PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Monsieur le ministre, vous nous présentez aujourd'hui le volet décentralisation du projet de budget de l'intérieur. Je souhaiterais à cette occasion insister ici sur les politiques de péréquation promises et annoncées à maintes reprises par le Gouvernement lors du débat sur le projet de loi relatif aux responsabilités locales, car aussi bien les observateurs avisés que les différentes associations d'élus de la République cherchent leur traduction concrète dans le projet de budget pour 2004.
La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 pose comme garantie l'autonomie financière des collectivités locales et consacre le principe de la péréquation. Ainsi, selon le dernier alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales ».
Or, en dépit de ces incantations constitutionnelles, force est de constater que votre contribution aux finances des collectivités locales se caractérise par une certaine incohérence et que les orientations que vous avez retenues, à défaut de proposer une logique de péréquation volontariste, risquent de conduire à une aggravation des inégalités entre les territoires.
Au sein des dotations de l'Etat, la part des crédits ayant une vocation principalement péréquatrice ne représente en moyenne qu'environ 15 % du total et se caractérise par un empilement de mesures souvent peu lisibles.
Dans ce contexte, nul doute que la réforme des finances locales aurait dû être un préalable à tout nouveau transfert de compétences, faute de quoi les défauts du système actuel vont, face à des charges accrues, venir renforcer les inégalités financières entre les collectivités.
Le projet de loi de finances pour 2004 prévoit une réforme de l'architecture des dotations en prévoyant la globalisation au sein de la DGF de plusieurs dotations existantes, mais l'objectif de simplification de la DGF n'est pas atteint, car l'ensemble des dotations conservent leurs règles de répartition propres souvent incompréhensibles et inefficaces.
L'objectif de renforcement de la péréquation n'est pas davantage atteint.
En effet, la réforme de la décentralisation a été présentée comme un moyen essentiel de renforcer la péréquation, mais, concrètement, ce qui se profile derrière cette nouvelle architecture, c'est une péréquation minimale et sans l'Etat !
Les trois composantes de la future DGF, communale, départementale et dorénavant régionale, seront chacune constituées d'une dotation forfaitaire et d'une dotation de péréquation. Pour autant, la péréquation y gagnera-t-elle ? Rien n'est moins sûr.
En effet, ce nouveau montage masque mal une atténuation de l'effort de redistribution entre les collectivités. Par exemple, la compensation pour perte de recettes liée à la suppression de la part salaires dans l'assiette de la taxe professionnelle, qui représente environ 10 milliards d'euros, sera dorénavant versée dans la dotation forfaitaire pour le montant respectif déjà alloué aux communes, aux départements et aux régions. Or, son évolution sera de ce fait ralentie dè lors que les sommes concernées ne seront plus indexées sur l'ensemble de la variation de la ressource DGF mais sur une part de cette évolution fixée par le comité des finances locales en fonction d'une fourchette propre à chaque niveau de collectivités. La péréquation s'en trouve ainsi largement écornée et appliquée à des montants marginaux.
En principe, selon le nouveau schéma, la péréquation devrait bénéficier de ressources accrues grâce à une évolution annuelle de la part forfaitaire moins rapide que l'évolution de la masse totale de la DGF, mais le désengagement à peine masqué de l'Etat sur le volet de la solidarité à l'égard des collectivités nous conduit à penser le contraire.
Les dotations proposées pour 2004 aux collectivités augurent en effet mal de l'avenir.
En dépit de la montée en charge des compensations de transferts de compétences, l'effort financier de l'Etat en faveur des collectivités locales ne progressera que de 1,2 % en 2004, soit moins que l'inflation attendue. Concrètement, les ressources des collectivités locales en provenance de l'Etat diminueront de 0,3 % en volume l'année prochaine.
En particulier, le sort réservé à la péréquation communale pour 2004 ne peut qu'alimenter nos inquiétudes. La péréquation en direction des communes est en effet purement et simplement sacrifiée dans ce projet de loi de finances. Les abondements de l'Etat à la DSU et à la DSR, bases de la péréquation communale, passent ainsi de 68,5 millions d'euros en 2003 à seulement 36 millions en 2004.
Pour camoufler ce désengagement de l'Etat, le Gouvernement détourne, certains disent « confisque », pour la deuxième année consécutive le montant de la régularisation de la dotation générale de fonctionnement pour 2002, soit 45 millions d'euros, et ce en dépit des règles imposées par le code général des collectivités territoriales.
Ainsi, par rapport à 2002, les crédits inscrits dans ce projet de budget pour 2004 en faveur de la péréquation communale s'effondrent de 75 %.
Le manque d'ambition du Gouvernement pour la péréquation communale est d'autant plus condamnable que la hausse de la DGF des établissements publics de coopération intercommunale, qui la comprime mécaniquement, ralentit fortement - 10,44 % en 2003 contre 22 % en 2002 - dégageant ainsi des marges de manoeuvres importantes.
De plus la dotation nationale de péréquation - l'ex-fonds national de péréquation - subit une perte de 18 millions d'euros, en raison du non-renouvellement par l'Etat de sa majoration. De ce fait, ses ressources régressent de 3,86 %, tout un symbole lorsque l'on sait que le remplacement du FNP par la DNP est censé être un progrès !
Tel est, monsieur le ministre, le constat implacable que nous sommes amenés à faire à la lumière des chiffres qui figurent dans le projet de budget pour 2004. Il renforce notre conviction et fait écho aux observations que nous avons déjà formulées lors du vote du projet de loi relatif aux responsabilités locales.
Non, le Gouvernement ne souhaite pas renforcer la péréquation à l'égard des collectivités les plus mal loties. Non, il n'est pas prêt à les aider à hauteur de leurs besoins pour faire face aux transferts de compétences annoncés. C'est en quelque sorte la grande illusion et, pour cette raison, nous ne pouvons voter le présent projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des crédits de la décentralisation inscrits au projet de budget de l'Etat pour 2004 revêt cette année un relief tout particulier, puisque cet exercice sera le premier à se dérouler sous l'empire des nouvelles lois de décentralisation que le Parlement a votées.
Nous ne pouvons que saluer ce projet de budget, par nature de transition puisque le « passage de relais » entre les deux législations est en train de se faire, dans des conditions satisfaisantes malgré un contexte général maussade, largement marqué par un environnement international instable, une croissance en panne et, surtout, un ensemble de bombes à retardement laissées par vos prédécesseurs, monsieur le ministre, bombes qui ont obéré les marges de manoeuvre sur lesquelles notre majorité aurait pu compter.
Il n'est pas de mon propos de refaire ici l'excellent débat sur les ressources des collectivités locales que nous avons eu la semaine dernière. Je tiens cependant à mettre en relief quelques points qui me semblent primordiaux.
Sur l'économie générale des crédits et leur évolution, nous ne pouvons que nous féliciter de ce qu'avec 59,4 milliards d'euros les concours de l'Etat aux collectivités territoriales représentent le deuxième poste de dépenses de l'Etat et que la hausse de 1,2 % de l'enveloppe permette de tenir les engagements pris par le Gouvernement.
La loi constitutionnelle du 28 mars dernier consacre le principe de l'automaticité, si je puis dire, du lien entre le transfert de compétences aux collectivités et le transfert de ressources de l'Etat, ce qui épargnera à l'avenir aux conseils généraux et régionaux de devoir actionner le levier fiscal pour assumer les coûts afférents aux nouveaux champs d'intervention qui leur seront conférés. Avec une telle loi, le passage aux 35 heures, la réforme de l'APA, l'allocation personnalisée d'autonomie, ou la départementalisation des SDIS, les services départementaux d'incendie et de secours, n'auraient pas été possibles dans les mêmes conditions, et l'équipe de M. Jospin, j'en suis convaincu, aurait sans doute procédé différemment.
La refonte de la DGF, qui devient plus lisible et qui progresse de 17 milliards d'euros, donnera à nos collectivités plus de visibilité à court terme, tout en garantissant plus de justice par le biais d'une péréquation sincère.
Nous relevons avec satisfaction l'effort de l'Etat, qui encourage largement le travail de concert de nos communes au sein des EPCI, les établissements publics de coopération intercommunale : aujourd'hui, l'intercommunalité est devenue la règle ! Elu local, président d'une communauté de communes exclusivement rurale, je veux toutefois appeler l'attention du Gouvernement sur la question du financement de cette intercommunalité.
En effet, la dotation d'Etat par habitant varie de seize euros à vingt euros pour les communautés de communes, quand elle atteint quarante euros pour les communautés d'agglomération : si je peux comprendre la légitimité d'un traitement différencié entre zones urbaines et zones rurales en fonction de certains critères - je pense notamment au financement des équipements, au coût de la maintenance, aux charges supportées, etc. -, un tel écart me paraît trop important et nous devrons veiller, à l'avenir, à le resserrer.
M. Gérard Delfau. Bien !
M. Bernard Fournier. Il le faudra, parce que je demeure convaincu qu'il convient de mieux prendre en compte les charges spécifiques qui pèsent sur nos communes rurales, lesquelles ont pour nobles missions, par exemple, la gestion de l'espace ou l'entretien des routes.
Il nous faut nous entendre sur ce point, car l'action de nos petites communes est bénéfique pour le plus grand nombre. N'oublions pas que la France rurale représente la plus grande partie du territoire, et que nos concitoyens en retrouvent enfin le chemin, après un siècle d'exode.
Si la réforme de la DGF était nécessaire, il faut toutefois s'interroger sur l'intégration des compensations d'exonérations fiscales. En effet, le principe de l'autonomie financière des collectivités territoriales impose à l'Etat d'être « sourcilleux » s'agissant de la politique d'exonérations et des dégrèvements qu'il octroie, lorsque ces mesures touchent directement ou indirectement la fiscalité locale.
Il apparaît donc que, à l'avenir, un véritable dialogue devra s'engager entre le Gouvernement et les élus locaux sur cette question : la grande maison des collectivités territoriales qu'est le Sénat pourrait, par nature, être le lieu privilégié de ce dialogue.
Je veux encore saluer le souci manifesté par le Gouvernement en ce qui concerne la prise en compte des communes défavorisées : je note avec beaucoup de satisfaction que la fraction dédiée aux bourgs-centres de la dotation de solidarité rurale a été majorée chaque année de 22,87 millions d'euros.
En conclusion, je tiens à évoquer la question du FCTVA, le fonds de compensation pour la TVA, qui me semble être un outil adéquat pour aider les communes rurales. Je compte y revenir lors du débat sur le projet de loi que nous présentera prochainement M. Gaymard. A propos du FCTVA, notons toutefois dès maintenant que le Gouvernement a souhaité étendre, dès 2004, les règles d'éligibilité aux investissements routiers réalisés par les collectivités territoriales compétentes en matière de voirie sur le domaine public d'autres collectivités. Il s'agit là, en particulier, de la question de l'aménagement des centres des bourgs réalisé par les communes traversées par des voies nationales ou départementales : cela va dans le bon sens.
Tels sont les points que je tenais à mettre en exergue. Monsieur le ministre, je ne doute pas que vous y serez attentif, et je vous redis que notre soutien vous est totalement acquis. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs mois, nous évoquons presque quotidiennement la décentralisation. Certes, un consensus se dégage sur cette question, et ce n'est pas nous, sénateurs de sensibilité de gauche, qui allons renier d'une quelconque façon la paternité de la décentralisation. Le fait de rapprocher les utilisateurs, c'est-à-dire nos concitoyens, des décideurs, à savoir les élus que nous sommes, me semble un gage d'efficacité, mais encore faudrait-il disposer de quelques lignes directrices.
Or, au regard de ce qui nous a été proposé jusqu'à ce jour, l'incohérence l'emporte,...
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. François Fortassin. ... et je n'évoquerai que deux ou trois exemples pour illustrer mon propos à cet égard.
Première incohérence, la mise en oeuvre de la décentralisation a été décidée sans consultation préalable des collectivités territoriales, qui allaient, en quelque sorte, être destinataires de ces transferts.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il faut être gonflé, quand même !
M. François Fortassin. Non, monsieur le ministre, et je vais vous le démontrer, en essayant d'ailleurs de le faire de manière amusante,...
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Tant mieux !
M. François Fortassin. ... parce que l'ampleur de l'incohérence est telle que cela risquerait, sinon, de devenir rébarbatif !
Deuxième incohérence, les personnels TOS, techniciens, ouvriers et de service, de l'éducation nationale seront transférés aux départements, mais ils resteront placés sous l'autorité des chefs d'établissement.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. François Fortassin. Troisième incohérence, on nous a indiqué que les infirmières scolaires ne seront pas transférées parce que, comme l'a dit un représentant de votre ministère, elles ne soignent plus, elles sont devenues des confidentes des adolescents et, pour distribuer la pilule du lendemain, mieux vaut qu'elles continuent de relever de l'Etat !
En revanche, les médecins scolaires, eux, sont transférés aux départements ! J'aimerais que l'on m'explique les raisons de cette différence de traitement,...
M. Gérard Delfau. Ils ne le peuvent pas !
M. François Fortassin. ... à moins que l'intelligence ne soit pas tout à fait la même à Paris que dans les Pyrénées !
M. Gérard Delfau. Ça, c'est sûr !
M. François Fortassin. Peut-être est-ce possible, au fond, mais je ne porterai pas de jugement de valeur !
Par ailleurs, si un consensus se dégage sur la péréquation, il aurait mieux valu définir quelques lignes directrices avant de la mettre en oeuvre. La péréquation n'est, à mes yeux, ni de droite ni de gauche, mais il faut évoquer, à son propos, une notion telle que celle de solidarité, laquelle consiste à donner un peu à ceux qui ont moins que les autres.
Si, dans ce pays, aucune collectivité territoriale n'est vraiment riche, il en existe quand même de relativement aisées. Il faut dire à ces dernières qu'il ne pourra y avoir de péréquation sans qu'on leur prenne un peu de ce qu'elles ont ! Or, comme l'on sait très bien que l'on ne pourra pas le faire de façon très rapide, il eût fallu annoncer que la péréquation, pour qu'elle porte ses véritables fruits, devra connaître une montée en puissance sur six ou huit ans.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. François Fortassin. A propos de rapidité, je voudrais indiquer au passage, s'agissant de la décentralisation du RMI et de la création du RMA, que les circulaires d'application ont paru avant même le vote de la loi ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Gérard Delfau. Très bien ! C'est républicain !
M. François Marc. C'est vrai !
M. François Fortassin. Au-delà de ce détail pittoresque, les dépenses nouvelles liées aux transferts de compétences pèseront sur les finances des départements, tandis que l'on parlera encore pendant très longtemps de la péréquation, qui sera un peu comme l'Arlésienne : certains d'entre nous ne seront peut-être plus sur ces travées lorsque l'on en verra les effets positifs ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Yves Rispat.
M. Yves Rispat. Monsieur le président, mes chers collègues, en tant que sénateur du Gers, c'est un grand plaisir pour moi de saluer l'action de M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales, car, dans mon département rural, il est considéré comme le membre du Gouvernement qui connaît le mieux notre territoire. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)
Monsieur le ministre délégué aux libertés locales, vous vous êtes construit, par vos visites approfondies dans le département du Gers, une expertise territoriale rurale qui complète votre maîtrise de la gestion des collectivités locales en milieu urbain, résultant de votre expérience d'élu local d'Ile-de-France.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Merci, monsieur Rispat.
M. Yves Rispat. Aussi, lorsque vous avez entrepris de réformer le droit applicable aux responsabilités locales et de lancer l'acte II de la décentralisation, est-ce avec une grande confiance que les Gersois et les élus de notre région vous ont apporté leur soutien dans l'accomplissement de cette lourde tâche.
Le projet de budget de la décentralisation, qui a été examiné par la commission des finances, engage une nouvelle réforme de l'architecture des concours financiers de l'Etat, avec une simplification au titre de 2004.
Cette nouvelle architecture mérite, à mon avis, que l'on aille encore plus loin dans la péréquation en faveur des territoires ruraux, qui ont des besoins immenses liés au coût de l'entretien de l'espace et à l'accueil d'un grand nombre de nos aînés.
L'objectif de clarté fixé pour 2004 constitue une évolution que je considère positive, mais je souhaite réaffirmer avec force la nécessité d'une compensation intégrale des charges transférées.
La compensation intégrale des charges financières transférées en tenant compte de l'augmentation du nombre des allocataires du RMI résultant de la limitation de la durée de versement de l'allocation spécifique de solidarité est une condition de justice de l'architecture du projet de budget pour 2004 et de toutes les réformes financières futures.
S'agissant des mesures nouvelles du projet de budget pour 2004, je salue avec satisfaction la création d'un fonds d'investissement pour les services départementaux d'incendie et de secours.
Sa dotation de 45 millions d'euros représente un point de départ, mais son renforcement sera nécessaire dans les années à venir pour assurer une plus grande sécurité à nos concitoyens.
Toutefois, c'est sur l'acte II de la décentralisation que je souhaite, en tant que sénateur du Gers, exprimer mon point de vue et soutenir le Gouvernement dans la réforme qu'il a entreprise.
Dans le projet de loi relatif aux responsabilités locales, le transfert de l'Etat aux conseils généraux de 15 000 à 20 000 kilomètres de voirie représente une décision historique, car il concerne des voies de circulation qui ont souvent plusieurs centaines d'années d'histoire.
Je reste favorable, bien sûr, au principe consistant à confier davantage de responsabilités aux élus locaux.
Les conseils généraux ont en effet prouvé leur capacité à rendre des services de proximité de grande qualité. En particulier, les bâtiments des collèges, dont la gestion leur a été confiée voilà une vingtaine d'années, ont été, dans la plupart des cas, parfaitement rénovés. Aussi me paraît-il normal d'utiliser la compétence en matière de gestion d'équipements locaux des conseils généraux. Cependant, c'est dans le détail des conventions départementales de transfert que pourra se juger le caractère équilibré des transferts.
L'année 2004 sera probablement consacrée à la préparation sur le terrain, département par département, de ces conventions de transfert, qui traiteront notamment de l'accompagnement financier local. Je souhaite que cet exercice puisse être pratiqué dans la plus grande justice sur le plan financier. C'est avec vigilance que ce travail devra être mené, département par département, pour que le transfert des charges soit accompagné du financement adéquat, permettant aux collectivités territoriales d'assumer leurs responsabilités.
Pour prendre l'exemple du département du Gers, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, et dont vous savez apprécier les moyens, il ne saurait être question que l'Etat ne garde pas à sa charge les dépenses d'aménagement à deux fois deux voies de la RN 124, largement utilisée par les convois de l'Airbus 380, et la mise à deux fois deux voies de la RN 21, appelée à devenir la voie de dégagement principale de Bordeaux vers le Sud. Au regard de la qualité du réseau routier dans les départements voisins du nôtre, comme les Landes ou les Pyrénées-Atlantiques, on se dit qu'il est temps que l'aménagement du territoire soit équitable et prenne plus particulièrement en compte des territoires ruraux ne disposant pas des ressources nécessaires.
En ce qui concerne les personnels des services chargés de la gestion du réseau routier, l'expérience que nous avons acquise dans ce domaine depuis l'adoption de l'article 7 de la loi du 2 décembre 1992, qui prévoyait que « tout ou partie des services d'une direction départementale de l'équipement travaillant sur les routes départementales pouvait être placée sous l'autorité fonctionnelle du président du conseil général », peut, certes, être mise à profit, mais le transfert de ces personnels doit pouvoir être différé dans certains départements manquant de moyens.
Le transfert des agents sur la base du volontariat, avec des garanties statutaires et sous réserve d'un examen attentif des situations individuelles, sera aussi une nouvelle étape, pour laquelle des assurances devront être données.
Vous avez dit, monsieur le ministre, que l'acte II de la décentralisation était nécessaire pour la réforme de l'Etat. Vous avez tout à fait raison, mais il importe d'indiquer avec précision au Parlement quels sont les allégements prévus par l'Etat central pour ce transfert aux collectivités locales de dizaines de fonctions et de responsabilités prévu par le projet de loi relatif aux responsabilités locales.
L'allégement de l'Etat central en termes de moyens humains me semble être l'un des chantiers sur lesquels le Parlement doit recevoir une information complète.
Dans un excellent article paru dans La Tribune, vous avez souligné, monsieur le ministre, que « nous avons aujourd'hui un Etat obèse et, de ce fait, souvent impuissant », que celui-ci devait « retrouver du muscle pour mieux assurer ses fonctions stratégiques ». (M. André Lejeune proteste.) J'ai lu avec satisfaction cette déclaration, mais je resterai attentif aux transferts proposés, non seulement de compétences, mais aussi de personnels. C'est tout particulièrement sur ce point que nous manquons d'informations quant aux économies réelles que permettra cette réforme.
Ainsi, combien de directions d'administrations centrales seront-elles allégées ? Quelles économies en termes de moyens de gestion centraux cet acte II de la décentralisation engendrera-t-il ? Quels gains, liés au redéploiement des inspections générales, en termes de services informatiques, de moyens de contrôle, de membres de cabinets ministériels ou de bureaux d'administration centrale la France peut-elle escompter ?
L'un des rares risques que pourrait présenter cette réforme serait la reproduction de ce qui est fait depuis vingt ans : maintenir au même niveau l'Etat central, voire accroître encore les ressources nécessaires à son fonctionnement tout en transférant des responsabilités aux collectivités locales, sans les différencier et sans leur donner de moyens suffisants. Cela étant, nous vous faisons totalement confiance ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Henri de Raincourt. Vous ne serez pas déçus !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez eu, la semaine dernière, un débat très riche sur les finances locales, à l'occasion de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2004. Vous avez d'ailleurs introduit un certain nombre de modifications au texte du Gouvernement, et celui-ci a fait de son côté de réelles ouvertures, par exemple dans le domaine du fonds de compensation pour la TVA, ou du revenu minimum d'insertion, notamment, mais nous y reviendrons.
La richesse de vos interventions aujourd'hui et la pertinence des questions soulevées démontrent une fois de plus, si besoin était, que le Sénat est bien le Grand conseil des collectivités territoriales.
A ce moment du débat, je ne détaillerai pas l'ensemble des crédits affectés aux collectivités territoriales et prévus dans le budget. Je concentrerai au contraire mon propos sur les trois axes autour desquels il est structuré. Premièrement, le projet de loi de finances préserve les finances des collectivités locales en dépit d'un contexte budgétaire extrêmement difficile, en reconduisant les règles du contrat de croissance et de solidarité. Deuxièmement, le projet de loi de finances prépare la réforme de la DGF, la dotation globale de fonctionnement, et pose les bases d'une vraie politique de péréquation. Troisièmement, le projet de loi de finances respecte les engagements du Gouvernement de financer loyalement la décentralisation, en transférant aux départements une part de la TIPP, dans le cadre de la décentralisation du RMI.
D'abord, le projet de loi de finances préserve les finances des collectivités locales.
Avec près de 59,4 milliards d'euros en 2004, soit un cinquième du budget de l'Etat, l'effort financier en faveur des collectivités locales représente une composante essentielle de l'équilibre de nos finances publiques.
En dépit du contexte économique très difficile, que chacun reconnaît, nous conservons le contrat de croissance et de solidarité, et, comme en 2002 et en 2003, il continuera de fonctionner sur les prix majorés de 33 % du taux de croissance du PIB, le produit intérieur brut, soit une augmentation de 1,62 %.
Comme l'a rappelé M. Daniel Hoeffel, il s'agit là d'un effort financier qui mérite d'être souligné, alors qu'est appliquée un peu partout dans les ministères la règle de gel des dépenses de l'Etat. Si le Premier ministre a souhaité préserver les règles d'indexation des dotations, auxquelles je vous sais très attachés, c'est qu'à l'heure de la décentralisation il aurait été inconcevable que l'Etat reprenne d'une main, en baissant les dotations, ce qu'il donnait de l'autre, en attribuant de la TIPP. Monsieur Mercier, vous avez eu raison de rappeler tout à l'heure que, face au déficit de l'Etat, la tentation est grande pour tout gouvernement de se servir des 20 % du budget de l'Etat affectés aux collectivités territoriales comme variable d'ajustement, au détriment des collectivités territoriales. Dans la situation tendue, financièrement et diplomatiquement, que connaît notre pays, il est encore plus méritoire d'avoir résisté à cette tentation.
Par ailleurs, dans un double objectif de simplification et de péréquation, la DGF voit son assiette élargie par l'intégration d'un grand nombre de dotations aujourd'hui disparates. Passant, comme MM. Mercier et Hoeffel l'ont souligné tout à l'heure, de 19 milliards d'euros à 36,7 milliards d'euros, la DGF conserve néanmoins ses règles actuelles d'indexation. A structure constante, elle augmentera en 2004 de près de 400 millions d'euros, soit 1,93 %.
Je sais que certains feignent de s'étonner de la faiblesse de ces chiffres et y voient, par un calcul compliqué d'assez mauvaise foi, une baisse de l'effort de l'Etat. (M. Gérard Delfau rit.)
Mais vous savez tous très bien que, si ces taux de progression ne sont pas aussi élevés que l'on aurait pu l'espérer, c'est parce que la croissance est malheureusement très faible cette année, et nous avons maintenu purement et simplement les mêmes règles.
Ce qui est important, en revanche, c'est que le Gouvernement n'a pas tiré prétexte des difficultés économiques pour revenir en arrière sur les règles d'indexation des dotations. Il les a au contraire préservées, si bien que les collectivités locales en tireront les fruits...
M. Gérard Delfau. Amers !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... dès que la croissance sera de retour.
M. André Lejeune. Amen !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Et ce n'est pas nécessairement si éloigné que cela.
Le Gouvernement vous a donné la semaine dernière une double preuve de sa volonté de préserver les finances des collectivités territoriales.
Il vous a en effet proposé, tout d'abord, d'avancer d'un an la dérogation aux règles du FCTVA en matière de travaux sur le patrimoine routier des collectivités territoriales ou de l'Etat. Cette dérogation, que vous aviez adoptée dans le projet de loi relatif aux responsabilités locales, ne se serait appliquée sinon qu'à partir de 2005, et M. Alain Lambert a accepté, ici même, que cette mesure soit applicable dès le 1er janvier 2004.
Plus encore, le Gouvernement a donné son accord au dispositif proposé par la commission des finances pour prendre en compte les conséquences de la réforme de l'allocation spécifique de solidarité et de la création du revenu minimum d'activité sur les finances des départements. La compensation que percevront les départements sera ainsi arrêtée définitivement sur la base de leurs dépenses réelles de 2004, et non sur celles de l'Etat en 2003 qui, par définition, n'intégraient ni l'impact de l'ASS ni celui du RMA.
On peut toujours vouloir faire plus. Mais je pense que, dans le contexte actuel, le projet de loi de finances fait déjà beaucoup.
Ensuite, il faut réformer la DGF pour soutenir la péréquation.
Après de trop nombreuses années passées à discuter très longuement et sans agir, il est devenu nécessaire d'engager une vraie politique de péréquation, comme nous y invite la Constitution. Le Sénat vient d'ailleurs d'examiner, dans un rapport très intéressant, les conséquences de cette carence, en détaillant les écarts importants de ressources et de charges qui existent aujourd'hui entre les départements. Je tiens à saluer le travail important et remarquable de MM. François-Poncet et Belot, dont l'analyse sera très utile au Gouvernement pour la préparation de la réforme de la DGF que nous devrons conduire l'année prochaine.
Je voudrais vous rappeler brièvement la démarche en deux temps que poursuit le Gouvernement dans ce domaine.
Avec le projet de loi de finances, nous procédons à la réorganisation de l'architecture des dotations pour que la DGF remplisse véritablement son rôle de dotation globale, à des fins de simplification et de lisibilité. En jouant sur des masses aussi grandes, on dégage des marges financières importantes pour financer la péréquation.
Dans un second temps, la réforme sera poursuivie en 2004, comme je viens de vous l'indiquer, après une phase de concertation qui a été lancée en septembre dernier avec le comité des finances locales. Cela consistera à réformer les modalités de répartition des dotations, qu'il s'agisse des critères de la péréquation, du mode de calcul du potentiel fiscal ou encore de la réforme du CIF, le coefficient d'intégration fiscale. C'est à cette occasion que sera abordée la question de la DGF des intercommunalités, soulevée par M. Fournier.
Le projet de budget ne préjuge donc pas des décisions qu'il faudra prendre l'année prochaine, qui doivent donner lieu à une importante concertation. Il aménage simplement les règles actuelles pour donner de l'air à la péréquation et permettre les réformes prévues.
A ce sujet, M. Girod m'avait interrogé sur l'intégration de la compensation de la suppression de la part « salaires » dans la taxe professionnelle dans la DGF. Il nous fallait faire un choix sur l'affectation de cette somme de 9 milliards d'euros. Je sais que, parmi vous, certains, notamment M. Delfau, ont proposé que l'on prélève tous les ans une part de cette somme pour l'affecter à la péréquation. Je ne pense pas que cette solution soit praticable, car elle reviendrait à réduire de 1 milliard d'euros tous les ans la compensation revenant aux communes, aux EPCI, aux départements et aux régions pour financer un fonds de péréquation. Cela aurait trop fortement déstabilisé les budgets locaux.
Le Gouvernement a donc retenu un autre choix. Il garantit d'abord à toutes les collectivités territoriales de bénéficier, en 2004, d'au moins du même montant qu'en 2003. Ce n'est qu'une partie de l'indexation de la compensation qui financera la péréquation.
M. Gérard Delfau. Il n'y a pas de péréquation !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. On allie de ce fait stabilité des budgets locaux et mécanisme vertueux qui alimente mécaniquement la péréquation,...
M. Jean-Pierre Sueur. C'est de la petite vertu !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... d'autant plus que la croissance sera forte. En 2004, en dépit d'une croissance très faible, ce sont déjà près de 100 millions d'euros qui sont ainsi prélevés sur l'indexation de cette compensation pour alimenter la péréquation.
Je voudrais, enfin, répondre à un certain nombre d'accusations infondées que j'ai entendues sur la prétendue baisse de la péréquation dans le projet de loi de finances.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est dans le rapport !
M. Bernard Frimat. C'est M. Mercier qui le dit !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Si l'on raisonne à structure constante, c'est-à-dire si la DGF avait été globalisée dès l'année dernière, les dotations de péréquation auraient représenté 11,75 % de son total. En 2004, avec ce projet de loi de finances, les mêmes dotations de péréquation s'élèveront à 12,3 % de la DGF et augmenteront de 220 millions d'euros en volume.
Dès lors, où est donc cette fameuse baisse de la péréquation ? Quels constats peut-on par ailleurs tirer de ces quelques chiffres ?
Le premier constat, c'est celui de leur faiblesse, qui est la conséquence de l'absence de réformes depuis très longtemps, en particulier sous le gouvernement précédent, celui-ci ayant préféré distribuer les fruits de la croissance plutôt que d'engager les réformes en matière de finances locales alors qu'il en avait les moyens, contrairement à nous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) C'est toujours étonnant d'entendre ceux qui ont renoncé à conduire des réformes se plaindre qu'elles ne vont pas assez loin, quand leurs successeurs ont le courage de les mettre en oeuvre ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Gérard Delfau. Vous parlez de M. Juppé ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Deuxième constat, en dépit de la faiblesse de la croissance cette année, la réforme d'architecture de la DGF dégage 220 millions d'euros supplémentaires dès 2004 pour financer la péréquation.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas vrai !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Comme l'a très justement souligné M. Daniel Hoeffel dans son intervention, le mécanisme vertueux que nous avons mis en place dans ce projet de loi de finances produira tous ses effets lorsque la croissance repartira.
MM. Sueur et Delfau ont tenté de nous expliquer que tant l'effort financier des collectivités locales que la péréquation étaient insuffisants.
M. Jean-Pierre Sueur. M. Mercier également !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Mais M. Mercier était beaucoup plus nuancé que vous, monsieur Sueur !
M. Jean-Pierre Sueur. Pas du tout !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Si, beaucoup plus nuancé !
M. Jean-Pierre Sueur. On peut relire le rapport, si vous le souhaitez !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Monsieur Sueur, vous vous êtes étonné du taux de progression très faible des concours financiers cette année. Vous avez cité le taux de 1,2 %, vous référant au rapport deM. Mercier,...
M. Jean-Pierre Sueur. De M. Mercier et deM. Hoeffel !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... mais en le sortant de son contexte, pour lui donner un sens polémique et vous avez alors précisé que vous ne compreniez pas pourquoi je parlais d'une progression de 1,67 %. Vous avez dit qu'il y avait un écart entre les chiffres de M. Mercier et du Gouvernement, respectivement 1,2 % et 1,67 %.
Le chiffre de M. Mercier est exact, mais les conséquences que vous en tirez ne le sont pas. Vous confondez en effet deux choses. Il y a, d'une part, ce que l'on appelle l'effort financier total de l'Etat, qui s'élève à 59,4 milliards d'euros et qui est retracé dans le « jaune » budgétaire. Il est vrai que cet ensemble ne progresse que de 1,2 %,...
M. Jean-Pierre Sueur. Cela veut dire qu'il baisse !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... mais les conséquences que vous en tirez sont inexactes. En effet, que contient cet agrégat ? Il contient en particulier les exonérations et dégrèvements législatifs compensés par l'Etat, qui sont consentis par les collectivités territoriales. Or, cette année, cet agrégat a baissé, car les collectivités territoriales - et c'est une très bonne chose pour les finances publiques - ont opéré moins de dégrèvements. Par conséquent, la compensation de ces dégrèvements a diminué, et donc l'agrégat global a, lui aussi, diminué. Ce n'est donc pas un bon indicateur de l'effort de l'Etat que de prendre cette somme de 59,4 milliards d'euros, qui représente l'ensemble des concours et dans laquelle se trouvent des éléments très disparates.
En revanche, si l'on veut juger avec un véritable indicateur des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales, on prend le contrat de croissance et de solidarité, qui est fait pour ça. Or celui-ci s'élève à 43,22 milliards d'euros, pour être précis, ce qui représente une progression de 1,67 %. Monsieur Sueur, mon chiffre est donc bien exact et le vôtre ne l'est pas, ou, plutôt, il l'est, mais il ne signifie rien.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est très laborieux !
M. Gérard Delfau. Même comme ça, cela ne fait pas beaucoup !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Par ailleurs, vous vous êtes également ému s'agissant de la péréquation.
M. Jean-Pierre Sueur. A juste titre !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Permettez-moi, là aussi, de vous donner un certain nombre d'explications.
Contrairement à ce qui a été dit et répété, la péréquation ne baisse pas, et je vais tenter de vous le démontrer.
M. Jean-Pierre Sueur. Le taux de 1,5 % correspond à l'inflation !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Si vous me laissez une petite chance de vous répondre, je vais peut-être y arriver.
En ce qui concerne les communes, la dotation de solidarité urbaine passera de 615 millions d'euros à 624 millions d'euros, soit une différence de 1,5 %. Je conviens que ce n'est pas une progression, mais ce n'est pas non plus une baisse.
M. Gérard Delfau. Compte tenu de l'inflation, c'est une baisse !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Non, 1,5 % c'est le taux de l'inflation ! (M. Jean-Pierre Sueur s'exclame.) C'est stable pour les communes, et pour les seules communes, car je vais en venir aux départements, aux régions et aux EPCI, que vous avez soigneusement escamotés.
La DSR, la dotation de solidarité rurale, passera de 407 millions d'euros à 413 millions d'euros.
M. Jean-Pierre Sueur. Elle n'est pas très péréquatrice !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il est vrai, messieurs Sueur et Delfau, que le FNP, le Fonds national de péréquation, diminuera de 23 millions d'euros,...
M. Jean-Pierre Sueur. C'est une décision du Gouvernement !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... du fait de la non-reconduction en 2004 de la majoration votée tous les ans par le Parlement ces dernières années.
M. Jean-Pierre Sueur. A la demande du Gouvernement !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est exact ! Je ne peux pas vous dire mieux. Toutefois, comme vous l'avez vous-même observé, cette dotation bénéficie aujourd'hui à plus de 18 000 communes. Ainsi, et vous l'avez vous-même reconnu, la force péréquatrice de ces 23 millions d'euros est extrêmement diluée à cause de la répartition en pluie fine de cette dotation. Vous m'avez même demandé tout à l'heure de veiller à ce que, l'an prochain, la réforme des dotations soit plus ciblée,...
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... et vous avez raison. Vous pouvez certes déplorer la perte de ces 23 millions d'euros mais, dans la mesure où ils étaient éparpillés entre 18 000 collectivités, les conséquences sur la péréquation ne sont pas considérables, d'autant que, lorsque 18 000 communes sont concernées, en réalité, il n'y a pas de péréquation, il y a simplement une répartition.
En revanche, messieurs Sueur et Delfau, s'agissant de la péréquation, vous n'avez pas parlé des EPCI. Or la DGF des EPCI passera de 1,824 milliard d'euros à 1,974 milliard d'euros, soit une augmentation de 150 millions d'euros, c'est-à-dire 8 % !
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je termine, monsieur Delfau, et je vous céderai volontiers la parole ensuite.
Vous avez également oublié les départements. Je peux le comprendre, car cela n'aurait pas renforcé votre démonstration. En effet, la dotation de fonctionnement minimale et la dotation de potentiel fiscal, qui seront dorénavant regroupées dans la nouvelle dotation de péréquation, augmenteront, selon les choix effectués par le comité des finances locales, de 46 millions d'euros à 86 millions d'euros, soit de 6 % à 11 %. La péréquation n'a pas baissé.
Enfin - j'ai gardé le meilleur pour la fin -, les régions verront en 2004, pour la première fois depuis qu'une dotation de péréquation leur a été consacrée en 1991, le fonds de solidarité augmenter de 10 % au moins et de 40 % au plus.
M. Jean-Pierre Sueur. Cela fait 1,3 % de la DGF !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Nous n'allons pas reconstruire tout le système de péréquation en un jour ! Lorsque vous affirmez que la dotation de péréquation baisse, je vous réponds que, pour les communes, elle n'augmente pas, j'en conviens, mais elle est stable et que, pour les départements, les EPCI et les régions, elle augmente. Elle peut même augmenter de 40 % pour les régions si le CFL le décide.
M. François Marc. Mais 40 % de rien, c'est trois fois rien !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est 40 % de mieux !
Vous n'aviez vraiment rien fait pour doter les régions d'une véritable péréquation ! Pourtant, quand nous le faisons en proposant une augmentation de 40 %, vous trouvez que ce n'est pas assez. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)
Voilà une manière bien indécente de donner des leçons ! Vous n'avez rien fait, nous apportons une amélioration de 40 %, et vous dites que ce n'est pas assez ! Il faut avoir de l'audace pour le dire.
M. Louis de Broissia. Du culot, même ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Dans ces conditions, messieurs les sénateurs de l'opposition, vous ne pouvez pas soutenir de tels arguments.
Comme j'ai achevé ma réponse, monsieur Delfau, je vous autorise à m'interrompre maintenant.
M. Jean-Pierre Schosteck. Vous êtes trop gentil !
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, je vous remercie de me permettre de continuer ce débat important et nécessaire.
S'agissant de la région, je vous accorde que, partant de bas, il y a une progression. Je l'ai dit tout à l'heure à la tribune et je le réaffirme.
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est Canossa !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Non, c'est simplement de la probité intellectuelle !
M. Gérard Delfau. Tout à l'heure, j'ai aussi regretté que le fonds de correction des déséquilibres régionaux soit supprimé. Même si cette suppression est symbolique, je pense que cette décision sera perçue de manière négative.
S'agissant du département, si M. le rapporteur général a parlé d'effort « modeste », j'ai pour ma part employé le qualificatif « modique » ; on ne peut donc pas prétendre que je suis partial.
Cela dit, je veux surtout attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la situation de plus en plus fragile des petites et moyennes communes, par rapport à celle des EPCI, qui bénéficient d'une augmentation de la compensation alors qu'ils ne prennent pas en charge l'essentiel des frais de fonctionnement et une partie des frais d'investissement.
Il se crée une distorsion entre des agglomérations urbaines qui, si elles sont situées dans des régions relativement prospères, tirent bien leur épingle du jeu, des communautés de communes qui parviennent à vivre parce qu'elles ont peu de charges et d'autres qui ont de plus en plus de difficultés à boucler leur budget de fonctionnement.
Voilà le problème qu'il faut résoudre dans les années qui viennent. Sinon, face à leurs attentes, à leurs souffrances et à leurs besoins quotidiens, nos concitoyens n'auront plus comme interlocuteurs principaux le maire et les membres du conseil municipal.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je partage votre souci, monsieur Delfau. Je pense que la réponse réside effectivement dans l'organisation d'une meilleure solidarité au sein des EPCI. La loi relative aux responsabilités locales introduit une mécanique qui vise à résoudre ce problème, réel, monsieur Delfau, j'en conviens. Mais il doit être réglé au niveau des EPCI.
Le troisième principe que nous voulons défendre dans ce projet de loi de finances est le renforcement de l'autonomie financière des collectivités locales, qui est la base de la politique de décentralisation. Nous avons souhaité - le Sénat a d'ailleurs joué un rôle moteur dans cette affaire - inscrire cette garantie dans la Constitution. Ainsi, comme M. Hoeffel l'a rappelé, le projet de loi organique qui doit mettre en oeuvre ce principe a été déposé à la fin du mois d'octobre sur le bureau de l'Assemblée nationale. Vous serez donc amenés prochainement à l'examiner.
Ce projet de loi organique mettra un terme à la baisse régulière de l'autonomie financière des collectivités territoriales, à laquelle nous avons assisté ces dernières années, avec la suppression de plus de 15 milliards d'euros de fiscalité locale transformés en dotations d'Etat.
La situation de 2003 - c'est une vraie garantie - deviendra un plancher en-deçà duquel il ne sera plus possible de descendre et qui servira de base à une restauration progressive, j'en conviens, de cette autonomie financière.
La loi de finances initiale pour 2003 avait déjà illustré la volonté du Gouvernement d'aller dans ce sens en restituant aux collectivités locales les bases de taxe professionnelle de France Télécom - cela représentait 800 millions d'euros même si, mécaniquement, cela n'a entraîné aucune dépense supplémentaire pour l'Etat - et en assouplissant les règles de lien entre les taux. Ces mesures allaient évidemment dans le sens d'une plus grande autonomie fiscale.
Le projet de loi de finances pour 2004 poursuit cette démarche puisque 5 milliards d'euros de TIPP seront transférés aux départements au titre du financement du RMI et du RMA.
Je sais, à cet égard, qu'il y a un débat sur la modulation des taux de cette TIPP. Si le Premier ministre a pris la décision de ne pas donner la possibilité aux départements de moduler les taux, c'est d'abord en raison de contraintes communautaires, vous le savez bien. J'observe tout de même que cette TIPP, pour non modulable qu'elle soit, est reliée à la croissance et, par conséquent, est soumise à un régime différent de celui d'une dotation. Mais, comme l'a évoqué M. Mercier tout à l'heure, le Premier ministre a pris l'engagement d'attribuer aux départements, en loi de finances pour 2005, une part de la taxe sur les conventions d'assurance afin de renforcer leur autonomie financière. Enfin, le Gouvernement travaille à un transfert aux départements de la taxe sur les véhicules de sociétés.
Certains, dont M. Rispat, que je remercie de ses propos très aimables, ont fait part de leurs inquiétudes sur la loyauté de la compensation des transferts de compétence. Vous avez raison, c'est une obligation constitutionnelle, et c'est seulement au pied du mur que l'on pourra juger de la loyauté de ces transferts en examinant la manière dont seront calculées et distribuées les compensations. Mais je m'étonne parfois de ces interrogations.
En effet, comme je n'ai cessé de le dire pendant la discussion générale sur le projet de loi de décentralisation, non seulement la Constitution assure que le Gouvernement doit être loyal dans ce transfert et le Conseil constitutionnel y veillera, éventuellement au détriment du Gouvernement s'il ne respectait pas cette obligation, mais le Gouvernement a pris des engagements pour tenter de rétablir une confiance entre l'Etat et les collectivités locales, qui, il faut le reconnaître, a été très fortement éprouvée dans le passé et qui a besoin effectivement de signes forts pour être rétablie. M. Laignel a qualifié ces signes de « preuves d'amour ». Pour ma part, je parlerai simplement d'« actes de confiance ».
Il s'agit, d'abord, de la commission consultative d'évaluation des charges. Le Gouvernement s'en est remis au Sénat, et je crois que tout le monde est à peu près d'accord sur le dispositif adopté.
A la demande du Sénat également, le Gouvernement a pris des engagements sur la prise en compte de la moyenne des trois dernières années pour la compensation des dépenses de fonctionnement.
Le Gouvernement a aussi accepté « l'arrêt des compteurs » sur la date la plus favorable pour les transferts des personnels et un système à double détente qui s'interprétera, dans les deux cas, dans le sens le plus favorable pour les collectivités. Il ne peut pas faire davantage preuve de sa bonne foi.
Mais le projet de loi de finances pour 2004 s'inscrit dans une situation macroéconomique très difficile, et certains soupçonnent le Gouvernement du pire. Il me semble pourtant que ce texte donne aux collectivités locales de vraies garanties.
Enfin, pour conclure, je voudrais simplement ajouter quelques éléments en réponse à M. Daniel Hoeffel sur l'administration territoriale.
Dans les préfectures, l'année 2004 sera celle de la généralisation de la globalisation des crédits. En 2003, vingt-neuf préfectures sont en budget globalisé et elles le seront toutes en 2004 pour la métropole, à l'exception de celle de Paris, qui a un statut particulier et qui le sera d'ici au 1er janvier 2006. Sous cette réserve, c'est donc avec deux ans d'avance que la loi organique relative aux lois de finances s'appliquera aux préfectures.
Cela va changer beaucoup de choses. Les préfets vont dorénavant assurer la gestion de l'ensemble de l'enveloppe budgétaire qui leur est déléguée. Ils pourront ainsi demander, au moment du départ d'un fonctionnaire, soit son remplacement par un fonctionnaire de même profil, soit une modification du profil des emplois. Ils pourront aussi purement et simplement renoncer au remplacement de ce fonctionnaire et conserver l'intégralité des crédits pour abonder leur budget de fonctionnement. Je crois que ce sera un moyen d'avoir une bien meilleure gestion des deniers de l'Etat à l'échelon local.
Enfin, comme vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, la seconde étape de la décentralisation devra s'accompagner d'un renforcement de la place des préfets, à la fois comme interlocuteurs naturels des collectivités territoriales et comme gardiens du respect de la loi.
La décentralisation, c'est à la fois beaucoup plus de liberté pour les élus locaux dans la gestion de leurs collectivités, mais un contrôle de légalité renforcé et beaucoup plus de transparence pour le citoyen dans la gestion des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant l'intérieur et la décentralisation, et figurant aux états B et C.
Je rappelle au Sénat que les crédits affectés à la sécurité ont été examinés aujourd'hui même.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 290 139 228 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
M. le président. « Titre IV : moins 7 357 828 047 euros. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Les explications de M. le ministre n'ont pas suffi à changer notre vote (M. le ministre délégué s'exclame), et je souhaite reprendre quelques éléments de son intéressante argumentation.
D'abord, monsieur le ministre, d'un côté, vous créez de nouveaux agrégats - ce qui est votre droit - et, d'un autre côté, vous dites qu'il faut comparer ce qui est comparable et qu'il faut enlever de ces agrégats quelques éléments qui ne sont pas favorables pour parvenir à cette fameuse progression de 1,6 % qui ne représente jamais que 0,26 % de plus que l'augmentation prévue - 1,9 % - de l'inflation.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Donc, cela ne baisse pas !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, c'est une déconstruction aussi artificielle que l'est votre construction.
Vous nous demandez ce que nous avons fait...
M. Jean-Pierre Schosteck. Rien !
M. Jean-Pierre Sueur. ... selon une rhétorique bien rodée et maintenant bien usée.
En fait, les concours de l'Etat aux collectivités locales ont augmenté, depuis 1996, de 6,5 % en moyenne annuelle.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Il est donc faux de dire que rien n'a été fait. Beaucoup de choses ont été faites !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Mais pas de réformes !
M. Jean-Pierre Sueur. Je veux bien admettre que le contexte soit différent, et vous avez raison, monsieur le ministre, de dire que nous n'avons pas fait cette réforme, bien que certains l'aient fortement demandée. Puisque, aujourd'hui, vous nous proposez une grande loi de décentralisation, le moins que nous puissions faire, pour notre part, est d'attendre cette loi.
Vous nous dites par ailleurs, monsieur le ministre, s'agissant de la DSU et de la DSR, que, finalement, tout va bien : la DSU augmente de 0 %, donc elle ne diminue pas ; quant à la DSR, ce n'est pas si mal. Mais examinons les choses de plus près : ces deux dotations ne sont au niveau où elles sont que parce que vous avez détourné 45 millions d'euros qui représentent le montant de la régularisation de la DGF que, en dépit de la loi, vous avez affectés à la DSU et à la DSR. Mais, les années précédentes, cela ne se passait pas ainsi. Par conséquent, l'Etat se dispense de payer 45 millions d'euros qui auraient dû être alloués à la DSU et à la DSR.
Vous nous rétorquez que le fonds national de péréquation, le FNP, va s'ajouter à la DSU et à la DSR. Mais il s'agit d'un FNP déplumé, puisque vous retirez 22,87 millions d'euros au moment où vous l'offrez à la péréquation tout en changeant la dénomination.
Cela signifie que, si l'on ajoute l'ensemble des éléments, les abondements de l'Etat à la DSU et à la DSR passent de 68,5 millions d'euros l'année dernière à 30 millions d'euros cette année, soit une diminution de 75 %, monsieur le ministre ! Et ces chiffres sont incontestables.
J'ajoute que, dans les agrégats, il eût été intéressant de parler d'autres composantes telles que la DCTP, la dotation de compensation de la taxe professionnelle, dont on peut dire qu'elle fonctionne de manière tout à fait spoliatrice à l'égard de l'ensemble des collectivités locales. En tout cas, le dispositif qui a été mis en oeuvre in fine par rapport à la DCTP ne va certainement pas dans un sens forcément péréquateur.
Pour finir, je ferai simplement observer que la DSU pourrait être plus péréquatrice, que la DSR ne l'est que très peu, car la part dite de péréquation est une répartition entre 33 000 communes qui, au total, ne compense en rien les inégalités, et que le FNP n'est pas péréquateur.
Monsieur le ministre, vous avez également parlé de l'intercommunalité, sur laquelle il y aurait beaucoup à dire.
Pendant longtemps, on a cru à la nécessité d'une dotation d'intercommunalité pour inciter les communes à se regrouper. Maintenant que l'intercommunalité est largement répandue, le facteur incitatif n'est plus aussi nécessaire que par le passé. Même si l'on prend en compte le potentiel fiscal de la dotation d'intercommunalité, qui représente une part non négligeable, je vous l'accorde, il faut savoir qu'elle sert aussi bien les collectivités dotées de ressources importantes que celles qui ont de faibles ressources, même s'il existe une correction très relative.
Je ne prendrai qu'un exemple. Imaginez que les villes de Paris, Boulogne-Billancourt et Neuilly décident un jour de créer une communauté d'agglomération. Ce dispositif causerait un choc considérable à l'intérieur de la dotation d'intercommunalité, donc au sein de la DGF.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Cela est sûr !
M. Jean-Pierre Sueur. Il ne faudrait pas leur donner cette idée.
Cet exemple caricatural montre qu'il ne suffit pas de se regrouper en intercommunalité pour être un ensemble de communes défavorisées. L'effet péréquateur de la dotation d'intercommunauté doit donc être relativisé.
Autrement dit, MM. Fortassin et Delfau l'ont souligné, réaliser la péréquation est très difficile, et cela demandera beaucoup de courage.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Malheureusement, avec le projet de budget qui nous est présenté, nous n'avons pas vu la marque de ce courage. Nous espérons que nous le verrons l'année prochaine. Soyez sûrs que nous serons aux premières loges pour regarder de très près ce qui arrivera.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Pour nous soutenir ! Pas pour regarder, comme d'habitude !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, si vous alliez dans ce sens, nous pourrions vous apporter notre soutien. Nous verrons ce qui se passera l'année prochaine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Monsieur Sueur nous remémore Edouard Herriot : « Un bon discours m'a quelquefois fait changer d'avis, jamais de vote. » (Sourires.)
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 429 550 000 euros ;
« Crédits de paiement : 145 497 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 2 078 119 000 euros ;
« Crédits de paiement : 1 004 659 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la décentralisation et, par là même, l'examen des dispositions concernant le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
Agriculture, alimentation, pêche et affaires rurales
Budget annexe des prestations
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, et le budget annexe des prestations sociales agricoles.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales s'élève, pour 2004, à 4,975 milliards d'euros, en baisse de près de 4 % par rapport aux dotations de la loi de finances initiale pour 2003. Cette baisse résulte avant tout de deux mesures indispensables de redéfinition du périmètre budgétaire, si bien que, à structure constante, le budget de l'agriculture est en quasi-reconduction entre 2003 et 2004.
Toutefois, il faut souligner que ce budget ne recouvre pas l'ensemble des concours publics en faveur de l'agriculture et ne permet donc pas une identification exhaustive de la réalité de l'intervention de l'Etat en faveur de l'agriculture.
Ainsi, pour 2004, l'ensemble des concours publics à l'agriculture atteindra au total près de 30 milliards d'euros. Ce montant inclut les dépenses relatives au régime de protection sociale des agriculteurs, qui sont regroupées au sein du budget annexe des prestations sociales agricoles, les dépenses en faveur de l'agriculture consenties par d'autres ministères, les dépenses des collectivités locales, enfin, les dépenses communautaires, qui devraient représenter plus de 10 milliards d'euros en 2004.
Malgré les contraintes budgétaires existantes et grâce à la mise en oeuvre d'une politique de rationalisation des coûts budgétaires et de meilleure gestion des effectifs, le présent projet de budget permet la définition d'objectifs prioritaires clairs.
Tout d'abord, je tiens à saluer la volonté de rationalisation du ministère dans certains secteurs de dépenses.
Elle se manifeste notamment dans la politique de maîtrise des coûts de fonctionnement des offices agricoles qui a été entamée par le ministère l'année dernière et qui est poursuivie cette année, notamment sur le fondement d'un rapport remis par le Gouvernement au Parlement en octobre dernier soulignant l'efficacité de l'action menée par les offices mais indiquant des marges de progression possibles.
Ce rapport propose des améliorations du fonctionnement des offices reposant sur la possibilité d'un pilotage unique de ces offices et sur la simplification des chaînes de traitement des aides communautaires.
Cette année encore, les subventions aux offices diminuent, dans une proportion toutefois moindre qu'en 2003. Néanmoins, j'estime que les crédits des offices sont d'une importance primordiale s'agissant de l'adaptation structurelle des exploitations et des filières. C'est pourquoi je souhaiterais que vous vous engagiez, monsieur le ministre, à ouvrir des crédits supplémentaires si une crise importante survenait.
La deuxième mesure de rationalisation bienvenue et indispensable consiste dans la réforme du financement du service public de l'équarrissage, qui conduit à une réduction des crédits affectés à ces actions de 198 millions d'euros dans le présent projet de budget.
Cette réforme s'imposait pour respecter les nouvelles lignes directrices agricoles de la Commission européenne : ainsi, l'Etat continuera à participer au financement du service public d'équarrissage dans les limites fixées par le droit communautaire, et la part de ce service devant être financée par la filière sera prélevée au niveau des abattoirs afin d'assurer une plus grande lisibilité du dispositif et d'organiser la répercussion du coût sur le consommateur final.
La nouvelle taxe d'abattage devrait ainsi permettre de couvrir l'ensemble des dépenses afférentes à l'élimination des déchets d'abattoir par le service public de l'équarrissage.
En outre, l'actuel régime d'aide aux investissements dans les abattoirs sera adapté pour encourager les efforts de tri, de traitement, voire de valorisation des déchets animaux.
Enfin, la troisième mesure de rationalisation, à laquelle je suis particulièrement attaché est la budgétisation du fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE.
En effet, conjointement avec mon collègue Paul Loridant, j'ai mené, cette année, une mission de contôle budgétaire des crédits du FNDAE, qui a permis de mettre en évidence l'existence de reports de crédits importants d'une année sur l'autre justifiant la nécessité d'une budgétisation de ce fonds et, à terme, d'une décentralisation de ces crédits.
J'ai consacré un chapitre au compte rendu de ce contrôle dans mon rapport spécial.
Les déplacements que nous avons effectués dans différents départements ont été très instructifs et nous ont permis, à Paul Loridant et à moi-même, de constater que, dans certains départements, la Charente-Maritime par exemple, les conseils généraux étaient tout à fait prêts à prendre en charge la politique d'investissement dans les travaux d'adduction et d'assainissement d'eau.
Outre ces mesures de rationalisation, il faut se féliciter du renforcement de certaines actions en faveur des exploitants agricoles dans le projet de budget pour 2004.
C'est le cas, notamment, du renforcement de la politique en faveur de l'installation, avec une augmentation notable des crédits affectés aux dotations jeunes agriculteurs, permettant désormais le versement unique de ces aides aux exploitants au lieu du versement en deux fois. Par ailleurs, je me félicite de la reconduction des crédits attribués au fonds d'incitation et de communication pour l'installation en agriculture, le FICIA, créé en 2003.
On peut se réjouir également du renforcement des outils en faveur du développement rural avec, d'une part, la mise en place de nouveaux contrats d'agriculture durable, appelés à se substituer aux anciens contrats territoriaux d'exploitation, dont la signature a été suspendue par le ministre dès 2002, et, d'autre part, le soutien apporté à la politique de la montagne, caractérisé cette année par une revalorisation des indemnités compensatoires de handicap naturel, les ICHN.
Enfin, une fois n'est pas coutume, le présent projet de budget fait la part belle au secteur de la pêche, avec une augmentation globale des crédits dédiés à ce secteur de 23,5 % et l'annonce par le Gouvernement de la mise en oeuvre en 2004 d'un plan de modernisation de la flotte de pêche française et d'amélioration de la sécurité des marins, pour un coût global de 7,5 millions d'euros, dont 3 millions d'euros à la seule charge de l'Etat.
Le troisième aspect du présent projet de budget que je souhaite aborder devant vous concerne la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la LOLF, ainsi que l'annonce du contenu de la stratégie ministérielle de réforme du ministère de l'agriculture.
S'agissant de la mise en oeuvre de la LOLF, je note que le ministère a défini une mission unique reprenant l'intitulé du ministère et cinq programmes reprenant les principaux agrégats définis jusqu'à présent par le budget.
Une expérimentation sera réalisée en 2004, par le biais de la création d'un nouveau chapitre permettant de regrouper l'ensemble des crédits des titres III et IV relatifs à l'enseignement agricole.
Je salue cette initiative du ministère de l'agriculture, mais je regrette - permettez-moi de vous le dire, monsieur le ministre - que la lisibilité budgétaire associée à cette expérimentation ne soit pas satisfaisante. En effet, j'ai eu des difficultés pour opérer une comparaison efficace entre les crédits dédiés à l'enseignement agricole en 2003 et en 2004.
S'agissant de la mise oeuvre de la stratégie ministérielle de réforme, je me bornerai à saluer la politique de maîtrise des effectifs budgétaires engagée cette année par le ministère, avec une réduction nette de 323 emplois et l'application du principe de non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, sauf dans le domaine de l'enseignement agricole.
Malgré tous ces aspects très positifs, je note quelques points décevants qui mériteront certaines explications de votre part, monsieur le ministre.
Relevons, tout d'abord, la réduction, dans le présent projet de budget, de 20 millions d'euros du versement compensateur de l'Etat à l'Office national des forêts, l'ONF, qui risque de mettre en danger le budget des communes forestières. D'après les dernières informations dont je dispose, le collectif de fin d'année devrait permettre d'alimenter ce versement à hauteur des besoins exprimés. Monsieur le ministre, je souhaite que vous nous donniez des explications sur ce point.
D'autres crédits budgétaires sont, cette année encore, en souffrance.
Il s'agit, notamment, de la dotation au Fonds national de garantie des calamités agricoles, le FNGCA, qui est nulle dans le présent projet de budget, tout comme elle l'était en 2003. Là encore, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous confirmiez qu'une subvention viendra alimenter ce fonds en cas de graves sinistres, compte tenu des engagements pris dans le cadre des mesures annoncées en faveur des exploitants victimes de la sécheresse.
Il s'agit également des crédits en faveur des agriculteurs en difficulté, qui connaissent une baisse significative sur laquelle je m'interroge encore.
Après cet exposé du budget pour 2004, il me revient de présenter l'article 72 rattaché, qui vise à fixer le plafond de l'augmentation du produit de la taxe pour frais de chambre d'agriculture pour 2004. Ce taux est fixé à 1,5 %, contre 1,7 % en 2002 et 2003. Depuis l'année dernière cependant, le plafond de majoration exceptionnelle de ce taux a été doublé.
Je vous proposerai, mes chers collègues, d'adopter cet article sans modification.
Venons-en maintenant au projet de budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, pour 2004.
L'examen du projet de BAPSA prend cette année une dimension particulière, puisqu'il s'agit vraisemblablement du dernier projet de budget annexe des prestations sociales agricoles que le Parlement aura à examiner dans le cadre de la discussion budgétaire.
Le budget annexe des prestations sociales agricoles s'élèvera, pour 2004, à 15 milliards d'euros, en hausse de 2,6 % par rapport aux dotations de la loi de finances initiale pour 2003, hors restitutions de TVA.
Pour en venir au vif du sujet, je souhaiterais vous faire part des principales observations que m'a inspirées l'examen de ce budget.
Tout d'abord - et c'est une observation récurrente lors de l'examen du projet de BAPSA chaque année -, les chiffres de l'exécution du BAPSA en 2002 et 2003 font apparaître un besoin de financement persistant. Depuis 1997, le BAPSA est en effet en constant déficit d'exécution, et ce malgré les avertissements répétés des parlementaires quant à la mauvaise évaluation des recettes et dépenses du BAPSA en projet de loi de finances.
Les chiffres fournis par le ministère de l'agriculture, s'agissant des prévisions de réalisations des dépenses et recettes du BAPSA en 2003, font en effet état d'un besoin de financement prévisible du BAPSA de l'ordre de 424 millions d'euros. Ce besoin de financement résulte, d'une part, d'un dérapage des dépenses de santé et d'une sous-évaluation en loi de finances initiale des dépenses d'assurance maladie et, d'autre part, d'un report de charges de l'année 2002 sur l'année 2003 de 160 millions d'euros au titre de la dotation globale hospitalière.
Je regrette d'autant plus ce constat d'une sous-évaluation des dépenses d'assurance maladie que je m'en étais inquiété dans mon précédent rapport budgétaire.
En outre, compte tenu des prévisions de réalisation des dépenses d'assurance maladie pour 2003, l'évolution proposée dans le présent projet de BAPSA apparaît encore manifestement sous-estimée puisque, au final, l'évolution proposée entre ces prévisions de réalisation et les dépenses d'assurance maladie pour 2004 s'établit à plus 1,03 %, ce qui semble très faible au vu de la dynamique de croissance inhérente à ces dépenses.
Ma deuxième observation concerne la mise en place du nouveau régime de retraite complémentaire obligatoire créé par la loi du 4 mars 2002, ainsi que les améliorations issues du vote de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites.
Les nouvelles dispositions relatives à la création du régime d'assurance vieillesse complémentaire obligatoire sont entrées en vigueur le 1er avril 2003.
Le présent projet de BAPSA fixe la participation financière de l'Etat à ce régime à hauteur de 142 millions d'euros en 2004, contre 28 millions d'euros en 2003.
Je tiens à rappeler que la mise en place de ce nouveau régime a constitué un réel progrès social en faveur des agriculteurs les plus modestes.
En outre, la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a permis le vote de réelles avancées s'agissant du régime d'assurance vieillesse des agriculteurs. Parmi celles-ci, je citerai l'abaissement de l'âge fixé pour une retraite à taux plein en cas de début d'activité précoce, l'instauration d'une surcote pour les agriculteurs continuant leur activité au-delà de soixante ans ou encore la possibilité de rachat d'années d'étude.
Une des principales innovations de cette loi consiste cependant dans la mise en place de la mensualisation du versement des retraites de base à compter du 1er janvier 2004.
La suppression du BAPSA, prévue par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, et la création d'un organisme, sous la forme d'un établissement public, devraient permettre une gestion plus souple du régime pouvant supporter des déficits et financer les dépenses liées à cette mensualisation en recourant à l'emprunt.
Cet établissement public, appelé Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA, devrait exercer l'ensemble de ses attributions à compter du 1er janvier 2005 seulement.
Toutefois, le FFIPSA assurera le remboursement à la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole des intérêts de l'emprunt contracté en 2004 pour le financement de la mensualisation des retraites agricoles.
Nonobstant la création du FFIPSA, le BAPSA continuera de retracer les opérations financières de la protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles au plus tard jusqu'au 31 décembre 2004.
Après cette date, les droits et obligations de l'Etat au titre du budget annexe des prestations sociales agricoles seront transférés au nouvel établissement public administratif.
Je souhaite réaffirmer quelques principes fondateurs qu'il me semble indispensable de respecter s'agissant de la création de ce nouveau fonds de financement des prestations sociales agricoles.
Il s'agit, tout d'abord, du maintien de la spécificité du régime social agricole et notamment du respect des principes de proximité et de gestion mutualiste à la base de ce régime depuis sa création.
Il s'agit, ensuite, de la nécessité du maintien d'un débat parlementaire afférent au régime de protection sociale agricole.
Il s'agit, enfin, du besoin d'affecter à ce régime des ressources pérennes et fiables.
L'article 23 du présent projet de loi de finances, combiné à l'article 25, modifie profondément la structure de financement du régime de protection sociale agricole, d'une part, en supprimant l'affectation de TVA à ce régime, d'autre part, en faisant des recettes issues des droits sur les tabacs l'une de ses principales sources de financement.
Ces dispositions participent bien sûr à la nécessaire clarification des relations financières entre l'Etat et les régimes de sécurité sociale, mais je souhaiterais qu'elles ne fragilisent pas le financement de la protection sociale agricole.
Je tiens à rappeler ici les modifications adoptées par le Sénat lors de l'examen de l'article 25 du présent projet de loi de finances. Elles ont permis d'abroger la taxe sur les tabacs fabriqués, qui présentait, comme l'a souligné M. le rapporteur général, des risques d'incompatibilité avec le droit communautaire. Je me félicite donc de voir que le Gouvernement a finalement choisi la voie de la sécurité juridique.
Avant de terminer mon propos, je souhaite vous poser, monsieur le ministre, quatre questions précises, attendant de vous, bien sûr, des réponses tout aussi précises.
Premièrement, le collectif de fin d'année devrait abonder le versement compensateur à l'Office national des forêts. Pourriez-vous préciser devant notre assemblée à quelle hauteur et dans quelles conditions ?
M. André Lejeune. Bonne question !
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Deuxièmement, pourriez-vous nous indiquer quelles sont les intentions du Gouvernement concernant la décentralisation des crédits du fonds national pour le développement des adductions d'eau ?
M. André Lejeune. Bonne question également !
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Troisièmement, quelle suite comptez-vous donner au rapport sur le fonctionnement des offices agricoles, qui envisage plusieurs types de scénarios pour l'avenir de ces offices ?
Quatrièmement, enfin, s'agissant du BAPSA, comment comptez-vous tenir compte, dans la présentation des recettes du budget annexe, des modifications adoptées par le Sénat lors de l'examen de l'article 25 du présent projet de loi de finances ?
En conclusion, j'émets, au nom de la commission des finances, un avis favorable sur le budget annexe des prestations sociales agricoles pour 2004.
Je vous propose également, mes chers collègues, d'adopter le budget de l'agriculture pour 2004, estimant qu'il répond, dans un contexte budgétaire national et communautaire restrictif, aux grandes priorités de l'agriculture française. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Alain Gérard, rapporteur pour avis.
M. Alain Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour la pêche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en un an, depuis la tempête soulevée par les projets de la Commission européenne en matière de politique commune de la pêche, l'horizon des pêcheurs s'est éclairci.
En premier lieu, grâce aux efforts engagés par la France et les pays réunis dans le groupe des Amis de la pêche, la réforme de la politique commune de la pêche décidée à la fin de l'année 2002 s'est éloignée des propositions irréalistes et brutales de la Commission européenne. La France a notamment obtenu que la suppression des aides à la construction des navires soit repoussée au 1er janvier 2005.
En deuxième lieu, la réforme de la politique commune de la pêche, la PCP, s'accompagne en France d'un ambitieux plan de modernisation de la flotte, auquel d'importantes dotations sont allouées, ce dont nous nous félicitons.
Vous avez indiqué, monsieur le ministre, que, au-delà de ces aides aux entreprises de pêche, une réflexion était conduite au sein du comité national des pêches sur la possibilité de mettre en place une déduction pour aléa, comme il en existe en agriculture, afin de mieux protéger les pêcheurs contre les variations du cours du brut. Pouvez-vous nous indiquer où en est cette réflexion ?
S'agissant du budget de la pêche pour 2004, je voudrais attirer votre attention sur la suppression des taxes parafiscales à compter du 1er janvier prochain. Ainsi, la taxe parafiscale finançant les comités des pêches maritimes sera remplacée par les cotisations professionnelles obligatoires prélevées auprès des pêcheurs. Le président du comité national des pêches maritimes, que nous avons rencontré, nous a fait part de ses craintes concernant le recouvrement de ces cotisations en l'absence de procédure de recouvrement forcée. Les comités sont en effet investis de missions essentielles, notamment en matière sociale, et doivent disposer de ressources pérennes et suffisantes pour les mener à bien.
En troisième lieu, vous nous avez précisé, monsieur le ministre, que vous souhaitiez le maintien des Sofipêches et la mise en place d'un système « Sofipêches deuxième chance » pour les patrons souhaitant acheter un navire plus récent. Pouvez-vous nous indiquer où en est ce dossier ?
En quatrième lieu, la réforme de la politique commune de la pêche implique une connaissance très précise de l'état des stocks. Dans ce contexte, il importe de réduire la fracture qui s'est creusée entre les professionnels et les scientifiques.
Sur ce sujet, l'année 2003 est marquée par des évolutions positives.
D'une part, l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer - l'IFREMER -, la direction des pêches maritimes et le comité national des pêches maritimes ont signé très récemment une charte, qui se concrétisera par des échanges d'informations plus nombreux.
D'autre part, la Commission européenne a proposé de créer des conseils consultatifs régionaux chargés d'étudier les problèmes des pêcheurs. Composés de pêcheurs, de scientifiques et de représentants politiques régionaux, ces conseils devraient permettre un renforcement de la transparence et un dialogue sur les avis scientifiques relatifs à l'état des stocks de poissons.
Toutefois, des avancées doivent encore être accomplies.
Je relève, par exemple, que les prélèvements opérés par la pêche minotière ne sont toujours pas pris en compte, mais je me félicite que la France ait adopté une position offensive en demandant à la Commission une étude sur la pêche minotière.
L'exemple du merlu est également révélateur des divergences entre professionnels et scientifiques : les estimations des scientifiques indiquent un état alarmant du stock, alors que les professionnels constatent en mer une forte augmentation du recrutement. Il est donc absolument nécessaire d'accélérer la procédure d'évaluation des stocks.
En dernier lieu, nous ne pouvons que déplorer le faible taux de consommation des crédits communautaires de l'IFOP, l'instrument financier de l'orientation de la pêche, de 1994 à 1999. Ceux-ci n'ont en effet été consommés qu'à hauteur de 75 %. Or la nouvelle programmation 2000-2006 des fonds européens est marquée par la règle dite du dégagement d'office ; ainsi, une partie des crédits non consommés seront perdus dès 2004. Il semble, d'après les informations recueillies auprès des professionnels, que les procédures soient jugées complexes et qu'il soit difficile de trouver tous les cofinancements nécessaires au projet.
Ma dernière question porte donc, monsieur le ministre, sur la possibilité de trouver des solutions pour améliorer la consommation de ces fonds.
Je vous remercie à l'avance de toutes les réponses que vous voudrez bien apporter à ces questions et tiens à saluer encore une fois la combativité dont vous avez fait preuve face à la Commission européenne. Votre opiniâtreté a permis à la réforme de la politique commune de la pêche de trouver un équilibre. Aussi, je ne vous surprendrai pas en vous disant que la commission des affaires économiques et du Plan a émis un avis favorable quant à l'adoption des crédits de la pêche inscrits dans le projet de loi de finances pour 2004. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'Union centriste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gérard César, rapporteur pour avis, qui a enfin pu se libérer de l'ascenseur dont il était prisonnier. (Sourires.)
M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'agriculture. Merci, monsieur le président : je suis en effet resté bloqué dans un ascenseur pendant un moment. Heureusement, notre collègue M. Bel partageait mon triste sort, ce qui nous a permis de refaire la France, et surtout son agriculture. (Nouveaux sourires.)
M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Et sa viticulture ! (Nouveaux sourires.)
M. Gérard César, rapporteur pour avis. L'agriculture en général et la viticulture en particulier ! Hélas ! nous n'avions rien pour déguster les excellents produits de nos régions. (Nouveaux sourires.)
Voilà presque un an, jour pour jour, nous discutions ici même les crédits destinés à l'agriculture dans la précédente loi de finances. L'année écoulée a été riche en événements, mais aussi lourde d'incertitudes pour le monde agricole, d'un point de vue tant économique que politique.
Les résultats économiques du secteur agricole en 2002 sont préoccupants. Certes, la production agricole a crû significativement, de 3 %, grâce à d'excellentes récoltes, faisant suite à deux années de mauvais résultats dus à des conditions climatiques difficiles.
Cependant, la baisse importante des prix agricoles, de 3,4 %, a provoqué un recul de la production en valeur. De ce fait, le résultat agricole net a diminué en 2002 de 2,1 %, en rupture avec sa tendance haussière de 3 % en moyenne durant la dernière décennie.
Par ailleurs, les résultats prévisibles de l'année 2003 portent les stigmates de l'épisode de sécheresse et de canicule exceptionnel qu'a connu notre pays durant l'été. D'un coût total de 4 milliards d'euros, cet événement climatique se traduirait par une réduction des récoltes de l'ordre de 20 % à 30 %. Les productions végérales, qui bénéficient de hauts niveaux de qualité et d'une flambée des cours, devraient « limiter les dégâts ». En revanche, le secteur de l'élevage, notamment l'élevage hors-sol, risque d'essuyer de lourdes pertes, qui viendront aggraver la crise qu'il traverse actuellement.
C'est pourquoi l'intervention du Gouvernement, saluée pour sa promptitude et son efficacité, doit être étendue et renforcée. Vous nous avez rassurés à ce sujet, monsieur le ministre, en nous indiquant que des crédits supplémentaires seraient débloqués dans le projet de loi de finances rectificative qui sera prochainement examiné.
Au-delà de ces indispensables mesures de soutien financier, une réflexion plus globale sur la politique de l'eau et les mécanismes de gestion des risques ne peut être éludée. La mission commune d'information du Sénat sur les effets de la canicule y travaille d'ailleurs actuellement.
D'un point de vue plus politique, l'exercice 2002-2003 a été marqué par divers événements de nature européenne ou internationale, qui risquent de n'être pas sans incidence budgétaire.
En premier lieu, la réforme de la politique agricole commune, la PAC, a été actée dans les accords de Luxembourg en juin dernier. Si, sous votre impulsion, monsieur le ministre, et nous vous en remercions, la France a su faire preuve de suffisamment de fermeté pour obtenir un compromis satisfaisant, les modalités d'application de cette réforme, qui sont actuellement en discussion, seront déterminantes pour l'évolution de nos filières et l'avenir de nos agriculteurs.
En deuxième lieu, la préparation du prochain élargissement de l'Union européenne est en cours d'achèvement. Suscitant autant d'espoirs que d'inquiétudes, cette nouvelle vague d'adhésions, historique par son ampleur, devrait être source d'enrichissement pour notre secteur agricole, à condition qu'elle soit progressive et régulée.
En troisième lieu, les discussions sur l'agriculture au sein de l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, se sont poursuivies. L'absence d'accord final au sommet de Cancùn ne doit pas remettre en cause la volonté de l'Union européenne de défendre, lors de la suite des négociations, un modèle agricole d'autant plus équilibré et respectueux des différences de développement qu'il a été réformé en ce sens.
De plus, la protection de nos divers signes de qualité et appellations doit être officialisée et reconnue par tous, en particulier au sein de l'OMC.
C'est dans ce contexte lourd d'incertitudes, tant économiques que politiques, que s'inscrivent les crédits de l'agriculture pour 2004. La commission des affaires économiques a bien relevé que, s'ils semblaient formellement en baisse, passant de 5,18 milliards à 4,97 milliards d'euros, ils étaient en réalité reconduits si l'on raisonne à périmètre stable, ce qui est appréciable au vu des contraintes budgétaires actuelles.
Illustrant la volonté du Gouvernement de soutenir une agriculture respectueuse de l'environnement et d'anticiper ainsi les orientations de la nouvelle PAC, les crédits consacrés à la politique agri-environnementale augmentent substantiellement, de 16,4 %, ce qui permet de relever les indemnités compensatrices de handicap naturel, de pérenniser la prime herbagère agri-environnementale et de financer les derniers contrats territoriaux d'exploitation ainsi que les premiers contrats d'agriculture durable, ou CAD.
La commission des affaires économiques a également relevé avec satisfaction l'augmentation globale des crédits consacrés à l'installation, permettant d'assurer le versement en une seule fois de la dotation aux jeunes agriculteurs et de faciliter ainsi grandement l'installation des jeunes exploitants. Elle s'est aussi félicitée de la pérennisation du fonds de communication en agriculture, prévu par la loi d'orientation agricole de 1999.
Cependant, certaines lignes budgétaires enregistrent une diminution des crédits, voire une absence de dotation. C'est notamment le cas du dispositif de modernisation des exploitations, du fonds d'allégement de la charge financière des agriculteurs, le FAC, ou encore du fonds national de garantie des calamités agricoles.
A cet égard, force est d'observer que des redéploiements de crédits sont inévitables dans un budget sous contrainte. En outre, plusieurs des chapitres concernés disposent des crédits de l'année précédente non consommés entièrement.
Enfin - et vous allez sans doute nous le confirmer, monsieur le ministre - les dotations relatives à la prise en charge des aléas conjoncturels auront vocation, cette année, à être complétées dans le collectif budgétaire.
Les seules réserves que j'émettrai concernent la nouvelle diminution des crédits consacrés aux offices et à la réforme du financement de l'équarrissage, voulues par la Commission européenne.
Intervenant alors que de nombreuses filières sont toujours fragilisées par les crises, la réduction des crédits des offices laisse craindre une diminution des actions d'orientation permettant de redynamiser les filières et amène à s'interroger sur les choix qui seront effectués s'agissant de la réforme des offices.
Quant à la révision du mode de financement de l'équarrissage, il faudra, monsieur le ministre, rigoureusement veiller à ce qu'elle n'entraîne pas un transfert des charges des abattoirs, sur lesquels reposera la nouvelle taxe, vers l'amont, c'est-à-dire les éleveurs ; c'est là une de nos craintes.
Jugeant, malgré ces derniers points, le budget globalement équilibré au regard des contraintes européennes et nationales ayant présidé à son élaboration, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable quant à son adoption. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis.
M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour le développement rural. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre éminent collègue M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, ayant présenté avec beaucoup de clarté, comme à l'ordinaire, les crédits du ministère de l'agriculture, je ne m'attarderai pas sur l'ensemble des crédits consacrés au développement rural. Je me concentrerai sur deux points, l'un technique, l'autre de fond.
Il convient d'abord de signaler une nouveauté importante dans l'organisation du ministère, et qui concerne le développement rural : la création d'une nouvelle direction générale de la forêt et des affaires rurales regroupant l'ancienne direction de l'espace rural et de la forêt et l'ancienne direction des exploitations de la politique sociale et de l'emploi.
Cette nouvelle direction recouvre trois grands thèmes : la gestion durable des exploitations agricoles et des territoires ruraux, la gestion durable de la forêt et la protection sociale agricole.
On peut espérer que cette nouvelle organisation administrative, associée à la montée en puissance de la réforme budgétaire introduite par la LOLF, permettra une lisibilité accrue des crédits dans les années à venir.
Je voudrais maintenant évoquer un secteur très important pour notre vie économique et sociale, celui de la forêt.
L'an dernier, j'avais examiné en détail la politique de la forêt et m'étais félicité du choix du Gouvernement de soutenir ce secteur majeur pour nos zones rurales et pour tout un pan de l'activité agricole, artisanale et industrielle. Malheureusement, les crédits consacrés à la forêt sont, cette année, en baisse de 54 millions d'euros.
Cette baisse s'explique, en particulier, par la diminution de 20 millions d'euros du versement compensateur à l'Office national des forêts. Celui-ci passe en effet de 145 millions d'euros à 125 millions d'euros. D'autre part, les aides aux prêts forestiers perdent également 20 millions d'euros, pour passer de 28 millions d'euros à un peu plus de 8 millions d'euros.
Je sais, comme vous tous, à quel point la situation financière de l'Etat est contrainte à l'heure actuelle. Cela impose sans doute des arbitrages budgétaires.
Toutefois, je ne suis pas sûr que ce soit vraiment le moment d'effectuer des coupes claires, si j'ose ici cette image, dans le budget de la forêt. Trois raisons m'amènent à cette conclusion.
La première a trait à la situation de l'ONF. Quoique l'on puisse constater quelques signes d'amélioration sur l'année 2003 - mais à quel prix d'ailleurs, et les salariés ont fait en la matière un effort considérable - la situation de l'office reste extrêmement difficile. Ce dernier sera en effet en déficit de 60 millions d'euros en 2003, ce qui s'explique notamment par le maintien du prix du bois à un niveau très bas.
Pour l'année 2004, le directeur général de l'ONF, que j'ai auditionné, espère réduire ce déficit de 25 millions d'euros, ce qui est déjà un objectif peu aisé à atteindre. La baisse du versement compensateur, telle qu'elle était envisagée dans le projet de loi de finances, conduisait directement à une impasse de 20 millions d'euros supplémentaires pour l'Office en 2004, ce qui compromettait très gravement son redressement.
La deuxième raison est la suivante : s'il avait été décidé de ne pas faire supporter cette charge à l'Office, cela voulait dire que les communes forestières devaient prendre en charge ce fardeau de 20 millions d'euros, ce qui représentait un doublement de leurs contributions aux frais de garderie de leurs forêts. A l'heure où les consultants déconseillent aux collectivités locales d'avoir des biens forestiers, je doute que ce soit là un signe très positif à adresser aux 11 000 communes forestières de France. J'ai recueilli le sentiment du président de la fédération nationale des communes forestières, notre collègue Yann Gaillard, qui m'a confirmé l'inquiétude que les communes forestières avaient eue sur ce point.
Enfin, la troisième raison qui m'amenait à douter de l'opportunité de cette mesure concerne le contexte actuel, marqué par les suites toujours présentes des tempêtes de 1999 et par les graves incendies de forêt associés à la sécheresse et à la canicule que nous avons connues cet été.
Monsieur le ministre, vous avez reconnu avec une grande sagesse qu'aucune de ces deux solutions n'était réellement satisfaisante, et vous avez inscrit les 20 millions d'euros manquant au projet de loi de finances rectificative pour 2003. La commission des affaires économiques se félicite de votre écoute du monde de la forêt.
Toutefois, afin d'offrir la visibilité nécessaire à tous les acteurs de ce secteur, la commission des affaires économiques a déposé un amendement visant à attirer l'attention du Gouvernement sur le fait que le déséquilibre budgétaire imposé à l'ONF par cette baisse du versement compensateur est structurel et qu'il ne saurait donc être limité à la seule année 2004.
Or, l'ONF et nos communes forestières méritent d'être accompagnés dans l'effort qu'ils accomplissent actuellement au bénéfice de la nation.
La commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du développement rural, même si, à titre personnel, je voterai contre.
M. le président. La parole est à M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis.
M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour les industries agricoles et alimentaires. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les résultats enregistrés par le secteur des industries agroalimentaires sont, cette année encore, globalement satisfaisants, contrairement à d'autres secteurs affectés par des crises économiques ou spéculatives.
Ainsi, l'indice de la production industrielle a progressé de 1,4 % en 2002. La stabilité des prix a permis de soutenir une consommation en hausse de 0,8 % et de dégager un chiffre d'affaires en augmentation de 2,3 %. Quant à l'emploi salarié, il a bénéficié de la création de 3 700 postes en 2002, là où 88 000 emplois disparaissaient dans l'industrie manufacturière.
Conservant son rang de leader mondial dans le commerce des produits transformés, notre pays a enregistré une amélioration sensible de son excédent commercial en produits agroalimentaires, celui-ci ayant augmenté en 2002 de près de 1 milliard d'euros.
A bien l'examiner cependant, le secteur des industries agroalimentaires connaît certaines difficultés.
Tout d'abord, ses parts de marché diminuent sur la presque totalité des marchés européens et internationaux depuis le début des années quatre-vingt-dix. Cette évolution appelle des mesures conséquentes de la part des pouvoirs publics : les gouvernements des pays tiers n'hésitent pas, en effet, à subventionner significativement leurs organismes de promotion agroalimentaire.
Par ailleurs, le secteur de l'agroalimentaire doit surmonter certaines difficultés d'ordre plus structurel : fortement oligopolistiques et très hétérogènes, les industries agroalimentaires françaises sont dominées par quelques grands groupes éclipsant les petites et moyennes entreprises, qui assurent pourtant la vitalité du secteur. Il faut noter, toutefois, que la présence à l'international de ces grands groupes est relative et incertaine, les entreprises américaines menaçant leur indépendance et dominant largement le secteur.
D'autre part, les efforts de recherche et de développement des industries agroalimentaires sont notoirement insuffisants, puisque le taux de valeur ajoutée qui y est consacré est le plus faible de l'ensemble du secteur industriel. Cette carence s'explique essentiellement par la prédominance de petites et moyennes entreprises peinant à financer des travaux de recherche souvent coûteux.
Enfin, la question des relations avec la grande distribution préoccupe largement le secteur agroalimentaire. Malgré l'adoption de la loi sur les nouvelles régulations économiques, la publication, voilà quelques mois, de la circulaire Dutreil et l'engagement d'un dialogue avec la grande distribution, la pratique des marges arrière n'a cessé de se développer et menace aujourd'hui l'équilibre de la filière tout entière.
Les crédits que j'ai examinés enregistrent des évolutions globalement inquiétantes.
Les crédits qui sont destinés à la politique industrielle et qui servent à soutenir l'investissement des entreprises agroalimentaires amènent à s'interroger. En effet, outre une présentation peu lisible due à leur regroupement en un programme commun élaboré dans le cadre de la mise en oeuvre progressive de la loi organique relative aux lois de finances, les crédits consacrés à la recherche enregistrent une nouvelle baisse non négligeable de 6 % intervenant après une baisse substantielle, l'année dernière, de 19 %. Affectant principalement les subventions de fonctionnement de l'INRA, l'Institut national de la recherche agronomique, et les crédits finançant la recherche appliquée au secteur agroalimentaire, cette évolution est particulièrement inquiétante au regard des carences évoquées en matière de recherche.
Tout aussi préoccupante est la réduction de plus d'un quart des crédits consacrés à la promotion des produits agricoles et alimentaires. Dans un contexte de concurrence accrue et de pertes de parts de marché à l'international, il importe, en effet, que les organismes de promotion agroalimentaire, notamment la Sopexa, aient les moyens d'accomplir convenablement leur mission.
Si les crédits destinés à la politique de qualité sont en quasi-reconduction par rapport au précédent exercice, cette stabilité ne doit pas masquer une réduction des subventions de fonctionnement de l'INAO, l'Institut national des appellations d'origine, pourtant confronté depuis quelques années à des charges croissantes.
Enfin, l'évolution des crédits destinés à la sécurité alimentaire amène à s'interroger.
Les dotations en faveur de l'AFSSA, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, qui augmentent pour le financement des dépenses ordinaires, diminuent en ce qui concerne le financement des dépenses d'investissement.
Les crédits consacrés à l'hygiène alimentaire font l'objet d'évolutions contrastées, certains augmentant notablement, l'un étant reconduit et les autres diminuant, suscitant l'incompréhension des professionnels du secteur à l'heure où la rémanence de certaines crises sanitaires est loin d'être écartée.
Enfin, les crédits destinés au secteur de l'équarrissage font l'objet d'une très forte baisse, de l'ordre de 200 millions d'euros. Liée à la réforme de son mode de financement, désormais assuré par une taxe spécifique d'équarrissage prélevée sur les abattoirs, cette baisse laisse craindre un transfert de charges soit vers des éleveurs, déjà fortement fragilisés par les crises, soit vers un consommateur dont l'élasticité de la demande à la hausse des prix est forte.
Monsieur le ministre, malgré l'ensemble de ces évolutions et après avoir pris acte de votre engagement devant la commission des affaires économiques et du Plan d'accroître l'action de votre ministère en faveur du secteur de l'agroalimentaire, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux industries agroalimentaires. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis.
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement agricole. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que le projet de budget du ministère de l'agriculture est fortement contraint en 2004, les crédits de l'enseignement agricole connaîtront, pour leur part, une évolution positive ; en effet, ils s'élèveront à 1 206,53 millions d'euros, soit une progression de 1,23 % par rapport à la loi de finances initiale de 2003.
Dans un contexte budgétaire difficile, même si des motifs de préoccupation demeurent, l'analyse des différentes catégories de dépenses traduit le souci du Gouvernement de respecter ses engagements à l'égard de cet enseignement.
S'agissant de l'enseignement public, l'évolution des dépenses de personnel, en augmentation de 1,76 %, répond à une volonté de maîtriser les charges de structure ; ainsi, en 2004, 125 départs à la retraite ne seront pas remplacés. Je me félicite qu'ait été retenu le principe d'une suppression d'emploi sur quatre départs à la retraite pour les enseignants, contre une sur deux pour les autres corps du ministère.
Il ne faut pas oublier que pendant les années de forte croissance des effectifs, l'enseignement agricole a pâti d'une insuffisance de moyens, qui a eu pour conséquence le développement de l'emploi précaire parmi les personnels tant enseignants que non enseignants. A cet égard, il convient de ne pas hypothéquer les résultat de la politique conduite dans le cadre des dispositifs « Perben » puis « Sapin ». Je note à cet égard que cette politique sera poursuivie en 2004 grâce à la mobilisation des emplois vacants.
L'équilibre doit être maintenu entre l'effort indispensable de rigueur qui est possible grâce à la relative stabilisation des effectifs et la nécessité de maintenir des conditions de vie satisfaisantes dans les établissements. J'indique à cet égard que les emplois-jeunes dont les contrats arrivent à échéance seront recrutés sur des postes d'assistants d'éducation dans des proportions similaires à celles qui sont en vigueur à l'éducation nationale. L'augmentation de près de 10 % des subventions versées aux établissements de l'enseignement technique correspond à l'application de la loi du 30 avril dernier.
S'agissant des établissements de l'enseignement supérieur, je souhaite vous faire part, monsieur le ministre, de mes inquiétudes concernant l'état de leur patrimoine immobilier qui se révèle réellement préoccupant. Les dépenses d'investissement, qu'il s'agisse de l'entretien courant ou de la construction, sont manifestement sous-évaluées et leur engagement, cette année, a été perturbé par les mesures de régulation budgétaire. Comment pourrez-vous répondre aux urgences en 2004 ?
En ce qui concerne les établissements du privé, les dotations prévues pour 2004 prennent en compte, pour les établissements du temps plein, la réévaluation du coût à l'élève dont les modalités d'application sont prévues par l'accord du 20 janvier 2003. Cependant, les hypothèses d'effectifs sur lesquelles repose le calcul de ces dotations et qui prévoyaient une baisse ne se sont pas vérifiées. De même, les conséquences des gels intervenus en cours d'exécution suscitent de légitimes inquiétudes pour l'année à venir. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser si le gel portant sur les crédits de l'enseignement agricole technique privé a été levé ?
Contrainte à la concision, je voudrais évoquer en quelques mots la situation de l'enseignement agricole à la rentrée 2003.
En ce qui concerne l'enseignement technique agricole, alors que les facteurs démographiques devraient conduire à un nouveau recul des effectifs, nous constatons que le nombre des élèves augmente à nouveau, témoignant de l'attractivité des formations. Ce dynamisme, s'il contraste avec les prévisions de vos services, n'étonne guère si l'on considère les résultats de l'enseignement agricole, en termes tant de promotion et de « remédiation » scolaire que d'insertion professionnelle.
Cependant, il manque aujourd'hui un réel instrument de pilotage du dispositif : le troisième schéma prévisionnel des formations a été prorogé d'une année supplémentaire. Certes, j'entends les raisons qui ont dicté cette décision. Toutefois, les perspectives de développement de l'enseignement agricole ne peuvent être définies à la seule aune des moyens budgétaires disponibles, sauf à faire prévaloir une vision malthusienne qui risque de nuire à un enseignement faisant figure aujourd'hui d'exception et de démobiliser les personnels qui en ont assuré le succès.
En ce qui concerne l'enseignement supérieur, je note avec satisfaction que la rénovation pédagogique se poursuit, notamment avec la mise en place de cursus de mastère, afin de relever le défi européen.
C'est le même souci de lisibilité internationale qui justifie la poursuite de la politique des pôles de compétences. Cette priorité, en dépit d'exemples de regroupement, tels Agrena ou Agromip, tarde encore à se concrétiser.
La faiblesse des moyens budgétaires dont disposent les établissements de l'enseignement supérieur, tant en investissement qu'en fonctionnement constitue, sans doute un frein à une action plus ambitieuse et risque au demeurant de priver d'une partie de ses effets le processus de contractualisation engagé entre l'Etat et ces établissements.
Reconnaissant l'effort nécessaire engagé par le Gouvernement pour contenir les déficits publics, permettez-moi de m'inquiéter des conséquences d'une telle rigueur sur le fonctionnement de l'enseignement agricole.
Monsieur le ministre, je connais votre volonté d'en préserver l'excellence, et c'est pourquoi je soutiens vos efforts pour l'adapter aux mutations actuelles.
En conclusion, j'indique que la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement agricole pour 2004. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur pour avis.
M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour les prestations sociales agricoles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le BAPSA est mort, vive le BAPSA ! Ainsi pourrait-on paraphraser la formule consacrée de l'histoire de France pour désigner ce moment particulier que le régime des prestations sociales des non-salariés agricoles vivra en 2004.
Notre excellent collègue Joël Bourdin, rapporteur spécial, ayant fait, fidèle à son habitude, une présentation claire du projet de budget pour l'agriculture pour 2004, je n'y reviendrai pas.
Cette année sera marquée, en effet, à la fois par une grande continuité et par une mutation fondamentale : le fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles succédera alors au BAPSA et reprendra ses missions, ses financements et une large partie de son mode de fonctionnement.
Cette mutation ne doit pas être ressentie avec crainte. Elle doit plutôt être perçue comme une opportunité, à la condition que l'identité même de la protection sociale soit respectée, et j'évoquerai ce point dans un instant.
Le projet de budget du BAPSA pour 2004 s'inscrit dans la continuité des années précédentes et préserve l'essentiel : la solidarité nationale, que je soutiens. Il appelle néanmoins des précisions et des commentaires sur plusieurs points.
Il s'agit tout d'abord de la recette provenant des produits du tabac. Le remplacement de la recette de la TVA par le versement de plus de la moitié des droits perçus sur les tabacs représente un avantage à court terme. Pour l'avenir, il faudra cependant veiller à ce que la protection sociale agricole ne pâtisse pas d'une éventuelle baisse de rendement de ces taxes liée à une chute parallèle de la consommation, qui est d'ailleurs souhaitable au nom des impératifs de santé publique, comme nos précédents débats l'ont abondamment démontré.
Il s'agit ensuite du niveau de la subvention d'équilibre versée par l'Etat. Celle-ci est ramenée à zéro cette année grâce précisément au remplacement de la recette de la TVA par la recette « tabac ». On remarquera toutefois que cette ligne est maintenue et qu'elle pourra et devra sans doute être abondée en temps que de besoin.
Par ailleurs, deux ajustements seront opérés cette année pour améliorer les recettes du BAPSA : l'augmentation du taux de la cotisation de solidarité et le passage de 400 à 600 SMIC horaire de l'assiette minimum de cotisation. Cependant, il faut bien reconnaître qu'ils interviennent tous deux dans un contexte difficile sur le plan du revenu agricole, après les intempéries et la sécheresse de cet été.
Mais, de façon générale, plus de quarante ans après la création du BAPSA, on constate que la situation des exploitants agricoles s'est rapprochée de celle des autres assurés sociaux et que le niveau des cotisations apparaît désormais proche, sinon équivalent.
Quatre réformes majeures sont ainsi intervenues depuis 1992 : la revalorisation des petites retraites de 1994 à 2002, la réforme des accidents du travail en 2001, la création de la retraite complémentaire obligatoire en 2002, et la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, comportant notamment la mensualisation des retraites de base.
L'effort de la nation en faveur de la protection sociale agricole n'est pas justifié uniquement par des facteurs démographiques, il l'est aussi parce que l'agriculture représente le secteur de notre économie qui a connu la mutation la plus sensible depuis la Libération. En permettant que les prix agricoles se situent à un niveau bas, l'agriculture a, en quelque sorte, « distribué » ses gains de productivité au reste de l'économie. Il est donc légitime qu'elle en soit récompensée.
Je souhaite également rendre hommage ici au travail réalisé par la MSA, la mutualité sociale agricole. Grâce à son action de proximité, à une gestion responsable et à la richesse de ses interventions dans le domaine sanitaire et social, elle a fourni un apport irremplaçable à la protection sociale agricole.
Mais je veux aussi souligner que certaines catégories d'exploitants agricoles, comme les aides familiaux ou les conjoints, auront encore besoin d'un rattrapage, notamment en matière de retraite. C'est indispensable.
A ce propos, la baisse de la population agricole offre malgré tout des marges de manoeuvre, en dégageant des crédits susceptibles d'être affectés, notamment, à ces nouvelles priorités.
S'agissant du FFIPSA, la discussion en première lecture à l'Assemblée nationale a déjà permis de mieux cerner le nouveau dispositif et d'apporter quelques assurances, notamment pour ce qui concerne le futur contenu du débat parlementaire après la disparition du BAPSA.
Il est bien normal que subsiste le principe de ce débat dès lors qu'une dotation budgétaire destinée, le cas échéant, à équilibrer ce fonds peut être apportée en cours d'année par l'Etat.
Nous considérons également qu'il serait légitime qu'un débat spécifique consacré au financement de la protection sociale agricole soit organisé au cours de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Mais nous souhaitons éviter qu'après le vote de ce BAPSA 2004 il nous faille attendre 2006 pour qu'un examen approfondi de la protection sociale agricole ait de nouveau lieu eu Parlement.
Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances pour la protection sociale agricole interviendra, avec un an d'avance, c'est-à-dire dès 2005, et qu'un programme spécifiquement consacré à la protection sociale agricole sera créé dans le budget du ministère de l'agriculture ?
En définitive, ce BAPSA 2004 confirme et conforte l'effort de la nation en direction des exploitants agricoles. Tout comme la commission des affaires sociales, qui a émis un avis favorable, je vous invite, mes chers collègues, à l'adopter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 97 minutes ;
Groupe socialiste, 54 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 22 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 19 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Louis Moinard.
M. Louis Moinard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, s'il représente 5 milliards d'euros hors BAPSA, n'est pas le seul à oeuvrer en faveur des secteurs de votre compétence ministérielle. C'est dire la place que ces derniers occupent dans notre société.
Vous me permettrez, compte tenu du temps qui m'est imparti, de m'attacher à une question qui, certes, ne relève pas seulement de votre ministère mais qui, pour moi, est essentiellement agricole : je veux parler de la validation par le comité de pilotage Natura 2000 du marais poitevin d'un document d'objectifs, ou DOCOB.
C'est une question essentiellement agricole parce que la plupart des objectifs et des mesures touchent l'activité agricole et concernent l'avenir des agriculteurs et parce que le Marais poitevin est une zone humide façonnée tout au long des siècles pour être assainie et cultivée.
Le Marais poitevin est un territoire aux enjeux environnementaux forts du fait de l'intérêt biologique et de la dimension patrimoniale qu'il représente. Les préoccupations peuvent sembler contradictoires : l'environnement ou l'agriculture ! Eh bien non !
Pour moi, la protection de l'environnement ne peut passer que par l'agriculture, même dans le Marais poitevin. L'écologie, dont nous devons collectivement nous préoccuper, est l'art de gérer le développement et non de figer le passé. (M. le ministe fait un signe d'approbation.) L'exclure de l'agriculture directement ou par l'intermédiaire d'un DOCOB tel qu'il est présenté aujourd'hui est une erreur. N'oublions pas que, dans quelque secteur d'activité que ce soit, lorsqu'on impose trop de contraintes, les anciens courbent l'échine et attendent la retraite, mais les jeunes s'en vont. Toutefois, je garde confiance : avec les services de l'Etat, avec les agriculteurs et les élus locaux, tous responsables, nous pouvons trouver les solutions d'une agriculture durable, économiquement forte et écologiquement raisonnable. J'ai d'ailleurs participé hier à une réunion du comité consultatif organisée par M. le préfet de la région Poitou-Charentes.
Des questions restent sans réponse, et cela ne peut que susciter la révolte du monde agricole, notamment des questions de fond : quelle agriculture dans le Marais poitevin ? Avec quels moyens financiers ?
La protection de l'environnement est, à juste titre, au coeur des préoccupations d'une grande majorité de nos concitoyens, et je l'ai toujours pratiquée aussi bien comme exploitant agricole que comme maire de ma commune.
Il ne faut pas oublier que l'entretien de ce secteur passe par l'exploitation et la rentabilité des prairies, à l'aide d'animaux, principalement de bovins.
Quels droits à produire seront disponibles et comment seront données les autorisations d'implanter ou de renouveler des bâtiments d'élevage ?
Quelles perspectives voulez-vous dessiner pour les agriculteurs, et tout particulièrement pour les jeunes ?
S'agissant de l'hydraulique, quels niveaux d'eau maintenir suivant les saisons ? Les niveaux d'eau influent sur le développement de la mytiliculture dans la baie de l'Aiguillon, qui produit les moules de bouchots de Charron, chères à la région Poitou-Charentes et à notre Premier ministre, et permettent de constituer des réserves en prévision des périodes estivales pour les habitants, l'agriculture et le tourisme.
Laisser croire que l'eau est un produit rare est une erreur, mais il faut l'utiliser judicieusement et développer des réserves afin de pouvoir les utiliser en période d'étiage.
Le sujet est vaste et passionnant.
En conclusion, je voudrais rappeler à mes collègues que le Marais poitevin, qui concerne trois départements et deux régions, est une zone humide dont l'intérêt écologique n'est plus à démontrer.
Toutefois, il ne continuera à respirer que par la présence des hommes et des femmes qui l'entretiennent. Sans les agriculteurs, il deviendrait une grande friche écologique.
Nos territoires ont reçu des aides non négligeables de l'Union européenne pour leur permettre de combler leurs retards en termes de développement. La construction de l'Europe doit conforter ce développement harmonieux, équilibré et durable, à la fois pour la protection de l'environnement, tout particulièrement des zones humides, et pour l'épanouissement de ses habitants, en les aidant au lieu de les condamner.
Monsieur le ministre, vous comprenez le monde agricole, vous l'avez prouvé. Vous avez déjà fait preuve de pugnacité. Le Marais poitevin a besoin et de votre compréhension et de votre action, pour trouver des réponses sérieuses et honnêtes.
A la veille de l'examen devant le Parlement du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, je vous rappelle que l'aménagement du territoire est l'affaire de tous. Si vous voulez le réussir, il faut convaincre l'Union européenne d'investir des moyens, ainsi que la France. Ces moyens doivent être la reconnaissance du travail accompli, de l'adaptation aux mesures décidées par tous les partenaires et non des aides à l'abandon ; ce serait une dénégation totale du travail pour une société qu'ensemble, je le sais, nous refusons. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine.
M. Jean-Paul Emorine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Saône-et-Loire détient le plus important cheptel allaitant français, de l'ordre de 226 000 vaches, de race charolaise en quasi-totalité, dont 25 000 sont inscrites au Herd Book charolais, organisme de contrôle et de sélection génétique de la race charolaise. Le département constitue le berceau de la race charolaise, mondialement connue. C'est une fierté pour le sénateur de la Saône-et-Loire que je suis, ainsi que pour tous les habitants de ce beau département, mais surtout pour les éleveurs qui font la renommée de notre bassin d'élevage.
Je voudrais rappeler que, devenant de plus en plus technique en raison de l'exigence des consommateurs sur la qualité des produits, avec une nécessité d'absence de risque sanitaire, le métier d'éleveur requiert un niveau de compétence de plus en plus élevé.
Dans le contexte actuel de prise en compte des concepts d'agriculture raisonnée et de développement durable, la génétique a un rôle majeur. Elle permet d'intégrer les exigences de la société et des filières pour le maintien d'une activité rurale forte, le bien-être animal, la sécurité alimentaire, la santé humaine et la préservation de la biodiversité.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je me permets de regretter la baisse des crédits nationaux pour les programmes génétiques. Il serait dommageable de prendre du retard dans ce domaine, et j'aimerais que vous puissiez nous donner des apaisements sur ce point.
La mission sénatoriale d'information sur l'avenir de l'élevage, que j'ai eu l'honneur de présider, a dressé, voilà tout juste un an, un constat préoccupant de la situation de l'élevage dans notre pays, en particulier de l'élevage herbager.
Avec mes collègues membres de cette mission, nous avions formulé un certain nombre de propositions, mettant l'accent sur la politique d'installation.
J'observe avec satisfaction, monsieur le ministre, que, dans le budget de 2003, la création du fonds d'incitation et de communication pour l'installation en agriculture, doté de 10 millions d'euros, a permis le redémarrage des programmes pour l'installation des jeunes en agriculture et le développement des initiatives locales. Cette dotation est heureusement reconduite en 2004 avec, de surcroît, une amélioration de la dotation aux jeunes agriculteurs, la DJA, qui sera versée en une seule fois. La création du FICIA et sa dotation sont des éléments très positifs, tout comme la décision de faire de la DJA l'objet d'un versement unique. Les crédits inscrits au projet de budget de l'agriculture directement destinés à l'installation augmentent de 7 % en 2004, et nous nous en félicitons.
Par ailleurs, la mission avait proposé d'encourager le maintien et le développement de l'élevage herbager sur des terres pour lesquelles il n'existe, bien souvent, aucune alternative agricole possible. Elle avait notamment proposé la création d'une prime herbagère agri-environnementale. C'est donc avec une grande satisfaction que nous avons vu, cette année, la création de cette nouvelle prime destinée aux anciens bénéficiaires de la prime à l'herbe et aux jeunes qui s'installent sur les territoires concernés.
Dans le budget pour 2004, le montant de la prime est revalorisé de 70 % en moyenne par rapport à la prime à l'herbe, et je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir réussi cet exploit, car nous savons que la Commission européenne en avait refusé le maintien. Il en est de même d'ailleurs pour la prime à la vache allaitante pour laquelle vous vous êtes battu à Bruxelles.
Les crédits de bonification des prêts à l'agriculture inscrits dans le projet de loi de finances pour 2004 sont reconduits. Qu'en est-il, monsieur le ministre, de notre proposition de création d'un prêt de carrière bonifié à longue échéance, afin d'aider davantage les jeunes à faire face à leurs charges ?
Nous avions proposé, en outre, d'améliorer l'environnement économique et juridique des exploitations, en particulier par un renforcement des soutiens aux équipements, par l'allégement des contraintes de la réglementation environnementale et urbanistique, ainsi que par une facilitation du recours aux groupements d'employeurs et aux services de remplacement.
Enfin, nous avions suggéré que soit engagée une réflexion sur la possibilité d'alléger la taxe sur le foncier non bâti pesant sur les terres agricoles les moins productives pour encourager le maintien des animaux dans les zones menacées de déprise.
S'il n'y a pas eu de crise conjoncturelle majeure cette année, semblable à celle de l'an 2000, on ne peut oublier la sécheresse de cet été et cacher l'inquiétude des éleveurs face à la pénurie de fourrage, qui risque de leur poser de gros problèmes de trésorerie.
De plus, avec la mise en place de la réforme de la PAC, les risques de déprise agricole à l'échelle européenne sont très grands. La France, représentant le plus gros cheptel, ne pourra y échapper. Ainsi, les effets structurels latents, couplés avec une réforme de la PAC, vont peser lourdement sur le devenir de l'élevage bovin en France.
S'agissant du cas de la filière veau de boucherie, la situation en France est particulière. Une grande partie des veaux est vendue dans les pays tiers, et notamment en Italie où ils sont engraissés, ce qui entraîne une perte de plus-value. Cependant, les aides PAC actuelles, notamment la prime à l'abattage, soutiennent la filière. Avec la réforme, les aides couplées se feront moindres et vont en conséquence mettre en déprise une filière fragile.
Face à cette perspective inquiétante, les éleveurs français ne sont pas à l'abri d'une crise structurelle.
Président du groupe sénatorial de l'élevage, je me permets d'en appeler à votre détermination, monsieur le ministre, pour que l'avenir des éleveurs français, notamment dans la compétition internationale, soit préservé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget de l'agriculture pour 2004 n'échappe pas à la règle quasi générale des restrictions budgétaires opérées par le Gouvernement. Le mécontentement grandit chez les agriculteurs, les marins et les retraités.
« C'est un budget qui ne peut pas améliorer le moral des agriculteurs », a dit M. de Benoist, de la FNSEA. En effet, la profession s'attendait à beaucoup mieux, surtout de la part d'un gouvernement qu'elle a largement contribué à mettre en place.
Ce débat se situe dans un contexte national marqué par le gel au printemps, la sécheresse en été et des crises durables, notamment dans les secteurs de l'aviculture et du porc, qui frappent de plein fouet tout particulièrement la région Bretagne.
Ce débat intervient également dans un contexte européen où l'accord du 26 juin dernier vient encore aggraver la politique agricole commune, dont les communistes n'ont jamais partagé les objectifs, les moyens et les finalités.
Enfin, l'échec des négociations de l'OMC à Cancùn laisse libre champ à la situation actuelle, c'est-à-dire à la loi des plus forts. Cet échec favorise les accords bilatéraux au détriment d'une nécessaire OMC garante du respect des peuples, des pays et de leur développement harmonieux et équilibré.
Parler d'agriculture sans avoir à l'esprit les interactions des échelons locaux, communautaires et mondiaux ne permet pas d'appréhender la complexité des problèmes. Cet état de fait est cependant trop souvent un prétexte facile pour rejeter les responsabilités sur l'autre. Chacun doit assumer ses décisions. C'est pourquoi, tout à l'heure, je développerai notre conception de l'agriculture dans le cadre de la souveraineté alimentaire de chaque pays.
Je ferai quelques observations à propos du projet de budget pour 2004. Il s'élève à 4,975 milliards d'euros, en baisse formelle de 3,8 %, soit de 202 millions d'euros. Mais il est en reconduction par rapport à 2003, si l'on tient compte de certaines données. Les changements de périmètre et les redéploiements portant sur le fonds national de développement des adductions d'eau et le service public de l'équarrissage ne contribuent pas à en faciliter la lecture et pénalisent lourdement les départements à forte vocation agricole qui connaissent des problèmes environnementaux, comme celui des Côtes-d'Armor.
Les crédits prévus pour les contrats territoriaux d'exploitation, les CTE, et les contrats d'agriculture durable, les CAD, s'élèvent à 225 millions d'euros et ne suffiront pas à financer les CTE. Il est vrai que les CAD restent cloués au sol, plus d'un an après leur mise en place, faute de mesures réglementaires.
Le succès et le coût des CTE vous ont effrayé, monsieur le ministre ; il est vrai que les CTE étaient la mesure phare de la loi d'orientation agricole que vous et vos collègues de la majorité avez combattue.
Les fonds prévus pour lutter contre les crises agricoles et la régulation des marchés sont en retrait - le dispositif Agridif, agriculteurs en difficulté, le fonds d'action culturelle, le budget des offices - dans une période où de très nombreux exploitants souffrent des crises qui s'ajoutent aux aléas climatiques, lesquels, cette année, ont été particulièrement difficiles à vivre.
Le service public d'équarrissage sera désormais prélevé au niveau des abattoirs et cofinancé par la TACA, la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, dont les fonds étaient destinés, à l'origine, aux petits commerçants, afin d'atténuer les dégâts de la grande distribution.
Il y avait déjà détournement vers le budget général des excédents de la TACA, soit plus de 90 millions d'euros en 2002. Cette taxe n'aidera plus le petit commerce à vivre, car, désormais, il y aura détournement du sens même de cette taxe. Il sera également essentiel, monsieur le ministre, de veiller à ce que le financement du service public d'équarrissage ne se répercute ni sur les producteurs, ni sur les consommateurs, ni sur les salariés de l'agroalimentaire, qui travaillent dur pour des salaires beaucoup trop modestes.
Enfin, les crédits destinés à valoriser des produits et à favoriser l'exportation enregistrent une baisse de 26 %, ce qui est fort préjudiciable à des secteurs comme la viticulture.
Quant au budget de la gestion durable des forêts, je ne peux que condamner la baisse de 20 millions d'euros sur le versement compensateur de l'ONF, ainsi que la suppression des postes de fonctionnaires à l'ONF et le doublement des frais de garderie qui va en résulter.
En effet, alors que les conséquences de la tempête de 1999, cumulées à celles de la canicule de cet été, ont été dramatiques et ont fragilisé le monde rural, le Gouvernement se désengage du service public forestier, au détriment des communes forestières, qui devront en supporter le coût. Or, vous le savez, monsieur le ministre, c'est l'entretien et la surveillance des forêts qui restent encore le meilleur moyen de prévenir les incendies.
Ce budget est réduit à une peau de chagrin ; les conséquences néfastes de vos arbitrages budgétaires ne tarderont pas à apparaître. A l'heure où le Gouvernement ne cesse de réaffirmer son attachement au principe de Johannesburg en matière de développement durable, votre budget ne fait que démentir cette volonté, et l'on peut s'interroger alors sur la crédibilité de la France sur la scène internationale.
Les revenus de l'agriculture française sont à la fois insuffisants et « artificialisés » par un régime d'aides qui atteint 55 % du revenu. C'est aberrant. La remise en cause des aides à l'exportation et le découplage partiel vont bousculer cet édifice déjà fragile et tendre à la renationalisation de la PAC.
Les aides devraient servir prioritairement à compenser les handicaps des zones et des activités les plus défavorisées, et être ciblées sur les petits producteurs. La politique des prix basés sur le prix mondial et les distorsions de concurrence liées à la politique du Farm Bill américain et aux bas salaires des pays émergents viennent justifier et conforter un système d'aides qui culpabilise le monde agricole en dévalorisant son travail, qui déstabilise l'agriculture européenne et rend dépendantes les populations des pays en voie de développement et les pays les moins avancés.
Il faut, au contraire, évoluer vers des prix rémunérateurs liés aux prix de revient, en harmonie avec le niveau de vie du pays, en contrôlant le jeu subtil et destructeur des importateurs, en interdisant la vente à perte, en durcissant la loi relative aux nouvelles régulations économiques, notamment en direction de la grande distribution et des marges abusives.
Qui m'expliquera pourquoi les intégrateurs ruinent des aviculteurs en leur refusant 1 centime de franc par oeuf qui leur rapporterait près de 15 000 euros supplémentaires par an pour un élevage de 30 000 pondeuses ? Même si cette hausse était répercutée, elle ne serait que de 2 centimes d'euro la douzaine.
Qui me dira pourquoi le cours du porc se situe autour de 1 euro le kilo depuis des mois alors que 1,40 euro est nécessaire à la survie des producteurs ? Ce cours de 1,40 euro doit immédiatement être imposé aux groupements d'acheteurs, et la vente à perte interdite.
Quand on sait qu'un porc transformé est vendu jusqu'à huit fois le prix payé au producteur, cela donne à réfléchir sur notre système commercial - et je pourrais élargir ce débat à d'autres productions comme le lait ou les fruits et légumes.
Seule une agriculture rémunératrice permettra aux agriculteurs de se moderniser, d'investir dans l'environnement, d'avoir une capacité contributive supérieure au volet social, et surtout de donner envie aux jeunes générations de s'installer.
S'agissant de l'installation, justement, notre groupe sollicite depuis des années les gouvernements successifs pour obtenir qu'une aide substantielle soit accordée aux très nombreuses installations hors dotation d'installation aux jeunes agriculteurs. La profession et son syndicat dominant avaient manifestement fixé la barre un peu haut à une époque où il était à la mode de supprimer les exploitants les plus fragiles pour que les autres s'en tirent mieux ; l'histoire a montré que ce raisonnement ne tenait pas. Ayant cru sentir une évolution sur cette question sur le plan syndical, mais également chez des parlementaires de toutes les tendances, je vous invite, monsieur le ministre, à engager des pourparlers avec la profession afin que cette situation injuste trouve au plus vite une issue favorable. Je vous serais donc très reconnaissant de bien vouloir m'informer de vos intentions sur cette question.
Cette mesure, j'en suis conscient, ne réglera pas tout si elle n'est pas accompagnée d'un plus grand investissement en faveur de la formation à une agriculture durable et d'une réelle perspective de développement de la profession par des prix rémunérateurs.
Le foncier constitue un autre obstacle de taille, monsieur le ministre. Depuis dix ans, les prix augmentent sous la pression de nos voisins européens, de la course à l'agrandissement et des mutations de la sociologie rurale. Tout cela a pour effet d'exclure l'installation de nombreux jeunes, de rendre financièrement intransmissibles les exploitations et de développer l'agriculture industrielle et de capitalisation.
Notre groupe propose de revoir les critères de détermination de la surface de référence qui conditionne la viabilité économique de l'exploitation agricole. Je veux vous donner un exemple, monsieur le ministre. Il y a peu, j'ai visité une exploitation de 65 hectares - formule CEDAPA - qui, avec 260 chèvres et 90 brebis, fait vivre huit personnes à temps plein. Cet exemple montre que la surface de référence ne signifie pas grand-chose et que la valorisation et la qualité des produits peuvent bousculer bien des préjugés administratifs.
Nous aurons certainement l'occasion, au cours du débat relatif au projet de loi rurale, de vous proposer une démocratisation des SAFER, les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, et leur attribution d'un droit préférentiel d'acquisition des terres en faveur des jeunes et d'une agriculture paysanne. Le développement des groupements fonciers agricoles, les GFA, peut aussi faciliter l'installation et la transmission des exploitations.
Enfin, nous préconisons une agriculture de dimension humaine, familiale ou associative, productive et non productiviste, dans le respect de l'environnement.
Il en va de l'aménagement du territoire et de la vitalité de notre ruralité. La qualité et la diversité des produits viendront ou reviendront à ce prix. Ce que nous combattons, c'est l'intégration qui paupérise le monde agricole, c'est l'agriculture industrielle qui pollue et échappe à la paysannerie au profit des financiers de l'agrobusiness, c'est la chute dramatique du nombre d'exploitations dans nos campagnes.
Avant de conclure, monsieur le ministre, j'évoquerai de nouveau le contexte mondial. A défaut de voir sous peu une démocratisation de l'OMC à la faveur d'échanges équilibrés, du développement des pays les moins avancés et des pays en voie de développement, et surtout du droit des peuples à se nourrir eux-mêmes, nous pensons qu'il faut peser pour sortir l'agriculture de l'OMC.
Le droit de chaque pays à tendre vers la souveraineté alimentaire doit être reconnu et favorisé par des échanges équilibrés et des coopérations renforcées.
L'Europe, la France en particulier, ont tout à gagner à soutenir une telle démarche face aux Etats-Unis et au groupe de Cairns, qui tentent d'asservir le monde par l'arme alimentaire.
En conclusion, monsieur le ministre, sans négliger certains combats utiles que vous avez pu mener au service de l'agriculture, votre projet de budget, qui déçoit l'ensemble de la profession, ne peut naturellement nous convenir. Nous voterons donc contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, annus horribilis, c'est ainsi que certains de nos agriculteurs pourraient nommer l'année qui s'achève, car rien ne leur aura été épargné : ni le gel, ni une sécheresse inhabituelle devenue caniculaire qui a tué des personnes, du bétail, et entraîné la disparition d'exploitations agricoles, ni les inquiétudes nées des négociations agricoles sur le plan communautaire et international, négociations sur lesquelles les agriculteurs français savent ne pouvoir guère peser mais dont ils dépendent étroitement.
Face à ce sentiment d'impuissance, monsieur le ministre, vous vous battez pour offrir aux agriculteurs français des perspectives dans un contexte climatique exceptionnel dont on n'a pas fini d'évaluer les conséquences humaines et économiques. Avec un budget simplement reconduit, comment allez-vous répondre à leurs inquiétudes ?
Indemnisation de la sécheresse, mise en oeuvre des contrats d'agriculture durable, problèmes d'installation : tels sont les points que j'aborderai avant d'insister sur la nécessité d'assurer le respect du financement de la politique agricole commune jusqu'en 2013.
Monsieur le ministre, vous avez réagi rapidement face à la sécheresse. Aujourd'hui, il semble cependant que les montants et les conditions d'éligibilité soient perfectibles. Il apparaît en effet que les dispositifs « calamités » en place ne compensent que très partiellement la perte de production et que les critères d'éligibilité au fonds excluent trop d'exploitations. Ainsi, monsieur le ministre, envisagez-vous d'étendre l'éligibilité au fonds national de garantie des calamités agricoles aux exploitations céréalières ? Ces dernières représentent en effet 50 % des grandes exploitations du Gers, et l'impact économique de la sécheresse sur les exploitations agricoles gersoises, qui est évalué à 80 millions d'euros, est loin d'être compensé. Le fonds d'allégement de la charge financière des agriculteurs devrait être abondé en conséquence.
Je sais que le fonds Agridif et le FAC sont soumis aux règles communautaires et offrent moins de latitude qu'auparavant. De quelles marges de manoeuvre disposez-vous, monsieur le ministre ?
Je souhaite également souligner les difficultés accrues de trésorerie que rencontrent les éleveurs du fait de la sécheresse et de l'éligibilité à certaines aides. Pour prétendre à l'indemnité compensatoire aux handicaps naturels, il faut être à jour de cotisations sociales et retirer au moins 50 % de son revenu de l'activité agricole. La revalorisation à hauteur de 20 millions d'euros de l'ICHN constitue un signe fort pour les zones défavorisées, mais elle sera vraisemblablement peu efficace. Ainsi, chaque année, plusieurs dizaines de dossiers sont rejetés dans mon département. Les éleveurs ne sont pas toujours à jour de leurs cotisations, car ils n'en ont pas les moyens. Ils seront encore moins nombreux à pouvoir satisfaire à ce critère au moment où ils auront le plus besoin de cette aide. Comment pouvons-nous sortir de ce paradoxe ?
Vous avez recadré les dispositifs mal ou pas financés, monsieur le ministre, comme les contrats territoriaux d'exploitation. Votre circulaire du 10 octobre 2002 devait permettre de clarifier le traitement des dossiers selon la date à laquelle ils étaient signés, instruits ou simplement déposés.
L'augmentation de 50 millions d'euros de la dotation du CTE et du nouveau contrat d'agriculture durable permettra sans doute d'apurer en 2004 les dossiers qui ont déjà été acceptés. De nouveaux dossiers pourront-ils être financés ? Qu'adviendra-t-il des 300 dossiers en souffrance dans le département du Gers ? Vous avez réussi à recentrer un dispositif tout en conservant la démarche contractuelle, mais, au-delà, les agriculteurs souhaitent maintenant être rassurés sur la durabilité du financement des contrats d'agriculture durable.
Enfin, face à la baisse continue du nombre d'installations, vous renforcez la dotation aux jeunes agriculteurs qui, après avoir été étendue jusqu'à l'âge de trente-neuf ans, sera versée en une seule fois, et vous augmentez de 10 % le fonds d'incitation et de communication pour l'installation en agriculture, que vous avez créé en 2003. Au-delà de ces mesures fortes mais sans doute encore insuffisantes, envisagez-vous une réflexion globale sur l'installation ?
Sur le plan communautaire, vous avez mené à bien des négociations qui semblent offrir des perspectives solides à moyen terme : le plafond du budget de la PAC est fixé jusqu'en 2013 dans une Europe à vingt-cinq et combiné à une réforme de la PAC visant à rendre la position européenne plus tenable dans les négociations au sein de l'OMC.
Ce résultat est confronté à deux risques majeurs : celui de la dilution des crédits de la PAC à compter de 2007 dans une nouvelle rubrique « développement durable » bien plus large que la rubrique actuelle, et celui que les importantes dépenses agricoles prévues pour la Roumanie et la Bulgarie lors de leur adhésion soient prises sur cette enveloppe et non ajoutées. Monsieur le ministre, quelles actions allez-vous conduire auprès de vos homologues et de la Commission pour assurer le respect intégral de cet accord ?
Promouvoir une agriculture économiquement forte et écologiquement responsable, tel demeure votre objectif, monsieur le ministre, et nous le partageons. Aussi la majorité du groupe du Rassemblement démocratique et social européen votera-t-il votre budget, afin que vous puissiez poursuivre votre action en faveur des agriculteurs et du monde rural. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le ministre, avec un budget de moins de 5 milliards d'euros, vous présentez aux agriculteurs de notre pays un soutien de l'Etat qui n'évolue pas, voire qui régresse de 4 % environ, si l'on tient compte de la prise en charge du service public de l'équarrissage par la filière viande au risque de l'affaiblir, ainsi que de la disparition de la dotation transitoire à l'ADAR, la nouvelle Agence du développement agricole et rural.
L'agriculture n'est visiblement par la priorité du Gouvernement.
M. André Lejeune. Malheureusement !
M. Jean-Marc Pastor. Comme ne manque pas de le souligner l'APCA, l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, c'est un budget « répondant à l'urgence du court terme, sans marges pour conduire des actions nouvelles (...), un budget conduisant à se priver de tout outil d'orientation au niveau national ». Il n'y a pas de quoi pavoiser ni dissiper le doute qu'éprouvent de nombreux agriculteurs, notamment les plus jeunes d'entre eux, en ce qui concerne leur avenir.
J'évoquerai rapidement quelques caractéristiques de ce budget avant de laisser la parole à mes collègues qui en développeront les différents aspects, qu'il s'agisse de la pêche, plutôt raisonnable, dirais-je, du BAPSA, des offices interprofessionnels ou encore des contrats d'agriculture durable.
Le budget de l'agriculture ne reflète pas les moyens qui sont réellement dévolus à l'agriculture en raison, d'une part, des autres concours publics provenant de l'Europe et des collectivités locales et, d'autre part, des reports et annulations de crédits fréquemment utilisés par le Gouvernement en cours d'année. Cependant, il reste un outil d'impulsion.
En premier lieu, l'impulsion pour 2004 semble concerner les indemnités compensatoires de handicap, qui progressent mais demeurent cependant insuffisantes pour arrêter l'hémorragie des effectifs d'éleveurs dans les petites exploitations de montagne.
En deuxième lieu, certes, la dotation aux jeunes agriculteurs sera versée en une seule fois après le dernier semestre de 2004. Cependant, le fonds d'incitation et de communication pour l'installation en agriculture que vous avez créé l'an dernier n'a pas encore fait la preuve de son efficacité, loin de là.
Il faut se préoccuper de ceux qui veulent s'installer hors du cadre familial et hors DJA. Quelles assurances pouvez-vous nous apporter à ce sujet, monsieur le ministre ? La mission sénatoriale conduite par notre collègue Jean-Paul Emorine sur l'avenir de l'élevage vous avait fait des suggestions l'an dernier. Quelles suites leur avez-vous accordées, notamment sur les pistes concernant le long terme ?
Quant à la dotation pour les CTE que vous avez choisi de suspendre et de transformer en CAD, elle correspond à un effet d'affichage, car l'essentiel des crédits sera affecté aux CTE en cours. Il faudra vous hâter, monsieur le ministre, de signer des CAD et de fixer des objectifs quantitatifs afin de faire de 2004 une année réussie en la matière, car, pour le moment, il n'y a rien de nouveau !
En dehors de ces priorités, plusieurs actions préoccupent la profession. Je ne fais que rapporter ce qu'elle constate : la baisse de 2 % de la dotation aux offices succède à une diminution de 15 % en 2003, ce qui remet en cause les politiques des interprofessions en matière de qualité, de sécurité sanitaire et de renforcement de l'organisation économique, pourtant nécessaires à notre pays.
La diminution de 42 % des crédits Agridif n'est pas non plus un signe rassurant quand nous savons dans quel état de précarité se trouvent certains professionnels, précarité encore aggravée par la sécheresse de l'été dernier. Du reste, comment comprendre la diminution simultanée des crédits destinés à l'hydraulique dans un tel contexte ?
Je tiens également à mentionner l'absence de ligne de force en ce qui concerne le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le PMPOA, alors que les questions d'environnement sont devenues des sujets de société. La chute des crédits de paiement de plus de 50 % est en contradiction avec les efforts accomplis par ailleurs par les collectivités locales en matière de lutte contre les pollutions.
Monsieur le ministre, vous le dites vous-même, le budget de l'agriculture est à comparer aux dépenses agricoles de l'Union européenne bénéficiant à la France, qui sont de l'ordre de 10 milliards d'euros et représentent 36 % des moyens mobilisés pour le secteur agricole. C'est dire que la dimension communautaire est incontournable.
Or, souvenez-vous, monsieur le ministre, vous avez signé ce qu'il convient d'appeler « le compromis de Luxembourg ». A notre sens, il fallait en effet se lancer dans un véritable chantier d'adaptation afin de donner des perspectives à notre agriculture dans une Europe élargie et dans un monde en mutation où les échanges commerciaux ont pris une importance singulière. Malheureusement, il n'en est rien. On piétine, et nos agriculteurs disparaissent.
Comment parler de développement rural au moment où le Gouvernement fait par exemple le choix d'abandonner la forêt ? L'accord de Berlin, en 1999, fixait, dans le cadre de l'Agenda 2000, ce qui s'est apparenté non seulement à une réponse au Fair Act américain, mais aussi à une reconfiguration qui permettait à notre pays de tirer son épingle du jeu et de définir une orientation de production vers moins de quantité, en concordance avec la loi d'orientation agricole.
L'Agenda 2000 avait prévu une clause de rendez-vous que la Commission a voulu respecter en prenant l'initiative d'une révision à mi-parcours de la PAC.
L'avenir serait au découplage, selon M. Fischler. Ce découplage, qui a fait couler beaucoup d'encre, est décrit précisément dans le rapport de notre excellent collègue Gérard César, qui concluait en avril dernier au rejet de la réforme proposée par la Commission, précisément en raison des risques de découplage. Toutefois, ce rapport nous préparait à un découplage partiel qui a d'ailleurs fait son chemin puisque le compromis a été accepté sur cette base.
Il est a priori un système incitatif pour la multifonctionnalité de l'agriculture, qui implique adéquation des moyens et renforcement d'actions de développement rural.
Il reste que ce découplage partiel auquel, semble-t-il, vous vous êtes finalement résolu, monsieur le ministre, même s'il propose le choix d'une PAC assise sur un meilleur soutien au développement rural, demeure une option encore trop difficile à jauger. Son caractère partiel ne va-t-il pas compliquer très fortement sa mise en oeuvre, et n'est-ce pas là une étape temporaire ? La répartition des fonds entre exploitations et entre régions va-t-elle être rééquilibrée dans le sens d'une plus grande équité ? Les multiples options permises aux Etats membres ne vont-elles pas effacer progressivement la nature commune de la politique agricole européenne, première politique intégrée de l'Europe des Six ?
M. André Lejeune. Bonne question !
M. Jean-Marc Pastor. Enfin, le découplage ne risque-t-il pas d'engendrer une spéculation foncière, en raison de l'instauration de droits à l'hectare transférables ?
La loi de modernisation agricole que vous projetez aura pour objet de prévoir l'application de la nouvelle PAC, et notamment l'année de mise en oeuvre. Elle est à venir.
Pour ce qui est du budget, il ne prépare en rien cette mutation de la PAC qui a été validée et n'offre pas de perspectives ni dans ses orientations ni dans le niveau de ses crédits. Le groupe socialiste, monsieur le ministre, n'est pas en mesure de le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. Gérard Le Cam applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage. Monsieur le ministre, en cette période où la croissance nous fait cruellement défaut, le budget en discussion est forcément difficile mais, pour ce qui est de l'agriculture, vous maintenez les crédits à périmètre constant.
Vous avez eu à prendre en charge l'année dernière, et vous les subissez encore, les ardoises non gagées que vous a laissées le gouvernement précédent : retraites complémentaires votées, mais non financées, conséquences des 35 heures, CTE, entre autres.
Dans ce contexte, votre budget fait tout de même face à l'essentiel. Je le voterai, d'autant plus que vous vous battez avec énergie et efficacité pour défendre notre agriculture et nos agriculteurs au niveau tant national qu'européen, voire mondial.
Je voudrais attirer votre attention sur deux points : le financement des calamités agricoles et les offices. En outre, je vous poserai deux questions.
Tout d'abord, concernant le financement des calamités, 2003 a été une année « exemplaire », si vous me permettez l'expression, monsieur le ministre, en matière de calamités agricoles. Rien ne nous a été épargné, rien ne vous a été épargné : gel, sécheresse, orages, voire incendies.
Je suis bien conscient, monsieur le ministre, que, grâce à vos efforts et à votre savoir-faire, des moyens vont être débloqués dans la loi de finances rectificative, et je vous en suis très reconnaissant. (M. Bernard Piras s'esclaffe.) D'autant que, si toute la France a été touchée par la canicule et la sécheresse, près de la moitié de mon département, le Lot-et-Garonne, a été douloureusement frappée par un très violent orage.
Les arboriculteurs, en particulier, ont été durement touchés, certains ayant perdu la quasi-totalité de leur verger. En tant que maire d'une commune qui s'est trouvée au coeur de l'orage, je tiens à vous remercier, ainsi que vos collaborateurs, pour votre écoute et votre action en faveur des sinistrés.
Permettez-moi de regretter néanmoins que 130 millions d'euros aient été prélevés l'année dernière sur le fonds national de garantie des calamités agricoles. Si ce prélèvement n'avait pas eu lieu, il vous aurait été certainement plus facile d'indemniser rapidement et efficacement les agriculteurs.
Les bouleversements climatiques que nous avons connus ne sont malheureusement pas des phénomènes isolés et seront, je le crains, amenés à se reproduire. A l'avenir, et pour faire face à de telles situations, il nous faut mettre en place rapidement un système d'« assurance récolte ». Je sais que, comme les agriculteurs, vous y êtes favorable, et vous l'avez d'ailleurs rappelé voilà quelques jours à l'Assemblée nationale.
Monsieur le ministre, vous préparez une loi de modernisation de l'agriculture ; ce mécanisme d'« assurance récolte » doit absolument y figurer. Il devrait prendre en compte les pertes annuelles, ainsi que les perte de fond. Cela permettrait de responsabiliser les agriculteurs et d'aller au-delà de la logique d'indemnisation.
Je souhaite ensuite vous alerter sur le financement des offices.
Nous arrivons au terme d'un travail de réflexion sur les offices. Un rapport de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale de l'agriculture vient de paraître ; il met en relief certains dysfonctionnements. Le système doit être amélioré, certes, mais, aujourd'hui encore, ces offices sont les seuls outils à notre disposition. Les dépenses de fonctionnement étant incompressibles, toute baisse de crédits entraîne une baisse importante des crédits d'intervention.
Je suis particulièrement inquiet, et mes craintes sont partagées, devant la baisse renouvelée, qui vient s'ajouter à la baisse des crédits aux offices, baisse déjà subie l'année dernière.
M. Jean-Marc Pastor. C'est scandaleux !
M. Daniel Soulage. Il ne faut pas minimiser le rôle qu'ils jouent dans l'organisation des marchés et en matière de sécurité sanitaire, de recherche et de promotion.
Or la dotation aux offices baisse à nouveau de 2,33 %. Même si nous sommes en période de restructuration et de réforme de ces offices, cette politique va mettre en péril l'adaptation de la production aux débouchés, l'organisation des filières et la démarche « qualité ».
A titre d'exemple, monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les conséquences de cette réduction des crédits pour l'Aquitaine, s'agissant d'un office que je connais bien, l'ONIFLHOR, l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture.
Tout d'abord, il faut bien reconnaître que l'Etat se désengage à l'échelon tant national que régional. Les crédits « avenant tempête » de 1999, en Aquitaine, ont été gelés. Cela a des conséquences pour la filière des fruits et légumes. L'expérimentation, dans des structures telles que le centre interrégional d'expérimentation arboricole, le CIREA, le centre interrégional d'expérimentation de la fraise, le CIREF, et l'association interrégionale d'expérimentation légumière, l'AIREL, est actuellement en danger. Le financement des dépenses d'équipement n'est plus assuré, par exemple s'agissant des crédits concernant les serres.
Face à cette diminution du soutien public, les producteurs doivent également subir la concurrence de produits venant de pays utilisant largement les fonds structurels européens - je pense, notamment, à l'Espagne -, ce qui les fragilise encore plus.
Notre secteur des fruits et légumes connaît des difficultés : il faut, je pense, monsieur le ministre, abonder ses crédits avec des financements nationaux ou européens. Par ailleurs, il faut aussi que votre projet européen de « gestion de crise » puisse s'appliquer rapidement aux fruits et légumes.
Permettez-moi maintenant deux questions, monsieur le ministre.
Le développement de biocarburants peut être une chance pour l'agriculture européenne, tout particulièrement pour l'agriculture française, ainsi que pour notre balance commerciale et notre indépendance énergétique. C'est également une nécessité pour conserver notre environnement et limiter la pollution. En ce domaine, quelles initiatives comptez-vous prendre, monsieur le ministre, pour que la France puisse prendre la part qui lui revient ?
S'agissant d'une question plus locale, la production tabacole est gravement menacée. Vous avez rassuré les producteurs à l'occasion de leur congrès. De très nombreuses familles sont concernées par cette production. J'ai déjà eu l'occasion de vous en faire part il y a quelques semaines, dans cet hémicycle, à l'occasion du débat sur l'OMC. Monsieur le ministre, quelle sera votre politique à leur égard ?
Je vous remercie d'avance des réponses que vous voudrez bien nous apporter. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Je tiens tout d'abord, monsieur le ministre, à souligner que vous présentez un budget courageux dans un contexte budgétaire difficile, marqué par un taux de croissance qui ne nous donne malheureusement aucune marge de manoeuvre financière.
Je veux également vous dire combien j'apprécie l'engagement et la pugnacité que vous manifestez en faveur de nos agriculteurs et de nos territoires ruraux, notamment lors des discussions internationales telles que celles de Cancùn, où j'ai eu le plaisir de vous rencontrer.
Je sais l'attention toute particulière que vous portez aux nombreuses préoccupations exprimées par le monde agricole face aux multiples enjeux qui s'annoncent à l'échelon tant européen que mondial.
Au niveau européen, les conditions d'entrée en vigeur de la réforme de la PAC, décidée par l'accord de Luxembourg du 26 juin dernier, sont présentes dans tous les esprits. Il n'y a pas lieu de regretter cette réforme. Je tiens à saluer la prospective et le courage politique des uns et des autres en ce domaine, et je n'ignore pas les efforts que cet accord induit pour nos agriculteurs.
Toutefois, il est indispensable de bien définir certaines modalités et, suite à la position des Etats-Unis au travers du Farm Bill, il ne me semblerait pas irrationnel de « recoupler » le maximum d'aides, ce qui aurait un triple mérite, à la fois celui de mettre nos agriculteurs dans les mêmes conditions de concurrence économique que les farmers sur le marché agricole mondial, d'encourager les agriculteurs dans leur fonction première - produire des biens de consommation - et, enfin, de fixer sur le territoire les outils de transformation, source de main-d'oeuvre et élément fondamental de la politique d'aménagement du territoire.
Je souhaite, par ailleurs, que la simplification administrative et la rationalisation de certaines filières soit une règle absolue. Pourrez-vous nous préciser votre position, monsieur le ministre, sur ce sujet et nous dire quel sera précisément le calendrier envisagé ?
Toujours dans le cadre de la réforme de la PAC, je souhaiterais souligner que les producteurs de légumes s'inquiètent d'un effet pervers sur leur activité : les céréaliers pourraient être, en effet, tentés d'utiliser les subventions liées au découplage pour se diversifier dans la filière légumière.
Je sais que vous avez déjà pris conscience de ce risque, et je tiens d'ailleurs à vous féliciter d'avoir su éviter cette possibilité en France et d'avoir prévu deux clefs de sécurité pour l'Allemagne, lors du dernier Conseil européen, à Bruxelles, en intégrant les notions de « régionalisation » et de « quotas ».
Cependant, je m'interroge pour savoir si ces dispositions seront suffisantes. Et je vous avoue que les producteurs aimeraient être davantage rassurés.
Au niveau mondial, les dernières négociations dans le cadre de l'OMC ont rappelé à chacun, s'il en était encore besoin, toute la difficulté d'accorder des intérêts divergents.
Je regrette notamment que les pays en voie de développement, sensibles à certaines contrevérités, n'aient pas suffisamment conscience du souci de l'Europe et de la France, en particulier, de les accompagner dans leur avenir.
Sur le plan purement agricole, j'estime que l'accord qui avait été passé en août dernier entre l'Union européenne et les Etats-Unis était important, sur la forme, pour relancer le débat dans le cadre de l'OMC. Malheureusement, les conséquences, sur le fond, sont bien plus néfastes, car cet accord, à mon avis, « sanctuarise », en fait, la politique agricole américaine.
Dans le contexte de l'échec de la « négociation » de Caucún, j'estime qu'il faudra revenir sur cet accord, car il maintient une distorsion de concurrence entre l'Union européenne et les Etats-Unis. De même, il faudra sans cesse rappeler les efforts faits par l'Union européenne au travers de la réforme de la PAC du 26 juin dernier. Celle-ci doit être intégrée impérativement comme socle de base de toute future négociation agricole.
Ainsi, compte tenu de ces enjeux, il me semble absolument nécessaire de permettre à nos agriculteurs de mieux valoriser leur production. Je crois qu'un renforcement de la démarche de qualité et de certification, notamment au travers du renforcement des IGP, les indications géographiques protégées, et des AOC, les appellations d'origine contrôlées, est en mesure de participer à cette recherche de différenciation si cruciale au niveau mondial afin de préserver la spécificité et l'attractivité de nos produits.
Notre agriculture doit pouvoir gagner en lisibilité et en rationalisation. Pour l'y aider, il me semble indispensable de renforcer le rôle des organisations de producteurs et des coopératives. Pourquoi ne pas imaginer la valorisation des produits autour d'une marque unique par filière, ainsi que le propose la Coopération agricole française ? Aujourd'hui encore, plus que jamais, le temps est à l'union, à l'organisation et à « l'initiative collective » des exploitants face à la grande distribution.
Je souhaite également souligner l'importance de la valorisation de la recherche et de la prospective, seules capables de préserver la compétitivité de nos produits sur le marché mondial. Vous me permettrez, sur ce point précis, de m'interroger et de vous interroger, monsieur le ministre, même si cela concerne le projet de loi de finances rectificative pour 2003, sur certaines ponctions budgétaires opérées au niveau des offices, et sur ARVALIS-Institut du végétal, qui avait provisionné des sommes importantes pour de futurs programmes de recherche.
De même, je souhaiterais que vous puissiez maintenir les crédits nécessaires aux instituts et aux centres techniques agricoles. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous préciser les interactions entre ces instituts et l'ADAR, l'Agence du développement agricole et rural ?
Permettez-moi également d'attirer votre attention sur la réforme du service public de l'équarissage, imposée par la réglementation européenne.
Les éleveurs craignent que la nouvelle taxe qui doit s'appliquer au niveau de l'abattage ne soit reportée sur eux. Je vous remercie de nous confirmer la possibilité de l'inscrire en pied de facture, afin de régler le problème, tout en remarquant cependant que rien n'est prévu jusqu'à ce jour pour les éleveurs porcins.
Toujours dans la perspective d'une meilleure valorisation des produits agricoles, je regrette que ne soit pas lancé dans ce projet de budget un signal fort en faveur des biocarburants. Il faudrait notamment remonter la défiscalisation au niveau qui avait permis de lancer la filière. Je ne doute pas que vous saurez, dans un arbitrage avec Bercy, être la voix des agriculteurs, notamment de ceux du nord de la France.
Pour conclure, j'évoquerai le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, qui suscite beaucoup d'espoir dans le monde agricole. Je souhaite que ce soit réellement l'occasion de débattre de l'avenir de nos agriculteurs et de leur redonner toute leur place dans la société.
Confiant dans l'attention que vous leur portez et dans votre souhait de préserver le dynamisme de notre agriculture et l'équilibre de nos territoires, je vous confirme que je voterai votre budget, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la pêche française pour 2004 est toujours pris dans les mailles du filet de la politique communautaire de la pêche, la PCP, mais, contrairement au filet de pêche qui permet aux plus petits de s'en tirer, ici, ce sont les plus gros navires, ceux des grands groupes de la distribution et quelques autres, qui vont le mieux s'en sortir.
Le chiffre d'affaires et les tonnages débarqués masquent souvent la réalité du vieillissement de la flottille et du tassement des apports de la petite pêche côtière.
Les plans successifs de casse des bateaux conduits par Bruxelles ont accéléré ce déséquilibre préjudiciable à l'équilibre social, humain et économique de nos côtes. Plus encore, toute une culture et un patrimoine vont disparaître et venir ajouter au « déménagement du territoire ».
Quelles perspectives pour les jeunes, et donc pour la profession de marin, quand l'horizon se bouche en raison de la fin des aides à la modernisation et à la construction de bateaux, en raison d'une politique chaotique et arbitraire de gestion des ressources halieutiques, à cause de contrôles administratifs tatillons et en raison de l'insuffisance des revenus qu'ils parviennent à tirer de leur activité ?
Considérons, tout d'abord, la question de la fin des aides nationales à la modernisation et à la construction de bateaux décidée par Bruxelles : c'est bien la France qui va le plus en pâtir, de par son niveau d'intervention actuel ; c'est bien la pêche artisanale, faute de disposer des capitaux et des crédits nécessaires, qui va être déstructurée.
Prenons ensuite la question centrale du devenir de la pêche française, celle des ressources halieutiques, des totaux autorisés de captures, les TAC, et des quotas imposés par Bruxelles.
Les évaluations scientifiques qui servent de prétexte à Bruxelles sont contestées par les pêcheurs et, parfois même, contredites par les résultats obtenus. L'Académie des sciences, dans son avis, ne cite qu'un seul véritable exemple positif de gestion de la ressource, celui de la coquille Saint-Jacques en baie de Saint-Brieuc, exemple que notre groupe avait déjà mis en exergue lors du débat budgétaire pour 2003. Les pêcheurs sont volontaires pour gérer la ressource, mais ils ne sont pas suicidaires !
Il convient donc de donner tous les moyens nécessaires au code de bonne conduite que vous avez signé à la fin du mois d'octobre, monsieur le ministre, avec l'IFREMER, l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, et le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins.
Le 10 décembre prochain, la pêche manifestera à Anvers pour ses quotas et sa survie. En effet, les plans de restauration du merlu, du cabillaud, de la sole du golfe de Gascogne, de la plie de mer du Nord, et la réduction de moitié des captures des espèces associées condamnent 60 % de la pêche européenne, d'après le Comité national des pêches. Autre effet pervers, qui vient s'ajouter aux réductions brutales de captures, les pêcheurs se rabattent sur d'autres espèces qui se vendent mal et pour lesquelles les cours sont très peu rémunérateurs.
Depuis de nombreuses années, notre groupe évoque le scandale de la pêche minotière des pays du nord de l'Europe. Une réduction drastique de cette pêche contribuerait à l'amélioration des ressouces et à une moindre pollution par les élevages aquacoles.
Je voudrais signaler également les prélèvements importants des prédateurs - 15 000 tonnes de cabillaud consommées par les phoques en mer du Nord, à titre d'exemple - ou, encore, les évolutions climatiques qui déplacent les espèces et, enfin, les extractions de granulats qui dégradent le milieu.
Nous contestons non pas l'arrivée des dix nouveaux membres dans l'Europe demain à vingt-cinq, mais bien sa future constitution, qui inquiète le monde de la pêche.
En effet, la minorité de blocage du groupe des amis de la pêche - la France, l'Italie, la Grèce, le Portugal, l'Espagne et l'Irlande - sera, demain, à la merci de la défection de l'un de ses membres : 116 voix sur 321 dans l'Europe à vingt-cinq, au lieu de 41 voix sur 87. Demain, les décisions risquent d'affaiblir l'influence des professionnels au profit de marchandages ministériels.
Comme vous pouvez le constater, monsieur le ministre, nous avons préféré vous parler de la pêche, des hommes, de leur avenir, de l'aménagement du territoire, plutôt que d'évoquer les chiffres du budget consacré à la pêche française, tant le poids des décisions de Bruxelles est ici important.
Monsieur le ministre, tout en reconnaissant vos combats en faveur de la pêche française, nous ne pouvons que constater qu'ils sont quasiment anéantis par votre soutien à l'Europe libérale. Nous souhaitons, à ce titre, vous renouveler notre proposition, avancée l'an passé, à savoir sortir la pêche artisanale, côtière et hauturière des pouvoirs décisionnels de Bruxelles et confier la gestion dans la bande des douze milles marins aux niveaux national, régional et local.
Ce budget, dans le contexte européen actuel, ne répond pas aux enjeux et aux inquiétudes justifiées du monde de la pêche. Nous craignons que les négociations qui se tiendront du 16 au 19 décembre ne viennent encore assombrir le ciel marin.
J'en viens maintenant au BAPSA pour 2004, marqué, d'une part, par la réforme à venir, c'est-à-dire par sa transformation en fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, qui répond aux exigences de la loi organique relative aux lois de finances de 2001, et, d'autre part, par la mensualisation des retraites à compter de janvier 2004.
Ce débat relatif aux prestations agricoles intervient seulement quelques mois après la réforme des retraites, qui a également frappé le monde agricole en portant la durée de cotisation à quarante-deux années à compter de 2008.
Les nouveaux modes de financement du BAPSA appellent quelques remarques.
Tout d'abord, l'Etat s'empresse de se désengager de la subvention d'équilibre, ce qui n'est pas de bon augure pour les années à venir, quand feu le BAPSA sera géré par un établissement public administratif spécifique.
La suppression des 0,7 % du produit de la TVA, qui sont remplacés notamment par 50 % du produit de la taxe de consommation sur les tabacs, pose un double problème.
Premièrement, le produit attendu risque fort de ne pas être à la hauteur des froids calculs des ordinateurs de Bercy, compte tenu de la baisse des ventes en France et du trafic illégal qui explose.
Deuxièmement, il me paraît peu logique et tout à fait immoral de gager les retraites agricoles sur la consommation de tabac que tout le monde souhaite voir diminuer sensiblement. Ce rideau de fumée - fumée de tabac bien évidemment - cache toutes les misères d'un mode de financement des retraites agricoles qui, en réalité, devrait reposer, d'une part, sur des revenus substantiels assurant aux agriculteurs eux-mêmes une meilleure qualité de vie en même temps qu'une meilleure capacité contributive et, d'autre part, sur la nécessaire mise à contribution de l'agrobusiness et de la grande distribution, qui réalisent des bénéfices gigantesques sur le dos des producteurs. Naturellement, la solidarité nationale doit continuer de s'exercer envers un régime en grand déséquilibre dans son rapport entre les actifs et les retraités.
L'augmentation de la cotisation minimum de solidarité et le passage de l'assiette minimum des cotisations d'assurance vieillesse de 400 fois à 600 fois le SMIC horaire vont pénaliser lourdement les exploitants modestes à bas revenus. Lors du débat sur la retraite complémentaire obligatoire, notre groupe avait déjà tenté d'introduire une dose de solidarité intraprofessionnelle entre exploitants à hauts revenus et exploitants modestes.
Ce projet de budget, intervenant à l'issue d'une année difficile marquée par les inondations, le gel, la sécheresse et la canicule, aurait dû tenir compte de ces éléments, qui vont lourdement pénaliser les revenus agricoles : d'un côté, 500 millions d'euros d'aides ; de l'autre, des dégâts estimés à 4 milliards d'euros : le compte n'y est pas.
La profession est déjà suffisamment mise à l'épreuve par la chute des cours des produits agricoles, qui devient chronique. Aussi, un abondement significatif de la ligne Agridif aurait permis de lui adresser un message positif. Le retour de cette ligne à son niveau de 2002 ne suffira manifestement pas.
La mensualisation des retraites, tant attendue, va contribuer à rapprocher le régime agricole du régime général sur la forme, à défaut de les rapprocher sur les fonds.
Si l'urgence est bien de revaloriser encore les retraites des conjoints et aides familiaux et de mettre en place une retraite complémentaire, ne perdons pas de vue qu'une revalorisation générale est nécessaire.
M. le rapporteur spécial répète à l'envi, dans son rapport, que le BAPSA se situe dans un contexte économique et budgétaire difficile. La faute à qui, sinon aux critères du pacte de stabilité, qui compriment les salaires en permanence, et à la politique du Gouvernement, qui favorise les plus aisés en baissant leurs impôts ?
La mort du BAPSA en tant que tel et sa transformation en FFIPSA vont éloigner le Parlement de sa gestion, et « il n'y aura donc plus de discussions sur le régime social agricole dans le cadre de la discussion budgétaire ». Je vous cite, monsieur le rapporteur, et je trouve regrettables ces dispositions à caractère antidémocratique. Les sénateurs, souvent très proches de la ruralité, n'acceptent pas que les prestations sociales agricoles soient mises à l'écart du regard politique.
Le BAPSA d'aujourd'hui, le FFIPSA de demain, méritent des perspectives de financement plus importantes et mieux adaptées à la réalité agricole. Les agricultrices et les agriculteurs sont souvent meurtris quand ils parlent de leur retraite de misère et considèrent que la nation ne reconnaît pas les efforts qu'ils ont fournis tout au long de leur vie. Et je m'interroge, monsieur le ministre : quel est celui qui a été le plus utile à la société ? Celui qui a travaillé toute sa vie et n'a que sa modeste retraite pour survivre, ou bien celui qui, ayant très bien réussi, peut compter sur ses revenus financiers et immobiliers ? Je pense que vous connaissez la réponse que j'apporte à cette question !
Vous comprendrez dès lors que nous ne pourrons pas voter ces deux budgets. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Henri de Raincourt. C'est désolant !
M. le président. La parole est à M. Bernard Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien que cela ait déjà été dit, mais l'oreille ne se lasse pas des propos agréables, ce projet de budget, votre projet de budget, monsieur le ministre, est satisfaisant dans le contexte actuel. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP. - Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Piras. Ne rêvez pas, monsieur Joly !
M. Bernard Joly. A structure constante, les crédits sont stables. Il faut rappeler que, avec près de 5 millions d'euros, ce budget fournit un sixième environ de l'ensemble des concours publics nationaux et communautaires à l'agriculture. Si l'on considère les contraintes qui pèsent sur l'équilibre des finances publiques, la préservation de l'enveloppe annuelle traduit la priorité accordée à un secteur éprouvé, même si certaines attentes ne sont pas honorées en totalité.
La période de sécheresse exceptionnelle que le pays vient de vivre a mis en exergue les limites que présente le fonds des calamités. Certes, la réponse du Gouvernement face au sinistre a été rapide : 100 millions d'euros ont été mobilisés sur le fonds pour pouvoir procéder au paiement des avances. Toutefois, les montants dégagés n'atteignent pas la parité que l'Etat aurait dû assurer depuis dix ans. Les mesures destinées aux agriculteurs en difficulté doivent être pérennisées d'une façon ou d'une autre, afin d'éviter le traitement par des apports budgétaires au coup par coup.
Il faut réfléchir à la prévention et à la gestion des risques en agriculture, peut-être par un mécanisme d'assurance récoltes que certains pays ont déjà mis en place, car, au-delà des aides immédiates, il nous faut analyser la sortie de crise et l'acheminement difficile de la paille et du fourrage par des transports hypothétiques. Un soutien logistique est requis.
Monsieur le ministre, le fonds d'allégement des charges sera-t-il suffisant pour répondre aux demandes, alors que, cette année, ses crédits enregistrent une diminution qui s'ajoute au repli de la ligne consacrée à l'allégement des cotisations sociales sur le BAPSA ? De plus, le dispositif Agridif, qui présente des rigidités peu compatibles avec la réalité des difficultés, s'il a été notifié à Bruxelles, n'a pas encore été validé par la Commission.
Du fait de la réforme du service public d'équarrissage, la taxe sur l'abattage, qui sera affectée au Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, remplace la taxe sur les achats des viandes qui était prélevée sur certains bouchers et sur les grandes surfaces. Le financement public ne sera donc plus assuré par le ministère de l'agriculture, et ce pour des raisons communautaires. Les éleveurs disent leur inquiétude d'avoir à supporter seuls le poids de cette taxe.
M. Bernard Piras. C'est mieux, monsieur Joly ! Encore un effort !
M. Bernard Joly. Il faudra trouver un mécanisme qui la répartira de façon équitable sur l'ensemble de la filière.
Toute réforme suscite des interrogations, mais certaines évolutions apportent de nettes améliorations ; on peut citer la prime à l'herbe, devenue la prime herbagère à l'agriculture environnementale, qui a été revalorisée de 70 % et qui a vu le nombre de ses bénéficiaires augmenter notablement.
En matière d'élevage, également, on constate des difficultés dans le démarrage du programme de maîtrise des pollutions d'origine animale : seulement 1 % des producteurs concernés ont réalisé les investissements nécessaires. Il faut souligner que les normes imposées sont d'une rigueur supérieure à ce que préconisent les chercheurs et le monde scientifique. Quelles sont, monsieur le ministre, les raisons de cet alourdissement, qui suppose également des financements plus importants ? Cela explique peut-être la lenteur de la mise en conformité !
Pour l'avenir, si l'on veut que les agriculteurs continuent de représenter 5 % de l'ensemble de la popualtion, il est indispensable d'encourager significativement les installations. Le paiement en une seule fois de la dotation aux jeunes prenant une exploitation mérite d'être souligné, car il va dans ce sens. Ce versement groupé leur permet en effet de faire face plus aisément aux lourds investissements des débuts.
Il est bon de souligner le maintien de la réactivation du fonds d'incitation et de communication pour l'installation en agriculture, entamée en 2003, et ce à hauteur de 10 millions d'euros.
La dotation pour les CTE et les CAD augmente cette année de 27 %, après le fort réajustement de 50 % en 2003. Ce salutaire effort ne permettra-t-il de financer que les CTE signés, comme on l'entend dire, monsieur le ministre, ou bien permettra-t-il aussi de conclure des CDA ?
La session budgétaire de la chambre d'agriculture de Franche-Comté qui vient de se tenir a certes dressé un état des lieux et mesuré les effets de la sécheresse, qui se feront sentir encore longtemps ; mais, dans un contexte marqué par la réforme de la PAC, elle a « milité » pour une nouvelle approche de la production, affirmant qu'il fallait aller vers une agriculture compétitive passant, notamment, par le développement du biologique. Celui-ci peut en effet ouvrir de nouveaux marchés et avoir d'excellentes retombées sur l'image de marque globale. Le projet d'écoconditionnalité des aides européennes ainsi que la qualification économique, sociale et environnementale des exploitations à travers l'agriculture raisonnée contribueront à l'amélioration de l'image.
C'est également ce pari d'écocertification qu'ont fait les communes forestières. Depuis un peu plus de dix ans, la Haute-Saône a largement adopté cette démarche. Néanmoins, l'activité forestière, qui n'est pas encore complètement remise des conséquences de la tempête de 1999, subit les effets d'un marché morne, alourdi par les aléas climatiques de l'été. Il est donc particulièrement apprécié, monsieur le ministre que, par le biais de la loi de finances rectificative pour 2003, vous ayez rétabli le niveau du versement compensateur, qui avait subi une baisse de 20 millions d'euros dans le projet de loi de finances initiale pour 2004.
Voilà six mois, monsieur le ministre, vous a été remis un rapport parlementaire dressant un bilan détaillé de la filière bois et présentant des propositions pour assurer le développement de l'emploi du bois, de la forêt et des activités de la filière. A cet égard, le dernier comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, le CIADT, a intégré la politique territoriale fondée sur des chartes et des schémas stratégiques de massifs, qui, eux, sont en nombre encore trop limité et qu'il faudra donc développer.
S'agissant de l'emploi du bois dans la construction, il me semble qu'une politique nationale d'encouragement pourrait donner un essor à l'utilisation de ce matériau. Envisagez-vous, monsieur le ministre, des mesures d'incitation dans cette direction ?
Par ailleurs, toujours lors du dernier CIADT, il a été question de la remise au Parlement d'un rapport gouvernemental sur l'assurance forestière. Peut-on l'espérer prochainement ?
Ma dernière question fait suite à l'appel que j'ai reçu ce matin d'un responsable agricole de mon département. Il était quelque peu en émoi : Bercy s'apprêterait à prélever 177 millions d'euros sur les réserves constituées par quatre organismes agricoles alimentés, pour majeure partie, par les taxes parafiscales des céréaliers, réserves destinées à la recherche. Les fonds ainsi prélevés seraient affectés au BAPSA, et ce transfert interviendrait au moment où est supprimée l'alimentation de ces organismes par les taxes au profit de cotisations volontaires, et ce afin de respecter les directives européennes. Pourriez-vous, monsieur le ministre, préciser ce qu'il en est exactement ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Guy Fischer.)