par répartition.
Je note aussi au passage que vous excluez toute éventualité d'un accroissement des ressources d'ici à 2006 qui proviendrait d'une amélioration de la situation de l'emploi et des salaires et qui offrirait un surplus de cotisations à l'assurance vieillesse. Voilà, entre nous, qui en dit long sur votre prétendue politique de l'emploi !
Vous vous appliquez donc à baisser le niveau des pensions, pour une somme que vous évaluez vous-même à 17 milliards d'euros par an, et vous procédez de deux façons dans le texte qui nous est soumis.
D'une part, vous prévoyez l'allongement de la durée de cotisation pour tous les salariés, avec, en préalable, la disposition centrale de votre projet de loi qui consiste à faire sauter le verrou des 37,5 annuités dans la fonction publique et à supprimer toute référence à la norme des 37,5 annuités, qui correspond à la durée moyenne actuelle des carrières. Vous le savez fort bien, la situation du marché du travail et les conditions d'emploi des salariés âgés imposées par le MEDEF laissent supposer que l'âge du départ à la retraite reculera peu. Autrement dit, votre dispositif, monsieur le ministre, se traduira plus par une baisse du niveau des pensions que par la diminution de la durée de versement.
D'autre part, vous diminuez directement les pensions, avec la décote dans le secteur public et la proratisation sur 160 trimestres du taux de retraite dans le secteur privé, notamment.
Le résultat de votre réforme pourrait être décliné à l'infini pour pratiquement toutes les situations individuelles. Le taux de remplacement d'une femme ayant eu deux enfants et qui partira à la retraite après 2012, après 34 années de cotisation, baissera de 16 %, passant de 72 % à 56 %. Une autre salariée avec deux enfants, qui aurait pris un congé parental de deux ans et travaillé 31 ans, dont 6 ans à temps partiel, partirait, en 2020, avec 34 % de son dernier salaire, contre 60 % aujourd'hui.
D'ores et déjà, 40 % des nouveaux retraités ayant droit à une retraite du régime général à taux plein perçoivent le minimum contributif, c'est-à-dire que, malgré des carrières complètes, leur retraite par répartition du régime général est inférieure au plancher de 533 euros. Ils n'étaient que de 30 % avant la montée en charge des mesures prises par M. Balladur, dont vous suivez l'exemple ; ils seront beaucoup plus nombreux encore avec cette loi.
Est-ce cela, monsieur le ministre, sauvegarder la répartition, comme vous le prétendez ?
Bien au contraire, vous visez à affaiblir la répartition pour mieux l'abattre, parce que votre politique consiste à exonérer toujours plus le patronat du financement des retraites, à lui attribuer la totalité des gains de productivité à venir et à pousser les salariés qui le peuvent à ponctionner sur leur salaire net pour alimenter la capitalisation, le marché de l'épargne salariale, qui place l'argent de leur retraite dans les mains du MEDEF, et donc leur retraite à la merci des aléas boursiers.
M. le président. Je vous prie de conclure, madame Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Une consigne du FMI me semble bien résumer l'esprit de votre projet de loi, monsieur le ministre : « Un système de retaite par répartition peut déprimer l'épargne nationale parce qu'il crée de la sécurité dans le corps social. » A cette citation nous opposons cet extrait de l'exposé des motifs de l'ordonnance du 19 octobre 1945 instituant la sécurité sociale : « La sécurité sociale répond à la préoccupation de débarrasser les travailleurs de l'incertitude constante qui crée chez eux un sentiment d'infériorité et qui est la base réelle de la profonde distinction des classes entre les possédants, sûrs d'eux-mêmes et de leur avenir, et des travailleurs, sur qui pèse, à tout moment, la menace de la misère. »
Pour terminer, monsieur le ministre, je veux vous dire qu'il est indécent que, dans cet article 1er, vous vous prévaliez de principes dont vous êtes si éloigné. Mais, vous le savez bien, vous continuez à inquiéter, et donc aussi à mobiliser des millions de salariés dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 849 rectifié, présenté par MM. Estier, Chabroux et Vantomme, Mmes Pourtaud, Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« La nation affirme solennellement le choix de la retraite par répartition, élément du contrat social entre les générations. Elle apporte les ressources nécessaires à la pérennité du système de retraite par répartition pour faire face aux évolutions démographiques et à l'allongement de l'espérance de vie ; elle garantit le système de retraite par répartition avec le maintien d'un niveau élevé du montant de pension. »
La parole est à M. Claude Estier.
M. Claude Estier. Par cet amendement n° 849 rectifié, nous vous proposons une nouvelle rédaction de l'article 1er qui serait la suivante :
« La nation affirme solennellement le choix de la retraite par répartition, élément du contrat social entre les générations. Elle apporte les ressources nécessaires à la pérennité du système de retraite par répartition pour faire face aux évolutions démographiques et à l'allongement de l'espérance de vie ; elle garantit le système de retraite par répartition avec le maintien d'un niveau élevé du montant de pension. »
Il est clair, mes chers collègues, qu'une réforme des retraites - nous sommes tous d'accord sur ce point - doit affirmer de façon solennelle le principe de la retraite par répartition, qui est un système d'assurance collective dans lequel les salariés, par leurs cotisations, financent les retraites d'aujourd'hui et acquièrent des droits pour leur propre retraite.
Pour faire face aux évolutions démographiques et à l'allongement de l'espérance de vie, la nation doit cependant apporter les ressources nécessaires.
A partir de 2020 et jusqu'en 2040 arriveront à l'âge de la retraite les générations, dites du baby boom, nées entre 1945 et 1960. Après cette date, le nombre de personnes arrivant à l'âge de la retraite diminuera de nouveau.
Il faut donc faire face à ce choc démographique. C'est pour cette raison que le gouvernement de Lionel Jospin avait créé le fonds de réserve des retraites, destiné à constituer d'ici à 2020 une épargne collective par l'accumulation de ressources spécifiques. L'objectif initial, fixé à 152 milliards d'euros en 2020 pour le fonds, permettrait de prendre en charge la moitié des effets du choc démographique, à condition, bien entendu, d'assurer des ressources stables et pérennes.
Le Gouvernement ne présente aucune mesure durable, et la contribution des entreprises aux préretraites n'est pas à la hauteur de l'enjeu, car elle vise à limiter le recours à ce dispositif : il s'agit donc d'une mesure qui s'autodétruit progressivement.
En ce qui concerne le financement courant du régime par répartition, le courage politique consiste à présenter aux Français les enjeux et les moyens d'y parvenir, c'est-à-dire une augmentation des prélèvements équitable et partagée entre tous les revenus et tous les acteurs économiques. Ce choix est celui de la solidarité nationale. C'est celui que nous vous proposons par la nouvelle rédaction de cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 850 rectifié, présenté par M. Domeizel, Mmes Campion, Printz, Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« La nation affirme solennellement le choix de la retraite par répartition. Elle définit des mesures adaptées et spécifiques pour prendre en compte les inégalités d'espérance de vie, pour lutter contre le travail précaire, pour mettre en place une véritable politique de l'emploi. »
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. L'amendement n° 850 rectifié que j'ai le plaisir de défendre est ainsi rédigé :
« La nation affirme solennellement le choix de la retraite par répartition. Elle définit des mesures adaptées et spécifiques pour prendre en compte les inégalités d'espérance de vie, pour lutter contre le travail précaire, pour mettre en place une véritable politique de l'emploi. »
Pourquoi présentons-nous cet amendement ?
Une réforme des retraites doit affirmer de façon solennelle le principe de la retraite par répartition, qui est un système d'assurance collective dans lequel les salariés, par leurs cotisations, financent les retraites d'aujourd'hui et acquièrent bien sûr des droits pour leur propre retraite.
M. Georges Gruillot. Cela a déjà été dit !
M. Claude Domeizel. Les nombreuses études consacrées à l'espérance de vie mettent en évidence des inégalités importantes selon les catégories socioprofessionnelles. Entre un ouvrier et son directeur, les études de l'INSEE montrent une différence d'espérance de vie à 35 ans qui s'établit à 6,5 ans. Les risques de décès entre 35 ans et 65 ans sont deux fois plus importants chez les ouvriers que chez les cadres supérieurs. Vous le saviez, mais il est bon de le répéter.
On retrouve cette même analyse après 60 ans : la durée de vie passée à la retraite varie très nettement suivant les emplois occupés tout au long de la vie.
Dans de nombreuses professions, les salariés sont victimes d'une usure prématurée en raison des conditions pénibles - j'en ai parlé -, insalubres - j'en ai parlé -, dangereuses - j'en ai parlé - ou astreignantes - j'en ai parlé cet après-midi. Ces conditions de travail ont un effet important sur la santé. Une réforme des retraites doit donc les prendre en compte au moment de la liquidation des droits à retraite.
J'en viens à la question de la politique de plein emploi.
Le financement des retraites est lié à la situation de l'emploi. Ce constat simple et unanime m'amène à vous interroger, monsieur le ministre, sur l'avancement des travaux portant sur les plans sociaux, travaux qui ont été engagés à la suite de la publication du rapport relatif aux mutations économiques.
La gestion des plans sociaux - surtout lorsqu'ils ont tendance à se multiplier, comme c'est le cas actuellement - n'est jamais chose facile. Le gouvernement précédent, dans la loi de modernisation sociale, avait pris quelques mesures fortes pour dissuader les employeurs d'agir avec fébrilité et précipitation, et les procédures de négociation avaient été modifiées afin de garantir que toutes les possibilités seraient envisagées avant d'en venir au plan social.
Vous êtes revenu, monsieur le ministre, sur ces dispositions que le patronat jugeait bien sûr trop encombrantes. Il est vrai que, en cas de délocalisation, il importe de ne pas traîner et de s'implanter le premier dans ces lieux accueillants dépourvus des plus élémentaires droits sociaux !
Un rapport a donc été établi par des experts, et une mission a été créée. Le rapport dressait les constats que nous connaissons tous. Par exemple, je vous livrerai ces indications intéressantes : un an après un licenciement économique, 60 % des salariés sont encore au chômage, et cinq ans après, 36 % n'ont toujours pas retrouvé d'emploi. Encore ne précise-t-on pas ici la nature de ce nouvel emploi !
Mais le rapport ouvrait aussi des pistes de travail. Il s'agissait de donner la priorité à l'anticipation, de mobiliser les acteurs dans une attitude dynamique - c'est fait pour les intermittents du spectacle ! -, de concentrer l'action des pouvoirs publics sur les zones en reconversion et sur les filières fragiles, de développer de nouvelles solidarités, de soutenir les acteurs pouvant vivre une restructuration et de donner toute sa place à la négociation.
J'ai le souvenir que l'on parlait alors beaucoup d'anticipation des mutations économiques, d'accompagnement des restructurations et de revitalisation des bassins d'emploi.
Ma question tient en peu de mots, monsieur le ministre : où en est-on, alors que le nombre de plans sociaux augmente ? Vous avez choisi une autre voie que celle de la loi de modernisation sociale ; comment allez-vous la mettre en oeuvre ?
Par ailleurs, de quels moyens disposez-vous, vous qui avez vu vos crédits partiellement gelés par Bercy ? Quelles synergies parvenez-vous à soutenir localement ? En tant qu'élus locaux, que pouvons-nous en attendre ?
Quelle est, en outre, la place prévue pour les partenaires sociaux dans ces restructurations ? En tant que ministre des affaires sociales, envisagez-vous, comme cela se pratique en Allemagne et aux Pays-Bas, de favoriser la présence des représentants du personnel dans les instances de décision, et non dans les seuls comités d'entreprise ? Le patronat ne peut à la fois se plaindre de l'irréalisme des délégués et ne pas leur communiquer en amont - sauf s'ils sont actionnaires, c'est-à-dire considérés comme des alliés objectifs - les informations sur la marche de l'entreprise !
Si la société française connaît des blocages, le moins que l'on puisse dire est que nous en avons un là aussi, et qu'il est de taille. Comment comptez-vous y remédier pour favoriser une meilleure gestion de l'emploi ?
Monsieur le ministre, vous avez sans doute noté toutes ces questions, qui sont autant de justifications au dépôt de cet amendement n° 850 rectifié.
M. le président. L'amendement n° 851 rectifié, présenté par MM. Chabroux, Krattinger, Frimat et Lagauche, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« La nation affirme solennellement le choix de la retraite par répartition, élément essentiel du contrat social entre les générations. Elle définit des mesures adaptées et spécifiques pour prendre en compte les temps de formation et les périodes d'inactivité et pour mettre en place une véritable sécurité sociale du travail permettant aux salariés d'assurer la continuité de leurs carrières professionnelles. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Il s'agit d'une nouvelle rédaction de l'amendement n° 851, dont nous avons été contraints de demander la rectification.
Je vous en donne lecture :
« La nation affirme solennellement le choix de la retraite par répartition, élément essentiel du contrat social entre les générations. Elle définit des mesures adaptées et spécifiques pour prendre en compte les temps de formation et les périodes d'inactivité et pour mettre en place une véritable sécurité sociale du travail permettant aux salariés d'assurer la continuité de leurs carrières professionnelles. »
Mes chers collègues, nous voudrions, pour être plus explicites, que soient prises en compte la pénibilité et les inégalités face à l'espérance de vie. Tous les salariés n'ont pas la même espérance de vie à 30 ans et à 60 ans.
M. Gérard Braun. Vous avez raison !
M. Gilbert Chabroux. Nous estimons qu'il faudrait mettre en évidence cette différence, cette hétérogénéité. C'est d'autant plus important que vous voulez, monsieur le ministre, allonger la durée de cotisation en la portant à 42 ans.
Nous voudrions donc que la notion de pénibilité soit précisée. Vous invitez simplement les partenaires sociaux à réfléchir à cette notion, alors que nous souhaiterions qu'elle soit inscrite avec force dans la loi et qu'elle soit traitée immédiatement, car nous craignons que cette incitation ne soit pas suffisamment forte pour les partenaires sociaux, particulièrement, bien sûr, pour les organisations patronales.
Nous pensons à toutes celles et à tous ceux qui travaillent dans certains secteurs : nous pensons au secteur libéral de la santé et aux infirmières libérales ; nous pensons aux travailleurs de l'industrie et du bâtiment, qui sont victimes d'une usure prématurée en raison de leurs conditions de travail pénibles, insalubres, dangereuses ou astreignantes. Pour être équitable, votre projet de loi, je le répète, aurait dû intégrer cette notion.
Les conditions de travail ne sont pas bonnes dans notre pays, ce qui explique en partie les différences d'espérance de vie. Par rapport à l'Union européenne et à la convention de Dublin, la France se situe, en la matière, dans le bas de l'échelle puisqu'elle est dixième ou douzième sur quinze.
Il faut donc impérativement, je le répète, que des éléments relatifs à la pénibilité figurent dans la loi. Nous ne pouvons pas nous contenter d'une phrase dans l'exposé des motifs visant à inciter les partenaires sociaux à négocier sur la pénibilité du travail.
M. le président. L'amendement n° 852 rectifié, présenté par Mme Campion, M. Chabroux, Mmes Herviaux et Blandin, M. Godefroy et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« La nation affirme solennellement le choix de la retraite par répartition, élément essentiel du contrat social entre les générations. Elle définit des mesures adaptées et spécifiques pour prendre en compte la pénibilité des métiers, pour lutter contre l'emploi précaire et pour inciter à l'embauche des jeunes sur des emplois de qualité. »
La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Je donne lecture du nouveau libellé de l'amendement n° 852 rectifié :
« La nation affirme solennellement le choix de la retraite par répartition, élément essentiel du contrat social entre les générations. Elle définit des mesures adaptées et spécifiques pour prendre en compte la pénibilité des métiers, pour lutter contre l'emploi précaire et pour inciter à l'embauche des jeunes sur des emplois de qualité. »
Nous nous devons d'affirmer de façon solennelle le principe de la retraite par répartition.
La pénibilité physique et psychologique des métiers dépend des conditions de travail particulières de chaque profession. Il apparaît cependant que le travail à la chaîne, le travail de nuit, le travail posté, l'éloignement fréquent du domicile, l'exposition au bruit, à la poussière, aux produits dangereux, la fatigue ou la pression de certains métiers à risque, entraînent des conséquences graves sur la santé des personnes concernées.
La pénibilité du travail entraîne des phénomènes d'usure prématurée. Une réforme des retraites se doit de faire en sorte qu'ils soient pris en compte au moment de la liquidation des droits à retraite.
Par ailleurs, nous l'avons déjà souligné, l'emploi est la clé qui garantit le système des retraites par répartition. Il ne peut y avoir d'avenir pour les retraites sans la recherche d'une pleine activité pour les assurés.
Par sa politique en faveur de l'emploi, le gouvernement de Lionel Jospin a permis en cinq ans la création de deux millions d'emplois et la réduction du nombre de chômeurs de près d'un million, apportant ainsi aux régimes par répartition les ressources indispensables au financement des retraites.
Or le gouvernement actuel a choisi d'abandonner tout soutien réel à la croissance, d'abandonner le développement de la politique de la recherche, le développement d'une stratégie industrielle innovante pour favoriser la création de richesses, le développement du soutien à la consommation des ménages. Il a choisi de supprimer les emplois-jeunes, de réduire les effectifs de la fonction publique et de suspendre les mesures de prévention des licenciements économiques que contenait la loi de modernisation sociale.
M. le président. L'amendement n° 853 rectifié, présenté par M. Domeizel, Mmes San Vicente, Printz et Blandin, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« La nation affirme solennellement le choix de la retraite par répartition, élément essentiel du contrat social entre les générations. Elle définit des mesures adaptées et spécifiques pour prendre en compte les inégalités entre les hommes et les femmes, pour le maintien en activité des salariés âgés de plus de cinquante ans, pour assurer la défense de l'application des 35 heures à tous les salariés en engageant de nouvelles négociations sur les mesures d'accompagnement. »
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Voici la nouvelle rédaction proposée par l'amendement n° 853 rectifié :
« La Nation affirme solennellement le choix de la retraite par répartition, élément essentiel du contrat social entre les générations. Elle définit des mesures adaptées et spécifiques pour prendre en compte les inégalités entre les hommes et les femmes, pour le maintien en activité des salariés âgés de plus de cinquante ans, pour assurer la défense de l'application des 35 heures à tous les salariés en engageant de nouvelles négociations sur les mesures d'accompagnement. »
Parmi les questions qu'il soulève en matière de solidarité et de choix de société, le projet de loi sur les retraites ne peut éluder celle de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Nous craignons, s'il n'est pas modifié, qu'il ne néglige totalement la situation spécifique des femmes sur le plan familial et sur celui du vécu professionnel. Ce faisant, il aggravera les inégalités entre les hommes et les femmes.
Le régime de retraite des salariés a été instauré à une période où peu de femmes étaient salariées. Certes, les femmes travaillaient, et gratuitement : aux soins du ménage, à l'éducation des enfants, à la participation aux travaux agricoles, à un travail d'employé sans statut chez les commerçants et artisans. Pratiquement, seules les femmes qui travaillaient dans l'industrie ou qui étaient employées de bureau se voyaient reconnaître un statut. Encore n'occupaient-elles que des emplois subalternes et moins bien rémunérés que ceux des hommes, même à travail égal !
La plupart des femmes ne bénéficiaient donc que de droits dérivés. Il faudra attendre la loi Roudy de 1982 pour voir les choses changer de manière significative.
Aujourd'hui, 80 % des femmes entre 25 et 50 ans travaillent. Les inégalités d'emploi ont régressé, mais les femmes restent victimes de la pesanteur sociale, qui se traduit souvent par des discriminations économiques : ce sont d'abord les femmes qui sont désignées, comme si c'était une loi naturelle, pour interrompre leur carrière afin de s'occuper des enfants, des personnes âgées, malades ou handicapées dans une famille. Par voie de conséquence, ce sont les femmes qui forment 80 % des salariés à temps partiel.
Dans un tel contexte, il est du rôle des politiques de prendre en compte ces inégalités de fait, pour les réduire, mais d'abord pour ne pas les aggraver. Le présent projet de loi va dans un sens diamétralement opposé.
A l'heure actuelle, 39 % des femmes retraitées n'ont pu faire une carrière complète : les retraites des femmes sont de 42 % inférieures à celles des hommes et 83 % des retraités pauvres sont des femmes. L'augmentation du nombre d'années de cotisation à laquelle procède le projet de loi les touchera donc encore plus durement que leurs collègues masculins, et elles seront encore moins nombreuses à partir avec une pension de retraite à taux plein. Rappelons que les femmes perçoivent en moyenne 773 euros de retraite par mois, et les hommes, 1 524 euros.
Mais peut-être envisagez-vous de faire travailler les femmes encore plus longtemps que les hommes ? C'est pourtant déjà le cas aujourd'hui : les femmes partent à la retraite en moyenne deux ans plus tard que les hommes, par manque d'annuités, puisqu'elles ont dû interrompre leur activité ou travailler à temps partiel.
La politique suivie par les gouvernements conservateurs ne fait qu'aggraver la situation. En 1994, l'extension de l'allocation parentale d'éducation, l'APE, au deuxième enfant a fait sortir du monde du travail 500 000 femmes dont les salaires étaient proches du SMIC. Certes, elles ont ainsi libéré des places pour d'autres, et leur départ était bon pour les statistiques du chômage. Mais comment ces femmes reviennent-elles sur le marché de l'emploi, par la suite, si ce n'est, bien souvent, dans la précarité ? Quant à celles qui s'arrêtent totalement de travailler, elles connaissent les plus grandes difficultés une fois atteint l'âge de la retraite.
Le projet gouvernemental de donner l'APE dès le premier enfant est un leurre de plus qui permettra de diminuer artificiellement le nombre de chômeurs. Il correspond à la suppression des fonds spécifiques pour les crèches collectives. Il s'agit bien, sans se soucier aucunement de leurs moyens d'existence présents et futurs, de renvoyer à la maison les femmes à faible qualification pour alléger les statisques du chômage et pour diminuer la dépense consacrée à la garde et aux activités d'éveil des enfants.
C'est une vision comptable et à courte vue. Au demeurant, même sur le plan comptable, ce calcul peut être pris en défaut. C'est en effet oublier que les femmes ont une capacité contributive importante en termes de cotisations, capacité d'autant plus grande que les femmes seront mieux formées, qu'elles ne seront pas condamnées aux emplois atypiques et qu'elles seront payées correctement. Dans ces conditions, l'activité des femmes est créatrice d'activités nouvelles, d'emplois induits en grand nombre ; elle est créatrice de croissance, et l'on en connaît l'importance pour le développement de l'économie et de l'emploi.
Se résigner à « renvoyer les femmes à la maison », comme l'on dit, participe d'une politique à fondement malthusien qui va à rebours de la nécessité de financer les retraites. C'est pourquoi nous vous demandons, monsieur le ministre, si le Gouvernement envisage de mettre en oeuvre une politique qui favorise l'emploi et la formation professionnelle des femmes.
M. le président. L'amendement n° 1083 rectifié, présenté par MM. Delfau, A. Boyer et Collin, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi l'article 1er :
« La nation réaffirme solennellement, dans le domaine de la retraite, le choix de la répartition, au coeur du pacte social qui unit les générations. Elle définit des mesures adaptées et spécifiques pour prendre en compte la pénibilité des métiers, la durée des études et le congé parental. »
La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, je ne consacrerai pas plus d'une phrase aux conditions dans lesquelles se déroule ce débat : après une négociation tronquée avec les partenaires sociaux, le Sénat est appelé à discuter du projet de loi sans avoir eu le temps de prendre vraiment connaissance de l'ordre d'appel des amendements.
Voici donc cet article 1er, qui contient une affirmation de principe : « La nation réaffirme solennellement, dans le domaine de la retraite, le choix de la répartition, au coeur du pacte social qui unit les générations. » Nous proposons, pour notre part, d'y ajouter la phrase suivante : « Elle définit des mesures adaptées et spécifiques pour prendre en compte la pénibilité des métiers, la durée des études et le congé parental. » Tel devrait être, à mon sens, le libellé de l'axe devant orienter notre discussion.
Bien sûr, nous sommes unanimes - du moins je veux le croire - pour affirmer que le régime des retraites doit demeurer fondé sur la répartition. Au passage, je m'étonne de l'emploi du mot : « solennellement ». Etait-ce bien nécessaire ?
Mme Nelly Olin. Oui !
M. Gérard Delfau. Fallait-il l'écrire ? N'est-ce pas cacher une sorte d'embarras ? Je sais bien, monsieur le ministre, qu'avec votre texte de loi vous ne prétendez pas rivaliser avec Stendhal (Rires sur les travées du groupe socialiste), mais enfin.
M. Jean Chérioux. Et vous, avec vos amendements ?
M. Gérard Delfau. Les choses les plus fondamentales se disent le plus brièvement.
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Ah !
M. Hilaire Flandre. C'est une bonne maxime. Vous devriez la respecter !
M. Gérard Delfau. Comme chacun le sait, mes chers collègues, je me l'applique à moi-même, mais je ne suis pas sûr que ce soit toujours le cas de ce côté de l'hémicycle. (L'orateur se tourne vers les travées de la majorité sénatoriale.)
Un sénateur de l'UMP. Prétentieux !
M. Gérard Delfau. Je reviens à l'amendement que je présente. L'affirmation générale doit être complétée, disais-je, et il faut, au-delà du principe, définir des mesures pour la prise en compte de la pénibilité des métiers, pour la durée des études et pour le congé parental.
En effet, est-il concevable d'allonger la durée de cotisation sans prendre en considération la spécificité de certains métiers, comme le travail à la chaîne, le travail de nuit ou l'exposition au bruit ? Faut-il légiférer et allonger la durée de cotisation sans prendre en compte la durée des études ? Comment, enfin, légiférer sur le régime des retraites sans prendre un certain nombre de mesures pour faciliter le travail des parents qui veulent, pendant un moment de leur vie professionnelle, se consacrer à leurs enfants ?
Je défendrai, chemin faisant, un certain nombre d'amendements sur le financement, sur l'augmentation nécessaire des cotisants actifs. Mais je voulais, au départ, mettre l'accent sur ces trois problèmes : les métiers, la durée des études et le congé parental. Monsieur le ministre, il serait utile que, dans ce débat, vous acceptiez de rééquilibrer le projet de loi que vous nous présentez.
M. le président. L'amendement n° 854 rectifié, présenté par MM. Domeizel, Krattinger, Vantomme, Godefroy, Frimat et Masseret, Mmes Printz, Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« La nation réaffirme solennellement, dans le domaine de la retraite, le choix de la répartition, au coeur du pacte social qui unit les générations.
« Ce choix de la répartition se traduit par la garantie d'un niveau élevé du montant des pensions par la mise en oeuvre d'une politique permettant d'instaurer un niveau élevé d'activité et une qualité de l'emploi satisfaisante pour tous les salariés, notamment en pénalisant les entreprises qui ont recours systématiquement aux emplois précaires. »
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Cet amendement n° 854 rectifié, honnêtement, je suis en train de le redécouvrir, car il s'était mélangé dans mes papiers au moment où l'on m'a apporté une première liasse, puis une seconde liasse. Au milieu de ces cinq centimètres de papier, j'avoue humblement avoir du mal à m'y retrouver !
M. Francis Giraud. Quand on est désordonné...
M. Claude Domeizel. La rédaction de cet amendement me paraît se suffire à elle-même. Aussi, je m'en tiendrai là.
M. le président. L'amendement n° 1093 rectifié, présenté par Mme Olin, MM. Trucy, Plasait, Murat, Courtois, Hérisson, Nachbar, Cantegrit, Hyest, Braye et Schosteck, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« La nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au coeur du pacte social qui unit les générations. »
Le sous-amendement n° 1106, présenté par Mme Demessine, M. Fischer et M. Muzeau, Mme Beaudeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par l'amendement n° 1093 rectifié par les mots : "rejetant ainsi tout choix de la capitalisation comme constitutif des pensions de retraites.". »
La parole est Mme Nelly Olin, pour défendre l'amendement n° 1093 rectifié.
Mme Nelly Olin. Il s'agit d'un amendement rédactionnel, qui vise à rédiger ainsi l'article 1er : « La nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au coeur du pacte social qui unit les générations. »
Je dirai simplement à mon collègue Gérard Delfau qu'il est mieux de le réaffirmer « solennellement ». Je le rassure en lui indiquant qu'il n'y a, de notre part, aucun embarras, bien au contraire. Au moins, ce gouvernement a-t-il eu le courage de faire une réforme que vous n'avez pas eu le courage d'engager. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme Hélène Luc. Enfin, quelqu'un qui décide de parler !
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour défendre le sous-amendement n° 1106.
Mme Michelle Demessine. Il est défendu.
M. le président. Je suis maintenant saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 64 rectifié est présenté par MM. Fischer, Bret et Coquelle, Mmes David, Didier et Luc et M. Renar.
L'amendement n° 65 rectifié est présenté par Mmes Demessine, Beaufils et Beaudeau, M. Foucaud, Mme Mathon, MM. Le Cam et Biarnès.
L'amendement n° 66 rectifié est présenté par Mme Borvo, M. Muzeau, Mme Bidard-Reydet, M. Ralite, Mme Terrade et M. Loridant.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Avant le texte de cet article, insérer le paragraphe additionnel suivant :
« I. - Le système français de retraite par répartition doit garantir à chacun un haut niveau de pension. Lors de la liquidation, le montant de la pension est au moins égal à 75 % du dernier salaire brut.
« Pour les salariés ayant cotisé sur la base du SMIC, le montant de la pension est au moins égal à 100 % du salaire minimum de croissance.
« II. - Les taux des contributions portant sur les revenus fixés aux articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale sont relevés à due concurrence. »
La parole est à M. Guy Fischer, pour défendre l'amendement n° 64 rectifié.
M. Guy Fischer. Je m'en remets aux explications de Mme Beaudeau.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, pour défendre l'amendement n° 65 rectifié.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le système de retraite par répartition consiste en une solidarité à la fois intergénérationnelle et interprofessionnelle. En effet, il instaure un mode de cotisations des salariés proportionnelles à leurs revenus, l'équilibre se faisant entre hauts, moyens et bas revenus afin que chacun - quelle qu'ait été sa part de financement du système des retraites - puisse bénéficier d'une pension lui permettant de vivre dignement. C'est ainsi que devrait fonctionner notre système de retraite.
Or de notables changements doivent être apportés afin que notre pays se voie doté d'un véritable et efficace système de retraite par répartition. La question des basses pensions par exemple, mais aussi celle des inégalités de pensions entre hommes et femmes montrent que, pour certains, la retraite est synonyme de graves difficultés financières, de problèmes de logement, de soins insuffisants, d'alimentation déséquilibrée. Voilà ce qui conduit à s'interroger sur la pertinence des mesures prises en juin dernier par M. le ministre de la santé sur la mortalité prématurée.
Faire du sport, adopter une alimentation saine et équilibrée, ce sont d'excellents principes ; mais comment financer ces dépenses lorsqu'on touche à peine de quoi payer son loyer et ses factures de consommation d'énergie et de chauffage ?
Ne croyez pas, monsieur le ministre, nous rassurer avec les mesures sur ces questions retenues dans votre projet de loi.
Il est vrai que, dans l'un des articles, est posé l'objectif de garantir en 2008 un montant de retraites au moins égal à 85 % du salaire minimum de croissance pour les salariés ayant cotisé sur la base du SMIC. Cependant, plusieurs difficultés majeures s'opposeront à l'effet d'annonce que constitue ce véritable trompe-l'oeil.
Tout d'abord, l'échéance à laquelle cette mesure sera garantie : pourquoi 2008 et pas 2004 ? Curieuse conception de la réforme avec cette mesure qui est repoussée à plusieurs années alors qu'elle a été mise en avant pour donner une caution progressiste à ce projet de loi rétrograde !
Un autre problème est soulevé : l'indexation de la revalorisation annuelle sur les prix, et non sur les salaires. A l'échéance de quinze à vingt ans au plus, une perte de 20 % est inévitable. Le minimum de retraite sera donc retombé à 65 %. Une fois de plus, la manoeuvre est grossière, et d'ailleurs personne n'est dupe de cette fausse mesure de progrès, d'une tromperie qui est déguisée en avancée sociale.
Cette mesure n'est donc ni suffisante, ni efficace, ni pertinente. Aussi, nous vous proposons cet amendement, qui a pour objet de prévoir, d'une part, un taux de remplacement du dernier salaire atteignant au moins 75 % du dernier salaire brut, d'autre part, une dérogation pour les salariés ayant quitté leur emploi avec une rémunération au niveau du SMIC, prévoyant un taux de remplacement de 100 % de leur dernier salaire ou traitement.
Vous le savez, les syndicats, les associations de retraités et divers organismes officiels évaluent, en moyenne, à plus de 10 % la régression du pouvoir d'achat des retraités sur les dix dernières années. La suppression, par la loi Balladur de 1993, de l'indexation des retraites du régime général sur les salaires et son remplacement par l'indexation sur les prix a contribué à amorcer la rupture des liens de solidarité intergénérationnelle.
L'accroissement incessant des prélèvements sur les retraites - maladie, contribution sociale généralisée et contribution au remboursement de la dette sociale - a amplifié cette baisse du pouvoir d'achat. Ces prélèvements représentent en effet, aujourd'hui, près d'un mois de retraite nette chaque année !
Il est donc nécessaire et urgent de mettre en place des garanties quant au montant et à l'évolution des retraites, permettant une revalorisation effective et le rattrapage du pouvoir d'achat perdu.
Dès lors, nous proposons les deux mesures précitées, ainsi que, notamment, l'indexation sur les salaires, et non sur les prix, cette dernière étant fortement préjudiciable aux retraités.
Une augmentation immédiate des retraites et des pensions est par ailleurs nécessaire. S'agissant de notre amendement, et au vu de la baisse du pouvoir d'achat des retraités ainsi que des niveaux actuels des pensions, il prévoit de garantir une retraite totale - retraite de base plus retraite complémentaire - au moins égale à 75 % du salaire brut moyen des dix meilleures années de la carrière dans le secteur privé ou du traitement indiciaire brut des six derniers mois pour le secteur public.
En ce qui concerne le minimum contributif, je ne vois pas, monsieur le ministre, comment vous pouvez envisager que 65 % et même 85 % du SMIC constituent un revenu correct. Le passage du statut de salarié à celui de retraité ne signifie pas que les charges - le loyer, les factures, les dépenses alimentaires - se réduisent miraculeusement. Aussi, et alors qu'il représentait, lors de sa création en 1983, 63 % du SMIC brut et qu'il en représente aujourd'hui 45 %, le minimum contributif doit être porté à 100 % du SMIC. Et il faut garder à l'esprit que, le niveau du SMIC étant actuellement largement insuffisant, seule une augmentation de ce salaire minimum permettra, par ricochet, une revalorisation des basses pensions. Cette augmentation revêt aujourd'hui une urgence sans précédent, tant pour les salariés que pour les retraités, et plus généralement pour le maintien d'une solidarité réelle et renforcée comme socle de notre régime de retraite.
Nous vous invitons donc, chers collègues, à voter cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter l'amendement n° 66 rectifié.
Mme Nicole Borvo. Il est défendu.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 67 rectifié est présenté par MM. Fischer, Bret et Coquelle, Mmes David, Didier et Luc et M. Renar.
L'amendement n° 68 rectifié est présenté par Mmes Demessine, Beaufils et Beaudeau, M. Foucaud, Mme Mathon, MM. Le Cam et Biarnès.
L'amendement n° 69 rectifié est présenté par Mme Borvo, M. Muzeau, Mme Bidard-Reydet, M. Ralite, Mme Terrade et M. Loridant.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Avant le texte de cet article, insérer les deux paragraphes additionnels suivants :
« I. - Il est accordé une dérogation au départ à 60 ans à taux plein pour les salariés ayant exercé des métiers pénibles ou astreignants ou ayant commencé à travailler jeune. Pour ces personnes, il est accordé un droit à liquidation de leur retraite à taux plein avant 60 ans dès lors qu'ils totalisent 40 annuités de cotisation.
« II. - Les taux des contributions portant sur les revenus fixés aux articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale sont relevés à due concurrence. »
La parole est M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 67 rectifié.
M. Guy Fischer. Je m'en remets aux explications de Mme Demessine sur l'amendement n° 68 rectifié.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter l'amendement n° 68 rectifié.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, je défendrai en même temps l'amendement n° 69 rectifié.
Nombreux sont celles et ceux qui, ayant commencé à travailler jeunes, attendent de pouvoir bénéficier de leurs droits à la retraite. Par cet amendement, nous proposons donc, monsieur le ministre, mes chers collègues, de permettre, par une disposition dérogatoire, à des femmes et des hommes d'avoir accès à une retraite à taux plein sans avoir à attendre l'âge butoir de soixante ans alors même qu'ils ont cotisé les quarante annuités nécessaires.
Une telle disposition s'inscrit avant tout dans l'optique d'un véritable progrès social, répondant aux aspirations des salariés qui ont consacré quarante ans de leur existence à travailler, et ce parfois dans des conditions de pénibilité extrême.
Ces salariés, qui ont commencé jeunes dans le monde du travail, sont souvent peu qualifiés et touchent de bas salaires. Ils ont connu une existence difficile dans des secteurs d'activité où les notions de pénibilité et d'astreinte ne sont pas de vains mots. Touchés par les crises économiques successives, ils ont subi, pour un grand nombre d'entre eux, les licenciements, le chômage et les reclassements. C'est également bien souvent dans cette partie de la population que l'espérance de vie est la plus faible et les invalidités les plus fréquentes.
Il me semble nécessaire que ce projet de loi englobe la valorisation des êtres humains, et cette disposition va tout à fait dans ce sens.
Au-delà de ces considérations sociales, la conjoncture économique actuelle justifie également cet amendement. En effet, selon les derniers chiffres de l'INSEE, la France compte 2 370 000 demandeurs d'emploi, soit 9,3 % de la population active.
Cette mesure s'inscrit dans notre volonté de lutter activement contre le problème du chômage qui gangrène notre pays et d'y apporter une réponse rapide. Faciliter un départ anticipé aurait pour retombée positive de libérer des emplois et de participer à la relance économique.
En proposant le droit à liquidation de la retraite à taux plein avant 60 ans, le groupe CRC se place, de plus, dans l'optique du développement de la solidarité intergénérationnelle, socle de notre régime de retraite.
Parce que cet amendement est guidé par la notion de justice - justice sociale, justice humaine, justice économique -, nous vous demandons, mes chers collègues, de l'adopter.
M. le président. L'amendement n° 70 rectifié, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant le texte de cet article, insérer les deux paragraphes additionnels suivants :
« I. - Les retraites du secteur privé sont de nouveau indexées sur l'évolution du niveau moyen des salaires bruts.
« La présente réforme inclut dans ses dispositions une revalorisation immédiate des retraites et pensions intégrant une première étape de rattrapage du pouvoir d'achat.
« II. - Les taux des contributions portant sur les revenus définis aux articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale sont relevés à due concurrence. »
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. L'article 3 de la loi du 22 juillet 1993 relative aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale a fixé comme principe que les retraites servies par le régime général devaient suivre l'évolution des prix.
Très concrètement, cette orientation, cumulée avec celle de l'allongement de la durée d'assurance et l'augmentation graduelle de la période de calcul du salaire de référence, a créé les conditions d'une sensible réduction de la quotité des pensions versées, les déconnectant de manière préoccupante de la réalité de l'évolution économique.
Nous avons effectivement été confrontés à une contradiction essentielle : on continuait de prélever sur la richesse créée le montant des cotisations d'assurance vieillesse et on versait des pensions et retraites n'évoluant qu'en fonction de l'indice des prix à la consommation.
De fait, alors qu'en 1993, lorsque la réforme Balladur a été votée par l'écrasante majorité de droite de l'époque, la situation économique était pour le moins préoccupante.
Les retraités, enfermés dans la logique de cette réforme, n'ont pas tiré parti de la relance de l'activité découlant de la croissance observée entre 1997 et 2001, laissant de fait croître et embellir le décalage dans la situation des ressources des retraités par rapport aux salariés.
Même si les entreprises de ce pays ont pu mener, ces dernières années, une politique de déflation salariale, celle-ci a surtout recouvert, ces derniers temps, une politique de maîtrise des effectifs plus encore que de blocage des rémunérations.
Conséquence logique : malgré une progression en fin de cycle économique du salaire moyen excédant le simple indice des prix à la consommation, les retraités n'ont pas vu croître leur pouvoir d'achat du fait de cette déconnexion entre l'évolution des salaires et l'évolution des pensions et retraites.
Bien des raisons militent donc pour qu'enfin les retraités puissent retrouver le pouvoir d'achat qui leur manque aujourd'hui, entamé comme il l'a été depuis dix ans que les règles de calcul et l'évolution des pensions ont profondément changé. Nous avons donc tenu à les rappeler ici.
Sous le bénéfice de ces observations, nous vous invitons à adopter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 72 rectifié, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant le texte de cet article, insérer les deux paragraphes additionnels suivants :
« I. _ La période de référence pour le calcul des pensions de retraite du secteur privé est définie à dix ans.
« II. _ Les taux des contributions portant sur les revenus définis aux articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale sont relevés à due concurrence. »
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet amendement a pour objet de revenir sur l'une des dispositions les plus néfastes des mesures Balladur de 1993 : le passage du nombre des années de référence, pour le calcul de la pension des salariés du privé, progressivement des 10 meilleures années aux 25 meilleures années de carrière, à raison d'une année tous les ans à partir du 1er janvier 1994. Au 1er janvier 2003, nous en étions arrivés aux 20 meilleures années. Le terme, les 25 années de référence, devrait être atteint au 1er janvier 2008.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que la loi Balladur comprenait également l'allongement progressif de la durée de cotisation de 37,5 annuités à 40 annuités pour la retraite à taux plein pour les travailleurs du secteur privé, l'abandon du principe d'indexation des pensions sur l'évolution des salaires, remplacé par l'indexation sur les prix, et l'actualisation sur les prix, et non plus sur le salaire moyen des salaires annuels servant de base de calcul.
L'ensemble de ces mesures est directement responsable de la baisse moyenne du pouvoir d'achat des pensions de 1 % par an depuis dix ans. Votre projet de loi, monsieur le ministre, s'inspire de la même logique que la loi Balladur : la dégradation organisée du niveau des prestations de la retraite par répartition. A ce titre, nous en demandons l'abrogation, de la même façon que nous nous opposons à votre projet de loi.
La loi Balladur est montée en puissance, notamment entre 1997 et 2002, sans que le gouvernement de la gauche plurielle ne l'ait remise en cause. Je l'admets d'autant plus facilement aujourd'hui que j'avais ouvertement dénoncé cet état de fait. La non-abrogation par le précédent gouvernement de cette loi, comme le développement des exonérations de cotisations sociales patronales et le lancement des plans dits d'épargne salariale ont constitué des éléments, malheureusement négatifs, d'une réforme des retraites allant dans le sens d'un affaiblissement de la répartition et sur la base desquels votre majorité et vous-même, monsieur le ministre, pouvez engager votre réforme. Je le déplore, mais je considère qu'il serait dangereux pour l'avenir de l'occulter.
Le passage des 10 aux 25 meilleures années de référence est la seule des dispositions Balladur qui ne soit pas encore montée définitivement en puissance, ce qui ne nous empêche pas de nous battre pour l'abrogation de toutes les autres. Cette disposition pénalise, en particulier, les salariés qui ont connu des carrières chaotiques, précaires, marquées par le chômage. La génération qui part aujourd'hui à la retraite ou qui partira en 2008 aura connu ; entre 1968 et 2008 - période de chômage de masse quasi continue marquée par l'explosion de la précarité -, au moins une quinzaine de ces années que l'on qualifie de « pourries » quand on liquide sa retraite et que l'on fait ses calculs.
Ajoutons que les périodes de chômage indemnisées, même quand elles seraient plus favorables que les périodes travaillées, sont exclues, depuis la loi Balladur, de la prise en compte dans les meilleures années bien que les indemnités de chômage soient soumises aux cotisations vieillesse.
Parmi les travailleurs les plus touchés figurent, bien sûr, les femmes, qui sont les premières victimes du travail partiel subi, des carrières courtes et les premières concernées par les interruptions de la vie active.
Je rappelle que seules 39 % des femmes qui liquident leur retraite ont effectué une carrière complète, que 60 % des carrières incomplètes ont eu une durée inférieure à 25 ans et que, en 2001, les femmes ne validaient en moyenne que 121 trimestres.
Le passage de la période de référence aux 25 meilleures années comme la nouvelle proratisation du taux de calcul sur 160 trimestres au lieu de 150 et la décote pour les fonctionnaires vont peser plus lourdement sur les femmes. Avec d'autres collègues, je vous demande, monsieur le ministre, d'établir une étude d'impact de chacune de vos mesures au regard de la situation des femmes.
Intuitivement, nous constatons, avec l'exemple du passage des 10 aux 25 meilleures années comme période de référence, que la détérioration d'une norme commune pénalise davantage les femmes que les hommes. Cela nous incite, non pas à réclamer des palliatifs, mais à exiger le rétablissement de ces normes.
Voilà une raison supplémentaire pour proposer cet amendement et vous conseiller, mes chers collègues, de le voter.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 73 rectifié est présenté par MM. Fischer, Bret et Coquelle, Mmes David, Didier et Luc et M. Renar.
L'amendement n° 74 rectifié est présenté par Mmes Demessine, Beaufils et Beaudeau, M. Foucaud, Mme Mathon, MM. Le Cam et Biarnès.
L'amendement n° 75 rectifié est présenté par Mme Borvo, M. Muzeau, Mme Bidard-Reydet, M. Ralite, Mme Terrade et M. Loridant.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Avant le texte de cet article, insérer le paragraphe additionnel suivant :
« La durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une pension de retraite à taux plein tient compte des années de formation initiale ou continue, de recherche d'un premier emploi, de chômage, de maladie, d'invalidité, de service civil ou militaire, de maternité et de congé parental. »
La parole est à Mme Hélène Luc, pour défendre l'amendement n° 73 rectifié.
Mme Hélène Luc. Je m'en remets aux explications de Mme Demessine sur l'amendement n° 74 rectifié.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter l'amendement n° 74 rectifié.
Mme Michelle Demessine. A l'occasion de la présentation de cet amendement, je veux montrer que votre projet de loi entraîne des conséquences négatives considérables pour les femmes et les hommes, mais plus encore pour les femmes.
Pour vous en convaincre, je citerai quelques chiffres très révélateurs.
Les femmes représentent 45 % des actifs et près de la moitié des salariés. Elles représentent 80 % des travailleurs à temps partiel et l'on estime qu'un million d'entre elles sont concernées par le temps partiel subi.
Quand, en 1993, la durée de cotisation est passée de 37,5 ans à 40 ans, ces mesures dites Balladur ont eu un effet particulièrement désastreux pour les femmes.
La proportion des femmes n'ayant pas cotisé ou ayant effectué une carrière incomplète tendait à diminuer. Mais le passage des 10 aux 25 meilleures années pour le calcul des pensions et l'allongement de la durée de cotisation ont à nouveau creusé l'écart. Le caractère clairement hypocrite de ces mesures est apparu avec le problème du chômage des salariés âgés de plus de 50 ans.
Ces mesures sont inefficaces financièrement et injustes socialement. Car allonger la durée de cotisation signifie non pas que les personnes travailleront plus longtemps, mais que davantage d'hommes et de femmes partiront à la retraite sans bénéficier du taux plein.
Prenons l'exemple de ces femmes qui travaillent dans le textile et qui, après plus de 30 ans dans la même usine, sont sans emploi. Pensez-vous qu'elles puissent retrouver facilement du travail ?
Faut-il rappeler que seulement 39 % des femmes retraitées ont pu faire valider une carrière complète alors que ce pourcentage est de 85 % pour les hommes et que près de 60 % d'entre elles n'ont pas eu une carrière complète.
Ainsi, de nombreuses femmes, en particulier les plus jeunes, peu insérées dans le marché du travail, alternent emplois à temps partiel et périodes de chômage. Le taux d'activité des femmes est de 84 % avec un enfant, de 75 % avec deux enfants et il n'est plus que 50 % avec trois enfants. Le revenu mensuel des femmes retraitées n'est que de 848 euros. Ce revenu est inférieur de 42 % à celui que perçoivent les hommes, 1 461 euros par mois -, ce qui impose aux femmes de prendre en moyenne leur retraite deux ans plus tard que les hommes pour augmenter leur trop faible nombre d'annuités de cotisation et partir avec une meilleure retraite. Jusqu'à quel âge devront-elles travailler ?
Je citerai encore quelques chiffres, car ils sont très révélateurs : 80 % des femmes vivent avec une pension en dessous du SMIC et 74 % d'entre elles sont uni-pensionnées contre 51 % des hommes.
Au-delà de 65 ans, 83 % des titulaires du minimum vieillesse sont des femmes. Elles subissent encore plus que les hommes les situations de précarité, de travail à temps partiel, de chômage. Et quand elles se retrouvent seules pour élever leurs enfants, la situation est très souvent dramatique pour la famille.
Votre projet de loi ne risque malheureusement pas d'améliorer leur situation.
Aujourd'hui, elles sont déjà nombreuses à attendre l'âge de 62 ans pour bénéficier de leur retraite à taux plein. Ainsi, les femmes appliquent déjà silencieusement votre projet. Mais avec votre réforme et l'application de la décote ajoutée à la remise en cause des avantages familiaux, à quel âge pensez-vous qu'elles pourront décemment vivre leur retraite ?
Avec la réforme Balladur et avec les dispositions prévues par le présent projet de loi, les carrières incomplètes, proportionnellement amputées du temps de cotisation manquant, sont sanctionnées une seconde fois par des abattements et des décotes sur le taux de retraite par trimestre manquant.
Ces nouvelles dispositions infligent donc une double peine aux retraités. C'est pourquoi le groupe CRC vous propose cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter l'amendement n° 75 rectifié.
Mme Nicole Borvo. Cet amendement est défendu.
M. le président. L'amendement n° 76 rectifié, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant le texte de cet article, insérer les paragraphes additionnels suivants :
« I. _ La présente loi se fixe pour objectif d'assurer aux retraités, anciens chefs d'exploitation agricole, une retraite au moins égale à 85 % du SMIC brut.
« II. _ Les taux des contributions portant sur les revenus définis aux articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale sont relevés à due concurrence. »
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Cet amendement reprend l'une de nos positions de fond exprimées depuis de longues années sur la question des retraites du régime agricole.
En effet, chacun sait ici que les retraites de base du régime des non-salariés agricoles sont de loin les plus faibles de tout notre système de retraite par répartition. Les raisons de cette situation sont relativement connues. Il y va essentiellement du déséquilibre démographique grandissant qui existe entre le nombre de cotisants du régime et le nombre des bénéficiaires de ces prestations.
En effet, si l'on regarde les éléments fournis à l'appui du rapport budgétaire sur le budget annexe des prestations sociales agricoles, on se rend compte qu'il y a 659 000 cotisants au régime en activité pour plus de 1,7 million de bénéficiaires de prestations.
L'assurance vieillesse agricole, l'AVA, assure aujourd'hui plus de 8 milliards d'euros de prestations pour un peu plus de 800 millions de recettes de cotisations. S'agissant de cotisations perçues auprès des agriculteurs en activité et qui demeurent fondées sur le revenu professionnel déclaré, comme pour toutes les professions non salariées, elles s'avèrent largement inférieures au besoin de financement des prestations, celles-ci constituant aujourd'hui la majeure partie des dépenses du budget annexe.
Ce mouvement est d'ailleurs appelé à croître progressivement dans les années à venir puisque, fort heureusement, les agriculteurs tirent également parti de l'allongement de la durée de la vie, comme l'ensemble des habitants de ce pays, et de la sensible amélioration de leur couverture sanitaire.
Pour ce qui nous concerne, nous ne sommes pas spécialement opposés à ce que la solidarité nationale joue son rôle en matière de financement des retraites du régime agricole. C'est aujourd'hui le cas au travers, d'une part, des versements de compensation effectués par le régime général pour un montant de près de 5,7 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent les versements de la Caisse nationale d'allocations familiales, la CNAF, et de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, pour un montant de plus de 900 millions d'euros, et, d'autre part, du produit d'impôts et de taxes affecté dont l'essentiel provient de 5,8 milliards d'euros provenant de la taxe sur la valeur ajoutée.
Le seul problème dans cette affaire est que les pensions servies sont largement insuffisantes au regard de ce qui est aujourd'hui nécessaire. En effet, si l'on en croit encore les éléments fournis par le rapport budgétaire sur le budget annexe, les pensions minimales s'élèvent à 6 833 euros annuels pour un exploitant retraité, soit moins de 570 euros par mois, c'est-à-dire moins de 4 000 francs mensuels. Pour les conjoints et les aides familiaux, cette pension minimale est de 5 424 euros, soit 452 euros par mois ou environ 3 000 francs. La réalité est particulièrement éloignée de ce qu'il conviendrait de fournir aux retraités du régime agricole.
Nos propositions visent donc à assurer une sensible revalorisation des retraites du régime, revalorisation rendue nécessaire par l'évolution de la situation économique et sociale du pays. Elles porteraient, en effet, la retraite des anciens chefs d'exploitation agricole à hauteur de 1 000 euros par mois soit une revalorisation de 70 % par rapport à la situation actuelle.
Nous voyons se profiler les réticences de tous ceux qui sont préoccupés par la siuation des comptes publics. Mais la question mérite d'être posée : peut-on décemment parler de mise en valeur de la ruralité, de qualité de la vie dans nos campagnes quand les prestations d'assurances vieillesse se rapprochent dangereusement de l'assistanat ?
Peut-on défendre le principe de solidarité, socle du pacte républicain sur le financement des retraites et laisser les retraités du régime agricole dans une situation financière particulièrement délicate ?
Tel est le sens de cet amendement qui a pour objectif la revalorisation sensible des retraites du régime agricole, condition du développement économique, notamment commercial, de nos pays ruraux.
C'est sous le bénéfice de ces observations que nous vous invitons à adopter cet amendement. (Très bien ! sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 77 rectifié est présenté par MM. Fischer, Bret et Coquelle, Mmes David, Didier et Luc et M. Renar.
L'amendement n° 78 rectifié est présenté par Mmes Demessine, Beaufils et Beaudeau, M. Foucaud, Mme Mathon, MM. Le Cam et Biarnès.
L'amendement n° 79 rectifié est présenté par Mme Borvo, M. Muzeau, Mme Bidard-Reydet, M. Ralite, Mme Terrade et M. Loridant.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Avant le texte de cet article, insérer les deux paragraphes additionnels suivants :
« I. - Un effort particulier de revalorisation des basses pensions de retraite est engagé, afin qu'aucune pension de retraite ne soit inférieure au niveau du SMIC brut.
« II. - Les taux des contributions portant sur les revenus définis aux articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale sont relevés à due concurrence. »
La parole est à Mme Hélène Luc, pour présenter l'amendement n° 77 rectifié.
Mme Hélène Luc. Aborder le thème de la pénibilité au travail, c'est évoquer un pan entier, douloureux, de la vie des salariés. Nos amendements se justifient par le fait que la réforme des retraites doit prendre acte de la nécessité de dérogations pour certains métiers.
Les départs précoces à la retraite ne semblent indispensables que dans les professions particulièrement usantes, qui réduisent l'espérance de vie. Cela dit, les métiers à forte pénibilité physique existent non seulement dans l'industrie, mais aussi dans le secteur tertiaire. Que l'on songe par exemple aux caissières des supermarchés ou au travail en cuisine dans les collectivités. De nombreux emplois d'ouvriers, d'agents de service de l'Etat sont ainsi qualifiés d'insalubres ou de dangereux.
Par ailleurs, outre la pénibilité purement physique, les rythmes de travail s'accélèrent et les responsabilités confiées aux salariés génèrent du stress. La variabilité croissante des horaires, des fonctions et des techniques est déstabilisante, surtout pour les plus anciens. L'insécurité de l'emploi génère de l'angoisse.
Monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements n°s 77 rectifié, 78 rectifié et 79 rectifié.
J'évoquerai notamment le cas des infirmières. Les arrêts définitifs de travail viennent clore une vie professionnelle parfois insoutenable. Ainsi, 45 000 infirmières en âge de travailler avouent préférer rester chez elles ou changer de métier parce qu'elles ne supportent plus la lourdeur de leur emploi et 15 000 postes d'infirmières sont vacants, dont 5 000 en Ile-de-France.
L'allongement de la durée de cotisation et l'absence de prise en compte des facteurs de pénibilité ne constitueront pas, monsieur le ministre, des moteurs de relance de l'emploi dans ce secteur d'activité, bien au contraire. De plus, les salaires des infirmières sont loin de correspondre à leurs repsonsabilités, à leur charge de travail.
Tout ce que vous proposez, monsieur le ministre, c'est de les faire travailler plus longtemps. C'est vraiment inacceptable !
Le Gouvernement présente son projet de réforme au nom de l'équité entre le secteur public et le secteur privé. Mais vous vous gardez bien de dire que ce sont justement les mesures prises par Edouard Balladur en 1993 qui, en diminuant le montant des retraites du secteur privé, ont rompu l'équité qui existait alors entre public et privé.
Ensuite, vous ne dites pas un mot de la légitime équité entre les hommes et les femmes. Les différences entre les retraites moyennes des hommes et celles des femmes sont pourtant bien réelles. Elles sont mêmes supérieures à celles qui existent entre le secteur public et le secteur privé.
Ainsi, en 2001, les femmes retraitées ont perçu en moyenne une pension de 848 euros par mois et les hommes de 1 461 euros. Les pensions des femmes sont inférieures de 42 % à celles des hommes.
Sur dix retraités, trois perçoivent une retraite inférieure au minimum vieillesse. Parmi ces retraités, 83 % sont des femmes. Où est la prise en compte de cette situation très inégalitaire ?
La différence des retraites entre hommes et femmes est le reflet des inégalités dans la vie professionnelle et sociale. Les salaires des femmes sont en moyenne inférieurs à ceux des hommes. Pour un grand nombre d'entre elles, le temps partiel est imposé. Elles assument toujours l'essentiel des responsabilités en matière d'éducation des enfants, de tâches domestiques et de soins aux proches. Ce sont elles qui interrompent leur carrière ou travaillent à mi-temps pour élever leurs enfants.
Résultats, des salaires plus faibles et une carrière plus courte, qui donnent des retraites vraiment plus faibles.
Ces réformes ne vont pas dans le sens de la prise en compte de ces écarts. Elles aboutissent au contraire à les augmenter notablement, ce qui avait déjà été le cas avec les réformes Balladur de 1993.
Actuellement, les femmes prennent en moyenne leur retraite deux ans plus tard que les hommes pour augmenter leur nombre d'annuités de cotisation trop faible et tenter de limiter la perte de pouvoir d'achat de leur pension. Je vous rappelle ce qu'est une décote (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP) : ...
M. Jean-Pierre Vial. Oui ! Oui !
M. Hilaire Flandre. Elle nous ferait pleurer !
Mme Hélène Luc. ... c'est une minoration de la pension lorsque la durée d'assurance est inférieure au niveau de référence afin de décourager les départs précoces.
M. le président. Il faudrait conclure, madame Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Je termine...
M. Jean-Louis Lorrain. Oh ! Oui.
Mme Hélène Luc. Le comble de l'injustice se niche dans ce système de décote qui pénalise plus encore, et d'une manière disproportionnée pour les années manquantes, ce qui, bien évidemment, concerne en grande partie les femmes.
La durée moyenne de cotisation des femmes actuellement retraitées est de 30,5 ans.
Les carrières des femmes avaient tendance à s'allonger au cours du temps, mais les mesures relatives à l'allocation parentale d'éducation ont concerné, d'abord, les parents de trois enfants, puis les parents de deux enfants. Maintenant, avec ce projet de loi, elles s'appliqueront également aux parents d'un enfant.
Ces mesures ont pour effet d'inciter les femmes à se retirer du marché du travail, ce qui nécessite des mesures de compensation.
A cela s'ajoute la décote sur le taux de la retraite par trimestre manquant. Ces dispositions, qui sont très injustes, infligent une double peine aux retraités, et les femmes seront les plus touchées.
M. le président. Madame Hélène Luc, vous avez dépassé votre temps de parole !
Mme Hélène Luc. Chacun a le droit d'utiliser son temps comme il l'entend !
Je vous rappelle par ailleurs, monsieur le président, que je défends trois amendements. (Non ! sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Non madame Luc ! Puisque vous n'êtes signataire que d'un seul amendement, vous avez droit à cinq minutes de temps de parole. Comme vous en êtes déjà à sept minutes, je vous prie de conclure.
Mme Hélène Luc. Je veux rappeler, mais vous le savez, que les femmes étaient très nombreuses lors de manifestations d'une ampleur exceptionnelle, en particulier le 25 mars. Il s'agissait de vendeuses, d'infirmières, d'ouvrières, d'enseignantes.
M. Gérard Braun. Oui !
Mme Hélène Luc. Elles ont fait preuve d'un grand esprit de responsabilité.
Je termine, monsieur le président, parce que je ne veux pas abuser de votre patience, (Ah oui ! sur les travées de l'UMP) en demandant à mes collègues de voter cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour défendre l'amendement n° 78 rectifié.
Mme Michelle Demessine. Il est défendu.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour défendre l'amendement n° 79 rectifié.
Mme Nicole Borvo. Il est défendu.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 81 rectifié est présenté par MM. Fischer, Bret et Coquelle, Mmes David, Didier et Luc et M. Renar.
L'amendement n° 82 rectifié est présenté par Mmes Demessine, Beaufils et Beaudeau, M. Foucaud, Mme Mathon, MM. Le Cam et Biarnès.
L'amendement n° 83 rectifié est présenté par Mme Borvo, M. Muzeau, Mme Bidard-Reydet, M. Ralite, Mme Terrade et M. Loridant.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Avant le texte de cet article, insérer les trois alinéas suivants :
« Une véritable réforme du financement implique de développer l'emploi, la qualification, la formation et d'augmenter les salaires, conditions primordiales du financement des retraites. Il s'agit, d'une part, de sécuriser l'emploi et la formation pour sécuriser les retraites, et, d'autre part, d'instituer de nouveaux financements des retraites qui, à leur tour, contribueront à sécuriser vertueusement l'emploi et la formation.
« Dans cet esprit, il est instauré, d'une part, une modulation du taux de cotisations sociales en fonction du ratio salaires/valeur ajoutée globale (richesses produites + produits financiers) afin de favoriser les entreprises qui créent effectivement des emplois, augmentant le niveau des salaires et des qualifications, et de sanctionner celles qui choisissent la croissance financière contre l'emploi.
« Et, d'autre part, il est créé une cotisation sociale additionnelle sur les revenus financiers des entreprises, des institutions financières et des ménages (hors épargne populaire) à hauteur de la contribution des entreprises. »
La parole est à M. Guy Fischer, pour défendre l'amendement n° 81 rectifié.
M. Guy Fischer. Je m'en remets aux explications de Mme Demessine sur l'amendement n° 82 rectifié.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour défendre l'amendement n° 82 rectifié.
Mme Michelle Demessine. Cet amendement sur la modulation des cotisations de retraite acquittées par les entreprises constitue l'une des propositions formulées de longue date par notre groupe.
Au fil des discussions des dernières lois de financement de la sécurité sociale, nous avons à plusieurs reprises défendu le principe de la prise en compte différenciée des politiques d'emploi des entreprises. Vous me permettrez donc de rappeler quelques principes.
Une véritable réforme du financement implique de développer l'emploi, la qualification, la formation et d'augmenter les salaires, conditions primordiales du financement des retraites. Il s'agit, d'une part, de sécuriser l'emploi et la formation pour sécuriser les retraites et, d'autre part, d'instituer de nouveaux financements des retraites qui, à leur tour, contribueront à sécuriser vertueusement l'emploi et la formation.
Dans cet esprit, il est instauré, d'une part, une modulation du taux de cotisations sociales en fonction du ratio salaires/valeur ajoutée globale afin de favoriser les entreprises qui créent effectivement des emplois, augmentant le niveau des salaires et des qualifications, et de sanctionner celles qui choisissent la croissance financière contre l'emploi.
Et, d'autre part, il est créé, une cotisation sociale additionnelle sur les revenus financiers des entreprises, des institutions financières et des ménages, hors épargne populaire, à hauteur de la contribution des entreprises.
Pour financer les retraites, les auteurs de cet amendement proposent de retenir le principe d'une modulation du taux de cotisations sociales en fonction du ratio salaire/valeur ajoutée globale. Ils proposent en outre que l'ensemble des revenus, y compris les revenus financiers des entreprises, participent à cet effort.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour défendre l'amendement n° 83 rectifié.
Mme Nicole Borvo. Cet amendement est défendu.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 84 rectifié est présenté par MM. Fischer, Bret et Coquelle, Mmes David, Didier et Luc et M. Renar.
L'amendement n° 85 rectifié est présenté par Mmes Demessine, Beaufils et Beaudeau, M. Foucaud, Mme Mathon, MM. Le Cam et Biarnès.
L'amendement n° 86 rectifié est présenté par Mme Borvo, M. Muzeau, Mme Bidard-Reydet, M. Ralite, Mme Terrade et M. Loridant.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Avant le texte de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'assiette des cotisations sociales est élargie à l'ensemble des éléments de la rémunération du travail. »
La parole est à M. Guy Fischer, pour défendre l'amendement n° 84 rectifié.
M. Guy Fischer. Je m'en remets aux explications de Mme Mathon sur l'amendement n° 85 rectifié.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour défendre l'amendement n° 85 rectifié.
Mme Josiane Mathon. Le calcul des cotisations d'assurance vieillesse se fait de longue date sur la base de la rémunération brute. Or la rémunération brute des salariés dans le secteur privé est de plus en plus liée à des éléments individualisés échappant dans les faits à toute cotisation. C'est notamment le cas dans l'ensemble de ces professions où le montant des salaires de base se révèle relativement proche du salaire minimum interprofessionnel de croissance, voire inférieur à ce dernier, et où les salariés, singulièrement les femmes, ne doivent qu'à des primes d'objectif, d'assiduité ou de production de pouvoir éventuellement dépasser ce seuil de rémunération.
Comme nous l'avons souligné, c'est la politique salariale des entreprises qui est le plus souvent à l'origine de ce qu'il faut bien appeler un « processus de dévitalisation du financement de la protection sociale », politique salariale qui est largement encouragée par l'incroyable batterie d'incitations aux bas salaires qui peuplent notre droit du travail depuis 1993.
Il serait sans doute assez fastidieux de rappeler ici l'ensemble des dispositions de cette nature. Mais force est de constater que ces stratégies salariales contribuent aussi largement à la dégradation des comptes sociaux observée depuis plusieurs années.
En vérité, le mode de financement de notre protection sociale est étroitement dépendant, et c'est là l'essentiel, du nombre et de la qualité des emplois occupés.
En clair, chaque fois que la qualification des salariés n'est pas directement reconnue tant dans le cadre des accords de branche que dans celui des accords d'entreprise, dès lors que les entreprises sont incitées à individualiser les rémunérations en les ajustant selon les aléas de la production ou de la commercialisation des produits, nous sommes placés dans un redoutable cycle de déperdition de ressources pour la protection sociale.
Elargir aujourd'hui l'assiette des cotisations sociales à l'ensemble des éléments de rémunération des salariés est donc l'une des solutions au problème du financement de la protection sociale que dénoncent certains, même si c'est bien souvent avec une inquiétude un peu feinte.
Cela permettrait également de modifier la quotité de la rémunération prise en compte pour le calcul du salaire de référence servant de base à la liquidation de la retraite.
Compte tenu de la situation générale du revenu des retraités dans notre pays, c'est bien le moins que de faire en sorte que leur rémunération de base soit quelque peu modifiée pour assurer un meilleur taux de remplacement.
On ne peut en effet oublier qu'un salarié dont 20 % du salaire est constitué de primes subit en fait une décote de 60 % de sa retraite de base dès lors que le calcul du salaire de référence ne porte que sur 80 % du salaire soumis à cotisation.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter l'amendement n° 86 rectifié.
Mme Nicole Borvo. Cet amendement est défendu.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 87 rectifié bis est présenté par Mmes Borvo et Bidard-Reydet, M. Ralite etMme Terrade.
L'amendement n° 88 rectifié bis est présenté par Mmes Demessine, Beaudeau, Beaufils et Mathon et M. Biarnès.
L'amendement n° 89 rectifié bis est présenté par MM. Muzeau, Bret, Loridant, Foucaud, Le Cam et Mme David.
L'amendement n° 90 rectifié bis est présenté par MM. Fischer et Coquelle, Mmes Didier et Luc et M. Renar.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
« Avant le texte de cet article, insérer les trois paragraphes additionnels suivants :
« I. - Le deuxième alinéa de l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Ces cotisations sont pour partie à la charge de l'employeur et pour partie à la charge du salarié. Le taux de cotisation est fixé à 6,55 % à la charge du salarié ou assimilé sur les rémunérations ou gains de celui-ci dans la limite du plafond prévu au premier alinéa de l'article L. 241-3. Le taux de cotisation à la charge de l'employeur sur la totalité des rémunérations ou gains du salarié ou assimilé est fixé à 1,6 % jusqu'au 31 décembre 2003, le taux du plafond prévu au premier alinéa de l'article L. 241-3. A partir du 1er janvier 2004, le taux de cotisation patronale est augmenté de 0,34 point au 1er janvier de chaque année, pendant dix ans. »
« II. - Chaque année, entre 2004 et 2013, un arrêté indique le taux en vigueur au 1er janvier.
« III. - Au cours de l'année 2013, le Parlement délibère sur le taux de cotisation à la charge de l'employeur sur les rémunérations ou gains de celui-ci dans la limite du plafond prévu au premier alinéa de l'article L. 241-3, en vigueur à partir du 1er janvier 2014. »
La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter l'amendement n° 87 rectifié bis.
Mme Nicole Borvo. Je m'en remets aux explications de Mme Demessine sur l'amendement n° 88 rectifié bis.
M. le président. La parole est à Mme MichelleDemessine, pour présenter l'amendement n° 88 rectifié bis.
Mme Michelle Demessine. Cet amendement vise à augmenter la part patronale dans les cotisations sociales. Cette part n'a pas augmenté depuis 1979, alors même que, depuis 1993, les allégements de charges pour les entreprises se multiplient au détriment de l'assurance maladie et, singulièrement, de l'assurance vieillesse.
Comble du désastre, cette politique n'a eu, on le sait, aucun effet bénéfique pour l'emploi, bien au contraire. Outre qu'elle n'a pas contribué à créer des emplois, elle a poussé la qualification des emplois vers le bas puisque les exonérations ont été d'autant plus importantes que les salaires étaient faibles.
En refusant de toucher à ce déséquilibre, la droite parlementaire montre très clairement ce qu'est sa conception de l'effort de solidarité sur les retraites.
Ce sont les salariés eux-mêmes, et en aucune façon les entreprises, qui seront mis à contribution. Le MEDEF va pouvoir dormir sur ses deux oreilles ! Rien de ce qui sera fait par le Gouvernement ne mettra en péril la domination du capital sur le travail.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 89 rectifié bis.
M. Roland Muzeau. Cet amendement est défendu.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 90 rectifié bis.
M. Guy Fischer. Cet amendement est défendu.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 92 rectifié bis est présenté par MM. Fischer, Bret et Coquelle, Mmes David, Didier et Luc et M. Renar.
L'amendement n° 93 rectifié bis est présenté par Mmes Demessine, Beaufils et Beaudeau, M. Foucaud, Mme Mathon, MM. Le Cam et Biarnès.
L'amendement n° 94 rectifié bis est présenté par Mme Borvo, M. Muzeau, Mme Bidard-Reydet, M. Ralite, Mme Terrade et M. Loridant.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Avant le texte de cet article, insérer les trois paragraphes additionnels suivants :
« Une réforme structurelle de notre système de retraite par répartition doit nécessairement s'accompagner d'une réforme du crédit et d'une réorientation des aides publiques à l'emploi afin d'encourager la création de richesses réelles et d'emplois et afin d'inciter les entreprises à s'engager dans la voie de la réforme.
« Dans cet esprit, il est mis en oeuvre, à compter du 1er janvier 2004, une procédure d'extinction progressive des exonérations de cotisations sociales patronales dont l'effet est négligeable sur l'emploi et la croissance mais désastreux sur les finances de la protection sociale. Les modalités d'exécution de cette mesure sont fixées par décret.
« Parallèlement est mise en place une politique du crédit sélectif, pénalisante pour la croissance financière et la spéculation mais encourageante pour l'emploi et la formation. Les conditions de cette politique sont fixées elles aussi par décret. »
La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 92 rectifié bis.
M. Guy Fischer. Je m'en remets aux explications de Mme Demessine sur l'amendement n° 93 rectifié bis.
M. le président. La parole est à Mme MichelleDemessine, pour présenter l'amendement n° 93 rectifié bis.
Mme Michelle Demessine. On ne peut parler de la réforme du système des retraites sans s'interroger sur la situation de l'emploi en France. Emploi et retraite sont en effet interdépendants tant il est vrai que seule la valorisation de l'emploi pourra permettre de sauvegarder le système de répartition, auquel le Gouvernement se déclare tant attaché alors qu'il s'acharne à le mettre en pièces.
Si la réforme des cotisations est un élément important du financement du système des retraites, seule une politique offensive en faveur de l'emploi pourra faire évoluer le problème, puisque l'emploi constitue la source de financement du système de répartition. Ce sont les salaires des actifs qui financent largement les retraites.
L'objet de notre amendement est d'encourager un fort niveau d'emploi via des aides sélectives au crédit pour les entreprises, aides sélectives qui auraient vocation à se substituer aux exonérations des cotisations sociales patronales.
Les allégements de charges au profit des entreprises n'ont jamais contribué à créer de quelque manière que ce soit des emplois qualifés et stables. Les chiffres sont là pour le prouver puisque toute la politique que vous menez depuis un an n'aboutit qu'à des désastres sociaux et économiques. Les derniers chiffres de la croissance comme ceux du chômage ne vous permettent en aucun cas de pavoiser.
Ce n'est pas en faisant des cadeaux au MEDEF que l'on fait progresser l'emploi. Mais cela, on le savait déjà ! Il faut cesser de brandir, comme le fait le patronat, cette menace du chômage pour justifier la flexibilité absolue, les plans sociaux, l'individualisation de la relation salariale, qui, dépassant très largement le cadre de la survie financière d'un individu, gangrène la société toute entière. Elle agit, ainsi que le dit M. Wacquant, comme un processus de décivilisation.
Pour notre part, nous refusons le fatalisme résigné qui consiste à croire que l'idéologie libérale est la seule possible. Il est urgent de restaurer l'Etat social, c'est-à-dire un Etat assumant ses responsabilités sans se soumettre au diktat des entreprises et règlementant l'activité économique dans le sens de l'intérêt général. Plus d'emplois et des emplois plus qualifiés : ce n'est pas un voeu pieux, c'est une politique économique réaliste pour peu que l'on ait le courage de s'attaquer à cette manne publique que constituent pour les entreprises les exonérations de charges et d'y substituer un système qui favoriserait véritablement l'emploi.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour défendre l'amendement n° 94 rectifié bis.
Mme Nicole Borvo. Cet amendement est défendu.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 1067 rectifié est présenté par MM. Fischer, Bret et Coquelle, Mmes David, Didier et Luc et M. Menar.
L'amendement n° 1068 rectifié est présenté par Mmes Demessine, Beaufils et Beaudeau, M. Foucaud, Mme Mathon, MM. Le Cam et Biarnès.
L'amendement n° 1069 rectifié est présenté par Mme Borvo, M. Muzeau, Mme Bidard-Reydet, M. Ralite, Mme Terrade et M. Loridant.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Avant le texte de cet article, insérer les deux alinéas suivants :
« Les assurés bénéficient d'une égalité de traitement au regard de leur retraite tenant compte des inégalités entre les hommes et les femmes.
« Avant le 31 décembre 2004, le Gouvernement déposera sur le bureau de l'Assemblée nationale et sur celui du Sénat en rapport présentant des mesures adaptées et spécifiques pour prendre en compte ces inégalités. »
La parole est à M. Guy Fischer, pour défendre l'amendement n° 1067 rectifié.
M. Guy Fischer. Je m'en remets aux explications de Mme Terrade sur l'amendement n° 1069 rectifié.
M. le président. La parole est à Mme MichelleDemessine, pour défendre l'amendement n° 1068 rectifié.
Mme Michelle Demessine. Je m'en remets également aux explications de Mme Terrade.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour défendre l'amendement n° 1069 rectifié.
Mme Odette Terrade. Cela a été déjà dit, les femmes seront parmi les toutes premières victimes de votre projet de loi, monsieur le ministre.
Ce qui était déjà vrai avant 1993 a été aggravé par la mise en oeuvre de la réforme Balladur. En effet, celle-ci a fortement pénalisé les retraites des femmes salariées du secteur privé.
Cette régression va être maintenant étendue aux salariés du secteur public.
C'est une certitude, l'élargissement de la période de référence des 10 aux 25 meilleures années a pénalisé en premier lieu les femmes. Ainsi, les mauvaises années sont entrées dans le décompte. Ces années, qui sont mauvaises sur le plan de la liquidation des retraites, sont pourtant souvent pour les femmes, sur le plan personnel, des années de joie puisqu'elles interrompent leur vie professionnelle ou travaillent à temps partiel pour élever un enfant.
Telle qu'elle est organisée, la société ne permet pas à la majorité des femmes de concilier efficacement leur carrière professionnelle et leur vie personnelle et familiale. L'explosion du temps parental en est bien la preuve.
Les femmes sont également sanctionnées sur le plan des retraites du fait de la faiblesse de leur rémunération comparée à celle des hommes.
Ce qui apparaît clairement dans ce débat, c'est que le Gouvernement ne se préoccupe absolument pas de cette inégalité entre hommes et femmes dans la réforme des retraites.
Contrairement à ce qui est affiché, les inégalités devant la retraite vont perdurer, notamment entre les femmes et les hommes.
Ce que j'avance là est confirmé par les chiffres : 57 % des femmes n'ont pas une carrière complète ; le revenu mensuel des femmes retraitées n'est que de 848 euros. Ce montant est inférieur de 42 % à celui des hommes, qui perçoivent 1 461 euros en moyenne par mois.
Notons également que les femmes fonctionnaires perçoivent une pension inférieure de 21 % à celle des hommes.
Pis, 80 % des femmes vivent avec une pension inférieure au SMIC.
La réforme dont nous débattons aujourd'hui va aggraver la situation de milliers de femmes.
La question de la retraite des femmes doit donc être l'une des questions centrales de la renégociation qui doit s'ouvrir : c'est une exigence démocratique.
Par notre amendement, nous posons le principe de l'égalité de traitement des assurés sociaux devant la retraite et prenons en compte la situation spécifique des femmes.
En effet, d'une part, actuellement, près d'un actif sur deux est une femme, sans compter les nombreuses femmes qui travaillent au côté de leur conjoint, mais ne sont pas pour autant considérées comme entrant dans la catégorie des actifs. Demain, à l'horizon 2015, 52 % des retraités seront des femmes.
D'autre part, puisque le Gouvernement prétend réformer au nom de l'équité, il nous a semblé opportun de cibler la situation des femmes face à la retraite.
Tout le monde s'accorde à dire que les différences entre les hommes et les femmes en matière de droits à la retraite et de montant des pensions sont bien réelles dans la mesure où les retraites sont le reflet des inégalités dans la vie professionnelle et sociale. Or cette question a, dans le projet de loi, été largement négligée.
Puisqu'il ne tient pas compte des évolutions du marché du travail ni des contraintes familiales, qui pèsent hélas principalement sur les femmes, le nouveau dispositif ne permettra pas de réduire les inégalités, y compris entre les femmes, entre celles qui se sont arrêtées pour élever leur enfant et celles qui auront fait le choix de conjuguer vie familiale et vie professionnelle.
Plusieurs mesures phares de cette réforme sont même de nature à pénaliser très fortement les femmes, notamment l'allongement de la durée de cotisation : si, aujourd'hui, les femmes restent en activité deux ans de plus en moyenne que les hommes, c'est bien parce qu'elles ne totalisent pas la durée d'assurance requise pour liquider leur pension à taux plein.
Ajoutons à cela les conséquences de la décote, qui frappera plus durement les femmes, ces dernières cumulant le désavantage du temps partiel, des carrières interrompues et des bas salaires.
Par ailleurs, dans la mesure où les pensions de retraite des femmes sont déjà parmi les plus faibles et où elles représentent la moitié de celles des hommes, la généralisation du mécanisme d'indexation des pensions sur les prix et non sur les salaires concourt également à creuser les écarts.
S'agissant des avantages familiaux, là encore, l'examen du texte révèle que le Gouvernement fait le contraire de ce qu'il prétend. Dans le secteur public, par exemple, sous couvert de jurisprudence européenne et au nom de l'égalité des droits entre les femmes et les hommes, les conditions d'accès aux majorations et bonifications pour enfants changent. Elles sont ainsi réduites pour les enfants nés à partir de 2004.
Tout est donc fait pour inciter les femmes à s'arrêter de travailler en vue d'élever leurs enfants tandis que, par ailleurs, le Gouvernement cherche à relever le taux d'activité en France.
Pour éviter que « les femmes continuent à payer le prix fort », pour reprendre les termes tout à fait justes du titre d'un article paru récemment dans Le Monde, nous vous proposons qu'il soit tenu compte des inégalités actuelles, qui ne sauraient seules se lisser, et que le Gouvernement s'engage à travailler sur les moyens de reconnaître que la situation des femmes au regard de la retraite est différente et doit faire l'objet, à ce titre, de mesures tendant à compenser ces écarts de droits.
M. le président. L'amendement n° 98, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer et Muzeau, Mme Beaudeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans le texte de cet article, après le mot : "répartition", insérer les mots : "rejetant ainsi tout choix de la capitalisation comme constitutif des pensions et retraites." »
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Cet amendement de réécriture partielle de l'article 1er découle de l'analyse que nous pouvons en faire.
Comme nous l'avons montré en défendant notre amendement de supression, malgré l'affirmation en apparence louable de la priorité accordée au régime de retraite solidaire par répartition, l'article 1er ouvre largement la porte aux formules individualisées de retraites. Cela appelle plusieurs observations.
De façon générale, on ne peut oublier que de nombreux secteurs du patronat français sont de longue date attachés à une remise en cause du pacte social de la répartition et demandeurs d'une montée en puissance de l'épargne retraite.
Les milliards d'euros de cotisations aujourd'hui centralisés dans nos régimes par répartition aiguisent depuis longtemps les appétits de ceux qui, acteurs des marchés financiers ou aventuriers de la Bourse, ont besoin d'argent frais et immédiatement disponible pour monter coups, raids ou autres opérations spéculatives.
Ce projet de loi répond clairement à leurs attentes.
En durcissant les conditions d'accès à une retraite à taux plein, par allongement de la durée de cotisation et minoration du montant des prestations servies par le régime général et les régimes complémentaires obligatoires, il crée les conditions d'un recours, pour une bonne part forcé, aux formules de capitalisation, où il n'est plus question de solidarité entre générations mais plutôt de sauve-qui-peut général.
C'est bel et bien un choix de société qui nous est aujourd'hui proposé.
La répartition permet à tous, dans le cadre de la solidarité, de disposer d'une retraite qui n'est pas en corrélation avec la capacité contributive des uns et des autres. Il nous faut donc affirmer clairement ici notre attachement au principe de solidarité, et le faire en excluant du champ des solutions le recours à une capitalisation, qui avait d'ailleurs connu, dans l'immédiat après-guerre, un fracassant échec.
M. le président. L'amendement n° 99, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans cet article, remplacer le mot : "pacte", par le mot : "contrat". »
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. L'article 1er, qui réaffirme l'attachement de la nation française à son système de retraite par répartition, place celle-ci au coeur du pacte social.
Nous envisageons, à travers cet amendement, d'aller jusqu'à faire référence à la notion de « contrat », traduisant ainsi l'esprit des travaux du Conseil d'orientation des retraites, qui a intitulé son rapport publié en 2001 : Retraites : renouveler le contrat social entre les générations. Ce n'est pas, loin de là, une formulation aventureuse, contraire à un texte par lequel on affirme vouloir faire appel au sens de la responsabilité des Français, comme l'a prétendu le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale pour demander le rejet d'un amendement similaire déposé par les députés communistes.
A nos yeux, une telle modification serait bienvenue en ce qu'elle permettrait de faire prendre conscience du fait que, au-delà de l'avenir de nos retraites et des nécessaires aménagements de notre système - que le Gouvernement veut substantiels -, il s'agit, d'un point de vue collectif, d'aborder la question du défi du vieillissement de la population française et de réussir solidairement à le dépasser.
Comment préserver la cohésion, le développement de notre société si, entre générations et à l'intérieur d'une même génération, ne sont pas redéfinis, consolidés, les liens sociaux ?
Le bien collectif que représente notre système de retraite doit continuer demain à répondre solidairement aux réalités contemporaines, et notamment aux évolutions démographiques.
M. le président. L'amendement n° 1087 rectifié, présenté par MM. Delfau, A. Boyer et Collin, est ainsi libellé :
« Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Elle s'engage à mettre en place un ensemble de mesures en faveur de la natalité tendant à améliorer l'accueil des jeunes enfants par les collectivités locales et l'Etat. »
La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Dans mon amendement précédent j'ai proposé que soit réaffirmé le principe de répartition en matière de régime de retraite, et j'ai préconisé que des dispositions spécifiques soient prévues. J'en viens maintenant à quelques-unes des conditions qui permettront de concrétiser ce principe.
Chacun en conviendra, le taux de fécondité est déterminant pour l'équilibre des générations et donc pour le financement des retraites. Cela exige qu'une politique en faveur de la natalité soit mise en oeuvre. C'est pourquoi je suggère de prévoir que la nation s'engage à mettre en place un ensemble de mesures en faveur de la natalité tendant à améliorer l'accueil des jeunes enfants par les collectivités locales et l'Etat.
Je veux insister tout particulièrement sur ce dernier point, monsieur le ministre. En effet, comment le Gouvernement peut-il espérer voir se redresser le taux de fécondité si, dans le même temps, il cesse d'assumer l'accueil des jeunes enfants dès l'âge de deux ans en classes maternelles, comme il a prévu de la faire à la rentrée ?
Il y a donc une contradiction entre la pratique et les principes que vous énoncez, et je souhaite que le texte de loi que nous voterons permette de clarifier votre position et empêche tout détournement de la réalité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. En ce qui concerne les amendements n°s 95, 96 et 97, on a entendu parler toute la soirée de la répartition, toute la répartition, rien que la répartition. Or, selon une logique que j'ai du mal à suivre, que la commission ne comprend d'ailleurs pas, et dont M. Delfau, ce qui m'afflige, vient, à l'instant, de se faire encore l'avocat, Mmes Borvo et Beaudeau nous proposent de supprimer purement et simplement l'article 1er. La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.
En ce qui concerne l'amendement n° 849 rectifié, là encore, j'ai du mal à comprendre ses auteurs qui écrivent : « La nation affirme solennellement le choix de la retraite par répartition... Elle apporte les ressources nécessaires à la pérennité du système... »
La répartition est un système contributif, que l'article 2 définit. Ce n'est donc plus la nation, ce sont les assurés qui apportent les ressources nécessaires. Il y a un lien direct entre la retraite des assurés et leur vie professionnelle. Dans cette logique, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Les amendements n°s 850 rectifié, 852 rectifié, 853 rectifié et 1083 rectifié abordent des thèmes qui n'ont pas leur place à l'article 1er. On les retrouve dans la continuité du déroulement des articles. Il est beaucoup question de la pénibilité, qui est traitée à l'article 12 bis, selon des conditions bien précises, la conséquence de la négociation entre le Gouvernement et les partenaires sociaux. Donc, là encore, sur ces amendements, la commission a émis un avis défavorable.
En revanche, la commission a retenu la rédaction de l'amendement n° 1093 rectifié. Elle a le mérite de la clarté et de la simplicité : « La Nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au coeur du pacte social qui unit les générations. » La commission y est donc favorable.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Certains ont de la chance !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Sur le sous-amendement n° 1106, comme sur les amendements n°s 64 rectifié, 68 rectifié, 72 rectifié, 76 rectifié, 77 rectifié, 81 rectifié, 84 rectifié, 87 rectifié bis, 92 rectifié bis, 93 rectifié bis, 1067 rectifié, 98, 99 et 1087 rectifié, je réitère ce que j'ai dit tout à l'heure : les éléments les plus importants doivent être les plus concis.
Ces propositions n'ont pas leur place à l'article 1er, mais les thèmes qu'elles abordent seront repris (M. Gérard Delfau proteste)...
M. Roland Muzeau. Il faudrait savoir ! Elles n'avaient pas leur place avant l'article 1er...
Mme Nicole Borvo. Dites-nous où il faut les placer !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. ... lors de l'examen des articles suivants.
Conformément à cette logique, la commission a émis un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Monsieur le président, je ferai, si vous me le permettez, un commentaire global sur l'ensemble de ces amendements.
Auparavant, je rappellerai à Mme Beaudeau que je tire ma légitimité du peuple français, qui a désigné une majorité aux élections législatives.
M. Gérard Larcher. Très bien !
M. Roland Muzeau. Il s'est repris en Corse !
M. François Fillon, ministre. Et cette majorité a bien l'intention d'exercer l'ensemble de ses pouvoirs et ne se laissera pas impressionner, même par des manifestations importantes, surtout quand elles sont le fait d'un seul secteur. Le secteur public, que je respecte, a en effet largement manifesté son désaccord avec cette réforme. Mais personne, depuis la Libération, n'avait osé engager de réforme sérieuse de la retraite des fonctionnaires.
Mme Nicole Borvo. Il y avait égalité jusqu'en 1993 entre le public et le privé !
M. François Fillon, ministre. Les articles 1er, 2 et 3, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, sont le fruit d'une rédaction collective : les vingt-deux réunions que nous avons tenues avec l'ensemble des partenaires sociaux se sont concrétisées par le texte qui est repris dans l'exposé des motifs.
Le Gouvernement ne souhaite pas - mais le Sénat peut en décider autrement - que cette rédaction soit modifiée, d'autant que les amendements qui sont proposés visent soit à supprimer la référence au principe de la répartition, ce qui est pour le moins étonnant, soit à ajouter à l'article 1er une série de sujets qui sont abordés tout au long du projet de loi.
Je prends l'exemple de la pénibilité, qui fait l'objet de l'article 16. Au cours du débat, nous aurons certainement l'occasion d'examiner des amendements sur ce sujet.
Je souhaite donc que le Sénat rejette en bloc l'ensemble de ces amendements, à l'exception de l'amendement rédactionnel de Mme Olin qui a réussi l'exploit de raccourcir, et donc de renforcer, la rédaction qui émanait du groupe de travail confédéral que nous avions réuni pour définir les principes généraux de la réforme. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Paul Loridant, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 95, 96 et 97.
M. Paul Loridant. A cette heure avancée de la nuit, que je qualifierai de peu chrétienne (Sourires),...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est l'heure du berger !
M. Paul Loridant. ... je souhaite faire appel à votre esprit d'analyse dialectique.
Vous pourriez vous gausser de ces amendements parce qu'ils tendent à supprimer l'article 1er du présent projet de loi alors même que les principes qu'il énonce, notamment celui de la répartition, emportent l'adhésion générale. Mais notre intime conviction est que cet article 1er est en profonde contradiction avec le reste du projet de loi et il nous apparaît comme un cache-sexe...
Mme Nelly Olin. A une heure chrétienne !
M. Paul Loridant. ... ou, pour le dire autrement, un paravent.
Affirmer en effet, comme le fait cet article, que la retraite par répartition est l'élément fondateur de la solidarité intergénérationnelle nous paraît quelque peu audacieux de la part du Gouvernement, en particulier de son Premier ministre. Nous connaissons sa méthode doucereuse, compassionnelle qui se veut si proche de la France d'en bas. Mais, dans le fond, nous savons qu'elle est libérale, conservatrice et parfois même méchante. (Protestations sur plusieurs travées de l'UMP.) En tout cas, elle a été utilisée avec un humour qui, à force d'être dirigé de manière répétitive sur la non-légitimité de l'opposition, commence à nous faire douter de sa propre légitimité.
En effet, le présent projet de loi s'inscrit dans la filiation directe de la réforme conduite par M. Balladur en 1993.
Il s'agit, sous des prétextes divers et fallacieux, de faire en sorte que se produise le mouvement suivant : augmentation du niveau des cotisations acquittées par les salariés - mais non par les employeurs - , allongement de la durée des cotisations nécessaires pour bénéficier d'une retraite à taux plein et, au final, mes chers collègues, minoration sensible du niveau des pensions. Nous constatons que de plus en plus de retraités, ceux d'aujourd'hui mais surtout ceux de demain, ne toucheront plus que des pensions au minimum garanti.
Pouvons-nous oublier, par exemple, qu'aujourd'hui la majeure partie des retraités et pensionnés de ce pays - environ 60 % - ne sont pas imposables sur le revenu ?
Aussi les fondements de ce projet de loi sont-ils clairs : on affirme, dans cet article 1er, comme une tautologie, que la répartition est le fondement du pacte social. Belle pétition de principe ! Mais on met en oeuvre toutes les mesures qui en vident le sens en créant une forme d'appel d'air pour toutes les formules de capitalisation, d'épargne retraite, d'individualisation de la retraite au travers de la détérioration annoncée, que vous ne niez pas, du niveau des prestations fournies par la voie de la solidarité entre les générations.
Supprimer l'article 1er prend donc pour nous un sens propre. Il s'agit de revenir sur une disposition qui, loin de conforter notre régime par répartition en dépit de la pétition de principe, en mine la portée et la profondeur.
Nous observons de surcroît que le texte qui nous est proposé, malgré son apparente générosité, n'apporte pas grand-chose au droit actuel sur le fond.
Si nous nous référons à nos textes fondateurs, nous lisons dans le préambule de la constitution de 1946, qui je le rappelle, fait partie du bloc de constitutionnalité, que la nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ».
Dans les faits, le texte de l'article 1er est donc en quelque sorte superfétatoire, comme une déclaration de principe un peu vaine que l'on s'attacherait ensuite à remettre en question au travers des dispositions du présent projet de loi.
La formulation est donc claire pour nous : dans le bloc de constitutionnalité, ce sont la nation et la collectivité nationale qui ont le devoir d'assurer le financement des retraites. C'est la conclusion que nous en tirons.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Loridant.
M. Paul Loridant. Je conclus, monsieur le président.
Dans le cadre de ce projet de loi, force est de constater que l'on a choisi un financement « au petit pied », loin de l'ambition de ceux qui ont d'ailleurs fondé notre régime de retraite.
Toutes choses étant égales par ailleurs, les déclarations de principe comme celle dont nous débattons ont la même portée que les principes de « service universel » ou de « service public » tels qu'ils sont compris par les théoriciens libéraux.
Plus qu'un moteur de la vie sociale, la répartition, si le présent projet de loi venait à s'appliquer, s'apparenterait de plus en plus à une forme de minimum vital, de socle réduit destiné au plus grand nombre, ceux dont la faiblesse des revenus ne permet pas de participer aux différentes formules de capitalisation.
En conclusion, dans vingt ans, mes chers collègues, si vous adoptez ce projet de loi, les petits vieux feront des petits boulots !
M. Gérard Braun. Ce seront nous les petits vieux !
M. Paul Loridant. C'est pourquoi, en vous demandant de voter ces amendements de suppression, nous vous invitons en fait à remettre l'ouvrage sur le métier.
Mme Nelly Olin. C'est toujours reculer !
M. Paul Loridant. Et pour que chacun prenne ses responsabilités, monsieur le président, le groupe communiste républicain et citoyen demande un scrutin public sur ces amendements. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 95, 96 et 97.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 180
:
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 234 |
Majorité absolue des suffrages | 118 |
Pour | 29 |
Contre | 205 |
(Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Chérioux. Un grand succès !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 849 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 850 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 851 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 852 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 853 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1083 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Gérard Delfau. Quel dommage !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 854 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1106.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Conformément à l'article 44, alinéa 6, de notre règlement, le groupe CRC demande l'examen par priorité de ses amendements rectifiés situés dans l'ordre proposé par le dérouleur, après l'amendement n° 1093 rectifié de Mme Olin. Cette demande est conforme à l'esprit et à la lettre de la Constitution, qui établit le droit d'amendement.
La logique de ces amendements rectifiés était de constituer des préalables au texte même de l'article 1er. La majorité sénatoriale propose de les considérer comme de simples conséquences ou modifications du texte de l'article 1er. Cette manière de faire a une conséquence objective : limiter, corseter toujours et encore le débat en empêchant de procéder au vote sur l'ensemble des propositions alternatives. Nous ne sommes pas dupes, nous voulons un débat sérieux et serein que vous semblez refuser.
C'est pourquoi, pour rendre sa cohérence au débat, nous vous proposons de voter cette demande de priorité.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de priorité ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je ne suis pas opposé à cette demande de priorité. Toutefois, le Sénat vient de voter sur le sous-amendement n° 1106 à l'amendement n° 1093 rectifié, et il me semble que nous devons dans ce cas achever le vote sur ce dernier.
M. le président. Monsieur le président de la commission, la priorité est demandée sur les amendements ultérieurs présentés par le groupe CRC.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. L'article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat évoqué par Mme Demessine dispose que la commission peut demander la priorité, et que celle-ci est de droit, sauf opposition du Gouvernement. Cette disposition s'inscrit donc dans le déroulement de la séance, la commission et le Gouvernement étant représentés par ceux qui siègent à leur banc - ce n'est pas le Gouvernement réuni en conseil des ministres qui donne l'autorisation. On comprend bien que le pouvoir de demander la priorité n'est pas accordé à d'autres qu'à la commission.
J'ai le sentiment que nous ne serions pas en conformité avec l'esprit de notre règlement si la priorité était accordée, et je le regrette, car, après tout, celle-ci ne pose pas de difficulté.
M. Roland Muzeau. On ne déforme pas le règlement !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. François Fillon, ministre. Défavorable.
M. le président. Je consulte le Sénat sur la demande de priorité formulée par le groupe CRC.
La priorité n'est pas ordonnée.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 1093 rectifié.
M. Roland Muzeau. M. le président About vient de faire une interprétation qui devra être étudiée attentivement par notre administration, car il tord allègrement, me semble-t-il, le texte que Mme Demessine vient de citer. Mais on n'est pas à une entorse près à cette heure avancée !
J'espère que la nuit, pour ce qu'il en restera, portera conseil afin que les débats se déroulent demain dans un état d'esprit beaucoup plus conforme à la démocratie qui devrait exister dans cet hémicycle.
J'en viens à l'amendement de Mme Olin.
Avec l'article 1er du projet de loi, nous sommes confrontés à une controverse de nature philosophique. En effet, cet article inaugure, avant même que nous n'entrions dans le corps de la réforme des retraites avec l'examen des dispositions de l'article 5, une série de mesures par ailleurs non codifiées, procédant de la déclaration de principe ou d'intention.
Il s'agirait en quelque sorte d'énoncer les termes d'un consensus, ou plutôt - étant donné que le mot n'est vraiment pas connoté favorablement - d'un pacte social passé entre les générations. On notera d'ailleurs que le présent article 1er fait expressément référence à la solidarité intergénérationnelle, ce qui ne peut manquer d'entraîner quelques questions quant au contenu même du projet de loi.
Où est, en effet, le pacte liant entre elles les générations quand on organise, au fil des articles, une discrimination entre l'évolution des retraites et pensions, d'un côté, et l'évolution des salaires de l'autre, conduisant les premières à se détacher toujours plus des seconds ?
M. Hilaire Flandre. C'est incroyable !
M. Roland Muzeau. C'est peut-être incroyable, mais écoutez-moi, et vous apprendrez peut-être quelque chose ! Quand je vous écoute, moi, j'apprends beaucoup donc, faites pareil !
M. Jean Chérioux. Nous ne faisons que ça ! Bis repetita placent !
M. Roland Muzeau. Vous avez été tellement silencieux au cours de ce débat que j'ai peu appris ce soir ! Mais demain sera un autre jour !
Donc, je recommence : pour des motifs sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir, mais qui mettent en question précisément le pacte intergénérationnel, où est la solidarité entre les générations quand le titre V du projet de loi crée les conditions du développement d'une épargne retraite individualisée, renvoyant en fait chaque salarié ou chaque actif de ce pays face à lui-même et aux règles subtiles des marchés financiers ?
Où est la solidarité entre les générations quand celle qui prendra sa retraite dans les trois ou quatre prochaines années bénéficiera de meilleures conditions, ou plutôt de conditions moins mauvaises, que celle qui prendra sa retraite dans quinze ans et, a fortiori, que celle qui cessera son activité dans trente ou quarante ans ?
Tout se passe comme si la déclaration de principe inscrite dans le marbre de cet article 1er procédait du voeu pieux ou du premier des quatre commandements de la table des lois dont, dès le détour de l'article 5, on commencerait par se débarrasser, laissant les principes généraux et généreux s'effacer devant la rigueur du temps... et des marchés.
Le texte de l'article 1er, pris isolément, pourrait être voté des deux mains par tout un chacun. Le problème est qu'il s'intègre dans un ensemble d'articles bien plus complexe et bien moins ragoûtant, pour tout dire, que nous ne pouvons évidemment que le mettre en question.
Le projet de loi organise, entre autres mesures, l'allongement de la durée de travail, venant contredire le mouvement que nous avons pu observer depuis plusieurs décennies. Il organise également, au bénéfice de dispositifs sophistiqués, l'appauvrissement de la grande majorité des retraités actuels et futurs de ce pays. Il organise la mise en oeuvre d'une égalité de traitement entre salariés fondée sur l'acceptation du moindre mal, mais un moindre mal qui contraindra ces salariés à prolonger plus que de raison leur activité professionnelle pour s'éviter de solliciter l'aide sociale afin de faire face aux événements de la vie. Pour résumer : travailler plus et gagner moins, comme l'a brillamment expliqué récemment mon collègue Loridant.
A la lumière d'un examen sérieux, cet article 1er n'est donc pas une avancée pour la société française dans son ensemble. En conséquence, le groupe CRC votera contre cet amendement que je pourrais qualifier de « manoeuvrier », qui vise - habilement, je le reconnais, même si l'on tord le règlement, et vous le reconnaîtrez demain - à nous empêcher de nous exprimer plus complètement sur l'ensemble de l'article 1er. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Jean Chérioux. Ça évitera quelques répétitions !
M. Roland Muzeau. C'est pour que vous compreniez mieux : c'est pédagogique, cher collègue. (Rires.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote.
M. Gérard Delfau. Personnellement, je n'ai aucune objection de fond sur la formulation qui nous est proposée. Elle réaffirme solennellement, nous en avons parlé tout à l'heure, le choix de la répartition pour la retraite, en indiquant que ce choix est au coeur du pacte social qui unit les générations.
Nous considérons que les conditions de ce choix ne sont pas réunies par le présent projet de loi, et c'est pour nous la première difficulté.
Ensuite, deuxième difficulté, nous souhaitions et souhaitons toujours qu'un certain nombre de précisions et de compléments soient apportés, et cela nous a été refusé par M. le ministre voilà quelques instants.
Enfin, nous comprenons bien que le vote de cet amendement ferait tomber tous les amendements ultérieurs qui permettaient d'enrichir l'article 1er.
C'est la raison pour laquelle, pour ce qui me concerne, bien que d'accord sur le fond, je serai contraint de voter contre cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le ministre, les soupçons de capitalisation larvée qui entourent votre projet de loi vous ont fait réagir, parfois vivement, parfois avec des mots excessifs. Vous avez paru presque offensé. Nous avions l'impression d'être dans le malentendu.
Heureusement, deux lueurs se faisaient jour : premièrement, le texte n'était pas intouchable, et j'en veux pour preuve l'amendement de Mme Nelly Olin qui a reçu un avis favorable.
M. Gérard Braun. Excellent amendement !
Mme Marie-Christine Blandin. La deuxième lueur, c'était l'amendement n° 98 du groupe CRC qui nous offrait une sécurisation absolue puisqu'il visait à ajouter, après le mot « répartition », les mots : « rejetant ainsi tout choix de la capitalisation comme constitutif des pensions et retraites ». Nous touchions au but d'une clarification de ce que vous disiez, mais de ce que vous n'écriviez pas. Or nous apprenons que le vote de l'amendement n° 1093 rectifié de Mme Olin va faire tomber tous les autres, y compris le magnifique amendement n° 98 !
M. Jean Chérioux. Magnifique !
Mme Marie-Christine Blandin. La ficelle est trop grosse, la bouée est vraiment généreuse pour vous éviter de vous prononcer dans la loi contre la capitalisation. Nous voterons donc contre l'amendement de Mme Olin.
Mme Nelly Olin. Cela m'attriste !
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine, pour explication de vote.
M. Jean-Paul Emorine. Je me contenterai de dire que je soutiens l'amendement de notre collègue Nelly Olin, puisqu'il résume tout à fait l'esprit du projet de loi en indiquant que « la nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au coeur du pacte social qui unit les générations ». (Très bien ! sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Roland Muzeau. Vous parlez, mais brièvement ! Ça, au moins, c'est clair !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1093 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé, et les amendements n°s 64 rectifié à 70 rectifié, 72 rectifié à 79 rectifié, 81 rectifié à 86 rectifié, 87 rectifié bis à 90 rectifié bis, 92 rectifié bis à 94 rectifié bis, 1067 rectifié à 1069 rectifié, 98, 99 et 1087 rectifié n'ont plus d'objet.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Louis Masson une proposition de loi simplifiant le régime applicable aux comptes de campagnes électorales.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 386, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande de porc (version codifiée).
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 2330 et distribué.
ORDRE DU JOUR
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 9 juillet 2003, à quinze heures et le soir.
Suite de la discussion du projet de loi (n° 378, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant réforme des retraites.
Rapport (n° 382, 2002-2003) fait par M. Dominique Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales.
Avis (n° 383, 2002-2003) de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 9 juillet 2003, à une heure trente-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mardi 8 juillet 2003
SCRUTIN (n° 177)
sur la motion, présentée par M. Claude Domeizel et plusieurs de ses collègues, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité au projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant réforme des retraites.
Nombre de votants : 313
Nombre de suffrages
exprimés : 306
Pour : 106
Contre : 200
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Pour : 23.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (27) :
Contre : 27.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17) :
Contre : 10
Abstentions : 7. - MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin et Dominique Larifla.
GROUPE SOCIALISTE (83) :
Pour : 83.
GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (166) :
Contre : 163.
N'ont pas pris part au vote : 3. - M. Christian Poncelet, président du Sénat, M. Jean-Claude Gaudin, qui présidait la séance, et M. Emmanuel Hamel.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :
N'ont pas pris part au vote : 5.
Ont voté pour
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
Yves Krattinger
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber.
Ont voté contre
Nicolas About
Jean-Paul Alduy
Nicolas Alfonsi
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Ernest Cartigny
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean-Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
Abstentions
Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin et Dominique Larifla.
N'ont pas pris part au vote
Christian Poncelet, président du Sénat, Jean-Claude Gaudin, qui présidait la séance, Philippe Adnot, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Emmanuel Hamel, Bernard Seillier et Alex Türk.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 314
Nombre de suffrages
exprimés : 307
Majorité absolue des suffrages exprimés : 154
Pour :
107
Contre : 200
Mais, après vérification, ces nombres ont été
rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 178)
sur la motion, présentée par Mme Nicole Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à l'opposer la question préalable au projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant réforme des retraites.
Nombre de votants : 318
Nombre de suffrages
exprimés : 311
Pour : 106
Contre : 205
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Pour : 23.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (27) :
Contre : 27.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17) :
Contre : 10.
Abstentions : 7. - MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin et Dominique Larifla.
GROUPE SOCIALISTE (83) :
Pour : 83.
GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (166) :
Contre : 163.
N'ont pas pris part au vote : 3. - M. Christian Poncelet, président du Sénat, M. Jean-Claude Gaudin, qui présidait la séance, et M. Emmanuel Hamel.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :
Contre : 5.
Ont voté pour
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
Yves Krattinger
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Ont voté contre
Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Nicolas Alfonsi
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Ernest Cartigny
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Sylvie Desmarescaux
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean-Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
Abstentions
Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin et Dominique Larifla.
N'ont pas pris part au vote
Christian Poncelet, président du Sénat, Jean-Claude Gaudin, qui présidait la séance, et Emmanuel Hamel.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.
SCRUTIN (n° 179)
sur la motion, présentée par M. Gilbert Chabroux et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, tendant au renvoi en commission du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant réforme des retraites.
Nombre de votants : 318
Nombre de suffrages
exprimés : 315
Pour : 111
Contre : 204
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Pour : 23.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (27) :
Contre : 27.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17) :
Pour : 5. - MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau et François Fortassin.
Contre : 9.
Abstentions : 3. - MM. Nicolas Alfonsi, Rodolphe Désiré et Dominique Larifla.
GROUPE SOCIALISTE (83) :
Pour : 83.
GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (166) :
Contre : 163.
N'ont pas pris part au vote : 3. - M. Christian Poncelet, président du Sénat, M. Jean-Claude Gaudin, qui présidait la séance, et M. Emmanuel Hamel.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :
Contre : 5.
Ont voté pour
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
Yves Krattinger
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber.
Ont voté contre
Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Ernest Cartigny
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Sylvie Desmarescaux
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean-Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto.
Abstentions
Nicolas Alfonsi, Rodolphe Désiré et Dominique Larifla.
N'ont pas pris part au vote
Christian Poncelet, président du Sénat, Jean-Claude Gaudin, qui présidait la séance, et Emmanuel Hamel.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.
SCRUTIN (n° 180)
sur les amendements n°s 95, 96 et 97, présentés par Mme Nicole Borvo, M. Guy Fischer, Mme Michelle Demessine et plusieurs de leurs collègues, tendant à supprimer l'article 1er du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant réforme des retraites (système de répartition du régime obligatoire d'assurance vieillesse).
Nombre de votants : 319
Nombre de suffrages
exprimés : 234
Pour : 29
Contre : 204
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Pour : 23.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (27) :
Contre : 27.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17) :
Pour : 6. - MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, François Fortassin et Dominique Larifla.
Contre : 9.
Abstentions : 2. - MM. Nicolas Alfonsi et Rodolphe Désiré.
GROUPE SOCIALISTE (83) :
Abstentions : 83.
GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (166) :
Contre : 163.
N'ont pas pris part au vote : 2. - M. Christian Poncelet, président du Sénat, M. Serge Vinçon, qui présidait la séance et M. Emmanuel Hamel.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :
Contre : 5.
Ont voté pour
François Autain
Jean-Yves Autexier
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Nicole Borvo
André Boyer
Robert Bret
Yvon Collin
Yves Coquelle
Annie David
Gérard Delfau
Michelle Demessine
Evelyne Didier
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Paul Loridant
Hélène Luc
Josiane Mathon
Roland Muzeau
Jack Ralite
Ivan Renar
Odette Terrade
Paul Vergès
Ont voté contre
Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Ernest Cartigny
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Sylvie Desmarescaux
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean-Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
Abstentions
Nicolas Alfonsi
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
Robert Badinter
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Marie-Christine Blandin
Didier Boulaud
Yolande Boyer
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Gérard Collomb
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Marcel Debarge
Jean-Pierre Demerliat
Rodolphe Désiré
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
Yves Krattinger
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
N'ont pas pris part au vote
Christian Poncelet, président du Sénat, M. Serge Vinçon, qui présidait la séance et Emmanuel Hamel.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 318
Nombre de suffrages
exprimés : 233
Majorité absolue des suffrages exprimés : 117
Pour :
29
Contre : 204
Mais, après vérification, ces nombres ont été
rectifiés conformément à la liste ci-dessus.