Art. 3
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales
Art. additionnel après l'art. 4

Article 4

Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à modifier par ordonnance les dispositions relatives, d'une part, aux conditions dans lesquelles une commune ou un groupement de communes peut instituer, par délibération de son organe délibérant, un organisme chargé de la promotion du tourisme, et, d'autre part, aux statuts et aux ressources de ces organismes. Cette ordonnance sera prise dans un délai d'un an suivant la publication de la présente loi. Un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de l'ordonnance.

M. le président. Je suis saisi de six amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune. Mais, pour la clarté des débats, je les appellerai successivement.

Les trois premiers amendements sont identiques.

L'amendement n° 646 est présenté par Mmes Didier, Beaufils et Terrade, M. Coquelle et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 925 est présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Frimat, Lagauche, Dauge, Marc, Reiner, Godefroy, Mauroy, Mano, Domeizel, Chabroux, Cazeau, Bel, Courteau, Krattinger et Todeschini, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté.

L'amendement n° 1273 est présenté par M. Delfau.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

La parole est à Mme Evelyne Didier, pour présenter l'amendement n° 646.

Mme Evelyne Didier. Cet amendement vise à supprimer l'article 4 du projet de loi, qui tend à habiliter le Gouvernement à unifier et à réformer, par voie d'ordonnances, le régime juridique des organismes chargés de la promotion du tourisme, c'est-à-dire des offices « du » et « de » tourisme.

Tout d'abord, je souhaite réaffirmer que, depuis 1958, le groupe communiste a toujours dénoncé l'utilisation de l'article 38 de la Constitution, qui est un moyen, pour le Gouvernement, de se substituer au législateur et d'obtenir, en réalité, un véritable « chèque en blanc ».

Nous déplorons la banalisation du recours aux ordonnances que l'on constate depuis quelques années : citons, à cet égard et à titre d'exemple, la loi du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, dont l'ampleur est sans précédent s'agissant d'un texte d'habilitation.

En l'espèce, nous n'admettons pas que le Parlement en soit réduit à jouer un rôle de figurant à propos d'une réforme qui concerne les communes.

Selon nous, l'exigence posée par le Conseil constitutionnel, qui oblige « le Gouvernement à indiquer avec précision », au Parlement lors du dépôt d'un projet de loi d'habilitation et pour la justification de la demande présentée par lui, quelle est « la finalité des mesures qu'il se propose de prendre », n'est pas respectée ici.

Nous estimons que la finalité alléguée pour justifier la demande d'habilitation, à savoir « modifier les règles fixées aux communes et à leurs groupements de constitution et d'administration des organismes de promotion touristique », est beaucoup trop vague.

Par ailleurs, comme l'a précisé M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, « l'article 33 de la loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit a autorisé le Gouvernement à procéder par ordonnance à l'adoption, à droit constant, de la partie législative du code du tourisme ». Par conséquent, pour quelles raisons, monsieur le ministre, demandez-vous une nouvelle habilitation dans ce domaine ? Au-delà de cette nouvelle demande d'habilitation, dont la finalité est particulièrement vague, nous nous interrogeons sur votre réelle intention.

Quel régime juridique le Gouvernement souhaite-t-il favoriser en ce qui concerne les offices de tourisme : celui des sociétés d'économie mixte, celui des établissements publics industriels et commerciaux ? Rappelons que, actuellement, l'association est la forme retenue pour 94 % des offices de tourisme, car elle présente des avantages s'agissant tant de la représentation des acteurs locaux que de la souplesse de fonctionnement. Cette forme juridique, qui paraît pourtant la mieux adaptée, va-t-elle disparaître ?

Enfin, en ce qui concerne les ressources des organismes locaux de tourisme, je tiens à rappeler que le budget des offices de tourisme est déjà très insuffisant pour qu'ils puissent assurer les missions qui leur sont déléguées. Par exemple, la pérennisation de nombreux emplois aidés, tels que les contrats emploi-solidarité, les contrats emplois consolidés ou les emplois-jeunes, qui ont été largement utilisés dans ce secteur, a-t-elle été prévue ?

On comprendra que, pour toutes ces raisons, nous demandions la suppression de l'article 4.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 925.

M. Jean-Pierre Sueur. Une loi d'habilitation d'une portée considérable a été adoptée cette année. Nous y étions tout à fait hostiles et l'on voit d'ailleurs aujourd'hui, s'agissant des marchés publics et du partenariat entre le secteur public et le secteur privé, à quel point nous avions raison d'être vigilants et de considérer que ces matières cruciales devaient relever du législateur.

Dans un domaine tout aussi important, celui des compétences des communes et de leurs groupements, s'agissant en particulier de la création d'organismes chargés de la promotion touristique, on nous propose de nouveau de recourir aux ordonnances. Nous ne comprenons pas pourquoi, d'autant que l'on ne peut vraiment pas, en l'occurrence, invoquer l'argument de l'urgence. En conséquence, nous préconisons la suppression de cet article.

M. le président. L'amendement n° 1273 n'est pas soutenu.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 36 est présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des lois.

L'amendement n° 249 est présenté par M. Gruillot, au nom de la commission des affaires économiques.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Rédiger comme suit cet article :

« I. - L'intitulé du titre III du livre deuxième de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé : "Stations classées et offices de tourisme".

« II. - L'intitulé de la section II du chapitre unique du titre III du livre deuxième de la deuxième partie du même code est ainsi rédigé : "Dispositions communes aux stations classées et aux offices de tourisme".

« III. - L'intitulé de la sous-section 2 de la section II du chapitre unique du titre III du livre deuxième de la deuxième partie du même code est ainsi rédigé : "Offices de tourisme".

« IV. - L'article L. 2231-9 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 2231-9. - Une commune ou un groupement de collectivités territoriales peut, par délibération du conseil municipal ou de l'organe délibérant, instituer un organisme chargé de la promotion du tourisme, dénommé office de tourisme, dont le statut juridique et les modalités d'organisation sont déterminés par le conseil municipal ou l'organe délibérant.

« Lorsque cet organisme prend la forme d'un établissement public industriel et commercial, les dispositions des articles L. 2231-11 à L. 2231-15 lui sont applicables. »

« V. - L'article L. 2231-10 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 2231-10. - L'office de tourisme assure les missions d'accueil et d'information des touristes ainsi que de promotion touristique de la commune ou du groupement de collectivités territoriales, en cohérence avec le comité départemental et le comité régional du tourisme.

« Il coordonne les interventions des divers partenaires du développement touristique local.

« Il peut être chargé, par le conseil municipal ou l'organe délibérant du groupement de collectivités territoriales, de tout ou partie de l'élaboration et de la mise en oeuvre de la politique du tourisme au plan local et des programmes locaux de développement touristique, notamment dans les domaines de l'élaboration des produits touristiques, de l'exploitation d'installations touristiques et de loisirs, des études, de l'animation des loisirs, de l'organisation de fêtes et de manifestations artistiques.

« Il peut être autorisé à commercialiser des prestations de services touristiques.

« Il peut être consulté sur des projets d'équipements collectifs touristiques. Cette consultation est obligatoire lorsque l'office de tourisme est constitué sous la forme d'un établissement public industriel et commercial.

« L'office de tourisme constitué sous la forme d'un établissement public industriel et commercial peut, en ce qui concerne l'accueil et l'information, déléguer tout ou partie de cette mission aux organisations existantes qui y concourent. »

« VI. - A l'article L. 2231-11 et au premier alinéa de l'article L. 2231-13 du même code, les mots : "office du tourisme" sont remplacés par les mots : "office de tourisme".

« VII. - L'article L. 2231-14 du même code est ainsi modifié :

« 1° A la fin du 4° , les mots : "ou la fraction de commune" sont remplacés par les mots : ", les communes ou fractions de commune intéressées ou sur le territoire du groupement de collectivités territoriales" ;

« 2° A la fin du 6°, les mots : "station classée" sont remplacés par les mots : "commune, les communes ou fractions de commune intéressées ou sur le territoire du groupement de collectivités territoriales" ;

« 3° Au dernier alinéa, le mot : "peut" est remplacé par les mots : "ou les conseils municipaux intéressés peuvent" et les mots : "office du tourisme" sont remplacés par les mots : "office de tourisme".

« VII. - L'article L. 2231-15 du même code est complété par les mots : ", des conseils municipaux intéressés ou de l'organe délibérant du groupement de collectivités territoriales". »

La parole est à M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis.

M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis. Pour l'essentiel, ces amendements identiques visent, sans recourir à la procédure des ordonnances, à lever l'interdiction pesant, en raison de la rédaction actuelle de l'article L. 2231-9 du code général des collectivités territoriales, sur les communes autres que des stations classées et des communes littorales, et sur le groupements non exclusivement constitués de stations classées et de communes littorales, de créer un office de tourisme sous forme d'établissement public industriel et commercial.

Ils visent également à procéder à une nouvelle rédaction de l'article L. 2231-10 du code général des collectivités territoriales afin de la rendre cohérente avec le texte de l'article 10 de la loi du 23 décembre 1992 portant répartition des compétences dans le domaine du tourisme, tout en conservant les dispositions spécifiques propres aux offices de tourisme constitués sous forme d'EPIC.

En outre, sur le plan rédactionnel, l'amendement harmonise, dans le code général des collectivités territoriales, la désignation de ces organismes en retenant l'appellation d'office « de » tourisme et tire les conséquences de la possibilité pour celui-ci de concerner plusieurs communes.

M. le président. L'amendement n° 869, présenté par M. Le Grand, est ainsi libellé :

« Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, après les mots : "groupement de communes", insérer les mots : ", un département ou une région". »

Cet amendement n'est pas soutenu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Pour épargner en quelque sorte le tourment des âmes et gagner du temps, je demande que les amendements n°s 36 et 249 soient votés en priorité.

J'indique pour mémoire que, s'agissant de l'amendement n° 646 c'est, bien sûr, la jurisprudence relative à la suppression qui s'applique : avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement est très favorable à cette demande de priorité. Elle permet en effet de répondre à l'objection soulevée sur le fait de légiférer par voie d'ordonnance.

M. le président. La priorité est ordonnée.

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote sur les amendements n°s 36 et 249.

M. Jean-Claude Peyronnet. Sur ce texte de clarification proposé par les deux commissions, je souhaiterais avoir des explications qui lèveraient peut-être un certain nombre d'inquiétudes à propos des pays touristiques, qui ont actuellement une certaine importance.

La loi de 1975 a instauré ces pays touristiques. Les offices de tourisme qui en résultent n'ont pas forcément le poids des offices que vous voulez créer.

Il n'en demeure pas moins que les 140 pays touristiques fédérés représentent un peu plus de 6 600 communes et près de 6 millions d'habitants. Ils emploient plus de 300 salariés, souvent très qualifiés, qui ont fait la preuve de leur très grande efficacité. Je crains que vous ne les mettiez en péril.

En fait, nous sommes en pleine confusion. Vous n'avez pas corrigé en profondeur la loi de 1975, mais vous ajoutez une structure nouvelle : les offices de tourisme érigés en établissement public à caractère industriel et commercial. Dans ces conditions, que deviennent les pays touristiques ?

Même si on a souvent la tentation de les confondre avec les pays de la loi « Pasqua-Voynet », ils ne sont pas forcément identiques. Ils ont pourtant une réelle pertinence.

La moindre des choses aurait donc été que vous évoquiez cet aspect.

Pensez aussi aux nombreux bénévoles qui croient en leur petit pays touristique et qui font tout pour le promouvoir. Il y a autant d'offices du tourisme qui travaillent depuis fort longtemps en concertation très étroite avec les comités départementaux et régionaux du tourisme.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Vos inquiétudes, monsieur Peyronnet, peuvent être tout à fait levées.

Tout d'abord, c'est une assurance absolue. La question est réintégrée dans la discussion parlementaire et soustraite aux ordonnances - M. le ministre me pardonnera cette suspicion - les pays dont vous vous faites l'ardent défenseur ne sont donc pas menacés !

Les pays ne sont pas concernés par nos amendements. Pour eux, rien ne change. Mais le grand intérêt de la mesure que nous proposons, c'est de redonner la liberté totale aux offices de tourisme de se constituer sous la forme juridique de leur choix, l'association, comme c'est en effet le plus souvent le cas, la régie directe ou l'EPIC. On ne peut être davantage dans l'esprit de la décentralisation.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Nous pouvons nous féliciter de l'abandon du recours aux ordonnances, nous ne pouvons pas pour autant accepter vos propositions, messieurs les rapporteurs.

Vous nous invitez, en effet, sous couvert de réformes, à revenir sur deux faits qui nous semblent essentiels dans le paysage institutionnel en matière de tourisme. Je le maintiens malgré ce que vous venez de dire, monsieur Schosteck.

La première porte sur le classement même des stations touristiques, avec tout ce que cela implique en termes de dotations d'Etat ou encore, et peut-être surtout, de création et de perception de la taxe de séjour.

La seconde est due à la forte incitation à faire du réseau des offices de tourisme et des syndicats d'initiative un réseau à visées purement commerciales en privilégiant le statut d'établissement public et commercial, retenu pour environ 6 % des OTSI actuels, au détriment du statut associatif. Cela revient à nier la spécifité du secteur touristique dans notre pays, dont les acteurs sont à la fois issus du secteur commercial, du secteur associatif et du secteur non marchand.

Les prestations touristiques, dans notre pays, ne sont pas que des services marchands au sens strict et n'ont pas nécessairement vocation à faire l'objet d'appels d'offre et de concurrence exarcerbée entre les opérateurs, notamment dans le contexte de marchandisation que l'on connaît bien aujourd'hui et qu'il nous semble nécessaire de combattre.

C'est bien parce que nous ne croyons pas à l'efficacité des dispositions qui nous sont proposées que nous maintiendrons notre vote contre ces amendements et cet article.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 36 et 249.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé et amendements n°s 646 et 925 n'ont plus d'objet.

Art. 4
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales
Art. additionnel avant l'art. 5

Article additionnel après l'article 4

M. le président. L'amendement n° 1125, présenté par M. Vinçon et les membres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« A compter du 1er janvier 2005, l'ensemble des dispositions applicables aux communes classées stations balnéaires, thermales ou climatiques sont étendues aux villes ou stations classées touristiques du département de la Guyane. »

La parole est à M. Eric Doligé.

M. Eric Doligé. Cet amendement extrêmement important précise qu'à compter du 1er janver 2005 l'ensemble des dispositions applicables aux communes classées stations balnéraires, thermales ou climatiques seront étendues aux villes ou stations classées touristiques du département de la Guyane.

M. Vinçon et ses collègues ont largement explicité l'objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission y est favorable à une réserve près : il conviendrait en effet de rectifier cet amendement, parce que les références juridiques ne sont pas celles qui conviennent. Il faudrait écrire « ou stations classées de tourisme définies par l'article L. 2231-17 du code général des collectivités territoriales. »

M. le président. Monsieur Doligé, acceptez-vous d'accéder à la demande de modification de la commission ?

M. Eric Doligé. J'avais remarqué cette petite erreur, mais je n'osais pas rectifier de moi-même cet amendement. Je remercie donc M. le rapporteur de m'autoriser à le faire ! (Sourires.)

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 1125 rectifié, présenté par M. Vinçon et les membres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« A compter du 1er janvier 2005, l'ensemble des dispositions applicables aux communes classées stations balnéaires, thermales ou climatiques sont étendues aux villes ou stations classées de tourisme définies par l'article L. 2231-17 du code général des collectivités territoriales du département de la Guyane. »

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, contre l'amendement.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous connaissons le grand attachement de notre collègue M. Vinçon, à la région Centre, au département du Cher et à ses contrées. Nous savons aussi combien Doligé est attaché à sa région et au département du Loiret. Toutefois, nous n'ignorons pas qu'ils sont, l'un et l'autre, des représentants de la nation, tout comme M. Schosteck qui a craint un moment qu'on ne lui reproche d'être un élu des Hauts-de-Seine. Il est donc tout à fait légitime que nos collègues MM. Vinçon et Doligé se soient intéréssés au sort de la Guyane... (Sourires.) qui affronte nombre de difficultés !

Nous sommes ici pour fixer des règles, pour faire la loi. Nous discutons, à la demande du Gouvernement, d'un grand dessein - si j'ai bien compris - qui permettrait de définir précisément le rôle de l'Etat, des régions, des départements, des communes, des intercommunalités.

Nous avons des débats passionnés sur tous ces grands sujets où chacun s'exprime dans les conditions que l'on connaît. Et voici qu'arrive un amendement portant article additionnel après l'article 4 qui nous invite, mes chers collègues, à modifier les dispositions législatives relatives à l'implantation des casinos. Il ne vous a en effet pas échappé que l'article 57 de la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 d'amélioration de la décentralisation limite les possibilités d'implantation des casinos à des collectivités territoriales qui répondent à un certain nombre de caractéristiques.

Il s'agit donc de modifier en urgence des règles à caractère général afin de prendre en compte le cas de la Guyane. Il y aurait beaucoup à dire sur la Guyane et beaucoup à faire pour cette région dans le texte dont nous discutons. Mais nous ne pensons pas que la priorité des priorités soit d'instaurer une exception pour l'implantation d'un casino, en dérogeant, par le vote d'un article additionnel, aux règles usuelles.

Nous voyons bien que cette affaire ne manque pas d'intérêt et qu'elle est à plus d'un titre significative ; je ne dirai pas déterminante, parce que cet adjectif est maintenant consacré par la Constitution !

Mais il nous paraît important que l'ensemble de nos concitoyens soit éclairé sur le vote des différents groupes du Sénat sur cette question. C'est pourquoi nous avons l'honneur de vous demander un scrutin public sur cet amendement, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Favorable.

M. Jean-Pierre Sueur. Le Gouvernement est très laconique, monsieur le ministre !

M. René Garrec, président de la commission des lois. Non, il est favorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1125 rectifié.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)


M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 37 :

Nombre de votants320
Nombre de suffrages exprimés319
Majorité absolue des suffrages160
Pour206
Contre113

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.

L'amendement n° 1256 rectifié bis, présenté par MM. Oudin, Désiré, Doublet, Gélard, Natali, Gérard, Le Grand, de Richemont et Trillard, est ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Après l'article 42 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art... - I. - Il est créé un Conseil national pour le développement, l'aménagement et la protection du littoral et des zones côtières, dénommé Conseil national du littoral.

« II. - Le Conseil national du littoral est présidé par le Premier ministre. Sa composition et son fonctionnement sont fixés par décret en Conseil d'Etat. Il comprend à nombre égal :

« - des représentants du Parlement, des associations d'élus du littoral, des communes, des départements, des régions des façades maritimes de métropole et d'outre-mer ;

« - des représentants des structures intercommunales et des assemblées permanentes des établissements publics consulaires, des représentants du Conservatoire des rivages et du littoral ainsi que des associations et des organismes professionnels représentant le milieu maritime côtier et portuaire et oeuvrant pour la défense de l'environnement littoral.

« Le Conseil national du littoral est organisé en une commission permanente assistée de comités spécialisés. Il bénéficie d'un secrétariat permanent pouvant disposer, dans l'exercice des missions qui lui sont reconnues par la loi, de l'ensemble des moyens du secrétariat général de la mer et de la DATAR.

« III. - Le Conseil national du littoral est chargé d'évaluer l'application de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 sur le littoral et des textes pris pour son application. Il adresse chaque année au Parlement un rapport sur l'état du littoral, des activités économiques dans les territoires littoraux et d'une manière générale sur l'efficacité des différentes politiques publiques concourant à la mise en valeur, la protection et le développement durable du littoral.

« Il définit les objectifs et précise les actions complémentaires qu'il juge souhaitables pour le développement, l'aménagement et la protection du littoral. Il a notamment pour objet de faciliter par ses avis et propositions la coordination des actions publiques dans les territoires littoraux.

« Il est consulté sur les priorités d'intervention et les conditions d'attribution des aides de l'Etat, sur les projets de contrats de plan Etat-Région, les projets découlant de programmes européens, ainsi que sur tout projet législatif ou réglementaire intéressant le littoral. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt et une heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif aux responsabilités locales.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus au chapitre II.

Chapitre II

La formation professionnelle

Art. additionnel après l'art. 4
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales
Art. 5

Article additionnel avant l'article 5

M. le président. L'amendement n° 992, présenté par MM. Chabroux, Peyronnet, Sueur, Frimat, Cazeau, Godefroy, Domeizel, Bel, Courteau, Dauge, Krattinger, Lagauche, Mano, Marc, Mauroy, Reiner, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Avant l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« L'Etat est le garant de la politique nationale d'apprentissage et de formation professionnelle, dont la mise en oeuvre est confiée aux régions et à l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes. Il garantit notamment le caractère national des diplômes et des qualifications, l'égalité d'accès à la formation professionnelle et met en oeuvre la péréquation entre les régions. »

La parole est à M. Gilbert Chabroux.

M. Gilbert Chabroux. Une partie de la formation professionnelle a été transférée voilà déjà longtemps aux régions. Nous disposons donc d'un certain recul pour porter un jugement sur ce qui a été fait à cet égard.

La question qui se pose est la suivante : faut-il aller plus loin et, si oui, pourquoi ?

Certes, le souci de clarification qu'invoque le Gouvernement est compréhensible. La formation professionnelle est l'objet de financements croisés, de partenariats multiples, de conflits d'intérêt. Cela aboutit à la complexité et à l'opacité du dispositif.

Des progrès ont été accomplis, mais ils demeurent insuffisants.

Cela dit, le texte qui nous est présenté suscite partout les mêmes inquiétude, fort bien exprimées par notre rapporteur pour avis, Mme Annick Bocandé. Je reprends les questions qu'elle a elle-même formulées : cette décentralisation ne sera-t-elle pas source de nouvelles inégalités ? Les collectivités bénéficieront-elles de moyens suffisants et adaptés pour exercer efficacement leurs nouvelles compétences ?

Nous avons tous en mémoire le tour de passe-passe du gouvernement Balladur sur les coordonnateurs emploi-formation après la loi quinquennale de 1993.

M. Bernard Frimat. Absolument !

M. Gilbert Chabroux. Mme le rapporteur pour avis fait preuve d'un optimisme tempéré. Elle nous a dit : « L'Etat conservera sans doute sa place pour garantir la solidarité nationale. »

Tout est dans le « sans doute » ! Précisément, nous doutons, et c'est d'autant plus grave que la formation professionnelle est, nous en sommes tous convaincus, un enjeu majeur pour l'avenir.

Qu'observons-nous en réalité ? Que l'Etat se désengage de toute la politique de l'emploi et de la formation professionnelle. Les derniers pans de compétence qu'il conservait, où il apportait une garantie d'étaligé de traitement et de solidarité - même si tout n'était pas parfait -, sont aujourd'hui bradés.

Le service public de l'emploi est remis en question au moment même où nous allons atteindre, hélas ! les 10 % de chômeurs. Sous prétexte de plus grande efficacité, le monopole de placement de l'ANPE est remis en cause, non seulement par son rapprochement avec l'UNEDIC, mais aussi par le recours à la sous-traitance de bureaux de placement privés.

S'agissant de l'indemnisation des chômeurs, la signature de l'UNEDIC a été désavouée à travers la réduction de la durée d'indemnisation des chômeurs dans le cadre du plan d'aide au retour à l'emploi.

Mais, avec cette réforme que nous sommes nombreux à considérer comme stupide et scandaleuse, nous avons vu mieux : la limitation de l'allocation spécifique de solidarité, l'ASS, qui est accordée aux chômeurs en fin de droits. Les problèmes de ces personnes déjà frappées par le chômage et toutes les difficultés conjointes vont s'aggraver, de même que la charge pesant sur les départements, du fait du basculement de ces chômeurs sur le RMI.

En ce qui concerne la formation professionnelle, qui est le dernier volet du service public de l'emploi, sa dépendance à l'égard des moyens disponibles et de la volonté d'engagement des régions va s'accentuer. C'est la fin d'une politique nationale de formation professionnelle impulsée et coordonnée par l'Etat. Il en résultera des inégalités d'accès tant sur le plan géographique que sur le plan pécuniaire.

L'un des exemples les plus inquiétants, même s'il n'est pas surprenant, est le démantèlement - car c'est bien de cela qu'il s'agit - de l'AFPA, l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes. Certes, depuis longtemps, l'actuelle majorité manifeste son hostilité envers cet organisme qu'elle juge trop coûteux. Il faut souligner que l'AFPA est un organisme public, à l'abri des exigences patronales, au sein duquel on conçoit la formation personnalisée d'abord comme un facteur de progression de l'individu. Les stagiaires sont pris en compte dans leur globalité et ils bénéficient souvent de formations longues.

Le Gouvernement méconnaît les efforts de rationalisation accomplis au travers des deux contrats de progrès. Mais, surtout, il veut ignorer que l'AFPA connaît un taux de réussite de 80 % en termes de placement dans un emploi durable, ce qui pourtant, sur les plans humain et économique, mérite d'être souligné.

Cela ne rend que plus regrettables l'éclatement de l'AFPA, que le projet de loi prépare, et son affaiblissement au profit d'organismes privés. Nous savons bien que des organismes se spécialisent dans les formations courtes de rentabilité immédiate pour l'entreprise, mais beaucoup trop réductrices pour assurer une carrière entière aux salariés.

Au total, conçue dans une optique idéologique et strictement libérale, cette décentralisation risque d'être pervertie et de se traduire, pour nos concitoyens, par le désengagement de l'Etat, le démantèlement de l'existant et la privatisation de tout ce qui peut apporter un bénéfice.

Nous sommes donc très inquiets et tout à fait opposés à ce processus. Nous voudrions, s'il en est encore temps, pouvoir corriger cette dérive et nous présentons un amendement visant à bien marquer le rôle de l'Etat.

L'Etat doit être le garant de la politique nationale d'apprentissage et de formation professionnelle. Certes, nous en sommes d'accord, la mise en oeuvre de celle-ci peut et doit être confiée aux régions et à l'AFPA, mais à condition que l'Etat joue bien son rôle, qu'il garantisse notamment le caractère national des diplômes et des qualifications, l'égalité d'accès à la formation professionnelle, et qu'il mette en oeuvre, comme cela a été dit et répété, la péréquation financière entre les régions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. En premier lieu, l'évocation du rôle de l'Etat constitue une déclaration de principe qui ne nous semble pas avoir sa place dans un texte normatif.

La description des missions de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes va, quant à elle, à l'encontre de la réforme proposée par le projet de loi. Il s'agit, en effet, non pas de régionaliser l'AFPA, mais de la transformer à terme en un prestataire de formation comme les autres.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Cet amendement remet en cause le principe de la décentralisation aux régions de la politique d'apprentissage et de formation professionnelle en maintenant le principe d'une politique nationale, alors que l'article 5 du projet de loi confie explicitement à la région la mission de définir et de mettre en oeuvre la politique d'apprentissage et de formation professionnelle.

Le Gouvernement est donc tout à fait défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour explication de vote.

M. Gilbert Chabroux. M. le ministre se dit tout à fait défavorable à cet amendement : ce « tout à fait » mérite d'être souligné quand il s'agit de restreindre ou de nier le rôle de l'Etat dans un domaine aussi sensible que celui de la formation professionnelle !

Je répète qu'il y a près de 10 % de chômeurs en France. Le taux ne cesse de s'élever. Il atteindra 10 % avant la fin de l'année. C'est un problème qui nous concerne tous, et qui concerne d'abord l'Etat ! Y a-t-il une politique de l'emploi dans ce pays ?

MM. René Garrec, président de la commission des lois, et Gérard Longuet. Oui, dans les régions !

M. Gilbert Chabroux. Y a-t-il une politique de la formation professionnelle ?

M. Jean-Jacques Hyest. Oui !

M. Gilbert Chabroux. Que faites-vous face à cette montée du chômage ? Rien ! Vous laissez faire !

M. René Garrec, président de la commission des lois. C'est totalement inexact !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Pas vous, pas cela !

M. Gilbert Chabroux. Et vous dites que nous sommes contre le principe de décentralisation. Ce n'est pas vrai ! Je vous ai expliqué que, selon nous, l'Etat devait jouer son rôle de garant, mais qu'il pouvait confier à la région la mise en oeuvre de la politique de formation professionnelle une fois qu'elle aura été définie, que les grands objectifs nationaux auront été affirmés. C'est tout ce que nous demandons ! Mais j'ai l'impression que c'est un dialogue de sourds et que vous ne voulez rein comprendre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Vous faites vraiment dans la nuance, monsieur Chabroux ! Mais si vous continuez comme cela, vous allez me trouver !

M. Gilbert Chabroux . Justement, nous aimerions vous trouver !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 992.

(L'amendement n'est pas adopté.)