SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
1. Procès-verbal (p. 1).
2. Loi de finances pour 2004. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 2).
Intérieur, sécurité intérieure et libertés locales
SÉCURITÉ (p. 3)
MM. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial de la commission des finances ; Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
MM. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la police et la sécurité ; Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la sécurité civile ; le ministre.
MM. Gilbert Barbier, le ministre.
MM. Jean-Claude Peyronnet, le ministre.
MM. François Zocchetto, le ministre.
MM. Roger Karoutchi, le ministre.
MM. Robert Bret, le ministre.
MM. Jean-Pierre Sueur, le ministre.
MM. Jean-Jacques Hyest, le ministre.
MM. Charles Gautier, le ministre.
MM. Bernard Plasait, le ministre.
MM. Christian Demuynck, le ministre.
Vote des crédits réservé.
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
DÉCENTRALISATION (p. 4)
MM. Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances ; Daniel Hoeffel, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Jean-Pierre Sueur.
Suspension et reprise de la séance (p. 5)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
3. Eloge funèbre de Emmanuel Hamel, sénateur du Rhône (p. 6).
MM. le président, Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales.
Suspension et reprise de la séance (p. 7)
4. Conférence des présidents (p. 8).
5. Loi de finances pour 2004. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 9).
Intérieur, sécurité intérieure et libertés locales (suite)
DÉCENTRALISATION (suite) (p. 10)
Mme Jacqueline Gourault, M. Paul Dubrule, Mme Josiane Mathon, M. Gérard Delfau.
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
MM. François Marc, Bernard Fournier, François Fortassin, Yves Rispat.
MM. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales ; Gérard Delfau.
Crédits du titre III. - Adoption (p. 11)
Crédits du titre IV (p. 12)
M. Jean-Pierre Sueur.
Adoption des crédits.
Crédits des titres V et VI. - Adoption (p. 13)
Agriculture, alimentation, pêche et affaires rurales
Budget annexe des prestations
sociales agricoles (p. 14)
MM. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances ; Alain Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour la pêche ; Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour l'agriculture ; Gérard Delfau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour le développement rural ; Bernard Dussaut, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour les industries agricoles et alimentaires ; Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour l'enseignement agricole ; MM. Jean-Marc Juilhard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour les prestations sociales agricoles ; Louis Moinard, Jean-Paul Emorine, Gérard Le Cam, Aymeri de Montesquiou, Jean-Marc Pastor, Daniel Soulage, Jean Bizet, Mme Marie-France Beaufils, M. Bernard Joly.
Suspension et reprise de la séance (p. 15)
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
6. Saisine du Conseil constitutionnel (p. 16).
7. Loi de finances pour 2004. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 17).
Agriculture, alimentation, pêche et affaires rurales (suite)
Budget annexe des prestations
sociales agricoles (suite) (p. 18)
MM. André Lejeune, Marcel Deneux, Georges Mouly, Yvon Collin, Mme Yolande Boyer, MM. Claude Biwer, Serge Mathieu, Bernard Piras, Jean Boyer, Yann Gaillard, Mme Odette Herviaux, MM. Jean-Paul Amoudry, Paul Girod, Paul Raoult, Michel Doublet, Gérard Bailly, Mme Brigitte Luypaert, MM. Yves Rispat, Serge Franchis, Bernard Fournier, Alain Vasselle, Daniel Goulet, Adrien Gouteyron.
M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
AGRICULTURE, ALIMENTATION,
PÊCHE ET AFFAIRES RURALES (p. 19)
Crédits du titre III (p. 20)
Amendement n° II-41 du Gouvernement. - MM. le ministre, Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés.
Crédits du titre IV (p. 21)
Amendement n° II-42 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur spécial. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés.
Crédits du titre V. - Adoption (p. 22)
Crédits du titre VI (p. 23)
Amendement n° II-46 rectifié de M. Alain Vasselle. - MM. Alain Vasselle, le rapporteur spécial, le ministre. - Retrait.
Adoption des crédits.
Article 72 (p. 24)
M. Gérard César.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 72 (p. 25)
Amendement n° II-1 de M. Gérard Delfau. - MM. Gérard Delfau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour le développement rural ; le rapporteur spécial, le ministre. - Retrait.
BUDGET ANNEXE DES PRESTATIONS
SOCIALES AGRICOLES (p. 26)
Crédits figurant à l'article 48 (p. 27)
M. Daniel Soulage.
Adoption des crédits.
Crédits figurant à l'article 49. - Adoption (p. 28)
8. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 29).
9. Ordre du jour (p. 30).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
présidence de m. jean-claude gaudin
vice-président
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)
procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
loi de finances pour 2004
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2004 (n° 72, 2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 73 (2003-2004).]
Intérieur, sécurité intérieure et libertés locales
M. le président. Le Sénat va procéder à l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
M. le président. Le Sénat va examiner tout d'abord les dispositions du projet de loi concernant la sécurité.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, M. le ministre répondra immédiatement et successivement au rapporteur spécial, puis aux deux rapporteurs pour avis, et enfin à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.
Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur, ce dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole impartis.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits consacrés à la sécurité marquent clairement la ferme volonté du Gouvernement dans sa lutte contre l'insécurité.
Lors de mes déplacements sur le terrain, j'ai pu mesurer combien nos forces de sécurité intérieure, police et gendarmerie nationales, avaient repris confiance en elles, alors que, précédemment, les signes de malaise étaient patents. L'expression la plus éclatante en a été, au printemps 2002, la grève des gendarmes, membres d'un corps d'élite, disciplinés, qui, alors qu'ils n'avaient pas ce droit, ont manifesté face à l'impéritie du gouvernement de l'époque.
La tendance montre clairement que cette nouvelle politique commence à porter ses fruits. Ainsi, au premier semestre de 2003, le nombre des crimes et délits a diminué par rapport au premier semestre de 2002. Enfin ! Je rappelle qu'en trente ans le nombre des crimes et délits a triplé. Le budget de la sécurité traduit le respect des engagements pris, dans la continuité des objectifs fixés par la LOPSI, la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.
Après une présentation générale liminaire des crédits, je formulerai quelques observations sur les réformes de structure et de fonctionnement dans la police nationale.
A périmètre constant, c'est-à-dire hors dépenses d'élections, puisque leurs crédits sont évidemment liés aux échéances électorales, et hors budgétisation d'une partie des crédits de rémunération des adjoints de sécurité, le budget de la sécurité proposé pour 2004 s'élève à 10,08 milliards d'euros, en progression de 3,5 %, à structure constante.
Les effectifs budgétaires s'élèvent à 172 505 emplois, soit une progression de 810 emplois. Mais cette évolution traduit des redéploiements. Elle rend compte de la priorité accordée à la lutte contre l'insécurité. En effet, les effectifs de la police nationale progressent de 871 emplois, alors que 69 emplois sont supprimés dans l'administration.
Concernant la répartition par agrégats, les dotations dont bénéficie la police nationale progressent de 2,9 %, hors transfert au ministère de l'intérieur de dépenses de rémunération des adjoints de sécurité, et s'élèvent à 5,77 milliards d'euros.
Les évolutions s'inscrivent dans le respect du calendrier fixé par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002. Elle prévoit, pour la police nationale, la création, entre 2003 et 2007, de 6 500 emplois supplémentaires et une progression de 1,18 milliard d'euros des crédits de fonctionnement et des investissements en crédits de paiement.
Ces augmentations de crédits ont une portée très contrète. Je citerai, par exemple, le renouvellement des tenues, afin qu'elles soient davantage adaptées aux opérations de terrain. Cette réforme répond aux préoccupations que j'avais exprimées dans un récent rapport d'information consacré au fonctionnement des forces de sécurité intérieure.
Je citerai également la mise en place de terminaux embarqués à bord des véhicules, que j'appelais également de mes voeux pour améliorer la fiabilité des rapports de fin de mission, l'acquisition de flash-balls, et la mise en place de nouveaux équipements de contrôle automatisé de vitesse sur un chapitre spécifique afin de garantir l'affectation de ces crédits.
Sans doute, monsieur le ministre, pourrez-vous nous apporter plus d'informations sur le déploiement des nouveaux radars et les premiers bilans statistiques.
S'agissant des dépenses de fonctionnement de la police nationale, j'ai toutefois déploré dans mon rapport des niveaux trop élevés de reports de crédits. Cependant, lors de votre audition par la commission des finances, le 4 novembre dernier, vous avez exprimé votre volonté, monsieur le ministre, de faire en sorte que ces reports diminuent très fortement en 2004. La commission des finances du Sénat sera particulièrement attentive à cet égard.
Après les dramatiques événements de cet été, la sécurité civile bénéficie d'une priorité clairement affichée : les crédits proposés s'élèvent à 337,2 millions d'euros, en augmentation, notable, de 4,3 %. Il convient de relever la poursuite de la livraison des nouveaux hélicoptères EC 145, ainsi que le remplacement des avions bombardiers d'eau Fokker.
En outre, la revalorisation du régime indemnitaire des sapeurs-pompiers de Paris se poursuit dans le cadre d'un plan de modernisation sur la période 2002-2006.
J'en viens à l'administration.
L'administration territoriale bénéficie de crédits s'élevant à 1,16 milliard d'euros, en hausse de 3,4 %, et l'administration générale, de crédits de 3,23 milliards d'euros, en hausse de 4 %, hors dépenses d'élections.
Je souhaiterais ici mettre l'accent sur les réformes de structure, engagées notamment dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la LOLF. La globalisation des crédits des préfectures devrait être pratiquement généralisée en 2004, et ce dans un cadre qui encourage la responsabilisation des gestionnaires et garantit un rythme de progression régulier des dotations.
Le changement de nomenclature budgétaire devrait également être l'occasion d'une remise à plat, afin de corriger certaines lacunes récurrentes, telle la sous-évaluation chronique des crédits pour dépenses de justice.
Les gains de productivité et l'octroi de moyens nouveaux d'action concernent l'ensemble des politiques du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
Dans le domaine administratif, je souhaiterais simplement que vous réaffirmiez devant le Sénat, monsieur le ministre, les engagements que vous avez pris lors de votre audition par la commission des finances : doublement du nombre de reconduites à la frontière d'ici un an ; redéploiement, à partir de 2007, de 600 emplois engagé par le nouveau dispositif d'immatriculation à vie des véhicules ; réforme de la fabrication des titres d'identité.
J'en arrive aux réformes de structure et de fonctionnement de la police nationale. Dans mon récent rapport d'information sur l'organisation du temps de travail et les systèmes d'information des forces de police et de gendarmerie, j'ai formulé un certain nombre de propositions. Elles ont été résumées par les médias sous le titre : « Le Sénat critique les méthodes de travail des policiers et des gendarmes ». Ce titre traduit le constat de l'héritage que nous a légué le précédent gouvernement, et non les progrès de la gestion actuelle, que chacun peut constater.
L'axe majeur de ces propositions est le recentrage de l'activité des forces de sécurité intérieure sur leur mission première : la sécurité publique. Les tâches indues, c'est-à-dire les tâches effectuées par les forces de police et de gendarmerie mais sans lien avec la sécurité publique, occuperaient 4 000 postes de policiers et de gendarmes, qui pourraient être redéployés sur le terrain. La maintenance des locaux occuperait, à elle seule, un millier de gendarmes.
Le transfert à d'autres administrations ne correspond pas à un simple transfert de charges : quelles sont la compétence et la légitimité des policiers et des gendarmes quand ils accomplissent des tâches d'état civil, comme l'établissement des procurations de vote ? Pourquoi occuper, sur des postes administratifs, des policiers dont la rémunération est supérieure d'au moins 30 % à celle de secrétaires, mieux formées à ces tâches ?
Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître les actions que vous envisagez dans ce domaine en ce qui concerne les forces de police nationale qui relèvent de votre autorité.
Je voudrais que vous nous informiez aussi de l'état d'avancement des discussions ministérielles sur la définition de la nouvelle nomenclature budgétaire, dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances. Ce sujet a une portée très concrète, pour assurer une réelle cohérence de l'action gouvernementale, en termes d'organisation, d'objectifs et de coordination des interventions.
Ainsi, la LOLF prévoit de définir des missions interministérielles, correspondant aux politiques publiques.
Je souhaiterais enfin que vous nous donniez un état d'avancement des discussions interministérielles quant à la définition d'une mission commune à la police et à la gendarmerie.
Monsieur le ministre, vous avez entrepris une véritable révolution culturelle en mettant en place une politique de résultats. Les fonctionnaires de police avaient le sentiment d'être peu considérés, peu écoutés, souvent contredits. Cette politique de résultats traduit votre volonté de revaloriser le travail des fonctionnaires qui dépendent de votre ministère.
La réussite de votre démarche politique volontariste suppose l'adhésion des personnels. A cet égard, des élections professionnelles viennent d'avoir lieu dans la police nationale. Ma dernière question porte ainsi sur votre analyse, monsieur le ministre, des résultats de ces élections, au regard de l'action réformatrice que vous conduisez pour votre ministère et qui doit contrecarrer certaines habitudes.
Dans l'attente de vos réponses, je souhaiterais conclure en rappelant que la commission des finances a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la sécurité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je vous remercie, monsieur le rapporteur spécial, de votre soutien et de la précision de vos analyses.
Je ne reviendrai pas sur le contenu du budget, que vous connaissez aussi bien que moi, pour répondre directement aux questions que vous venez de me poser, satisfaisant ainsi au souhait de la Haute Assemblée de rendre le débat budgétaire plus vivant et plus précis.
Vous m'avez d'abord demandé de faire le point sur les radars automatiques et sur la sécurité routière.
Ces radars ont déjà montré leur efficacité. Ainsi, à Strasbourg, où un radar automatique est installé depuis le 31 octobre, la vitesse moyenne sur la RN 4 est passée de 83 kilomètres-heure à 69 kilomètres-heure. Or une réduction de vitesse de 10 kilomètres-heure induit une baisse de 20 % du nombre des accidents graves et de 40 % du nombre des tués.
J'ai lu que le Gouvernement mettait en place ces radars pour qu'ils « rapportent de l'argent ». Si c'était vrai, nous n'aurions pas placé de panneaux de signalisation avant chaque radar et nous n'aurions pas largement communiqué dans la presse la carte d'installation de tous les radars.
Notre objectif est non pas la répression, mais la modification durable des comportements, qui seule permettra de sauver des vies.
En revanche, monsieur le rapporteur spécial, je suis prêt à discuter beaucoup plus largement que cela n'a été fait jusqu'à présent du choix de l'emplacement des prochains radars. Les critères de choix resteront les mêmes - les radars doivent être implantés là où le risque d'accident est le plus grand, là où la route est la plus dangereuse -, mais je souhaite que l'application de ces critères fasse l'objet d'une concertation avec les élus et avec les associations concernées, car il y a incontestablement là matière à dialogue.
Votre deuxième question portait sur nos projets pour améliorer l'efficacité et la productivité de la police nationale. Vous ne l'avez pas exprimée en ces termes, monsieur le rapporteur spécial, mais telle était bien l'idée. D'ailleurs, pourquoi avoir peur des mots ? Nous avons engagé plusieurs réformes de gestion qui ont très exactement cet objectif : améliorer la productivité et l'efficacité de la police nationale.
Je n'avais d'ailleurs pas le choix, monsieur le rapporteur spécial : la réduction du temps de travail dans la police nationale telle qu'elle avait été organisée par nos prédécesseurs avait réduit les effectifs opérationnels de l'équivalent de 7 800 emplois. Pour combler ce déficit, il n'y avait pas d'autre possibilité que d'améliorer l'efficacité et la productivité.
La police nationale et la gendarmerie nationale ont été placées sous une même autorité ; elles sont liées par une même messagerie électronique et ont désormais réciproquement accès à leurs fichiers respectifs.
La réforme des zones de compétences a permis d'installer chaque force là où elle est le mieux formée pour lutter contre la délinquance.
La création des vingt-huit GIR, les groupements d'intervention rapide, a rendu plus efficace la lutte contre les trafics.
La « zonalisation » des gendarmes mobiles et des CRS a permis de remettre sur le terrain pour la sécurité publique l'équivalent de 4 500 fonctionnaires supplémentaires sans dépenser un centime de plus !
Vous avez, monsieur le rapporteur spécial, insisté sur le transfert à d'autres agents des tâches qui ne font pas partie du coeur de métier de la police nationale. Vous avez raison.
Près de 1 000 des 1 250 emplois administratifs, scientifiques et techniques créés en 2003 et en 2004 ont ainsi permis de redéployer des agents opérationnels, passés de fonctions d'administration hier à des fonctions de terrain aujourd'hui.
De plus, une expérimentation de prise en charge des transferts des prisonniers par l'administration pénitentiaire sera organisée en 2004 dans toute la région Alsace. Si cette expérimention sans précédent était un succès et pouvait être étendue à toute la France - il est naturellement trop tôt pour le savoir -, elle libérerait, mesdames, messieurs les sénateurs, l'équivalent de 2 400 policiers pour vos circonscriptions de sécurité publique et de 1 600 gendarmes pour vos cantons !
M. Jean-Jacques Hyest. Tout à fait !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur le rapporteur spécial, cette politique a le soutien de la plupart des personnels. Le résultat des élections professionnelles en est la meilleure démonstration. Que n'ai-je entendu avant ces élections ! Mais - et je voudrais tout de même préciser que, dans la police, le taux de participation a été de 78 % - les résultats sont spectaculaires : les syndicats de policiers qui ont, quelles que soient leurs affinités politiques, le plus progressé sont ceux qui ont accepté la pratique de la concertation positive.
La première formation syndicale dans la police, communément décrite comme étant plutôt proche de la droite républicaine et modérée, a ainsi gagné sept points chez les officiers de police. Je veux parler d'Alliance chez les gardiens de la paix, première formation avec plus de 33 %, et de Synergie chez les officiers, qui a donc gagné sept points.
Les syndicats les plus contestataires, et vous me permettrez de ne pas citer leurs noms,...
M. Jean-Jacques Hyest. On les connaît !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... ont en revanche reculé spectaculairement.
M. Jean-Jacques Hyest. C'est vrai !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. En outre, et cela doit nous réjouir, l'extrême droite a perdu dans la police nationale la moitié de ses suffrages par rapport aux élections qui ont lieu voilà trois ans et elle a perdu son représentant dans les instances paritaires.
Je n'accable personne. Je veux simplement insister, après tous les débats auxquels la politique que j'ai mise en oeuvre a donné lieu, sur ce résultat : dans la police nationale, l'extrême droite n'a plus de représentant, alors qu'elle en avait un, et elle a perdu la moitié de ses suffrages.
Mesdames, messieurs les sénateurs, une administration qui a une stratégie, qui a des moyens et qui est dirigée par une volonté politique est une administration dont les membres ne s'abandonnent pas à des considérations extrêmes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Ce point mériterait d'être applaudi par tout le monde (Murmures sur les travées du groupe socialiste), car j'imagine que personne ne pouvait se réjouir de la progression spectaculaire de l'extrême droite, à l'époque de mes prédécesseurs, au sein de la police nationale. A moins, bien sûr, que le renversement de tendance actuel ne soit le fait que du hasard, mais alors les progrès antérieurs de l'extrême droite étaient dus à un manque de chance... (Rires sur les travées de l'UMP.) Dans les deux cas, ce n'est pas bien !
J'en viens à la mise en place de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 et au périmètre des missions, monsieur le rapporteur spécial. J'ai tenu à ce que le ministère de l'intérieur respecte rigoureusement la lettre et l'esprit de la loi organique en proposant que les missions recouvrent plusieurs programmes.
Cela ne signifie pas que toutes les missions seront interministérielles. Pour les dotations aux collectivités locales, par exemple, je propose deux programmes regroupés dans une mission, mais, par la force des choses, cette mission ne regroupera que les crédits du ministère de l'intérieur.
En revanche, et je réponds là directement à votre question, une mission interministérielle me paraît effectivement indispensable pour retracer la politique de sécurité intérieure dont je suis responsable.
La gendarmerie nationale doit, dans mon esprit, faire l'objet d'un programme distinct sur le budget du ministère de la défense. En effet, monsieur le rapporteur spécial, les programmes ne seront pas simplement l'unité de vote des crédits : ils seront aussi l'unité de présentation au Parlement des objectifs et des indicateurs de performance des services.
Si la gendarmerie ne relève pas d'un programme distinct, les objectifs et les indicateurs de performance présentés au Parlement seront communs entre la gendarmerie et les armées alors que les métiers exercés sont profondément différents.
De plus, s'il n'existait pas de programme distinct pour la gendarmerie nationale, le principe de fongibilité à l'intérieur de chaque programme signifierait que les crédits des brigades de gendarmerie pourraient être utilisés à d'autres fins que la sécurité intérieure. A quoi aurait alors servi que le Sénat vote la LOPSI et alloue des moyens à la gendarmerie nationale ?
Ces moyens, vous les avez votés pour la gendarmerie nationale, mesdames, messieurs les sénateurs ; mais, sans un budget identifié de la gendarmerie nationale, comment vérifierez-vous qu'ils sont bien utilisés par la gendarmerie nationale ?
Vous le savez, ce point n'est pas encore tranché. Il sera prochainement arbitré, monsieur le rapporteur spécial, et je ne vous cache pas que j'y attache une grande importance.
Enfin, vous m'avez demandé de confirmer les objectifs que j'ai annoncés à la commission des finances en matière de reconduites à la frontière et de redéploiement d'emplois dans les préfectures.
Rassurez-vous, je n'ai pas changé d'avis en deux semaines ! Je confirme que l'application de la loi sur l'immigration, accompagnée d'une meilleure organisation des services, avec la création de pôles « immigration » dans trente-sept départements, doit permettre de doubler le nombre des reconduites à la frontière, et que nous allons commencer immédiatement.
Je constate avec plaisir que Le Monde, dans l'un de ses suppléments, a publié des articles d'ailleurs mal informés sur les centres de rétention administrative, les CRA : bien évidemment, à partir du moment où le nombre des expulsions augmente, les effectifs des CRA « gonflent ». Les centres sont faits pour cela ! Ils étaient très peu utilisés auparavant, pour la simple raison que l'on refusait de procéder à des expulsions. A partir du moment où j'ai fixé comme objectif que l'on en doublait le nombre, il y aura forcément plus de monde dans les CRA. Mais, dites-le moi, à quoi servirait un CRA qui ne serait utilisé par personne ?
Je le confirme, c'est à mes yeux non seulement une possibilité, mais un devoir pour le Gouvernement que de raccompagner chez eux ceux qui ont des faux papiers ou qui n'ont pas de papiers, et cette politique, le Gouvernement la mène en toute transparence. Si l'on n'est pas d'accord avec elle, il ne faut pas hésiter à le dire, à porter le débat devant les Français ! Mais, je le répète, la politique du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin consiste à reconduire chez eux ceux qui n'ont pas de papiers ou ceux qui ont des faux papiers, parce que si l'on traite ceux qui ont des faux papiers ou qui n'ont pas de papiers comme ceux qui ont des papiers, à quoi sert-il de donner des papiers ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Voilà un vrai débat, et je souhaite qu'il soit conduit avec une grande force, car je n'ai pas non plus l'intention de dissimuler quoi que ce soit. Il en ira comme des fameux vols de retours groupés : le premier a fait débat, puis le deuxième, le troisième encore... Maintenant, il n'y a plus de débat, et tous les jours ont lieu des vols avec dix, vingt, vingt-cinq, trente personnes que l'on raccompagne chez elles.
Il n'y a aucune raison de cacher la volonté politique déterminée du Gouvernement, car il n'y aura pas d'intégration des étrangers en France si les clandestins ne sont pas raccompagnés chez eux. Cette politique mérite la transparence ; elle mérite d'être défendue, d'être exposée. Libre à chacun d'être en désaccord, mais, dans ce cas-là, il faudra en assumer toutes les conséquences devant les Français.
L'objectif de doubler le nombre de reconduites en application d'arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière doit nous permettre de passer d'un peu plus de 10 000 cette année - nous les avons déjà beaucoup augmentées - à environ 20 000. Et je ne m'en satisferai pas, parce que les Allemands en réalisent 30 000 ! Le gouvernement socialiste et vert de M. Schröder n'éprouve aucune gêne à raccompagner 30 000 clandestins par an ! Les Espagnols en sont également à 30 000, et je ne vois pas au nom de quoi la France serait le seul pays condamné à ne pas pouvoir décider qui est accueilli sur son territoire et qui doit être raccompagné hors de son territoire.
Là encore, il s'agit d'un débat tout à fait républicain.
Enfin, monsieur le rapporteur spécial, je vous confirme que les effectifs des préfectures pourront être réduits grâce à deux réformes : d'une part, le nouveau système d'immatriculation des véhicules, qui donnera à chacun de ceux-ci un numéro unique à vie, et, d'autre part, la modernisation de la fabrication des titres d'identité, avec la création de centres nationaux de fabrication et l'envoi direct des titres en mairie, sans passer nécessairement par les préfectures. Ces deux réformes devraient permettre de réduire les effectifs d'environ 600 agents à partir de 2006. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale pour la police et la sécurité. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, afin de répondre aux aspirations de nos concitoyens, la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002 a défini les orientations d'une nouvelle politique de sécurité devant s'accompagner d'un effort budgétaire de très grande ampleur.
Cet effort devrait se concrétiser dans la période 2003-2007 par la création de 13 500 emplois dans la police et la gendarmerie nationales et par l'allocation à ces deux forces d'une enveloppe financière de 5,6 milliards d'euros.
Dès 2003, en considérant l'effet sur cinq ans des mesures obtenues pour les personnels ainsi que les 40 millions d'euros obtenus dans la loi de finances rectificative pour 2002, ce sont 36 % de la programmation financière totale pour 2003-2007 qui ont été engagés.
Le premier budget de la police nationale de la nouvelle législature se devait de mettre en oeuvre les moyens prévus dans la LOPSI.
Malheureusement, il arrive trop souvent, l'histoire nous l'enseigne, que les lois de programmation s'essoufflent rapidement.
Or, dans le projet de loi de finances pour 2004, près de 313 millions d'euros sont à nouveau inscrits pour la mise en oeuvre de la deuxième année de la LOPSI. En considérant l'effet sur quatre ans, cette fois, des mesures obtenues pour les personnels, ce sont 19 % de l'enveloppe globale qui seraient engagés dans ce projet de loi de finances.
Au total, pour les deux premières années d'application de la LOPSI, 55 % de l'enveloppe globale seraient ainsi engagés.
La LOPSI, mes chers collègues, n'est pas une simple déclaration de bonnes intentions. Elle est la feuille de route de la douzième législature.
Représentant 56,3 % du budget du ministère de l'intérieur, l'agrégat « Police nationale » s'établit à 5,76 milliards d'euros, en progression de 5,7 % par rapport à l'année 2003. Ce montant intègre le transfert de 153,5 millions d'euros de rémunération des adjoints de sécurité sur le budget de la police nationale. A périmètre constant, les dotations prévues en 2004 s'élèvent à 5,61 milliards d'euros, soit une progression de 2,9 %.
Ce projet de budget prévoit la création de 750 emplois actifs et de 250 emplois administratifs.
Le budget de la gendarmerie nationale, qui relève du ministère de la défense, atteint quant à lui 4,34 milliards d'euros, soit une augmentation de 1,9 % par rapport à 2003.
Dans un contexte de progression du budget de l'Etat de 1,3 %, à périmètre constant, par rapport à la loi de finances initiale pour 2003 et de réduction globale des effectifs de la fonction publique, les projets de budget de la police et de la gendarmerie nationales traduisent donc, cette année encore, la priorité accordée par le Gouvernement à la sécurité.
L'ensemble des syndicats de police que j'ai auditionnés ont d'ailleurs considéré que ce projet de budget était excellent, quelles que soient leur sensibilité et leurs interrogations sur certains choix dans l'affectation des moyens.
Mais, plus encore que la hausse des moyens alloués à la sécurité, la pertinence et l'efficacité des choix opérés doivent être saluées. Rien ne sert d'augmenter les moyens s'ils ne vont pas là où ils sont le plus utiles !
La baisse de la délinquance observée depuis plus d'un an, avant même que la mise en oeuvre de la LOPSI n'atteigne sa pleine puissance, démontre que de meilleurs résultats dans la lutte contre la délinquance peuvent être obtenus rapidement si la volonté politique existe et si les bons choix sont faits. Avec un peu plus de 2 millions de crimes et délits constatés par les services de police et les unités de gendarmerie, le premier semestre de 2003 a connu une baisse de la délinquance de 4,16 % par rapport au premier semestre de 2002, ce qui confirme l'inversion de tendance. Mais le meilleur signe de ce changement de cap est la nouvelle motivation des forces de police et de gendarmerie : l'esprit est à la reconquête.
A cet égard, il convient de témoigner notre soutien aux forces de police, qui, dans des conditions difficiles, se dévouent au péril de leur vie pour assurer la sécurité de nos concitoyens. En 2002, un fonctionnaire de police est décédé et 3 484 ont été blessés au cours d'opérations. Qu'il me soit permis de leur rendre un hommage tout particulier ce matin.
Je ne détaillerai pas les chiffres de la délinquance, qui, partout, sont à la baisse. Je ne développerai pas non plus l'ensemble des réformes engagées, tant elles sont nombreuses et importantes. Toutes s'inscrivent dans le cadre fixé par la LOPSI et sont donc menées dans la transparence démocratique. Elles ont été débattues et approuvées, elles sont désormais mises en oeuvre.
En réalité, je n'évoquerai que la réorganisation territoriale de la police et de la gendarmerie, qui me semble représentative de l'esprit qui anime la politique de sécurité intérieure.
En effet, après des années d'atermoiements, d'hésitation et d'abandon, alors même que chacun savait parfaitement ce qui devait être fait, le redéploiement territorial de la police et de la gendarmerie nationales a été mené à bien en un an.
Il n'a pas été décidé à l'échelon central ; il a fait au contraire l'objet d'un travail déconcentré de concertation et de dialogue mené avec les acteurs locaux, notamment avec les élus et les magistrats, par les préfets, qui sont directement responsables de la conduite du redéploiement.
Cette réorganisation a été facilitée par le départ à la retraite de nombreux fonctionnaires de police et par le fait qu'elle ne se déroulait pas, comme auparavant, dans un contexte de pénurie de personnel.
Mis en oeuvre sur un rythme soutenu, l'ensemble des transferts de compétences devrait être achevé en 2005 ou en 2006 dans 65 départements de métropole et d'outre-mer et concernera 332 communes représentant plus de 1,7 million d'habitants. Les cartes de la délinquance et de la sécurité coïncident enfin, pour le seul bénéfice de l'intérêt général.
Je souhaite cependant attirer votre attention, monsieur le ministre, sur deux points qui mériteraient d'être précisés.
Ma première interrogation portera sur la réforme des corps et carrières.
En effet, l'année 2004 doit s'affirmer comme la première année de cette réforme, la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité de 1995 l'ayant annoncée sans la mettre réellement en oeuvre. Les transformations et repyramidages d'emplois devraient permettre la déflation des corps supérieurs au bénéfice du corps de maîtrise et d'application, c'est-à-dire des gradés et gardiens de la paix. La création d'un nouveau grade au sein du corps de maîtrise et d'application et le nécessaire renforcement de l'encadrement ont également été annoncés.
Est par ailleurs budgétée dans le projet de loi de finances la création d'une prime au résultat devant récompenser les services et les fonctionnaires de police qui atteignent leurs objectifs.
Tout cela souligne qu'une profonde évolution de la gestion des ressources humaines est engagée.
Toutefois, monsieur le ministre, pour que cette réforme aboutisse, plusieurs conditions doivent être réunies. Il s'agit, par exemple, de mettre en place une nomenclature précise des postes afin de savoir exactement qui fait quoi et d'identifier les responsabilités. Il s'agit encore de l'adaptation des rémunérations des gradés du corps de maîtrise et d'application aux responsabilités nouvelles d'encadrement que la réforme des corps et carrières devrait leur conférer.
Aussi, monsieur le ministre, comment concevez-vous cette réforme des corps et carrières ? Qu'attendez-vous de chaque corps ? Quelle politique indemnitaire envisagez-vous ?
Ma seconde question portera sur les personnels administratifs et techniques.
La LOPSI a mis l'accent sur la nécessaire montée en puissance des personnels administratifs et techniques, sans lesquels il ne peut y avoir de police moderne et efficace.
Toutefois, ces personnels continuent de souffrir d'un manque de considération, ce qui n'est pas sans effet sur l'attractivité de ces emplois. J'ajouterai que l'exercice d'un emploi administratif dans la police comporte certaines spécificités par rapport à un emploi équivalent dans une autre administration : les permanences et les astreintes sont en effet le lot de ces personnels administratifs et techniques, qui épousent le rythme de travail des policiers.
En conséquence, monsieur le ministre, quelles actions comptez-vous engager pour revaloriser ce corps de personnel et tenir compte de ses spécificités ?
La commission des lois a estimé, que les crédits inscrits au titre de la police nationale dans le projet de loi de finances pour 2004 permettraient d'accompagner efficacement votre politique déterminée de lutte contre toutes les formes de délinquance. Elle a donc émis un avis favorable à leur adoption. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale pour la sécurité civile. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois n'est pas coutume : c'est un rapporteur assez largement satisfait qui s'exprime à cette tribune.
En effet, dans le contexte économique difficile que nous connaissons, la progression de 4,26 % des crédits du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales pour la sécurité civile en 2004, crédits qui s'élèveront à 337 millions d'euros, constitue une avancée notable répondant à l'activité croissante des services de secours. Cela souligne - mais est-il besoin de le préciser ? - le caractère prioritaire des missions de défense et de sécurité civiles, éléments de la sécurité intérieure devenus aujourd'hui incontournables.
L'attachement profond de nos compatriotes à la qualité des interventions, toujours plus nombreuses et toujours plus dangereuses, des services de la sécurité civile est renforcé par le professionnalisme, l'efficacité et le dévouement dont ces personnels font preuve, au quotidien comme lors des calamités exceptionnelles.
L'été meurtrier de cette année, marqué par les incendies et par une vague de chaleur d'une rare intensité, restera ainsi dans les mémoires.
Vous le savez, le travail de la mission commune d'information du Sénat permettra de comprendre les réponses qui ont été apportées à la canicule et de proposer d'éventuelles améliorations aux dispositifs existants.
Mes chers collègues, il est indispensable de rendre hommage aux sauveteurs, dont l'action, cet été, a été parfois rapidement et injustement mise en cause alors qu'elle a, encore une fois, permis de limiter les conséquences dramatiques de cette tragédie.
Saluons également la mémoire des treize sapeurs-pompiers morts en service cette année ; ils ont incarné jusqu'au bout la devise : « sauver ou périr ».
Monsieur le ministre, ce projet de budget relatif à la sécurité civile pour 2004 constitue, me semble-t-il, une étape importante de l'indispensable réforme de la sécurité civile en France. Il permet en effet la prise en considération des personnels, la remise à niveau des équipements et la prise en compte de l'émergence de nouveaux risques.
Là où certains parlent beaucoup du nécessaire renforcement des moyens accordés à la sécurité civile, vous agissez.
Il faut le souligner : ce projet de budget devrait permettre à la sécurité civile de relever les défis auxquels elle est confrontée.
En premier lieu, les crédits de personnel sont augmentés de 3,43 % afin de permettre la création ou la consolidation d'emplois dans les secteurs prioritaires de la flotte aérienne ou du déminage et de prendre en compte les risques spécifiques auxquels sont exposés les personnels.
Je souligne également l'augmentation de 1,9 million d'euros des montants des pensions des veuves et orphelins des sapeurs-pompiers volontaires, qui constitue un signe fort de la solidarité nationale envers ces familles.
En second lieu, il convient d'insister sur l'augmentation de 6,2 % des crédits d'investissement de l'Etat, sur la dotation de 6 millions d'euros consacrée à l'immobilier, qui permettra de poursuivre la modernisation des sites de stockage de munitions et la restructuration de certaines bases d'hélicoptères de la sécurité civile, ainsi que sur l'accroissement des crédits d'équipement, de 18,17 % en autorisations de programme et de 2 % en crédits de paiement, destiné à maintenir les acquisitions de matériels indispensables et à améliorer la maintenance de la flotte aérienne.
Par ailleurs se dégagent de votre projet de budget quelques axes prioritaires sur lesquels je souhaiterais insister.
Après avoir rappelé que 72 000 hectares ont été ravagés par les flammes en France cette année, dont plus de 55 000 cet été, je veux d'abord saluer votre détermination à améliorer notre dispositif de lutte contre les incendies de forêt, ce qui passe en particulier par le renforcement des capacités opérationnelles du groupement des moyens aériens. A ce titre, les efforts sont importants, avec la création de seize emplois supplémentaires, la réception à ce jour de 14 des 32 appareils EC 145 qui doivent renouveler la flotte d'hélicoptères, ainsi qu'avec l'acquisition prochaine d'un nouveau Canadair et le remplacement annoncé des deux avions Fokker 27, dont l'ancienneté - ils ont plus de trente ans d'âge ! - nuit à la disponibilité.
Cet effort était nécessaire et avait été trop longtemps retardé. Sa poursuite dans les années à venir est indispensable pour faire face à la hausse rapide du nombre d'interventions.
Je voudrais de plus rappeler que les incendies de l'été sont pour la plupart d'origine criminelle : ces actes inadmissibles doivent être sanctionnés avec la plus grande fermeté.
Il faut en outre signaler la mise en oeuvre de la troisième tranche du plan de modernisation de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, plan qui doit être appliqué entre 2002 et 2007.
Par ailleurs, je me réjouis une nouvelle fois de l'effort d'amélioration de la formation des services de secours, avec le transfert en 2004 de l'Ecole nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers, l'ENSOSP, sur le site d'Aix-les-Milles, pour faire émerger un véritable pôle de sécurité civile, ainsi qu'avec la montée en puissance du pôle de défense civile de Cambrai. Vous permettez ainsi à la France, monsieur le ministre, de rattraper ses retards et de poser les bases d'une sécurité civile plus efficace et mieux coordonnée.
Je voudrais toutefois attirer votre attention sur la situation des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS.
Le projet de budget de la sécurité civile pour 2004 consolide le fonds d'aide à l'investissement des services départementaux d'incendie et de secours, créé conformément à vos engagements et à nouveau doté de 45 millions d'euros en crédits de paiement. Ce fonds devrait faciliter, au terme d'une phase d'expérimentation, la modernisation des réseaux de communication des sapeurs-pompiers.
Mais l'effort de 2,9 milliards d'euros consacré au financement des services d'incendie et de secours, qui constituent la colonne vertébrale de la sécurité civile dans notre pays, pèse sur les collectivités territoriales.
Aussi pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, vos intentions en ce qui concerne le renforcement du financement et la prise en compte des inquiétudes des élus locaux quant à l'avenir des services départementaux d'incendie et de secours ?
Qu'il me soit encore permis de rappeler à la Haute Assemblée les mesures dont vous avez pris l'initiative pour favoriser la légitime reconnaissance des spécificités des sapeurs-pompiers. Sans pouvoir toutes les mentionner, je voudrais insister sur les réformes entreprises en faveur de la consolidation du statut des sapeurs-pompiers professionnels, particulièrement sur la refonte du congé pour difficulté opérationnelle, le CDO, tendant à en faciliter l'accès aux sapeurs-pompiers de plus de cinquante ans.
Je salue également les mesures destinées à donner un élan au volontariat sapeur-pompier, aujourd'hui confronté à des difficultés importantes qui menacent le maillage territorial de la sécurité civile. Ces dipositions, issues des réflexions de la mission Fournier et d'une longue concertation, permettront en particulier de faciliter la participation des volontaires à l'activité des services départementaux d'incendie et de secours, de créer un avantage retraite spécifique, d'étendre l'allocation de vétérance aux sapeurs-pompiers volontaires ayant cessé leur activité avant 1998, ou encore de donner aux collectivités territoriales la possibilité d'accorder un abattement forfaitaire de taxe professionnelle aux entreprises employant des sapeurs-pompiers volontaires.
A titre personnel, je me réjouis de l'abaissement à seize ans de l'âge de recrutement des volontaires, mesure de bon sens que je défends depuis plusieurs années.
A ce sujet, monsieur le ministre, pourriez-vous nous donner des précisions sur le moment où ces dispositions statuaires ; qui sont les bienvenues ; seront effectives ?
Votre entreprise de refondation de la sécurité civile sera bientôt couronnée par le projet de loi relatif à la sécurité civile, aux services d'incendie et de secours et aux sapeurs-pompiers. L'objet de ce texte sera nécessairement de dessiner une politique de défense et de sécurité civiles adaptée à son temps.
En conclusion, monsieur le ministre, je tiens à saluer votre action, qui contribue à faire émerger une véritable culture de la sécurité civile en France, ce qui est bien, mes chers collègues, l'affaire de tous.
Je tiens à vous faire part de mon adhésion à votre démarche réformatrice et ambitieuse, monsieur le ministre, et je salue ce projet de budget comme un signe clair de votre engagement en faveur de l'institution d'une sécurité civile moderne et efficace.
Partageant cette analyse, la commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la sécurité civile. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Courtois, vous m'avez demandé quels étaient mes objectifs s'agissant de la réforme des corps et des carrières de la police nationale. Ils sont simples : il s'agit d'adapter la structure hiérarchique aux besoins opérationnels et de permettre à tous les cadres d'exercer les responsabilités pour lesquelles ils ont été formés.
Tout d'abord, le corps supérieur, celui des commissaires, doit être chargé de l'élaboration des doctrines d'emploi des forces et de la direction des principaux services et opérations.
Ensuite, le corps des cadres, celui des officiers de police, doit assumer de véritables commandements opérationnels.
Enfin, à l'intérieur du corps de base, les gradés doivent avoir un rôle plus nettement distinct de celui des gardiens de la paix. Ils doivent diriger des équipes, organiser l'emploi du temps et pouvoir prendre des initiatives face à l'imprévu.
Pour atteindre ces objectifs, il faut réduire, je l'affirme, les effectifs des deux corps supérieurs. Des emplois actuellement occupés par des commissaires doivent être confiés à des officiers et des emplois actuellement occupés par des officiers doivent être confiés à des gradés, sinon, on dévalorise l'ensemble de la pyramide hiérarchique, qui perd alors toute signification. A terme, le nombre des commissaires diminuera de 20 % et celui des officiers de près de la moitié. Dès 2004, 50 emplois de commissaire et 550 emplois d'officier seront ainsi supprimés.
En revanche, pour renforcer l'encadrement par les gradés, car c'est bien de cela que manque la police nationale, un nouveau grade sera créé entre celui de gardien de la paix et le grade actuel de brigadier. Pour simplifier, j'ai proposé de l'intituler « brigadier », le grade actuel de brigadier devenant celui de « brigadier-chef ».
En tout état de cause, je ne veux plus de commissaire enfermé dans un bureau, exerçant, pour toute direction opérationnelle, son autorité sur un agent administratif ou une secrétaire. Il faut que les choses soient claires : quand on a été formé pour être commissaire de police ou officier, on occupe un emploi du niveau correspondant. C'est ainsi que l'organisation sera pertinente et efficace.
Vous m'avez en outre demandé, monsieur Courtois, quelle politique indemnitaire accompagnerait cette réforme.
La mesure la plus importante à mes yeux estl'instauration de la prime au résultat. Dès 2004, 5 millions d'euros inscrits au budget à ce titre seront divisés en trois parts.
La première part permettra d'augmenter les montants disponibles pour la récompense individuelle des mérites. Un tel dispositif existait déjà, certes, mais il n'était doté jusqu'à présent que de 76 000 euros. Pour quelque 135 000 policiers, cela n'allait quand même pas très loin...
La deuxième part permettra de financer les primes forfaitaires lorsqu'un événement national ou international a été bien géré. Ainsi, à l'occasion de la réunion du G 8 qui s'est tenue à Evian, en six journées et cinq nuits, pas un seul carreau n'a été cassé en France, alors que tel n'a pas été le cas à Genève et à Lausanne. J'ai donc considéré comme normal et juste d'accorder une prime forfaitaire à tous les fonctionnaires et à tous les militaires qui avaient participé à l'organisation de cet événement,...
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. Bravo !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... qui ne relève quand même pas du travail quotidien des policiers et des gendarmes. Permettez-moi de le dire, par comparaison avec l'organisation d'autres sommets internationaux, nous n'avons pas à rougir de la façon dont nous avons conduit les opérations !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Enfin, la troisième part permettra d'attribuer une prime aux services et aux équipes qui auront atteint dans les meilleures conditions les objectifs et les résultats fixés au début de l'année.
L'objectivité des critères d'attribution est naturellement une condition indispensable. Je préfère d'ailleurs, monsieur le rapporteur pour avis, parler de prime aux résultats plutôt que de prime au mérite. Le mérite, cela se discute ; les résultats, cela se mesure. Les objectifs de résultats seront quantifiables, discutés avec les représentants du personnel, annoncés à l'avance et évalués après coup.
Prenons quelques exemples à cet égard : une augmentation du taux d'élucidation, c'est un résultat ; une baisse du nombre des morts sur les routes, c'est un résultat ; un accroissement du nombre des reconduites à la frontière d'étrangers en situation irrégulière, c'est un résultat.
La transparence ne doit d'ailleurs pas concerner seulement la définition des objectifs, mais aussi la répartition des primes en fin d'année. J'ai donc accepté que cette répartition soit portée à la connaissance des syndicats ; mais après coup, bien sûr, car ce ne sont pas eux qui dirigent.
J'ajoute que la prime aux résultats ne doit être, à mon sens, qu'un élément d'une politique générale de motivation des policiers. L'évaluation et la notation vont devenir, monsieur le rapporteur pour avis, plus objectives et plus discriminantes. Dans le cadre de la réforme des corps et des carrières, je veux accroître les possibilités de promotion d'un corps de police à l'autre pour récompenser les fonctionnaires les plus efficaces. Celui qui a les meilleurs résultats doit pouvoir choisir en priorité le poste qu'il souhaite.
Vous m'avez également interrogé, monsieur Courtois, sur les mesures prévues pour les personnels administratifs, scientifiques et techniques. C'est un sujet essentiel, car la police nationale recouvre de plus en plus des métiers de haute technicité. Il faut renforcer ses compétences administratives, mais aussi ses compétences techniques spécialisées : je pense aux psychologues, aux informaticiens, aux linguistes, aux techniciens de scène de crime. Pour y parvenir, il faut pouvoir attirer des candidats de qualité.
Pour commencer, j'ai demandé que l'on élabore une nomenclature précise des postes administratifs et techniques, afin que chacun puisse réellement être employé là où ses compétences justifient qu'il le soit.
En outre, le projet de budget qui vous est présenté aujourd'hui permettra de mettre enfin un terme à l'injustice subie par les agents administratifs de la police nationale, dont les primes étaient d'un montant plus faible que celles des agents de préfecture. Cette situation était tout à fait anormale, et je pense d'ailleurs qu'il faudra aller plus loin : lorsque les spécialités sont les mêmes, les corps de police, de l'administration préfectorale et de l'administration centrale doivent être fusionnés, le cloisonnement est une maladie de notre administration.
S'agissant des personnels techniques qui exercent leur profession dans des conditions proches de celles des policiers opérationnels, par exemple les techniciens de scène de crime, qui peuvent être appelés à toute heure du jour et de la nuit comme n'importe quel policier, il conviendra de mieux adapter leur régime indemnitaire aux spécificités de leur fonction.
Monsieur Courtois, tels sont les éléments de réponse, très condensés malheureusement, que le Gouvernement souhaitait vous apporter.
Monsieur Schosteck, je vous remercie de votre soutien. Je vais essayer de répondre avec précision aux deux questions principales que vous m'avez posées.
S'agissant d'abord de l'avenir des services départementaux d'incendie et de secours, je comprends parfaitement l'inquiétude des élus locaux, car je sais que l'Etat, à plusieurs reprises, leur a imposé des charges nouvelles par voie réglementaire sans aucune consultation. Telle est la vérité, et la contester ne servirait à rien.
M. Jean-Jacques Hyest. Absolument !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. La saison exceptionnelle que nous avons connue l'été dernier sur le front des incendies a encore aggravé la situation par les charges importantes qu'elle a entraînées, non seulement pour les départements victimes des incendies, mais aussi pour tous les services qui ont alimenté les colonnes de renfort venues au secours des zones sinistrées avec une grande générosité.
A cet égard, le projet de loi de finances rectificative qui sera examiné demain à l'Assemblée nationale apportera une première réponse. Il prévoit une subvention de 29 millions d'euros pour rembourser les charges supportées par les SDIS qui sont intervenus hors de leur zone de défense et pour aider, à titre exceptionnel, les départements victimes des incendies.
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Une telle somme peut évidemment paraître insuffisante, mais c'est quand même là, mesdames, messieurs les sénateurs, un effort dont nul ne peut sous-estimer l'importance.
A l'avenir, il conviendra de maîtriser l'évolution des dépenses des SDIS et de leur garantir des ressources adaptées à l'augmentation de leurs charges. J'ai donc proposé la création d'une nouvelle conférence nationale des SDIS, qui sera consultée sur toutes les mesures de caractère national susceptibles d'avoir des effets sur leur organisation, leurs missions et leur budget. Cette conférence sera composée de délégués d'associations d'élus, de représentants des sapeurs-pompiers et de représentants de l'Etat. Les représentants des collectivités locales y seront majoritaires, et les avis que rendra la conférence nationale s'imposeront à l'administration. Le Gouvernement pouvait-il donner plus de gages quant à la fin d'une période où l'Etat décidait et où les élus payaient ? Cette période appartient désormais à un passé définitivement résolu ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Bravo !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'avais très souvent entendu évoquer une telle mesure - M. Michel Mercier le sait bien - mais personne ne l'avait jamais prise ! Dorénavant, l'Etat ne prendra plus de décision dans ce domaine sans que, au préalable, la conférence nationale des SDIS, au sein de laquelle, je le répète, les élus seront majoritaires, n'ait émis un avis conforme.
Mais cela n'est pas tout ! Il faut garantir que l'évolution des charges des SDIS sera couverte par une ressource au moins aussi dynamique. En effet, le précédent gouvernement adorait accorder des dotations, mais celles-ci ne progressent au mieux qu'en fonction de l'inflation ! Or, quant à elles, les charges assumées par les collectivités locales et les explosent !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Tout à fait !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le Gouvernement a donc décidé, sur ma proposition, d'affecter au financement des SDIS une partie du produit de la taxe sur les conventions d'assurance, qui sera décentralisée au 1er janvier 2005. Je souligne que l'assiette de cette taxe s'est accrue de 5 % à 6 % l'an passé, tandis que celle de la dotation globale de fonctionnement n'a progressé que de 2 % à 3 % : dorénavant, les SDIS bénéficieront d'une recette fiscale dynamique. Là encore, une telle disposition avait souvent été réclamée, mais n'avait jamais été décidée. Voilà qui est fait ! C'est là un autre changement, monsieur Schosteck, qui montre que le Gouvernement souhaite créer un climat de confiance avec les élus.
Votre seconde question portait sur les principales évolutions statutaires concernant les sapeurs-pompiers.
S'agissant du rétablissement du volontariat à seize ans, monsieur Schosteck, j'ai le plaisir de vous annoncer que le décret à cette fin est paru au Journal officiel ce matin ! (M. Simon Loueckhote applaudit.)
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Bravo !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Désormais, il est donc possible d'accueillir un jeune de seize ans parmi les sapeurs-pompiers. Cela est préférable, car un jeune qui désire se porter volontaire à seize ans n'effectuera pas forcément la même démarche à dix-huit ans.
S'agissant de la réforme des retraites des sapeurs-pompiers, deux mesures que je sais très attendues sont sur le point d'être inscrites dans la loi. Le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a en effet déposé, au nom du Gouvernement, un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 tendant à ce que les sapeurs-pompiers ayant été placés en congé pour difficultés opérationnelles avant le 31 décembre 2003 ne soient pas touchés par les effets de la réforme des retraites. C'est là une question d'équité, puisque les intéressés ne pouvaient pas prévoir cette réforme au moment où ils ont quitté le service. Une injustice se trouve donc aujourd'hui corrigée.
Par ailleurs, le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire déposera, au nom du Gouvernement, un amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2003 visant à ce que les sapeurs-pompiers partis en retraite avant 1998 puissent bénéficier, si leurs employeurs le souhaitent, de la part variable de l'allocation.
Enfin, d'autres mesures seront inscrites dans le projet de loi de modernisation de la sécurité civile que je présenterai en conseil des ministres le mois prochain. Elles concerneront notamment la rénovation du congé pour difficultés opérationnelles. Actuellement, ce congé ne peut pas être cumulé avec une activité professionnelle, or je souhaite que cette règle soit assouplie : le sapeur-pompier pourra, s'il le souhaite, exercer une activité lucrative en dehors de la fonction publique. Cette possibilité s'ajoutera au reclassement pour difficultés opérationnelles dans la fonction publique, qui est déjà prévu.
Les sapeurs-pompiers admis au congé pour difficultés opérationnelles bénéficieront également de la bonification du cinquième après vingt-cinq ans d'ancienneté, au lieu de trente ans auparavant, sans autre condition. Leur situation sera donc alignée sur celle des policiers. Qui pourrait prétendre que le travail des sapeurs-pompiers est moins dangereux que celui des policiers ?
La retraite des sapeurs-pompiers volontaires doit, elle aussi, être réformée. Il existe aujourd'hui une allocation de vétérance. Le Premier ministre a accepté le principe de la transformation de cette allocation en un véritable régime de retraite complémentaire pour les sapeur-pompier volontaires qui auront exercé pendant au moins vingt ans.
En effet, n'est-il pas naturel et normal que quelqu'un qui, pendant vingt ans, aura cumulé une vie professionnelle, une vie familiale et une activité de sapeurs-pompiers volontaire bénéficie d'un avantage en termes de retraite complémentaire ? Ce régime sera alimenté par les SDIS et par les sapeurs-pompiers, avec la possibilité d'une aide de l'Etat. Un groupe de travail associant l'Etat et des représentants des élus et des sapeurs-pompiers s'est déjà réuni deux fois et me présentera ses premières propositions à la fin du mois. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous passons aux questions des orateurs des groupes.
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les sondages, comme les résultats électoraux sans appel de 2002, ont clairement démontré que la sécurité était la première des préoccupations des Français, celle-là même qu'ils souhaitaient voir inscrite, sans plus attendre, à l'agenda politique des réformes.
Le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, a su répondre très rapidement à cette attente. Dès le mois d'août, le Parlement votait la loi d'orientation pour la sécurité intérieure, donnant ainsi les premiers instruments pour remobiliser policiers et gendarmes. Quelques mois plus tard, une loi d'application visait toutes les formes d'insécurité existant dans notre pays.
Aujourd'hui, les chiffres enregistrés sur le terrain attestent du succès de cette politique ambitieuse, même s'il faut parfois se méfier des statistiques ! Depuis le début de l'année 2003, la délinquance a en effet reculé de plus de 3,3 %. Les agressions, les vols et les cambriolages ont, quant à eux, régressé de 15 %.
Eternellement différés, les rapprochements entre les forces de police et de gendarmerie fonctionnent et donnent des résultats, même si une optimisation de l'articulation de ces deux services est à mon avis encore possible. Les GIR, associant inspection du travail, services des douanes et services des finances, font la preuve de leur efficacité, au grand dam de nombre de vos prédécesseurs, monsieur le ministre.
Ainsi, la sécurité redevient une liberté fondamentale de notre démocratie, au profit des plus faibles, des plus fragiles, des personnes âgées et des personnes isolées.
Dans un contexte pourtant très difficile, votre projet de budget pour l'année 2004 marque une augmentation de 5 %, pour s'établir à plus de 10 milliards d'euros. C'est le signe que vous n'entendez pas relâcher les efforts entrepris et que les moyens nécessaires aux forces de sécurité de notre pays seront encore au rendez-vous. C'est pourquoi je voterai en faveur de ce projet de budget.
Je souhaitais cependant vous interroger, monsieur le ministre, sur le rôle des maires dans la politique de lutte contre l'insécurité.
Lors du dernier congrès des maires de France, vous avez fait la déclaration suivante : « J'ai voulu vous donner pleinement les pouvoirs d'exercer toutes vos responsabilités mais rien que vos responsabilités en matière de sécurité. » Ce « rien que » signifie-t-il que tout est figé définitivement ? Le temps n'est-il pas précisément venu, monsieur le ministre, de donner aux maires les moyens d'agir, en élargissant notamment les missions des polices municipales ?
Incarnant le pouvoir de proximité, les maires sont toujours en première ligne face à la délinquance, confrontés au désarroi de leurs concitoyens et, en partie, jugés sur la situation en matière de sécurité dans leur commune. Or ils ne disposent pas, à l'heure actuelle, des pouvoirs de police adaptés à la répression des nouvelles formes d'insécurité.
Les polices municipales, quant à elles, ont fait la preuve de leur efficacité. Vous l'avez vous-même reconnu devant les maires. Alors qu'elles étaient cantonnées, voilà encore quelques années, à un rôle de surveillance de la sortie des écoles, elles ont désormais à accomplir de plus en plus de missions de sécurisation sur la voie publique, des contrôles routiers et des rondes de nuit dans les quartiers difficiles. Elles constituent aujourd'hui un corps de sécurité publique à part entière, à côté de la police nationale et de la gendarmerie !
Voilà quelques mois, vous avez fait part de votre intention d'élargir les compétences des maires en matière de police, de réformer les statuts des policiers municipaux, de répondre favorablement à leur souhait légitime d'être professionnalisés grâce à des formations, ou encore de leur permettre de porter une arme... ou de les doter de flash-balls, à l'instar de la police nationale.
Où en est votre réflexion, monsieur le ministre ? Des mesures législatives sur le sujet sont-elles envisagées dans le texte en préparation sur la prévention de la délinquance ? Ce qui est en jeu, c'est une plus grande efficacité encore et une nouvelle accélération de la lutte contre l'insécurité dans nos villes. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Barbier, j'ai voulu dire qu'il n'y aurait pas de municipalisation de la police nationale. Ce n'est pas la politique du Gouvernement. (Marques d'approbation sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. La tâche de sécurité est une tâche de l'Etat.
Par ailleurs, j'ai voulu rendre hommage à l'action des policiers municipaux, qui font un travail remarquable et parfaitement complémentaire de la police nationale. Nous avons augmenté leurs pouvoirs. Désormais, ils peuvent assurer des conduites en fourrière, alors qu'ils ne le pouvaient pas avant puisqu'ils étaient obligés d'attendre l'arrivée d'un fonctionnaire de la police nationale. Désormais, ils peuvent consulter un certain nombre de fichiers, notamment le fichier des véhicules volés ou des permis de conduire. Désormais, les maires ont un droit à l'information sur la réalité de la délinquance. Dans le projet de loi sur la prévention de la délinquance, le Gouvernement fera des maires le pivot de cette politique.
Que faut-il faire maintenant pour les polices municipales ? Il y a d'abord un premier problème : l'armement. Moi, je crois qu'il faut laisser la liberté du dialogue entre les maires et les préfets. Mais, s'agissant d'un certain nombre de polices municipales, il n'y a aucune raison que des armes non létales comme le flash-ball ne puissent pas être utilisées par des polices municipales employées de nuit dans des quartiers difficiles.
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Si cette arme non létale est efficace et protectrice pour les fonctionnaires d'Etat, je ne vois pas pourquoi elle ne le serait pas pour les fonctionnaires des collectivités locales.
M. Christian Demuynck. Absolument !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Barbier, vous voyez que le Gouvernement va dans votre sens.
Il est un deuxième élément sur lequel nous sommes en train de travailler : le statut et l'encadrement des polices municipales. Je ne comprends toujours pas pourquoi on ne pourrait pas vous donner la possibilité de recruter aussi, pour animer et diriger vos équipes, de jeunes retraités de la police nationale,...
M. Christian Demuynck. Voilà !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... qui sont des hommes ou des femmes parfaitement compétents. Il faut également donner des perspectives de carrière aux policiers municipaux,...
M. Christian Demuynck. En effet !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... afin que ceux-ci épousent un vrai métier, avec un vrai statut, qui ne soit pas considéré comme une impasse.
Monsieur Barbier, il y aurait bien d'autres choses à dire. Mais comme je ne veux pas m'attirer les foudres du président Gaudin, je me contenterai de cette réponse, pour vous dire combien le Gouvernement souscrit à l'ensemble de vos remarques. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Les policiers municipaux méritaient une mention particulière dans ce débat. Ils occupent, en effet, une place importante dans le dispositif de prévention et de sécurité au service de nos concitoyens. Pourtant, ils ont le sentiment de ne pas être considérés à leur juste valeur, pis, de n'être que les faire-valoir des forces de sécurité nationale.
Il est vrai que l'élargissement de leurs missions ne s'est accompagné d'aucune réforme d'envergure de leur statut, et, bien entendu, nous attendons cette proposition avec beaucoup d'intérêt. Ils ne bénéficient d'aucun des avantages des policiers nationaux et ne reçoivent aucune distinction honorifique.
Il faut éviter à tout prix de créer une catégorie de policiers de seconde zone, de créer, chez ces hommes et chez ces femmes, des frustrations qui ne peuvent que nuire à l'efficacité de leur travail. Merci, monsieur le ministre, de vous préoccuper de leur sort.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. J'ai prévu de vous interroger, monsieur le ministre, sur l'évolution de la délinquance, sur le constat et sur les moyens de mesure de cette délinquance. Compte tenu des propos des orateurs qui m'ont précédé à cette tribune, il y aurait beaucoup à dire sur la stigmatisation systématique du gouvernement précédent. Elle me semble un peu excessive et injuste. Le temps passe, et vous savez bien, monsieur le ministre, que M. Vaillant a fait peu d'effets de manche,...
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Assez peu, en effet ! C'est incontestable !
M. Jean-Claude Peyronnet. ... et réalisé un travail important, notamment en termes d'emplois ; vous en avez d'ailleurs bénéficié ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Non !
M. Jean-Claude Peyronnet. Si !
M. Jean-Jacques Hyest. Et la RTT ?
M. Jean-Claude Peyronnet. Nous pourrions en discuter, et notamment comparer avec les lacunes très profondes laissées par la période Pasqua (M. Roger Karoutchi proteste), mais là n'est pas le sujet !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. M. Vaillant n'a pas couvert les retraites !
M. Jean-Claude Peyronnet. Je pense vraiment dire la vérité. Je ne cherche pas à vous exciter.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Il en faut plus !
M. le président. Il est trop tôt ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Peyronnet. En effet, monsieur le président.
Monsieur le ministre, je partirai d'un constat sur le niveau de la délinquance : entre 1993 et 2002, le nombre de crimes et délits est passé de 3 880 000 à 4 113 000. C'est donc une augmentation très forte. On en connaît en partie les raisons : les téléphones portables, les cartes bleues, etc. Malgré une baisse récente, le niveau de délinquance reste préoccupant. Personne ne peut nier cette évidence.
Or cette délinquance s'est déplacée. C'est le constat que fait M. Courtois dans son rapport écrit, chose que l'on connaissait mais qu'il dit de façon très précise : « La délinquance, longuement cantonnée aux zones urbaines, se diffuse désormais dans les zones périurbaines et dans les zones rurales du fait d'une mobilité accrue des délinquants. » Ce phénomène semble se confirmer en 2003, après une augmentation en 2002. Au premier semestre, si on observe une baisse sur l'ensemble des services, la diminution est beaucoup plus faible pour la gendarmerie : 1,8 %, contre 5,8 % pour la police nationale.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ça baisse, mais moins !
M. Jean-Claude Peyronnet. Ça baisse moins, en effet, mais on est sur des volumes très élevés. Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour essayer de résoudre cette situation de la « rurbanité », comme on dit parfois ? En particulier, avez-vous l'intention de redéployer des effectifs, voire de renforcer les effectifs de gendarmerie ou de police dans cette zone périurbaine ? En effet, il s'agit d'une zone en développement important dans nos provinces.
Ma deuxième question concerne la réalité du taux d'élucidation des crimes et délits, qui s'établissait à 32,20 % en 1993 et à 26,27 % en 2002. Vous vous félicitez de sa progression à 28,15 %. Tout dépend pourtant de la nature des infractions. Le taux d'élucidation est élevé pour les viols et les homicides. Tant mieux ! Et je me félicite que les forces de police et de gendarmerie réussissent dans ce domaine. En revanche, le taux régresse fortement pour les vols avec violence sans arme à feu. Enfin, le taux d'élucidation est très bas s'agissant des aspects les plus fréquents de la petite délinquance - or on sait que c'est là, au quotidien, que nos concitoyens se sentent agressés -, les vols d'automobiles, les cambriolages d'habitations principales, les vols à la roulotte, les vols d'accessoires, etc. Monsieur le ministre, que comptez-vous faire dans ce domaine ? Le fait de dire que le taux d'élucidation connaît un redressement spectaculaire me paraît discutable.
Enfin, ma troisième question concerne le fameux classement policier, que M. de Montesquiou a évoqué en ces termes : « Ce procédé peut être utilisé à la demande des victimes - il n'y a rien à dire à ce sujet -, mais il peut relever d'une pratique discutable : 10 % des faits enregistrés en main courante seraient susceptibles d'être qualifiés pénalement. »
Cette pratique, qui a pour conséquence de faire baisser mécaniquement les statistiques de la délinquance, est d'autant plus discutable qu'elle n'est pas le fait de la gendarmerie qui, elle, transmet systématiquement les constats au procureur. Quelle politique pouvez-vous mettre en oeuvre pour essayer de corriger ce dysfonctionnement ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Peyronnet, je vous remercie d'abord du ton de votre intervention et de son esprit extrêmement constructif. (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Si vous le permettez, je commencerai par répondre par la fin, car c'est ce qu'il y a de plus simple.
S'agissant du classement policier, vous avez dit deux choses. D'abord, c'est bien normal et c'est généreux de votre part, vous avez tenu à rappeler l'action dynamique, forte, incontestable de M. Vaillant, et sans doute également de M. Chevènement. Ce classement policier, pourquoi, puisque vous avez été aux commandes pendant cinq ans, ne l'avez-vous pas réformé ? Si c'était si choquant, si cette pratique était si discriminatoire, s'il y avait urgence à changer les choses, pourquoi ne l'avoir pas fait ?
M. Christian Demuynck. Effectivement !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Pourquoi me demander de faire en dix-neuf mois ce que vous n'avez pas fait en cinq ans ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Regardez devant, et non derrière !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous parlions de la délinquance après votre arrivée au pouvoir !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Peyronnet, je ne veux pas polémiquer.
M. Robert Bret. Surtout pas !
M. Jean-Pierre Sueur. A un ministre de l'intérieur, vous le savez, succède un autre ministre de l'intérieur !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Bien sûr ! Pourquoi ce qui est devenu urgentissime quand je suis ministre de l'intérieur ne l'était-il pas quand M. Chevènement puis M. Vaillant étaient en place ? On se le demande !
Monsieur Peyronnet, on peut dire : il y a des priorités que j'ai retenues et que vous n'avez pas retenues. Mais celle-ci ? C'est invraisemblable ! (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.)
En ce qui concerne les résultats, je dis une chose : l'état 4001 date de 1971. Il n'a été changé par personne. S'il a des imperfections, c'étaient les mêmes à l'époque de M. Vaillant. Le seul avantage de l'état 4001, c'est que, comme il s'agit du même appareil statistique depuis 1971, on a un élément de comparaison certain. Je ne dis pas qu'il est parfait, mais il est certain.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Les pourcentages sont bons !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Or, que dit l'état 4001 sur les trois dernières années ?
En 2001, la délinquance, en France, a augmenté de 7,5 % ; en 2002 - je suis responsable de ce ministère depuis le mois de mai 2002, soit pendant sept mois de cette année, - la délinquance a augmenté de 1,33 % ; en 2003, sur les dix premiers mois de l'année - on attend les résultats du onzième -, la délinquance a reculé de 3,3 %. Voilà la dernière année pleine socialiste, la dernière, 2001 : plus 7,5 % ; l'année pleine du gouvernement Raffarin, 2003 : moins 3,3 %. Je ne dis pas que c'est la victoire, je dis simplement que, pour les Français, ce n'est pas tout fait la même chose. Monsieur Peyronnet, cela représente 122 000 victimes de moins,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous ne répondez pas aux questions !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... alors que ce qu'a fait votre majorité à l'époque a abouti à 300 000 victimes de plus.
M. Christian Demuynck. Eh oui !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je ne dis pas que nous avons résolu le problème, je ne dis pas que tout est réglé. Mais cela devrait modérer le parti socialiste quand il fait un rapport pour donner au gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin des conseils en matière de sécurité. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.) Nous allons déjà essayer de ne pas nous conduire exactement comme cela a été fait par le passé.
M. Peyronnet m'a posé une question très judicieuse : qu'entendez-vous faire pour améliorer les choses ?
M. Jean-Claude Peyronnet. Sans polémiquer !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'était votre question, mais c'est ma réponse ! (Sourires.) C'est comme cela ! (M. Jean-Claude Peyronnet s'exclame.) Monsieur Peyronnet, j'espère que vous ne me tenez pas rigueur du ton que j'ai employé, qui ne vous était absolument pas destiné.
M. Jacques Mahéas. C'est toujours le même !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Eh oui, monsieur Mahéas, il y a des gens qui sont passionnés et qui s'engagent !
M. Jean-Pierre Sueur. Comme M. Mahéas !
M. Jacques Mahéas. Je suis aussi passionné que vous, monsieur le ministre !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Et si c'est un défaut, je le revendique !
Pendant les cinq années du gouvernement Jospin, un rapport - et Dieu sait si les rapports ont été nombreux -, le rapport Carrez-Pandraud a conclu : il faut un observatoire. Soit ! Mais pourquoi ne l'avez-vous pas fait ? Pourquoi m'avez-vous laissé inaugurer l'Observatoire national de la délinquance le mois dernier ?
M. Jacques Mahéas. Vous êtes si pressé que cela s'est fait sans décret !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Voilà encore une idée formidable, extraordinaire ! Il vous a fallu cinq ans pour réfléchir et pour aboutir à la conclusion qu'il fallait un observatoire, et nous, en dix-neuf mois, nous l'avons mis en place !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Heureusement que nous sommes là !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Avec la courtoisie républicaine qui est la vôtre, et à laquelle je rends hommage, faute avouée est à moitié pardonnée.
Vous me demandez ce que j'entends faire. Vous me communiquez les chiffres. Voilà ce que j'entends faire : un observatoire a été créé. Mieux, monsieur Peyronnet, qui préside cet observatoire ? M. Bauer, qui a de multiples qualités, l'une, et non des moindres, étant d'avoir été collaborateur de M. Michel Rocard. J'imagine que, pour vous, c'est une référence ! Et voilà que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin choisit pour présider l'Observatoire national de la délinquance un ancien collaborateur de Michel Rocard ! Peut-on faire plus honnête ? (Sourires sur les travées de l'UMP.) Ce n'est quand même pas vous qui allez me reprocher d'avoir choisi un ancien collaborateur de Michel Rocard ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Allez savoir !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ce serait trop cruel pour Michel Rocard et trop triste !
A partir de cet observatoire, les chiffres seront incontestables, monsieur Peyronnet, et nous pourrons en tirer des conséquences.
Que voulons-nous, vous et nous ? Nous voulons que la délinquance baisse et que les Français connaissent avec précision les résultats obtenus en la matière par les gouvernements quels qu'ils soient.
Moi, je l'ai dit, je sais pourquoi je suis là : je dois obtenir des résultats. Si je n'en obtiens pas, je partirai parce que j'estime que j'aurai échoué. Je ne connais pas d'autre façon pour rendre de la considération à l'action politique que d'être responsable de ce que l'on fait et de ce que l'on dit. On attend de moi que je fasse baisser la délinquance par le travail des policiers et des gendarmes. Eh bien, si ne n'y arrive pas, j'en tirerai toutes les conséquences !
Voilà, monsieur Peyronnet, avec beaucoup de courtoisie républicainement et du fond du coeur, ce que je voulais vous dire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Républicainement et avec courtoisie, je vous fais observer, monsieur le ministre, que vous êtes très convaincant, mais - et il faut que ceux qui applaudissent vivement sur les travées de la majorité sénatoriale le sache - l'Observatoire national de la délinquance a été installé avant la publication du décret d'application. Si mes renseignements sont bons, ce décret devrait être publié en janvier 2004.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Dans un mois !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Quelle impatience !
M. Jean-Claude Peyronnet. Nous avons les mêmes objectifs : effectivement, nous souhaitons, les uns et les autres, que la délinquance diminue. Mais le problème est de savoir si les outils qui permettent de la mesurer sont fiables. Récemment, nous vous avions proposé qu'une autorité indépendante, pluridisciplinaire et placée sous votre autorité soit instituée afin de contrôler les chiffres. En réalité, nous craignons que l'Observatoire national de la délinquance, l'OND, ne reste sous la tutelle du ministère de l'intérieur, ce qui jettera toujours une suspicion sur les chiffres qui sont avancés.
Enfin, je reviens sur le classement policier. Celui-ci existe depuis toujours. Il est de revenir à Jules Moch, voire à Napoléon. Ce n'est pas une raison ! Ma question était simplement celle-ci : que comptez-vous faire ? Je ne souhaite pas polémiquer. Je vais préciser les choses. Je m'interroge sur la mise en place de la prime au mérite et sur la façon dont les statistiques pouraient être faussées. Si les gens reçoivent une prime parce qu'ils obtiennent de bons résultats, ils pourront avoir tendance, la nature humaine étant ainsi faite, à limiter l'ampleur des délits constatés. C'est un comportement assez naturel. Je me demande si la culture du chiffre est compatible avec l'objectivité des résultats...
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. On tourne en rond !
M. Jean-Claude Peyronnet. ... et s'il n'y a pas un risque de voir se développer, contrairement à ce qui serait souhaitable, la pratique du classement policier. Nous le savons en tant qu'élus de terrain, dans beaucoup de cas, dans les commissariats, on dit : vous n'allez pas porter plainte, laissez faire, la main courante suffira.
M. Jacques Mahéas. C'est général !
M. Jean-Claude Peyronnet. Cela a une influence directe sur les statistiques que vous publiez.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto. Monsieur le ministre, je voudrais redire, au nom du groupe de l'Union centriste, combien nous considérons que ce budget, comme celui de l'année dernière d'ailleurs, répond aux aspirations de nos concitoyens.
Les bons résultats que vous avez présentés pour ces deux premières années d'exercice de vos fonctions sont en particulier dus aux efforts budgétaires considérables prévus pour la période 2003-2007.
Les emplois budgétaires progressent de 4,5 % pour 2004 par rapport à 2003, ce qui représente une hausse de 1 000 emplois, dont 740 de gardiens de la paix.
Les crédits de fonctionnement sont en hausse par rapport à 2003 permettant notamment de renforcer la protection des fonctionnaires. Au titre des crédits d'investissement, les dépenses en informatique enregistrent une hausse remarquable de 26 %.
Toutes ces mesures, pour ne citer qu'elles, se concrétisent sur le terrain par une diminution de la délinquance.
Pour prolonger la discussion qui vient d'avoir lieu, je dirai quelques mots du nouvel outil statistique, l'Observatoire national de la délinquance. Vous avez souhaité, monsieur le ministre, maintenir l'état 4001 comme instrument de base pour mesurer l'activité des services de police et de gendarmerie. Mais la création de l'Observatoire national de la délinquance permettra certainement de mesurer mieux la délinquance en France sous toutes ses formes. En collaboration avec l'INSEE, l'Observatoire pourra également procéder à des enquêtes de victimation.
Je voulais enfin dire, monsieur le ministre, à quel point je crois à la mise en place d'un système statistique complémentaire. Contrairement à l'orateur qui m'a précédé à la tribune, je suis persuadé que la publication des chiffres, qui faisait jusqu'à présent l'objet de polémiques systématiques - plus ou moins justifiées il est vrai -, sera maintenant proposée au public d'une façon qui ne laissera plus de place au doute.
Ce dispositif garantira la fiabilité et l'exhaustivité de l'exploitation des données statistiques. Nous savons à quel point c'est important, eu égard aux effets d'anticipation de nos concitoyens en matière de sécurité.
J'en viens au sujet de ma question, à savoir le choix que vous avez opéré quant à la réforme des corps et des carrières.
Si j'ai bien compris, les emplois du corps de maîtrise et d'application, c'est-à-dire les brigadiers majors, les brigadiers et les gardiens de la paix, voient leurs effectifs augmenter de 400 emplois pour 2004. Parallèlement, nous constatons que 550 emplois du corps de commandement et d'encadrement, c'est-à-dire des officiers, et un certain nombre d'emplois de commissaire, 50 me semble-t-il, sont supprimés. Il en résulte donc une baisse du nombre d'emplois de cadre, et certains s'interrogent sur cette évolution.
Je considère qu'une réorganisation des effectifs est nécessaire. Nous sommes prêts à vous suivre sur cette voie, mais nous sommes convaincus qu'elle ne doit pas se faire au détriment de la qualité et de l'efficacité de la police nationale. En effet, les nouveaux pouvoirs conférés aux officiers de police judiciaire, ou OPJ, impliquent, parallèlement, un renforcement de la qualité de l'encadrement. Nous nous interrogeons d'autant plus que, dans le cadre du projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la qualification d'officier de police judiciaire sera attribuée en 2004 à au moins 2 000 agents supplémentaires.
De plus, il a été décidé qu'au 31 décembre 2003 12 300 adjoints de sécurité devraient obtenir la qualité d'agent de police judiciaire adjoint. Nous sommes favorables à cette évolution.
Dois-je rappeler que, dans le projet de loi présenté par M. le garde des sceaux sur l'adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, il est également prévu de renforcer notablement les pouvoirs de la police en matière d'investigation ? Et nous avons dit à quel point nous étions d'accord sur ce point.
Monsieur le ministre, je veux vous interroger sur l'opportunité de la poursuite de cette réorganisation pour les années à venir, sachant que nous craignons quelque peu qu'un déficit d'encadrement - d'un encadrement qui est nécessaire à la qualité des actions de la police nationale - ne puisse être constaté. Mais je ne doute pas que vous saurez nous rassurer.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur le sénateur, je ne pense pas que la police nationale souffre d'un encadrement insuffisant. La preuve, c'est qu'il y a aujourd'hui un officier de police judiciaire pour sept gradés et gardiens, le ratio étant de un pour quatorze dans les armées.
D'où vient le problème ?
Premièrement, on confond souvent les officiers de police et les officiers de police judiciaire. Or un officier de police n'est pas simplement un OPJ. L'officier de police judiciaire étant là pour constater les crimes et les délits, l'officier de police étant là pour assurer une fonction de commandement opérationnel.
Deuxièmement, il existe une grande inégalité géographique, ce qui obscurcit les données du débat. Il n'y a pas assez d'officiers de police en Ile-de-France et, dans certaines régions, il y en a tellement que les promotions ne sont plus possibles, parce que tous les postes sont occupés.
Qu'allons-nous essayer de faire ? Tout d'abord, nous sommes en train de travailler pour que les personnels restent plus longtemps dans leur première région d'affectation. Sinon, les plus jeunes commencent leur carrière dans les régions les plus difficiles et, autre élément pervers, les plus anciens passent vingt ans, vingt-cinq ans dans le même commissariat de police, ce qui, vous le savez très bien, monsieur Zocchetto, n'est pas souhaitable.
Ce que je veux, c'est que ceux qui sont formés pour assurer des missions de commandement les assurent et qu'il y ait plus de gradés sur le terrain. Autrement dit, je veux voir un peu moins de barrettes jaunes dans les commissariats et un peu plus d'encadrement dans les voitures de patrouille, où je vois beaucoup de barrettes bleues.
J'admets bien volontiers que ma présentation est un peu caricaturale. Néanmoins, je pense que les équipes ont besoin d'être encadrées sur le terrain par des gradés, et que les officiers et les commissaires ont besoin de conduire les opérations. Or ce n'est pas ce qui se passe aujourd'hui.
J'ajoute que l'ensemble des organisations syndicales, notamment les deux organisations syndicales des officiers, le SNOP et Synergie, sont parfaitement d'accord sur cet objectif. Ils savent bien en effet que s'il y a plus d'officiers que de postes d'officiers, on sous-calibre, on déqualifie la profession d'officier de police. Voilà la réalité.
S'il y a trop de commissaires de police dans certaines régions, des postes d'officiers sont occupés par des commissaires. S'il n'y en a pas assez, en revanche, des postes de commissaire sont occupés par des officiers. Je veux mettre un terme à cette situation, parce que, dans toute force, s'il faut des chefs, il faut aussi des personnes qui, sur le terrain, assurent la mise en place de notre politique.
Nous aurons l'occasion d'en reparler, mais, croyez-moi, si toutes les organisations du paysage syndical approuvent la réforme des corps et des carrières, c'est qu'il y a une raison : ils savent bien que la situation actuelle pénalise tout le monde. Or, ce que je souhaite, c'est valoriser tout le monde. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto. Monsieur le ministre, nous souhaitons que vous poursuiviez votre action, les diverses entreprises que vous avez engagées, et que vous puissiez continuer à nous présenter des chiffres contrastés, mais contrastés positivement, à savoir des moyens en hausse et une délinquance en baisse. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question portera sur la sécurité dans les transports. Vaste sujet !
Monsieur Peyronnet, je vous ai entendu tout à l'heure faire des commentaires sur les « succès » du gouvernement Jospin en la matière. Il suffit pourtant d'examiner les statistiques concernant l'évolution des crimes et délits dans les transports publics, notamment en Ile-de-France, entre 1998 et 2002, pour savoir qu'il n'en est rien.
En 2001, d'ailleurs, le Sénat avait voté un amendement, sur mon initiative, visant à créer un service de police des transports en Ile-de-France. Le gouvernement socialiste l'avait refusé et M. Vaillant s'y était opposé à l'Assemblée nationale. A cette époque, l'augmentation de la délinquance n'était pas toujours combattue par des actes.
Monsieur le ministre, la sécurité dans les transports nécessite la mise en place d'un dispositif important dans la mesure où cette forme de délinquance représente une part importante des actes pénalement répréhensibles non seulement en Ile-de-France, mais sur la totalité du territoire. Je tiens à précisser à nos collègues que, en l'espace de trois ans, entre 1999 et 2002, vous avez pris l'initiative de créer la police régionale des transports en Ile-de-France dans le métro, le RER et les trains de banlieue.
Dans cette région qui représente à elle seule 60 % des transports publics de l'ensemble du territoire, l'augmentation de la délinquance avait été de plus de 20 % sur trois ans. Mais depuis la création de la police régionale des transports, on peut estimer que la délinquance a diminué de 10 % à 12 % sur l'ensemble des réseaux franciliens, avec des variations selon les lignes et les modes de transport utilisés.
On a pu constater que seule une action forte, une action unitaire permet d'obtenir des résultats. Jusqu'en 2002, en revanche, les interventions émanaient de multiples services, et la non-coordination, le manque d'unité empêchaient un contrôle suivi et efficace.
Monsieur le ministre, vous avez prévu des effectifs importants pour cette police régionale des transports. Au début de l'année 2004, si nos informations sont bonnes, environ 1 700 hommes devraient être déployés dans la police régionale des transports en Ile-de-France alors qu'il y en avait 800 à 900 il y a un an, un an et demi. Votre objectif, qui correspond probablement aux besoins, est de porter cet effectif à environ 2 000 agents.
Les résultats obtenus en Ile-de-France sont spectaculaires de l'aveu non seulement des responsables des entreprises, mais aussi des responsables syndicaux sur l'ensemble des réseaux, et les résultats vont encore progresser, nous en sommes sûrs, en 2004.
Ma question est extrêmement simple, monsieur le ministre. A partir du moment où, concrètement, nous constatons l'efficacité d'une police régionale des transports en Ile-de-France, pensez-vous, d'une part, renforcer encore ses effectifs, donc son action, sur l'ensemble du territoire francilien, et, d'autre part, avez-vous réfléchi, conformément à ce qui se passe dans d'autres pays européens, en Allemagne notamment, à la création d'une police nationale des transports sur l'ensemble des réseaux du territoire national, c'est-à-dire également sur les réseaux ferroviaires et - pourquoi pas ? - aériens. Votre réussite en matière de transports en Ile-de-France peut-elle être étendue de la même manière et avec le même succès sur l'ensemble du territoire national, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur le sénateur, la création d'une police régionale des transports en Ile-de-France était votre idée, elle répondait à votre demande !
Je vous livrerai quelques chiffres. Les transports en Ile-de-France, ce sont 10 millions de passagers chaque jour, ce qui n'est pas rien ! En 2001, la délinquance avait augmenté de 19 % alors que, sur les dix premiers mois de l'année 2003, sur le même réseau et avec les mêmes indices, elle a baissé de 11 %. Cela signifie, monsieur Karoutchi, qu'il y a quinze victimes de moins par jour dans les transports franciliens. Telle est la réalité, et elle est incontestable.
Comment est-on parvenu à ce résultat ? Auparavant, sept services s'occupaient de la sécurité dans les transports en commun parisiens - métro, trains de banlieue et RER. Aujourd'hui, il n'y en a plus qu'un seul, dirigé par une seule personne, de jour comme de nuit. Par ailleurs, le nombre des effectifs a été porté à 1 300.
J'ajoute que, chaque soir, je me fais communiquer le nombre de gares et de trains sécurisés en Ile-de-France. Je sais ainsi que, hier soir, 849 trains ont été sécurisés.
Demandez à ceux qui utilisent les transports en commun en Ile-de-France si la situation n'a pas changé ! Elle a changé, et puissamment : la délinquance régresse.
Je considère, pour ma part, qu'on n'est pas dans un Etat de droit si les gens qui prennent le métro, le train ou le RER ont peur pour eux-mêmes ou pour leurs proches.
Avant, c'était incroyable ! Les bouts de ligne de métro, de trains ou de RER n'étaient jamais sécurisés ! La police parisienne devait en effet descendre du métro au moment où la rame quittait Paris, et la police de Seine-Saint-Denis devait en descendre au moment où la rame entrait dans le Val-d'Oise. Moyennant quoi, il fallait coordonner, harmoniser le travail de sept équipes pour s'assurer que les lignes seraient vraiment sécurisées. Maintenant, avec un seul chef, un seul service, une équipe prend le train, et aux pires heures.
J'ajoute, mesdames, messieurs les sénateurs, que, sur ma demande, seuls des volontaires ont intégré le service régional des transports. En d'autres termes, sur les 1 300 fonctionnaires, aucun n'a été affecté au service régional des transports s'il n'était pas volontaire.
Ils ont tous voulu faire ce travail parce qu'ils veulent tous faire reculer le crime et la délinquance dans les métros et les trains de banlieue.
Monsieur Karoutchi, peut-on conduire cette politique partout ? Nous préférons d'abord tenter l'expérience dans une ville de France - mais nous ne savons pas encore laquelle - parce que tous les réseaux ne sont pas de même importance et que les problèmes sont différents selon qu'il s'agit d'autobus, de tramways ou de réseaux souterrains. Je ne peux donc pas prendre l'engagement de généraliser ce système. Mais peut-être, après la séance, pourrons-nous avoir avec le maire de Marseille, par exemple, une discussion sur ce sujet ... (Sourires.)
Voyez-vous, monsieur le sénateur, je préfère tester les nouvelles techniques en grandeur nature et avoir la certitude de disposer des moyens nécessaires à leur mise en application avant de généraliser cette politique. Quoi qu'il en soit, monsieur Karoutchi, la sécurité des Franciliens vous doit beaucoup puisque vous êtes à l'origine de cette idée ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Je ne doute pas que l'entretien qui interviendra après la séance sera fructueux ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le ministre, il faut avoir l'honnêteté de reconnaître que le budget de l'intérieur est l'un des rares budgets à avoir échappé à la rigueur. On peut s'en féliciter, et c'est ce que je fais. Il ne faut toutefois pas oublier de rappeler que cette progression de 3,5 % n'est que la poursuite d'un effort engagé depuis 1999, comme l'a rappelé à juste titre notre collègue M. Peyronnet. Il faut aussi s'interroger sur les choix politiques qui sous-tendent cette progression, notamment en termes d'équipements.
A cet égard, l'installation de radars automatisés, qui est grosse consommatrice de crédits - 30 millions d'euros dans le présent projet de budget - ne risque-t-elle pas de retarder l'indispensable rénovation des locaux de garde à vue ? Je me pose d'autant plus la question que j'ai en tête les observations du comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants.
On peut également s'interroger en termes de personnels. L'augmentation du nombre de policiers - 871 - ne saurait faire oublier ni les départs à la retraite, ni la RTT, que nos collègues de la majorité ne cessent de rappeler, ni l'augmentation des tâches après le vote des derniers textes, notamment avec les dispositions prises en matière de reconduite à la frontière. Quand on sait, par exemple, quels sont les effectifs de la police de l'air et des frontières sur le port de Marseille, on peut avoir quelques préoccupations au regard des objectifs que vous leur fixez, ou à des engagements gouvernementaux. Je pense à la sécurisation des bureaux de tabac.
Le projet de budget de l'intérieur pour 2004 est surtout le prolongement de choix politiques, en matière de sécurité, tout à fait préoccupants.
En effet, l'ensemble des moyens consacrés à la police nationale apparaissent très clairement dédiés à la lutte contre la petite délinquance, la « délinquance de misère » serais-je tenté de dire, qui est, on le sait, dans le collimateur du Gouvernement, qu'il s'agisse des prostituées, des mendiants ou des étrangers en situation irrégulière.
Par comparaison, la lutte contre la criminalité en col blanc, le grand banditisme et les trafics qui nécessitent des moyens d'investigation et d'enquête conséquents, apparaît largement occultée.
A l'heure où les députés viennent de voter en deuxième lecture le texte « bouillie » sur la criminalité organisée, on mesure le décalage entre l'affichage et les moyens mis à la disposition contre les formes les plus dures de la criminalité. La réduction des postes d'encadrement est de ce point de vue préoccupante.
Nous avons d'autant plus matière à nous inquiéter que la mise en place d'une prime au mérite, à laquelle le budget consacre quelque 5 millions d'euros, peut conduire au développement d'une logique productiviste qui, on le sait, est peu compatible avec le travail d'enquêteur, par définition difficile à quantifier autrement que par sa durée.
C'est la confirmation que, le présent projet de loi de finances pour 2004, le Gouvernement aspire à une régulation policière de la société. Comment, en effet, ne pas faire le lien entre l'augmentation du budget de l'intérieur et la diminution corrélative des budgets de la ville, de la santé ou de l'intégration ?
Il n'est pas possible de passer sous silence l'absence de moyens consacrés, dans la lutte contre l'insécurité, à la prévention.
Dans les quartiers nord de Marseille, notamment dans la mairie d'arrondissement où je suis élu, le bilan actuel que nous pouvons tirer du contrat local de sécurité et de prévention de la délinquance est, de ce point de vue, riche d'enseignements.
Vous le savez peut-être, les habitants des XIIIe et XIVe arrondissements de Marseille - je parle sous le contrôle de M. le président - cumulent beaucoup de handicaps : grand quartier d'habitat social, dans lequel près de 150 000 personnes habitent, pour la plupart en HLM et dans des conditions difficiles dues à la dégradation de l'habitat et du cadre de vie, mais aussi à l'insuffisance de transports en commun et de services publics de proximité, ainsi qu'à un taux de chômage supérieur à la moyenne de la ville.
Ce chômage touche particulièrement les jeunes qui, représentés en grand nombre dans cette partie de la ville, sont souvent sans formation, voire illettrés. Or, tant les dispositifs en amont que les dispositifs en aval, en ce qui concerne la réinsertion des jeunes délinquants sortant de prison, montrent de nettes défaillances.
Et pourtant, la question du devenir socioéconomique de ces jeunes est essentielle du point de vue de la lutte contre la délinquance, monsieur le ministre.
Si la paix sociale a pu être préservée et si la situation n'est pas désespérée, c'est parce que des projets socioéducatifs et socioculturels, jouant un rôle éminemment préventif, ont fait leur preuve.
Or, aujourd'hui, nous constatons une baisse importante de ces financements sur notre secteur et plus particulièrement de ceux de la politique de la ville ou de l'intégration, ce qui précarise les actions d'intégration sociale menées dans les quartiers, qu'il s'agisse des actions d'aide à la recherche d'emploi, de prévention de la toxicomanie ou de soutien scolaire.
Vingt ans de travail sont aujourd'hui remis en cause ou risquent d'être remis en cause.
C'est en ayant à l'esprit tous ces éléments que je souhaite savoir si la police de proximité, dont on a pu mesurer les effets positifs dans nos quartiers, constitue toujours une priorité pour le ministre de l'intérieur et si ses effectifs doivent être pérennisés, ou bien si vous considérez, monsieur le ministre, que les GIR constituent un dispositif suffisant.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Pourquoi opposer les GIR et la police de proximité ? Si l'organisation était si parfaite, monsieur Bret, comment expliquez-vous que nous ayons été appelés aux responsabilités par les Français ? A écouter les représentants de la gauche, les questions d'effectifs étaient résolues, l'organisation, la stratégie ne soulevaient plus aucun problème... Mais alors pourquoi, malgré tout, avons-nous assisté à une explosion de la délinquance et, dès lors, à une condamnation de votre politique par les Français ? Parfois, monsieur Sueur, il faut aussi se remettre en question !
Si les Français n'étaient pas contents, c'était qu'il ne fallait pas continuer comme avant. Ce n'est d'ailleurs pas la police de proximité qui est en cause, c'est le fait que, pour la promouvoir, vous ayez complètement désorganisé la police d'investigation. Or le travail de la police, c'est d'interpeller les délinquants et de les mettre à la disposition de la justice.
Vous contestez le concept de productivité de la police, monsieur Bret. Mais savez-vous que la notion de performance existe aussi dans l'administration ? Elle n'existe pas que dans le privé.
M. Robert Bret. Au détriment de l'investigation !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Non, monsieur Bret. Voici ce qui nous différencie : moi, j'ai confiance dans la compétence des fonctionnaires. Ils travaillent bien, ils travaillent dur, et l'évaluation met en valeur leur travail. En refusant de reconnaître leurs résultats, vous contestez leur compétence. C'est donc nous qui sommes les vrais défenseurs de la fonction publique dans ce pays.
En refusant de voir que les fonctionnaires travaillent bien et qu'ils obtiennent des résultats, on paupérise la fonction publique. Nous, nous souhaitons la mettre en valeur.
Vous avez parlé des locaux de garde à vue. Vous avez raison, monsieur Bret : j'ai trouvé une situation inacceptable, mais, dix-neuf mois après ma prise de fonctions, puis-je être tenu pour responsable du mauvais état de ces locaux ?
Lorsque vous me dites, messieurs les sénateurs de l'opposition : « mais que n'avez-vous fait ceci ou cela », alors que vous, vous ne l'avez pas fait, ne dois-je pas interpréter vos propos comme une preuve de confiance à mon endroit ? (Sourires.)
M. Jean-Pierre Schocsteck, rapporteur pour avis. Sans doute !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Si c'est le cas, je vous en remercie, monsieur Bret. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Loin de moi l'idée de dire que tout allait bien sous le gouvernement précédent. (Ah ! sur les travées de l'UMP.) Mes collègues peuvent témoigner des critiques que j'ai formulées pendant la législature précédente.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. C'est vrai !
M. Robert Bret. Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, dans votre réponse, vous avez pris soin d'occulter - cela ne ressortit pas directement à votre budget, certes - tout ce que j'ai dit à propos de prévention et d'accompagnement social.
Quelle sera, demain, la situation dans les quartiers que je viens de décrire si l'on remet en cause vingt ans de travail effectué avec le tissu associatif et les actions engagées par la mairie et la mairie d'arrondissement ? Oter cet aspect de la réponse de sécurité, voire sécuritaire, que vous souhaitez apporter, c'est vraiment aborder la politique par le mauvais côté.
Vous êtes comptable du budget présenté par le Gouvernement, de ses choix et de ses priorités. Vous ne pouvez pas vous défausser.
En fait, la réponse que vous venez de faire sur un certain nombre de points est une sorte d'aveu : la police de proximité, vous n'en voulez plus ! Or je peux affirmer, à travers ma propre expérience, qu'avec le contrat local de sécurité engagé par notre mairie d'arrondissement, elle fait la démonstration de son utilité par son efficacité relationnelle, mais aussi par sa faculté d'anticipation pour désamorcer un certain nombre de problèmes avec la population.
Monsieur le ministre, vous proposez tout autre chose. On a bien compris que vous vouliez du chiffre et encore du chiffre. Dans ces conditions, j'espère me tromper, mais le pire est peut-être pour demain !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Je vais me contenter, monsieur le ministre, de vous poser trois questions précises concernant le personnel de la police.
Ma première question porte sur ce qu'on appelle les charges indues, puisque, aujourd'hui encore, la moitié des agents administratifs et techniques de la police sont des policiers en tenue. Vous avez dit à de nombreuse reprises que la situation n'était pas normale et que vous comptiez la faire évoluer.
Dans cette optique, le projet de budget pour 2004 prévoit la création de 250 emplois administratifs, scientifiques et techniques.
Or, dans son rapport, M. de Montesquiou écrit, à juste titre, que la part des personnels administratifs, scientifiques et techniques dans l'ensemble des personnels de la police nationale est beaucoup trop faible et qu'il s'agit, d'ailleurs, d'une exception française. Les chiffres cités, qui concernent les Pays-Bas, l'Allemagne et le Royaume-Uni, montrent que ces pays comptent beaucoup plus de personnel administratif. On peut lire plus loin que « la rémunération d'un actif occupant un emploi administratif est, à grade équivalent, de 30 % supérieure à celle d'un administratif ».
Monsieur le ministre, j'ai pensé, car nous connaissons bien, désormais, vos talents rhétoriques, que vous ne manqueriez pas de rétorquer qu'il était important de travailler sur ce sujet, mais qu'il eût été préférable que nous l'eussions fait préalablement.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. La pédagogie, ça sert !
M. Jean-Pierre Sueur. Mais, poursuivant ma lecture de l'excellent rapport de M. de Montesquiou, à la page 88, j'ai vu que M. le rapporteur spécial faisait remarquer que le « nombre d'emplois de personnels administratifs, scientifiques et techniques ne s'est accru que de 2 070 unités au cours des huit années 1995-2002 ». Je me suis livré à une petite division : 2 070 unités pendant huit ans, cela donne 256 personnes par an. Avec 250 unités cette année, monsieur le ministre, vous vous situez donc dans la continuité.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Et les 1 000 de l'année dernière !
M. Jean-Pierre Sueur. Je parle de cette année !
Ces 1 000 emplois n'ont pas permis de changer la situation de manière très significative. M. le rapporteur spécial le dit très bien : « Il convient (...) de transférer à d'autres administrations les tâches administratives sans lien direct avec les missions de sécurité publique ».
Monsieur le ministre, compte tenu de la situation et des moyens dont vous disposez, que comptez-vous faire pour que, parmi les policiers qui, aujourd'hui, exercent des tâches administratives, un certain nombre soient affectés sur le terrain ?
Ma deuxième question porte sur la formation.
Le même rapport souligne que les crédits de formation stagnent. Ces crédits - je parle non pas des crédits d'investissement mais bien des crédits de fonctionnement - qui figurent au chapitre 31-41 à l'article 22 s'élevaient à 34,62 millions d'euros pour les écoles et la formation dans le projet de loi de finances pour 2003. Ils sont toujours de 32,62 millions d'euros dans la loi de finances pour 2004. Exactement la même somme est prévue pour les deux années, ce qui représente une diminution. Les choses sont assez claires.
Or, monsieur le ministre, vous le savez, certaines écoles de police ont connu de grandes difficultés. Celle de Dijon, par exemple, a dû suspendre ses activités faute de crédits. La question est d'autant plus cruciale que les départs à la retraite s'accélèrent. Il s'ensuit, d'une manière générale, un rajeunissement des effectifs à former. La question de la formation en matière d'investigation se pose aussi, puisqu'il faut plus de temps de formation.
Monsieur le ministre, quelles sont vos intentions en matière de fonctionnement des écoles de formation compte tenu des moyens dont vous disposez ?
J'en arrive à ma troisième question, que M. Bret a déjà abordée à l'instant : elle porte sur la prime de résultat.
Puisque les organisations syndicales vous ont assuré de leur vigilance quant aux critères et à la transparence de ses mécanismes d'attribution, selon quelles modalités concrètes, monsieur le ministre, comptez-vous affecter cette prime de résultat, pour laquelle 5 millions d'euros sont prévus pour l'année à venir ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Sueur, vous m'appelez à faire des calculs, et je vais vous suivre sur ce terrain avec autant de brio que vous, je l'espère !
Vous venez de nous expliquer que, sur les huit années précédentes, la moyenne des créations d'emplois était de 256 par an. Eh bien jugeons !
Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin exerce ses fonctions depuis dix-neuf mois et, depuis, 1 250 emplois administratifs ont été créés. Divisons par deux, nous obtenons un chiffre de 625 par an. Comparé aux 256 emplois des gouvernements précédents, cela fait 2,5 fois plus, monsieur Sueur ! Je vous remercie de m'avoir offert l'occasion de préciser ce point devant le Sénat !
Je ne sais pas si c'est ce à quoi vous vouliez arriver, mais en tout cas le résultat est bien là, et il n'y a aucun précédent du même ordre de grandeur.
On peut dès lors se demander pourquoi vous faites preuve de tant de cruauté à l'égard des gouvernements que vous avez soutenus... (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Monsieur le sénateur, vous avez raison, il faut dénoncer les charges indues. Certes, il y a la question des gardes statiques, en particulier celle de la surveillance des tribunaux.
A ce propos, je compte sur le soutien du groupe socialiste. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Savez-vous que, chaque jour, 1 500 personnes sont affectées à la surveillance des tribunaux ? Je considère que c'est normal, car on ne peut pas rendre la justice en ayant peur. Mais, puisque le syndicat de la magistrature m'accuse de ne pas prévoir suffisamment d'effectifs, j'imagine que le groupe socialiste, qui vient, par votre voix autorisée, de dénoncer le nombre de gardes statiques inutiles, va me conseiller de ne pas écouter le syndicat de la magistrature.
On ne peut pas dire à la fois que les gardes statiques devant le domicile de personnalités ou devant les préfectures sont inutiles et qu'elles sont parfaitement nécessaires dans les salles d'audience - ce qui est vrai. Et pourquoi alors ne pas se poser la question de leur utilité devant un palais de justice !
En ce qui concerne les crédits de formation, ce qui change, c'est que, maintenant, ils sont consommés. Des crédits affichés mais non consommés, ça ne m'intéresse pas. Ce qui compte, ce sont les crédits consommés.
De toute façon, ce n'est certainement pas au moment où l'on n'a jamais tant recruté de policiers que l'on va diminuer l'effort de formation car, vous avez encore une fois raison, monsieur Sueur, la formation est capitale. En effet, chaque fois qu'il y a une bavure, c'est, en règle générale, parce qu'on n'a pas utilisé le bon service ou le bon policier au bon moment.
L'hebdomadaire Marianne, qui n'est pas suspect d'indulgence à mon égard, dans un de ses numéros, a fait le « vrai bilan » de l'action du ministre de l'intérieur. Au chapitre des bavures, son titre est : « Presque un sans faute ! » J'imagine qu'il s'agit des bavures de la police et de la gendarmerie. Il faut donc en conclure que l'effort de formation nécessaire a été fait. Je n'avais pas pensé à le souligner tout à l'heure, merci de m'avoir permis de le faire ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, j'ai bien noté votre réponse concernant les 1 000 postes dont vous avez annoncé par anticipation - pour employer la formule exacte - la création, voilà quelque temps. Toutefois, vous savez très bien que l'annonce de la création par anticipation de ces postes n'a pas été suivie de l'effet que vous escomptiez.
Je vous serais très reconnaissant de nous informer du nombre de ces personnels qui sont aujourd'hui affectés. Il ne serait pas étonnant, les choses étant ce qu'elles sont, la difficulté de recrutement étant ce qu'elle est dans un certain nombre de secteurs et le manque d'attractivité du statut des personnels administratifs de la police étant ce qu'il est, que ces annonces n'aient pas été suivies d'effet, si bien que, cette année, comme l'année dernière et comme l'année précédente, la moitié des agents administratifs et techniques seront encore des policiers en tenue.
C'est pourquoi j'appelle de mes voeux la poursuite de cette politique. J'espère avoir montré qu'il n'y a pas eu de miracle. D'ailleurs, dans cette maison, nous sommes tous attachés à la raison, à la maîtrise humaine des choses : nous ne comptons pas sur les miracles. Or nous constatons, monsieur le ministre, que vous poursuivez sur ce chemin qui a déjà été emprunté par vos prédécesseurs.
Pour ce qui est du fonctionnement des écoles de police, je vois bien que vous vous attachez à consommer les crédits, mais aucun moyen complémentaire n'est dégagé.
Enfin, vous ne m'avez pas répondu, mais vous aurez l'occasion de le faire, sur les modalités concrètes d'affectation de la prime de résultat.
M. le président. Les miracles, il n'est pas interdit d'y croire ! (Sourires.)
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Absolument !
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le ministre, je suis un peu gêné de vous poser de nouveau des questions, dans la mesure où vous avez déjà largement répondu à toutes celles que vous a adressées notre excellent rapporteur pour avis pour la sécurité civile.
Je me permets cependant de rappeler que, à la suite de nombreuses dispositions législatives et réglementaires prises ces dernières années, l'augmentation du budget des SDIS a été continue. Il reste que la sollicitation plus fréquente des SDIS et leur plus grande efficacité sont aussi à l'origine de l'augmentation des budgets.
Monsieur le ministre, les conséquences de la départementalisation n'ont pas été tirées partout, si j'en juge par les disparités extrêmement fortes qu'on peut observer dans la participation des différents conseils généraux aux budgets des SDIS. Le récent rapport de MM. François-Poncet et Belot montre que cette participation varie de 4 à 60 euros par habitant et par an.
Par ailleurs, monsieur le ministre, dans le débat sur la permanence de soins, on ne parle pas du tout des services d'incendie, alors qu'ils sont largement concernés. Des textes existent désormais sur le remboursement des dépenses indues en matière de secours aux personnes, qui ne couvre d'ailleurs qu'une faible partie des dépenses. Là aussi, une clarification s'impose, car il ne faudrait pas que les SDIS soient considérés comme les outils de régulation des SAMU, par exemple, et que l'on fasse appel à eux seulement lorsqu'on en a besoin. Or c'est un peu ce qui se passe dans certains départements. Que chaque service prenne ses responsabilités !
Monsieur le ministre, vous avez évoqué le projet de loi de modernisation de la sécurité civile, qui concerne d'ailleurs plus largement l'organisation de la sécurité et de la défense civile. Dans ce domaine, je crois que nous avons encore beaucoup à faire. Ce projet de loi vise à corriger certains effets négatifs de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité. Personne n'est en effet pleinement satisfait des textes qui ont été votés.
A ce sujet, monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser si, dans le projet de loi que vous allez soumettre prochainement au conseil des ministres, le service d'incendie sera bien conforté en tant qu'établissement public et si l'association des maires, quand bien même sa participation financière pourrait être supprimée - personnellement, je ne serais pas hostile à une compensation par la DGF -, continuera d'être associée au fonctionnement de cet établissement public ?
Par ailleurs, je me réjouis que le fonds d'investissement de 45 millions d'euros soit reconduit en 2004. Cela devrait permettre d'aider les départements qui ont des problèmes spécifiques.
Un de nos collègues me disait que son département, le Rhône, compte tenu notamment des risques chimiques, rencontrait des problèmes d'équipement qui n'existent pas dans d'autres départements.
Des aides particulières doivent être accordées à ces départements, qui font d'ailleurs souvent profiter toute une région de l'action de leur propre service. Du reste, la coopération entre les services départementaux pour la mise en oeuvre de grands équipements devrait être possible. C'est ce que nous essayons de faire dans la grande couronne d'Ile-de-France.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué la possibilité de ressources fiscales spécifiques pour les SDIS. C'est très important, car, qu'on le veuille ou non, les dépenses continueront à augmenter. Il faut donc prévoir de nouvelles possibilités de financement.
Personnellement, je me demande si ne devrait pas être instaurée une fiscalité propre des SDIS, de telle manière que le contribuable voie apparaître sur sa feuille d'impôt ce que coûte effectivement la sécurité. Je ne suis pas sûr que beaucoup de nos concitoyens le sachent. Peut-être cela les conduirait-il à se montrer plus prudents.
Enfin, monsieur le ministre, la pause législative et réglementaire est effectivement une nécessité. De bonnes mesures ont été adoptées, notamment la réforme du régime indemnitaire. Pour ce qui concerne la RTT, je serai moins affirmatif en raison de la manière dont sa mise en oeuvre s'est passée dans les SDIS. Même ceux qui avaient négocié une réduction programmée du temps de travail se sont vu imposer un décret, si bien qu'en Seine-et-Marne on a dû recruter 150 pompiers professionnels. Vous imaginez ce que cela représente ! Il est évident que cela a fait exploser les budgets des services, même si certains départements n'ont pas encore accompli les efforts nécessaires pour se mettre à niveau et pour assurer la sécurité de leur population.
Monsieur le ministre, je vous demande donc de nous apporter quelques précisions sur ces différents sujets. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Hyest, vous avez plus donné votre avis, qui est autorisé, que posé des questions. Le Gouvernement tiendra d'ailleurs le plus grand compte de cet avis.
Cela étant, vous avez principalement abordé deux points.
Tout d'abord, les SDIS restent-ils des établissements publics ? Oui, et je l'ai dit aux représentants des élus départementaux. De mon point de vue, ce serait une erreur, pour les départements, de se couper de cette mission qui contribue largement à les rapprocher des citoyens. Il serait paradoxal de voir des élus départementaux craindre pour l'avenir des départements et, en même temps, demander qu'une responsabilité aussi populaire et aussi porteuse de proximité que celle de la sécurité leur soit retirée.
En ce qui concerne le contingent communal, l'association des maires - M. Devedjian le sait mieux que moi - a demandé, qu'il soit supprimé. Mais vous avez raison, monsieur Hyest : la présence des maires au sein des conseils d'administration des établissements publics SDIS est indispensable, ne serait-ce que pour continuer à amorcer la pompe du volontariat. Sans les maires, il n'y aurait plus de volontaires !
Pour le reste, monsieur Hyest, le Gouvernement tiendra le plus grand compte des avis autorisés non seulement de l'élu de Seine-et-Marne mais aussi de l'élu qui depuis longtemps réfléchit à ces questions.
M. le président. Il faudrait également parler des marins-pompiers. Ils coûtent cher, eux aussi ! Mais ils sont utiles : ils l'ont encore montré cette nuit à Marseille. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Gilbert Barbier. C'est l'Etat qui paie !
M. le président. L'Etat ne verse pas un sou pour les marins-pompiers de Marseille, tenez-vous le pour dit ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Mais nous n'avons rien dit ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Pierre Bret. A Marseille, ce sont les Marseillais qui paient !
M. le président. La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question porte sur les groupes d'intervention régionaux.
Cette nouvelle structure ayant été créée voilà près d'un an et demi, il ne saurait donc être question de dresser un bilan. Je me limiterai à quelques réflexions.
Avec la politique que vous menez, monsieur le ministre, vous souhaitez, avez-vous dit, répondre à l'exigence de nos concitoyens de bénéficier pleinement du droit à la sûreté, droit naturel et imprescriptible, ainsi que l'affirme la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Nous vous en donnons acte.
Toutefois, une véritable politique de sécurité intérieure ne se mesure pas uniquement à l'aune du nombre de personnes interpellées, gardées à vue ou écrouées. En aval, elle s'apprécie au regard de la cohérence et de l'efficacité de l'ensemble de la chaîne répressive, qui doit certes sanctionner, mais aussi suivre un objectif de réinsertion sociale. En amont, elle exige une politique de prévention active.
Or, aujourd'hui, on constate que la machine judiciaire ne suit pas ; l'inflation carcérale est catastrophique, la réinsertion impossible et la prévention fortement limitée, de nombreux dispositifs - les agents locaux de médiation, par exemple - ayant été supprimés.
Monsieur le ministre, sachez que je ne mésestime pas l'action des forces de la police et de la gendarmerie nationale.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Bravo !
M. Charles Gautier. Bien au contraire, j'ai pleinement conscience qu'elles exercent souvent leur mission dans des conditions difficiles et parfois au péril de leur vie.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est vrai !
M. Charles Gautier. Au nom du groupe socialiste, je tiens à leur rendre hommage pour leur action.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est nécessaire !
M. Charles Gautier. Je sais également que vous n'êtes ni garde des sceaux, ni ministre des affaires sociales, ni même Premier ministre. Mais vous êtes membre d'un gouvernement qui mène une politique, et vous ne pouvez vous exonérer d'une responsabilité à cet égard.
La politique que vous conduisez, vous la voulez visible, voire ostensible ; en témoigne la théâtralisation des actions menées par les groupes d'intervention régionaux. Mais ces mises en scène ont très vite montré les limites du dispositif.
Ainsi, la surmédiatisation de l'action des GIR, dès leur installation, a pu faire croire à la création d'un nouveau corps d'intervention à l'image du RAID ou du GIGN. Or il n'en est rien, bien sûr.
Les unités d'organisation et de commandement ont été constituées par ponction directe - sans compensation - sur les services qui y sont représentés. Il en va de même des personnels « ressources », qui sont directement prélevés sur les moyens des services des régions.
Ainsi, pour la mise en place et le fonctionnement des GIR, vous avez déshabillé Pierre pour habiller Paul.
Il est clair que cette situation se révèle peu satisfaisante puisqu'elle change profondément la signification que peut avoir la mutualisation des moyens des forces de police ou de gendarmerie. Elle altère considéralement l'efficacité d'action du GIR et des services partenaires, au point que les GIR ne peuvent mobiliser la ressource à flux tendu dans handicaper fortement le potentiel des autres services.
Monsieur le ministre, comment comptez-vous résoudre ce problème ? Envisagez-vous de compenser les personnels membres des unités d'organisation et de commandement ?
Nous ne sommes pas opposés à la philosophie de la création des GIR, qui reposent sur la mobilisation et la coordination de l'action de tous les services de l'Etat impliqués directement ou indirectement dans la lutte contre l'économie souterraine et les différentes formes de délinquance organisée qui l'accompagnent. D'autres structures du même format les ont précédés. Il existait cependant une différence de taille : le dispositif des actions ciblées restait piloté par l'autorité judiciaire en la personne du procureur de la République.
Qu'il s'agisse des assistants spécialisés créés par la loi du 2 juillet 1998, des groupes locaux de traitement de la délinquance, qui peuvent être institués dans le cadre des contrats locaux de sécurité, ou des comités opérationnels de lutte contre le travail illégal, le procureur de la République demeure au centre du dispositif.
A l'inverse, l'autorité préfectorale est seule directement impliquée dans la gestion des GIR. Sur ce point, nous sommes confrontés à une question de principe : une telle évolution porte en effet atteinte à l'indépendance de l'autorité judiciaire, aux pouvoirs reconnus aux procureurs de diriger l'activité des OPJ dans le ressort de leur tribunal et de requérir directement la force pulique. Elle porte atteinte également à la faculté des juges d'instruction de choisir lirement les OPJ qui seront chargés de leurs commissions rogatoires.
En agissant ainsi, vous avez pris le risque de créer un climat de suspicion entre des autorités qui, jusqu'à présent, coopéraient correctement sur des opérations ciblées d'envergure. Cette innovation a effectivement suscité chez les magistrats des réticences légitimes. Que proposez-vous pour les surmonter, au moment où la dimension judiciaire de l'action des GIR ne semble plus être la priorité ?
En outre, il faut déplorer l'absence des maires dans le dispositif. En effet, ceux-ci sont souvent les premiers à être sollicités lorsque les habitants d'un quartier constatent la présence d'une économie parallèle. Dans la mesure où les GIR sont sous l'autorité du préfet et non d'un magistrat, il me semble utile de demander aux GIR d'informer les maires de ce qui se produit sur le territoire de leur commune.
De plus, il semble que les renseignements généraux rencontrent des difficultés de positionnement au sein des GIR. Certains fonctionnaires ont déjà demandé leur réintégration dans leur administration d'origine, refusant la judiciarisation de leur profession. Leur présence est-elle indispensable au sein des GIR ?
Par ailleurs, le bilan statistique des GIR doit être relativisé. En effet, la mission même des GIR est d'intervenir en appui des autres services de police ou de gendarmerie. Dès lors, l'attribution des affaires au seul crédit des GIR pourrait faire craindre à ces services que les GIR ne s'accaparent leur travail et ne s'approprient leur réussite. Dans ces conditions, le risque d'une certaine démobilisation des services n'est pas mince. Que comptez-vous faire pour lutter contre cette menace, monsieur le ministre ?
On constate également une dérive dans l'activité des GIR. Alors qu'ils ont été créés dans le but précis de lutter contre les réseaux de délinquance et l'économie parallèle, ils n'usent pas de leur pouvoir d'initiative, mais ne font que pallier les carences des autres services. Ne croyez-vous pas, monsieur le ministre, qu'il faudrait recadrer plus précisément les actions des GIR ?
Enfin, deux recours sont actuellement pendants devant le Conseil d'Etat, en vue de l'annulation de la circulaire interministérielle du 22 mai 2002 qui a institué les GIR. Qu'en est-il de leur examen ?
Je vous remercie, monsieur le ministre, des réponses que vous voudrez bien apporter à toutes ces questions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Gautier, quel optimisme ! Vous dites que tout va mal. Mais, alors, on se demande comment vous avez pu avoir de si mauvais résultats tandis que les nôtres sont si bons. Quelle étrange chose !
M. Jean-Pierre Sueur. C'est un peu répétitif !
M. Christian Demuynck. Mais c'est la réalité !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Tout allait bien avec mes prédécesseurs, mais les résultats étaient catastrophiques. Voilà que tout va mal avec nous, mais les résultats sont bons. C'est extraordinaire !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous devriez mettre cet argument en facteur commun !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Sueur, permettez-moi de vous donner un conseil : quand ça fait mal, ne protestez pas tout de suite, parce que ça se voit ! (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. Je constate simplement que vous vous répétez !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'avais cru vous servir tout à l'heure, monsieur Sueur, mais si vous voulez que je revienne à vous, ce sera avec plaisir ! (Nouveaux rires sur les mêmes travées.)
Mais, je veux répondre à M. Charles Gautier sur deux points.
Vous parlez, monsieur le sénateur, d'« inflation carcérale ». Or ces mots ne correspondent absolument pas à la réalité, et je m'en vais vous dire pourquoi.
M. Tony Blair fait partie de l'Internationale socialiste. Le groupe socialiste du Sénat fait partie de l'Internationale socialiste.
M. le président. Ce n'est pas sûr ! (Sourires.)
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur le président, voulez-vous dire que c'est pire ? (Nouveaux sourires.)
En Grande-Bretagne, pays qui a un gouvernement socialiste depuis sept ans, qui est le berceau de la démocratie parlementaire, avec une population à peu près égale à celle de la France, on dénombre 75 000 détenus, contre 61 000 dans notre pays. Au nom de quoi, avec 14 000 détenus de plus, la Grande-Bretagne serait-elle un modèle de démocratie et la France, avec 14 000 détenus de moins, connaîtrait-elle une « inflation carcérale ». (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. C'est parce que nous avons moins de prisons !
M. Guy Fischer. Et en Suède ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Par ailleurs, vous dites que les magistrats sont démobilisés, qu'ils ne travaillent plus. D'abord, c'est cruel. Ensuite, il ne s'agit peut-être que de ceux que vous connaissez. (Nouveaux rires sur les mêmes travées.) Mais surtout, c'est faux !
Lorsque le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin est arrivé au pouvoir, il y avait environ 50 000 détenus. Depuis que Dominique Perben et moi occupons les responsabilités qui sont les nôtres, il y a 12 000 détenus de plus. Et ne vous inquiétez pas, monsieur Gautier : si vous ne savez pas pourquoi ces 12 000 là sont en prison, eux le savent !
Comme ils sont en prison, évidemment, les statistiques de la délinquance s'en resssentent : il faut savoir que 5 % des délinquants représentent 50 % de la délinquance. Ce sont en effet souvent les mêmes qui empoisonnent la vie de ceux qui ne demandent qu'une seule chose : pouvoir vivre tranquillement.
J'ajoute que je ne vois pas pourquoi il y aurait un niveau médian de détenus qui rendrait la démocratie acceptable ou inacceptable ! Moi, je souhaite que soient en prison ceux qui le méritent, point final.
Quant à la démobilisation des services, que vous semblez redouter, monsieur Gautier, elle ne se traduit par aucun chiffre : 7 % d'augmentation du nombre de délits du fait de l'initiative des services ; 12 % d'augmentation du nombre de gardés à vue depuis le début de l'année ; 6 % d'augmentation du nombre de mises sous écrou. Si, avec tous ces résultats, mes services sont démobilisés, monsieur Gautier, cela nous promet de beaux jours quand ils seront mobilisés ! (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Ce qui est formidable avec M. le ministre de l'intérieur,...
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. C'est qu'il est formidable !
M. Charles Gautier. ... c'est que, quelle que soit la question que lui pose un membre de l'opposition, il fait toujours la même réponse.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. C'est parce que ce sont toujours les mêmes questions !
M. Charles Gautier. Au moins, ainsi, nous la connaissons à l'avance.
Monsieur le ministre de l'intérieur, vous êtes en charge d'une mission difficile. Mais c'est précisément parce qu'elle est difficile qu'elle mériterait peut-être un peu plus de modestie. Vous plastronnez avec des résultats que vous jugez extraordinaires,...
M. Jean Chérioux. Vous avez l'air de vous en plaindre !
M. Charles Gautier. ... tout en indiquant que les moyens de comptabilité de ces résultats ne sont pas fiables. En conséquence de quoi, d'ailleurs, on va s'empresser de les changer.
Vous êtes aussi le ministre de la prévention. Cependant, sur ce plan, les actions qui avaient été mises en place ont complètement disparu. Par conséquent, les résultats sont d'ores et déjà prévisibles.
Vous êtes ministre de la Corse. Je serai charitable et je n'en parlerai pas. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Roger Karoutchi. Pourquoi ? Qu'avez-vous à dire ?
M. Charles Gautier. Vous êtes le ministre des cultes : la situation n'a jamais été aussi catastrophique en la matière. (Protestations sur les mêmes travées.)
Vous êtes le ministre des collectivités locales : les maires n'y trouvent pas leur compte.
M. Roger Karoutchi. Ce n'est pas vrai !
M. Charles Gautier. On peut donc dresser un inventaire assez vaste des domaines qui devraient vous amener à faire preuve d'un peu plus de modestie. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Plasait.
M. Bernard Plasait. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne suis pas de l'avis de M. Charles Gautier, car je trouve que M. le ministre de l'intérieur ne fait pas toujours les mêmes réponses. Ses réponses sont même tellement différentes que, lorsqu'on intervient en fin de débat, les questions que l'on avait envie de lui poser sont quelque peu vidées de leur contenu.
Monsieur le ministre, je me souviens que, en 2001 - il n'y a donc pas très longtemps -, les gendarmes étaient dans la rue, et l'un d'entre eux avait déclaré : « Nous sommes les gardiens d'un ordre qui n'existe plus. » C'est une phrase que j'avais trouvée terrible.
Or je me plais à constater qu'en peu d'années, les choses ont beaucoup changé puisque, aujourd'hui, plus aucun fonctionnaire de police ou militaire de la gendarmerie ne pourrait tenir de pareils propos.
La volonté politique, la motivation des hommes et des femmes, l'augmentation des moyens sont évidemment les clés de la réussite que chacun reconnaît à votre action en matière de sécurité intérieure.
Ce sont encore des compliments, toujours des compliments. Ils vont finir par vous lasser, encore qu'on ne meure pas d'une indigestion d'éloges ! (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Mérités !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Ce n'est pas désagréable !
M. Bernard Plasait. Au-delà de ces clés de la réussite, ce qui constitue sans doute la plus grande originalité, voire une véritable révolution dans votre action, c'est le souci que vous avez eu de l'évaluation et la culture du résultat que vous avez insufflée.
C'est ainsi que le taux d'élucidation a augmenté d'une année sur l'autre de 3,5 %, le nombre des personnes mises en cause a progressé de 7,3 % et le nombre de gardes à vue s'est accru de 12,9 %. Pour cette action, monsieur le ministre, je vous dis bravo et merci, et ce au nom de très nombreux Français qui ressentent ce recul sensible de l'insécurité et de la délinquance. Pour reprendre une vieille formule, vous rassurez les honnêtes gens et vous inquiétez les malfaiteurs.
Mon second motif de satisfaction tient évidemment à l'augmentation de 2,9 % de votre budget. Vous aurez ainsi des moyens importants, au service de votre volonté politique - j'allais dire de votre passion -, pour améliorer encore la sécurité que les Français veulent avoir dans leur vie quotidienne.
Pour une plus grande efficacité, il faut disposer d'un nombre accru d'hommes et de femmes réellement opérationnels sur le terrain. L'un des moyens d'y parvenir est évidemment de résorber les tâches indues qui incombent à la police nationale et qui mobilisent encore 3 000 fonctionnaires de la direction centrale de la sécurité publique.
Monsieur le ministre, mes questions porteront sur ce sujet.
En premier lieu - mais vous avez déjà répondu partiellement à cette interrogation -, j'aimerais savoir quel est l'état de vos discussions avec le garde des sceaux quant à la prise en charge par l'administration pénitentiaire de l'extraction et du transfèrement des détenus, ainsi que de la garde des prisonniers hospitalisés.
En second lieu, je souhaiterais être éclairé sur les missions que vous entendez confier à la réserve civile de la police nationale qui a été créée par la loi du 29 août 2003. Cette réserve, qui bénéficiera d'un montant de 3 millions d'euros en 2004, sera activée essentiellement en cas de catastrophe. Ne serait-il pas possible de l'utiliser plus régulièrement et de lui faire jouer un rôle dans la lutte contre les drogues et les stupéfiants, par exemple ? En outre, puisque la police et la gendarmerie ont une mission de prévention au sein des écoles, ces tâches nepourraient-elles êtres confiées à des fonctionnaires appartenant à cette réserve, ayant l'expérience des réalités du terrain, afin de répondre encore mieux à cette nécessité d'information et de prévention auprès des enfants ? Cela permettrait que des policiers plus jeunes soient rendus opérationnels. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je vous remercie, monsieur Plasait, de votre intervention qui ne rend d'ailleurs que plus hargneuse la seconde intervention de M. Gautier. J'imagine que les arguments que j'ai employés ont dû beaucoup le toucher pour qu'il s'exprime d'une manière aussi différente de ce qu'est sa personnalité !
S'agissant de la Corse, sans vouloir polémiquer, je rappelle simplement que MM. Jospin et Chevènement ont choisi un si bon préfet qu'il a terminé en prison. Quant à son prédécesseur, il a été assassiné dans les conditions que l'on sait, sous le gouvernement socialiste. Malheureusement, il nous a fallu un an et demi pour retrouver un assassin que l'on avait laissé s'échapper pendant trois ans. Cela ne vous procure tout de même pas, monsieurGautier, une marge pour donner beaucoup de leçons à ceux qui vous succèdent. Il n'y aurait eu dans mon bilan sur la Corse que l'arrestation de l'assassin présumé, Yvan Colonna, que ce serait déjà beaucoup mieux que ce qu'ont fait tant M. Chevènement que M. Vaillant ; mais enfin, passons !
Monsieur Plasait, il est important que vous ayez souligné que c'est grâce au travail des policiers et des gendarmes que nous obtenons des résultats. Vous vous souvenez certainement de ce grand débat, loin d'être médiocre, qui posait la question de savoir si, en mobilisant fortement les policiers et les gendarmes, on prenait des risques de bavures. Tel était le débat voilà dix-neuf mois. J'ai toujours pensé, pour ma part, qu'une armée en ordre de marche, c'est une armée dépourvue de problème. Or chacun sait bien que c'est au bivouac, au retour des campagnes qu'il peut en surgir. Il y a une stratégie et une organisation.
Les policiers et les gendarmes savent ce qu'il en est, et les résultats que nous obtenons, nous les leur devons. Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi l'opposition ne s'associe pas à ces résultats.
M. Roger Karoutchi. C'est vrai !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Elle devrait s'en féliciter pour les Français qu'elle représente comme nous, mais aussi au regard des policiers et des gendarmes qui seraient très heureux de voir le Sénat unanime reconnaître que les policiers et les gendarmes ont travaillé cette année plus et mieux.
En quoi y perdriez-vous de votre identité ? Vous montreriez que vous êtes des hommes d'Etat capables de reconnaître les mérites des fonctionnaires qui travaillent sous l'autorité des gouvernements.
Monsieur Plasait, par votre intervention remarquable, vous avez fait pencher la balance du côté de la majorité, parce que ce que vous avez eu le courage de faire, l'opposition n'a pas su le dire. (M. Paul Blanc applaudit.)
J'en viens à la prévention et à l'utilisation de la réserve. Vous savez que je tiens beaucoup à cette dernière, notamment depuis la suppression du service militaire en France. En effet, si le pays était confronté à des événements graves, s'il fallait par exemple surveiller toutes nos centrales nucléaires, tous nos établissements publics, nous serions très contents de pouvoir recourir à cette réserve civile.
Vous nous demandez, monsieur Plasait, si l'on peut utiliser cette réserve pour les métiers de la prévention. Je ne suis pas hostile à cette idée. Je vous propose que nous en débattions à l'occasion de l'examen du texte sur la prévention de la délinquance que je proposerai au Parlement au début de l'année prochaine, de façon à envisager d'y inclure vos préoccupation qui sont justes. En résumé, ce peut être une très bonne idée, qu'il convient d'encadrer, et le Gouvenement retient votre suggestion. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le ministre, je tiens avant tout à vous féliciter pour votre engagement et votre détermination qui, au fil des mois, non seulement ne s'essoufflent pas mais se renforcent.
Le budget que vous nous présentez est la suite logique des engagements du Gouvernement en faveur de la sécurité et de la lutte contre la délinquance sous toutes ses formes.
Cette action était l'une des dispositions phares du programme présenté par le Gouvernement, et force est de constater qu'il remplit, par votre intermédiaire, sa mission avec succès. Ce que les socialistes n'ont pas fait pour des raisons souvent idéologiques ainsi que par manque de réalisme, vous l'avez mis en oeuvre avec brio. Je n'ai qu'à prendre pour exemple la réussite des groupes d'intervention régionaux qui ont démontré la capacité de coopération entre les services de l'Etat.
Vous avez redonné confiance et fierté à nos forces de l'ordre et vous leur avez permis, en leur conférant des moyens chaque fois plus performants et plus importants, de mieux remplir leurs missions.
Dans le droit-fil de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, vous nous présentez aujourd'hui un budget pour 2004 renforcé, puisque 307 millions d'euros de crédits supplémentaires seront accordés à la police nationale, soit une progression de 5,73 %.
Le budget de la sécurité civile augmente, lui, de 4,3 %. Vous vous proposez sur ce point, monsieur le ministre, de renforcer en particulier les équipements et les équipes opérationnelles, afin de mieux faire face aux difficultés naturelles qui nous menacent. Il suffit de nous remémorer les tristes incendies de cet été pour être convaincus de la nécessité de votre action en ce sens.
Au-delà, vous offrez à la France, monsieur le ministre, la chance de refaire son retard dans certains domaines, par exemple en termes de police scientifique et technique, puisque vous allouez à ce secteur 10,6 millions d'euros supplémentaires pour l'année 2004.
Cette somme sera utilisée à la création d'une unité spécialisée dans la mise en place d'une base de données de génotypes ainsi que pour l'équipement et la modernisation de laboratoires spécialisés. L'ensemble permettra, selon les estimations, de rassembler environ 150 000 noms à la fin de l'année 2004, contre environ 13 000 noms aujourd'hui.
Mais permettez-moi d'insister tout particulièrement sur la question de la police nationale. Monsieur le ministre, ce budget pour l'année 2004 crée 1 000 emplois, dont 740 postes de gardiens de la paix.
Or, et il faut nous en féliciter, si les indicateurs de la délinquance sont favorables puisque, sur les dix premiers mois de l'année 2003, celle-ci a diminué de 3,3 %, il faut poursuivre l'effort pour endiguer le phénomène. C'est pourquoi ces créations d'emploi s'inscrivent dans une démarche très positive.
Mais, comme vous le savez, monsieur le ministre, je suis élu d'un département très exposé à l'insécurité, et même si la délinquance recule en Seine-Saint-Denis, l'obtention de moyens supplémentaires en termes d'effectifs est indispensable.
Par conséquent, monsieur le ministre, j'aurais aimé savoir quelle place aura la couronne parisienne, et plus particulièrement le département de la Seine-Saint-Denis, dans le schéma national de déploiement des nouveaux effectifs de gardiens de la paix mis en place par votre budget.
Enfin, je tiens à vous apporter mon soutien total à votre action et, par conséquent, au budget que vous nous présentez. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Demuynck, je vous remercie de votre soutien. Venant d'un élu d'un département qui a beaucoup souffert toutes ces dernières années et qui doit faire face à de nombreux problèmes, c'est le soutien d'un élu de terrain qui connaît la réalité des Français.
La question des effectifs est très difficile. La raison en est que la réforme des retraites a accéléré les départs à la retraite, il faut dire les choses telles qu'elles sont. Or, créer un poste de gardien de la paix et le former demande un an.
Je suis devenu ministre en mai. Vous avez voté la LOPSI en août 2002. J'ai organisé, avec M. Devedjian, les concours de recrutement en septembre 2002.
Lorsque je dis « un an », cela veut dire que les premières promotions d'effectifs du nouveau gouvernement ne seront opérationnelles qu'en octobre-novembre 2003, et chacun conviendra que l'on ne peut faire plus vite. Ces concours de recrutement compensent les départs en retraite, monsieur Demuynck, mais il n'y a pas de nouvelles créations de postes.
Par parenthèse, si le gouvernement précédent avait fait ce qu'il a dit,...
M. Paul Blanc. C'est vrai !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... j'aurais dû trouver des écoles de police pleines à craquer, avec des effectifs en surnombre.
Ainsi, on pourra dire l'année prochaine, monsieur Demuynck, que les effectifs qui manqueront seront les nôtres. En revanche, ceux qui manquaient l'année dernière étaient les siens ! Le dire, monsieur Demuynck, ce n'est pas se défausser, mais c'est tenir compte du fait qu'il faut un an de formation, auquel il faut ajouter entre quatre et six mois pour organiser les concours de recrutement.
M. Paul Blanc. En effet !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Pour autant, nous n'avons pas oublié la Seine-Saint-Denis, qui disposera au 1er janvier 2004 de 73 fonctionnaires de plus qu'au 1er janvier 2002. En outre, j'ai annoncé que la petite couronne bénéficiera de 200 fonctionnaires supplémentaires, car, il faut le reconnaître, la petite couronne et la grande couronne d'Ile-de-France ont été moins bien servies que Paris.
Lorsque j'entends le maire de Paris faire de grandes déclarations s'appropriant les résultats de la politique de sécurité, c'est un comble ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
J'entends deux discours : un discours national, selon lequel la politique de sécurité du Gouvernement ne marche pas, et un discours municipal, affirmant que la politique de sécurité qui fonctionne, c'est celle de la mairie. C'est tout de même formidable ! Pour dire cela, il faut avoir au moins une qualité : un certain culot ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant la sécurité inscrits à la ligne « Intérieur, sécurité intérieure et libertés locales » seront mis aux voix aujourd'hui à la suite de l'examen des crédits affectés à la décentralisation.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 290 139 228 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : moins 7 357 828 047 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 429 550 000 euros ;
« Crédits de paiement : 145 497 000 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 2 078 119 000 euros ;
« Crédits de paiement : 1 004 659 000 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la sécurité.
(M. Guy Fischer remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président
M. le président. Le Sénat va maintenant examiner les dispositions du projet de loi concernant la décentralisation.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il a déjà été beaucoup question du budget des collectivités locales depuis quelques semaines au sein de la Haute Assemblée. C'est naturellement notre vocation première, mais il me sera difficile d'être original !
Mes chers collègues, à titre d'introduction, je rappellerai le rôle que jouent les collectivités locales dans l'ensemble budgétaire de notre pays, puisque c'est de budget que nous discutons aujourd'hui.
Contrairement à ce qui se passe en Allemagne, où près de la moitié du déficit des administrations publiques résulte de celui des Länder, en France, depuis de nombreuses années, les collectivités territoriales sont en excédent et contribuent de manière positive à réduire le déficit global des administrations publiques. Cela, au moins, doit leur valoir la considération du Gouvernement et surtout celle du Parlement, au moment où il doit voter le budget.
Cependant, cette année est importante parce qu'elle marque probablement la fin d'une époque : plusieurs réformes sont concentrées dans votre projet de budget, monsieur le ministre.
Je constate, tout d'abord, que les sommes sur lesquelles nous allons nous prononcer dans quelques instants sont considérablement réduites par rapport aux années antérieures. Je m'en réjouis parce que toutes les dotations que l'Etat versait pour compenser des impôts ont été basculées dans une catégorie juridique nouvelle, les prélèvements sur recettes, ce qui protège les concours financiers que l'Etat verse aux collectivités locales.
J'insiste sur ce rôle de protection, car, si l'on compare le montant des concours que l'Etat accorde aux collectivités locales et celui du déficit du budget de l'Etat, l'on s'aperçoit que les deux chiffres sont relativement voisins.
Pour satisfaire un certain nombre d'exigences, notamment celles que nous avons souscrites auprès de l'Union européenne, il aurait pu être relativement facile de réduire le déficit du budget de l'Etat en diminuant les concours financiers aux collectivités locales, ce qui n'aurait gêné en rien l'Etat mais aurait considérablement pesé sur les collectivités publiques.
La sanctuarisation que constitue le passage des concours financiers de l'Etat à la catégorie des prélèvements sur recettes est une très bonne chose pour la protection des concours financiers. Elle vous permet également, monsieur le ministre, d'enclencher la première réforme des concours financiers que l'Etat accorde aux collectivités territoriales en mettant en place une nouvelle architecture de la dotation globale de fonctionnement, la DGF.
Ces deux mesures - le passage en prélèvements sur recettes et la nouvelle architecture de la DGF - préparent une réforme de fond de la DGF pour l'année prochaine. D'ores et déjà, vous annoncez une meilleure prise en compte de la péréquation puisque l'architecture nouvelle de la DGF permettra de dégager des ressources qui seront affectées en grande partie à la péréquation.
Voilà quelques jours, nous avons vu que l'essentiel des augmentations de la DGF, nouvelle formule, irait vers la péréquation. C'est très important.
Mais il y a plus important encore. Si le projet de budget pour 2004 prépare la réforme des concours financiers que l'Etat accordera aux collectivités locales, il assure aussi la mise en place des premiers transferts de compétences. Si tout se passe bien, le pacte de confiance entre l'Etat et les collectivités locales sera renoué. Si le transfert de compétences liées au RMI, la création du RMA, les conséquences de la réforme de l'ASS et de l'UNEDIC sont prises correctement en compte, les collectivités locales, essentiellement les départements, accepteront les réformes plus larges que prépare le projet de loi relatif aux responsabilités locales dont le Sénat a largement débattu avec vous, monsieur le ministre.
La façon dont nous avons inscrit, dans la première partie de ce projet de loi de finances, l'article 40 nous donne entière satisfaction, et je tiens à remercier le Gouvernement des efforts qu'ils a consentis pour que le transfert soit loyalement compensé.
Même s'il apparaît un peu complexe, le phasage en trois étapes de la compensation du transfert est pour nous essentiel et nous donne également pleine satisfaction. Cela mérite d'être souligné, car ce transfert est très lourd pour les départements. Lorsqu'on nous indique que c'est une bonne affaire, au motif que la démographie arrangera la situation dans les années qui viennent, même s'il s'agit d'une pétition de principe importante et d'un espoir que nous pouvons tous partager, nous savons qu'avant ces beaux jours, il faudra affronter l'hiver et qu'autour du 1er janvier nous devrons faire face aux dépenses nouvelles mises à la charge des départements. La façon dont les affaires ont été traitées sont un bon présage pour la mise en oeuvre, en 2005, de la loi relative aux responsabilités locales.
S'agissant de l'analyse des crédits de la décentralisation, je note une bonne nouvelle : la création d'une dotation pour les services départementaux d'incendie et de secours à laquelle nous sommes très sensibles. Nous avions pu, grâce à une initiative sénatoriale, réutiliser des réserves non dépensées de la dotation globale d'équipement, mais nous parvenions à la fin de l'exercice. Désormais, des crédits budgétaires pour l'équipement des SDIS sont prévus.
M. le ministre de l'intérieur a énuméré tout à l'heure un certain nombre de mesures qu'il entend proposer pour améliorer la situation des sapeurs-pompiers tant volontaires que professionnels. Il s'agit d'un travail de longue haleine ; il est bien rare qu'un ministre de l'intérieur ne veuille améliorer la situation des sapeurs-pompiers, mais, afin de respecter l'esprit de la Constitution, il serait bon que ces mesures n'entrent en vigueur qu'après le transfert de la taxe sur les conventions d'assurance. Nous avons, là aussi, apprécié l'annonce que vous avez faite, monsieur le ministre. Le fait pour les départements de percevoir, en plus d'une fraction de la TIPP non modulable, la taxe sur les conventions d'assurance va aussi dans le bon sens.
D'autres mesures vont également dans le bon sens ; j'en soulignerai quelques-unes.
Voilà quelques jours, le ministre de la fonction publique a réuni pour la première fois le collège des employeurs publics. Cette structure nouvelle offre des perspectives intéressantes même si, pour l'instant, le Gouvernement conserve encore la pleine maîtrise des évolutions des carrières des trois fonctions publiques, ce qui peut se comprendre. Il appartiendra désormais à ce collège de créer sa propre dynamique pour se rendre indispensable à la définition de la politique que mènera l'Etat envers les fonctionnaires. Il constitue en tout état de cause une façon plus qu'intéressante d'associer l'ensemble des collectivités territoriales à la gestion de leurs agents.
Une autre avancée très importante, décidée lors de la première lecture du projet de loi relatif aux responsabilités locales, est l'extension du fonds de compensation pour la TVA, d'une part, aux dépenses faites par une collectivité territoriale sur le domaine public de l'Etat ou sur celui d'une autre collectivité locale et, d'autre part, aux fonds de concours, extension que vous avez acceptée très volontiers, monsieur le ministre.
Le ministre délégué au budget a accepté la mise en oeuvre immédiate, c'est-à-dire dès le 1er janvier 2004, d'une partie des dispositions inscrites dans le projet de loi de finances pour 2004. Nous apprécierions beaucoup que vous annonciez qu'il ne s'agit là que d'une étape et que la totalité des dispositions qui ont été votées par le Sénat voilà quelques jours seront appliquées au 1er janvier 2005. Sinon, et ce serait ennuyeux, nous serions obligés de revenir à la charge lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative. Je suis sûr que tel n'est pas votre souhait, monsieur le ministre.
Si des mesures positives ont été décidées en faveur des collectivités locales, il subsiste toutefois quelques zones d'ombre que je me dois également de souligner.
L'une d'elles est le moindre effort de péréquation qui sera fait en 2004.
M. Jean-Pierre Sueur. Hélas !
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. La situation devrait s'améliorer en 2005 grâce à la nouvelle architecture de la DGF.
M. Jean-Pierre Sueur. Si vous y croyez...
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Monsieur Sueur, l'analyse honnête et complète d'une proposition ne peut que renforcer la valeur du vote final. Sinon ce serait trop simple.
S'agissant de ce moindre effort en matière de péréquation, je souhaite que l'année 2004 soit une année de transition vers un système plus efficace.
M. Jean-Pierre Sueur. Assurément !
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Enfin, l'Etat doit être très attentif aux mesures réglementaires qu'il se sent obligé de prendre régulièrement, mesures qui, la plupart du temps, sont agréables à annoncer et aisées à financer, puisque, dans de nombreux cas,...
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Ce sont les autres qui paient !
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. ... ce sont en effet les collectivités locales qui les financent.
Si cette mauvaise habitude pouvait se perdre dans l'acte II de la décentralisation, nous aurions fait un grand pas vers la responsabilisation des élus locaux et de l'Etat, ce qui doit être le but de toute décentralisation.
Sous réserve de ces observations, mes chers collègues, la commission des finances vous propose d'adopter les crédits du budget de la décentralisation. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les données chiffrées ayant été longuement évoquées en séance publique le 25 novembre lors du débat sur les ressources des collectivités territoriales, je me bornerai, s'agissant des crédits relatifs à l'administration territoriale et à la décentralisation, à formuler quatre observations principales, quatre constats.
Premier constat : le projet de loi de finances pour 2004 tend à opérer une réforme importante et attendue de l'architecture des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales qui consiste à intégrer au sein de la dotation globale de fonctionnement diverses dotations, à créer une dotation globale de fonctionnement des régions, à harmoniser la structure de cette dotation en créant, pour chaque catégorie de collectivités territoriales, une dotation forfaitaire et une dotation de péréquation.
Au total, le montant de la dotation globale de fonctionnement passera de 18,8 milliards d'euros à 36,7 milliards d'euros, en progression de 1,93 %, à structure constante, par rapport à 2003.
Cette réforme permettra d'améliorer la lisibilité des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales et - c'est un point important - de renforcer, à terme, la péréquation. Alimentée par un différentiel entre le taux de progression de la DGF et celui de la dotation forfaitaire, cette péréquation sera assurée d'un financement pérenne.
Le projet de loi de finances pour 2004 ne prévoit pas de modifier les critères d'attribution des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales. Lors de votre audition devant la commission des lois, monsieur le ministre, vous nous avez indiqué que cette réforme serait effectuée en 2004, après une large concertation et la réalisation de simulations permettant de mesurer ses conséquences sur les attributions individuelles des collectivités territoriales.
La commission des lois vous y invite fortement, car les critères de répartition des concours de l'Etat aux collectivités territoriales sont trop nombreux, répondent à des objectifs parfois contradictoires et ne permettent pas de concentrer les crédits sur les collectivités qui éprouvent les plus grandes difficultés.
Deuxième constat : le projet de loi de finances pour 2004 prévoit la reconduction, pour un an, du contrat de croissance et de solidarité, selon les modalités d'indexation appliquées depuis 2001, c'est-à-dire l'indice des prix à la consommation hors tabac de l'année à venir majoré de 33 % du taux de croissance de l'année en cours.
Compte tenu de l'intrégration de diverses dotations au sein de la dotation globale de fonctionnement, l'enveloppe normée du contrat de croissance et de solidarité regroupera désormais près de 71 % du montant des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales.
La dotation de compensation de la taxe professionnelle continuera de servir de variable d'ajustement, les indexations des autres dotations demeurant, quant à elles, inchangées.
Cette indexation de la plupart des concours de l'Etat aux collectivités territoriales mérite d'être saluée si l'on considère que la progression des dépenses de l'Etat sera gelée en euros constants en 2004.
Toutefois, la reconduction pour un an seulement du contrat de croissance et de solidarité ne renoue pas avec l'objectif d'une programmation pluriannuelle des concours de l'Etat aux collectivités territoriales. Or ces dernières ont le plus grand besoin de disposer de ressources prévisibles pour planifier leurs investissements et établir leurs budgets.
Divers abondements sont destinés à préserver le montant des dotations de péréquation versées aux communes en 2004. La dotation de solidarité urbaine, la dotation nationale de péréquation et la dotation de solidarité rurale bénéficieront ainsi d'un montant total de 96 millions d'euros, qui permettront d'assurer aux dotations de solidarité une progression de 1,5 % environ en 2004.
Troisième constat : le projet de loi de finances pour 2004 prévoit le transfert aux départements d'une fraction du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, d'un montant prévisionnel de 5,22 milliards d'euros, afin de compenser les charges résultant de l'entrée en vigueur, prévue pour le 1er janvier 2004, du projet de loi portant décentralisation en matière de RMI et créant un RMA.
Cette mesure doit être examinée au regard de la double exigence posée par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 : en premier lieu, les transferts de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales doivent être accompagnés de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice ; en second lieu, les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales doivent représenter, pour chaque catégorie de collectivités territoriales, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources, dans des conditions déterminées par une loi organique.
S'agissant du premier point, je rappellerai simplement, d'une part, que le Conseil constitutionnel vérifiera la réalité de la compensation des charges transférées aux collectivités territoriales s'il est saisi du projet de loi de finances pour 2004, et, d'autre part, que, lors de l'examen en première lecture du projet de loi relatif aux responsabilités locales, le Sénat a prévu, sur l'initiative de notre commission, notamment du rapporteur de ce texte, Jean-Pierre Schosteck, une réforme importante de la commission consultative d'évaluation des charges, destinée surtout à renforcer le rôle des élus locaux.
S'agissant du second point, nous savons tous que le droit communautaire interdit la modulation des tarifs de la taxe intérieure sur les produits pétroliers au niveau départemental.
La question essentielle porte donc sur le point de savoir si l'attribution aux collectivités territoriales d'une part non modulable du produit d'un impôt national constitue une ressource propre, au sens de l'article 72-2 de la Constitution. Nous aurons à nous prononcer sur cette question lors de l'examen du projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales, déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale à la fin du mois d'octobre.
Quatrième et dernier constat : la réforme de l'administration territoriale de l'Etat se poursuit, notamment avec l'extension de la globalisation des crédits de rémunération et de fonctionnement des préfectures.
En 2004, seules quatre préfectures, celles de Paris, de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Réunion, ne seront pas globalisées. Elles devraient l'être avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2006, de la loi organique relative aux lois de finances.
Par ailleurs, le projet de loi relatif aux responsabilités locales tend à opérer trois réformes que nous réclamions depuis longtemps : l'affirmation de l'autorité du préfet sur les services déconcentrés de l'Etat, un partage effectif des services avec les collectivités territoriales et une rénovation du contrôle de légalité.
Les mesures proposées vont dans le bon sens. Nous en avons longuement débattu il y a quelques semaines ; je n'y reviens donc pas.
Je souhaite, en revanche, attirer l'attention du Gouvernement sur la nécessité de veiller au maintien des services publics en milieu rural et à leur diversification en milieu urbain. C'est là un vaste débat qui ne relève pas - loin de là - que du ministère de l'intérieur.
Des efforts sont accomplis, avec l'implantation de maisons des services publics, le développement des téléprocédures et la rénovation des sous-préfectures. Il importe cependant que les élus locaux soient davantage associés aux décisions concernant l'implantation des services publics. Nous avons à maintes reprises, au Sénat, insisté sur la nécessité d'une vraie concertation avant que les décisions de restructuration ou de réorganisation, voire de suppression, ne soient prises.
Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, la commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'administration territoriale et à la décentralisation dans le projet de loi de finances pour 2004. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 28 minutes ;
Groupe socialiste, 19 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 13 minutes ;
Groupe Communiste républicain et citoyen, 12 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il fallait donc voter en toute urgence, le dimanche matin, la loi relative aux responsabilités locales, de manière que les maires de France, dont je salue le président, M. Daniel Hoeffel, fussent dans l'extase devant le résultat de nos travaux !
Nous sommes de nouveau réunis, monsieur le ministre, et nous devons constater que ce projet de loi, du moins pour ce qui est de sa première lecture, n'a pas suscité un grand enthousiasme. Il a plutôt fait naître l'inquiétude, car, si nous étudions les charges susceptibles d'être attribuées aux collectivités locales ou celles qu'elles pourront accepter, force est de constater le flou qui entoure à la fois la fiscalité future des collectivités locales, les modalités des transferts de compétences et leurs conséquences financières, ainsi que la péréquation.
Je limiterai cette intervention à la péréquation, monsieur le ministre, dans l'espoir, longtemps déçu au cours des dernières semaines, que vous nous apporterez quelques éléments d'information complémentaires en dehors de ceux dont nous avons bien compris qu'ils étaient mentionnés dans la Constitution.
Je formulerai donc quelques remarques. La première figure dans le rapport spécial de M. Mercier. Il y est en effet très bien dit que les concours de l'Etat aux collectivités locales progressent de 1,2 %. « Il convient de souligner que cette progression est modérée » : je tiens à souligner l'humour de M. Mercier. En effet, monsieur le ministre, vous avez essayé de nous expliquer que l'augmentation était de 1,8 %. En fait, le rapport de M. Mercier est tout à fait cohérent avec celui de M. Hoeffel : la progression n'est que de 1,2 %, avec une inflation de 1,5 %. Nous devons comprendre que ce que M. Mercier appelle une progression « modérée » est en réalité une baisse de 0,3 %.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Heureusement que je vous ai comme porte-parole !
M. Jean-Pierre Sueur. M. Mercier a le sens de la litote, et je l'en félicite.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il a surtout le sens des responsabilités !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons tous le sens des responsabilités, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Sauf ceux qui appellent à la dépense !
M. Jean-Pierre Sueur. En second lieu, vous avez largement mentionné la nouvelle architecture de la dotation globale de fonctionnement, la DGF. J'ai bien compris que celle-ci intégrait un « paquet » que l'on appellera péréquation, ou plutôt péréquation potentielle, éventuelle, qui comprendra la DSU, la dotation de solidarité urbaine, et la DSR, la dotation de solidarité rurale, ainsi que l'ex-FNP, le fonds national de péréquation que vous avez rebaptisé dotation nationale de péréquation, la DNP. Nous y voilà !
Seulement, deux défauts caractérisent le système. Tout d'abord, vous parlez de régularisation de la DGF sur ce dispositif au mépris de la loi et des articles L. 1613-2 et L. 2234-1 du code général des collectivités territoriales, qui prévoient l'affectation de cette régularisation à l'ensemble des communes.
De surcroît, vous annoncez que l'ex-FNP devenu DNP va faire partie de l'ensemble. Toutefois, en même temps que vous faites ce cadeau, si je puis dire, à la péréquation potentielle, hypothétique, vous supprimez l'abondement de l'Etat de 22,87 millions d'euros qui était effectué encore l'année dernière. L'architecture change donc, mais nous y perdons.
A cet égard, M. Mercier cite opportunément, dans son rapport, une déclaration du ministre délégué au budget, M. Lambert, qui nous explique en substance que c'est finalement très bien de ne pas appliquer la loi s'agissant de la régularisation puisque «l'affectation aux dotations de solidarité du montant de la régularisation positive de la dotation globale de fonctionnement des communes résulte, d'une part, de la volonté du Gouvernement de favoriser la péréquation, d'autre part, du fait que les attributions individuelles versées à chaque commune au titre de la régularisation auraient été dérisoires ».
Cet argument a un aspect quelque peu comique dans la mesure où il apparaît clairement que l'application de la loi aurait conduit à diviser le montant de la régularisation, soit 45 millions d'euros, entre 36 700 communes.
Alors, que va-t-on faire ? Eh bien, on va répartir cette régularisation entre la DSU, la DSR et le FNP devenu DNP. Or je vous signale, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que 18 605 communes ont bénéficié de la part principale du FNP en 2003 - je laisse de côté les autres parts -, que 800 communes ont perçu une attribution au titre de la DSU, mais que 33 759 communes ont bénéficié de la DSR deuxième part, sans parler des 4 033 communes qui ont perçu une attribution au titre de la fraction « bourgs-centres ».
En additionnant toutes ces données, on parvient à un total de 57 197 sous-dotations, et encore, je vous fais grâce, monsieur le ministre - vous connaissez mon indulgence -, des 15 873 communes qui ont bénéficié de la majoration du Fonds national de péréquation dite « de la seule TP ». On opère donc une division encore plus considérable que celle qui avait été prévue par la loi, ce qui, selon moi, n'a aucun sens.
C'est pourquoi je veux vous interroger, monsieur le ministre, au sujet de la réforme de la DGF et des dotations de péréquation. En effet, cela n'a pas de sens d'avoir une DSR dont l'une des parts est répartie entre 33 700 communes, chacune d'entre elles recevant des miettes, cela n'a pas de sens d'avoir un FNP, même si on en change le nom, qui est réparti, d'une part, entre 18 605 communes et, d'autre part, entre 15 873 communes. Ce n'est pas de la péréquation : c'est de la démagogie ! (M. le ministre délégué s'exclame.)
Je reconnais que cela dure depuis très longtemps, monsieur le ministre,...
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ah oui !
M. Jean-Pierre Sueur. ... et je l'ai dit souvent. La création de la DSU a été positive, ainsi que la première forme de la DSR, qui était alors essentiellement centrée sur des projets de développement portés par des intercommunalités.
Monsieur le ministre, puisque vous souhaitez réformer la péréquation, peut-être avez-vous réfléchi aux modalités que vous allez retenir de manière à éviter cet éparpillement qui est le contraire de la justice et de la solidarité, dans le mesure où, en aidant tout le monde, vous le savez bien, on n'aide finalement personne, ce qui n'est pas le sens de la péréquation.
Vous avez eu la bonne idée de créer une part de péréquation au sein de la nouvelle DGF des régions qui provient en grande partie du FDCR, le fonds de correction des déséquilibres régionaux.
Je tiens à vous faire observer que, selon les décisions qui seront prises par le comité des finances locales, puisque l'on veut prendre en compte 75 % ou 95 % de l'ensemble, la part dite de péréquation à l'intérieur de la future DGF des régions oscillera entre 1,38 % et 1,76 % de l'ensemble. De nouveau, ce sera dérisoire. Pour l'avenir, puisque l'on parle beaucoup d'avenir, ne pouvez-vous pas songer à faire un peu plus et un peu mieux, monsieur le ministre ?
Enfin, j'évoque, pour mémoire, la complexité du dispositif que M. Mercier constate avec son humour coutumier. Il indique à cet égard, à la page 49 de son rapport, que « cette "tuyauterie" est passablement (sans doute trop) complexe ». Cela est très bien dit !
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Je vous remercie !
M. Jean-Pierre Sueur. Je gardais toutefois un faible espoir. Ce gouvernement qui en appelle sans cesse à la péréquation et qui nous présente un projet de loi sur les responsabilités locales ne pouvait pas, dans le même temps, nous présenter un projet de loi de finances dans lequel la péréquation diminuerait. Je me suis donc accroché à la page 56 du rapport de M. Mercier dans laquelle il est dit ceci : « Les dotations de péréquation (DSU, DSR et DNP) ne connaîtront pas une progression comparable à celle des années précédentes en 2004. » Eh oui, la progression passe de 2,5 %, 4,5 % à 1,5 %, c'est-à-dire, compte tenu du montant de l'inflation, à une progression nulle. « En fonction des choix que sera amené à effectuer le comité des finances locales quant à la progression de la dotation forfaitaire, les dotations de péréquation pourraient même voir leur montant diminuer en 2004. »
Monsieur le ministre, M. Mercier employait un conditionnel auquel je me raccrochais dans un ultime espoir. Vous pouvez imaginer quelle fut ma déception en arrivant à l'avant-dernière page de son rapport - si je ne cite pas autant le rapport de M. Hoeffel, c'est qu'il sait tout le bien que j'en pense. (Sourires.)
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Partagez un peu, monsieur Sueur !
M. Jean-Pierre Sueur. A l'avant-dernière page, la chute est redoutable : « S'il est tenu compte de l'abondement de 22,867 millions d'euros du Fonds national de péréquation en 2003, reconduit d'année en année depuis 1999 et prévu par l'article 51 de la loi de finances pour 2003, qui n'est en revanche pas prévu par le présent projet de loi de finances, les dotations de solidarité communales diminuent en 2004, quel que soit par ailleurs le taux d'indexation de la dotation forfaitaire retenu par le comité des finances locales. » Vous parlez juste.
Le Gouvernement mérite le prix de l'humour noir : après nous avoir tant parlé de péréquation, nous avoir dit que c'est si important et que l'année prochaine nous assisterons à des choses vraiment extraordinaires, il nous présente une loi de finances dans laquelle la péréquation est malheureusement inéluctablement en diminution ! Nous le regrettons, monsieur le ministre, et nous aurions de loin préféré que vous prouviez le mouvement en marchant ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Mers chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président. La séance est reprise.
ÉLOGE FUNÈBRE DE EMMANUEL HAMEL,
SÉNATEUR DU RHÔNE
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais prononcer l'éloge funèbre de Emmanuel Hamel. (M. le ministre délégué, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est avec une profonde tristesse que nous avons appris, le 4 novembre dernier, la disparition de notre collègue et ami Emmanuel Hamel. Le mal qui l'avait frappé voilà plusieurs années - et contre lequel il luttait avec courage et détermination - a eu raison de ses forces.
Les marques spontanées de sympathie qui ont suivi l'annonce de son décès ont illustré, à l'évidence, la place particulière qu'occupait Emmanuel Hamel au sein de notre assemblée.
Emmanuel Hamel était né le 9 janvier 1922 à Paris.
De son père, magistrat, il avait hérité le goût de la justice et l'exigence du service de l'Etat. Son enfance, marquée par la mémoire collective et familiale de la guerre Quatorze, lui avait légué un amour intransigeant et sans concession de son pays.
Après de brillantes études au collège Stanislas, puis à la faculté de droit et à l'Ecole libre des sciences politiques, couronnées par un doctorat en sciences économiques, il se destinait à embrasser une carrière de haut fonctionnaire.
La guerre, puis l'occupation devaient différer la concrétisation de cette vocation.
Ces événements qu'il vécut comme une blessure profonde allaient susciter le premier engagement de sa vie.
Dès 1943, Emmanuel Hamel entrait dans la Résistance. L'année suivante, il s'engagea dans l'armée de Libération. Affecté au 2e bataillon de choc, il prit une part active aux combats. Blessé grièvement en Alsace en 1945, il fut démobilisé l'année suivante et fait titulaire de la Croix de guerre, en reconnaissance de sa bravoure.
Comme tous les braves, comme tous les vrais courageux, il n'évoquait qu'avec pudeur et réticence cette période fondatrice de sa vie.
Libéré, ou plutôt rendu à la vie civile, Emmanuel Hamel allait accomplir le deuxième engagement de sa vie publique : le service de l'Etat.
Entré au ministère des finances en qualité d'administrateur civil, il fut conduit à s'acquitter de différentes missions dans l'exercice desquelles il fit preuve, outre d'une grande capacité de travail, d'un esprit de synthèse développé et de qualités d'expertises talentueuses mises en valeur par une plume aussi alerte qu'étincelante.
Chargé de mission dans différents cabinets ministériels, dont ceux de Pierre Abelin, Pierre Mendès France et Pierre Pflimlin, il accompagna, un temps, la décolonisation de l'Afrique en qualité de chef de mission permanente d'aide et de coopération au Congo-Brazzaville, nouvellement indépendant. Il ne cessa, toute sa vie, de se préoccuper du sort douloureux de ce pays aimé ; il se sentait responsable de son évolution.
Devenu conseiller référendaire à la Cour des comptes en 1958, il allait servir la prestigieuse institution de la rue Cambon jusqu'en 1973, date de son élection au siège de député de la 8e circonscription du Rhône.
Ce nouvel engagement, le troisième de la vie professionnel de Emmanuel Hamel, fut à la hauteur des deux premiers : total, intransigeant et sans concession.
Au Palais-Bourbon, puis au Palais du Luxembourg, Emmanuel Hamel sera un travailleur inlassable, faisant preuve d'une assiduité soutenue, participant activement aux travaux des commissions auxquelles il appartint, et apportant à la séance publique un concours exceptionnellement actif, quelle que soit l'heure du jour ou de la nuit.
C'est en 1986 que Emmanuel Hamel fut élu sénateur du Rhône. Conseiller municipal de la commune de Givors, dans l'agglomération lyonnaise, il tirait de fréquents enseignements de cet enracinement local. De même, son élection au conseil régional de Rhône-Alpes, dont il fut vice-président, allait enrichir sa culture d'élu local, souvent sous-jacente à ses interventions dans cet hémicycle.
Membre de la commission des finances pendant près de dix ans, puis de la commission des affaires étrangères et de la défense, secrétaire du bureau du Sénat, Emmanuel Hamel a travaillé de façon exemplaire sur les questions qui le passionnaient. Rapporteur spécial du budget du travail, des comptes spéciaux du Trésor, puis de l'emploi et de la formation, il était devenu, au fil des ans, un expert écouté de ses pairs et respecté des ministres.
Sa connaissance des sujets, confortée par une réelle passion pour tout ce qui touchait à l'honneur, à la réputation et à l'indépendance de la France, a fait de lui un parlementaire exemplaire à plus d'un titre. Les domaines sur lesquels il est intervenu n'avaient pas de limites : la justice sociale, l'emploi, la formation, mais aussi la fiscalité, la santé, la défense nationale, les anciens combattants, l'audiovisuel, l'environnement, la politique étrangère, la construction européenne.
Défenseur vigilant des droits du Parlement, il évoquait, pour la déplorer, dans des rappels au règlement restés célèbres, la surcharge du calendrier qui imposait la tenue de réunions de commissions alors même que le Sénat siégeait en séance publique. Considéré comme l'un des députés les plus assidus lors des treize ans qu'il passa au Palais-Bourbon, Emmanuel Hamel allait maintenir ses habitudes au Palais du Luxembourg, parmi nous.
Arrivé aux aurores et quittant la séance publique tard dans la nuit, il arpentait les couloirs, de son bureau à l'hémicycle, lourdement chargé de dossiers et de journaux. Toujours soucieux d'enrichir ses connaissances, il écrivait inlassablement ou découpait scrupuleusement tel ou tel article pour nourrir ses dossiers ou adresser, comme autant de signes d'amitié et d'attention, à ses très nombreux correspondants de tous horizons.
Présent même l'été, il connaissait le Palais et ses dépendances plus qu'aucun autre de ses collègues, tissant au fil des rencontres des liens forts et souvent cordiaux avec tous ses interlocuteurs, des plus hauts dignitaires de la République au plus modeste des fonctionnaires.
Ainsi était Emmanuel Hamel, toujours attentif à son prochain, toujours à l'écoute des humbles, des obscurs, des sans-grades, toujours prompt à s'enflammer pour dénoncer une injustice ici ou là.
Ainsi était Emmanuel Hamel, jamais en repos, souvent révolté, toujours à l'ouvrage. Il avait conservé, malgré les années, une fraîcheur d'âme qui en surprenait plus d'un.
Et pourtant, ne déclara-t-il pas un jour, dans un journal lyonnais : « J'ai le sentiment de ne pas faire le quart de ce que je devrais faire. » Venant de lui, qui fut longtemps considéré comme le parlementaire parmi les plus présents, cette réflexion ne manquait pas d'étonner.
L'origine de cette exigence, si perpétuellement insatisfaite, se situait peut-être dans l'engagement le plus intime, le plus intense, le plus fervent de Emmanuel Hamel : sa foi chrétienne, qu'il vivait avec autant d'ardeur personnelle et d'exigence que de respect pour ceux qui ne la partageaient pas.
Tout dans le parcours de Emmanuel Hamel inspire le respect et l'affection. Dans cet hémicycle, où il fut si souvent des nôtres, il laisse un vide que le temps aura du mal à effacer.
A sa famille, cruellement éprouvée au cours des dernières années, je voudrais exprimer publiquement la solidarité du Sénat de la République.
A son épouse, Danièle, à ses enfants, Marie-Christine et Thierry, à ses proches, je voudrais dire la sympathie attristée de toute notre assemblée et la part personnelle que je prends à leur souffrance.
A ses collègues de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, aux membres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, auquel il appartenait, j'exprime mes condoléances sincères et les assure de mon amitié attristée.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous invite à observer une minute de silence à la mémoire de notre collègue Emmanuel Hamel. (M. le ministre délégué, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a quelques semaines encore, Emmanuel Hamel siégeait à vos côtés, jusque tard dans la nuit, avec l'assiduité, le talent et le tempérament qui le caractérisaient, et cela en dépit de sa grande fatigue.
L'annonce de sa disparition nous a tous affligés. Sa présence et son engagement personnel faisaient partie intégrante de la Haute Assemblée.
Monsieur le président, vous avez, mieux que je n'aurais su le dire, exprimé toutes les qualités que Emmanuel Hamel a su montrer parmi vous. Le Sénat a perdu, et nous perdons avec lui, l'une de ses figures les plus emblématiques et sans doute aussi les plus attachantes.
Vous l'avez rappelé, monsieur le président, Emmanuel Hamel était né en 1922. Il disait qu'il avait eu de la chance de grandir dans une famille unie, qui lui avait transmis le goût du travail bien fait et un sens très aigu de l'intérêt général.
A vingt et un ans, il s'est engagé dans la Résistance avec beaucoup de courage, en prenant de nombreux risques. Ensuite, il a intégré le 2e bataillon de choc de la 1re armée, c'est-à-dire une unité d'élite, où se faire tuer était devenu une habitude. Il participera ainsi à la libération de la France. Son courage et ses actes héroïques lui vaudront naturellement l'attribution de la Croix de guerre 1939-1945.
Après la guerre, Emmanuel Hamel met à profit ses nombreuses connaissances économiques et financières, qu'il a brillamment acquises lors de ses études. Il travaille comme haut fonctionnaire au sein de divers cabinets ministériels. Il collabore - vous l'avez rappelé, monsieur le président - avec Robert Schuman, Pierre Abelin, Pierre Mendès France et Pierre Pflimlin. Il rejoint ensuite la Cour des comptes.
Après de nombreuses années passées dans la haute administration, il choisit de servir la dose publique en se soumettent au suffrage des électeurs. En 1973, puis en 1981, il est élu député du Rhône. Il devient ensuite sénateur du Rhône en 1986, et il sera réélu en 1995.
Ce qui domine l'exercice de ses mandats, c'est tout à la fois sa conception de l'intérêt général et la haute idée qu'il se fait de la France, une France qu'il veut engagée - et il y tenait -, souveraine.
Cette vision de la France, il en sera le fervent porte-parole à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ainsi qu'à la délégation du Sénat pour l'Union européenne, dont il sera l'un des membres les plus actifs.
Egalement passionné par tous les sujets de société, il aimait s'informer pour comprendre, proposer, contester, voire parfois dénoncer. Nous l'apprécions pour cette expression de son caractère. Chez lui, les prises de position tranchées révélaient l'homme de caractère, mais aussi l'homme de coeur et l'homme de conviction. Entier, authentique dans ses engagements, comme il l'avait montré pendant la guerre, et dans ses choix, les parcours politiques et personnels se devaient d'être, pour lui, les deux faces d'un même idéal imprégné d'une véritable foi.
C'est cette vie singulière, étrangère aux demi-mesures, forgée dans ses engagements successifs, que sont venues récompenser la croix de chevalier dans l'ordre national du Mérite et celle de chevalier dans l'ordre national de la Légion d'honneur.
De lui, je garde personnellement le souvenir de ce qu'il m'a dit une nuit, au cours de l'examen du projet de loi relatif aux responsabilités locales : il faut me pardonner mon mauvais caractère : j'ai un cancer, et cela affecte mon caractère. Il a dit ces mots avec tellement de gentillesse, de courtoisie et d'humanité que j'en ai été frappé. Naturellement, je l'ai assuré de toute mon amitié, de toute ma chaleur. Ce sont les derniers mots que je lui ai entendu dire. Il est mort quelques jours après, brutalement, en définitive, nous a-t-il semblé, malgré sa longue maladie, alors qu'il était, ici, si actif, si présent.
« Servons pour servir avec simplicité », disait-il. Cette citation, qu'il tirait de son livre préféré, La Légende des siècles, de Victor Hugo, il en aura fait, finalement, la règle de sa vie.
A son épouse, à sa fille, à son fils, je présente, au nom du Gouvernement mes condoléances les plus attristées.
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, selon la tradition, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants en signe de deuil.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures vingt, est reprise à quinze heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
Du mercredi 3 décembre 2003
au mardi 9 décembre 2003 :
Ordre du jour prioritaire
Suite du projet de loi de finances pour 2004 (n° 72, 2003-2004).
(Conformément à l'article 60 bis du règlement du Sénat, le vote sur l'ensemble du projet de loi de finances donnera lieu à un scrutin public à la tribune.)
En outre, jeudi 4 décembre 2003, à 15 heures :
Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)
Mercredi 10 décembre 2003 :
Ordre du jour prioritaire
A 15 heures et le soir :
1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de l'Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie (n° 88, 2003-2004) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à quinze minutes le temps d'intervention pour le président de la délégation pour l'Union européenne ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 9 décembre 2003.)
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à une coopération sur l'observation de la Terre (n° 373, 2002-2003) ;
3° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la commission préparatoire de l'organisation du traité d'interdiction complète des essais nucléaires sur la conduite des activités relatives aux installations de surveillance internationale, y compris les activités postérieures à la certification (ensemble une annexe) (n° 425, 2002-2003) ;
4° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation d'un accord sous forme d'échange de lettres complétant l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière du 3 octobre 1997 (n° 372, 2002-2003) ;
5° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sur les privilèges et immunités de la Cour pénale internationale (n° 438, 2002-2003) ;
6° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord portant création de l'Organisation internationale de la vigne et du vin (n° 86, 2003-2004) ;
7° Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité (n° 85, 2003-2004) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 9 décembre 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 9 décembre 2003.)
Jeudi 11 décembre 2003 :
Ordre du jour réservé
A 10 heures, à 15 heures et, éventuellement, le soir :
1° Conclusions de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi de M. Jean-François Le Grand portant création des communautés aéroportuaires (n° 83, 2003-2004) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au mercredi 10 décembre 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à une heure trente minutes la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 10 décembre 2003.)
2° Conclusions de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi de M. Henri de Richemont et plusieurs de ses collègues, relative à la création du registre international français (n° 47, 2003-2004) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au mercredi 10 décembre 2003, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 10 décembre 2003.)
3° Proposition de résolution de la commission des lois sur l'autorisation de signer le projet d'accord entre l'Union européenne et la République d'Islande et le Royaume de Norvège sur l'application de certaines dispositions de la Convention de 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale et du protocole de 2001 à celle-ci (n° 87, 2003-2004).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mercredi 10 décembre 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 10 décembre 2003.)
Lundi 15 décembre 2003 :
Ordre du jour prioritaire
A 10 heures, à 15 heures et le soir :
Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour 2003 (AN, n° 1234).
(La conférence des présidents a fixé :
- au vendredi 12 décembre 2003, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 16 heures, le vendredi 12 décembre 2003.)
Mardi 16 décembre 2003 :
A 10 heures :
1° Dix-huit questions orales (l'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement) :
- n° 288 de M. Didier Boulaud à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées (Difficultés des unités de soins pédo-psychiatriques de l'hôpital de Nevers) ;
- n° 337 de M. Jean Bizet à Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies (Ratification de l'accord de Londres sur le brevet européen et création d'un brevet communautaire) ;
- n° 339 de M. Jean-Marie Poirier à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable (Pollution sonore due aux infrastructures ferroviaires) ;
- n° 343 de M. René-Pierre Signé à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité (Difficultés des centres d'hébergement et de réinsertion sociale de la Nièvre) ;
- n° 344 de M. Jean-François Le Grand à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable (Conséquences de l'annulation d'un plan départemental d'élimination des déchets) ;
- n° 348 de Mme Valérie Létard à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales (Sous-administration du département du Nord) ;
- n° 349 de M. Jacques Peyrat à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales (Développement des moyens de lutte contre les incendies de forêts dans le sud de la France) ;
- n° 351 de M. Dominique Leclerc à M. le ministre de la culture et de la communication (Réglementation de l'archéologie préventive) ;
- n° 352 de M. Gérard Roujas à Mme la ministre de la défense (Statut des contrôleurs aériens section circulation essais-réception de la direction générale pour l'armement du ministère de la défense) ;
- n° 353 de M. Pierre Laffitte à M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat (Délai de parution des décrets d'application) ;
- n° 355 de M. Gérard Longuet à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire (Petit commerce dans les espaces frontaliers) ;
- n° 356 de Mme Nicole Borvo à Mme la ministre déléguée à l'industrie (Dégradation des prestations de La Poste à Paris) ;
- n° 357 de Mme Marie-Claude Beaudeau à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité (Réglementation applicable aux substances et produits dangereux pour les travailleurs) ;
- n° 358 de M. Serge Franchis à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire (Prise en compte de la réalité du monde rural) ;
- n° 359 de Mme Josette Durrieu à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Procédure d'enquête publique) ;
- n° 360 de M. Daniel Reiner à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire (Financement d'Arvalis et de l'innovation en matière agricole) ;
- n° 361 de M. Jean-Pierre Godefroy à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Projet de fermeture du secteur de la DGCCRF à Cherbourg-Octeville) ;
- n° 362 de M. Bernard Piras à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire (Aménagement du temps de travail dans la fonction publique territoriale).
Ordre du jour prioritaire
A 16 heures :
2° Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2003 ;
Le soir :
3° Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom (AN, n° 1163).
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 15 décembre 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à une heure trente minutes la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 15 décembre 2003.)
Mercredi 17 décembre 2003 :
Ordre du jour prioritaire
A 15 heures et le soir :
1° Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur les rapatriés ;
(La conférence des présidents a fixé à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 16 décembre 2003.)
2° Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance (AN, n° 1152) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 16 décembre 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à une heure trente minutes la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 16 décembre 2003.)
3° Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2004.
Jeudi 18 décembre 2003 :
A 9 h 30 :
Ordre du jour prioritaire
1° Projet de loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française (n° 38, 2003-2004) ;
2° Projet de loi complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française (n° 39, 2003-2004) ;
(La conférence des présidents a décidé :
- que ces deux textes feraient l'objet d'une discussion générale commune ;
- de fixer à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale commune, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
- de fixer au mardi 16 décembre 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 17 décembre 2003.)
A 15 heures :
3° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)
Ordre du jour prioritaire
4° Suite du projet de loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française et du projet de loi complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;
Le soir :
5° Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2003 ;
6° Suite éventuelle du projet de loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française et du projet de loi complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française.
Eventuellement, vendredi 19 décembre 2003
Ordre du jour prioritaire
A 9 h 30 et à 15 heures :
- suite éventuelle de l'ordre du jour de la veille ;
- navettes diverses.
En application de l'article 28 de la Constitution et de l'article 32 bis, alinéa 1, du règlement, le Sénat a décidé de suspendre ses travaux en séance plénière du dimanche 21 décembre 2003 au dimanche 4 janvier 2004.
Mardi 6 janvier 2004 :
Ordre du jour prioritaire
A 11 heures :
1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Australie sur l'emploi des personnes à charge des membres des missions officielles d'un Etat dans l'autre (n° 371, 2002-2003) ;
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d'Arabie saoudite sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole) (n° 375, 2002-2003) ;
3° Projet de loi autorisant la ratification de l'accord entre la République française, la Communauté européenne de l'énergie atomique et l'Agence internationale de l'énergie atomique relatif à l'application de garanties dans le cadre du traité visant l'interdiction des armes nucléaires en Amérique latine et dans les Caraïbes (ensemble deux protocoles) (n° 439, 2002-2003) ;
4° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine relatif à la coopération dans le domaine de la défense (n° 12, 2003-2004) ;
5° Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (n° 201, 2002-2003) ;
6° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud relatif à la coopération dans le domaine de la défense (n° 13, 2003-2004) ;
7° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française, d'une part, et le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la Communauté française, le Gouvernement de la Région wallonne et le Gouvernement flamand, d'autre part, sur la coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales et organismes publics locaux (n° 220, 2002-2003) ;
A 16 heures :
8° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant transposition de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau (n° 260, 2002-2003).
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 5 janvier 2004, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
- L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 5 janvier 2004.)
Mercredi 7 janvier 2004 :
Ordre du jour prioritaire
A 15 heures et le soir :
Projet de loi relatif au divorce (n° 389, 2002-2003).
(Les modalités de discussion de ce projet de loi seront déterminées ultérieurement.)
Jeudi 8 janvier 2004 :
Ordre du jour prioritaire
A 9 h 30, à 15 heures et, éventuellement, le soir :
Suite du projet de loi relatif au divorce.
7° Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité (n° 85, 2003-2004) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 9 décembre 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 9 décembre 2003.)
Par ailleurs, la conférence des présidents a fixé les dates prévisionnelles des séances mensuelles réservées et des séances de questions pour le premier semestre de l'année 2004.
I. - Dates des séances de questions d'actualité au Gouvernement : jeudi 15 janvier 2004, jeudi 29 janvier 2004, jeudi 12 février 2004, jeudi 26 février 2004, jeudi 4 mars 2004, jeudi 8 avril 2004, jeudi 29 avril 2004, jeudi 13 mai 2004, jeudi 27 mai 2004, jeudi 3 juin 2004 et jeudi 24 juin 2004.
II. - Dates des séances de questions orales : mardi 13 janvier 2004, mardi 27 janvier 2004, mardi 3 février 2004, mardi 24 février 2004, mardi 2 mars 2004, mardi 13 avril 2004, mardi 27 avril 2004, mardi 4 mai 2004, mardi 18 mai 2004, mardi 1er juin 2004 et mardi 15 juin 2004.
III. - Dates des séances mensuelles réservées : jeudi 22 janvier 2004, mardi 10 février 2004, mercredi 3 mars 2004, jeudi 15 avril 2004, mardi 11 mai 2004 et mardi 22 juin 2004.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
LOI DE FINANCES POUR 2004
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2004, adopté par l'Assemblée nationale.
Intérieur, sécurité intérieure et libertés locales (suite)
M. le président. Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la décentralisation.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous poursuivons cet après-midi le débat sur les crédits de la décentralisation au titre du projet de loi de finances pour 2004.
Ce débat est important, car les crédits qui nous sont soumis représentent plus du tiers des ressources des collectivités territoriales. C'est dire la responsabilité particulière de l'Etat dans les moyens donnés aux collectivités !
Les concours de l'Etat aux collectivités territoriales prévus au titre de l'année 2004 s'élèvent au total à 59,4 milliards d'euros, soit une progression de 1,2 %. Cette progression est certes modérée, mais il convient de l'analyser au regard d'une situation budgétaire pour le moins délicate.
J'y ajouterai la reconduction du contrat de croissance et de solidarité pour une année ; on peut toutefois regretter que la vision annualisée qui est la norme ne permette pas d'évoluer vers une programmation pluriannuelle des crédits alloués par l'Etat aux collectivités.
Au-delà de ces données, ce débat intervient à une période charnière, comme l'a rappelé le président du groupe de l'Union centriste, Michel Mercier. La deuxième étape de la décentralisation, désormais inscrite dans la Constitution et précisée dans les différentes lois que nous avons pu examiner encore récemment, marque en effet une étape déterminante pour nos collectivités et pour leurs finances.
Ce budget constitue donc un budget de transition entre deux systèmes, et je souhaiterais insister sur trois points particuliers.
Le premier tient, et je m'en félicite, au début de simplification auquel nous assistons pour les dotations aux collectivités, grâce notamment à l'intégration au sein de la dotation globale de fonctionnement de diverses dotations, telles les dotations de péréquation et les compensations d'allégements de la fiscalité locale.
Au-delà de la meilleure protection que vous avez évoquée ce matin, monsieur Mercier, cette lisibilité améliorée participe de l'effort général que nous aurons à conduire dans les mois et dans les années qui viennent pour rendre plus clair le système de financement des collectivités territoriales. Car, sans lisibilité, il ne peut y avoir de responsabilités clairement établies ni d'implication des élus locaux et de démocratie locale vivante.
La deuxième évolution notable est le transfert aux départements d'une nouvelle ressource fiscale dès 2004. En effet, l'article 40 du présent projet de loi prévoit le transfert d'une fraction du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, pour permettre aux départements de faire face au transfert du revenu minimum d'insertion, le RMI, et à la création du revenu minimum d'activité, le RMA.
Il convient de saluer cette première initiative concrète prise dans le cadre du transfert des compétences aux collectivités territoriales. Pour autant, elle n'est pas sans soulever certaines inquiétudes chez nombre d'élus, qui souhaitent, d'une part, pouvoir disposer librement de ressources propres, c'est-à-dire modulables, et, d'autre part, être rassurés sur l'adéquation entre les transferts opérés et les ressources nouvelles qui leur seront attribuées.
La difficile expérience, pour les conseils généraux, de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, est là pour nous le rappeler : le transfert d'une nouvelle compétence doit s'accompagner de celui d'une réelle ressource pour les collectivités concernées. Il convient d'évaluer précisément et dans le temps le coût des transferts ;car ce qui a fait défaut, pour l'APA, c'est bien l'évaluation et l'anticipation du nombre des bénéficiaires.
Pour ce qui est du projet de budget que nous examinons, de même, je souhaiterais attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessité de tirer les conséquences budgétaires de l'augmentation mécanique du nombre des bénéficiaires du RMI liée à la limitation de la durée de versement de l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS. L'amendement proposé à ce sujet par la commission des finances me paraît bien tenir compte de cette évolution.
A ce stade, je ne peux pas, bien sûr, manquer de citer l'amendement proposé par le groupe de l'Union centriste et défendu par Michel Mercier. Voté à l'unanimité par le Sénat, il vise à humaniser sortie de l'ASS et rappelle la tradition sociale de notre famille politique.
M. Louis de Broissia. Très bon amendement !
Mme Jacqueline Gourault. Plus globalement, il conviendra d'être particulièrement attentifs aux dispositions qui seront prises dans les prochains mois pour donner aux collectivités les moyens de mettre en oeuvre dès 2005 les nouvelles compétences transférées. Car c'est à la lumière des ressources qui seront mises à leur disposition que les élus jugeront cette deuxième étape de la décentralisation !
Il conviendra également de fixer un calendrier clair, reposant sur une évaluation à laquelle aura souscrit l'ensemble des acteurs locaux et susceptible d'ajustements en fonction des réalités constatées.
Je souhaiterais que vous puissiez, monsieur le ministres, nous indiquer ce calendrier et les modalités prévues, plus globalement, pour mettre en oeuvre l'autonomie financière des collectivités locales.
Je pense en particulier aux régions, qui se voient transférer - et je m'en félicite - de nouvelles compétences, mais qui gardent quelque inquiétude, comme les communes et les conseils généraux, d'ailleurs, sur les moyens dont elles disposeront véritablement.
Le troisième point que je voulais évoquer est la nécessité, dans un tel contexte, de faire évoluer les objectifs des dotations de l'Etat aux collectivités locales et de modifier les rapports entre ces deux acteurs de la vie locale.
Les nouvelles dispositions que nous avons votées tout récemment dans le cadre de la décentralisation doivent nous conduire à redonner du sens aux dotations de l'Etat aux territoires.
Quittant la logique de mise en oeuvre par les collectivités de politiques décidées par l'Etat, les réformes en cours invitent désormais celui-ci à se concentrer sur ses grandes missions régaliennes au sein des territoires et sur le nécessaire rééquilibrage entre ces derniers.
C'est à cet objectif de compensation des handicaps et des disparités entre territoires que seront désormais consacrées en grande partie, je l'espère, les dotations aux collectivités. Je souhaiterais, sur ce point, connaître les éléments des réflexions qui sont actuellement en cours au sein de votre ministère.
M. Gérard Delfau. Nous aussi !
Mme Jacqueline Gourault. Enfin, cette évolution doit conduire à refonder le dialogue entre les collectivités et l'Etat, qu'il s'agisse des compétences transférées, des dotations attribuées ou de la fiscalité locale : bref, à mieux associer les collectivités locales aux décisions qui ont une influence sur leur budget.
Telle est, en quelques mots, la position du groupe de l'Union centriste sur ce projet de budget, que nous voterons, ainsi que sur les enjeux qui y sont liés et pour lesquels vous pouvez compter, monsieur le ministre, sur notre soutien vigilant. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Paul Dubrule.
M. Paul Dubrule. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la décentralisation est l'un des grands chantiers promis par Jacques Chirac au cours de sa campagne électorale et entrepris par le Gouvernement dès son arrivée au pouvoir, avec, comme première étape, la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003, qui en fixait les grands principes.
En termes budgétaires, l'année 2004, compte tenu de la réforme en cours, est une année de transition. Le budget qui nous est présenté est donc lui aussi un budget de transition. En effet, il reviendra au projet de loi de finances pour 2005 de préciser comment seront financés les transferts de compétences arrêtés dans le cadre du projet de loi relatif aux responsabilités locales, dont nous avons commencé l'examen.
Cet acte II de la décentralisation a pour objet de moderniser l'action publique en instaurant un nouveau partage des responsabilités entre les échelons national et local. Il doit faire émerger la « République des proximités », comme l'a souligné Jean-Pierre Raffarin.
La nouvelle répartition des compétences, qui confie aux régions le développement économique, la formation professionnelle et la gestion des grands équipements, et aux départements l'action sociale, les logements sociaux et la voirie, est une bonne chose. Je regrette pourtant le peu de place accordé aux communes dans le projet de loi. Elles constituent pourtant un maillage de terrain indispensable et peu coûteux.
Décentraliser, c'est bien. C'est se donner les moyens de faire mieux, le pouvoir de décision étant plus proche des citoyens.
Cependant, on ne peut dissocier la décentralisation de la réforme concomitante de l'Etat. Réformer l'Etat, c'est le seul moyen de réussir la décentralisation, c'est la garantie de faire mieux pour moins cher. Les deux aspects sont liés.
J'ajouterai qu'on ne peut pas faire l'économie, si l'on veut rendre efficace et applicable la décentralisation, d'une réflextion sur la déconcentration.
Les premières lois de décentralisation de 1982, faute d'avoir touché à l'architecture de l'Etat, n'ont pas eu les résultats attendus en termes de coût et d'efficacité.
En effet, l'Etat a voulu reprendre d'une main ce qu'il avait donné de l'autre. C'est ainsi que se sont multipliés les doublons, les enchevêtrements de compétences, l'irresponsabilité. C'est ainsi, également, que le nombre de fonctionnaires - la grande majorité sont excellents, mais on les emploie mal - a été multiplié : les effectifs des collectivités territoriales avaient fortement augmenté, et c'était normal ; ce qui l'était moins, c'est que les effectifs de la fonction publique centrale n'aient pas diminué. Au contraire, ils s'étaient encore alourdis !
Le dernier rapport de la Cour des comptes intitulé : La déconcentration des administrations et la réforme de l'Etat, publié en novembre 2003, souligne le dysfonctionnement de certains services de l'Etat.
En tant qu'ancien élu local, je pourrais m'étendre longuement sur les incohérences administratives de la direction régionale des affaires culturelles, la DRAC, ou de la direction départementale de l'équipement, la DDE pour ne citer qu'elles. Que deviendront les services déconcentrés de l'Etat, qui n'auront plus de raison d'être lorsque seront transférés les blocs de compétences ? Certains sont utiles, mais sont-ils indispensables ?
La déconcentration concernerait 300 000 agents à l'échelon départemental, 34 000 à l'échelon régional et 35 000 agents à l'échelon interdépartemental, je me réfère ici au rapport de la Cour des comptes.
On peut comprendre, monsieur le ministre, l'inquiétude de ces fonctionnaires. Pour que la décentralisation soit réussie, ils doivent se sentir partenaires et gagnants, comme ils seront à coup sûr.
Il faut clarifier leur mission. Certains, bien sûr, resteront au service de l'Etat central, car des interlocuteurs de proximité représentant l'Etat seront indispensables. Un grand nombre d'entre eux pourront être transférés auprès des collectivités territoriales.
La réforme en cours doit n'entraîner aucune dépense supplémentaire de personnel et, dans le même temps, permettre de réaliser des économies. Contenir les dépenses, c'est bien, mais c'est insuffisant. Il faut réduire les dépenses, pour réduire les prélèvements.
Enfin, pour réussir la décentralisation, il faut repenser les missions de l'Etat et revoir le rôle des préfets de région et de département, qui ont un rôle capital à jouer dans l'organisation territoriale. Je ne m'étendrai pas sur ce thème, car ce serait un peu hors sujet, mais, là encore, nous ne pourrons faire l'économie d'un débat.
En conclusion, je ferai mienne la phrase que Jean-Pierre Raffarin a prononcée dans sa déclaration de politique générale le 3 juillet 2002.
M. Claude Domeizel. Quelle bonne idée !
M. Jean-Pierre Sueur. C'est risqué !
M. Paul Dubrule. « La décentralisation, c'est un formidable levier pour enfin réformer l'Etat. C'est l'occasion et le moyen de faire les indispensables réformes de structure. C'est la possibilité de retrouver une liberté d'action. C'est la faculté de répondre aux besoins des Français. »
M. Louis de Broissia. Très bonne citation !
M. Paul Dubrule. Je vous soutiendrai donc, monsieur le ministre, dans toutes les actions que vous entreprendrez pour faire mieux pour moins cher en réformant l'Etat et en décentralisant. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voterons contre les crédits relatifs à l'administration territoriale et à la décentralisation.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Oh !
M. Louis de Broissia. C'est dommage !
Mme Josiane Mathon. Cela ne semble guère vous étonner, monsieur le ministre !
Nous voterons donc contre, en cohérence avec les arguments que nous avons développés contre votre projet de décentralisation. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Allons, mes chers collègues !
Mme Josiane Mathon. Nous dénonçons votre politique de démembrement de la République. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Jean Chérioux. Vous êtes là pour la défendre, la République ?
Mme Josiane Mathon. Nous dénonçons votre façon d'usurper la décentralisation. Vous n'osez pas dire aux Français la réalité de votre vision à ce sujet, votre volonté de dépouiller la France de ses acquis sociaux et démocratiques pour inscrire notre pays plus nettement dans la course aux profits de la mondialisation actuelle.
Depuis un an, vous vous acharnez à faire avancer la décentralisation comme moyen non pas de réformer l'Etat, mais d'en dénaturer le rôle, comme une arme contre les services publics et pour la mise en concurrence des territoires.
Le projet de budget dont nous abordons aujourd'hui la discussion devrait ouvrir les yeux à l'ensemble de notre assemblée - ce n'est apparemment pas le cas sur la réalité des discours ministériels qui nous ont été tenus jusqu'à présent à propos du grand chantier du Premier ministre, réalité qui vaut légitimement au chef du Gouvernement son impopularité grandissante.
Des propos parfois lénifiants ont été assenés, notamment aux élus locaux inquiets, à qui on a expliqué que les transferts des compétences seraient accompagnés de transferts de charges équivalents.
Mais un chiffre essentiel caractérise ce budget : 1,2 %. Voilà du concret ! Une augmentation de 1,2 % du budget dédié aux collectivités locales, c'est moins que l'inflation en 2003. C'est également en dessous du taux de croissance prévu par ce même gouvernement pour 2004.
Ce taux de 1,2 % signifie une nouvelle baisse grave et dangereuse des moyens financiers des collectivités locales. Vous ne pouvez pas, monsieur le ministre, persévérer dans la posture du garant des ressources des collectivités locales. Vous leur donnez moins de moyens. En revanche, vous leur donnez beaucoup plus de charges à assumer.
L'administration territoriale, qui devra répondre à des sollicitations croissantes, va pourtant elle-même voir ses effectifs diminuer : 89 suppressions d'emplois sont programmées. Le Gouvernement externalise « certaines tâches administratives », nous explique-t-on. En réalité, vous appliquez à l'Etat et à ses services déconcentrés une gestion privée fondée sur la recherche non pas du meilleur service rendu aux usagers mais du moindre coût.
Le rapporteur pour avis de la commission des lois doit vous alerter à demi-mot sur la colère des élus locaux face à ce que la terminologie officielle nomme « l'évolution de l'implantation et de l'organisation des services publics ».
Je pourrais citer le cas, qui n'est, hélas ! pas isolé, de ma commune. La trésorerie qui y est implantée doit être fermée en application du plan « Bercy en mouvement » et le service transféré à quelques kilomètres plus loin. C'est évidemment accroître les difficultés des contribuables pour accéder à ce service public. C'est également accroître les dépenses de la commune, qui devra assumer les déplacements quotidiens de ses agents loin de leur poste de travail.
Quant à la consultation des élus locaux, je voudrais témoigner de son manque de crédibilité puisqu'il s'agit surtout d'expliquer la justesse et l'inéluctabilité de décisions déjà arrêtées conformément aux directives ministérielles.
M. Gérard Delfau. C'est déjà mieux que chez nous !
Mme Josiane Mathon. Vous entendez, via le réseau des sous-préfectures et les maisons des services publics, réduire l'implantation desdits services. Mais vous allez beaucoup plus loin dans le sens de leur démantèlement avec le texte relatif au développement de la ruralité, qui prévoit la gestion par le privé des maisons de service public.
Votre projet de budget s'attaque également aux salaires des fonctionnaires. La revalorisation de la rémunération des agents des préfectures et des services déconcentrés est divisée par deux en 2004 par rapport à 2003, les crédits affectés à cette revalorisation passant de 8,25 millions d'euros à 4,5 millions d'euros.
Vous introduisez un changement dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement. Celle-ci se trouve « gonflée » par l'intégration de différents fonds de compensation, mais ce jeu de vases communicants ne constitue en rien une véritable réforme de la dotation globale de fonctionnement ; celle-ci reste à faire pour donner aux collectivités territoriales les moyens réels d'exercer leurs missions.
Même si elle mérite d'être saluée la reconduction pour un an du pacte de croissance et de solidarité n'est pas suffisante, car les collectivités territoriales ont besoin de plus de visibilité et d'assurances pour concevoir et élaborer leurs projets. De toute évidence, vous ne leur apportez pas la sérénité nécessaire, et je rejoins sur ce point l'analyse de M. Hoeffel.
Vous transférez aux conseils généraux la totalité de la charge du revenu minimum d'insertion et vous leur confiez la gestion de votre invention inique appelée revenu minimum d'activité, un sous-travail forcé pour un sous-salaire dont est exonéré l'employeur, le tout sans contrat de travail.
Pour compenser ces charges, vous prévoyez de transférer aux départements une fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers. Mais les conseils généraux n'ont pas, en l'état actuel de la réglementation européenne, la possibilité d'en moduler les taux. Cela ressemble à de l'impréparation.
C'est d'autant plus dangereux qu'en avalisant la réforme de l'allocation spécifique de solidarité, le Gouvernement pousse nombre de nos concitoyens à basculer au début de l'année prochaine vers le revenu minimum d'insertion.
Sont-ils assurés de percevoir le minimum du minimum ? L'inquiétude grandit au sein des associations de chômeurs et précaires qui manifesteront samedi prochain.
Ce gouvernement détient déjà le record de manifestations les plus diverses et les plus nombreuses à son encontre ; il ne semble pourtant pas prêt à les entendre.
La surdité qui s'est répandue au coeur de la vie institutionnelle de notre pays risque de limiter l'impact et les conséquences du travail de la commission consultative d'évaluation des charges.
Elle pourra toujours évaluer, constater, préconiser, mais, sans la volonté politique de dégager des moyens nouveaux pour la solidarité nationale, cette commission n'aura, hélas ! que peu de poids pour répondre aux besoins des collectivités locales. Alors, comme nous le craignons depuis le début, la décentralisation de monsieur Raffarin finira par une hausse vertigineuse des impôts locaux.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous voterons contre ce projet de budget.
M. Alain Gournac. Tant mieux !
M. Louis de Broissia. C'est désolant !
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sortons d'un débat confus et interminable sur « l'acte II » de la décentralisation par le Premier ministre.
La seule certitude unanimement partagée par les élus locaux, c'est que, si ce texte de loi arrive à son terme en l'état, les collectivités territoriales subiront des transferts de charges massifs et mal compensés.
La conséquence en sera, à terme, une nouvelle aggravation du niveau des impôts locaux, alors qu'ils sont déjà inéquitables dans leur mode de calcul et qu'ils pèsent différemment sur les contribuables selon les ressources propres de la collectivité. Sombre perspective pour des départements comme le mien, qui cumulent tous les handicaps !
C'est dans ce contexte défavorable que survient la discussion du budget de la décentralisation, c'est-à-dire l'examen des concours de l'Etat aux collectivités.
Disons tout de suite notre mécontentement : le Gouvernement prépare une année noire pour les finances locales, puisque, pour la première fois depuis longtemps, il y aura une baisse nette des engagements de l'Etat, si l'on tient compte de la hausse des prix.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Gérard Delfau. Bien sûr, une manipulation de lignes budgétaires permet de masquer au premier abord cette cruelle réalité.
En effet, l'intégration de diverses compensations dans la DGF en gonfle artificiellement le montant, et la création d'une nouvelle architecture « dotation forfaitaire et dotation de péréquation » vise à faire croire à un effort de redistribution de l'Etat en faveur des communes, structures intercommunales, départements et régions.
Or, les chiffres sont là qui démentent cette flatteuse présentation : à structure constante, les concours de l'Etat aux collectivités territoriales seront de l'ordre de 59 milliards d'euros en 2004, soit une hausse de 1,2 % par rapport aux concours ouverts en 2003. Comparons ce pourcentage de 1,2 % à la hausse prévisible des prix, soit 2 %, et l'on voit que le manque à gagner est très important.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est un calcul absurde !
M. Gérard Delfau. Vous expliquerez cela à mes collègues maires,...
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je vous l'expliquerai à vous !
M. Gérard Delfau. ... notamment à ceux qui n'ont pas la chance d'avoir les ressources que vous avez en votre qualité de maire.
Si l'on examine les dotations allouées aux collectivités dans le cadre du contrat de croissance et de solidarité, on arrive à un résultat à peine meilleur, soit 1,67 %, dont il faut ensuite détailler les retombées par nature et par strates de collectivités territoriales.
Pour résumer, disons avec le rapporteur général, M. Marini, que l'effort de péréquation est « modeste » - il veut sans doute dire « modique » - pour les départements et s'établit entre 6 % et 11 %.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est déjà pas mal !
M. Gérard Delfau. Mais rappelons aussitôt que la situation financière des départements, déjà dégradée par l'APA...
M. Louis de Broissia. Les SDIS, la RTT !
M. Jean-Pierre Schosteck. Les 35 heures !
M. Gérard Delfau. Est-il nécessaire d'en rajouter, mes chers collègues ?
La situation financière, disais-je, déjà dégradée des départements va se trouver plombée par le transfert aux forceps et sans compensation totale du RMI-RMA dès le mois de janvier 2004.
L'augmentation du taux de prélèvement dans les départements pauvres sera considérable par effet mécanique de ce désengagement de l'Etat. Et les élus du conseil général, rendus responsables par la population, endosseront l'impopularité.
S'agissant des régions, l'augmentation de la dotation de péréquation est plus significative et s'élèvera de 9 % à 39 %, selon les décisions que prendra le comité des finances locales. Mais rappelons que ces collectivités partent de très bas et qu'au passage, sous prétexte de simplification, le Gouvernement supprime la contribution des trois régions les plus riches au fonds de correction des ressources régionales. Merci pour l'Ile-de-France, l'Alsace et Rhône-Alpes, et tant pis pour les autres...
Nous avons proposé tout au long du débat sur la décentralisation, au nom du RDSE, un mécanisme de péréquation plus efficace, mais nous n'avons pas été entendus.
Quant aux communes, elles seront les grandes perdantes de ce budget, si elles ont le malheur d'être pauvres en ressources : la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale n'augmenteront que d'environ 1,5 %, soit moins que la hausse des prix. Encore est-ce une estimation globale qui ne tient pas compte des choix que fera le comité des finances locales. Il y a fort à parier qu'une fois prélevée la part des intercommunalités il ne lui restera pas de marge pour rétablir un peu d'équité.
Il ne sera donc pas possible d'allouer en 2004 aux communes l'équivalent du montant alloué l'an passé, alors que les besoins de la population ne cessent de grandir. Plus généralement, territoires ruraux, villes de banlieue, petites villes et bourgs-centres, tout ce tissu interstitiel entre les agglomérations urbaines, qui fait l'équilibre du territoire, est sacrifié. Nous ne pouvons l'accepter.
Aussi, non seulement les radicaux de gauche voteront contre votre budget, mais ils vont lancer une campagne d'explication auprès de nos collègues élus locaux (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP),...
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Oh là là !
M. Gérard Dériot. On ne va pas être déçus !
M. Gérard Delfau. ... qui rencontrera beaucoup d'échos, car même parmi ceux qui pensent comme vous, il y aura une grande convergence de vues.
M. Alain Gournac. C'est terrible...
M. Gérard Delfau. Les dégâts d'une telle politique seront considérables. Il est donc urgent de la stopper. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Monsieur le ministre, vous nous présentez aujourd'hui le volet décentralisation du projet de budget de l'intérieur. Je souhaiterais à cette occasion insister ici sur les politiques de péréquation promises et annoncées à maintes reprises par le Gouvernement lors du débat sur le projet de loi relatif aux responsabilités locales, car aussi bien les observateurs avisés que les différentes associations d'élus de la République cherchent leur traduction concrète dans le projet de budget pour 2004.
La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 pose comme garantie l'autonomie financière des collectivités locales et consacre le principe de la péréquation. Ainsi, selon le dernier alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales ».
Or, en dépit de ces incantations constitutionnelles, force est de constater que votre contribution aux finances des collectivités locales se caractérise par une certaine incohérence et que les orientations que vous avez retenues, à défaut de proposer une logique de péréquation volontariste, risquent de conduire à une aggravation des inégalités entre les territoires.
Au sein des dotations de l'Etat, la part des crédits ayant une vocation principalement péréquatrice ne représente en moyenne qu'environ 15 % du total et se caractérise par un empilement de mesures souvent peu lisibles.
Dans ce contexte, nul doute que la réforme des finances locales aurait dû être un préalable à tout nouveau transfert de compétences, faute de quoi les défauts du système actuel vont, face à des charges accrues, venir renforcer les inégalités financières entre les collectivités.
Le projet de loi de finances pour 2004 prévoit une réforme de l'architecture des dotations en prévoyant la globalisation au sein de la DGF de plusieurs dotations existantes, mais l'objectif de simplification de la DGF n'est pas atteint, car l'ensemble des dotations conservent leurs règles de répartition propres souvent incompréhensibles et inefficaces.
L'objectif de renforcement de la péréquation n'est pas davantage atteint.
En effet, la réforme de la décentralisation a été présentée comme un moyen essentiel de renforcer la péréquation, mais, concrètement, ce qui se profile derrière cette nouvelle architecture, c'est une péréquation minimale et sans l'Etat !
Les trois composantes de la future DGF, communale, départementale et dorénavant régionale, seront chacune constituées d'une dotation forfaitaire et d'une dotation de péréquation. Pour autant, la péréquation y gagnera-t-elle ? Rien n'est moins sûr.
En effet, ce nouveau montage masque mal une atténuation de l'effort de redistribution entre les collectivités. Par exemple, la compensation pour perte de recettes liée à la suppression de la part salaires dans l'assiette de la taxe professionnelle, qui représente environ 10 milliards d'euros, sera dorénavant versée dans la dotation forfaitaire pour le montant respectif déjà alloué aux communes, aux départements et aux régions. Or, son évolution sera de ce fait ralentie dè lors que les sommes concernées ne seront plus indexées sur l'ensemble de la variation de la ressource DGF mais sur une part de cette évolution fixée par le comité des finances locales en fonction d'une fourchette propre à chaque niveau de collectivités. La péréquation s'en trouve ainsi largement écornée et appliquée à des montants marginaux.
En principe, selon le nouveau schéma, la péréquation devrait bénéficier de ressources accrues grâce à une évolution annuelle de la part forfaitaire moins rapide que l'évolution de la masse totale de la DGF, mais le désengagement à peine masqué de l'Etat sur le volet de la solidarité à l'égard des collectivités nous conduit à penser le contraire.
Les dotations proposées pour 2004 aux collectivités augurent en effet mal de l'avenir.
En dépit de la montée en charge des compensations de transferts de compétences, l'effort financier de l'Etat en faveur des collectivités locales ne progressera que de 1,2 % en 2004, soit moins que l'inflation attendue. Concrètement, les ressources des collectivités locales en provenance de l'Etat diminueront de 0,3 % en volume l'année prochaine.
En particulier, le sort réservé à la péréquation communale pour 2004 ne peut qu'alimenter nos inquiétudes. La péréquation en direction des communes est en effet purement et simplement sacrifiée dans ce projet de loi de finances. Les abondements de l'Etat à la DSU et à la DSR, bases de la péréquation communale, passent ainsi de 68,5 millions d'euros en 2003 à seulement 36 millions en 2004.
Pour camoufler ce désengagement de l'Etat, le Gouvernement détourne, certains disent « confisque », pour la deuxième année consécutive le montant de la régularisation de la dotation générale de fonctionnement pour 2002, soit 45 millions d'euros, et ce en dépit des règles imposées par le code général des collectivités territoriales.
Ainsi, par rapport à 2002, les crédits inscrits dans ce projet de budget pour 2004 en faveur de la péréquation communale s'effondrent de 75 %.
Le manque d'ambition du Gouvernement pour la péréquation communale est d'autant plus condamnable que la hausse de la DGF des établissements publics de coopération intercommunale, qui la comprime mécaniquement, ralentit fortement - 10,44 % en 2003 contre 22 % en 2002 - dégageant ainsi des marges de manoeuvres importantes.
De plus la dotation nationale de péréquation - l'ex-fonds national de péréquation - subit une perte de 18 millions d'euros, en raison du non-renouvellement par l'Etat de sa majoration. De ce fait, ses ressources régressent de 3,86 %, tout un symbole lorsque l'on sait que le remplacement du FNP par la DNP est censé être un progrès !
Tel est, monsieur le ministre, le constat implacable que nous sommes amenés à faire à la lumière des chiffres qui figurent dans le projet de budget pour 2004. Il renforce notre conviction et fait écho aux observations que nous avons déjà formulées lors du vote du projet de loi relatif aux responsabilités locales.
Non, le Gouvernement ne souhaite pas renforcer la péréquation à l'égard des collectivités les plus mal loties. Non, il n'est pas prêt à les aider à hauteur de leurs besoins pour faire face aux transferts de compétences annoncés. C'est en quelque sorte la grande illusion et, pour cette raison, nous ne pouvons voter le présent projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des crédits de la décentralisation inscrits au projet de budget de l'Etat pour 2004 revêt cette année un relief tout particulier, puisque cet exercice sera le premier à se dérouler sous l'empire des nouvelles lois de décentralisation que le Parlement a votées.
Nous ne pouvons que saluer ce projet de budget, par nature de transition puisque le « passage de relais » entre les deux législations est en train de se faire, dans des conditions satisfaisantes malgré un contexte général maussade, largement marqué par un environnement international instable, une croissance en panne et, surtout, un ensemble de bombes à retardement laissées par vos prédécesseurs, monsieur le ministre, bombes qui ont obéré les marges de manoeuvre sur lesquelles notre majorité aurait pu compter.
Il n'est pas de mon propos de refaire ici l'excellent débat sur les ressources des collectivités locales que nous avons eu la semaine dernière. Je tiens cependant à mettre en relief quelques points qui me semblent primordiaux.
Sur l'économie générale des crédits et leur évolution, nous ne pouvons que nous féliciter de ce qu'avec 59,4 milliards d'euros les concours de l'Etat aux collectivités territoriales représentent le deuxième poste de dépenses de l'Etat et que la hausse de 1,2 % de l'enveloppe permette de tenir les engagements pris par le Gouvernement.
La loi constitutionnelle du 28 mars dernier consacre le principe de l'automaticité, si je puis dire, du lien entre le transfert de compétences aux collectivités et le transfert de ressources de l'Etat, ce qui épargnera à l'avenir aux conseils généraux et régionaux de devoir actionner le levier fiscal pour assumer les coûts afférents aux nouveaux champs d'intervention qui leur seront conférés. Avec une telle loi, le passage aux 35 heures, la réforme de l'APA, l'allocation personnalisée d'autonomie, ou la départementalisation des SDIS, les services départementaux d'incendie et de secours, n'auraient pas été possibles dans les mêmes conditions, et l'équipe de M. Jospin, j'en suis convaincu, aurait sans doute procédé différemment.
La refonte de la DGF, qui devient plus lisible et qui progresse de 17 milliards d'euros, donnera à nos collectivités plus de visibilité à court terme, tout en garantissant plus de justice par le biais d'une péréquation sincère.
Nous relevons avec satisfaction l'effort de l'Etat, qui encourage largement le travail de concert de nos communes au sein des EPCI, les établissements publics de coopération intercommunale : aujourd'hui, l'intercommunalité est devenue la règle ! Elu local, président d'une communauté de communes exclusivement rurale, je veux toutefois appeler l'attention du Gouvernement sur la question du financement de cette intercommunalité.
En effet, la dotation d'Etat par habitant varie de seize euros à vingt euros pour les communautés de communes, quand elle atteint quarante euros pour les communautés d'agglomération : si je peux comprendre la légitimité d'un traitement différencié entre zones urbaines et zones rurales en fonction de certains critères - je pense notamment au financement des équipements, au coût de la maintenance, aux charges supportées, etc. -, un tel écart me paraît trop important et nous devrons veiller, à l'avenir, à le resserrer.
M. Gérard Delfau. Bien !
M. Bernard Fournier. Il le faudra, parce que je demeure convaincu qu'il convient de mieux prendre en compte les charges spécifiques qui pèsent sur nos communes rurales, lesquelles ont pour nobles missions, par exemple, la gestion de l'espace ou l'entretien des routes.
Il nous faut nous entendre sur ce point, car l'action de nos petites communes est bénéfique pour le plus grand nombre. N'oublions pas que la France rurale représente la plus grande partie du territoire, et que nos concitoyens en retrouvent enfin le chemin, après un siècle d'exode.
Si la réforme de la DGF était nécessaire, il faut toutefois s'interroger sur l'intégration des compensations d'exonérations fiscales. En effet, le principe de l'autonomie financière des collectivités territoriales impose à l'Etat d'être « sourcilleux » s'agissant de la politique d'exonérations et des dégrèvements qu'il octroie, lorsque ces mesures touchent directement ou indirectement la fiscalité locale.
Il apparaît donc que, à l'avenir, un véritable dialogue devra s'engager entre le Gouvernement et les élus locaux sur cette question : la grande maison des collectivités territoriales qu'est le Sénat pourrait, par nature, être le lieu privilégié de ce dialogue.
Je veux encore saluer le souci manifesté par le Gouvernement en ce qui concerne la prise en compte des communes défavorisées : je note avec beaucoup de satisfaction que la fraction dédiée aux bourgs-centres de la dotation de solidarité rurale a été majorée chaque année de 22,87 millions d'euros.
En conclusion, je tiens à évoquer la question du FCTVA, le fonds de compensation pour la TVA, qui me semble être un outil adéquat pour aider les communes rurales. Je compte y revenir lors du débat sur le projet de loi que nous présentera prochainement M. Gaymard. A propos du FCTVA, notons toutefois dès maintenant que le Gouvernement a souhaité étendre, dès 2004, les règles d'éligibilité aux investissements routiers réalisés par les collectivités territoriales compétentes en matière de voirie sur le domaine public d'autres collectivités. Il s'agit là, en particulier, de la question de l'aménagement des centres des bourgs réalisé par les communes traversées par des voies nationales ou départementales : cela va dans le bon sens.
Tels sont les points que je tenais à mettre en exergue. Monsieur le ministre, je ne doute pas que vous y serez attentif, et je vous redis que notre soutien vous est totalement acquis. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs mois, nous évoquons presque quotidiennement la décentralisation. Certes, un consensus se dégage sur cette question, et ce n'est pas nous, sénateurs de sensibilité de gauche, qui allons renier d'une quelconque façon la paternité de la décentralisation. Le fait de rapprocher les utilisateurs, c'est-à-dire nos concitoyens, des décideurs, à savoir les élus que nous sommes, me semble un gage d'efficacité, mais encore faudrait-il disposer de quelques lignes directrices.
Or, au regard de ce qui nous a été proposé jusqu'à ce jour, l'incohérence l'emporte,...
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. François Fortassin. ... et je n'évoquerai que deux ou trois exemples pour illustrer mon propos à cet égard.
Première incohérence, la mise en oeuvre de la décentralisation a été décidée sans consultation préalable des collectivités territoriales, qui allaient, en quelque sorte, être destinataires de ces transferts.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il faut être gonflé, quand même !
M. François Fortassin. Non, monsieur le ministre, et je vais vous le démontrer, en essayant d'ailleurs de le faire de manière amusante,...
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Tant mieux !
M. François Fortassin. ... parce que l'ampleur de l'incohérence est telle que cela risquerait, sinon, de devenir rébarbatif !
Deuxième incohérence, les personnels TOS, techniciens, ouvriers et de service, de l'éducation nationale seront transférés aux départements, mais ils resteront placés sous l'autorité des chefs d'établissement.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. François Fortassin. Troisième incohérence, on nous a indiqué que les infirmières scolaires ne seront pas transférées parce que, comme l'a dit un représentant de votre ministère, elles ne soignent plus, elles sont devenues des confidentes des adolescents et, pour distribuer la pilule du lendemain, mieux vaut qu'elles continuent de relever de l'Etat !
En revanche, les médecins scolaires, eux, sont transférés aux départements ! J'aimerais que l'on m'explique les raisons de cette différence de traitement,...
M. Gérard Delfau. Ils ne le peuvent pas !
M. François Fortassin. ... à moins que l'intelligence ne soit pas tout à fait la même à Paris que dans les Pyrénées !
M. Gérard Delfau. Ça, c'est sûr !
M. François Fortassin. Peut-être est-ce possible, au fond, mais je ne porterai pas de jugement de valeur !
Par ailleurs, si un consensus se dégage sur la péréquation, il aurait mieux valu définir quelques lignes directrices avant de la mettre en oeuvre. La péréquation n'est, à mes yeux, ni de droite ni de gauche, mais il faut évoquer, à son propos, une notion telle que celle de solidarité, laquelle consiste à donner un peu à ceux qui ont moins que les autres.
Si, dans ce pays, aucune collectivité territoriale n'est vraiment riche, il en existe quand même de relativement aisées. Il faut dire à ces dernières qu'il ne pourra y avoir de péréquation sans qu'on leur prenne un peu de ce qu'elles ont ! Or, comme l'on sait très bien que l'on ne pourra pas le faire de façon très rapide, il eût fallu annoncer que la péréquation, pour qu'elle porte ses véritables fruits, devra connaître une montée en puissance sur six ou huit ans.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. François Fortassin. A propos de rapidité, je voudrais indiquer au passage, s'agissant de la décentralisation du RMI et de la création du RMA, que les circulaires d'application ont paru avant même le vote de la loi ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Gérard Delfau. Très bien ! C'est républicain !
M. François Marc. C'est vrai !
M. François Fortassin. Au-delà de ce détail pittoresque, les dépenses nouvelles liées aux transferts de compétences pèseront sur les finances des départements, tandis que l'on parlera encore pendant très longtemps de la péréquation, qui sera un peu comme l'Arlésienne : certains d'entre nous ne seront peut-être plus sur ces travées lorsque l'on en verra les effets positifs ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Yves Rispat.
M. Yves Rispat. Monsieur le président, mes chers collègues, en tant que sénateur du Gers, c'est un grand plaisir pour moi de saluer l'action de M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales, car, dans mon département rural, il est considéré comme le membre du Gouvernement qui connaît le mieux notre territoire. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)
Monsieur le ministre délégué aux libertés locales, vous vous êtes construit, par vos visites approfondies dans le département du Gers, une expertise territoriale rurale qui complète votre maîtrise de la gestion des collectivités locales en milieu urbain, résultant de votre expérience d'élu local d'Ile-de-France.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Merci, monsieur Rispat.
M. Yves Rispat. Aussi, lorsque vous avez entrepris de réformer le droit applicable aux responsabilités locales et de lancer l'acte II de la décentralisation, est-ce avec une grande confiance que les Gersois et les élus de notre région vous ont apporté leur soutien dans l'accomplissement de cette lourde tâche.
Le projet de budget de la décentralisation, qui a été examiné par la commission des finances, engage une nouvelle réforme de l'architecture des concours financiers de l'Etat, avec une simplification au titre de 2004.
Cette nouvelle architecture mérite, à mon avis, que l'on aille encore plus loin dans la péréquation en faveur des territoires ruraux, qui ont des besoins immenses liés au coût de l'entretien de l'espace et à l'accueil d'un grand nombre de nos aînés.
L'objectif de clarté fixé pour 2004 constitue une évolution que je considère positive, mais je souhaite réaffirmer avec force la nécessité d'une compensation intégrale des charges transférées.
La compensation intégrale des charges financières transférées en tenant compte de l'augmentation du nombre des allocataires du RMI résultant de la limitation de la durée de versement de l'allocation spécifique de solidarité est une condition de justice de l'architecture du projet de budget pour 2004 et de toutes les réformes financières futures.
S'agissant des mesures nouvelles du projet de budget pour 2004, je salue avec satisfaction la création d'un fonds d'investissement pour les services départementaux d'incendie et de secours.
Sa dotation de 45 millions d'euros représente un point de départ, mais son renforcement sera nécessaire dans les années à venir pour assurer une plus grande sécurité à nos concitoyens.
Toutefois, c'est sur l'acte II de la décentralisation que je souhaite, en tant que sénateur du Gers, exprimer mon point de vue et soutenir le Gouvernement dans la réforme qu'il a entreprise.
Dans le projet de loi relatif aux responsabilités locales, le transfert de l'Etat aux conseils généraux de 15 000 à 20 000 kilomètres de voirie représente une décision historique, car il concerne des voies de circulation qui ont souvent plusieurs centaines d'années d'histoire.
Je reste favorable, bien sûr, au principe consistant à confier davantage de responsabilités aux élus locaux.
Les conseils généraux ont en effet prouvé leur capacité à rendre des services de proximité de grande qualité. En particulier, les bâtiments des collèges, dont la gestion leur a été confiée voilà une vingtaine d'années, ont été, dans la plupart des cas, parfaitement rénovés. Aussi me paraît-il normal d'utiliser la compétence en matière de gestion d'équipements locaux des conseils généraux. Cependant, c'est dans le détail des conventions départementales de transfert que pourra se juger le caractère équilibré des transferts.
L'année 2004 sera probablement consacrée à la préparation sur le terrain, département par département, de ces conventions de transfert, qui traiteront notamment de l'accompagnement financier local. Je souhaite que cet exercice puisse être pratiqué dans la plus grande justice sur le plan financier. C'est avec vigilance que ce travail devra être mené, département par département, pour que le transfert des charges soit accompagné du financement adéquat, permettant aux collectivités territoriales d'assumer leurs responsabilités.
Pour prendre l'exemple du département du Gers, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, et dont vous savez apprécier les moyens, il ne saurait être question que l'Etat ne garde pas à sa charge les dépenses d'aménagement à deux fois deux voies de la RN 124, largement utilisée par les convois de l'Airbus 380, et la mise à deux fois deux voies de la RN 21, appelée à devenir la voie de dégagement principale de Bordeaux vers le Sud. Au regard de la qualité du réseau routier dans les départements voisins du nôtre, comme les Landes ou les Pyrénées-Atlantiques, on se dit qu'il est temps que l'aménagement du territoire soit équitable et prenne plus particulièrement en compte des territoires ruraux ne disposant pas des ressources nécessaires.
En ce qui concerne les personnels des services chargés de la gestion du réseau routier, l'expérience que nous avons acquise dans ce domaine depuis l'adoption de l'article 7 de la loi du 2 décembre 1992, qui prévoyait que « tout ou partie des services d'une direction départementale de l'équipement travaillant sur les routes départementales pouvait être placée sous l'autorité fonctionnelle du président du conseil général », peut, certes, être mise à profit, mais le transfert de ces personnels doit pouvoir être différé dans certains départements manquant de moyens.
Le transfert des agents sur la base du volontariat, avec des garanties statutaires et sous réserve d'un examen attentif des situations individuelles, sera aussi une nouvelle étape, pour laquelle des assurances devront être données.
Vous avez dit, monsieur le ministre, que l'acte II de la décentralisation était nécessaire pour la réforme de l'Etat. Vous avez tout à fait raison, mais il importe d'indiquer avec précision au Parlement quels sont les allégements prévus par l'Etat central pour ce transfert aux collectivités locales de dizaines de fonctions et de responsabilités prévu par le projet de loi relatif aux responsabilités locales.
L'allégement de l'Etat central en termes de moyens humains me semble être l'un des chantiers sur lesquels le Parlement doit recevoir une information complète.
Dans un excellent article paru dans La Tribune, vous avez souligné, monsieur le ministre, que « nous avons aujourd'hui un Etat obèse et, de ce fait, souvent impuissant », que celui-ci devait « retrouver du muscle pour mieux assurer ses fonctions stratégiques ». (M. André Lejeune proteste.) J'ai lu avec satisfaction cette déclaration, mais je resterai attentif aux transferts proposés, non seulement de compétences, mais aussi de personnels. C'est tout particulièrement sur ce point que nous manquons d'informations quant aux économies réelles que permettra cette réforme.
Ainsi, combien de directions d'administrations centrales seront-elles allégées ? Quelles économies en termes de moyens de gestion centraux cet acte II de la décentralisation engendrera-t-il ? Quels gains, liés au redéploiement des inspections générales, en termes de services informatiques, de moyens de contrôle, de membres de cabinets ministériels ou de bureaux d'administration centrale la France peut-elle escompter ?
L'un des rares risques que pourrait présenter cette réforme serait la reproduction de ce qui est fait depuis vingt ans : maintenir au même niveau l'Etat central, voire accroître encore les ressources nécessaires à son fonctionnement tout en transférant des responsabilités aux collectivités locales, sans les différencier et sans leur donner de moyens suffisants. Cela étant, nous vous faisons totalement confiance ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Henri de Raincourt. Vous ne serez pas déçus !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez eu, la semaine dernière, un débat très riche sur les finances locales, à l'occasion de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2004. Vous avez d'ailleurs introduit un certain nombre de modifications au texte du Gouvernement, et celui-ci a fait de son côté de réelles ouvertures, par exemple dans le domaine du fonds de compensation pour la TVA, ou du revenu minimum d'insertion, notamment, mais nous y reviendrons.
La richesse de vos interventions aujourd'hui et la pertinence des questions soulevées démontrent une fois de plus, si besoin était, que le Sénat est bien le Grand conseil des collectivités territoriales.
A ce moment du débat, je ne détaillerai pas l'ensemble des crédits affectés aux collectivités territoriales et prévus dans le budget. Je concentrerai au contraire mon propos sur les trois axes autour desquels il est structuré. Premièrement, le projet de loi de finances préserve les finances des collectivités locales en dépit d'un contexte budgétaire extrêmement difficile, en reconduisant les règles du contrat de croissance et de solidarité. Deuxièmement, le projet de loi de finances prépare la réforme de la DGF, la dotation globale de fonctionnement, et pose les bases d'une vraie politique de péréquation. Troisièmement, le projet de loi de finances respecte les engagements du Gouvernement de financer loyalement la décentralisation, en transférant aux départements une part de la TIPP, dans le cadre de la décentralisation du RMI.
D'abord, le projet de loi de finances préserve les finances des collectivités locales.
Avec près de 59,4 milliards d'euros en 2004, soit un cinquième du budget de l'Etat, l'effort financier en faveur des collectivités locales représente une composante essentielle de l'équilibre de nos finances publiques.
En dépit du contexte économique très difficile, que chacun reconnaît, nous conservons le contrat de croissance et de solidarité, et, comme en 2002 et en 2003, il continuera de fonctionner sur les prix majorés de 33 % du taux de croissance du PIB, le produit intérieur brut, soit une augmentation de 1,62 %.
Comme l'a rappelé M. Daniel Hoeffel, il s'agit là d'un effort financier qui mérite d'être souligné, alors qu'est appliquée un peu partout dans les ministères la règle de gel des dépenses de l'Etat. Si le Premier ministre a souhaité préserver les règles d'indexation des dotations, auxquelles je vous sais très attachés, c'est qu'à l'heure de la décentralisation il aurait été inconcevable que l'Etat reprenne d'une main, en baissant les dotations, ce qu'il donnait de l'autre, en attribuant de la TIPP. Monsieur Mercier, vous avez eu raison de rappeler tout à l'heure que, face au déficit de l'Etat, la tentation est grande pour tout gouvernement de se servir des 20 % du budget de l'Etat affectés aux collectivités territoriales comme variable d'ajustement, au détriment des collectivités territoriales. Dans la situation tendue, financièrement et diplomatiquement, que connaît notre pays, il est encore plus méritoire d'avoir résisté à cette tentation.
Par ailleurs, dans un double objectif de simplification et de péréquation, la DGF voit son assiette élargie par l'intégration d'un grand nombre de dotations aujourd'hui disparates. Passant, comme MM. Mercier et Hoeffel l'ont souligné tout à l'heure, de 19 milliards d'euros à 36,7 milliards d'euros, la DGF conserve néanmoins ses règles actuelles d'indexation. A structure constante, elle augmentera en 2004 de près de 400 millions d'euros, soit 1,93 %.
Je sais que certains feignent de s'étonner de la faiblesse de ces chiffres et y voient, par un calcul compliqué d'assez mauvaise foi, une baisse de l'effort de l'Etat. (M. Gérard Delfau rit.)
Mais vous savez tous très bien que, si ces taux de progression ne sont pas aussi élevés que l'on aurait pu l'espérer, c'est parce que la croissance est malheureusement très faible cette année, et nous avons maintenu purement et simplement les mêmes règles.
Ce qui est important, en revanche, c'est que le Gouvernement n'a pas tiré prétexte des difficultés économiques pour revenir en arrière sur les règles d'indexation des dotations. Il les a au contraire préservées, si bien que les collectivités locales en tireront les fruits...
M. Gérard Delfau. Amers !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... dès que la croissance sera de retour.
M. André Lejeune. Amen !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Et ce n'est pas nécessairement si éloigné que cela.
Le Gouvernement vous a donné la semaine dernière une double preuve de sa volonté de préserver les finances des collectivités territoriales.
Il vous a en effet proposé, tout d'abord, d'avancer d'un an la dérogation aux règles du FCTVA en matière de travaux sur le patrimoine routier des collectivités territoriales ou de l'Etat. Cette dérogation, que vous aviez adoptée dans le projet de loi relatif aux responsabilités locales, ne se serait appliquée sinon qu'à partir de 2005, et M. Alain Lambert a accepté, ici même, que cette mesure soit applicable dès le 1er janvier 2004.
Plus encore, le Gouvernement a donné son accord au dispositif proposé par la commission des finances pour prendre en compte les conséquences de la réforme de l'allocation spécifique de solidarité et de la création du revenu minimum d'activité sur les finances des départements. La compensation que percevront les départements sera ainsi arrêtée définitivement sur la base de leurs dépenses réelles de 2004, et non sur celles de l'Etat en 2003 qui, par définition, n'intégraient ni l'impact de l'ASS ni celui du RMA.
On peut toujours vouloir faire plus. Mais je pense que, dans le contexte actuel, le projet de loi de finances fait déjà beaucoup.
Ensuite, il faut réformer la DGF pour soutenir la péréquation.
Après de trop nombreuses années passées à discuter très longuement et sans agir, il est devenu nécessaire d'engager une vraie politique de péréquation, comme nous y invite la Constitution. Le Sénat vient d'ailleurs d'examiner, dans un rapport très intéressant, les conséquences de cette carence, en détaillant les écarts importants de ressources et de charges qui existent aujourd'hui entre les départements. Je tiens à saluer le travail important et remarquable de MM. François-Poncet et Belot, dont l'analyse sera très utile au Gouvernement pour la préparation de la réforme de la DGF que nous devrons conduire l'année prochaine.
Je voudrais vous rappeler brièvement la démarche en deux temps que poursuit le Gouvernement dans ce domaine.
Avec le projet de loi de finances, nous procédons à la réorganisation de l'architecture des dotations pour que la DGF remplisse véritablement son rôle de dotation globale, à des fins de simplification et de lisibilité. En jouant sur des masses aussi grandes, on dégage des marges financières importantes pour financer la péréquation.
Dans un second temps, la réforme sera poursuivie en 2004, comme je viens de vous l'indiquer, après une phase de concertation qui a été lancée en septembre dernier avec le comité des finances locales. Cela consistera à réformer les modalités de répartition des dotations, qu'il s'agisse des critères de la péréquation, du mode de calcul du potentiel fiscal ou encore de la réforme du CIF, le coefficient d'intégration fiscale. C'est à cette occasion que sera abordée la question de la DGF des intercommunalités, soulevée par M. Fournier.
Le projet de budget ne préjuge donc pas des décisions qu'il faudra prendre l'année prochaine, qui doivent donner lieu à une importante concertation. Il aménage simplement les règles actuelles pour donner de l'air à la péréquation et permettre les réformes prévues.
A ce sujet, M. Girod m'avait interrogé sur l'intégration de la compensation de la suppression de la part « salaires » dans la taxe professionnelle dans la DGF. Il nous fallait faire un choix sur l'affectation de cette somme de 9 milliards d'euros. Je sais que, parmi vous, certains, notamment M. Delfau, ont proposé que l'on prélève tous les ans une part de cette somme pour l'affecter à la péréquation. Je ne pense pas que cette solution soit praticable, car elle reviendrait à réduire de 1 milliard d'euros tous les ans la compensation revenant aux communes, aux EPCI, aux départements et aux régions pour financer un fonds de péréquation. Cela aurait trop fortement déstabilisé les budgets locaux.
Le Gouvernement a donc retenu un autre choix. Il garantit d'abord à toutes les collectivités territoriales de bénéficier, en 2004, d'au moins du même montant qu'en 2003. Ce n'est qu'une partie de l'indexation de la compensation qui financera la péréquation.
M. Gérard Delfau. Il n'y a pas de péréquation !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. On allie de ce fait stabilité des budgets locaux et mécanisme vertueux qui alimente mécaniquement la péréquation,...
M. Jean-Pierre Sueur. C'est de la petite vertu !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... d'autant plus que la croissance sera forte. En 2004, en dépit d'une croissance très faible, ce sont déjà près de 100 millions d'euros qui sont ainsi prélevés sur l'indexation de cette compensation pour alimenter la péréquation.
Je voudrais, enfin, répondre à un certain nombre d'accusations infondées que j'ai entendues sur la prétendue baisse de la péréquation dans le projet de loi de finances.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est dans le rapport !
M. Bernard Frimat. C'est M. Mercier qui le dit !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Si l'on raisonne à structure constante, c'est-à-dire si la DGF avait été globalisée dès l'année dernière, les dotations de péréquation auraient représenté 11,75 % de son total. En 2004, avec ce projet de loi de finances, les mêmes dotations de péréquation s'élèveront à 12,3 % de la DGF et augmenteront de 220 millions d'euros en volume.
Dès lors, où est donc cette fameuse baisse de la péréquation ? Quels constats peut-on par ailleurs tirer de ces quelques chiffres ?
Le premier constat, c'est celui de leur faiblesse, qui est la conséquence de l'absence de réformes depuis très longtemps, en particulier sous le gouvernement précédent, celui-ci ayant préféré distribuer les fruits de la croissance plutôt que d'engager les réformes en matière de finances locales alors qu'il en avait les moyens, contrairement à nous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) C'est toujours étonnant d'entendre ceux qui ont renoncé à conduire des réformes se plaindre qu'elles ne vont pas assez loin, quand leurs successeurs ont le courage de les mettre en oeuvre ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Gérard Delfau. Vous parlez de M. Juppé ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Deuxième constat, en dépit de la faiblesse de la croissance cette année, la réforme d'architecture de la DGF dégage 220 millions d'euros supplémentaires dès 2004 pour financer la péréquation.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas vrai !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Comme l'a très justement souligné M. Daniel Hoeffel dans son intervention, le mécanisme vertueux que nous avons mis en place dans ce projet de loi de finances produira tous ses effets lorsque la croissance repartira.
MM. Sueur et Delfau ont tenté de nous expliquer que tant l'effort financier des collectivités locales que la péréquation étaient insuffisants.
M. Jean-Pierre Sueur. M. Mercier également !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Mais M. Mercier était beaucoup plus nuancé que vous, monsieur Sueur !
M. Jean-Pierre Sueur. Pas du tout !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Si, beaucoup plus nuancé !
M. Jean-Pierre Sueur. On peut relire le rapport, si vous le souhaitez !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Monsieur Sueur, vous vous êtes étonné du taux de progression très faible des concours financiers cette année. Vous avez cité le taux de 1,2 %, vous référant au rapport deM. Mercier,...
M. Jean-Pierre Sueur. De M. Mercier et deM. Hoeffel !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... mais en le sortant de son contexte, pour lui donner un sens polémique et vous avez alors précisé que vous ne compreniez pas pourquoi je parlais d'une progression de 1,67 %. Vous avez dit qu'il y avait un écart entre les chiffres de M. Mercier et du Gouvernement, respectivement 1,2 % et 1,67 %.
Le chiffre de M. Mercier est exact, mais les conséquences que vous en tirez ne le sont pas. Vous confondez en effet deux choses. Il y a, d'une part, ce que l'on appelle l'effort financier total de l'Etat, qui s'élève à 59,4 milliards d'euros et qui est retracé dans le « jaune » budgétaire. Il est vrai que cet ensemble ne progresse que de 1,2 %,...
M. Jean-Pierre Sueur. Cela veut dire qu'il baisse !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... mais les conséquences que vous en tirez sont inexactes. En effet, que contient cet agrégat ? Il contient en particulier les exonérations et dégrèvements législatifs compensés par l'Etat, qui sont consentis par les collectivités territoriales. Or, cette année, cet agrégat a baissé, car les collectivités territoriales - et c'est une très bonne chose pour les finances publiques - ont opéré moins de dégrèvements. Par conséquent, la compensation de ces dégrèvements a diminué, et donc l'agrégat global a, lui aussi, diminué. Ce n'est donc pas un bon indicateur de l'effort de l'Etat que de prendre cette somme de 59,4 milliards d'euros, qui représente l'ensemble des concours et dans laquelle se trouvent des éléments très disparates.
En revanche, si l'on veut juger avec un véritable indicateur des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales, on prend le contrat de croissance et de solidarité, qui est fait pour ça. Or celui-ci s'élève à 43,22 milliards d'euros, pour être précis, ce qui représente une progression de 1,67 %. Monsieur Sueur, mon chiffre est donc bien exact et le vôtre ne l'est pas, ou, plutôt, il l'est, mais il ne signifie rien.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est très laborieux !
M. Gérard Delfau. Même comme ça, cela ne fait pas beaucoup !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Par ailleurs, vous vous êtes également ému s'agissant de la péréquation.
M. Jean-Pierre Sueur. A juste titre !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Permettez-moi, là aussi, de vous donner un certain nombre d'explications.
Contrairement à ce qui a été dit et répété, la péréquation ne baisse pas, et je vais tenter de vous le démontrer.
M. Jean-Pierre Sueur. Le taux de 1,5 % correspond à l'inflation !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Si vous me laissez une petite chance de vous répondre, je vais peut-être y arriver.
En ce qui concerne les communes, la dotation de solidarité urbaine passera de 615 millions d'euros à 624 millions d'euros, soit une différence de 1,5 %. Je conviens que ce n'est pas une progression, mais ce n'est pas non plus une baisse.
M. Gérard Delfau. Compte tenu de l'inflation, c'est une baisse !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Non, 1,5 % c'est le taux de l'inflation ! (M. Jean-Pierre Sueur s'exclame.) C'est stable pour les communes, et pour les seules communes, car je vais en venir aux départements, aux régions et aux EPCI, que vous avez soigneusement escamotés.
La DSR, la dotation de solidarité rurale, passera de 407 millions d'euros à 413 millions d'euros.
M. Jean-Pierre Sueur. Elle n'est pas très péréquatrice !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il est vrai, messieurs Sueur et Delfau, que le FNP, le Fonds national de péréquation, diminuera de 23 millions d'euros,...
M. Jean-Pierre Sueur. C'est une décision du Gouvernement !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... du fait de la non-reconduction en 2004 de la majoration votée tous les ans par le Parlement ces dernières années.
M. Jean-Pierre Sueur. A la demande du Gouvernement !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est exact ! Je ne peux pas vous dire mieux. Toutefois, comme vous l'avez vous-même observé, cette dotation bénéficie aujourd'hui à plus de 18 000 communes. Ainsi, et vous l'avez vous-même reconnu, la force péréquatrice de ces 23 millions d'euros est extrêmement diluée à cause de la répartition en pluie fine de cette dotation. Vous m'avez même demandé tout à l'heure de veiller à ce que, l'an prochain, la réforme des dotations soit plus ciblée,...
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... et vous avez raison. Vous pouvez certes déplorer la perte de ces 23 millions d'euros mais, dans la mesure où ils étaient éparpillés entre 18 000 collectivités, les conséquences sur la péréquation ne sont pas considérables, d'autant que, lorsque 18 000 communes sont concernées, en réalité, il n'y a pas de péréquation, il y a simplement une répartition.
En revanche, messieurs Sueur et Delfau, s'agissant de la péréquation, vous n'avez pas parlé des EPCI. Or la DGF des EPCI passera de 1,824 milliard d'euros à 1,974 milliard d'euros, soit une augmentation de 150 millions d'euros, c'est-à-dire 8 % !
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je termine, monsieur Delfau, et je vous céderai volontiers la parole ensuite.
Vous avez également oublié les départements. Je peux le comprendre, car cela n'aurait pas renforcé votre démonstration. En effet, la dotation de fonctionnement minimale et la dotation de potentiel fiscal, qui seront dorénavant regroupées dans la nouvelle dotation de péréquation, augmenteront, selon les choix effectués par le comité des finances locales, de 46 millions d'euros à 86 millions d'euros, soit de 6 % à 11 %. La péréquation n'a pas baissé.
Enfin - j'ai gardé le meilleur pour la fin -, les régions verront en 2004, pour la première fois depuis qu'une dotation de péréquation leur a été consacrée en 1991, le fonds de solidarité augmenter de 10 % au moins et de 40 % au plus.
M. Jean-Pierre Sueur. Cela fait 1,3 % de la DGF !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Nous n'allons pas reconstruire tout le système de péréquation en un jour ! Lorsque vous affirmez que la dotation de péréquation baisse, je vous réponds que, pour les communes, elle n'augmente pas, j'en conviens, mais elle est stable et que, pour les départements, les EPCI et les régions, elle augmente. Elle peut même augmenter de 40 % pour les régions si le CFL le décide.
M. François Marc. Mais 40 % de rien, c'est trois fois rien !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est 40 % de mieux !
Vous n'aviez vraiment rien fait pour doter les régions d'une véritable péréquation ! Pourtant, quand nous le faisons en proposant une augmentation de 40 %, vous trouvez que ce n'est pas assez. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)
Voilà une manière bien indécente de donner des leçons ! Vous n'avez rien fait, nous apportons une amélioration de 40 %, et vous dites que ce n'est pas assez ! Il faut avoir de l'audace pour le dire.
M. Louis de Broissia. Du culot, même ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Dans ces conditions, messieurs les sénateurs de l'opposition, vous ne pouvez pas soutenir de tels arguments.
Comme j'ai achevé ma réponse, monsieur Delfau, je vous autorise à m'interrompre maintenant.
M. Jean-Pierre Schosteck. Vous êtes trop gentil !
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, je vous remercie de me permettre de continuer ce débat important et nécessaire.
S'agissant de la région, je vous accorde que, partant de bas, il y a une progression. Je l'ai dit tout à l'heure à la tribune et je le réaffirme.
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est Canossa !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Non, c'est simplement de la probité intellectuelle !
M. Gérard Delfau. Tout à l'heure, j'ai aussi regretté que le fonds de correction des déséquilibres régionaux soit supprimé. Même si cette suppression est symbolique, je pense que cette décision sera perçue de manière négative.
S'agissant du département, si M. le rapporteur général a parlé d'effort « modeste », j'ai pour ma part employé le qualificatif « modique » ; on ne peut donc pas prétendre que je suis partial.
Cela dit, je veux surtout attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la situation de plus en plus fragile des petites et moyennes communes, par rapport à celle des EPCI, qui bénéficient d'une augmentation de la compensation alors qu'ils ne prennent pas en charge l'essentiel des frais de fonctionnement et une partie des frais d'investissement.
Il se crée une distorsion entre des agglomérations urbaines qui, si elles sont situées dans des régions relativement prospères, tirent bien leur épingle du jeu, des communautés de communes qui parviennent à vivre parce qu'elles ont peu de charges et d'autres qui ont de plus en plus de difficultés à boucler leur budget de fonctionnement.
Voilà le problème qu'il faut résoudre dans les années qui viennent. Sinon, face à leurs attentes, à leurs souffrances et à leurs besoins quotidiens, nos concitoyens n'auront plus comme interlocuteurs principaux le maire et les membres du conseil municipal.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je partage votre souci, monsieur Delfau. Je pense que la réponse réside effectivement dans l'organisation d'une meilleure solidarité au sein des EPCI. La loi relative aux responsabilités locales introduit une mécanique qui vise à résoudre ce problème, réel, monsieur Delfau, j'en conviens. Mais il doit être réglé au niveau des EPCI.
Le troisième principe que nous voulons défendre dans ce projet de loi de finances est le renforcement de l'autonomie financière des collectivités locales, qui est la base de la politique de décentralisation. Nous avons souhaité - le Sénat a d'ailleurs joué un rôle moteur dans cette affaire - inscrire cette garantie dans la Constitution. Ainsi, comme M. Hoeffel l'a rappelé, le projet de loi organique qui doit mettre en oeuvre ce principe a été déposé à la fin du mois d'octobre sur le bureau de l'Assemblée nationale. Vous serez donc amenés prochainement à l'examiner.
Ce projet de loi organique mettra un terme à la baisse régulière de l'autonomie financière des collectivités territoriales, à laquelle nous avons assisté ces dernières années, avec la suppression de plus de 15 milliards d'euros de fiscalité locale transformés en dotations d'Etat.
La situation de 2003 - c'est une vraie garantie - deviendra un plancher en-deçà duquel il ne sera plus possible de descendre et qui servira de base à une restauration progressive, j'en conviens, de cette autonomie financière.
La loi de finances initiale pour 2003 avait déjà illustré la volonté du Gouvernement d'aller dans ce sens en restituant aux collectivités locales les bases de taxe professionnelle de France Télécom - cela représentait 800 millions d'euros même si, mécaniquement, cela n'a entraîné aucune dépense supplémentaire pour l'Etat - et en assouplissant les règles de lien entre les taux. Ces mesures allaient évidemment dans le sens d'une plus grande autonomie fiscale.
Le projet de loi de finances pour 2004 poursuit cette démarche puisque 5 milliards d'euros de TIPP seront transférés aux départements au titre du financement du RMI et du RMA.
Je sais, à cet égard, qu'il y a un débat sur la modulation des taux de cette TIPP. Si le Premier ministre a pris la décision de ne pas donner la possibilité aux départements de moduler les taux, c'est d'abord en raison de contraintes communautaires, vous le savez bien. J'observe tout de même que cette TIPP, pour non modulable qu'elle soit, est reliée à la croissance et, par conséquent, est soumise à un régime différent de celui d'une dotation. Mais, comme l'a évoqué M. Mercier tout à l'heure, le Premier ministre a pris l'engagement d'attribuer aux départements, en loi de finances pour 2005, une part de la taxe sur les conventions d'assurance afin de renforcer leur autonomie financière. Enfin, le Gouvernement travaille à un transfert aux départements de la taxe sur les véhicules de sociétés.
Certains, dont M. Rispat, que je remercie de ses propos très aimables, ont fait part de leurs inquiétudes sur la loyauté de la compensation des transferts de compétence. Vous avez raison, c'est une obligation constitutionnelle, et c'est seulement au pied du mur que l'on pourra juger de la loyauté de ces transferts en examinant la manière dont seront calculées et distribuées les compensations. Mais je m'étonne parfois de ces interrogations.
En effet, comme je n'ai cessé de le dire pendant la discussion générale sur le projet de loi de décentralisation, non seulement la Constitution assure que le Gouvernement doit être loyal dans ce transfert et le Conseil constitutionnel y veillera, éventuellement au détriment du Gouvernement s'il ne respectait pas cette obligation, mais le Gouvernement a pris des engagements pour tenter de rétablir une confiance entre l'Etat et les collectivités locales, qui, il faut le reconnaître, a été très fortement éprouvée dans le passé et qui a besoin effectivement de signes forts pour être rétablie. M. Laignel a qualifié ces signes de « preuves d'amour ». Pour ma part, je parlerai simplement d'« actes de confiance ».
Il s'agit, d'abord, de la commission consultative d'évaluation des charges. Le Gouvernement s'en est remis au Sénat, et je crois que tout le monde est à peu près d'accord sur le dispositif adopté.
A la demande du Sénat également, le Gouvernement a pris des engagements sur la prise en compte de la moyenne des trois dernières années pour la compensation des dépenses de fonctionnement.
Le Gouvernement a aussi accepté « l'arrêt des compteurs » sur la date la plus favorable pour les transferts des personnels et un système à double détente qui s'interprétera, dans les deux cas, dans le sens le plus favorable pour les collectivités. Il ne peut pas faire davantage preuve de sa bonne foi.
Mais le projet de loi de finances pour 2004 s'inscrit dans une situation macroéconomique très difficile, et certains soupçonnent le Gouvernement du pire. Il me semble pourtant que ce texte donne aux collectivités locales de vraies garanties.
Enfin, pour conclure, je voudrais simplement ajouter quelques éléments en réponse à M. Daniel Hoeffel sur l'administration territoriale.
Dans les préfectures, l'année 2004 sera celle de la généralisation de la globalisation des crédits. En 2003, vingt-neuf préfectures sont en budget globalisé et elles le seront toutes en 2004 pour la métropole, à l'exception de celle de Paris, qui a un statut particulier et qui le sera d'ici au 1er janvier 2006. Sous cette réserve, c'est donc avec deux ans d'avance que la loi organique relative aux lois de finances s'appliquera aux préfectures.
Cela va changer beaucoup de choses. Les préfets vont dorénavant assurer la gestion de l'ensemble de l'enveloppe budgétaire qui leur est déléguée. Ils pourront ainsi demander, au moment du départ d'un fonctionnaire, soit son remplacement par un fonctionnaire de même profil, soit une modification du profil des emplois. Ils pourront aussi purement et simplement renoncer au remplacement de ce fonctionnaire et conserver l'intégralité des crédits pour abonder leur budget de fonctionnement. Je crois que ce sera un moyen d'avoir une bien meilleure gestion des deniers de l'Etat à l'échelon local.
Enfin, comme vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, la seconde étape de la décentralisation devra s'accompagner d'un renforcement de la place des préfets, à la fois comme interlocuteurs naturels des collectivités territoriales et comme gardiens du respect de la loi.
La décentralisation, c'est à la fois beaucoup plus de liberté pour les élus locaux dans la gestion de leurs collectivités, mais un contrôle de légalité renforcé et beaucoup plus de transparence pour le citoyen dans la gestion des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant l'intérieur et la décentralisation, et figurant aux états B et C.
Je rappelle au Sénat que les crédits affectés à la sécurité ont été examinés aujourd'hui même.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 290 139 228 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
M. le président. « Titre IV : moins 7 357 828 047 euros. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Les explications de M. le ministre n'ont pas suffi à changer notre vote (M. le ministre délégué s'exclame), et je souhaite reprendre quelques éléments de son intéressante argumentation.
D'abord, monsieur le ministre, d'un côté, vous créez de nouveaux agrégats - ce qui est votre droit - et, d'un autre côté, vous dites qu'il faut comparer ce qui est comparable et qu'il faut enlever de ces agrégats quelques éléments qui ne sont pas favorables pour parvenir à cette fameuse progression de 1,6 % qui ne représente jamais que 0,26 % de plus que l'augmentation prévue - 1,9 % - de l'inflation.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Donc, cela ne baisse pas !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, c'est une déconstruction aussi artificielle que l'est votre construction.
Vous nous demandez ce que nous avons fait...
M. Jean-Pierre Schosteck. Rien !
M. Jean-Pierre Sueur. ... selon une rhétorique bien rodée et maintenant bien usée.
En fait, les concours de l'Etat aux collectivités locales ont augmenté, depuis 1996, de 6,5 % en moyenne annuelle.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Il est donc faux de dire que rien n'a été fait. Beaucoup de choses ont été faites !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Mais pas de réformes !
M. Jean-Pierre Sueur. Je veux bien admettre que le contexte soit différent, et vous avez raison, monsieur le ministre, de dire que nous n'avons pas fait cette réforme, bien que certains l'aient fortement demandée. Puisque, aujourd'hui, vous nous proposez une grande loi de décentralisation, le moins que nous puissions faire, pour notre part, est d'attendre cette loi.
Vous nous dites par ailleurs, monsieur le ministre, s'agissant de la DSU et de la DSR, que, finalement, tout va bien : la DSU augmente de 0 %, donc elle ne diminue pas ; quant à la DSR, ce n'est pas si mal. Mais examinons les choses de plus près : ces deux dotations ne sont au niveau où elles sont que parce que vous avez détourné 45 millions d'euros qui représentent le montant de la régularisation de la DGF que, en dépit de la loi, vous avez affectés à la DSU et à la DSR. Mais, les années précédentes, cela ne se passait pas ainsi. Par conséquent, l'Etat se dispense de payer 45 millions d'euros qui auraient dû être alloués à la DSU et à la DSR.
Vous nous rétorquez que le fonds national de péréquation, le FNP, va s'ajouter à la DSU et à la DSR. Mais il s'agit d'un FNP déplumé, puisque vous retirez 22,87 millions d'euros au moment où vous l'offrez à la péréquation tout en changeant la dénomination.
Cela signifie que, si l'on ajoute l'ensemble des éléments, les abondements de l'Etat à la DSU et à la DSR passent de 68,5 millions d'euros l'année dernière à 30 millions d'euros cette année, soit une diminution de 75 %, monsieur le ministre ! Et ces chiffres sont incontestables.
J'ajoute que, dans les agrégats, il eût été intéressant de parler d'autres composantes telles que la DCTP, la dotation de compensation de la taxe professionnelle, dont on peut dire qu'elle fonctionne de manière tout à fait spoliatrice à l'égard de l'ensemble des collectivités locales. En tout cas, le dispositif qui a été mis en oeuvre in fine par rapport à la DCTP ne va certainement pas dans un sens forcément péréquateur.
Pour finir, je ferai simplement observer que la DSU pourrait être plus péréquatrice, que la DSR ne l'est que très peu, car la part dite de péréquation est une répartition entre 33 000 communes qui, au total, ne compense en rien les inégalités, et que le FNP n'est pas péréquateur.
Monsieur le ministre, vous avez également parlé de l'intercommunalité, sur laquelle il y aurait beaucoup à dire.
Pendant longtemps, on a cru à la nécessité d'une dotation d'intercommunalité pour inciter les communes à se regrouper. Maintenant que l'intercommunalité est largement répandue, le facteur incitatif n'est plus aussi nécessaire que par le passé. Même si l'on prend en compte le potentiel fiscal de la dotation d'intercommunalité, qui représente une part non négligeable, je vous l'accorde, il faut savoir qu'elle sert aussi bien les collectivités dotées de ressources importantes que celles qui ont de faibles ressources, même s'il existe une correction très relative.
Je ne prendrai qu'un exemple. Imaginez que les villes de Paris, Boulogne-Billancourt et Neuilly décident un jour de créer une communauté d'agglomération. Ce dispositif causerait un choc considérable à l'intérieur de la dotation d'intercommunalité, donc au sein de la DGF.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Cela est sûr !
M. Jean-Pierre Sueur. Il ne faudrait pas leur donner cette idée.
Cet exemple caricatural montre qu'il ne suffit pas de se regrouper en intercommunalité pour être un ensemble de communes défavorisées. L'effet péréquateur de la dotation d'intercommunauté doit donc être relativisé.
Autrement dit, MM. Fortassin et Delfau l'ont souligné, réaliser la péréquation est très difficile, et cela demandera beaucoup de courage.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Malheureusement, avec le projet de budget qui nous est présenté, nous n'avons pas vu la marque de ce courage. Nous espérons que nous le verrons l'année prochaine. Soyez sûrs que nous serons aux premières loges pour regarder de très près ce qui arrivera.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Pour nous soutenir ! Pas pour regarder, comme d'habitude !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, si vous alliez dans ce sens, nous pourrions vous apporter notre soutien. Nous verrons ce qui se passera l'année prochaine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Monsieur Sueur nous remémore Edouard Herriot : « Un bon discours m'a quelquefois fait changer d'avis, jamais de vote. » (Sourires.)
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 429 550 000 euros ;
« Crédits de paiement : 145 497 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 2 078 119 000 euros ;
« Crédits de paiement : 1 004 659 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la décentralisation et, par là même, l'examen des dispositions concernant le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
Agriculture, alimentation, pêche et affaires rurales
Budget annexe des prestations
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, et le budget annexe des prestations sociales agricoles.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales s'élève, pour 2004, à 4,975 milliards d'euros, en baisse de près de 4 % par rapport aux dotations de la loi de finances initiale pour 2003. Cette baisse résulte avant tout de deux mesures indispensables de redéfinition du périmètre budgétaire, si bien que, à structure constante, le budget de l'agriculture est en quasi-reconduction entre 2003 et 2004.
Toutefois, il faut souligner que ce budget ne recouvre pas l'ensemble des concours publics en faveur de l'agriculture et ne permet donc pas une identification exhaustive de la réalité de l'intervention de l'Etat en faveur de l'agriculture.
Ainsi, pour 2004, l'ensemble des concours publics à l'agriculture atteindra au total près de 30 milliards d'euros. Ce montant inclut les dépenses relatives au régime de protection sociale des agriculteurs, qui sont regroupées au sein du budget annexe des prestations sociales agricoles, les dépenses en faveur de l'agriculture consenties par d'autres ministères, les dépenses des collectivités locales, enfin, les dépenses communautaires, qui devraient représenter plus de 10 milliards d'euros en 2004.
Malgré les contraintes budgétaires existantes et grâce à la mise en oeuvre d'une politique de rationalisation des coûts budgétaires et de meilleure gestion des effectifs, le présent projet de budget permet la définition d'objectifs prioritaires clairs.
Tout d'abord, je tiens à saluer la volonté de rationalisation du ministère dans certains secteurs de dépenses.
Elle se manifeste notamment dans la politique de maîtrise des coûts de fonctionnement des offices agricoles qui a été entamée par le ministère l'année dernière et qui est poursuivie cette année, notamment sur le fondement d'un rapport remis par le Gouvernement au Parlement en octobre dernier soulignant l'efficacité de l'action menée par les offices mais indiquant des marges de progression possibles.
Ce rapport propose des améliorations du fonctionnement des offices reposant sur la possibilité d'un pilotage unique de ces offices et sur la simplification des chaînes de traitement des aides communautaires.
Cette année encore, les subventions aux offices diminuent, dans une proportion toutefois moindre qu'en 2003. Néanmoins, j'estime que les crédits des offices sont d'une importance primordiale s'agissant de l'adaptation structurelle des exploitations et des filières. C'est pourquoi je souhaiterais que vous vous engagiez, monsieur le ministre, à ouvrir des crédits supplémentaires si une crise importante survenait.
La deuxième mesure de rationalisation bienvenue et indispensable consiste dans la réforme du financement du service public de l'équarrissage, qui conduit à une réduction des crédits affectés à ces actions de 198 millions d'euros dans le présent projet de budget.
Cette réforme s'imposait pour respecter les nouvelles lignes directrices agricoles de la Commission européenne : ainsi, l'Etat continuera à participer au financement du service public d'équarrissage dans les limites fixées par le droit communautaire, et la part de ce service devant être financée par la filière sera prélevée au niveau des abattoirs afin d'assurer une plus grande lisibilité du dispositif et d'organiser la répercussion du coût sur le consommateur final.
La nouvelle taxe d'abattage devrait ainsi permettre de couvrir l'ensemble des dépenses afférentes à l'élimination des déchets d'abattoir par le service public de l'équarrissage.
En outre, l'actuel régime d'aide aux investissements dans les abattoirs sera adapté pour encourager les efforts de tri, de traitement, voire de valorisation des déchets animaux.
Enfin, la troisième mesure de rationalisation, à laquelle je suis particulièrement attaché est la budgétisation du fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE.
En effet, conjointement avec mon collègue Paul Loridant, j'ai mené, cette année, une mission de contôle budgétaire des crédits du FNDAE, qui a permis de mettre en évidence l'existence de reports de crédits importants d'une année sur l'autre justifiant la nécessité d'une budgétisation de ce fonds et, à terme, d'une décentralisation de ces crédits.
J'ai consacré un chapitre au compte rendu de ce contrôle dans mon rapport spécial.
Les déplacements que nous avons effectués dans différents départements ont été très instructifs et nous ont permis, à Paul Loridant et à moi-même, de constater que, dans certains départements, la Charente-Maritime par exemple, les conseils généraux étaient tout à fait prêts à prendre en charge la politique d'investissement dans les travaux d'adduction et d'assainissement d'eau.
Outre ces mesures de rationalisation, il faut se féliciter du renforcement de certaines actions en faveur des exploitants agricoles dans le projet de budget pour 2004.
C'est le cas, notamment, du renforcement de la politique en faveur de l'installation, avec une augmentation notable des crédits affectés aux dotations jeunes agriculteurs, permettant désormais le versement unique de ces aides aux exploitants au lieu du versement en deux fois. Par ailleurs, je me félicite de la reconduction des crédits attribués au fonds d'incitation et de communication pour l'installation en agriculture, le FICIA, créé en 2003.
On peut se réjouir également du renforcement des outils en faveur du développement rural avec, d'une part, la mise en place de nouveaux contrats d'agriculture durable, appelés à se substituer aux anciens contrats territoriaux d'exploitation, dont la signature a été suspendue par le ministre dès 2002, et, d'autre part, le soutien apporté à la politique de la montagne, caractérisé cette année par une revalorisation des indemnités compensatoires de handicap naturel, les ICHN.
Enfin, une fois n'est pas coutume, le présent projet de budget fait la part belle au secteur de la pêche, avec une augmentation globale des crédits dédiés à ce secteur de 23,5 % et l'annonce par le Gouvernement de la mise en oeuvre en 2004 d'un plan de modernisation de la flotte de pêche française et d'amélioration de la sécurité des marins, pour un coût global de 7,5 millions d'euros, dont 3 millions d'euros à la seule charge de l'Etat.
Le troisième aspect du présent projet de budget que je souhaite aborder devant vous concerne la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la LOLF, ainsi que l'annonce du contenu de la stratégie ministérielle de réforme du ministère de l'agriculture.
S'agissant de la mise en oeuvre de la LOLF, je note que le ministère a défini une mission unique reprenant l'intitulé du ministère et cinq programmes reprenant les principaux agrégats définis jusqu'à présent par le budget.
Une expérimentation sera réalisée en 2004, par le biais de la création d'un nouveau chapitre permettant de regrouper l'ensemble des crédits des titres III et IV relatifs à l'enseignement agricole.
Je salue cette initiative du ministère de l'agriculture, mais je regrette - permettez-moi de vous le dire, monsieur le ministre - que la lisibilité budgétaire associée à cette expérimentation ne soit pas satisfaisante. En effet, j'ai eu des difficultés pour opérer une comparaison efficace entre les crédits dédiés à l'enseignement agricole en 2003 et en 2004.
S'agissant de la mise oeuvre de la stratégie ministérielle de réforme, je me bornerai à saluer la politique de maîtrise des effectifs budgétaires engagée cette année par le ministère, avec une réduction nette de 323 emplois et l'application du principe de non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, sauf dans le domaine de l'enseignement agricole.
Malgré tous ces aspects très positifs, je note quelques points décevants qui mériteront certaines explications de votre part, monsieur le ministre.
Relevons, tout d'abord, la réduction, dans le présent projet de budget, de 20 millions d'euros du versement compensateur de l'Etat à l'Office national des forêts, l'ONF, qui risque de mettre en danger le budget des communes forestières. D'après les dernières informations dont je dispose, le collectif de fin d'année devrait permettre d'alimenter ce versement à hauteur des besoins exprimés. Monsieur le ministre, je souhaite que vous nous donniez des explications sur ce point.
D'autres crédits budgétaires sont, cette année encore, en souffrance.
Il s'agit, notamment, de la dotation au Fonds national de garantie des calamités agricoles, le FNGCA, qui est nulle dans le présent projet de budget, tout comme elle l'était en 2003. Là encore, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous confirmiez qu'une subvention viendra alimenter ce fonds en cas de graves sinistres, compte tenu des engagements pris dans le cadre des mesures annoncées en faveur des exploitants victimes de la sécheresse.
Il s'agit également des crédits en faveur des agriculteurs en difficulté, qui connaissent une baisse significative sur laquelle je m'interroge encore.
Après cet exposé du budget pour 2004, il me revient de présenter l'article 72 rattaché, qui vise à fixer le plafond de l'augmentation du produit de la taxe pour frais de chambre d'agriculture pour 2004. Ce taux est fixé à 1,5 %, contre 1,7 % en 2002 et 2003. Depuis l'année dernière cependant, le plafond de majoration exceptionnelle de ce taux a été doublé.
Je vous proposerai, mes chers collègues, d'adopter cet article sans modification.
Venons-en maintenant au projet de budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, pour 2004.
L'examen du projet de BAPSA prend cette année une dimension particulière, puisqu'il s'agit vraisemblablement du dernier projet de budget annexe des prestations sociales agricoles que le Parlement aura à examiner dans le cadre de la discussion budgétaire.
Le budget annexe des prestations sociales agricoles s'élèvera, pour 2004, à 15 milliards d'euros, en hausse de 2,6 % par rapport aux dotations de la loi de finances initiale pour 2003, hors restitutions de TVA.
Pour en venir au vif du sujet, je souhaiterais vous faire part des principales observations que m'a inspirées l'examen de ce budget.
Tout d'abord - et c'est une observation récurrente lors de l'examen du projet de BAPSA chaque année -, les chiffres de l'exécution du BAPSA en 2002 et 2003 font apparaître un besoin de financement persistant. Depuis 1997, le BAPSA est en effet en constant déficit d'exécution, et ce malgré les avertissements répétés des parlementaires quant à la mauvaise évaluation des recettes et dépenses du BAPSA en projet de loi de finances.
Les chiffres fournis par le ministère de l'agriculture, s'agissant des prévisions de réalisations des dépenses et recettes du BAPSA en 2003, font en effet état d'un besoin de financement prévisible du BAPSA de l'ordre de 424 millions d'euros. Ce besoin de financement résulte, d'une part, d'un dérapage des dépenses de santé et d'une sous-évaluation en loi de finances initiale des dépenses d'assurance maladie et, d'autre part, d'un report de charges de l'année 2002 sur l'année 2003 de 160 millions d'euros au titre de la dotation globale hospitalière.
Je regrette d'autant plus ce constat d'une sous-évaluation des dépenses d'assurance maladie que je m'en étais inquiété dans mon précédent rapport budgétaire.
En outre, compte tenu des prévisions de réalisation des dépenses d'assurance maladie pour 2003, l'évolution proposée dans le présent projet de BAPSA apparaît encore manifestement sous-estimée puisque, au final, l'évolution proposée entre ces prévisions de réalisation et les dépenses d'assurance maladie pour 2004 s'établit à plus 1,03 %, ce qui semble très faible au vu de la dynamique de croissance inhérente à ces dépenses.
Ma deuxième observation concerne la mise en place du nouveau régime de retraite complémentaire obligatoire créé par la loi du 4 mars 2002, ainsi que les améliorations issues du vote de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites.
Les nouvelles dispositions relatives à la création du régime d'assurance vieillesse complémentaire obligatoire sont entrées en vigueur le 1er avril 2003.
Le présent projet de BAPSA fixe la participation financière de l'Etat à ce régime à hauteur de 142 millions d'euros en 2004, contre 28 millions d'euros en 2003.
Je tiens à rappeler que la mise en place de ce nouveau régime a constitué un réel progrès social en faveur des agriculteurs les plus modestes.
En outre, la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a permis le vote de réelles avancées s'agissant du régime d'assurance vieillesse des agriculteurs. Parmi celles-ci, je citerai l'abaissement de l'âge fixé pour une retraite à taux plein en cas de début d'activité précoce, l'instauration d'une surcote pour les agriculteurs continuant leur activité au-delà de soixante ans ou encore la possibilité de rachat d'années d'étude.
Une des principales innovations de cette loi consiste cependant dans la mise en place de la mensualisation du versement des retraites de base à compter du 1er janvier 2004.
La suppression du BAPSA, prévue par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, et la création d'un organisme, sous la forme d'un établissement public, devraient permettre une gestion plus souple du régime pouvant supporter des déficits et financer les dépenses liées à cette mensualisation en recourant à l'emprunt.
Cet établissement public, appelé Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA, devrait exercer l'ensemble de ses attributions à compter du 1er janvier 2005 seulement.
Toutefois, le FFIPSA assurera le remboursement à la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole des intérêts de l'emprunt contracté en 2004 pour le financement de la mensualisation des retraites agricoles.
Nonobstant la création du FFIPSA, le BAPSA continuera de retracer les opérations financières de la protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles au plus tard jusqu'au 31 décembre 2004.
Après cette date, les droits et obligations de l'Etat au titre du budget annexe des prestations sociales agricoles seront transférés au nouvel établissement public administratif.
Je souhaite réaffirmer quelques principes fondateurs qu'il me semble indispensable de respecter s'agissant de la création de ce nouveau fonds de financement des prestations sociales agricoles.
Il s'agit, tout d'abord, du maintien de la spécificité du régime social agricole et notamment du respect des principes de proximité et de gestion mutualiste à la base de ce régime depuis sa création.
Il s'agit, ensuite, de la nécessité du maintien d'un débat parlementaire afférent au régime de protection sociale agricole.
Il s'agit, enfin, du besoin d'affecter à ce régime des ressources pérennes et fiables.
L'article 23 du présent projet de loi de finances, combiné à l'article 25, modifie profondément la structure de financement du régime de protection sociale agricole, d'une part, en supprimant l'affectation de TVA à ce régime, d'autre part, en faisant des recettes issues des droits sur les tabacs l'une de ses principales sources de financement.
Ces dispositions participent bien sûr à la nécessaire clarification des relations financières entre l'Etat et les régimes de sécurité sociale, mais je souhaiterais qu'elles ne fragilisent pas le financement de la protection sociale agricole.
Je tiens à rappeler ici les modifications adoptées par le Sénat lors de l'examen de l'article 25 du présent projet de loi de finances. Elles ont permis d'abroger la taxe sur les tabacs fabriqués, qui présentait, comme l'a souligné M. le rapporteur général, des risques d'incompatibilité avec le droit communautaire. Je me félicite donc de voir que le Gouvernement a finalement choisi la voie de la sécurité juridique.
Avant de terminer mon propos, je souhaite vous poser, monsieur le ministre, quatre questions précises, attendant de vous, bien sûr, des réponses tout aussi précises.
Premièrement, le collectif de fin d'année devrait abonder le versement compensateur à l'Office national des forêts. Pourriez-vous préciser devant notre assemblée à quelle hauteur et dans quelles conditions ?
M. André Lejeune. Bonne question !
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Deuxièmement, pourriez-vous nous indiquer quelles sont les intentions du Gouvernement concernant la décentralisation des crédits du fonds national pour le développement des adductions d'eau ?
M. André Lejeune. Bonne question également !
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Troisièmement, quelle suite comptez-vous donner au rapport sur le fonctionnement des offices agricoles, qui envisage plusieurs types de scénarios pour l'avenir de ces offices ?
Quatrièmement, enfin, s'agissant du BAPSA, comment comptez-vous tenir compte, dans la présentation des recettes du budget annexe, des modifications adoptées par le Sénat lors de l'examen de l'article 25 du présent projet de loi de finances ?
En conclusion, j'émets, au nom de la commission des finances, un avis favorable sur le budget annexe des prestations sociales agricoles pour 2004.
Je vous propose également, mes chers collègues, d'adopter le budget de l'agriculture pour 2004, estimant qu'il répond, dans un contexte budgétaire national et communautaire restrictif, aux grandes priorités de l'agriculture française. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Alain Gérard, rapporteur pour avis.
M. Alain Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour la pêche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en un an, depuis la tempête soulevée par les projets de la Commission européenne en matière de politique commune de la pêche, l'horizon des pêcheurs s'est éclairci.
En premier lieu, grâce aux efforts engagés par la France et les pays réunis dans le groupe des Amis de la pêche, la réforme de la politique commune de la pêche décidée à la fin de l'année 2002 s'est éloignée des propositions irréalistes et brutales de la Commission européenne. La France a notamment obtenu que la suppression des aides à la construction des navires soit repoussée au 1er janvier 2005.
En deuxième lieu, la réforme de la politique commune de la pêche, la PCP, s'accompagne en France d'un ambitieux plan de modernisation de la flotte, auquel d'importantes dotations sont allouées, ce dont nous nous félicitons.
Vous avez indiqué, monsieur le ministre, que, au-delà de ces aides aux entreprises de pêche, une réflexion était conduite au sein du comité national des pêches sur la possibilité de mettre en place une déduction pour aléa, comme il en existe en agriculture, afin de mieux protéger les pêcheurs contre les variations du cours du brut. Pouvez-vous nous indiquer où en est cette réflexion ?
S'agissant du budget de la pêche pour 2004, je voudrais attirer votre attention sur la suppression des taxes parafiscales à compter du 1er janvier prochain. Ainsi, la taxe parafiscale finançant les comités des pêches maritimes sera remplacée par les cotisations professionnelles obligatoires prélevées auprès des pêcheurs. Le président du comité national des pêches maritimes, que nous avons rencontré, nous a fait part de ses craintes concernant le recouvrement de ces cotisations en l'absence de procédure de recouvrement forcée. Les comités sont en effet investis de missions essentielles, notamment en matière sociale, et doivent disposer de ressources pérennes et suffisantes pour les mener à bien.
En troisième lieu, vous nous avez précisé, monsieur le ministre, que vous souhaitiez le maintien des Sofipêches et la mise en place d'un système « Sofipêches deuxième chance » pour les patrons souhaitant acheter un navire plus récent. Pouvez-vous nous indiquer où en est ce dossier ?
En quatrième lieu, la réforme de la politique commune de la pêche implique une connaissance très précise de l'état des stocks. Dans ce contexte, il importe de réduire la fracture qui s'est creusée entre les professionnels et les scientifiques.
Sur ce sujet, l'année 2003 est marquée par des évolutions positives.
D'une part, l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer - l'IFREMER -, la direction des pêches maritimes et le comité national des pêches maritimes ont signé très récemment une charte, qui se concrétisera par des échanges d'informations plus nombreux.
D'autre part, la Commission européenne a proposé de créer des conseils consultatifs régionaux chargés d'étudier les problèmes des pêcheurs. Composés de pêcheurs, de scientifiques et de représentants politiques régionaux, ces conseils devraient permettre un renforcement de la transparence et un dialogue sur les avis scientifiques relatifs à l'état des stocks de poissons.
Toutefois, des avancées doivent encore être accomplies.
Je relève, par exemple, que les prélèvements opérés par la pêche minotière ne sont toujours pas pris en compte, mais je me félicite que la France ait adopté une position offensive en demandant à la Commission une étude sur la pêche minotière.
L'exemple du merlu est également révélateur des divergences entre professionnels et scientifiques : les estimations des scientifiques indiquent un état alarmant du stock, alors que les professionnels constatent en mer une forte augmentation du recrutement. Il est donc absolument nécessaire d'accélérer la procédure d'évaluation des stocks.
En dernier lieu, nous ne pouvons que déplorer le faible taux de consommation des crédits communautaires de l'IFOP, l'instrument financier de l'orientation de la pêche, de 1994 à 1999. Ceux-ci n'ont en effet été consommés qu'à hauteur de 75 %. Or la nouvelle programmation 2000-2006 des fonds européens est marquée par la règle dite du dégagement d'office ; ainsi, une partie des crédits non consommés seront perdus dès 2004. Il semble, d'après les informations recueillies auprès des professionnels, que les procédures soient jugées complexes et qu'il soit difficile de trouver tous les cofinancements nécessaires au projet.
Ma dernière question porte donc, monsieur le ministre, sur la possibilité de trouver des solutions pour améliorer la consommation de ces fonds.
Je vous remercie à l'avance de toutes les réponses que vous voudrez bien apporter à ces questions et tiens à saluer encore une fois la combativité dont vous avez fait preuve face à la Commission européenne. Votre opiniâtreté a permis à la réforme de la politique commune de la pêche de trouver un équilibre. Aussi, je ne vous surprendrai pas en vous disant que la commission des affaires économiques et du Plan a émis un avis favorable quant à l'adoption des crédits de la pêche inscrits dans le projet de loi de finances pour 2004. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'Union centriste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gérard César, rapporteur pour avis, qui a enfin pu se libérer de l'ascenseur dont il était prisonnier. (Sourires.)
M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'agriculture. Merci, monsieur le président : je suis en effet resté bloqué dans un ascenseur pendant un moment. Heureusement, notre collègue M. Bel partageait mon triste sort, ce qui nous a permis de refaire la France, et surtout son agriculture. (Nouveaux sourires.)
M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Et sa viticulture ! (Nouveaux sourires.)
M. Gérard César, rapporteur pour avis. L'agriculture en général et la viticulture en particulier ! Hélas ! nous n'avions rien pour déguster les excellents produits de nos régions. (Nouveaux sourires.)
Voilà presque un an, jour pour jour, nous discutions ici même les crédits destinés à l'agriculture dans la précédente loi de finances. L'année écoulée a été riche en événements, mais aussi lourde d'incertitudes pour le monde agricole, d'un point de vue tant économique que politique.
Les résultats économiques du secteur agricole en 2002 sont préoccupants. Certes, la production agricole a crû significativement, de 3 %, grâce à d'excellentes récoltes, faisant suite à deux années de mauvais résultats dus à des conditions climatiques difficiles.
Cependant, la baisse importante des prix agricoles, de 3,4 %, a provoqué un recul de la production en valeur. De ce fait, le résultat agricole net a diminué en 2002 de 2,1 %, en rupture avec sa tendance haussière de 3 % en moyenne durant la dernière décennie.
Par ailleurs, les résultats prévisibles de l'année 2003 portent les stigmates de l'épisode de sécheresse et de canicule exceptionnel qu'a connu notre pays durant l'été. D'un coût total de 4 milliards d'euros, cet événement climatique se traduirait par une réduction des récoltes de l'ordre de 20 % à 30 %. Les productions végérales, qui bénéficient de hauts niveaux de qualité et d'une flambée des cours, devraient « limiter les dégâts ». En revanche, le secteur de l'élevage, notamment l'élevage hors-sol, risque d'essuyer de lourdes pertes, qui viendront aggraver la crise qu'il traverse actuellement.
C'est pourquoi l'intervention du Gouvernement, saluée pour sa promptitude et son efficacité, doit être étendue et renforcée. Vous nous avez rassurés à ce sujet, monsieur le ministre, en nous indiquant que des crédits supplémentaires seraient débloqués dans le projet de loi de finances rectificative qui sera prochainement examiné.
Au-delà de ces indispensables mesures de soutien financier, une réflexion plus globale sur la politique de l'eau et les mécanismes de gestion des risques ne peut être éludée. La mission commune d'information du Sénat sur les effets de la canicule y travaille d'ailleurs actuellement.
D'un point de vue plus politique, l'exercice 2002-2003 a été marqué par divers événements de nature européenne ou internationale, qui risquent de n'être pas sans incidence budgétaire.
En premier lieu, la réforme de la politique agricole commune, la PAC, a été actée dans les accords de Luxembourg en juin dernier. Si, sous votre impulsion, monsieur le ministre, et nous vous en remercions, la France a su faire preuve de suffisamment de fermeté pour obtenir un compromis satisfaisant, les modalités d'application de cette réforme, qui sont actuellement en discussion, seront déterminantes pour l'évolution de nos filières et l'avenir de nos agriculteurs.
En deuxième lieu, la préparation du prochain élargissement de l'Union européenne est en cours d'achèvement. Suscitant autant d'espoirs que d'inquiétudes, cette nouvelle vague d'adhésions, historique par son ampleur, devrait être source d'enrichissement pour notre secteur agricole, à condition qu'elle soit progressive et régulée.
En troisième lieu, les discussions sur l'agriculture au sein de l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, se sont poursuivies. L'absence d'accord final au sommet de Cancùn ne doit pas remettre en cause la volonté de l'Union européenne de défendre, lors de la suite des négociations, un modèle agricole d'autant plus équilibré et respectueux des différences de développement qu'il a été réformé en ce sens.
De plus, la protection de nos divers signes de qualité et appellations doit être officialisée et reconnue par tous, en particulier au sein de l'OMC.
C'est dans ce contexte lourd d'incertitudes, tant économiques que politiques, que s'inscrivent les crédits de l'agriculture pour 2004. La commission des affaires économiques a bien relevé que, s'ils semblaient formellement en baisse, passant de 5,18 milliards à 4,97 milliards d'euros, ils étaient en réalité reconduits si l'on raisonne à périmètre stable, ce qui est appréciable au vu des contraintes budgétaires actuelles.
Illustrant la volonté du Gouvernement de soutenir une agriculture respectueuse de l'environnement et d'anticiper ainsi les orientations de la nouvelle PAC, les crédits consacrés à la politique agri-environnementale augmentent substantiellement, de 16,4 %, ce qui permet de relever les indemnités compensatrices de handicap naturel, de pérenniser la prime herbagère agri-environnementale et de financer les derniers contrats territoriaux d'exploitation ainsi que les premiers contrats d'agriculture durable, ou CAD.
La commission des affaires économiques a également relevé avec satisfaction l'augmentation globale des crédits consacrés à l'installation, permettant d'assurer le versement en une seule fois de la dotation aux jeunes agriculteurs et de faciliter ainsi grandement l'installation des jeunes exploitants. Elle s'est aussi félicitée de la pérennisation du fonds de communication en agriculture, prévu par la loi d'orientation agricole de 1999.
Cependant, certaines lignes budgétaires enregistrent une diminution des crédits, voire une absence de dotation. C'est notamment le cas du dispositif de modernisation des exploitations, du fonds d'allégement de la charge financière des agriculteurs, le FAC, ou encore du fonds national de garantie des calamités agricoles.
A cet égard, force est d'observer que des redéploiements de crédits sont inévitables dans un budget sous contrainte. En outre, plusieurs des chapitres concernés disposent des crédits de l'année précédente non consommés entièrement.
Enfin - et vous allez sans doute nous le confirmer, monsieur le ministre - les dotations relatives à la prise en charge des aléas conjoncturels auront vocation, cette année, à être complétées dans le collectif budgétaire.
Les seules réserves que j'émettrai concernent la nouvelle diminution des crédits consacrés aux offices et à la réforme du financement de l'équarrissage, voulues par la Commission européenne.
Intervenant alors que de nombreuses filières sont toujours fragilisées par les crises, la réduction des crédits des offices laisse craindre une diminution des actions d'orientation permettant de redynamiser les filières et amène à s'interroger sur les choix qui seront effectués s'agissant de la réforme des offices.
Quant à la révision du mode de financement de l'équarrissage, il faudra, monsieur le ministre, rigoureusement veiller à ce qu'elle n'entraîne pas un transfert des charges des abattoirs, sur lesquels reposera la nouvelle taxe, vers l'amont, c'est-à-dire les éleveurs ; c'est là une de nos craintes.
Jugeant, malgré ces derniers points, le budget globalement équilibré au regard des contraintes européennes et nationales ayant présidé à son élaboration, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable quant à son adoption. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis.
M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour le développement rural. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre éminent collègue M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, ayant présenté avec beaucoup de clarté, comme à l'ordinaire, les crédits du ministère de l'agriculture, je ne m'attarderai pas sur l'ensemble des crédits consacrés au développement rural. Je me concentrerai sur deux points, l'un technique, l'autre de fond.
Il convient d'abord de signaler une nouveauté importante dans l'organisation du ministère, et qui concerne le développement rural : la création d'une nouvelle direction générale de la forêt et des affaires rurales regroupant l'ancienne direction de l'espace rural et de la forêt et l'ancienne direction des exploitations de la politique sociale et de l'emploi.
Cette nouvelle direction recouvre trois grands thèmes : la gestion durable des exploitations agricoles et des territoires ruraux, la gestion durable de la forêt et la protection sociale agricole.
On peut espérer que cette nouvelle organisation administrative, associée à la montée en puissance de la réforme budgétaire introduite par la LOLF, permettra une lisibilité accrue des crédits dans les années à venir.
Je voudrais maintenant évoquer un secteur très important pour notre vie économique et sociale, celui de la forêt.
L'an dernier, j'avais examiné en détail la politique de la forêt et m'étais félicité du choix du Gouvernement de soutenir ce secteur majeur pour nos zones rurales et pour tout un pan de l'activité agricole, artisanale et industrielle. Malheureusement, les crédits consacrés à la forêt sont, cette année, en baisse de 54 millions d'euros.
Cette baisse s'explique, en particulier, par la diminution de 20 millions d'euros du versement compensateur à l'Office national des forêts. Celui-ci passe en effet de 145 millions d'euros à 125 millions d'euros. D'autre part, les aides aux prêts forestiers perdent également 20 millions d'euros, pour passer de 28 millions d'euros à un peu plus de 8 millions d'euros.
Je sais, comme vous tous, à quel point la situation financière de l'Etat est contrainte à l'heure actuelle. Cela impose sans doute des arbitrages budgétaires.
Toutefois, je ne suis pas sûr que ce soit vraiment le moment d'effectuer des coupes claires, si j'ose ici cette image, dans le budget de la forêt. Trois raisons m'amènent à cette conclusion.
La première a trait à la situation de l'ONF. Quoique l'on puisse constater quelques signes d'amélioration sur l'année 2003 - mais à quel prix d'ailleurs, et les salariés ont fait en la matière un effort considérable - la situation de l'office reste extrêmement difficile. Ce dernier sera en effet en déficit de 60 millions d'euros en 2003, ce qui s'explique notamment par le maintien du prix du bois à un niveau très bas.
Pour l'année 2004, le directeur général de l'ONF, que j'ai auditionné, espère réduire ce déficit de 25 millions d'euros, ce qui est déjà un objectif peu aisé à atteindre. La baisse du versement compensateur, telle qu'elle était envisagée dans le projet de loi de finances, conduisait directement à une impasse de 20 millions d'euros supplémentaires pour l'Office en 2004, ce qui compromettait très gravement son redressement.
La deuxième raison est la suivante : s'il avait été décidé de ne pas faire supporter cette charge à l'Office, cela voulait dire que les communes forestières devaient prendre en charge ce fardeau de 20 millions d'euros, ce qui représentait un doublement de leurs contributions aux frais de garderie de leurs forêts. A l'heure où les consultants déconseillent aux collectivités locales d'avoir des biens forestiers, je doute que ce soit là un signe très positif à adresser aux 11 000 communes forestières de France. J'ai recueilli le sentiment du président de la fédération nationale des communes forestières, notre collègue Yann Gaillard, qui m'a confirmé l'inquiétude que les communes forestières avaient eue sur ce point.
Enfin, la troisième raison qui m'amenait à douter de l'opportunité de cette mesure concerne le contexte actuel, marqué par les suites toujours présentes des tempêtes de 1999 et par les graves incendies de forêt associés à la sécheresse et à la canicule que nous avons connues cet été.
Monsieur le ministre, vous avez reconnu avec une grande sagesse qu'aucune de ces deux solutions n'était réellement satisfaisante, et vous avez inscrit les 20 millions d'euros manquant au projet de loi de finances rectificative pour 2003. La commission des affaires économiques se félicite de votre écoute du monde de la forêt.
Toutefois, afin d'offrir la visibilité nécessaire à tous les acteurs de ce secteur, la commission des affaires économiques a déposé un amendement visant à attirer l'attention du Gouvernement sur le fait que le déséquilibre budgétaire imposé à l'ONF par cette baisse du versement compensateur est structurel et qu'il ne saurait donc être limité à la seule année 2004.
Or, l'ONF et nos communes forestières méritent d'être accompagnés dans l'effort qu'ils accomplissent actuellement au bénéfice de la nation.
La commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du développement rural, même si, à titre personnel, je voterai contre.
M. le président. La parole est à M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis.
M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour les industries agricoles et alimentaires. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les résultats enregistrés par le secteur des industries agroalimentaires sont, cette année encore, globalement satisfaisants, contrairement à d'autres secteurs affectés par des crises économiques ou spéculatives.
Ainsi, l'indice de la production industrielle a progressé de 1,4 % en 2002. La stabilité des prix a permis de soutenir une consommation en hausse de 0,8 % et de dégager un chiffre d'affaires en augmentation de 2,3 %. Quant à l'emploi salarié, il a bénéficié de la création de 3 700 postes en 2002, là où 88 000 emplois disparaissaient dans l'industrie manufacturière.
Conservant son rang de leader mondial dans le commerce des produits transformés, notre pays a enregistré une amélioration sensible de son excédent commercial en produits agroalimentaires, celui-ci ayant augmenté en 2002 de près de 1 milliard d'euros.
A bien l'examiner cependant, le secteur des industries agroalimentaires connaît certaines difficultés.
Tout d'abord, ses parts de marché diminuent sur la presque totalité des marchés européens et internationaux depuis le début des années quatre-vingt-dix. Cette évolution appelle des mesures conséquentes de la part des pouvoirs publics : les gouvernements des pays tiers n'hésitent pas, en effet, à subventionner significativement leurs organismes de promotion agroalimentaire.
Par ailleurs, le secteur de l'agroalimentaire doit surmonter certaines difficultés d'ordre plus structurel : fortement oligopolistiques et très hétérogènes, les industries agroalimentaires françaises sont dominées par quelques grands groupes éclipsant les petites et moyennes entreprises, qui assurent pourtant la vitalité du secteur. Il faut noter, toutefois, que la présence à l'international de ces grands groupes est relative et incertaine, les entreprises américaines menaçant leur indépendance et dominant largement le secteur.
D'autre part, les efforts de recherche et de développement des industries agroalimentaires sont notoirement insuffisants, puisque le taux de valeur ajoutée qui y est consacré est le plus faible de l'ensemble du secteur industriel. Cette carence s'explique essentiellement par la prédominance de petites et moyennes entreprises peinant à financer des travaux de recherche souvent coûteux.
Enfin, la question des relations avec la grande distribution préoccupe largement le secteur agroalimentaire. Malgré l'adoption de la loi sur les nouvelles régulations économiques, la publication, voilà quelques mois, de la circulaire Dutreil et l'engagement d'un dialogue avec la grande distribution, la pratique des marges arrière n'a cessé de se développer et menace aujourd'hui l'équilibre de la filière tout entière.
Les crédits que j'ai examinés enregistrent des évolutions globalement inquiétantes.
Les crédits qui sont destinés à la politique industrielle et qui servent à soutenir l'investissement des entreprises agroalimentaires amènent à s'interroger. En effet, outre une présentation peu lisible due à leur regroupement en un programme commun élaboré dans le cadre de la mise en oeuvre progressive de la loi organique relative aux lois de finances, les crédits consacrés à la recherche enregistrent une nouvelle baisse non négligeable de 6 % intervenant après une baisse substantielle, l'année dernière, de 19 %. Affectant principalement les subventions de fonctionnement de l'INRA, l'Institut national de la recherche agronomique, et les crédits finançant la recherche appliquée au secteur agroalimentaire, cette évolution est particulièrement inquiétante au regard des carences évoquées en matière de recherche.
Tout aussi préoccupante est la réduction de plus d'un quart des crédits consacrés à la promotion des produits agricoles et alimentaires. Dans un contexte de concurrence accrue et de pertes de parts de marché à l'international, il importe, en effet, que les organismes de promotion agroalimentaire, notamment la Sopexa, aient les moyens d'accomplir convenablement leur mission.
Si les crédits destinés à la politique de qualité sont en quasi-reconduction par rapport au précédent exercice, cette stabilité ne doit pas masquer une réduction des subventions de fonctionnement de l'INAO, l'Institut national des appellations d'origine, pourtant confronté depuis quelques années à des charges croissantes.
Enfin, l'évolution des crédits destinés à la sécurité alimentaire amène à s'interroger.
Les dotations en faveur de l'AFSSA, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, qui augmentent pour le financement des dépenses ordinaires, diminuent en ce qui concerne le financement des dépenses d'investissement.
Les crédits consacrés à l'hygiène alimentaire font l'objet d'évolutions contrastées, certains augmentant notablement, l'un étant reconduit et les autres diminuant, suscitant l'incompréhension des professionnels du secteur à l'heure où la rémanence de certaines crises sanitaires est loin d'être écartée.
Enfin, les crédits destinés au secteur de l'équarrissage font l'objet d'une très forte baisse, de l'ordre de 200 millions d'euros. Liée à la réforme de son mode de financement, désormais assuré par une taxe spécifique d'équarrissage prélevée sur les abattoirs, cette baisse laisse craindre un transfert de charges soit vers des éleveurs, déjà fortement fragilisés par les crises, soit vers un consommateur dont l'élasticité de la demande à la hausse des prix est forte.
Monsieur le ministre, malgré l'ensemble de ces évolutions et après avoir pris acte de votre engagement devant la commission des affaires économiques et du Plan d'accroître l'action de votre ministère en faveur du secteur de l'agroalimentaire, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux industries agroalimentaires. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis.
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement agricole. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que le projet de budget du ministère de l'agriculture est fortement contraint en 2004, les crédits de l'enseignement agricole connaîtront, pour leur part, une évolution positive ; en effet, ils s'élèveront à 1 206,53 millions d'euros, soit une progression de 1,23 % par rapport à la loi de finances initiale de 2003.
Dans un contexte budgétaire difficile, même si des motifs de préoccupation demeurent, l'analyse des différentes catégories de dépenses traduit le souci du Gouvernement de respecter ses engagements à l'égard de cet enseignement.
S'agissant de l'enseignement public, l'évolution des dépenses de personnel, en augmentation de 1,76 %, répond à une volonté de maîtriser les charges de structure ; ainsi, en 2004, 125 départs à la retraite ne seront pas remplacés. Je me félicite qu'ait été retenu le principe d'une suppression d'emploi sur quatre départs à la retraite pour les enseignants, contre une sur deux pour les autres corps du ministère.
Il ne faut pas oublier que pendant les années de forte croissance des effectifs, l'enseignement agricole a pâti d'une insuffisance de moyens, qui a eu pour conséquence le développement de l'emploi précaire parmi les personnels tant enseignants que non enseignants. A cet égard, il convient de ne pas hypothéquer les résultat de la politique conduite dans le cadre des dispositifs « Perben » puis « Sapin ». Je note à cet égard que cette politique sera poursuivie en 2004 grâce à la mobilisation des emplois vacants.
L'équilibre doit être maintenu entre l'effort indispensable de rigueur qui est possible grâce à la relative stabilisation des effectifs et la nécessité de maintenir des conditions de vie satisfaisantes dans les établissements. J'indique à cet égard que les emplois-jeunes dont les contrats arrivent à échéance seront recrutés sur des postes d'assistants d'éducation dans des proportions similaires à celles qui sont en vigueur à l'éducation nationale. L'augmentation de près de 10 % des subventions versées aux établissements de l'enseignement technique correspond à l'application de la loi du 30 avril dernier.
S'agissant des établissements de l'enseignement supérieur, je souhaite vous faire part, monsieur le ministre, de mes inquiétudes concernant l'état de leur patrimoine immobilier qui se révèle réellement préoccupant. Les dépenses d'investissement, qu'il s'agisse de l'entretien courant ou de la construction, sont manifestement sous-évaluées et leur engagement, cette année, a été perturbé par les mesures de régulation budgétaire. Comment pourrez-vous répondre aux urgences en 2004 ?
En ce qui concerne les établissements du privé, les dotations prévues pour 2004 prennent en compte, pour les établissements du temps plein, la réévaluation du coût à l'élève dont les modalités d'application sont prévues par l'accord du 20 janvier 2003. Cependant, les hypothèses d'effectifs sur lesquelles repose le calcul de ces dotations et qui prévoyaient une baisse ne se sont pas vérifiées. De même, les conséquences des gels intervenus en cours d'exécution suscitent de légitimes inquiétudes pour l'année à venir. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser si le gel portant sur les crédits de l'enseignement agricole technique privé a été levé ?
Contrainte à la concision, je voudrais évoquer en quelques mots la situation de l'enseignement agricole à la rentrée 2003.
En ce qui concerne l'enseignement technique agricole, alors que les facteurs démographiques devraient conduire à un nouveau recul des effectifs, nous constatons que le nombre des élèves augmente à nouveau, témoignant de l'attractivité des formations. Ce dynamisme, s'il contraste avec les prévisions de vos services, n'étonne guère si l'on considère les résultats de l'enseignement agricole, en termes tant de promotion et de « remédiation » scolaire que d'insertion professionnelle.
Cependant, il manque aujourd'hui un réel instrument de pilotage du dispositif : le troisième schéma prévisionnel des formations a été prorogé d'une année supplémentaire. Certes, j'entends les raisons qui ont dicté cette décision. Toutefois, les perspectives de développement de l'enseignement agricole ne peuvent être définies à la seule aune des moyens budgétaires disponibles, sauf à faire prévaloir une vision malthusienne qui risque de nuire à un enseignement faisant figure aujourd'hui d'exception et de démobiliser les personnels qui en ont assuré le succès.
En ce qui concerne l'enseignement supérieur, je note avec satisfaction que la rénovation pédagogique se poursuit, notamment avec la mise en place de cursus de mastère, afin de relever le défi européen.
C'est le même souci de lisibilité internationale qui justifie la poursuite de la politique des pôles de compétences. Cette priorité, en dépit d'exemples de regroupement, tels Agrena ou Agromip, tarde encore à se concrétiser.
La faiblesse des moyens budgétaires dont disposent les établissements de l'enseignement supérieur, tant en investissement qu'en fonctionnement constitue, sans doute un frein à une action plus ambitieuse et risque au demeurant de priver d'une partie de ses effets le processus de contractualisation engagé entre l'Etat et ces établissements.
Reconnaissant l'effort nécessaire engagé par le Gouvernement pour contenir les déficits publics, permettez-moi de m'inquiéter des conséquences d'une telle rigueur sur le fonctionnement de l'enseignement agricole.
Monsieur le ministre, je connais votre volonté d'en préserver l'excellence, et c'est pourquoi je soutiens vos efforts pour l'adapter aux mutations actuelles.
En conclusion, j'indique que la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement agricole pour 2004. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur pour avis.
M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour les prestations sociales agricoles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le BAPSA est mort, vive le BAPSA ! Ainsi pourrait-on paraphraser la formule consacrée de l'histoire de France pour désigner ce moment particulier que le régime des prestations sociales des non-salariés agricoles vivra en 2004.
Notre excellent collègue Joël Bourdin, rapporteur spécial, ayant fait, fidèle à son habitude, une présentation claire du projet de budget pour l'agriculture pour 2004, je n'y reviendrai pas.
Cette année sera marquée, en effet, à la fois par une grande continuité et par une mutation fondamentale : le fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles succédera alors au BAPSA et reprendra ses missions, ses financements et une large partie de son mode de fonctionnement.
Cette mutation ne doit pas être ressentie avec crainte. Elle doit plutôt être perçue comme une opportunité, à la condition que l'identité même de la protection sociale soit respectée, et j'évoquerai ce point dans un instant.
Le projet de budget du BAPSA pour 2004 s'inscrit dans la continuité des années précédentes et préserve l'essentiel : la solidarité nationale, que je soutiens. Il appelle néanmoins des précisions et des commentaires sur plusieurs points.
Il s'agit tout d'abord de la recette provenant des produits du tabac. Le remplacement de la recette de la TVA par le versement de plus de la moitié des droits perçus sur les tabacs représente un avantage à court terme. Pour l'avenir, il faudra cependant veiller à ce que la protection sociale agricole ne pâtisse pas d'une éventuelle baisse de rendement de ces taxes liée à une chute parallèle de la consommation, qui est d'ailleurs souhaitable au nom des impératifs de santé publique, comme nos précédents débats l'ont abondamment démontré.
Il s'agit ensuite du niveau de la subvention d'équilibre versée par l'Etat. Celle-ci est ramenée à zéro cette année grâce précisément au remplacement de la recette de la TVA par la recette « tabac ». On remarquera toutefois que cette ligne est maintenue et qu'elle pourra et devra sans doute être abondée en temps que de besoin.
Par ailleurs, deux ajustements seront opérés cette année pour améliorer les recettes du BAPSA : l'augmentation du taux de la cotisation de solidarité et le passage de 400 à 600 SMIC horaire de l'assiette minimum de cotisation. Cependant, il faut bien reconnaître qu'ils interviennent tous deux dans un contexte difficile sur le plan du revenu agricole, après les intempéries et la sécheresse de cet été.
Mais, de façon générale, plus de quarante ans après la création du BAPSA, on constate que la situation des exploitants agricoles s'est rapprochée de celle des autres assurés sociaux et que le niveau des cotisations apparaît désormais proche, sinon équivalent.
Quatre réformes majeures sont ainsi intervenues depuis 1992 : la revalorisation des petites retraites de 1994 à 2002, la réforme des accidents du travail en 2001, la création de la retraite complémentaire obligatoire en 2002, et la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, comportant notamment la mensualisation des retraites de base.
L'effort de la nation en faveur de la protection sociale agricole n'est pas justifié uniquement par des facteurs démographiques, il l'est aussi parce que l'agriculture représente le secteur de notre économie qui a connu la mutation la plus sensible depuis la Libération. En permettant que les prix agricoles se situent à un niveau bas, l'agriculture a, en quelque sorte, « distribué » ses gains de productivité au reste de l'économie. Il est donc légitime qu'elle en soit récompensée.
Je souhaite également rendre hommage ici au travail réalisé par la MSA, la mutualité sociale agricole. Grâce à son action de proximité, à une gestion responsable et à la richesse de ses interventions dans le domaine sanitaire et social, elle a fourni un apport irremplaçable à la protection sociale agricole.
Mais je veux aussi souligner que certaines catégories d'exploitants agricoles, comme les aides familiaux ou les conjoints, auront encore besoin d'un rattrapage, notamment en matière de retraite. C'est indispensable.
A ce propos, la baisse de la population agricole offre malgré tout des marges de manoeuvre, en dégageant des crédits susceptibles d'être affectés, notamment, à ces nouvelles priorités.
S'agissant du FFIPSA, la discussion en première lecture à l'Assemblée nationale a déjà permis de mieux cerner le nouveau dispositif et d'apporter quelques assurances, notamment pour ce qui concerne le futur contenu du débat parlementaire après la disparition du BAPSA.
Il est bien normal que subsiste le principe de ce débat dès lors qu'une dotation budgétaire destinée, le cas échéant, à équilibrer ce fonds peut être apportée en cours d'année par l'Etat.
Nous considérons également qu'il serait légitime qu'un débat spécifique consacré au financement de la protection sociale agricole soit organisé au cours de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Mais nous souhaitons éviter qu'après le vote de ce BAPSA 2004 il nous faille attendre 2006 pour qu'un examen approfondi de la protection sociale agricole ait de nouveau lieu eu Parlement.
Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances pour la protection sociale agricole interviendra, avec un an d'avance, c'est-à-dire dès 2005, et qu'un programme spécifiquement consacré à la protection sociale agricole sera créé dans le budget du ministère de l'agriculture ?
En définitive, ce BAPSA 2004 confirme et conforte l'effort de la nation en direction des exploitants agricoles. Tout comme la commission des affaires sociales, qui a émis un avis favorable, je vous invite, mes chers collègues, à l'adopter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 97 minutes ;
Groupe socialiste, 54 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 22 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 19 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Louis Moinard.
M. Louis Moinard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, s'il représente 5 milliards d'euros hors BAPSA, n'est pas le seul à oeuvrer en faveur des secteurs de votre compétence ministérielle. C'est dire la place que ces derniers occupent dans notre société.
Vous me permettrez, compte tenu du temps qui m'est imparti, de m'attacher à une question qui, certes, ne relève pas seulement de votre ministère mais qui, pour moi, est essentiellement agricole : je veux parler de la validation par le comité de pilotage Natura 2000 du marais poitevin d'un document d'objectifs, ou DOCOB.
C'est une question essentiellement agricole parce que la plupart des objectifs et des mesures touchent l'activité agricole et concernent l'avenir des agriculteurs et parce que le Marais poitevin est une zone humide façonnée tout au long des siècles pour être assainie et cultivée.
Le Marais poitevin est un territoire aux enjeux environnementaux forts du fait de l'intérêt biologique et de la dimension patrimoniale qu'il représente. Les préoccupations peuvent sembler contradictoires : l'environnement ou l'agriculture ! Eh bien non !
Pour moi, la protection de l'environnement ne peut passer que par l'agriculture, même dans le Marais poitevin. L'écologie, dont nous devons collectivement nous préoccuper, est l'art de gérer le développement et non de figer le passé. (M. le ministe fait un signe d'approbation.) L'exclure de l'agriculture directement ou par l'intermédiaire d'un DOCOB tel qu'il est présenté aujourd'hui est une erreur. N'oublions pas que, dans quelque secteur d'activité que ce soit, lorsqu'on impose trop de contraintes, les anciens courbent l'échine et attendent la retraite, mais les jeunes s'en vont. Toutefois, je garde confiance : avec les services de l'Etat, avec les agriculteurs et les élus locaux, tous responsables, nous pouvons trouver les solutions d'une agriculture durable, économiquement forte et écologiquement raisonnable. J'ai d'ailleurs participé hier à une réunion du comité consultatif organisée par M. le préfet de la région Poitou-Charentes.
Des questions restent sans réponse, et cela ne peut que susciter la révolte du monde agricole, notamment des questions de fond : quelle agriculture dans le Marais poitevin ? Avec quels moyens financiers ?
La protection de l'environnement est, à juste titre, au coeur des préoccupations d'une grande majorité de nos concitoyens, et je l'ai toujours pratiquée aussi bien comme exploitant agricole que comme maire de ma commune.
Il ne faut pas oublier que l'entretien de ce secteur passe par l'exploitation et la rentabilité des prairies, à l'aide d'animaux, principalement de bovins.
Quels droits à produire seront disponibles et comment seront données les autorisations d'implanter ou de renouveler des bâtiments d'élevage ?
Quelles perspectives voulez-vous dessiner pour les agriculteurs, et tout particulièrement pour les jeunes ?
S'agissant de l'hydraulique, quels niveaux d'eau maintenir suivant les saisons ? Les niveaux d'eau influent sur le développement de la mytiliculture dans la baie de l'Aiguillon, qui produit les moules de bouchots de Charron, chères à la région Poitou-Charentes et à notre Premier ministre, et permettent de constituer des réserves en prévision des périodes estivales pour les habitants, l'agriculture et le tourisme.
Laisser croire que l'eau est un produit rare est une erreur, mais il faut l'utiliser judicieusement et développer des réserves afin de pouvoir les utiliser en période d'étiage.
Le sujet est vaste et passionnant.
En conclusion, je voudrais rappeler à mes collègues que le Marais poitevin, qui concerne trois départements et deux régions, est une zone humide dont l'intérêt écologique n'est plus à démontrer.
Toutefois, il ne continuera à respirer que par la présence des hommes et des femmes qui l'entretiennent. Sans les agriculteurs, il deviendrait une grande friche écologique.
Nos territoires ont reçu des aides non négligeables de l'Union européenne pour leur permettre de combler leurs retards en termes de développement. La construction de l'Europe doit conforter ce développement harmonieux, équilibré et durable, à la fois pour la protection de l'environnement, tout particulièrement des zones humides, et pour l'épanouissement de ses habitants, en les aidant au lieu de les condamner.
Monsieur le ministre, vous comprenez le monde agricole, vous l'avez prouvé. Vous avez déjà fait preuve de pugnacité. Le Marais poitevin a besoin et de votre compréhension et de votre action, pour trouver des réponses sérieuses et honnêtes.
A la veille de l'examen devant le Parlement du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, je vous rappelle que l'aménagement du territoire est l'affaire de tous. Si vous voulez le réussir, il faut convaincre l'Union européenne d'investir des moyens, ainsi que la France. Ces moyens doivent être la reconnaissance du travail accompli, de l'adaptation aux mesures décidées par tous les partenaires et non des aides à l'abandon ; ce serait une dénégation totale du travail pour une société qu'ensemble, je le sais, nous refusons. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine.
M. Jean-Paul Emorine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Saône-et-Loire détient le plus important cheptel allaitant français, de l'ordre de 226 000 vaches, de race charolaise en quasi-totalité, dont 25 000 sont inscrites au Herd Book charolais, organisme de contrôle et de sélection génétique de la race charolaise. Le département constitue le berceau de la race charolaise, mondialement connue. C'est une fierté pour le sénateur de la Saône-et-Loire que je suis, ainsi que pour tous les habitants de ce beau département, mais surtout pour les éleveurs qui font la renommée de notre bassin d'élevage.
Je voudrais rappeler que, devenant de plus en plus technique en raison de l'exigence des consommateurs sur la qualité des produits, avec une nécessité d'absence de risque sanitaire, le métier d'éleveur requiert un niveau de compétence de plus en plus élevé.
Dans le contexte actuel de prise en compte des concepts d'agriculture raisonnée et de développement durable, la génétique a un rôle majeur. Elle permet d'intégrer les exigences de la société et des filières pour le maintien d'une activité rurale forte, le bien-être animal, la sécurité alimentaire, la santé humaine et la préservation de la biodiversité.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je me permets de regretter la baisse des crédits nationaux pour les programmes génétiques. Il serait dommageable de prendre du retard dans ce domaine, et j'aimerais que vous puissiez nous donner des apaisements sur ce point.
La mission sénatoriale d'information sur l'avenir de l'élevage, que j'ai eu l'honneur de présider, a dressé, voilà tout juste un an, un constat préoccupant de la situation de l'élevage dans notre pays, en particulier de l'élevage herbager.
Avec mes collègues membres de cette mission, nous avions formulé un certain nombre de propositions, mettant l'accent sur la politique d'installation.
J'observe avec satisfaction, monsieur le ministre, que, dans le budget de 2003, la création du fonds d'incitation et de communication pour l'installation en agriculture, doté de 10 millions d'euros, a permis le redémarrage des programmes pour l'installation des jeunes en agriculture et le développement des initiatives locales. Cette dotation est heureusement reconduite en 2004 avec, de surcroît, une amélioration de la dotation aux jeunes agriculteurs, la DJA, qui sera versée en une seule fois. La création du FICIA et sa dotation sont des éléments très positifs, tout comme la décision de faire de la DJA l'objet d'un versement unique. Les crédits inscrits au projet de budget de l'agriculture directement destinés à l'installation augmentent de 7 % en 2004, et nous nous en félicitons.
Par ailleurs, la mission avait proposé d'encourager le maintien et le développement de l'élevage herbager sur des terres pour lesquelles il n'existe, bien souvent, aucune alternative agricole possible. Elle avait notamment proposé la création d'une prime herbagère agri-environnementale. C'est donc avec une grande satisfaction que nous avons vu, cette année, la création de cette nouvelle prime destinée aux anciens bénéficiaires de la prime à l'herbe et aux jeunes qui s'installent sur les territoires concernés.
Dans le budget pour 2004, le montant de la prime est revalorisé de 70 % en moyenne par rapport à la prime à l'herbe, et je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir réussi cet exploit, car nous savons que la Commission européenne en avait refusé le maintien. Il en est de même d'ailleurs pour la prime à la vache allaitante pour laquelle vous vous êtes battu à Bruxelles.
Les crédits de bonification des prêts à l'agriculture inscrits dans le projet de loi de finances pour 2004 sont reconduits. Qu'en est-il, monsieur le ministre, de notre proposition de création d'un prêt de carrière bonifié à longue échéance, afin d'aider davantage les jeunes à faire face à leurs charges ?
Nous avions proposé, en outre, d'améliorer l'environnement économique et juridique des exploitations, en particulier par un renforcement des soutiens aux équipements, par l'allégement des contraintes de la réglementation environnementale et urbanistique, ainsi que par une facilitation du recours aux groupements d'employeurs et aux services de remplacement.
Enfin, nous avions suggéré que soit engagée une réflexion sur la possibilité d'alléger la taxe sur le foncier non bâti pesant sur les terres agricoles les moins productives pour encourager le maintien des animaux dans les zones menacées de déprise.
S'il n'y a pas eu de crise conjoncturelle majeure cette année, semblable à celle de l'an 2000, on ne peut oublier la sécheresse de cet été et cacher l'inquiétude des éleveurs face à la pénurie de fourrage, qui risque de leur poser de gros problèmes de trésorerie.
De plus, avec la mise en place de la réforme de la PAC, les risques de déprise agricole à l'échelle européenne sont très grands. La France, représentant le plus gros cheptel, ne pourra y échapper. Ainsi, les effets structurels latents, couplés avec une réforme de la PAC, vont peser lourdement sur le devenir de l'élevage bovin en France.
S'agissant du cas de la filière veau de boucherie, la situation en France est particulière. Une grande partie des veaux est vendue dans les pays tiers, et notamment en Italie où ils sont engraissés, ce qui entraîne une perte de plus-value. Cependant, les aides PAC actuelles, notamment la prime à l'abattage, soutiennent la filière. Avec la réforme, les aides couplées se feront moindres et vont en conséquence mettre en déprise une filière fragile.
Face à cette perspective inquiétante, les éleveurs français ne sont pas à l'abri d'une crise structurelle.
Président du groupe sénatorial de l'élevage, je me permets d'en appeler à votre détermination, monsieur le ministre, pour que l'avenir des éleveurs français, notamment dans la compétition internationale, soit préservé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget de l'agriculture pour 2004 n'échappe pas à la règle quasi générale des restrictions budgétaires opérées par le Gouvernement. Le mécontentement grandit chez les agriculteurs, les marins et les retraités.
« C'est un budget qui ne peut pas améliorer le moral des agriculteurs », a dit M. de Benoist, de la FNSEA. En effet, la profession s'attendait à beaucoup mieux, surtout de la part d'un gouvernement qu'elle a largement contribué à mettre en place.
Ce débat se situe dans un contexte national marqué par le gel au printemps, la sécheresse en été et des crises durables, notamment dans les secteurs de l'aviculture et du porc, qui frappent de plein fouet tout particulièrement la région Bretagne.
Ce débat intervient également dans un contexte européen où l'accord du 26 juin dernier vient encore aggraver la politique agricole commune, dont les communistes n'ont jamais partagé les objectifs, les moyens et les finalités.
Enfin, l'échec des négociations de l'OMC à Cancùn laisse libre champ à la situation actuelle, c'est-à-dire à la loi des plus forts. Cet échec favorise les accords bilatéraux au détriment d'une nécessaire OMC garante du respect des peuples, des pays et de leur développement harmonieux et équilibré.
Parler d'agriculture sans avoir à l'esprit les interactions des échelons locaux, communautaires et mondiaux ne permet pas d'appréhender la complexité des problèmes. Cet état de fait est cependant trop souvent un prétexte facile pour rejeter les responsabilités sur l'autre. Chacun doit assumer ses décisions. C'est pourquoi, tout à l'heure, je développerai notre conception de l'agriculture dans le cadre de la souveraineté alimentaire de chaque pays.
Je ferai quelques observations à propos du projet de budget pour 2004. Il s'élève à 4,975 milliards d'euros, en baisse formelle de 3,8 %, soit de 202 millions d'euros. Mais il est en reconduction par rapport à 2003, si l'on tient compte de certaines données. Les changements de périmètre et les redéploiements portant sur le fonds national de développement des adductions d'eau et le service public de l'équarrissage ne contribuent pas à en faciliter la lecture et pénalisent lourdement les départements à forte vocation agricole qui connaissent des problèmes environnementaux, comme celui des Côtes-d'Armor.
Les crédits prévus pour les contrats territoriaux d'exploitation, les CTE, et les contrats d'agriculture durable, les CAD, s'élèvent à 225 millions d'euros et ne suffiront pas à financer les CTE. Il est vrai que les CAD restent cloués au sol, plus d'un an après leur mise en place, faute de mesures réglementaires.
Le succès et le coût des CTE vous ont effrayé, monsieur le ministre ; il est vrai que les CTE étaient la mesure phare de la loi d'orientation agricole que vous et vos collègues de la majorité avez combattue.
Les fonds prévus pour lutter contre les crises agricoles et la régulation des marchés sont en retrait - le dispositif Agridif, agriculteurs en difficulté, le fonds d'action culturelle, le budget des offices - dans une période où de très nombreux exploitants souffrent des crises qui s'ajoutent aux aléas climatiques, lesquels, cette année, ont été particulièrement difficiles à vivre.
Le service public d'équarrissage sera désormais prélevé au niveau des abattoirs et cofinancé par la TACA, la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, dont les fonds étaient destinés, à l'origine, aux petits commerçants, afin d'atténuer les dégâts de la grande distribution.
Il y avait déjà détournement vers le budget général des excédents de la TACA, soit plus de 90 millions d'euros en 2002. Cette taxe n'aidera plus le petit commerce à vivre, car, désormais, il y aura détournement du sens même de cette taxe. Il sera également essentiel, monsieur le ministre, de veiller à ce que le financement du service public d'équarrissage ne se répercute ni sur les producteurs, ni sur les consommateurs, ni sur les salariés de l'agroalimentaire, qui travaillent dur pour des salaires beaucoup trop modestes.
Enfin, les crédits destinés à valoriser des produits et à favoriser l'exportation enregistrent une baisse de 26 %, ce qui est fort préjudiciable à des secteurs comme la viticulture.
Quant au budget de la gestion durable des forêts, je ne peux que condamner la baisse de 20 millions d'euros sur le versement compensateur de l'ONF, ainsi que la suppression des postes de fonctionnaires à l'ONF et le doublement des frais de garderie qui va en résulter.
En effet, alors que les conséquences de la tempête de 1999, cumulées à celles de la canicule de cet été, ont été dramatiques et ont fragilisé le monde rural, le Gouvernement se désengage du service public forestier, au détriment des communes forestières, qui devront en supporter le coût. Or, vous le savez, monsieur le ministre, c'est l'entretien et la surveillance des forêts qui restent encore le meilleur moyen de prévenir les incendies.
Ce budget est réduit à une peau de chagrin ; les conséquences néfastes de vos arbitrages budgétaires ne tarderont pas à apparaître. A l'heure où le Gouvernement ne cesse de réaffirmer son attachement au principe de Johannesburg en matière de développement durable, votre budget ne fait que démentir cette volonté, et l'on peut s'interroger alors sur la crédibilité de la France sur la scène internationale.
Les revenus de l'agriculture française sont à la fois insuffisants et « artificialisés » par un régime d'aides qui atteint 55 % du revenu. C'est aberrant. La remise en cause des aides à l'exportation et le découplage partiel vont bousculer cet édifice déjà fragile et tendre à la renationalisation de la PAC.
Les aides devraient servir prioritairement à compenser les handicaps des zones et des activités les plus défavorisées, et être ciblées sur les petits producteurs. La politique des prix basés sur le prix mondial et les distorsions de concurrence liées à la politique du Farm Bill américain et aux bas salaires des pays émergents viennent justifier et conforter un système d'aides qui culpabilise le monde agricole en dévalorisant son travail, qui déstabilise l'agriculture européenne et rend dépendantes les populations des pays en voie de développement et les pays les moins avancés.
Il faut, au contraire, évoluer vers des prix rémunérateurs liés aux prix de revient, en harmonie avec le niveau de vie du pays, en contrôlant le jeu subtil et destructeur des importateurs, en interdisant la vente à perte, en durcissant la loi relative aux nouvelles régulations économiques, notamment en direction de la grande distribution et des marges abusives.
Qui m'expliquera pourquoi les intégrateurs ruinent des aviculteurs en leur refusant 1 centime de franc par oeuf qui leur rapporterait près de 15 000 euros supplémentaires par an pour un élevage de 30 000 pondeuses ? Même si cette hausse était répercutée, elle ne serait que de 2 centimes d'euro la douzaine.
Qui me dira pourquoi le cours du porc se situe autour de 1 euro le kilo depuis des mois alors que 1,40 euro est nécessaire à la survie des producteurs ? Ce cours de 1,40 euro doit immédiatement être imposé aux groupements d'acheteurs, et la vente à perte interdite.
Quand on sait qu'un porc transformé est vendu jusqu'à huit fois le prix payé au producteur, cela donne à réfléchir sur notre système commercial - et je pourrais élargir ce débat à d'autres productions comme le lait ou les fruits et légumes.
Seule une agriculture rémunératrice permettra aux agriculteurs de se moderniser, d'investir dans l'environnement, d'avoir une capacité contributive supérieure au volet social, et surtout de donner envie aux jeunes générations de s'installer.
S'agissant de l'installation, justement, notre groupe sollicite depuis des années les gouvernements successifs pour obtenir qu'une aide substantielle soit accordée aux très nombreuses installations hors dotation d'installation aux jeunes agriculteurs. La profession et son syndicat dominant avaient manifestement fixé la barre un peu haut à une époque où il était à la mode de supprimer les exploitants les plus fragiles pour que les autres s'en tirent mieux ; l'histoire a montré que ce raisonnement ne tenait pas. Ayant cru sentir une évolution sur cette question sur le plan syndical, mais également chez des parlementaires de toutes les tendances, je vous invite, monsieur le ministre, à engager des pourparlers avec la profession afin que cette situation injuste trouve au plus vite une issue favorable. Je vous serais donc très reconnaissant de bien vouloir m'informer de vos intentions sur cette question.
Cette mesure, j'en suis conscient, ne réglera pas tout si elle n'est pas accompagnée d'un plus grand investissement en faveur de la formation à une agriculture durable et d'une réelle perspective de développement de la profession par des prix rémunérateurs.
Le foncier constitue un autre obstacle de taille, monsieur le ministre. Depuis dix ans, les prix augmentent sous la pression de nos voisins européens, de la course à l'agrandissement et des mutations de la sociologie rurale. Tout cela a pour effet d'exclure l'installation de nombreux jeunes, de rendre financièrement intransmissibles les exploitations et de développer l'agriculture industrielle et de capitalisation.
Notre groupe propose de revoir les critères de détermination de la surface de référence qui conditionne la viabilité économique de l'exploitation agricole. Je veux vous donner un exemple, monsieur le ministre. Il y a peu, j'ai visité une exploitation de 65 hectares - formule CEDAPA - qui, avec 260 chèvres et 90 brebis, fait vivre huit personnes à temps plein. Cet exemple montre que la surface de référence ne signifie pas grand-chose et que la valorisation et la qualité des produits peuvent bousculer bien des préjugés administratifs.
Nous aurons certainement l'occasion, au cours du débat relatif au projet de loi rurale, de vous proposer une démocratisation des SAFER, les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, et leur attribution d'un droit préférentiel d'acquisition des terres en faveur des jeunes et d'une agriculture paysanne. Le développement des groupements fonciers agricoles, les GFA, peut aussi faciliter l'installation et la transmission des exploitations.
Enfin, nous préconisons une agriculture de dimension humaine, familiale ou associative, productive et non productiviste, dans le respect de l'environnement.
Il en va de l'aménagement du territoire et de la vitalité de notre ruralité. La qualité et la diversité des produits viendront ou reviendront à ce prix. Ce que nous combattons, c'est l'intégration qui paupérise le monde agricole, c'est l'agriculture industrielle qui pollue et échappe à la paysannerie au profit des financiers de l'agrobusiness, c'est la chute dramatique du nombre d'exploitations dans nos campagnes.
Avant de conclure, monsieur le ministre, j'évoquerai de nouveau le contexte mondial. A défaut de voir sous peu une démocratisation de l'OMC à la faveur d'échanges équilibrés, du développement des pays les moins avancés et des pays en voie de développement, et surtout du droit des peuples à se nourrir eux-mêmes, nous pensons qu'il faut peser pour sortir l'agriculture de l'OMC.
Le droit de chaque pays à tendre vers la souveraineté alimentaire doit être reconnu et favorisé par des échanges équilibrés et des coopérations renforcées.
L'Europe, la France en particulier, ont tout à gagner à soutenir une telle démarche face aux Etats-Unis et au groupe de Cairns, qui tentent d'asservir le monde par l'arme alimentaire.
En conclusion, monsieur le ministre, sans négliger certains combats utiles que vous avez pu mener au service de l'agriculture, votre projet de budget, qui déçoit l'ensemble de la profession, ne peut naturellement nous convenir. Nous voterons donc contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, annus horribilis, c'est ainsi que certains de nos agriculteurs pourraient nommer l'année qui s'achève, car rien ne leur aura été épargné : ni le gel, ni une sécheresse inhabituelle devenue caniculaire qui a tué des personnes, du bétail, et entraîné la disparition d'exploitations agricoles, ni les inquiétudes nées des négociations agricoles sur le plan communautaire et international, négociations sur lesquelles les agriculteurs français savent ne pouvoir guère peser mais dont ils dépendent étroitement.
Face à ce sentiment d'impuissance, monsieur le ministre, vous vous battez pour offrir aux agriculteurs français des perspectives dans un contexte climatique exceptionnel dont on n'a pas fini d'évaluer les conséquences humaines et économiques. Avec un budget simplement reconduit, comment allez-vous répondre à leurs inquiétudes ?
Indemnisation de la sécheresse, mise en oeuvre des contrats d'agriculture durable, problèmes d'installation : tels sont les points que j'aborderai avant d'insister sur la nécessité d'assurer le respect du financement de la politique agricole commune jusqu'en 2013.
Monsieur le ministre, vous avez réagi rapidement face à la sécheresse. Aujourd'hui, il semble cependant que les montants et les conditions d'éligibilité soient perfectibles. Il apparaît en effet que les dispositifs « calamités » en place ne compensent que très partiellement la perte de production et que les critères d'éligibilité au fonds excluent trop d'exploitations. Ainsi, monsieur le ministre, envisagez-vous d'étendre l'éligibilité au fonds national de garantie des calamités agricoles aux exploitations céréalières ? Ces dernières représentent en effet 50 % des grandes exploitations du Gers, et l'impact économique de la sécheresse sur les exploitations agricoles gersoises, qui est évalué à 80 millions d'euros, est loin d'être compensé. Le fonds d'allégement de la charge financière des agriculteurs devrait être abondé en conséquence.
Je sais que le fonds Agridif et le FAC sont soumis aux règles communautaires et offrent moins de latitude qu'auparavant. De quelles marges de manoeuvre disposez-vous, monsieur le ministre ?
Je souhaite également souligner les difficultés accrues de trésorerie que rencontrent les éleveurs du fait de la sécheresse et de l'éligibilité à certaines aides. Pour prétendre à l'indemnité compensatoire aux handicaps naturels, il faut être à jour de cotisations sociales et retirer au moins 50 % de son revenu de l'activité agricole. La revalorisation à hauteur de 20 millions d'euros de l'ICHN constitue un signe fort pour les zones défavorisées, mais elle sera vraisemblablement peu efficace. Ainsi, chaque année, plusieurs dizaines de dossiers sont rejetés dans mon département. Les éleveurs ne sont pas toujours à jour de leurs cotisations, car ils n'en ont pas les moyens. Ils seront encore moins nombreux à pouvoir satisfaire à ce critère au moment où ils auront le plus besoin de cette aide. Comment pouvons-nous sortir de ce paradoxe ?
Vous avez recadré les dispositifs mal ou pas financés, monsieur le ministre, comme les contrats territoriaux d'exploitation. Votre circulaire du 10 octobre 2002 devait permettre de clarifier le traitement des dossiers selon la date à laquelle ils étaient signés, instruits ou simplement déposés.
L'augmentation de 50 millions d'euros de la dotation du CTE et du nouveau contrat d'agriculture durable permettra sans doute d'apurer en 2004 les dossiers qui ont déjà été acceptés. De nouveaux dossiers pourront-ils être financés ? Qu'adviendra-t-il des 300 dossiers en souffrance dans le département du Gers ? Vous avez réussi à recentrer un dispositif tout en conservant la démarche contractuelle, mais, au-delà, les agriculteurs souhaitent maintenant être rassurés sur la durabilité du financement des contrats d'agriculture durable.
Enfin, face à la baisse continue du nombre d'installations, vous renforcez la dotation aux jeunes agriculteurs qui, après avoir été étendue jusqu'à l'âge de trente-neuf ans, sera versée en une seule fois, et vous augmentez de 10 % le fonds d'incitation et de communication pour l'installation en agriculture, que vous avez créé en 2003. Au-delà de ces mesures fortes mais sans doute encore insuffisantes, envisagez-vous une réflexion globale sur l'installation ?
Sur le plan communautaire, vous avez mené à bien des négociations qui semblent offrir des perspectives solides à moyen terme : le plafond du budget de la PAC est fixé jusqu'en 2013 dans une Europe à vingt-cinq et combiné à une réforme de la PAC visant à rendre la position européenne plus tenable dans les négociations au sein de l'OMC.
Ce résultat est confronté à deux risques majeurs : celui de la dilution des crédits de la PAC à compter de 2007 dans une nouvelle rubrique « développement durable » bien plus large que la rubrique actuelle, et celui que les importantes dépenses agricoles prévues pour la Roumanie et la Bulgarie lors de leur adhésion soient prises sur cette enveloppe et non ajoutées. Monsieur le ministre, quelles actions allez-vous conduire auprès de vos homologues et de la Commission pour assurer le respect intégral de cet accord ?
Promouvoir une agriculture économiquement forte et écologiquement responsable, tel demeure votre objectif, monsieur le ministre, et nous le partageons. Aussi la majorité du groupe du Rassemblement démocratique et social européen votera-t-il votre budget, afin que vous puissiez poursuivre votre action en faveur des agriculteurs et du monde rural. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le ministre, avec un budget de moins de 5 milliards d'euros, vous présentez aux agriculteurs de notre pays un soutien de l'Etat qui n'évolue pas, voire qui régresse de 4 % environ, si l'on tient compte de la prise en charge du service public de l'équarrissage par la filière viande au risque de l'affaiblir, ainsi que de la disparition de la dotation transitoire à l'ADAR, la nouvelle Agence du développement agricole et rural.
L'agriculture n'est visiblement par la priorité du Gouvernement.
M. André Lejeune. Malheureusement !
M. Jean-Marc Pastor. Comme ne manque pas de le souligner l'APCA, l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, c'est un budget « répondant à l'urgence du court terme, sans marges pour conduire des actions nouvelles (...), un budget conduisant à se priver de tout outil d'orientation au niveau national ». Il n'y a pas de quoi pavoiser ni dissiper le doute qu'éprouvent de nombreux agriculteurs, notamment les plus jeunes d'entre eux, en ce qui concerne leur avenir.
J'évoquerai rapidement quelques caractéristiques de ce budget avant de laisser la parole à mes collègues qui en développeront les différents aspects, qu'il s'agisse de la pêche, plutôt raisonnable, dirais-je, du BAPSA, des offices interprofessionnels ou encore des contrats d'agriculture durable.
Le budget de l'agriculture ne reflète pas les moyens qui sont réellement dévolus à l'agriculture en raison, d'une part, des autres concours publics provenant de l'Europe et des collectivités locales et, d'autre part, des reports et annulations de crédits fréquemment utilisés par le Gouvernement en cours d'année. Cependant, il reste un outil d'impulsion.
En premier lieu, l'impulsion pour 2004 semble concerner les indemnités compensatoires de handicap, qui progressent mais demeurent cependant insuffisantes pour arrêter l'hémorragie des effectifs d'éleveurs dans les petites exploitations de montagne.
En deuxième lieu, certes, la dotation aux jeunes agriculteurs sera versée en une seule fois après le dernier semestre de 2004. Cependant, le fonds d'incitation et de communication pour l'installation en agriculture que vous avez créé l'an dernier n'a pas encore fait la preuve de son efficacité, loin de là.
Il faut se préoccuper de ceux qui veulent s'installer hors du cadre familial et hors DJA. Quelles assurances pouvez-vous nous apporter à ce sujet, monsieur le ministre ? La mission sénatoriale conduite par notre collègue Jean-Paul Emorine sur l'avenir de l'élevage vous avait fait des suggestions l'an dernier. Quelles suites leur avez-vous accordées, notamment sur les pistes concernant le long terme ?
Quant à la dotation pour les CTE que vous avez choisi de suspendre et de transformer en CAD, elle correspond à un effet d'affichage, car l'essentiel des crédits sera affecté aux CTE en cours. Il faudra vous hâter, monsieur le ministre, de signer des CAD et de fixer des objectifs quantitatifs afin de faire de 2004 une année réussie en la matière, car, pour le moment, il n'y a rien de nouveau !
En dehors de ces priorités, plusieurs actions préoccupent la profession. Je ne fais que rapporter ce qu'elle constate : la baisse de 2 % de la dotation aux offices succède à une diminution de 15 % en 2003, ce qui remet en cause les politiques des interprofessions en matière de qualité, de sécurité sanitaire et de renforcement de l'organisation économique, pourtant nécessaires à notre pays.
La diminution de 42 % des crédits Agridif n'est pas non plus un signe rassurant quand nous savons dans quel état de précarité se trouvent certains professionnels, précarité encore aggravée par la sécheresse de l'été dernier. Du reste, comment comprendre la diminution simultanée des crédits destinés à l'hydraulique dans un tel contexte ?
Je tiens également à mentionner l'absence de ligne de force en ce qui concerne le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le PMPOA, alors que les questions d'environnement sont devenues des sujets de société. La chute des crédits de paiement de plus de 50 % est en contradiction avec les efforts accomplis par ailleurs par les collectivités locales en matière de lutte contre les pollutions.
Monsieur le ministre, vous le dites vous-même, le budget de l'agriculture est à comparer aux dépenses agricoles de l'Union européenne bénéficiant à la France, qui sont de l'ordre de 10 milliards d'euros et représentent 36 % des moyens mobilisés pour le secteur agricole. C'est dire que la dimension communautaire est incontournable.
Or, souvenez-vous, monsieur le ministre, vous avez signé ce qu'il convient d'appeler « le compromis de Luxembourg ». A notre sens, il fallait en effet se lancer dans un véritable chantier d'adaptation afin de donner des perspectives à notre agriculture dans une Europe élargie et dans un monde en mutation où les échanges commerciaux ont pris une importance singulière. Malheureusement, il n'en est rien. On piétine, et nos agriculteurs disparaissent.
Comment parler de développement rural au moment où le Gouvernement fait par exemple le choix d'abandonner la forêt ? L'accord de Berlin, en 1999, fixait, dans le cadre de l'Agenda 2000, ce qui s'est apparenté non seulement à une réponse au Fair Act américain, mais aussi à une reconfiguration qui permettait à notre pays de tirer son épingle du jeu et de définir une orientation de production vers moins de quantité, en concordance avec la loi d'orientation agricole.
L'Agenda 2000 avait prévu une clause de rendez-vous que la Commission a voulu respecter en prenant l'initiative d'une révision à mi-parcours de la PAC.
L'avenir serait au découplage, selon M. Fischler. Ce découplage, qui a fait couler beaucoup d'encre, est décrit précisément dans le rapport de notre excellent collègue Gérard César, qui concluait en avril dernier au rejet de la réforme proposée par la Commission, précisément en raison des risques de découplage. Toutefois, ce rapport nous préparait à un découplage partiel qui a d'ailleurs fait son chemin puisque le compromis a été accepté sur cette base.
Il est a priori un système incitatif pour la multifonctionnalité de l'agriculture, qui implique adéquation des moyens et renforcement d'actions de développement rural.
Il reste que ce découplage partiel auquel, semble-t-il, vous vous êtes finalement résolu, monsieur le ministre, même s'il propose le choix d'une PAC assise sur un meilleur soutien au développement rural, demeure une option encore trop difficile à jauger. Son caractère partiel ne va-t-il pas compliquer très fortement sa mise en oeuvre, et n'est-ce pas là une étape temporaire ? La répartition des fonds entre exploitations et entre régions va-t-elle être rééquilibrée dans le sens d'une plus grande équité ? Les multiples options permises aux Etats membres ne vont-elles pas effacer progressivement la nature commune de la politique agricole européenne, première politique intégrée de l'Europe des Six ?
M. André Lejeune. Bonne question !
M. Jean-Marc Pastor. Enfin, le découplage ne risque-t-il pas d'engendrer une spéculation foncière, en raison de l'instauration de droits à l'hectare transférables ?
La loi de modernisation agricole que vous projetez aura pour objet de prévoir l'application de la nouvelle PAC, et notamment l'année de mise en oeuvre. Elle est à venir.
Pour ce qui est du budget, il ne prépare en rien cette mutation de la PAC qui a été validée et n'offre pas de perspectives ni dans ses orientations ni dans le niveau de ses crédits. Le groupe socialiste, monsieur le ministre, n'est pas en mesure de le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. Gérard Le Cam applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage. Monsieur le ministre, en cette période où la croissance nous fait cruellement défaut, le budget en discussion est forcément difficile mais, pour ce qui est de l'agriculture, vous maintenez les crédits à périmètre constant.
Vous avez eu à prendre en charge l'année dernière, et vous les subissez encore, les ardoises non gagées que vous a laissées le gouvernement précédent : retraites complémentaires votées, mais non financées, conséquences des 35 heures, CTE, entre autres.
Dans ce contexte, votre budget fait tout de même face à l'essentiel. Je le voterai, d'autant plus que vous vous battez avec énergie et efficacité pour défendre notre agriculture et nos agriculteurs au niveau tant national qu'européen, voire mondial.
Je voudrais attirer votre attention sur deux points : le financement des calamités agricoles et les offices. En outre, je vous poserai deux questions.
Tout d'abord, concernant le financement des calamités, 2003 a été une année « exemplaire », si vous me permettez l'expression, monsieur le ministre, en matière de calamités agricoles. Rien ne nous a été épargné, rien ne vous a été épargné : gel, sécheresse, orages, voire incendies.
Je suis bien conscient, monsieur le ministre, que, grâce à vos efforts et à votre savoir-faire, des moyens vont être débloqués dans la loi de finances rectificative, et je vous en suis très reconnaissant. (M. Bernard Piras s'esclaffe.) D'autant que, si toute la France a été touchée par la canicule et la sécheresse, près de la moitié de mon département, le Lot-et-Garonne, a été douloureusement frappée par un très violent orage.
Les arboriculteurs, en particulier, ont été durement touchés, certains ayant perdu la quasi-totalité de leur verger. En tant que maire d'une commune qui s'est trouvée au coeur de l'orage, je tiens à vous remercier, ainsi que vos collaborateurs, pour votre écoute et votre action en faveur des sinistrés.
Permettez-moi de regretter néanmoins que 130 millions d'euros aient été prélevés l'année dernière sur le fonds national de garantie des calamités agricoles. Si ce prélèvement n'avait pas eu lieu, il vous aurait été certainement plus facile d'indemniser rapidement et efficacement les agriculteurs.
Les bouleversements climatiques que nous avons connus ne sont malheureusement pas des phénomènes isolés et seront, je le crains, amenés à se reproduire. A l'avenir, et pour faire face à de telles situations, il nous faut mettre en place rapidement un système d'« assurance récolte ». Je sais que, comme les agriculteurs, vous y êtes favorable, et vous l'avez d'ailleurs rappelé voilà quelques jours à l'Assemblée nationale.
Monsieur le ministre, vous préparez une loi de modernisation de l'agriculture ; ce mécanisme d'« assurance récolte » doit absolument y figurer. Il devrait prendre en compte les pertes annuelles, ainsi que les perte de fond. Cela permettrait de responsabiliser les agriculteurs et d'aller au-delà de la logique d'indemnisation.
Je souhaite ensuite vous alerter sur le financement des offices.
Nous arrivons au terme d'un travail de réflexion sur les offices. Un rapport de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale de l'agriculture vient de paraître ; il met en relief certains dysfonctionnements. Le système doit être amélioré, certes, mais, aujourd'hui encore, ces offices sont les seuls outils à notre disposition. Les dépenses de fonctionnement étant incompressibles, toute baisse de crédits entraîne une baisse importante des crédits d'intervention.
Je suis particulièrement inquiet, et mes craintes sont partagées, devant la baisse renouvelée, qui vient s'ajouter à la baisse des crédits aux offices, baisse déjà subie l'année dernière.
M. Jean-Marc Pastor. C'est scandaleux !
M. Daniel Soulage. Il ne faut pas minimiser le rôle qu'ils jouent dans l'organisation des marchés et en matière de sécurité sanitaire, de recherche et de promotion.
Or la dotation aux offices baisse à nouveau de 2,33 %. Même si nous sommes en période de restructuration et de réforme de ces offices, cette politique va mettre en péril l'adaptation de la production aux débouchés, l'organisation des filières et la démarche « qualité ».
A titre d'exemple, monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les conséquences de cette réduction des crédits pour l'Aquitaine, s'agissant d'un office que je connais bien, l'ONIFLHOR, l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture.
Tout d'abord, il faut bien reconnaître que l'Etat se désengage à l'échelon tant national que régional. Les crédits « avenant tempête » de 1999, en Aquitaine, ont été gelés. Cela a des conséquences pour la filière des fruits et légumes. L'expérimentation, dans des structures telles que le centre interrégional d'expérimentation arboricole, le CIREA, le centre interrégional d'expérimentation de la fraise, le CIREF, et l'association interrégionale d'expérimentation légumière, l'AIREL, est actuellement en danger. Le financement des dépenses d'équipement n'est plus assuré, par exemple s'agissant des crédits concernant les serres.
Face à cette diminution du soutien public, les producteurs doivent également subir la concurrence de produits venant de pays utilisant largement les fonds structurels européens - je pense, notamment, à l'Espagne -, ce qui les fragilise encore plus.
Notre secteur des fruits et légumes connaît des difficultés : il faut, je pense, monsieur le ministre, abonder ses crédits avec des financements nationaux ou européens. Par ailleurs, il faut aussi que votre projet européen de « gestion de crise » puisse s'appliquer rapidement aux fruits et légumes.
Permettez-moi maintenant deux questions, monsieur le ministre.
Le développement de biocarburants peut être une chance pour l'agriculture européenne, tout particulièrement pour l'agriculture française, ainsi que pour notre balance commerciale et notre indépendance énergétique. C'est également une nécessité pour conserver notre environnement et limiter la pollution. En ce domaine, quelles initiatives comptez-vous prendre, monsieur le ministre, pour que la France puisse prendre la part qui lui revient ?
S'agissant d'une question plus locale, la production tabacole est gravement menacée. Vous avez rassuré les producteurs à l'occasion de leur congrès. De très nombreuses familles sont concernées par cette production. J'ai déjà eu l'occasion de vous en faire part il y a quelques semaines, dans cet hémicycle, à l'occasion du débat sur l'OMC. Monsieur le ministre, quelle sera votre politique à leur égard ?
Je vous remercie d'avance des réponses que vous voudrez bien nous apporter. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Je tiens tout d'abord, monsieur le ministre, à souligner que vous présentez un budget courageux dans un contexte budgétaire difficile, marqué par un taux de croissance qui ne nous donne malheureusement aucune marge de manoeuvre financière.
Je veux également vous dire combien j'apprécie l'engagement et la pugnacité que vous manifestez en faveur de nos agriculteurs et de nos territoires ruraux, notamment lors des discussions internationales telles que celles de Cancùn, où j'ai eu le plaisir de vous rencontrer.
Je sais l'attention toute particulière que vous portez aux nombreuses préoccupations exprimées par le monde agricole face aux multiples enjeux qui s'annoncent à l'échelon tant européen que mondial.
Au niveau européen, les conditions d'entrée en vigeur de la réforme de la PAC, décidée par l'accord de Luxembourg du 26 juin dernier, sont présentes dans tous les esprits. Il n'y a pas lieu de regretter cette réforme. Je tiens à saluer la prospective et le courage politique des uns et des autres en ce domaine, et je n'ignore pas les efforts que cet accord induit pour nos agriculteurs.
Toutefois, il est indispensable de bien définir certaines modalités et, suite à la position des Etats-Unis au travers du Farm Bill, il ne me semblerait pas irrationnel de « recoupler » le maximum d'aides, ce qui aurait un triple mérite, à la fois celui de mettre nos agriculteurs dans les mêmes conditions de concurrence économique que les farmers sur le marché agricole mondial, d'encourager les agriculteurs dans leur fonction première - produire des biens de consommation - et, enfin, de fixer sur le territoire les outils de transformation, source de main-d'oeuvre et élément fondamental de la politique d'aménagement du territoire.
Je souhaite, par ailleurs, que la simplification administrative et la rationalisation de certaines filières soit une règle absolue. Pourrez-vous nous préciser votre position, monsieur le ministre, sur ce sujet et nous dire quel sera précisément le calendrier envisagé ?
Toujours dans le cadre de la réforme de la PAC, je souhaiterais souligner que les producteurs de légumes s'inquiètent d'un effet pervers sur leur activité : les céréaliers pourraient être, en effet, tentés d'utiliser les subventions liées au découplage pour se diversifier dans la filière légumière.
Je sais que vous avez déjà pris conscience de ce risque, et je tiens d'ailleurs à vous féliciter d'avoir su éviter cette possibilité en France et d'avoir prévu deux clefs de sécurité pour l'Allemagne, lors du dernier Conseil européen, à Bruxelles, en intégrant les notions de « régionalisation » et de « quotas ».
Cependant, je m'interroge pour savoir si ces dispositions seront suffisantes. Et je vous avoue que les producteurs aimeraient être davantage rassurés.
Au niveau mondial, les dernières négociations dans le cadre de l'OMC ont rappelé à chacun, s'il en était encore besoin, toute la difficulté d'accorder des intérêts divergents.
Je regrette notamment que les pays en voie de développement, sensibles à certaines contrevérités, n'aient pas suffisamment conscience du souci de l'Europe et de la France, en particulier, de les accompagner dans leur avenir.
Sur le plan purement agricole, j'estime que l'accord qui avait été passé en août dernier entre l'Union européenne et les Etats-Unis était important, sur la forme, pour relancer le débat dans le cadre de l'OMC. Malheureusement, les conséquences, sur le fond, sont bien plus néfastes, car cet accord, à mon avis, « sanctuarise », en fait, la politique agricole américaine.
Dans le contexte de l'échec de la « négociation » de Caucún, j'estime qu'il faudra revenir sur cet accord, car il maintient une distorsion de concurrence entre l'Union européenne et les Etats-Unis. De même, il faudra sans cesse rappeler les efforts faits par l'Union européenne au travers de la réforme de la PAC du 26 juin dernier. Celle-ci doit être intégrée impérativement comme socle de base de toute future négociation agricole.
Ainsi, compte tenu de ces enjeux, il me semble absolument nécessaire de permettre à nos agriculteurs de mieux valoriser leur production. Je crois qu'un renforcement de la démarche de qualité et de certification, notamment au travers du renforcement des IGP, les indications géographiques protégées, et des AOC, les appellations d'origine contrôlées, est en mesure de participer à cette recherche de différenciation si cruciale au niveau mondial afin de préserver la spécificité et l'attractivité de nos produits.
Notre agriculture doit pouvoir gagner en lisibilité et en rationalisation. Pour l'y aider, il me semble indispensable de renforcer le rôle des organisations de producteurs et des coopératives. Pourquoi ne pas imaginer la valorisation des produits autour d'une marque unique par filière, ainsi que le propose la Coopération agricole française ? Aujourd'hui encore, plus que jamais, le temps est à l'union, à l'organisation et à « l'initiative collective » des exploitants face à la grande distribution.
Je souhaite également souligner l'importance de la valorisation de la recherche et de la prospective, seules capables de préserver la compétitivité de nos produits sur le marché mondial. Vous me permettrez, sur ce point précis, de m'interroger et de vous interroger, monsieur le ministre, même si cela concerne le projet de loi de finances rectificative pour 2003, sur certaines ponctions budgétaires opérées au niveau des offices, et sur ARVALIS-Institut du végétal, qui avait provisionné des sommes importantes pour de futurs programmes de recherche.
De même, je souhaiterais que vous puissiez maintenir les crédits nécessaires aux instituts et aux centres techniques agricoles. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous préciser les interactions entre ces instituts et l'ADAR, l'Agence du développement agricole et rural ?
Permettez-moi également d'attirer votre attention sur la réforme du service public de l'équarissage, imposée par la réglementation européenne.
Les éleveurs craignent que la nouvelle taxe qui doit s'appliquer au niveau de l'abattage ne soit reportée sur eux. Je vous remercie de nous confirmer la possibilité de l'inscrire en pied de facture, afin de régler le problème, tout en remarquant cependant que rien n'est prévu jusqu'à ce jour pour les éleveurs porcins.
Toujours dans la perspective d'une meilleure valorisation des produits agricoles, je regrette que ne soit pas lancé dans ce projet de budget un signal fort en faveur des biocarburants. Il faudrait notamment remonter la défiscalisation au niveau qui avait permis de lancer la filière. Je ne doute pas que vous saurez, dans un arbitrage avec Bercy, être la voix des agriculteurs, notamment de ceux du nord de la France.
Pour conclure, j'évoquerai le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, qui suscite beaucoup d'espoir dans le monde agricole. Je souhaite que ce soit réellement l'occasion de débattre de l'avenir de nos agriculteurs et de leur redonner toute leur place dans la société.
Confiant dans l'attention que vous leur portez et dans votre souhait de préserver le dynamisme de notre agriculture et l'équilibre de nos territoires, je vous confirme que je voterai votre budget, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la pêche française pour 2004 est toujours pris dans les mailles du filet de la politique communautaire de la pêche, la PCP, mais, contrairement au filet de pêche qui permet aux plus petits de s'en tirer, ici, ce sont les plus gros navires, ceux des grands groupes de la distribution et quelques autres, qui vont le mieux s'en sortir.
Le chiffre d'affaires et les tonnages débarqués masquent souvent la réalité du vieillissement de la flottille et du tassement des apports de la petite pêche côtière.
Les plans successifs de casse des bateaux conduits par Bruxelles ont accéléré ce déséquilibre préjudiciable à l'équilibre social, humain et économique de nos côtes. Plus encore, toute une culture et un patrimoine vont disparaître et venir ajouter au « déménagement du territoire ».
Quelles perspectives pour les jeunes, et donc pour la profession de marin, quand l'horizon se bouche en raison de la fin des aides à la modernisation et à la construction de bateaux, en raison d'une politique chaotique et arbitraire de gestion des ressources halieutiques, à cause de contrôles administratifs tatillons et en raison de l'insuffisance des revenus qu'ils parviennent à tirer de leur activité ?
Considérons, tout d'abord, la question de la fin des aides nationales à la modernisation et à la construction de bateaux décidée par Bruxelles : c'est bien la France qui va le plus en pâtir, de par son niveau d'intervention actuel ; c'est bien la pêche artisanale, faute de disposer des capitaux et des crédits nécessaires, qui va être déstructurée.
Prenons ensuite la question centrale du devenir de la pêche française, celle des ressources halieutiques, des totaux autorisés de captures, les TAC, et des quotas imposés par Bruxelles.
Les évaluations scientifiques qui servent de prétexte à Bruxelles sont contestées par les pêcheurs et, parfois même, contredites par les résultats obtenus. L'Académie des sciences, dans son avis, ne cite qu'un seul véritable exemple positif de gestion de la ressource, celui de la coquille Saint-Jacques en baie de Saint-Brieuc, exemple que notre groupe avait déjà mis en exergue lors du débat budgétaire pour 2003. Les pêcheurs sont volontaires pour gérer la ressource, mais ils ne sont pas suicidaires !
Il convient donc de donner tous les moyens nécessaires au code de bonne conduite que vous avez signé à la fin du mois d'octobre, monsieur le ministre, avec l'IFREMER, l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, et le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins.
Le 10 décembre prochain, la pêche manifestera à Anvers pour ses quotas et sa survie. En effet, les plans de restauration du merlu, du cabillaud, de la sole du golfe de Gascogne, de la plie de mer du Nord, et la réduction de moitié des captures des espèces associées condamnent 60 % de la pêche européenne, d'après le Comité national des pêches. Autre effet pervers, qui vient s'ajouter aux réductions brutales de captures, les pêcheurs se rabattent sur d'autres espèces qui se vendent mal et pour lesquelles les cours sont très peu rémunérateurs.
Depuis de nombreuses années, notre groupe évoque le scandale de la pêche minotière des pays du nord de l'Europe. Une réduction drastique de cette pêche contribuerait à l'amélioration des ressouces et à une moindre pollution par les élevages aquacoles.
Je voudrais signaler également les prélèvements importants des prédateurs - 15 000 tonnes de cabillaud consommées par les phoques en mer du Nord, à titre d'exemple - ou, encore, les évolutions climatiques qui déplacent les espèces et, enfin, les extractions de granulats qui dégradent le milieu.
Nous contestons non pas l'arrivée des dix nouveaux membres dans l'Europe demain à vingt-cinq, mais bien sa future constitution, qui inquiète le monde de la pêche.
En effet, la minorité de blocage du groupe des amis de la pêche - la France, l'Italie, la Grèce, le Portugal, l'Espagne et l'Irlande - sera, demain, à la merci de la défection de l'un de ses membres : 116 voix sur 321 dans l'Europe à vingt-cinq, au lieu de 41 voix sur 87. Demain, les décisions risquent d'affaiblir l'influence des professionnels au profit de marchandages ministériels.
Comme vous pouvez le constater, monsieur le ministre, nous avons préféré vous parler de la pêche, des hommes, de leur avenir, de l'aménagement du territoire, plutôt que d'évoquer les chiffres du budget consacré à la pêche française, tant le poids des décisions de Bruxelles est ici important.
Monsieur le ministre, tout en reconnaissant vos combats en faveur de la pêche française, nous ne pouvons que constater qu'ils sont quasiment anéantis par votre soutien à l'Europe libérale. Nous souhaitons, à ce titre, vous renouveler notre proposition, avancée l'an passé, à savoir sortir la pêche artisanale, côtière et hauturière des pouvoirs décisionnels de Bruxelles et confier la gestion dans la bande des douze milles marins aux niveaux national, régional et local.
Ce budget, dans le contexte européen actuel, ne répond pas aux enjeux et aux inquiétudes justifiées du monde de la pêche. Nous craignons que les négociations qui se tiendront du 16 au 19 décembre ne viennent encore assombrir le ciel marin.
J'en viens maintenant au BAPSA pour 2004, marqué, d'une part, par la réforme à venir, c'est-à-dire par sa transformation en fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, qui répond aux exigences de la loi organique relative aux lois de finances de 2001, et, d'autre part, par la mensualisation des retraites à compter de janvier 2004.
Ce débat relatif aux prestations agricoles intervient seulement quelques mois après la réforme des retraites, qui a également frappé le monde agricole en portant la durée de cotisation à quarante-deux années à compter de 2008.
Les nouveaux modes de financement du BAPSA appellent quelques remarques.
Tout d'abord, l'Etat s'empresse de se désengager de la subvention d'équilibre, ce qui n'est pas de bon augure pour les années à venir, quand feu le BAPSA sera géré par un établissement public administratif spécifique.
La suppression des 0,7 % du produit de la TVA, qui sont remplacés notamment par 50 % du produit de la taxe de consommation sur les tabacs, pose un double problème.
Premièrement, le produit attendu risque fort de ne pas être à la hauteur des froids calculs des ordinateurs de Bercy, compte tenu de la baisse des ventes en France et du trafic illégal qui explose.
Deuxièmement, il me paraît peu logique et tout à fait immoral de gager les retraites agricoles sur la consommation de tabac que tout le monde souhaite voir diminuer sensiblement. Ce rideau de fumée - fumée de tabac bien évidemment - cache toutes les misères d'un mode de financement des retraites agricoles qui, en réalité, devrait reposer, d'une part, sur des revenus substantiels assurant aux agriculteurs eux-mêmes une meilleure qualité de vie en même temps qu'une meilleure capacité contributive et, d'autre part, sur la nécessaire mise à contribution de l'agrobusiness et de la grande distribution, qui réalisent des bénéfices gigantesques sur le dos des producteurs. Naturellement, la solidarité nationale doit continuer de s'exercer envers un régime en grand déséquilibre dans son rapport entre les actifs et les retraités.
L'augmentation de la cotisation minimum de solidarité et le passage de l'assiette minimum des cotisations d'assurance vieillesse de 400 fois à 600 fois le SMIC horaire vont pénaliser lourdement les exploitants modestes à bas revenus. Lors du débat sur la retraite complémentaire obligatoire, notre groupe avait déjà tenté d'introduire une dose de solidarité intraprofessionnelle entre exploitants à hauts revenus et exploitants modestes.
Ce projet de budget, intervenant à l'issue d'une année difficile marquée par les inondations, le gel, la sécheresse et la canicule, aurait dû tenir compte de ces éléments, qui vont lourdement pénaliser les revenus agricoles : d'un côté, 500 millions d'euros d'aides ; de l'autre, des dégâts estimés à 4 milliards d'euros : le compte n'y est pas.
La profession est déjà suffisamment mise à l'épreuve par la chute des cours des produits agricoles, qui devient chronique. Aussi, un abondement significatif de la ligne Agridif aurait permis de lui adresser un message positif. Le retour de cette ligne à son niveau de 2002 ne suffira manifestement pas.
La mensualisation des retraites, tant attendue, va contribuer à rapprocher le régime agricole du régime général sur la forme, à défaut de les rapprocher sur les fonds.
Si l'urgence est bien de revaloriser encore les retraites des conjoints et aides familiaux et de mettre en place une retraite complémentaire, ne perdons pas de vue qu'une revalorisation générale est nécessaire.
M. le rapporteur spécial répète à l'envi, dans son rapport, que le BAPSA se situe dans un contexte économique et budgétaire difficile. La faute à qui, sinon aux critères du pacte de stabilité, qui compriment les salaires en permanence, et à la politique du Gouvernement, qui favorise les plus aisés en baissant leurs impôts ?
La mort du BAPSA en tant que tel et sa transformation en FFIPSA vont éloigner le Parlement de sa gestion, et « il n'y aura donc plus de discussions sur le régime social agricole dans le cadre de la discussion budgétaire ». Je vous cite, monsieur le rapporteur, et je trouve regrettables ces dispositions à caractère antidémocratique. Les sénateurs, souvent très proches de la ruralité, n'acceptent pas que les prestations sociales agricoles soient mises à l'écart du regard politique.
Le BAPSA d'aujourd'hui, le FFIPSA de demain, méritent des perspectives de financement plus importantes et mieux adaptées à la réalité agricole. Les agricultrices et les agriculteurs sont souvent meurtris quand ils parlent de leur retraite de misère et considèrent que la nation ne reconnaît pas les efforts qu'ils ont fournis tout au long de leur vie. Et je m'interroge, monsieur le ministre : quel est celui qui a été le plus utile à la société ? Celui qui a travaillé toute sa vie et n'a que sa modeste retraite pour survivre, ou bien celui qui, ayant très bien réussi, peut compter sur ses revenus financiers et immobiliers ? Je pense que vous connaissez la réponse que j'apporte à cette question !
Vous comprendrez dès lors que nous ne pourrons pas voter ces deux budgets. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Henri de Raincourt. C'est désolant !
M. le président. La parole est à M. Bernard Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien que cela ait déjà été dit, mais l'oreille ne se lasse pas des propos agréables, ce projet de budget, votre projet de budget, monsieur le ministre, est satisfaisant dans le contexte actuel. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP. - Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Piras. Ne rêvez pas, monsieur Joly !
M. Bernard Joly. A structure constante, les crédits sont stables. Il faut rappeler que, avec près de 5 millions d'euros, ce budget fournit un sixième environ de l'ensemble des concours publics nationaux et communautaires à l'agriculture. Si l'on considère les contraintes qui pèsent sur l'équilibre des finances publiques, la préservation de l'enveloppe annuelle traduit la priorité accordée à un secteur éprouvé, même si certaines attentes ne sont pas honorées en totalité.
La période de sécheresse exceptionnelle que le pays vient de vivre a mis en exergue les limites que présente le fonds des calamités. Certes, la réponse du Gouvernement face au sinistre a été rapide : 100 millions d'euros ont été mobilisés sur le fonds pour pouvoir procéder au paiement des avances. Toutefois, les montants dégagés n'atteignent pas la parité que l'Etat aurait dû assurer depuis dix ans. Les mesures destinées aux agriculteurs en difficulté doivent être pérennisées d'une façon ou d'une autre, afin d'éviter le traitement par des apports budgétaires au coup par coup.
Il faut réfléchir à la prévention et à la gestion des risques en agriculture, peut-être par un mécanisme d'assurance récoltes que certains pays ont déjà mis en place, car, au-delà des aides immédiates, il nous faut analyser la sortie de crise et l'acheminement difficile de la paille et du fourrage par des transports hypothétiques. Un soutien logistique est requis.
Monsieur le ministre, le fonds d'allégement des charges sera-t-il suffisant pour répondre aux demandes, alors que, cette année, ses crédits enregistrent une diminution qui s'ajoute au repli de la ligne consacrée à l'allégement des cotisations sociales sur le BAPSA ? De plus, le dispositif Agridif, qui présente des rigidités peu compatibles avec la réalité des difficultés, s'il a été notifié à Bruxelles, n'a pas encore été validé par la Commission.
Du fait de la réforme du service public d'équarrissage, la taxe sur l'abattage, qui sera affectée au Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, remplace la taxe sur les achats des viandes qui était prélevée sur certains bouchers et sur les grandes surfaces. Le financement public ne sera donc plus assuré par le ministère de l'agriculture, et ce pour des raisons communautaires. Les éleveurs disent leur inquiétude d'avoir à supporter seuls le poids de cette taxe.
M. Bernard Piras. C'est mieux, monsieur Joly ! Encore un effort !
M. Bernard Joly. Il faudra trouver un mécanisme qui la répartira de façon équitable sur l'ensemble de la filière.
Toute réforme suscite des interrogations, mais certaines évolutions apportent de nettes améliorations ; on peut citer la prime à l'herbe, devenue la prime herbagère à l'agriculture environnementale, qui a été revalorisée de 70 % et qui a vu le nombre de ses bénéficiaires augmenter notablement.
En matière d'élevage, également, on constate des difficultés dans le démarrage du programme de maîtrise des pollutions d'origine animale : seulement 1 % des producteurs concernés ont réalisé les investissements nécessaires. Il faut souligner que les normes imposées sont d'une rigueur supérieure à ce que préconisent les chercheurs et le monde scientifique. Quelles sont, monsieur le ministre, les raisons de cet alourdissement, qui suppose également des financements plus importants ? Cela explique peut-être la lenteur de la mise en conformité !
Pour l'avenir, si l'on veut que les agriculteurs continuent de représenter 5 % de l'ensemble de la popualtion, il est indispensable d'encourager significativement les installations. Le paiement en une seule fois de la dotation aux jeunes prenant une exploitation mérite d'être souligné, car il va dans ce sens. Ce versement groupé leur permet en effet de faire face plus aisément aux lourds investissements des débuts.
Il est bon de souligner le maintien de la réactivation du fonds d'incitation et de communication pour l'installation en agriculture, entamée en 2003, et ce à hauteur de 10 millions d'euros.
La dotation pour les CTE et les CAD augmente cette année de 27 %, après le fort réajustement de 50 % en 2003. Ce salutaire effort ne permettra-t-il de financer que les CTE signés, comme on l'entend dire, monsieur le ministre, ou bien permettra-t-il aussi de conclure des CDA ?
La session budgétaire de la chambre d'agriculture de Franche-Comté qui vient de se tenir a certes dressé un état des lieux et mesuré les effets de la sécheresse, qui se feront sentir encore longtemps ; mais, dans un contexte marqué par la réforme de la PAC, elle a « milité » pour une nouvelle approche de la production, affirmant qu'il fallait aller vers une agriculture compétitive passant, notamment, par le développement du biologique. Celui-ci peut en effet ouvrir de nouveaux marchés et avoir d'excellentes retombées sur l'image de marque globale. Le projet d'écoconditionnalité des aides européennes ainsi que la qualification économique, sociale et environnementale des exploitations à travers l'agriculture raisonnée contribueront à l'amélioration de l'image.
C'est également ce pari d'écocertification qu'ont fait les communes forestières. Depuis un peu plus de dix ans, la Haute-Saône a largement adopté cette démarche. Néanmoins, l'activité forestière, qui n'est pas encore complètement remise des conséquences de la tempête de 1999, subit les effets d'un marché morne, alourdi par les aléas climatiques de l'été. Il est donc particulièrement apprécié, monsieur le ministre que, par le biais de la loi de finances rectificative pour 2003, vous ayez rétabli le niveau du versement compensateur, qui avait subi une baisse de 20 millions d'euros dans le projet de loi de finances initiale pour 2004.
Voilà six mois, monsieur le ministre, vous a été remis un rapport parlementaire dressant un bilan détaillé de la filière bois et présentant des propositions pour assurer le développement de l'emploi du bois, de la forêt et des activités de la filière. A cet égard, le dernier comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, le CIADT, a intégré la politique territoriale fondée sur des chartes et des schémas stratégiques de massifs, qui, eux, sont en nombre encore trop limité et qu'il faudra donc développer.
S'agissant de l'emploi du bois dans la construction, il me semble qu'une politique nationale d'encouragement pourrait donner un essor à l'utilisation de ce matériau. Envisagez-vous, monsieur le ministre, des mesures d'incitation dans cette direction ?
Par ailleurs, toujours lors du dernier CIADT, il a été question de la remise au Parlement d'un rapport gouvernemental sur l'assurance forestière. Peut-on l'espérer prochainement ?
Ma dernière question fait suite à l'appel que j'ai reçu ce matin d'un responsable agricole de mon département. Il était quelque peu en émoi : Bercy s'apprêterait à prélever 177 millions d'euros sur les réserves constituées par quatre organismes agricoles alimentés, pour majeure partie, par les taxes parafiscales des céréaliers, réserves destinées à la recherche. Les fonds ainsi prélevés seraient affectés au BAPSA, et ce transfert interviendrait au moment où est supprimée l'alimentation de ces organismes par les taxes au profit de cotisations volontaires, et ce afin de respecter les directives européennes. Pourriez-vous, monsieur le ministre, préciser ce qu'il en est exactement ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Guy Fischer.)
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, le 2 décembre 2003, en application de l'article 61, alinéa 2 de la Constitution, par plus de soixante députés, d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.
Acte est donné de cette communication.
Le texte de cette saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
LOI DE FINANCES POUR 2004
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2004, adopté par l'Assemblée nationale.
Agriculture, alimentation,
pêche et affaires rurales (suite)
Budget annexe des prestations
M. le président. Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, et le budget annexe des prestations sociales agricoles.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. André Lejeune.
M. André Lejeune. Monsieur le ministre, l'an dernier, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2003, la grande nouveauté que vous nous annonciez était la mise en place des contrats d'agriculture durable, les CAD, destinés à remplacer les contrats territoriaux d'exploi-tation, les CTE, que vous aviez décidé de suspendre en juin 2002.
Le bilan des CTE se révèle pourtant largement positif.
Ils ont été un succès en matière de créations d'emplois, d'accroissement de la valeur ajoutée produite sur les exploitations et de respect de l'environnement.
A la date de suppression du dispositif, 49 368 contrats avaient été conclus et, entre octobre 2002 et juillet 2003, le Gouvernement a été contraint d'en signer plus de 5 500, ce qui témoigne de l'adhésion des agriculteurs à cette démarche.
Or vous avez cassé cette dynamique et, sans chercher comment améliorer le dispositif, décidé de mettre en place les contrats d'agriculture durable.
Un an après cet effet d'annonce, nous ne sommes pas en mesure de dresser un premier bilan puisque aucun CAD n'a encore été signé. En effet, le décret n'a été publié qu'en juillet 2003 et la circulaire, le 30 octobre dernier. Les CAD sont donc pour l'instant inexistants.
Compte tenu de la fixation des deux dates d'engagement et de paiement en mai et en septembre de chaque année, à la différence des CTE, qui étaient signés et payés en flux continu, le premier paiement des CAD interviendra au plus tôt en mai 2004. Comment allez-vous les financer ?
Dans le projet de budget que vous nous présentez cette année, la dotation allouée aux CTE et aux CAD ne permettra de financer que les CTE déjà signés. Vous n'avancez pas d'objectif chiffré, et sans doute est-ce plus prudent.
Les CTE, comme toute réforme qui se met en place, présentaient sans doute quelques imperfections. Mais n'aurait-il pas mieux valu, en se servant de l'expérience acquise, chercher à améliorer le dispositif plutôt que de l'interrompre ? Moins de temps aurait été perdu et les agriculteurs l'auraient sans doute mieux compris, agriculteurs qui s'interrogent aujourd'hui lorsqu'ils constatent que, pour la deuxième année consécutive, vous présentez un budget de l'agriculture en régression, monsieur le ministre.
Ce budget, en baisse de 4 %, ne permettra bien évidemment pas de répondre aux difficultés auxquelles est confronté le secteur agricole du fait de la sécheresse et de la nouvelle réforme de la politique agricole commune.
Vous justifiez cette diminution par un changement de périmètre du budget, en invoquant, entre autres choses, les économies réalisées par la débudgétisation du service public de l'équarissage et la budgétisation du FNDAE, le Fonds national pour le développement des adductions d'eau.
Pour ce qui est de la réforme du service public de l'équarissage, pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, qu'elle ne se traduira pas par un transfert du financement des professionnels de l'abattage vers les éleveurs ?
Le FNDAE, qui finance une partie du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole et subventionne les collectivités locales qui entreprennent des travaux d'adduction d'eau et d'assainissement dans les zones rurales, est indispensable aux départements.
Vous nous assurez que la budgétisation de ce fonds va permettre le rattachement de crédits reportés. Permettez-moi de m'en étonner.
Dans mon département, la Creuse, comme dans beaucoup d'autres départements ruraux, par exemple l'Ardèche ou la Nièvre, les crédits inscrits à ce titre sont non seulement entièrement consommés mais, surtout, notoirement insuffisants. La réforme adoptée dans la loi de finances pour 2003, avec la perte des recettes provenant du PMU, s'est en effet traduite par une baisse de 60 % de l'enveloppe de l'Etat, qui est passée de 756 000 euros à 262 800 euros.
Le conseil général, saisi de nombreux dossiers, a choisi de maintenir les subventions attribuées aux collectivités à la même hauteur, ce qui a représenté un effort financier très important. C'est donc, une fois de plus, le département qui a dû assumer le désengagement de l'Etat : une fois de plus, le département est pénalisé.
La Creuse, comme tous les départements pauvres, ne peut plus faire face à toutes les nouvelles dépenses qui lui sont sans cesse imposées - RMI aujourd'hui, décentralisation demain, etc. - et elle a absolument besoin de la solidarité nationale.
Le FNDAE est indispensable à l'équipement rural de nos départements, d'autant que les travaux à réaliser sont nombreux et coûteux, et que les fonds européens risquent de ne plus être alloués.
Le secteur agricole mérite mieux que des tours de passe-passe budgétaires de ce type.
Il attend un véritable outil d'orientation et ne peut se satisfaire des mesures à court terme que vous proposez, mesures qui, dans ce domaine comme dans les autres, favorisent toujours plus les riches et appauvrissent davantage les autres. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux.
M. Marcel Deneux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la séance à laquelle nous participons est consacrée à l'examen du projet de budget du ministère de l'agriculture.
Dans l'état actuel des finances de la France, votre budget, monsieur le ministre, est un bon budget, puisqu'il est en baisse de 4 %. (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mais ce n'est qu'un effet d'affichage. A périmètre comparable, les moyens de votre ministère sont globalement reconduits.
Si l'on examine rapidement, je l'admets, ce budget, c'est un budget de court terme, contraint, on le devine, qui a de la peine à préparer l'avenir. (Nouveaux rires sur les mêmes travées.)
Ainsi, les crédits de fonctionnement de l'administration centrale augmentent de 2,8 %, ceux des services déconcentrés, de 5,5 % ; dans le même temps, les crédits consacrés au chapitre « sécurité et qualité sanitaire » diminuent de 43 %. Ces deux ensembles étaient comparables dans la loi de finances initiale pour 2003.
Une autre comparaison est possible : la participation aux charges de pension augmente de 2,5 % et le chapitre qui groupe formation, recherche et développement diminue de 0,8 %.
Serait-ce un budget pour les non-productifs ?
A l'analyse, le budget qui dépend du ministère de l'agriculture ne prévoit que 17,8 % des dépenses publiques pour l'agriculture, le reste étant partagé entre le BAPSA et la Communauté européenne pour les grands postes.
Je voudrais vous parler, monsieur le ministre, de la Communauté européenne et plus particulièrement de la PAC, car c'est la partie la plus importante des crédits de l'agriculture dans sa dimension économique.
Ces crédits viennent d'ailleurs, mais la manière dont ils sont répartis constitue une part importante de votre action et de votre activité. Vous nous l'avez prouvé. Je négligerai volontairement l'international et l'OMC, domaines dans lesquels vous avez excellé, pour revenir à la PAC.
Une réforme importante est intervenue en juin dernier. Mais, en fait, les modalités d'application n'étant pas fixées, tout peut encore être modifié. C'est là où le rôle du ministre français, votre rôle, monsieur le ministre, sera important.
L'accord de Luxembourg a laissé une marge de manoeuvre aux Etats membres. La France devra définir la date de mise en oeuvre de la réforme, la nature du découplage des aides de la PAC, la gestion des droits à primes et la conditionnalité des aides. Derrière un habillage quelque peu technique des choix qui se présentent, ce sont des orientations majeures pour le monde agricole. Ces décisions détermineront le paysage agricole de demain au niveau des orientations de production et des types d'exploitation, et, en conséquence, le nombre d'agriculteurs présents sur chacun des territoires concernés. Ce découplage que nous refusions va s'appliquer.
Cela suppose un choix de dates et de modalités de mise en oeuvre du dispositif : mise en oeuvre totale ou partielle, uniforme ou non sur le territoire, régionalisation du régime de paiement ou référence individuelle ?
La réforme de Luxembourg permet en outre la mise en place d'une enveloppe de flexibilité, mais laquelle ?
La gestion des droits de production, considérés comme marchands ou non, suppose aussi un choix politique.
La notion de conditionnalité des aides introduite à Luxembourg va plus loin que les seules exigences liées à l'écoconditionnalité. Qu'en sera-t-il dans la réglementation applicable en France ?
Comment utiliserons-nous les crédits du deuxième pilier ? Autant de questions posées, autant de réponses que nous attendons.
Tout cela mérite une réflexion sérieuse. Nous attendons que vous nous annonciez assez rapidement, monsieur le ministre, les orientations retenues par la France.
Avant de terminer, je voudrais évoquer un sujet sur lequel j'ai un peu réfléchi. Quelle est, monsieur le ministre, votre position en matière de biocarburants ?
Comment assumer les accords de Kyoto, que nous avons signés ?
Passer de 15 % à 21 % d'énergies renouvelables, diminuer la production des gaz à effet de serre, appliquer les récentes directives européennes sur le niveau d'incorporation en matière de biocarburants, conforter la filière industrielle de fabrication afin qu'elle investisse pour se développer six fois plus en cinq ans, voilà une série de décisions à prendre rapidement.
Une partie seulement de ces décisions vous reviennent, monsieur le ministre, mais vous êtes un membre influent du Gouvernement. Nous attendons que vous pesiez sur ces orientations. Nous comptons sur vous, et, bien sûr, nous voterons le projet de budget, mais vous n'en doutiez pas. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.
M. Georges Mouly. Monsieur le ministre, dans mon département, rural s'il en est, votre projet de budget a fait l'objet, comme tous les ans, d'échanges avec les responsables professionnels locaux directement concernés.
Certes, des réserves ont été émises, que je retrouve, pour une bonne partie d'entre elles, au travers des remarques formulées par notre collègue Joël Bourdin dans son rapport. Vos crédits ont tout de même, in fine, été approuvés, et je fais mien cet avis favorable.
Cela étant, je n'insisterai pas davantage sur les divers aspects du projet de budget de l'agriculture proprement dit. Mes collègues ont évoqué ou évoqueront de nombreux problèmes ; je saurai, pour ce qui me concerne, puiser dans les réponses que vous apporterez à leurs questions, monsieur le ministre, les éléments utiles aux débats qui ne manqueront pas de se tenir au cours d'une très prochaine assemblée générale de la chambre d'agriculture de mon département.
Je m'arrêterai, pour ma part, sur le budget annexe des prestations agricoles, qui vit sa dernière année en conséquence de l'adoption à l'unanimité d'un texte de loi.
Quel est le contexte de la politique sociale agricole ? C'est aujourd'hui la Mutualité sociale agricole, la MSA, et ses 76 000 élus qui mettent en oeuvre cette dernière dans toutes ses dimensions : qu'il s'agisse des prestations familiales, de la santé, des retraites, de différents services, les adhérents sont complètement pris en charge par une structure de proximité à l'échelle cantonale ; sinon municipale. Sur le terrain, la MSA se positionne auprès du conseil général, agissant en partenariat dans les domaines du développement social et de la prévention du risque en milieu rural.
Par exemple, cette action en partenariat se déploie dans le cadre des instances cantonales de gérontologie, ou encore dans celui des comités locaux d'information et de coordination, qui oeuvrent utilement, c'est le moins que l'on puisse dire, ayant passé opportunément convention avec les intervenants - hôpitaux, médecins, infirmiers, associations d'aide à domicile - impliqués dans une démarche coordonnée qui allie le social et le médical.
La MSA compte, dans mon département, près de 50 000 ressortissants, soit 20 % de la population, et verse aux non-salariés agricoles 77 % des prestations qu'ils reçoivent. Elle intervient dans les domaines des soins médicaux, de la prévention des accidents et des maladies professionnelles, de l'action sanitaire et sociale, de l'animation, de l'accueil, du conseil, du contrôle. Elle effectue en outre des visites et des enquêtes.
La MSA est concernée par le projet de loi sur la ruralité que vous préparez, monsieur le ministre, et qui est très attendu.
Elle est partie prenante, par ailleurs, dans la mise en oeuvre de la politique de la famille, en partenariat avec les caisses d'allocations familiales et les collectivités locales.
La MSA, instrument d'un système mutualiste auquel chacun est attaché, est donc appelée à céder la place au nouvel établissement public. Un changement de dispositif inspire toujours de la méfiance : il faut espérer que l'établissement public ne sera pas prisonnier de je ne sais quel fonctionnement technocratique, mais qu'il se révélera au contraire comme le meilleur moyen de pérenniser le système mutualiste, confirmant en cela les « fondamentaux » qui font l'originalité de la MSA.
Dans cette optique, il faut souhaiter que l'articulation entre l'établissement public et la MSA soit claire et précise, que les pouvoirs du conseil d'administration de l'un ne viendront pas concurrencer les pouvoirs du conseil d'administration de l'autre.
Selon moi, il serait opportun, et même nécessaire, que le fonctionnement sur lequel j'ai cru devoir m'arrêter longuement et qui est assis sur un remarquable maillage du territoire par un réseau d'élus ne soit pas dérangé. C'est là un bel exemple de service au public de proximité. Il convient que la gestion soit toujours assurée par des représentants élus des assurés agricoles et qu'elle demeure décentralisée, des marges de manoeuvre étant laissées aux décideurs locaux.
Vous avez affirmé par ailleurs, monsieur le ministre, que le débat parlementaire serait maintenu. C'est un gage de transparence ; fort bien ! Pour en terminer avec ce qui concerne la structure et le fonctionnement, j'approuve également le maintien de la protection sociale au sein de la politique sociale agricole, sous l'égide du ministre de l'agriculture. Cela correspond à un souhait largement partagé dans la profession agricole.
S'agissant du BAPSA pour 2004, je ne m'appesantirai pas à mon tour sur les chiffres qui le caractérisent, mais comment ne pas déplorer, cependant, un constant déficit d'exécution et une constante sous-évaluation des dépenses de santé ? Comment, plus encore, ne pas souhaiter l'affectation de ressources enfin pérennes et stables ?
Je formulerai quelques dernières remarques en guise de conclusion.
Tout d'abord, la ligne budgétaire du fonds Agridif est-elle appelée à disparaître ? Elle mériterait plutôt d'être pérennisée, car elle finance une procédure spécifique et bienvenue de traitement des exploitations en difficulté.
En outre, j'évoquerai des ajustements qualifiés de « délicats » par le rapporteur de la commission des affaires sociales : l'augmentation de la cotisation minimum de solidarité et le passage de 400 à 600 SMIC horaires de l'assiette minimale de cotisation. Il nous a été dit que ces mesures avaient été prises sans concertation. Cela m'étonnerait, mais je tenais à vous rapporter cette affirmation, que j'ai entendue. Quoi qu'il en soit, le bien-fondé de ces dispositions ne saurait être contesté, car il s'agit d'un rapprochement avec les conditions appliquées en la matière aux artisans et aux commerçants. Elles sont cependant pénalisantes pour les intéressés.
Enfin, comment ne pas se réjouir de la mise en place du financement de la retraite complémentaire obligatoire et de la mensualisation du versement des pensions ? Le chef d'exploitation ou d'entreprise agricole percevra désormais, après une carrière complète, certes, unepension globale équivalente à 75 % du SMIC. Au cours des années passées, que de questions ont été posées, que de demandes ont été formulées à cet égard ! Cette fois nous y sommes, même si l'on ne saurait se satisfaire du sort réservé en général aux retraités agricoles.
Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, mon espoir est que toute politique sociale en faveur du monde agricole conserve, pour l'essentiel, les caractéristiques que j'ai rappelées, et qu'elle permette aussi, quant au fond, quelques progrès. Je pense ici aux cas des veuves et des aides familiaux. Je souhaite, en tout état de cause, le maintien d'un réseau de proximité et de qualité, qui a fait ses preuves au service de ses bénéficiaires. C'est dans cet esprit que j'approuve, bien évidemment, le projet de BAPSA. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au fil des décennies, le secteur agricole a sans doute perdu son caractère prépondérant au sein de notre économie. Les agriculteurs représentent aujourd'hui seulement 2 % de la population active totale, et le recensement de 2000 a dénombré 663 800 exploitations, soit deux fois moins qu'une vingtaine d'années auparavant.
Néanmoins, pour les 900 000 hommes et femmes qui, par leur travail souvent passionné, continuent de faire vivre les campagnes françaises et suscitent plusieurs milliers d'emplois au sein de l'industrie agroalimentaire, nous devons persister à mener des politiques volontaristes et porteuses d'espoir pour l'avenir.
L'agriculture, monsieur le ministre, n'appartient pas au passé, vous le savez bien. A maintes reprises, les agriculteurs ont su faire évoluer les structures et les outils pour répondre aux défis de la modernité.
Cependant, leur seule détermination ne suffit pas toujours à répondre aux contraintes, qui sont particulièrement lourdes dans ce secteur. Les calamités agricoles, les problèmes sanitaires, la multiplication des normes et la globalisation des marchés amènent la multiplication des crises conjoncturelles et fragilisent ainsi, de façon parfois dramatique, de nombreuses filières.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, il est essentiel que la solidarité nationale s'exerce fortement au travers du budget de l'Etat. Au regard des crédits consacrés à l'agriculture dans le projet de loi de finances pour 2004, on ne peut qu'être déçu par l'absence de signe adressé à la profession agricole.
Par rapport à 2003, les moyens diminuent de près de 4 %. Si l'on prend en compte le changement de périmètre du budget, on aboutit au mieux à une simple reconduction des crédits, ce qui ne permettra pas de satisfaire les besoins du secteur.
Par exemple, vous avez décidé de suspendre les contrats territoriaux d'exploitation au profit des contrats d'agriculture durable au moment d'ailleurs où les premiers commençaient à démontrer leur efficacité.
M. André Lejeune. Très bien !
M. Yvon Collin. Le dispositif est modifié, soit, mais l'augmentation de 50 millions d'euros de la dotation pour 2004 aux CTE et aux CAD suffira tout juste à honorer les CTE déjà signés. Au moment où de nombreux agriculteurs se sont engagés dans la conversion de leur système de production, il serait souhaitable, monsieur le ministre, de préciser les modalités d'application des règles relatives aux CAD et de mieux prévoir le financement de ceux-ci.
L'année dernière, nous avions déploré la réduction drastique des crédits destinés aux offices. Cette année encore, la diminution de 2 % de leur dotation risque de remettre en cause leurs actions structurantes et les démarches de qualité qu'ils entreprennent. Les offices sont également des outils de régulation, qui permettent de réagir aux crises sectorielles. A ce titre, leurs crédits méritaient d'être renforcés.
Je voudrais par ailleurs revenir sur la réforme du financement public de l'équarissage. Elle prévoit la suppression de la taxe sur les achats de viande. En réponse aux recommandations de la Commission européenne sur les aides de l'Etat en matière d'élimination des déchets carnés, vous avez choisi, monsieur le ministre, de privilégier la participation des professionnels du secteur de la viande, sous la forme d'une taxe d'abattage qui devrait rapporter 176 millions d'euros.
Monsieur le ministre, les élus ruraux s'inquiètent de cette réforme qui risque de peser sur la filière. Les abattoirs dégagent des marges très faibles et doivent réaliser des investissements très lourds compte tenu des normes strictes à respecter pour l'abattage des animaux. Il ne faudrait pas que cette mesure déséquilibre ces structures aujourd'hui incontournables dans la chaîne de production ou qu'elle conduise au report de l'effort à consentir sur les éleveurs, dont la situation est déjà très fragilisée par les crises sanitaires.
Enfin, je conclurai mon propos en évoquant brièvement le budget annexe des prestations sociales agricoles.
Le plan pluriannuel de revalorisation des retraites dont la mise en oeuvre s'est achevée l'année dernière a permis de porter le montant des retraites les plus basses au niveau du minimum vieillesse. Il convient de saluer, aujourd'hui encore, ce rattrapage sans précédent, tout en invitant l'actuel gouvernement à prolonger cette action.
Parmi les dossiers encore en suspens, il faudra notamment s'intéresser au problème de la minoration des retraites dans le cas des exploitants monopensionnés n'ayant pas cotisé sur une carrière complète. Nous connaissons bien les conditions de cotisation des agriculteurs, mais il faut également se rappeler les efforts que ces derniers ont consentis, après la Seconde Guerre mondiale, pour hisser l'agriculture de notre pays au rang des plus performantes agricultures du monde. A mon sens, cet investissement humain mérite un juste retour au titre de la solidarité nationale.
Monsieur le ministre, je mesure bien, par votre présence aux côtés des agriculteurs durant les moments difficiles, votre sens du dialogue et votre investissement personnel. Cependant, la profession a besoin d'être rassurée de façon plus concrète. Les aléas de la conjoncture ainsi que les perspectives d'élargissement de l'Union européenne suscitent de nombreuses inquiétudes. Bien que les crédits de votre ministère ne représentent qu'un sixième de l'ensemble des concours publics destinés à l'agriculture, leur simple reconduction n'est pas un gage de solidarité vis-à-vis du monde agricole. Dans ces conditions, les radicaux de gauche ne voteront pas en faveur de ce projet de budget. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Yolande Boyer.
Mme Yolande Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera pour l'essentiel sur le volet relatif à la pêche de ce projet de budget.
Toutefois, je souhaiterais évoquer au préalable un point concernant l'agriculture.
La réforme du financement du service public de l'équarissage, le SPE, qui supprime la taxe d'équarissage jusqu'ici acquittée par les distributeurs, soumet désormais les entreprises à une taxe d'abattage.
Certes, nous comprenons la nécessité de se conformer à la législation européenne, mais l'incidence d'une telle décision sur les filières risque de fragiliser encore un peu plus des secteurs en grande difficulté. Je pense notamment ici aux filières avicoles et porcines.
Vous avez décidé de laisser la plus grande partie du financement de ces opérations sanitaires à la charge des filières animales, alors que d'autres possibilités sont offertes par l'Union européenne.
De plus, pourquoi créer une discrimination inacceptable entre les filières, avec l'inscription au projet de budget d'une ligne affectée au seul secteur bovin ?
Inévitablement, cette réforme risque de peser principalement sur les éleveurs !
Par ailleurs, vous le savez, le secteur avicole, particulièrement en Bretagne, est source d'emplois et contribue grandement à l'activité économique de nos régions. Les salariés sont actuellement très inquiets des conséquences des réformes dites « de redressement et de réorganisation » de la filière.
Les entreprises commes les salariés attendaient un signe fort. Votre décision concernant la taxe d'abattage en est un assurément... Mais dans le mauvais sens !
J'en viens au budget de la pêche pour 2004, en regrettant, en préambule, qu'il ait si peu d'importance, noyé dans la masse du budget de l'agriculture, et que si peu d'entre nous s'y intéressent.
Pourtant, il représente un pan essentiel de l'économie, notamment dans une région comme la mienne, la Bretagne. Voici quelques chiffres pour conforter mon propos.
Certes, la flotte française a diminué de 8,7 % en nombre d'unités entre 1998 et 2003. Toutefois, elle représente encore 8 000 navires actifs, la Bretagne accueillant la moitié des navires de plus de 25 mètres et totalisant 40 % de la puissance totale de ces navires.
La pêche, ce sont aussi des hommes et des femmes, près de 26 000, dont environ 7 000 en Bretagne.
Enfin, pour en terminer avec les chiffres, je préciserai que notre région représente à peu près un tiers de l'emploi à la pêche.
L'an passé, à la même époque, intervenant sur le même sujet, j'abordais la politique commune des pêches et les décisions importantes qui allaient être prises à Bruxelles. Je disais que mon groupe vous apportait son soutien dans les difficiles négociations à venir, monsieur le ministre.
Aujourd'hui, grâce au groupe des Amis de la pêche, le texte final est moins brutal que celui qui était initialement proposé par le commissaire Fischler, et je vous en donne acte, mais il annonce tout de même la fin des aides publiques à la construction et à la modernisation des navires pour la fin de l'année 2004.
Je m'inquiète des conséquences qui en découleront, d'une part, sur la pêche artisanale - ne va-t-elle pas pâtir de cette situation ? - et, d'autre part, sur la sécurité.
Je veux, en cet instant, rendre hommage aux marins-pêcheurs qui ont perdu la vie et rappeler que la Bretagne, notamment mon département, le Finistère, ont payé un lourd tribut.
L'élement essentiel, quand on parle de la pêche, c'est, bien sûr, le maintien et la gestion de la ressource.
Depuis toujours, scientifiques et marins pêcheurs s'opposent à ce sujet. Des évolutions interviennent aujourd'hui ; tant mieux ! Je me réjouis de la signature d'une charte entre les professionnels, le ministère et l'IFREMER. Le dialogue est maintenant noué, il y a un réel effort de part et d'autre, mais la route est encore longue !
J'évoquerai un dernier point concernant la ressource : les quotas individuels transférables.
Cette « patrimonialisation » de la ressource recèle de graves dangers. L'option libérale consistant à laisser au marché le soin de réguler le système des quotas peut contribuer encore plus à la concentration du secteur aux mains de quelques grands armateurs. Je sais, monsieur le ministre, que la France s'oppose à ce système, mais jusqu'à quand cette opposition pourra-t-elle tenir ?
Autre aspect important : la désaffection des jeunes pour ce métier difficile et dangereux.
La loi d'orientation sur la pêche de 1997 avait créé des outils, dont les Sofipêches, qui touchent actuellement à leur terme.
A la question posée en commission quant à leur prolongation, il a été répondu que le dossier était à Bercy.
Vu les coupes sévères effectuées dans tous les budgets, je ne suis guère optimiste sur le résultat, mais peut-être, monsieur le ministre, avez-vous obtenu gain de cause ? Si tel était le cas, je m'en réjouirais.
Concernant l'attractivité des métiers de la mer pour les jeunes, je souhaite évoquer une initiative lancée dans le Finistère avec la tenue, à Quimper, d'un festival des métiers du littoral. Ce type d'initiative, destiné à mettre en avant des professions et des secteurs méconnus, est à regarder avec intérêt et pourrait être étendu à d'autres départements. Informer les jeunes correctement est un premier pas pour les attirer vers ces métiers.
Je mentionnerai, bien sûr, le rôle essentiel de la formation et celui des femmes dans les entreprises de pêche.
J'évoquais tout à l'heure le ministère des finances. Qu'en est-il des mesures fiscales de déduction pour aléas ? En effet, ces derniers existent et peuvent être liés à la pollution, au coût du gazole ou encore à des réglementations. Il convient de les prendre en compte.
Les marins-pêcheurs et les conchyliculteurs sont soumis aux mêmes impondérables que les agriculteurs, et il me semble légitime qu'ils jouissent des mêmes garanties.
La politique en faveur de la pêche vise à améliorer la valorisation des produits. Pour cela, il existe un bon outil : l'Office national interprofessionnel des produits de la mer et de l'agriculture, l'OFIMER.
La forte baisse de sa dotation, de 1 million d'euros, reste très préoccupante. La valorisation des produits de la mer est pourtant l'une des solutions pour pallier la raréfaction de la ressource. L'Office représente un vecteur irremplaçable concernant la qualité et la traçabilité. J'ai bien noté votre engagement sur un hypothétique apport supplémentaire via les fonds européens, monsieur le ministre. Toutefois, d'ores et déjà, cette baisse est un bien mauvais signal donné aux professionnels comme aux consommateurs.
Je souhaite aussi évoquer brièvement la future structure du budget de l'agriculture et de la pêche prenant en compte les dispositions de la nouvelle loi organique sur les lois de finances.
D'après les éléments recueillis par le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, le budget de la pêche constituerait une action de la mission « gestion durable de l'agriculture, des territoires ruraux et de la pêche ». N'est-il pas plus sage de conserver, monsieur le ministre, une mission uniquement consacrée au secteur de la pêche, et ce tant pour la clarté de la présentation, que pour son aspect symbolique ? Je souhaite vivement que cette demande puisse aboutir.
Pour conclure, je reviendrai sur les chiffres. Certes, le projet de budget que vous nous proposez est en hausse, mais, comme je le disais au début de mon propos, il n'est pas prioritaire malgré les enjeux qu'il représente. Nous savons, par exemple, que l'écart de 2 milliards d'euros entre les importations et les exportations de produits de la mer nous offre des marges de manoeuvre qui nécessitent sûrement un budget plus adapté.
En outre, quelle sera, cette année, la différence entre le budget affiché et le budget exécuté ? Verrons-nous, une fois encore, se produire des transferts majeurs de crédits en cours d'année comme ce fut le cas des aides débloquées pour faire face aux conséquences de la sécheresse, aides issues non de la solidarité nationale, comme c'était l'usage jusqu'à présent, mais de redéploiements de crédits au sein du ministère ? Les crédits de la pêche ont donc participé pour un montant significatif de 1,5 million d'euros.
Le rapporteur pour les crédits de la pêche semble se satisfaire également d'un certain nombre de promesses, notamment d'abondement en loi de finances rectificative. Cela se fera-t-il par redéploiement et, en ce cas, au détriment de qui ? Les membres du groupe socialiste demandent à voir et ne se contenteront pas de promesses et d'affichages.
Considérant que ce budget n'est pas assez ambitieux, tout en reconnaissant, monsieur le ministre, que vous l'avez défendu dans un contexte difficile, nous ne croyons pas qu'il permettra de maintenir la compétitivité de la France. Un effort plus important doit être entrepris pour soutenir notre pays à l'égard de la concurrence extérieure, afin de protéger l'équilibre économique des zones dépendant de la pêche. C'est pourquoi le groupe socialiste s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite m'adresser à la fois au ministre de l'agriculture et au ministre chargé des affaires rurales.
Le 3 septembre dernier, le conseil des ministres a approuvé un projet de loi relatif au développement des territoires ruraux.
A cette annonce, j'ai marqué ma satisfaction de voir qu'enfin un gouvernement s'intéressait au sort de la ruralité demeurée, hélas ! le parent pauvre de la politique du gouvernement précédent.
C'est donc avec un très grand intérêt que j'ai pris connaissance des différentes mesures positives qu'il comporte, et j'ai apprécié que le Gouvernement veuille bien réduire l'immense retard des zones rurales en matière de téléphonie mobile et d'accès à l'Internet à haut débit.
Monsieur le ministre, ma première question est la suivante : à quel moment le Parlement, notamment le Sénat, sera-t-il amené à débattre de ce projet de loi, qui, je le rappelle, est déposé depuis bientôt trois mois ?
S'agissant de la téléphonie mobile, de l'accès à l'Internet à haut débit, nous savons tous qu'une France à deux vitesses s'est instaurée : la France des villes, qui bénéficie depuis longtemps de ces technologies, et la France des champs laissée à l'abandon. C'est ainsi que près de 80 % du territoire national n'a pas accès à l'Internet à haut débit, ce qui constitue un très lourd handicap pour les particuliers, certes, mais également et surtout pour les entreprises, ce que je ressens fortement dans mon département de la Meuse.
Quand mettra-t-on fin à cette fracture numérique ?
En ce qui concerne la démographie médicale, il faut noter que de nombreux territoires ruraux manquent cruellement de médecins. Le Gouvernement a, me semble-t-il, pris la mesure du problème et souhaité mettre en oeuvre des actions visant à faciliter l'installation en zone rurale avec, notamment, la création d'une prime d'installation et l'encouragement des collectivités locales modestes à réaliser des investissements pour attirer les candidats à l'installation.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous en dire un peu plus et nous préciser à quel moment ce dispositif sera mis en place ?
Au demeurant, ce texte m'a laissé quelque peu sur ma faim s'agissant du volet financier.
En effet, la gestion et l'entretien des territoires ruraux relève, pour l'essentiel, de la responsabilité des communes rurales. Or celles-ci disposent de moyens financiers tellement faibles qu'il leur est impossible de remplir correctement cette mission.
Telles sont les raisons pour lesquelles je me suis permis de m'adresser au Premier ministre pour regretter que votre projet de loi ne soit pas accompagné d'un vigoureux volet financier permettant de combler l'immense retard dont souffre le monde rural par rapport au monde urbain.
Je faisais référence à la réforme de la DGF, dont chacun s'accorde à reconnaître la criante insuffisance de péréquation, à celle de la DGE, dont les crédits sont souvent insuffisants pour satisfaire toutes les demandes d'équipement des communes rurales, et aux tracasseries liées au remboursement de la TVA sur les investissements réalisés par les communes.
Nous aurons en 2004 un débat sur la péréquation des ressources des collectivités territoriales. Je compte sur vous, monsieur le ministre, en votre qualité de responsable des affaires rurales, pour peser sur les futures orientations du Gouvernement dans ce domaine, pour faire en sorte que le monde rural, qui fut le grand oublié des politiques menées depuis vingt ans, connaisse enfin des raisons d'espérer.
En ce qui concerne la forêt, je dirai brièvement que les propriétaires forestiers, qu'il s'agisse de collectivités locales ou de personnes privées, sont très demandeurs d'actions spécifiques qui leur permettraient de passer les moments difficiles de l'après-tempête et de relancer, de manière significative, l'économie forestière en assurant aussi, bien sûr, la pérennité de l'ONF.
Je voudrais également attirer votre attention, monsieur le ministre, sur les très vives protestations soulevées par la ponction dans le projet de loi de finances rectificative pour 2003 des fonds d'équilibre d'Arvalis et autres offices, principaux organismes de recherche appliquée indépendants dans les domaines agricoles et agroalimentaire entièrement financés par les agriculteurs eux-mêmes. Sur les cinquante-deux organismes de recherche existants, ce sont, curieusement, les deux organismes de recherche agricole qui sont ponctionnés, ce qui, vous en conviendrez, est difficilement acceptable.
Permettez-moi, enfin, monsieur le ministre, de mettre l'accent sur l'inquiétude de l'agriculture et des agriculteurs quant à leur avenir. Comprimés entre les règles européennes, d'un côté, la crise mondiale, de l'autre, et ballottés du fait des atermoiements portant sur les biocarburants, les quotas, les jachères, et l'utile et immense rôle de protection de l'environnement, les agriculteurs s'interrogent et attendent la mise en oeuvre de mesures urgentes et indispensables.
Sous le bénéfice de ces observations, le groupe de l'Union centriste votera votre projet de budget, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Serge Mathieu.
M. Serge Mathieu. En ma qualité de président du groupe sénatorial de la viticulture de qualité, il me semble important d'appeler votre attention, monsieur le ministre, sur la situation de la viticulture française et de ses viticulteurs, notamment après les calamités à répétition que cette année 2003 a connues.
Gel, grêle, sécheresse, canicule ont touché l'ensemble du territoire national et les exploitations viticoles en particulier. Selon les zones, les baisses de rendement atteignent jusqu'à 30 %, parfois beaucoup plus pour certaines exploitations.
Aujourd'hui, les dossiers sont traités dans le cadre du fonds national des calamités agricoles et dans le cadre des dispositifs Agridif. Toutefois, ces mesures ne permettront pas de pallier toutes les difficultés, dont certaines ne seront visibles que dans un ou deux ans.
C'est pourquoi il est nécessaire de prévoir une enveloppe budgétaire pour traiter les cas particuliers qui ne manqueront pas de survenir. Il s'agit notamment de viticulteurs, jeunes agriculteurs ou non, installés depuis peu de temps, et dont la trésorerie est aujourd'hui très fragile.
Par ailleurs, la faiblesse des récoltes de cette année entraîne dans les caves, qu'elles soient particulières ou coopératives, des frais supplémentaires, et les frais réels ne pourront pas toujours être répercutés sur le produit. Pour compenser ce surcoût, il faut un dispositif approprié, c'est-à-dire des prêts de trésorerie à taux zéro, ou encore des aides directes.
Quant aux structures, elles sont dans l'incertitude.
Les surfaces de plantation viticole et le volume de la récolte sont deux critères intervenant sur les sources de financement de l'Institut national des appellations d'origine, l'INAO. Or, cette année, ces deux critères ont considérablement baissé. De plus, les surfaces de plantation viticole risquent de baisser encore en 2004 si la volonté d'arrêt des plantations est mise en oeuvre.
A ce sujet, je me permettrai de plaider pour que le gel de toute plantation nouvelle ne concerne pas les jeunes qui souhaitent s'installer ni les jeunes viticulteurs désireux de s'agrandir.
L'INAO souligne que l'année 2003 se termine en puisant dans les réserves. Compte tenu de la baisse du niveau des récoltes et de l'absence de plantations nouvelles, le budget pour 2004 sera très nettement insuffisant, avec un déficit estimé à un million d'euros.
Cela risque d'avoir pour conséquences directes un affaiblissement du poids de la structure et une diminution de ses travaux. Or parmi ceux-ci figurent les contrôles et les agréments, dont le rythme ne peut ralentir alors que le besoin de renforcer la qualité des produits se fait sentir pour que qualité annoncée corresponde à qualité prouvée, tout au long de la chaîne.
Une ligne budgétaire doit donc permettre de consolider et de renforcer les actions de l'INAO.
C'est la raison pour laquelle, avec mes collègues du groupe UMP, je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir finalement accepté, en raison de la sécheresse et de la canicule de cet été, de reconduire la dotation budgétaire pour 2003, dotation nécessaire à l'équilibre du budget prévisionnel de l'établissement.
Par ailleurs, la situation de l'Institut technique de la vigne et du vin, l'ITV, est mise en péril par le blocage des fonds de l'ANDA, l'Association nationale pour le développement agricole, et de l'ADAR, l'Association de développement agricole et rurale. A défaut d'une solution rapide, cet institut pourrait être obligé de fermer ses portes, licencier ses salariés et cesser ses travaux.
Une décision doit être prise en ce qui concerne, d'une part, l'affectation du solde 2002 de l'ANDA à destination, notamment, de l'Institut technique de la vigne et du vin, et, d'autre part, l'affectation du budget de l'ADAR.
Enfin, monsieur le ministre, s'agissant des exportations, la situation est bien inquiétante. (M. André Lejeune s'exclame.)
La percée des vins des nouveaux pays producteurs, la guerre en Irak, la complexité de la hiérarchisation des vins français pénalisent les exportations françaises.
Sur les huit premiers mois de l'année 2003, les exportations françaises vers les Etats-Unis ont diminué de 25 % en volume. La baisse est de 27,7 % pour les seuls vins de pays.
Des moyens doivent donc être mis en place pour développer l'exportation. Les moyens réservés à la communication viticole hors de France et hors de l'Union européenne ne doivent, en aucun cas, être remis en question. Il est également essentiel de maintenir à un niveau important les fonds de soutien à l'exportation afin de relancer une économie aujourd'hui en difficulté.
Je conclurai, monsieur le ministre, en faisant observer que la consommation de vin diminue inexorablement depuis quarante ans, que les consommateurs se détournent de plus en plus d'un produit qu'ils méconnaissent et qui est accusé d'être à l'origine d'un certain nombre de maux, notamment sur la route.
M. Bernard Piras. Parlez-en au ministre de l'intérieur !
M. Serge Mathieu. Le projet de loi sur la santé publique vient malheureusement renforcer cette idée.
M. Gérard César. Très juste !
M. Serge Mathieu. Pour inverser la tendance et atteindre de nouveaux consommateurs, certains souhaitent développer de nouveaux vins, dans la logique des vins des nouveaux pays producteurs, des vins agro-industriels. Président du groupe sénatorial de la viticulture de qualité, je pense au contraire qu'il faut renforcer la politique de qualité, les interprofessions, la communication et de la promotion.
M. Bernard Piras. Vous avez raison !
M. André Lejeune. Absolument !
M. Serge Mathieu. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous nous apportiez des apaisements sur ce point essentiel.
Pour ce faire, des moyens doivent être consacrés à la communication sur le vin, à sa promotion et à l'éducation des consommateurs.
Telles sont, monsieur le ministre, les remarques que je souhaitais formuler, et je vous remercie des réponses que vous voudrez bien apporter à la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Piras.
M. Bernard Piras. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen du projet de budget de l'agriculture pour 2004 arrive à une période bien morose pour le monde agricole,...
M. André Lejeune. C'est vrai !
M. Bernard Piras. ... et je ne suis pas certain que toutes les orientations prises à travers ce texte soient de nature à rassurer pleinement cette profession, déjà fort éprouvée.
En ce qui concerne le BAPSA que vous nous proposez, monsieur le ministre, je souhaite vous faire part, dans un premier temps, de certaines critiques et, dans un second temps, de mes craintes.
Nos agriculteurs traversent actuellement une période fort délicate, due notamment aux nombreuses intempéries - gel, sécheresse, grêle, etc. - et aux difficultés de marché. Nombre d'exploitations se trouvent, de ce fait, dans une situation financière très précaire.
C'est la raison pour laquelle la baisse de moitié, de 10 millions à 5 millions d'euros, des crédits d'étalement et de prise en charge des cotisations sociales des agriculteurs en difficulté est pour moi incompréhensible.
M. Jean-Marc Pastor. Elle est même scandaleuse !
M. Bernard Piras. Dans le même temps, l'augmentation de 50 % de l'assiette minimale de la cotisation d'assurance vieillesse des agriculteurs, passant de 400 à 600 SMIC, et de plus de 60 % de la contribution sociale de solidarité ne sont pas plus admissibles sur le fond, car elles touchent les exploitations les plus fragiles, que sur la forme, puisque ces décisions ont été prises sans concertation préalable. Ces deux mesures concernent plus particulièrement les petites structures, souvent gérées par des personnes pluriactives, percevant des revenus modestes. Or, la plupart du temps, la pluriactivité, que votre ministère encourage par ailleurs à juste titre, demeure la dernière solution pour éviter la disparition d'exploitations.
Je tiens néanmoins à vous rappeler, monsieur le ministre, que certains parlementaires de votre majorité n'ont pas caché leur scepticisme sur ces deux points. Cette diminution des crédits et cette augmentation des cotisations, d'une part, vont à l'encontre du principe de baisse des prélèvements que le Gouvernement prône et, d'autre part, aboutissent à nier une réalité, à savoir l'impact des événements climatiques sur la trésorerie des exploitations.
A cela s'ajoute le nouveau mode de financement du BAPSA, qui sera alimenté à hauteur d'un tiers par le produit de la fiscalité sur le tabac. Il faut savoir que, au regard des prévisions 2003 relatives à ces recettes, si le BAPSA avait été alimenté cette année comme cela est proposé pour 2004, il aurait manqué environ 400 millions d'euros. L'explosion du marché clandestin de la cigarette rend toute prévision aléatoire.
M. Gérard Le Cam. C'est vrai !
M. Bernard Piras. Ainsi, assurer le financement du BAPSA par la fiscalité sur le tabac est critiquable en raison de l'incertitude pesant sur les recettes et fait donc légitimement craindre un recours systématique à la subvention d'équilibre.
De plus, ce lien établi entre le BAPSA et cette fiscalité me laisse un peu perplexe. Le financement du régime de protection sociale agricole doit s'appuyer sur des recettes pérennes, fiables et non hypothétiques.
Ce projet de BAPSA me cause en vérité une grande déception, et cela pour plusieurs raisons.
Certes, la mensualisation des retraites des non-salariés agricoles, qui résulte de l'article 105 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites et qui entrera en application le 1er janvier 2004, est un progrès. Je mettrai néanmoins deux bémols à cette appréciation : tout d'abord, une rapide clarification fiscale s'impose puisque les bénéficiaires percevront quatorze mensualités la première année et qu'il faut éviter tout ressaut d'imposition lié à un décalage de trésorerie ; ensuite, cette évolution nécessaire n'apporte pas de revenu supplémentaire et est en quelque sorte neutre.
En revanche, ce budget 2004 laisse en suspens plusieurs sujets récurrents. Il en est ainsi de la situation des conjoints et ayants droit en matière de retraite complémentaire obligatoire : ils sont pas pris en compte. Leur intégration devient une nécessité.
Par ailleurs, la situation de la conjointe de l'exploitant est loin d'être satisfaisante puisque, à travail égal, elle ne perçoit toujours pas un traitement équivalent. Aucune mesure positive n'est prise ni programmée à cet égard dans ce budget.
Enfin, rien n'est prévu pour les personnes ayant une carrière courte ou pour les polypensionnés, qui représentent plus de la moitié des retraités agricoles : ils restent exclus du plan quinquennal de revalorisation des pensions mis en place à partir de la loi de finances 1998 et qui a constitué un engagement sans précédent en faveur des retraites agricoles.
A cet égard, après six années de revalorisation continue, aucun nouveau plan n'est mis en oeuvre ni même annoncé dans ce budget 2004.
M. André Lejeune. Eh oui !
M. Bernard Piras. Au-delà des déclarations de bonnes intentions, monsieur le ministre, la profession et les élus souhaiteraient connaître vos ambitions en matière d'amélioration des conditions de ressources des retraités agricoles qui perçoivent des revenus, ne l'oublions pas, extrêmement faibles. Car vous conviendrez que ce n'est pas la revalorisation générale des pensions de 1,7 %, selon ce qui est annoncé, alors que le taux d'inflation prévu est de 1,8 %, qui va améliorer la situation.
Je vous rappelle que, lorsque vous et vos amis étiez dans l'opposition, vous nous avez fait beaucoup de reproches sur ces questions. Malheureusement, une fois au pouvoir, vous n'apportez aucune réponse.
M. André Lejeune. Rien !
M. Alain Vasselle. Grâce à qui ? Et la dégradation économique ? Et les 35 heures ?
M. Bernard Piras. Monsieur Vasselle, je vous en prie ! Quand on est un bourgeois de l'Oise, on ne dit pas ça ! Venez donc voir les petits exploitants de mon arrière-pays et vous comprendrez mieux ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard Delfau. Absolument !
M. Bernard Piras. Si vous voulez, vous pouvez faire l'échange entre leurs exploitations et la vôtre ; je crois qu'ils y gagneront !
Si je suis critique sur le budget proposé, je suis également inquiet quant à l'avenir, et, plus précisément, quant au maintien du lien entre protection sociale agricole et représentation nationale.
Après plus de quarante ans d'existence, le budget annexe des prestations sociales agricoles est appelé à disparaître au 1er janvier 2005. Il sera remplacé par un fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, lequel sera géré, selon le choix qui a été fait, par un établissement public.
Cette année 2004 sera donc une année de transition, avec l'apparition de cet établissement qui se contentera d'assurer le financement de la mensualisation et le dernier BAPSA.
Je ne m'attarderai pas sur les réserves relatives au risque d'opacité de gestion de cet établissement public. Ces réserves dépassent largement les clivages politiques habituels, et l'on peut effectivement craindre le pire pour les assurés sociaux.
Les orientations que nous fixons aujourd'hui sont importantes pour l'avenir du régime agricole, lequel se caractérise par une gestion mutualiste et de proximité. Il est essentiel que la représentation nationale puisse continuer à débattre sur un sujet aussi important. Ce débat, source d'une prise de conscience, a notamment permis les avancées significatives que nous avons connues ces dernières années.
Monsieur le ministre, avons-nous aujourd'hui des garanties quant au maintien d'un débat parlementaire sur le régime de protection sociale des non-salariés agricoles ?
L'examen d'un rapport spécial relatif à l'un des programmes du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, intitulé « protection sociale », semble être une orientation possible.
Il a également été proposé de procéder à une réorganisation de la loi de financement de la sécurité sociale par régime et non plus par branche, le régime agricole pouvant servir, dans cette prespective, d'objet d'expérimentation.
Quelle que soit la solution retenue, il serait souhaitable que ces incertitudes prennent fin rapidement, car cet examen est bien plus qu'un simple débat technique : il pose un véritable problème de société.
Après le BAPSA, le second volet de ce projet de budget que je souhaite aborder, mais bien plus rapidement compte tenu du temps qui m'est imparti, porte sur l'enseignement agricole et la recherche, sujets toujours trop brièvement évoqués dans cet hémicycle et, en général, au Parlement.
Sur le plan purement comptable, il est regrettable que l'enseignement public, en raison d'un ralentissement de la progression des effectifs, voie ses moyens diminuer : cinquante-quatre emplois d'enseignant et soixante et onze emplois d'ATOSS - personnels administratifs, techniques, ouvriers, sociaux, de santé et de service - sont supprimés dans l'enseignement technique et quatorze emplois de personnels administratifs dans l'enseignement supérieur. De même, quatre-vingts classes seront vraisemblablement fermées à la rentrée prochaine, s'ajoutant aux quarante de la rentrée 2003.
En raison de la croissance de ses effectifs, l'enseignement agricole a pâti pendant de nombreuses années d'une insuffisance de moyens, notamment en personnel. Au motif d'une stagnation des effectifs, il ne faut pas que vous remettiez en cause les efforts consentis par le gouvernement précédent, visant à rattraper le retard qui avait été pris.
M. André Lejeune. C'est vrai !
M. Bernard Piras. Les chiffres en matière d'installation sont inquiétants. S'il est un domaine dans lequel une politique volontariste et ambitieusee doit être poursuivie face à ce constat, c'est bien celui de la formation non seulement aux métiers de l'agriculture, mais également à tous les métiers du monde rural. Former, c'est investir en faveur des installations futures.
La formation est un élément déterminant de l'installation, donc de la revitalisation du monde rural et, au-delà, d'un aménagement cohérent et équilibré de notre territoire.
Nous avons la chance de posséder un enseignement agricole performant, garantie d'une véritable insertion professionnelle. Il est essentiel de ne pas affaiblir ce merveilleux outil.
La spécificité de l'enseignement agricole doit être préservée, mais elle ne doit pas conduire à l'isoler. Il a toute sa place dans le débat national sur l'école et, à travers sa propre expérience, peut beaucoup apporter, en matière d'enseignement professionnel par exemple. Le maintien des écoles dans nos village, fait également partie de ce débat.
Le monde agricole ne doit pas rester à l'écart d'un autre débat, celui qui a trait à la formation professionnelle. Les représentants agricoles n'étaient pas présents lors de l'adoption de l'accord collectif entre les partenaires sociaux. Or la population agricole et rurale doit pouvoir bénéficier d'une formation continue eu égard à la profonde et constante mutation à laquelle elle est soumise. Une réflexion doit être engagée sur ce point.
Reconnaître le travail accompli par les générations précédentes à travers l'adoption d'un BAPSA ambitieux et préparer l'avenir du monde rural par des orientations éclairées garantissant le maintien d'un enseignement agricole de qualité, tels sont les objectifs vers lesquels nous devons tendre. Votre budget, monsieur le ministre, ne répond pas véritablement à ces attentes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M Jean Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, autrefois, le paysan était exclusivement un producteur. Aujourd'hui, cette image est concurrencée par celle d'un paysan fonctionnarisé, contraint aussi bien de manier la souris de son clavier d'ordinateur que d'assurer la rentabilité de son cheptel ou de ses récoltes. Il est soumis à des règles superposées, parfois contradictoires, mais il lui faut faire avec !
Monsieur le ministre, vous connaissez très bien cette évolution et vous faites tout pour l'accompagner, l'organiser et la maîtriser.
Malgré tout, l'agriculture est une profession qui a gardé l'envie d'entreprendre, d'imaginer, d'investir. Son état d'esprit évoluant, elle s'est convaincue que, en plus d'une production, une recherche constante de la qualité s'imposait, afin de mieux répondre aux aspirations des consommateurs.
Parallèlement, l'agriculteur français sait que, en dépit d'un contexte contingenté, il ne doit pas oublier l'efficacité, la rentabilité, la compétivité et la qualité, y compris dans la recherche génétique, où il doit rester en tête du peloton des éleveurs européens.
Le maintien des crédits de l'article 50 du chapitre 44-70 est une juste revendication.
L'agriculture française, nous le savons tous, mes chers collègues, est une force économique parce qu'elle est diversifiée. Si j'évoque l'agriculture de montagne, c'est pour dire que la compensation des handicaps est non pas un privilège, mais un facteur de parité. Faute de compensation, l'agriculture n'existerait pas dans certains massifs montagneux.
J'aborderai quelques points importants concernant plus particulièrement l'agriculture de montagne.
Tout d'abord, la revalorisation de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels est déterminante si l'on veut conserver nos petites et moyennes exploitations en activité dans ces zones.
Malgré l'avancée obtenue par l'Assemblée nationale, je ne vous cacherai pas que l'augmentation de 10 % est un peu décevante, car les éleveurs s'attendaient à une montée en charge beaucoup plus rapide après une année très difficile, principalement du fait de la sécheresse. Je tiens à le rappeler, cette indemnité est un apport indispensable, au service de l'aménagement du territoire et particulièrement dans les zones de montagne, dotées de structures qui se situent nettement en dessous de la moyenne nationale.
Ensuite, permettez, monsieur le ministre, à un élu de la montagne, ancien éleveur, d'attirer l'attention d'un autre montagnard sur les subventions aux bâtiments d'élevage. Les surcoûts sont indiscutables.
Chaque jour, le nombre d'exploitations diminue. Mais soyons réalistes : le cheptel, lui, reste et doit être redéployé sur le même secteur, et sur un nombre de bâtiments plus réduit. Les bâtiments en question doivent donc être plus vastes et répondre aux nécessités d'aujourd'hui.
Or, à cet égard, l'accompagnement financier de l'Etat est vraiment insuffisant !
Oui, l'avenir de notre agriculture de montagne est aussi lié à cette nécessité de modernisation et d'actualisation. Il faut modifier le plafonnement, mais aussi le taux d'intervention.
Dans le prolongement de ce souhait, je rappellerai également le sucoût de la collecte laitière dans ces régions, et cela en raison de liaisons routières difficiles, d'un réseau souvent inadapté ainsi que de la faible densité de la collecte. Ce surcoût fragilise à la fois les entreprises de production, l'agriculteur et les entreprises de transformation. Dans les années à venir, le rétablissement d'une prime compensatrice sera nécessaire, voire indispensable.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir prendre en compte cette exigence dès que cela sera possible.
La montagne ne doit pas être seulement une zone naturelle invitant à la contemplation ; elle doit demeurer une terre de travail et de production, où le lait représente très souvent l'activité principale.
Compte tenu des difficultés budgétaires, ne pourrait-on pas instaurer cette prime compensatrice d'abord dans les zones les plus difficiles ?
Enfin, élargissant mon propos à l'ensemble du territoire national, j'aborderai enfin la mise en place des contrats d'agriculture durable. A leur sujet aussi, notre préoccupation est grande !
M. André Lejeune. Il y a de quoi !
M. Jean Boyer. Le montant inscrit sur la ligne des contrats territoriaux d'exploitation s'élève à 250 millions d'euros, ce qui semble tout juste permettre de couvrir les besoins de financement pour les contrats territoriaux d'exploitation en 2004.
Le financement des contrats d'agriculture durable paraît limité et ne permettra pas, semble-t-il, d'en conclure plus de 150 par département. Cela est regrettable, car ils constituent un espoir pour nos agriculteurs, dans la mesure où ils sont recentrés sur une démarche plus territoriale, plus simple, plus constructive et plus rationnelle.
Il est important d'abonder ce dispositif si l'on veut que nos agriculteurs participent pleinement à la mise en oeuvre d'une agriculture durable et attractive.
Pour conclure, je voudrais redire avec détermination, comme beaucoup de mes collègues, qu'il nous faut prévoir et anticiper dès aujourd'hui de nouveaux événements climatiques ou sanitaires graves, particulièrement déstabilisateurs, et parfois opposés : gel, sécheresse, pluies excessives. M. Adrien Gouteyron qui revient de Haute-Loire m'a fait part de la situation que connaît aujourd'hui notre département.
Il faut sécuriser les agriculteurs, leur épargner un nouveau coup dur comme celui qu'ils ont connu en 2003.
M. André Lejeune. Oui !
M. Jean Boyer. L'agriculture, ce sont aussi des journées continues et prolongées, sans week-end et bien souvent sans vacances, tout cela conjugué à un travail de plus en plus pénible et exigeant, y compris intellectuellement.
Au coeur de contingences européennes et internationales éminemment difficiles à maîtriser, soumises à des enjeux financiers de taille, votre budget, monsieur le ministre, est volontaire et sincère. Les agriculteurs ont certes besoin d'argent, mais ils ont aussi besoin de sérénité et de confiance. Je vous remercie de les leur apporter.
Même si votre message et vos informations ne peuvent être qualifiés d'optimistes, ils n'en demeurent pas moins marqués du sceau de la vérité.
Oui, monsieur le ministre, votre envergure et la confiance qu'elle inspire vous permettent de porter les espoirs de nos agriculteurs. Ils savent que, dans les étapes difficiles, à Paris, à Bruxelles, à Luxembourg, ou àCancùn, vous étiez là pour sauver l'essentiel, comme nous avons pu le voir et l'apprécier.
Oui, au cours de ces multiples batailles, vous restez le ministre à qui l'on peut faire confiance. C'est là tout votre talent. Je sais d'ailleurs que, dans le projet de loi sur la ruralité que vous allez soumettre prochainement au Parlement, vous souhaitez apporter des réponses concrètes et de bon sens à nos territoires les plus fragiles.
C'est avec confiance et avec une conviction puisée dans la richesse de cette profession qui fut la mienne, que je soutiendrai énergiquement votre action et vos ambitions pour l'avenir. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard.
M. Yann Gaillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au mois de septembre 2003, la Fédération nationale des communes forestières, la FNCOFOR, que j'ai l'honneur de présider, s'est trouvée en plein désarroi face au projet de budget pour 2004 qui, pour la gestion durable des forêts, était en réduction de 53 millions d'euros par rapport à l'exercice 2003.
Le 15 octobre, monsieur le ministre, vous avez accepté de recevoir une délégation de notre fédération qui a pu vous exprimer de vive voix la très grande inquiétude des 11 000 communes forestières face à : la diminution de 20 millions d'euros du versement compensateur de l'ONF qui laissait augurer un éventuel doublement des frais de garderie payés à l'ONF par les communes, le déficit de l'établissement se trouvant aggravé à due concurrence ; la baisse des moyens alloués à la prévention et à la lutte contre les incendies de forêt en région méditerranéenne ; l'absence de crédits affectés à la reconstitution des plantations détruites par la sécheresse.
Vous n'êtes pas resté insensible aux arguments de la FNCOFOR, ni à ceux des parlementaires, et vous avez fait un louable effort de réactivité en faisant inscrire, dans la loi de finances rectificative pour 2003, 20 millions d'euros au titre du versement compensateur de l'ONF pour 2004 et 35 millions d'euros supplémentaires en 2003 au titre de la subvention exceptionnelle accordée à l'ONF.
Ma reconnaissance va bien entendu à M. le Premier ministre, dont l'arbitrage a permis de rétablir le versement compensateur. Au cours d'un voyage récent que j'ai eu l'honneur de faire avec lui, il m'a confié à quel point il était sensible à l'importance politique de cette affaire.
M. Bernard Piras. Il faut faire plus de voyages ! (Sourires.)
M. Yann Gaillard. Ma gratitude va à M. le président du Sénat, pour les diligences dont il a fait preuve. Nous n'en attendions pas moins de la part de ce grand militant vosgien de la filière forêt-bois.
Ces deux mesures importantes permettent désormais à l'Etat de respecter la signature qu'il a apposée au contrat Etat-ONF, qui, dans notre esprit, doit s'appliquer comme prévu jusqu'en 2006.
Monsieur le ministre, vous avez également inclus dans la même loi de finances rectificative 1,22 million d'euros qui seront consacrés à la restauration des terrains en montagne, en zone méditerranéenne, ainsi qu'aux patrouilles de surveillance des incendies.
A ces crédits viennent s'ajouter 6,5 millions d'euros destinés à la reconstitution des plantations détruites par la sécheresse.
Si j'en crois les propriétaires forestiers publics et privés ainsi que les professionnels, ce montant, appréciable au demeurant, ne serait pas suffisant pour financer la totalité des travaux de reconstitution qui, d'après les experts, atteindraient 16 millions d'euros. Un amendement portant réduction indicative de crédits, selon la bonne vieille technique de la IVe République (M. le ministre rit), a été déposé par plusieurs de mes collègues et moi-même.
Aussi, je vous demande, monsieur le ministre, après une expertise plus approfondie, de prévoir peut-être un réajustement financier supplémentaire.
Les propriétaires de forêts, privés et publics, ont besoin d'être encouragés après les dures épreuves qu'ils ont endurées depuis 1999 ; les investissements forestiers, hors crédits tempête - je l'ai déjà exprimé à cette tribune -, sont notoirement insuffisants depuis plusieurs années. La trop faible mobilisation des bois risque d'ailleurs de mettre en danger l'industrie forestière, qui joue un grand rôle dans nos territoires ruraux.
Notre fédération a relevé avec beaucoup d'intérêt votre projet concernant un « plan de reconstitution durable de la forêt méditerranéenne », qui sera présenté par le Gouvernement au début de l'année 2004.
La FNCOFOR reste très attentive à l'évolution du fonds d'épargne forestière, dont le cheminement est lent mais qui progresse tout de même, et à la mise sur pied de l'interprofession forêt-bois.
S'agissant de l'interprofession, je note avec espoir le redémarrage du conseil forêt-bois sous la houlette de son président, notre collègue Dominique Juillot. Peut-être la suppression du fonds forestier national, naguère, a-t-elle été une erreur, mais il fallait bien sortir du « tout Etat ». Je forme le voeu, surtout, qu'une reprise économique en 2004 se confirme, afin que la filière bois sorte du marasme qu'elle endure pour la quatrième année consécutive.
En ce qui concerne l'épargne, essayons, monsieur le ministre, de viser une certaine cohérence entre forêts privées et forêts communales ! L'épargne doit être encouragée partout, car c'est toujours de la même forêt qu'il s'agit, celle qui recouvre si noblement le quart de notre territoire.
En attendant que soit adopté, après discussion, le projet de loi de finances rectificative pour 2003, je vous remercie pour les améliorations majeures que vous nous laissez entrevoir. Merci de nous avoir écoutés ! Merci de nous avoir entendus !
M. Bernard Piras. C'est après qu'il faut remercier, pas avant !
M. Yann Gaillard. Et si vous le permettez, j'ajouterai : à tout péché, miséricorde ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme OdetteHerviaux.
Mme Odette Herviaux. Monsieur le ministre, je reconnais qu'il faut du talent et beaucoup de persuasion pour réussir à défendre un tel budget dans les circonstances actuelles !
M. André Lejeune. Ah oui !
Mme Odette Herviaux. En effet, comme l'ont rappelé bon nombre de mes collègues, dont je ne reprendrai pas la démonstration, pour la deuxième année consécutive, il est en baisse. Mais je ne reviendrai pas sur les chiffres, car c'est surtout dans l'esprit et dans les choix politiques que vous avez opérés que ce budget me paraît rompre avec le lien quasi-affectif qui existait entre le pays et son agriculture, entre les paysans et les Français.
Non, l'agriculture n'est plus une priorité gouvernementale ! Il faut bien le reconnaître, et ce n'est pas interprétation de ma part, si je me réfère aux très nombreuses prises de position des milieux agricoles de ma région, et même à un communiqué syndical qui titrait, pour ce budget 2004, « l'abandon de l'agriculture » et déplorait surtout l'insuffisance des crédits affectés à la réduction des crises sectorielles.
Je reviendrai donc sur les conséquences des coupes financières effectuées dans certains domaines, mais auparavant je souhaiterais, monsieur le ministre, appeler votre attention sur ce que nous vivons au quotidien dans nos départements bretons, notamment dans mon propre département, le Morbihan. Je souhaite me faire le porte-parole de tous ces agriculteurs déçus, découragés, qui ne peuvent plus envisager sereinement leur avenir, qui ne savent plus comment se restructurer, qui sont surendettés, voire ruinés, qui ne peuvent plus payer leurs cotisations, leurs assurances, ceux qui, à quarante ou à cinquante ans, sont obligés d'abandonner le métier. A un moment où il aurait fallu non seulement les aider, les rassurer mais aussi leur donner des perspectives, des espoirs, votre budget ne permettra ni de faire face aux crises conjonctuelles ni d'envisager les nécessaires évolutions structurelles.
Son orientation libérale, qui colle à la dérive de la PAC, va à l'encontre d'une agriculture forte et dynamique, certes, mais aussi solidaire et de qualité qui, jusqu'à hier encore, faisait la force du modèle agricole breton.
Ce budget manque d'ambition pour cette profession et il entérine surtout l'abandon par l'Etat de cette forme d'agriculture indispensable à l'équilibre de nos territoires ruraux. Je suis, vous l'aurez compris, d'autant plus sensible à ce problème que la Bretagne est une nouvelle fois malmenée et la plus fortement touchée.
Etes-vous d'accord, monsieur le ministre, avec votre collègue M. Mer, qui, dernièrement, comparait la situation de l'agriculture bretonne à celle de la sidérurgie en Lorraine qui, disait-il, devait fermer ses derniers puits cette année ?
M. Gérard Le Cam. Liquider, ils savent faire !
Mme Odette Herviaux. Vous avez affirmé, monsieur le ministre, qu'il fallait « écouter, accompagner et dissiper l'inquiétude et le malaise du monde agricole » ; je crains fort que le budget que vous nous proposez ne puisse répondre à ces voeux pieux.
Je ne prendrai que quelques exemples. Tout d'abord, le fonds national de garantie des calamités agricoles n'est pas plus abondé en 2004 qu'en 2003, alors que les événements de cet été nous ont montré combien était important le besoin des crédits rapidement disponibles.
Vous avez abondé cette ligne de 100 millions par décret en septembre, mais en annulant d'autant d'autres crédits de votre propre ministère. C'est bien là encore la réalité du sort fait au monde agricole par le Gouvernement qui n'a pas, comme il était autrefois de règle, souhaité faire jouer la solidarité interministérielle...
En ce qui concerne la sécheresse et ses conséquences, vous avez souvent affirmé que les modalités d'indemnisation se feraient dans une logique dite du « cousu main ». Bien que peu experte des techniques ancestrales des brodeuses bretonnes, je reste assez perplexe sur ces nouvelles modalités d'attribution.
Dans un premier temps, en ce qui concerne les remises d'impôts, je tiens, monsieur le ministre, à saluer les fonctionnaires tant des directions départementales de l'agriculture et de la forêt, les DDAF, que du service des impôts, qui ont réalisé un travail très important dans des délais très courts.
Vous le voyez, les fonctionnaires savent aussi être compétitifs et efficaces. Mais le principe choisi de remise sur le foncier semble déjà poser quelques problèmes puisque, dans les secteurs géographiques que je connais bien, certains propriétaires non exploitants se sont vu octroyer des remises de huit euros, cinq euros, voire un euro, pour des terrains en friches, pour des jardins privés ou même pour un petit enclos à moutons. De plus, seuls les propriétaires ont reçu ces indemnisations, et certains exploitants s'inquiètent déjà des méthodes de recouvrement.
Quant aux autres formes d'aide, il convient de s'interroger sur les modalités d'attribution. Bon nombre d'agriculteurs travaillant en polyactivités et ayant subi, au total, des baisses de revenus importantes n'entrent pas dans le cadre des critères retenus.
Force est donc de constater, monsieur le ministre, que le savoir-faire et le cahier des charges de ce « cousu main » doivent encore être améliorés. Un réexamen des nouveaux critères me semble d'actualité pour répondre réellement et efficacement aux attentes de ces exploitants agricoles confrontés aux problèmes liés à la sécheresse et dont nous ne connaissons pas encore, malheureusement, toutes les conséquences.
Il est un autre sujet majeur inquiétant, le sort que vous faites aux offices.
La baisse des crédits d'intervention des offices, de plus de 70 millions d'euros l'an dernier, se poursuit, plus modestement il est vrai, avec 9 millions d'euros. Les crédits de promotion, bénéficiant à la Société pour l'expansion des ventes de produits agricoles et alimentaires, la SOPEXA, au Centre français du commerce extérieur, le CFCE, au salon de l'agriculture et au concours général agricole sont en baisse significative de 6 millions d'euros. En ajoutant à ces baisses les annulations de crédits de 2003, les offices ont ainsi connu une véritable année noire et se préparent à en connaître une autre.
Les crédits d'intervention de certains d'entre eux comme l'OFIVAL, l'Office national interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'aviculture, et l'ONIFLHOR, l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture, ont baissé de 30 % à 50 %. Des mesures ont donc été abandonnées ou réduites à leur plus simple expression, qu'il s'agisse des plans de campagne légumiers, de l'aide aux bâtiments d'élevage ou de l'aide à la collecte du lait. Les offices ne se concentrent donc plus que sur les seuls accompagnements de crise et abandonnent les mesures structurelles d'organisation des marchés.
Nous attendions une intervention publique forte pour équilibrer les désengagements européens ; en fait, vous semblez renoncer à réguler ces marchés agricoles, ce qui accentue la logique - on pourrait dire « la dérive » - du compromis de Luxembourg.
Enfin, et ce sera mon dernier point, les agriculteurs sont naturellement inquiets face à l'évolution de la PAC et aux enjeux internationaux. Ils espéraient quelques signes forts de votre part, que vous auriez inscrits dans votre budget. Malheureusement, il faut bien avouer que, petit à petit, vous semblez laisser des pans entiers de nos productions à la libre concurrence, sans réel garde-fou.
Dans ma région, la première dans le domaine agricole, on a vraiment l'impression d'être de plus en plus loin de Paris. La Bretagne agricole se sent de plus en plus périphérique, de plus en plus incomprise. Les réponses à ses problèmes sont absentes de vos préoccupations budgétaires. Les impacts de l'accord de révision de la PAC à mi-parcours, dans le domaine laitier comme dans le domaine des légumes, de l'élevage porcin et avicole, sont importants et risquent de remettre en cause la volonté des jeunes à s'installer.
On comptait 605 installations en Bretagne en 2002 contre à peine 580 cette année. Dans mon département, on est passé de 130 à 100 installations. Lorsque l'on sait que ces installations se font uniquement dans le domaine laitier et que, selon les études prospectives, dans dix ans, une exploitation sur deux aura disparu dans ce secteur, on peut se demander où les jeunes agriculteurs vont pouvoir trouver de l'espoir.
La situation est dramatique, car même s'il reste des candidats, ceux-ci n'ont pas les moyens d'investir ou reculent devant le manque de perspectives et de lisibilité de la politique agricole.
Vous le voyez, monsieur le ministre, les sujets d'inquiétude sont nombreux, et beaucoup de mes collègues les ont évoqués avant moi.
Je terminerai mon propos en réaffirmant que nos agriculteurs ont besoin d'obtenir des réponses à leurs questions, ils ont envie de relever le défi de la qualité, de la diversification et du développement durable, notamment en Bretagne. Malheureusement, j'ai bien peur que ce projet de budget pour 2004 ne soit pas celui qui leur permettra de retrouver l'espoir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite, dans le cadre du présent projet de budget, évoquer un sujet qui suscite une vive inquiétude, notamment auprès des élus des zones rurales, et qui a déjà été largement abordé dans cet hémicycle, à savoir le financement des réseaux d'eau et des dispositifs d'assainissement.
Auparavant, je tiens à exprimer ma satisfaction en ce qui concerne deux mesures qui figurent dans ce projet de budget.
La première concerne l'agriculture de montagne. Le Gouvernement a exprimé sa volonté de maintenir, dans un contexte budgétaire difficile, deux mesures de soutien à l'agriculture de montagne, qui, vous le savez, est confrontée à de lourds handicaps.
Ces mesures concernent, d'une part, le doublement des autorisations de programme pour la maîtrise des pollutions d'origine agricole et, d'autre part, l'amorce de la revalorisation de la prime versée au titre des indemnités compensatoires de handicaps naturels. Je tiens, monsieur le ministre, à vous donner acte de ces mesures et à vous en remercier tout particulièrement.
Mon second sujet de satisfaction, qui a déjà été excellemment traité, concerne les communes forestières. Ces communes ont alerté les parlementaires sur la baisse de 20 millions d'euros prévue par ce budget du versement compensateur de l'Etat à l'Office national des forêts.
Or ces communes forestières, comme les forêts privées, ont été gravement meurtries par les tempêtes de 1999, dont elles se relèvent à peine ; elles ont ensuite souffert de la sécheresse et des incendies de cet été, sans parler des attaques parasitaires, dans un contexte de marasme du marché du bois qui affecte leurs recettes.
Vous avez su entendre ces inquiétudes et annoncer, tout récemment, que la loi de finances rectificative pour 2003 rétablirait ce versement, malgré un contexte budgétaire défavorable.
Nous mesurons l'ampleur de l'effort et l'importance de la décision politique que vous avez su emporter et nous vous en savons gré, monsieur le ministre.
J'en viens maintenant au principal sujet de mon propos, qui concerne la réforme du fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE.
Prévue par l'article 21 du projet de loi de finances transformant ce compte spécial du Trésor en une ligne budgétaire gérée par le ministère de l'agriculture à partir de 2004, cette réforme paraît justifiée par la nécessité d'améliorer le fonctionnement du FNDAE, devenu peu satisfaisant en raison notamment de procédures administratives et comptables trop complexes.
Or quelles garanties avons-nous que l'Etat se donne les moyens de poursuivre à long terme les missions du FNDAE, missions qui ont précisément permis jusqu'à présent aux communes rurales de se doter de réseaux et de services d'eau et d'assainissement de qualité à des prix abordables ?
En effet, si les crédits prévus en 2004, soit 75 millions d'euros d'autorisations de programme, sont supérieurs à ceux qui étaient inscrits en 2003 pour un montant de 37 millions d'euros, ils restent néanmoins très inférieurs aux dotations de 2002, qui s'élevaient à 127 millions d'euros, et à celles des années antérieures, qui s'étaient pourtant avérées insuffisantes par rapport aux besoins.
Nul doute en effet que les dépenses ne pourront aller qu'en augmentant, puisque les communes rurales devront à la fois renouveler leurs réseaux vétustes, s'équiper afin de prévenir les risques de pénurie en cas de sécheresse comparable à celle que nous avons connue cette année, et mettre en place des traitements de plus en plus sophistiqués pour se conformer aux normes issues de la transposition des directives européennes.
Ainsi, à titre d'exemple, les besoins exprimés par les communes de Haute-Savoie ont augmenté cette année de plus de 50 %. Cette hausse résulte, d'une part, de l'effet combiné des exigences de mise aux normes en matière d'assainissement et, d'autre part, des besoins d'équipement consécutifs à la sécheresse de l'été dernier.
La réforme des politiques de l'agence de l'eau accroît encore l'insuffisance de moyens des collectivités pour faire face aux urgences. Souhaitons néanmoins que cet impact négatif soit atténué par la toute récente décision d'augmenter les ressources disponibles prises par l'agence.
C'est pourquoi, à un moment où la ressource en eau devient un enjeu de société prioritaire, il est essentiel que le principe péréquateur du FNDAE s'impose à l'échelon national comme un instrument de solidarité entre les habitants des secteurs urbains et ceux des secteurs ruraux, solidarité d'autant plus justifiée que les ressources en eau des villes sont souvent issues des zones rurales.
En conséquence, je forme le voeu que, au-delà de la budgétisation opérée par l'article 21 du projet de loi de finances pour 2004, le Gouvernement procède, dès que possible, à une modernisation plus complète du FNDAE qui lui permette de remplir de façon pérenne les objectifs précités.
Je vous remercie, monsieur le ministre, des orientations que vous pourrez prendre en ce sens. C'est en plaçant ma confiance dans vos initiatives sur ce dossier, comme d'ailleurs dans l'ensemble de votre action, que, bien entendu, je voterai ce projet de budget pour 2004. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le ministre, je voterai votre budget sans état d'âme parce que je connais les contraintes auxquelles le Gouvernement est confronté. Pour autant, j'ai tout de même quelques réflexions à vous livrer !
Je n'interviendrai pas longuement au sujet de ARVALIS, dont il sera débattu dans la loi de finances rectificative, encore qu'il m'arrive de me poser des questions. En effet, je ne comprends pas bien comment on peut prendre la décision politique courageuse et prospective d'appuyer la recherche privée dans les entreprises, fussent-ce les plus petites, et, dans le même temps, aboutir à une décision qui place une action coopérative d'agriculteurs de haut niveau mobilisant quelque quatre cents chercheurs d'un seul coup face à une difficulté dont certains prétendent qu'elle est mineure, mais dont beaucoup m'affirment qu'elle est majeure. Il y a là un problème de lisibilité - terme qui servira de fil conducteur à mon intervention - qui ne nous laisse pas indifférents. Si j'évoque aujourd'hui un sujet dont nous ne serons amenés à discuter que dans quelques jours, c'est parce qu'il concerne votre ministère. Or je pense qu'il n'est jamais trop tard pour engager une réflexion, voire pour infléchir quelques décisions.
En revanche, j'interviendrai sans complexe au sujet de ceux que l'on appelle les « gros agriculteurs », dont on parle peu. Les gros agriculteurs sont à la tête de PME, voire d'entreprises artisanales comptant un ou deux salariés, même si la superficie de leurs exploitations varie de 200 à 400 hectares ; ce ne sont donc pas des multinationales. Ces agriculteurs sont confrontés aux évolutions désagréables de la psychologie nationale, ce qui n'est pas nouveau, mais aussi à celles de la politique agricole commune et d'autres aspects de leur vie qui les laissent pour le moins perplexes.
MM. Alain Vasselle et Adrien Gouteyron. C'est vrai !
M. Paul Girod. Ils ont aujourd'hui besoin d'une certaine clarification de leur avenir.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Paul Girod. La politique agricole commune doit certes être réformée. Les agriculteurs ont d'ailleurs quelques raisons de s'interroger sur la manière dont Bruxelles gère, par exemple, le marché des céréales depuis quelques années : la Commission européenne a ainsi, dans le même temps, refusé certaines exportations et certaines importations massives, ce qui a laissé les agriculteurs perplexes - et quand j'emploie ce terme, je suis en dessous de la vérité ! De découplage en écoconditionnalité - je préfère parler froidement de « gestion éco-agro-économique » d'une partie de notre territoire -, ils ne savent plus très bien ce sur quoi la lenteur de leur métier leur impose de faire des projections à cinq ou dix ans.
Par conséquent, une partie de notre agriculture, qui est loin d'être négligeable pour notre richesse nationale - et je ne méconnais en aucune manière les problèmes de l'agriculture de type familial -, est actuellement en pleine perplexité. De surcroît, l'initiative émanant d'un grand groupe coopératif sucrier, qui semble anticiper sur l'éventuelle réforme du règlement sucre, n'est pas faite pour apaiser les esprits des chefs d'exploitation de cette catégorie.
Monsieur le ministre, ne conviendrait-il pas de faire un effort afin de leur donner plus de lisibilité pour les années à venir ? Je ne vous demande pas de modifier fondamentalement les politiques dans lesquelles vous vous êtes engagé avec l'ensemble de l'Europe ; je souhaite simplement qu'ils disposent d'un vade-mecum leur permettant de savoir exactement où on les emmène et de quelle manière, afin qu'ils puissent prévoir la pérennité de leurs entreprises, voire leur fusion ou leur réforme. Il faudrait qu'ils sachent au moins dans quel décor ils vont évoluer.
J'interviendrai enfin, monsieur le ministre, au sujet de l'enseignement agricole privé, dans lequel se joue, là aussi, une part de notre avenir. De la même manière que le comportement des chefs d'entreprise agricole va déterminer, dans un effet de masse, l'avenir d'une partie de notre territoire, l'avenir des jeunes qui entrent en agriculture ou qui se rapprochent du milieu rural a besoind'être préparé. Or nous avons le sentiment que, dans les évolutions en cours, certains problèmes qui se posent au milieu familial rural ou à l'enseignement agricole privé dans son ensemble ne sont pas pris en compte avec une vision suffisamment prospective. Là encore, monsieur le ministre, il y a un besoin de lisibilité.
L'agriculture est l'une des rares ressources naturelles de notre pays. Comparée au reste de l'Europe, la France est probablement le pays qui possède la plus grande surface cultivable par habitant. Cette situation nous impose certains devoirs de solidarité, mais devrait en même temps nous procurer des pistes de développement.
Nous avons donc besoin de lisibilité dans plusieurs domaines. Je me suis permis de vous en énumérer deux à titre principal et un à titre prémonitoire, concernant ARVELIS et le projet de loi de finances rectificative pour 2003. J'espère, monsieur le ministre, que vous pourrez dans les trois cas progresser dans la voie de l'apaisement psychologique de nos agriculteurs et de leurs responsables, et dans celle de la prospective à la fois sur la recherche appliquée et sur une formation porteuse d'avenir pour notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Paul Raoult.
M. Paul Raoult. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que l'agriculture avait été déclarée grande cause nationale par le Premier ministre le 10 septembre 2002 à Rennes, je constate dans la présentation de ce projet de budget un désengagement financier, en clair un manque d'ambitions fortes en faveur de l'agriculture et du monde rural.
Or les besoins à satisfaire restent très importants. Une nouvelle fois, j'ai le sentiment que les services de Bercy vous ont imposé un budget d'une rigueur exagérée sous le prétexte, lié d'ailleurs à leur culture urbaine, que le nombre d'agriculteurs diminue. Il faudrait réduire l'effort de la collectivité nationale en faveur des agriculteurs et du monde rural parce que leur poids économique diminue.
Or les enjeux en termes d'aménagement du territoire sont, en fait, dramatiquement importants. Il nous faut défendre avec force l'effort fait par les agriculteurs pour nous fournir une alimentation saine, de qualité et garantissant notre indépendance alimentaire.
Il faut aussi rappeler que les agriculteurs gèrent, entretiennent des espaces ruraux et des paysages qui, dans leur diversité, sont un atout décisif pour notre tourisme.
Je comprends bien que le contexte économique international défavorable ne vous donne pas beaucoup de marge de manoeuvre financière, monsieur le ministre, puisque, aujourd'hui, les recettes fiscales de l'Etat ne progressent que très faiblement. Pourquoi avoir dès lors diminué l'impôt sur le revenu ? Cela a encore accéléré la diminution des recettes et vous conduit à tailler dans le vif certaines dépenses de votre ministère, pourtant vitales pour l'avenir, comme, par exemple, celles qui concernent les aides à la promotion de nos produits agroalimentaires à l'exportation.
C'est bien une conséquence néfaste de vos choix fiscaux. On peut d'ailleurs se poser la question des choix politiques du Gouvernement dans le domaine de l'agriculture puisque, dans le même temps, il a trouvé des ressources en forte augmentation pour les budgets de l'intérieur et de la défense nationale. Les agriculteurs apprécieront ces choix eu égard aux promesses électorales que vous leur aviez faites !
De plus, on peut se demander si le budget que vous nous présentez n'est pas virtuel quand on se rappelle la masse de crédits qui ont été gelés ou annulés en 2003, pour un montant de quelque 220 millions d'euros. J'espère que le scénario ne se répétera pas en 2004.
Monsieur le ministre, face à ces incertitudes financières purement françaises, nous avons des doutes sur la pérennité des aides européennes. Celles-ci sont devenues essentielles pour le revenu de certains de nos agriculteurs, puisque près de 10 milliards d'euros sont ainsi distribués. Je sais que vous vous êtes battu avec acharnement, dans le cadre d'une négociation européenne qui devient de plus en plus difficile tant la France paraît isolée dans la défense de ses intérêts agricoles légitimes, pour préserver cette aide.
La notion de découplage partiel laisse l'agriculteur français dans le doute et l'incertitude, ce qui est inacceptable, surtout pour les jeunes agriculteurs qui souhaitent élaborer un projet d'installation. Aujourd'hui, ils hésitent à se lancer dans l'aventure dans un contexte aussi incertain. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point ?
Un autre élément de notre politique me laisse perplexe : vous affirmez et répétez votre volonté de concilier agriculture et environnement. Même si la prime à l'herbe a été augmentée, ce qui est une excellente chose, pourquoi le contrat d'agriculture durable, qui devait remplacer le contrat territorial d'exploitation, joue-t-il l'Arlésienne ? Ce qui est vraiment durable, c'est l'attente des agriculteurs auxquels le CTE est interdit !
Il a fallu attendre le mois de juillet pour la publication du décret concernant le CAD. L'arrêté ministériel qui en définira le financement est toujours dans les limbes. J'ai le sentiment que vous avez plutôt engagé une course de lenteur pour limiter les dépenses supplémentaires.
On retrouve le même scénario avec la prime herbagère agri-environnementale, la PHAE. Elle a été annoncée, mais sa traduction concrète tarde à venir faute de moyens financiers. Des éclaircissements sur ce point sont nécessaires, monsieur le ministre.
Une autre question est aujourd'hui posée par nombre de parlementaires de toutes tendances politiques : c'est la disparition du FNDAE.
M. Gérard Le Cam. Eh oui !
M. Paul Raoult. Elle provoque beaucoup d'émoi dans les départements ruraux. Certes, la procédure de mise en oeuvre des crédits était beaucoup plus lourde et conduisait à une sous-consommation des crédits alors même que les besoins étaient et restent immenses. Mais les crédits étaient attendus avec impatience par les conseils généraux et les communes du monde rural. Je voudrais être sûr qu'au-delà du PMPOA il restera de l'argent au bénéfice de l'assainissement et de la politique de l'eau des communes rurales.
Je souhaiterais aussi connaître votre avis sur la politique des quotas ou contingentement des productions de lait et de betteraves à sucre remises en cause avec opiniâtreté par la Commission européenne. Si nous avons échappé, jusqu'à maintenant, à la suppression des quotas laitiers, les tentatives répétées d'augmentation des volumes de quotas à produire conduisent et conduiront à une baisse inexorable du prix du lait payé aux éleveurs, ce qui me paraît très dommageable pour beaucoup de producteurs. Leur niveau de revenu est, certes, moins aléatoire, mais souvent faible pour un métier très contraignant. On retrouve la même problématique sur les contingents sucriers. Il faut savoir que les producteurs, petits et moyens, dans certaines régions comme le Nord - Pas-de-Calais, comptent sur cette production pour s'assurer un revenu correct.
Aussi, monsieur le ministre, en observant le manque d'ambition de votre politique agricole nationale face aux enjeux européens graves, le groupe socialiste votera contre ces propositions budgétaires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Doublet.
M. Michel Doublet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget qui nous est présenté aujourd'hui s'inscrit dans un contexte d'inquiétude de nos agriculteurs.
Sur le plan international, la réforme de la PAC avec les accords de Luxembourg et l'échec des négociations à Cancún ont suscité de profondes incertitudes. Sur le plan national, les aléas climatiques n'ont fait qu'aggraver ce sentiment.
Face à cette situation, monsieur le ministre, vous avez maintenu le cap sur le plan tant européen qu'intérieur. Les grandes priorités de la politique agricole sont réaffirmées : financement stabilisé de la PAC, maintien du budget affecté aux agriculteurs, suppression de la baisse des prix, maintien des quotas laitiers.
Nos agriculteurs doivent donc reprendre confiance et espoir en l'avenir. De bonnes mesures ont été prises allant dans ce sens dans votre budget.
C'est le cas de la DJA, la dotation aux jeunes agriculteurs, destinée à permettre l'investissement financier, et qui sera versée en une seule fois. Sur ce point, j'aimerais savoir quelles seront les modalités et les délais du versement unique. De plus, si nous ne voulons pas manquer de repreneurs, il faut poursuivre la politique menée vis-à-vis des jeunes, hors du cadre familial. Or le complément local de la DJA n'est accordé qu'en zones périurbaines ou défavorisées, alors qu'il devrait être étendu à l'ensemble du territoire. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, sur le sujet ?
Votre budget révèle aussi une prise en compte croissante des enjeux environnementaux.
Les CAD sont appelés à prendre le relais des CTE. En Charente-Maritime, quelques-uns seront mis en place en 2004. Je me réjouis que le décret ait été publié et que la circulaire d'application ait été diffusée auprès des préfets.
Les agriculteurs de mon département aimeraient cependant être rassurés quant au montant de l'enveloppe qui est prévu, puisque la dotation doit honorer non seulement les CAD, mais également les engagements pris pour les CTE.
Je profite également de la tribune qui m'est offerte aujourd'hui pour aborder des sujets touchant plus particulièrement la Charente-Maritime, mon département.
Ainsi, je tiens à me faire l'écho de l'inquiétude de bon nombre de communes rurales de mon département au sujet de la disparition du FNDAE et de son remplacement par un mécanisme de subventions attribuées par l'Etat.
Cette budgétisation apparaît, compte tenu de son montant, difficilement compatible avec les investissements coûteux que de nombreuses communes devront réaliser au cours des prochaines années pour leurs services d'eau et d'assainissement. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner quelques assurances sur le sujet ?
Je m'interroge également sur la situation des maisons familiales rurales. Depuis trois ans, en effet, l'ajustement des effectifs entre les régions, qui s'effectuait chaque année, a été bloqué par la direction générale de l'enseignement et de la recherche, la DGER. On aboutit alors à des situations ubuesques : par exemple, des jeunes accueillis dans de nouvelles formations décidées par la DGER se retrouveront sans financement en deuxième année. Ce sera le cas de 200 élèves en Poitou-Charentes. Il faudrait pouvoir faire glisser les réserves d'effectifs « finançables » des régions qui ont des marges importantes dans leurs contrats vers les régions les plus contraintes, et opérer ainsi des ajustements entre les établissements. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions sur ces points ?
Par ailleurs, s'agissant de la viticulture, les chefs d'exploitation de mon département désirent un renforcement de l'AOC pour le cognac et la mise en place rapide du rapport Zonta.
Enfin, le dernier point de mon intervention concerne l'inquiétude des jeunes viticulteurs au sujet des droits nouveaux. En effet, une regrettable erreur du syndicat des producteurs de vins de pays charentais, qui a omis de répondre à ONIVINS, les a privés de leurs droits pour la campagne 2003-2004. Cette erreur administrative leur fait subir un préjudice important. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous faire part des mesures que vous comptez prendre afin d'atténuer ce préjudice ?
Avant de conclure, j'aimerais attirer votre attention sur les menaces qui pèsent sur ARVALIS - Institut du végétal - en raison de la confiscation de la quasi-totalité de ses fonds envisagée dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2003. Cette mesure est d'autant plus regrettable qu'elle privera l'agriculture et l'industrie agroalimentaire françaises d'innovations importantes à un moment où la nouvelle PAC obligera le monde agricole à s'adapter en profondeur.
Je vous demande donc de bien vouloir vous faire l'interprète de ce dossier auprès de votre collègue chargé du budget afin que l'argent investi par nos agriculteurs ne soit pas détourné de son but.
Finalement, je constate que ce budget pour 2004 est probablement le meilleur possible, au vu de l'état de nos finances publiques, et je me félicite des grandes orientations que vous avez définies pour l'avenir de notre agriculture. Dans cet esprit, je voterai les crédits que vous nous présentez pour 2004. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly.
M. Gérard Bailly. Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord vous remercier une nouvelle fois de votre déplacement dans le département du Jura, qui vous a permis notamment, au terme d'une visite de plus de deux heures sur une exploitation agricole, de confirmer votre appréciation quant aux conséquences très importantes de la canicule sur les exploitations agricoles, céréalières ou d'élevage.
Vous avez pu également constater les conséquences de cette canicule sur les forêts, notamment les attaques importantes de scolytes dans les zones déjà les plus touchées par la tempête de 1999. Les résineux et les épicéas ont très vite séché !
Vous avez aussi pu entendre les forestiers et les maires des communes forestières, inquiets de la situation préoccupante du cours du bois qui met à mal les finances communales et la rentabilité des forêts privées.
En visitant une fruitière à comté et de produits AOC, vous avez vu l'importance qu'il y avait à conserver tout ce qui peut protéger nos produits de montagne et AOC, notamment à l'heure où la Communauté européenne passe de quinze à vingt-cinq membres.
Devant ce constat chargé d'inquiétudes, vous le comprendrez, tous les professionnels ont le regard tourné vers l'Etat, surtout au moment du vote du budget de l'agriculture et de la forêt pour 2004, mais ils se tournent également vers les collectivités territoriales.
Je sais que ce vote ne s'inscrit pas dans une période faste où la croissance est florissante : cette dernière est plutôt absente. Monsieur le ministre, soyons tous vigilants ; ne laissons pas se produire l'irréparable, c'est-à-dire le découragement de nombreux agriculteurs, car le nombre des installations est déjà pratiquement à 50 % des besoins.
Je ne veux pas personnellement, monsieur le ministre, revenir sur votre réaction rapide, pendant la canicule, pour la mise en place de l'aide aux transports et les déclarations de calamités agricoles. Vous avez su faire preuve de réactivité, et je vous en remercie.
Cependant, je dois évoquer - mais je sais que ce n'est pas de votre fait - le cas des agriculteurs qui, à la suite d'un contrôle de l'ONIC, l'Office national interprofessionnel des céréales, ou du CNASEA, le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, et malgré l'absence de toute irrégularité sur leur exploitation n'ont, ce 2 décembre, reçu encore ni SCOP ni prime à l'herbe, ni ICHN. C'est insupportable pour des exploitants qui viennent de vivre une année de calamités.
Je me tourne vers l'avenir en évoquant différentes craintes.
Je redoute beaucoup que, pour des raisons financières, les éleveurs ne cessent d'adhérer au contrôle laitier. J'insiste : c'est le commencement de la fin !
En effet, quand un éléveur ne connaît plus la qualité du lait de chacune de ses bêtes, vous constatez vite une baisse de son prix due à la baisse des taux ; lorsqu'un éleveur ne connaît plus la qualité de son lait - cellules, butyriques - propre à chaque animal, il s'expose à d'importantes retenues sur son prix.
Par ailleurs, un nombre important de bêtes soumises au contrôle laitier est indispensable pour faire progresser le testage des géniteurs. Comment faire face aux marchés à l'exportation lorsque l'animal n'a plus de référence ?
Je pense, personnellement, que l'aide à la génétique, particulièrement le contrôle laitier, sont indispensables. Je sais que nos collectivités sont sollicitées. Même l'aide importante qu'apporte un département comme le mien ne pourra pas dissuader les agriculteurs confrontés à des difficultés financières de quitter le contrôle non obligatoire.
C'est pourquoi je considère comme prioritaires les crédits du chapitre 44-70 destinés à la génétique. J'aimerais avoir votre sentiment, monsieur le ministre, sur cette aide à la génétique.
Je souhaitais également évoquer la taxe d'équarrissage, mais, nombre de mes collègues m'ayant précédé, je n'y reviens pas.
Monsieur le ministre, vous êtes un élu de la montagne, et je sais que vous êtes très attaché à cette dernière, tout comme moi. Je souligne, comme très positive, l'augmentation de l'ICHN, qui permet de compenser partiellement les coûts de production des secteurs aux reliefs et aux climats difficiles. Je souhaite, comme d'autres collègues, que cet effort puisse se poursuivre, car nous ne voudrions pas que, le nombre d'agriculteurs diminuant, les zones et les parcelles les plus difficiles à exploiter soient abandonnées.
Vous savez l'importance que jouent, en termes environnementaux, les troupeaux de moutons ou de bovins sur les pentes de nos massifs, indispensables pour empêcher la pousse des premières épines.
Si nous voulons vivre dans des espaces à grande qualité environnementale et si nous voulons continuer une politique touristique, le maintien de l'agriculture est l'une des conditions prioritaires.
Monsieur le ministre, pendant la crise de l'ESB, vous aviez dit l'importance que vous attachiez au contrôle des marges. Lors des travaux de la mission d'information sénatoriale sur l'élevage, j'ai proposé cette mesure en ma qualité de rapporteur. Cette proposition a été reprise et a reçu un avis favorable unanime de la part des membres présents de la commission des affaires économiques du Sénat.
Même si la crise de l'ESB semble s'estomper - bien sûr, nous nous en réjouissons tous -, vous savez que la pression est toujours très forte pour faire baisser les prix à la production quels que soient les produits. C'est pourquoi je pense qu'il faut mettre en place cette mesure.
Elle aurait déjà été utile l'été dernier, quand nous avons constaté une augmentation - significative - des prix des fruits et légumes pour le consommateur, augmentation en tout cas beaucoup plus importante que celle perçue par le producteur. Il est indispensable qu'une transparence s'instaure : chaque maillon doit recevoir sa juste part, mais seulement sa juste part.
Permettez-moi également d'évoquer les futurs classements en zone de revitalisation rurale : certains cantons pourraient perdre toute chance d'obtenir ou de conserver ce classement en raison du développement, dans la vallée, d'un bourg ou d'une ville : de ce fait, le canton voit sa population augmenter.
Il nous faut donc être encore plus vigilants, surtout au moment où les crédits européens destinés à ces zones diminuent, qu'il s'agisse de ceux du FEOGA, le fonds européen d'orientation et de garantie agricole, ou de ceux du FEDER, le fonds européen de développement régional.
J'espère que la loi relative au développement rural, sur laquelle je fonde beaucoup d'espoirs, nous permettra plus de discernement et de souplesse dans la mise en oeuvre des politiques territoriales dans nos zones rurales, et plus particulièrement dans nos zones de montagne.
Monsieur le ministre, permettez-moi d'intervenir sur la forêt. Le courrier du 20 novembre dernier que vous nous avez adressé répond à l'interrogation sur les crédits d'investissement en faveur de la reconstitution des forêts après la tempête. Toutefois, je veux émettre le souhait que l'on puisse prendre en considération, avec les parcelles touchées par la tempête, celles qui sont touchées par le bostryche, afin qu'elles puissent aussi bénéficier des crédits de reforestation. Ne serait-il pas également envisageable de relancer un plan d'encouragement à l'utilisation du bois et à son exportation ? Tant de bois restent aujourd'hui invendus ou sont vendus à des prix très bas - environ 35 % de moins qu'en 1999 dans ma région, par exemple !
Monsieur le ministre, même si Dame nature se montre plus complaisante ainsi que Dame conjoncture en 2004, les séquelles de la sécheresse ne seront pas toutes effacées. C'est pourquoi, souhaitant fortement un redémarrage de la conjoncture économique, il faudra encore, monsieur le ministre, l'année prochaine, être exigeant à Bruxelles et à l'égard de vos collègues du Gouvernement pour trouver des solutions permettant de panser ces plaies et de redonner espoir à toutes les victimes de ces calamités.
Dans le contexte actuel, vous avez, monsieur le ministre, toute ma confiance, ainsi que mon soutien et mes encouragements. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Luypaert.
Mme Brigitte Luypaert. Monsieur le ministre, dans le cadre de la révision à mi-parcours de la PAC, vous avez obtenu le maintien du budget agricole européen jusqu'en 2013, la prorogation des quotas laitiers jusqu'en 2014-2015, ainsi que d'autres décisions importantes pour l'agriculture française.
L'accord intervenu a mis fin à une longue période d'incertitude. Le cadre général défini, les délais d'application fixés, il reste à mettre en oeuvre ces nouvelles mesures au niveau français.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, livrer à votre réflexion quelques interrogations concernant l'Orne, département de polyculture et d'élevage.
Le revenu de la ferme ornaise est très majoritairement dépendant des aides. Des simulations actuellement en cours font apparaître que, au-delà d'une baisse du prix du lait de 10 %, la ferme Orne, pour un revenu net d'entreprise de 100 millions d'euros, peut perdre entre 10 millions et 20 millions d'euros, voire davantage, sans tenir compte des effets de la modulation ni de l'éventuelle discipline budgétaire. C'est un sujet préoccupant.
Si l'on se place ensuite au niveau des exploitations, on s'aperçoit que, sur environ 5 000 exploitations d'élevage, moins de 20 % ont réalisé la mise aux normes. Et les 80 % restantes, comment pourront-elles ne pas subir de réfaction sur les aides, puisqu'elles ne rempliront pas la totalité des critères de conditionnalité ?
Pensez-vous qu'il serait possible de prévoir une phase transitoire d'adaptation ?
Dans l'Orne, le revenu agricole moyen par actif est d'environ 13 000 euros par an. La profession ne peut donc plus accuser de baisse de revenu. D'ailleurs, actuellement, pour quatre départs à la retraite, nous n'avons qu'une seule installation !
Ces dernières années, l'ambiance est morose, les paysans doutent de l'avenir de leur métier. Le renouvellement des générations a atteint un seuil critique, même si, je dois le dire, la situation s'est stabilisée en 2003 dans l'Orne.
La très bonne mesure que vous avez prise concernant le versement de la DJA en une seule fois devrait encourager les installations. Nous l'espérons tous, y compris les jeunes agriculteurs de l'Orne, qui ont élaboré leur projet agricole départemental en fixant un revenu objectif de 20 000 euros par an.
Actuellement, ils s'interrogent sur le mode de gestion des droits à paiement découplés. La réglementation européenne prévoit qu'ils deviennent marchands. Les jeunes agriculteurs craignent qu'ils ne soient objet de surenchère, freinant ainsi les installations. Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre ?
Au fil des ans, les charges administratives sont devenues de plus en plus lourdes pour les agriculteurs : une erreur ne pardonne pas ; elle entraîne des sanctions financières parfois lourdes de conséquences.
Dans une agriculture de plus en plus encadrée, comment envisagez-vous la simplification administrative ? C'est un autre sujet de préoccupation.
Je voudrais aussi vous parler du découplage. Le choix du mode de découplage pourrait perturber fortement les filières et avoir une incidence sur la rentabilité, voire sur la pérennité des entreprises agroalimentaires.
Où en est la réflexion à ce sujet ?
Monsieur le ministre, je connais votre attachement au monde agricole. Depuis votre nomination, vous avez montré courage et détermination : vous pouvez être assuré que je voterai votre budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Yves Rispat.
M. Yves Rispat. Monsieur le ministre, en tant que sénateur du Gers, département, comme vous l'avez vous-même constaté, le plus rural de France, avec une population agricole de plus de 20 %, je considère que la prise en compte par le Gouvernement de la nécessité de donner un nouvel élan au monde rural est un élément de satisfaction.
Le nouveau projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, adopté en conseil des ministres le 3 septembre dernier, et l'annonce de la mise en chantier d'une loi de modernisation agricole sont les témoignages que la nouvelle majorité a tourné la page, après de longues années d'abandon de l'espace rural.
Monsieur le ministre, vous avez construit une part déterminante de ce chantier de défense de nos espaces ruraux menacés, et je salue le travail accompli avec les commissions et nos rapporteurs.
La volonté de protéger les espaces agricoles et naturels en zones périurbaines, les innovations des règles de rattachement aux régimes sociaux de nos citoyens ruraux pluriactifs et les mesures en faveur des jeunes agriculteurs sont, à mes yeux, le coeur de cette loi à laquelle j'apporte un total soutien.
J'ai également le conviction que, si le toilettage des missions confiées aux chambres départementales d'agriculture est une nécessité, en contrepartie, il faut renforcer les responsabilités des chambres régionales d'agriculture et les conforter dans leur rôle de partenaires privilégiés des conseils régionaux.
J'apporte aussi mon soutien à la naissance des sociétés d'investissement pour le développement rural, les SIDER, créées pour soutenir la création d'activités nouvelles dans les zones de revitalisation rurale. Ces SIDER pourront effectivement favoriser le financement des petits projets économiques, mais il convient de faire preuve de la plus grande vigilance afin de les doter de moyens suffisants. La traduction budgétaire de cette volonté politique nouvelle est un point sur lequel je souhaiterais obtenir tous les éclaircissements utiles.
La politique rurale du précédent gouvernement, fondée en priorité sur les CTE, n'a pas arrêté l'abandon progressif de l'espace rural. Pour un jeune agriculteur installé, quatre partent à la retraite et, chaque année, 60 000 hectares d'espaces naturels sont « artificialisés », grignotant partout, y compris en périphérie de l'agglomération toulousaine, les meilleurs sols agricoles.
Pour lutter avec efficacité, pour défendre les paysages et les écosystèmes menacés, la France a besoin non seulement d'un bon budget pour le ministère de l'agriculture, mais aussi, sur le terrain, d'opérateurs forts, techniquement respectés, et capables de travailler dans la durée : les SAFER.
Au-delà de leurs imperfections, les SAFER sont, depuis quarante ans, au coeur des problématiques rurales. Elles sont guidées par des finalités d'équilibre et savent rassembler, autour de projets concrets, non seulement des responsables professionnels, des acteurs de terrain, mais aussi des collectivités départementales et régionales.
Ainsi, en 2002, confrontés à des acquéreurs venant du nord de l'Europe et intéressés par les seules habitations de caractère entourées de quelques terres, qui sont indispensables au maintien de notre agriculture, les SAFER ont, malgré tout, permis ou conforté l'installation de 2 500 jeunes agriculteurs. Ce chiffre, non négligeable, doit être amplifié.
Les SAFER doivent pouvoir aller plus loin, notamment en assumant une mission d'opérateur privilégié des collectivités territoriales. Leur mission d'intervention concernant les biens qui, situés en zones rurales, n'ont pas de vocation agricole doit être précisée. L'organisation de leur droit de préemption au profit des collectivités locales est aussi une assurance de succès pour les projets de développent locaux. Enfin, les conventions d'aménagement qu'elles signent avec les collectivités locales sont des chantiers qui me paraissent essentiels pour l'avenir.
En ce qui concerne les calamités agricoles de 2003, je souhaite féliciter les services de votre ministère d'avoir, en liaison avec les services fiscaux, fait obtenir très rapidement des dégrèvements importants sur la taxe sur le foncier non bâti. Dans mon département, ils ont représenté 5 744 738 euros, ce qui correspond à plus de 50 % de l'imposition totale.
Pour ce qui est de l'indemnisation par le fonds des calamités agricoles, l'Etat, qui s'était désengagé de ce fonds depuis 1997, aura la lourde obligation d'en rétablir le fonctionnement, ce qui est attendu par tous les sinistrés.
S'agissant des aides à la trésorerie, il faut dénoncer une fois de plus le scandale du taux abusif des prêts « calamités » octroyés par le Crédit agricole, en dehors de tout esprit mutualiste.
M. Alain Vasselle. Trop chers !
M. Yves Rispat. Dans le même esprit, il serait nécessaire que, pour l'assiette des cotisations sociales, les bases « N-1 ou triennales » soient abandonnées, à titre exceptionnel, pour l'exercice 2004.
Enfin, permettez-moi de vous indiquer que les contrats d'agriculture durable ont pris un retard que tout le monde déplore : dans mon département, 300 dossiers restent en attente depuis plus d'un an et demi. Le traitement de ce problème pousse à s'interroger sur la volonté réelle de l'Etat et sur ses orientations en la matière. Comment, ensuite, peut-il être crédible quand il encourage les actions environnementales ou de qualité, qui sont nécessaires ?
D'autres inquiétudes se font jour dans les milieux agricoles à l'égard de la nouvelle PAC, notamment du découplage des aides. Nombreux, en effet, sont les agriculteurs en zones défavorisées, propriétaires fonciers de leur outil de travail, qui auront davantage intérêt à laisser leurs terres en jachère et à toucher des aides.
De la même manière, je ne peux que me faire l'écho solidaire de la protestation de l'ensemble des instituts de recherche, tout particulièrement d'ARVALIS, contre la volonté du ministère du budget de prélever 79 millions d'euros sur les fonds de recherche.
Dans notre histoire, la mission des responsables politiques qui défendent le monde rural a toujours été lourde et difficile, compte tenu des coûts élevés de l'entretien de ces territoires essentiels à la vie.
Economiquement, la solution la moins coûteuse pour la collectivité est de permettre aux 10 millions de Françaises et de Français qui vivent dans les espaces ruraux d'entretenir eux-mêmes, par l'agriculture, ces territoires de France !
Continuez, monsieur le ministre, à conduire avec conviction les choix d'avenir qui construisent dans le long terme la défense de ces espaces et des agriculteurs qui les entretiennent et les font vivre.
Je partage votre engagement et vous apporte tout mon soutien dans votre action. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Serge Franchis.
M. Serge Franchis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la dernière fois, les crédits de la protection sociale des non-salariés agricoles sont ouverts dans le cadre d'un budget annexe, le BAPSA.
La tentation est forte d'établir un bilan des quelques décennies qui furent nécessaires à l'évolution de ces prestations sociales. Je me limiterai à quelques commentaires en partant des prévisions de recettes et de dépenses propres à l'exercice 2004.
En recettes se signale l'augmentation de la cotisation minimale d'assurance vieillesse par la voie du relèvement de l'assiette de base des cotisations de 400 à 600 SMIC horaires. Contestée par les organisations professionnelles, qui invoquent l'impact de la sécheresse de l'été sur le revenu des producteurs, cette mesure devrait aggraver considérablement l'effort contributif de plus de 130 000 agriculteurs.
Une autre caractéristique de ce projet de budget est l'importante part de la recette tabac inscrite en substitution d'autres produits. Sans vouloir relancer ici le débat sur l'incidence de l'augmentation du prix du tabac, il n'est pas inopportun de souligner à ce propos deux points.
La lutte contre le tabagisme engagée par le Gouvernement doit se poursuivre par tous les moyens appropriés, quitte, par voie de conséquence, à amenuiser à terme le produit global de la fiscalité sur le tabac. Ce serait là un signe de succès !
Concomitamment, cette politique, pour vertueuse qu'elle soit, nécessite un consensus avec les buralistes. Pour ceux-ci, il s'agit d'accompagner la mutation partielle et progressive de leur activité. L'aménagement des marges, voire du mode de rémunération, peut être un palliatif que d'autres initiatives devraient venir prolonger.
Une autre ligne de recette retient l'attention : celle de la subvention du budget général, qui, ramenée à zéro, est cependant maintenue, à juste titre, afin de permettre tout abondement en tant que de besoin.
En dépenses, maintenant, nous sommes unanimes sur ces travées à nous féliciter de la mise en oeuvre en année pleine de la retraite complémentaire obligatoire. Selon les engagements qu'il a pris, l'Etat participera en 2004 à son financement, à hauteur de 142 millions d'euros.
Ce régime d'assurance vieillesse complémentaire, institué par la loi du 4 mars 2002, comble de satisfaction quelque 500 000 anciens exploitants déjà retraités, qui, désormais, après une carrière complète, perçoivent une pension globale équivalente à 75 % du SMIC, nette de prélèvement social. Le taux est certes modeste, mais il concrétise des revendications exprimées de longue date. Les agriculteurs discernent dans cette mesure une marque de considération de la part de la nation, après tant d'années durant lesquelles ils furent exclus d'un régime de retraite décent et, souvent, contraints de recourir à la solidarité familiale pour subsister.
Quant aux dispositions issues de la loi du 4 août 2003 portant réforme des retraites, elles constituent pour la plupart des avancées sociales en faveur des non-salariés agricoles. Il en est ainsi des dispositions relatives à la situation des aides familiaux ou à la mensualisation du versement des retraites de base.
Néanmoins, des insuffisances persistent. Ainsi, les pensions de reversion versées aux conjoints survivants ne sont financées que par les seules cotisations. Ce n'est donc qu'en cas de décès d'un chef d'exploitation survenu après le 1er avril 2003 que le droit à une pension de reversion du régime complémentaire est ouvert à son conjoint survivant.
Cette discrimination est ressentie comme une injustice flagrante par les retraités actuels. Ils estiment que leurs conjoints ne peuvent être laissés pour compte, alors que leurs mérites sont reconnus.
Il est d'ailleurs probable que, eu égard à la démographie basse des retraités, cet avantage, dans l'avenir, pourrait être servi aux veuves à enveloppe constante.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner l'assurance que la question des conjoints sera réexaminée pour qu'il soit mis fin à une situation aussi pénalisante ?
Mon autre inquiétude porte sur les modalités d'actualisation annuelle de la retraite complémentaire. Si cette actualisation décrochait de celle du SMIC, le seuil de ressources fixé dans la loi du 4 mars 2002 serait très rapidement inférieur à 75 % du SMIC. La mesure de réhabilitation de la retraite des agriculteurs serait alors vidée de sa substance.
Monsieur le ministre, je vous remercie d'apporter sur ce point une réponse qui puisse garantir le niveau de vie déjà bien assez modeste des anciens exploitants agricoles.
Je souhaite, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avoir retenu votre attention sur ces deux questions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est l'une des dernières fois que le Sénat est amené à examiner le budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA. Il en va ainsi par application de la loi organique relative aux lois des finances du 1er août 2001.
Certains regretteront la disparition du BAPSA après cinquante-deux ans de bons et loyaux services. Je ne serai pas de ceux-là, car, d'une part, ce changement a été conduit dans la concertation avec les caisses de MSA et, d'autre part, je ne doute pas que le Parlement restera associé à la politique des prestations sociales destinées au monde agricole.
En effet, les spécificités des agriculteurs méritent une attention toute particulière, et peut-être M. le ministre pourra-t-il nous indiquer déjà quelle image nous pouvons nous faire de l'établissement public administratif que sera le fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA.
J'indique en outre mon souhait de voir le ministre de l'agriculture continuer à s'impliquer comme il le fait - de manière remarquable - dans la question sociale.
S'agissant de la question du financement pour cette année, nous avons débattu la semaine dernière, lors de l'examen de l'article 25 du présent projet de loi, de l'affectation des droits sur les tabacs au BAPSA. Nous avons procédé - sur l'invitation du Gouvernement, qui a entendu notre message - à une augmentation de la fraction du droit de consommation sur les tabacs : cette modification mesurée de la structure de la fiscalité du tabac devrait n'avoir que peu d'incidences sur les ressources du BAPSA.
Il convient toutefois de demeurer vigilants pour l'avenir : nous souhaitons en effet que le Président de la République et le ministre de la santé aboutissent dans leur lutte contre le fléau qu'est le tabagisme, et la guerre contre le tabac menée par M. Mattei commence à produire largement ses effets, puisqu'une baisse importante de la consommation est perceptible. Les dommages collatéraux de cette guerre, telle la situation dramatique des buralistes, imposent au Gouvernement de prêter une oreille attentive à l'économie de cette profession. Mais, autre conséquence d'une politique volontariste de lutte contre le tabagisme, la baisse de la consommation provoquera mathématiquement la baisse de la fiscalité. Il faudra donc veiller à ce que cette baisse du rendement fiscal n'obère pas le devenir de la prestation sociale agricole.
Le projet de BAPSA que nous examinons est donc un document de transition entre deux modes de gestion. Je tiens à rendre hommage au ministre, qui a souhaité anticiper dès cette année l'échéance du 1er janvier 2006 en créant d'ores et déjà le fonds que j'ai évoqué tout à l'heure, témoignant ainsi de son souci de bonne gestion.
Par ailleurs, il faut souligner une disposition très attendue du monde agricole : la mensualisation des retraites, qui, en application de la loi portant réforme des retraites que nous avons votée récemment, entrera en vigueur dès le 1er janvier prochain. Dès cette année, le FFIPSA portera l'emprunt qui permettra de financer cette disposition.
J'attire cependant votre attention, monsieur le ministre, sur la situation transitoire des agriculteurs pensionnés au regard de leur imposition sur le revenu au titre de 2004 : en janvier prochain leur sera versé le quatrième trimestre 2003, puis, dans le courant de l'année, les onze échéances mensuelles. Cette situation particulière devra faire l'objet d'une information spécifique, sinon de mesures fiscales adéquates.
Le chemin à parcourir pour obtenir un alignement des prestations sociales agricoles sur le niveau du droit commun est encore long : en 1993, le gouvernement de M. Balladur avait engagé le rattrapage en matière de retraites ; son successeur a poursuivi ce mouvement, nous le lui reconnaissons ; l'équipe de Jean-Pierre Raffarin persiste dans cette voie. Il y a donc, me semble-t-il, un consensus politique sur ce point.
Enfin, la question de la retraite complémentaire obligatoire devra continuer de faire l'objet de toutes les attentions. Il faudra encore prêter un oeil tout particulier à la situation des ayants droit des assurés agricoles, à celle des polypensionnés, ou encore à celle du conjoint, qui doit être protégé.
Tels sont les principaux points que je tenais à souligner. Monsieur le ministre, sachez que, dans votre ouvrage, vous pourrez compter sur nous dans la voie que vous tracez. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je souhaite tout d'abord attirer l'attention de M. le ministre sur la question du FNDAE, que plusieurs orateurs ont déjà évoquée.
Si j'interviens à mon tour sur ce sujet, monsieur le ministre, c'est que, lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, plusieurs sénateurs, dont M. Joël Bourdin et moi-même, ont interpellé M. Alain Lambert. Or, le ministre du budget est resté particulièrement silencieux ! Nous aimerions pourtant connaître les intentions du Gouvernement en la matière !
L'année dernière a été retiré du budget du FNDAE l'équivalent des recettes provenant du PMU, au motif que la non-consommation des crédits entraînait des reports très importants et qu'il n'était pas justifié d'inscrire des crédits au même niveau. Dont acte !
Nous avons donné rendez-vous au Gouvernement cette année. Or nous constatons que la consommation des crédits a été encore plus faible en 2003 qu'elle ne l'avait été en 2002 et que les reports de crédits atteignent désormais près de 214 milliards d'euros, ce qui est tout à fait considérable.
Les crédits destinés à la maîtrise des pollutions d'origine agricole connaissent le même sort, puisque figurent au PMPOA environ 30 millions d'euros non consommés au cours de l'exercice 2003.
Nos collègues MM. Joël Bourdin et Paul Loridant sont allés effectuer des contrôles sur pièces et sur place. Ils ont ainsi pu se rendre compte que, en réalité, c'étaient les procédures qui étaient à l'origine de la plupart des retards de consommation des crédits.
Nous aimerions donc savoir, monsieur le ministre, comment le Gouvernement compte améliorer ces procédures, afin que la consommation des crédits se fasse sur un rythme plus soutenu.
Il est tout de même anormal que, sur le terrain, nous entendions les maires se plaindre de l'insuffisance des moyens financiers que nous leur apportons pour les travaux d'assainissement et de renforcement d'adductions d'eau potable, et que l'examen du projet de loi de finances fasse apparaître des reports considérables d'une année sur l'autre qui nous conduisent à ne pas inscrire de crédits supplémentaires !
On le sait très bien, dans tous les départements, en milieu rural en particulier, les besoins en travaux d'assainissement sont considérables, puisqu'ils sont évalués, si je me souviens bien, à plus de 2 milliards d'euros d'ici à 2005. Alors, faisons en sorte que les crédits soient réellement consommés !
Nos deux collègues ont abouti à la conclusion qu'il fallait décentraliser les crédits du FNDAE. Or, rien dans le texte préparant l'acte II de la décentralisation n'évoquait un éventuel transfert. On nous renvoie maintenant au projet de loi sur l'eau. Mais voilà déjà deux ou trois ans qu'on en parle ! Ce texte est comme l'Arlésienne, et je ne sais pas s'il sera un jour examiné par le Sénat !
Monsieur le ministre, si vous prenez des engagements précis, selon un calendrier clairement défini, peut-être serons-nous prêts à faire encore preuve de patience. Mais vous admettrez que nous ne pouvons guère attendre plus longtemps ! J'espère que vous m'apporterez quelques apaisements sur cette question.
Je voulais également appeler votre attention, monsieur le ministre, sur l'enseignement agricole.
Les crédits consacrés à l'enseignement agricole public progressent de 1,7 %, soit une augmentation en masse de 0,44 %. Mais le problème de l'enseignement agricole n'est pas tant celui de la masse des crédits que celui du contenu des filières et des programmes de formation ainsi que de l'adéquation de la formation aux besoins de la profession.
L'agriculture est certainement l'une des branches qui connaissent le plein emploi depuis plusieurs années : aujourd'hui, les agriculteurs, qu'ils fassent de la grande culture - culture céréalière ou betteravière - ou de l'élevage, ont les plus grandes difficultés à recruter des ouvriers qualifiés.
J'aimerais donc comprendre par où nous péchons pour parvenir à une telle insuffisance. Sont-ce des métiers auxquels ne s'intéressent plus les Françaises et les Français, à qui l'on fait miroiter que les meilleurs des métiers sont ceux de la fonction publique et que les métiers manuels ne sont plus des métiers valorisants ?
Nous souffrons de cette situation, et je tenais à attirer votre attention sur ce point.
Je terminerai par l'évocation de la politique agricole commune et des négociations que vous avez menées, monsieur le ministre. Certes, on doit vous féliciter d'avoir « sauvé les meubles », d'avoir « évité la casse », car, si vous aviez adopté une position jusqu'au-boutiste, sans doute notre situation ne serait-elle pas ce qu'elle est aujourd'hui. Vous avez donc essayé de ménager les intérêts de l'agriculture française.
Cependant, un point me paraît tout à fait inacceptable, et Paul Girod y a fait une légère allusion tout à l'heure : je veux parler de l'écoconditionnalité et de la modulation.
La modulation va s'appliquer d'abord au taux de 3 %, puis à 4 %, enfin à 5 % entre 2006 et 2013. Dans le même temps, on fera jouer l'écoconditionnalité. Cela signifie que, pour bénéficier des aides de la PAC, non seulement les agriculteurs devront se plier à des contraintes environnementales et à des normes définies au niveau européen, en liaison sans doute avec notre pays, mais en plus ils vont subir un prélèvement destiné à financer des mesures environnementales qui prendront essentiellement la forme de dépenses d'investissement. Or, ces 3 % puis 4 % puis 5 % qui vont être pris à la profession agricole venaient jusqu'à présent conforter le revenu et la capacité d'investissement des agriculteurs en même temps qu'ils contribuaient à couvrir les charges de production des exploitations agricoles. Je pense donc que c'est un mauvais coup qui est porté à la profession agricole.
Notre ami Gérard César écrit dans son rapport que la politique agricole commune le rassure quelque peu parce que le revenu des agriculteurs doit normalement rester inchangé. Permettez-moi d'en douter. Je vous donne rendez-vous en 2005 ou en 2006. Je crains fort, surtout si nous vivons d'autres années comme cette année 2003, que l'agriculture française ne soit alors dans une situation particulièrement délicate. Et ce ne seront pas uniquement les petites structures que défendait M. Piras qui seront touchées. Je ne voudrais pas qu'on croie que nous ne défendons que les grandes structures. Qu'elles soient petites, moyennes ou grandes, les exploitations agricoles sont toutes « dans le même bateau », même si les difficultés auxquelles elles sont confrontées sont sans doute de natures différentes.
L'atteinte au pouvoir d'achat et à la capacité d'investissement est déjà une réalité, et nous risquons de continuer à la subir dans les années futures.
C'est un élément important, et j'aimerais savoir ce que M. le ministre a l'intention de faire dans le cadre du budget agricole pour aider la profession lorsqu'elle traverse, comme cette année, des passages difficiles.
Tels sont, mes chers collègues, les points sur lesquels je voulais attirer l'attention du Gouvernement. Bien entendu, je ferai preuve de solidarité et je voterai le projet de budget en espérant des jours meilleurs ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Bernard Piras. Très bien, sauf la dernière partie !
M. le président. La parole est à M. Daniel Goulet.
M. Daniel Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour paraphraser Henri VIII à son sixième mariage, mon intervention est en quelque sorte « une victoire de l'optimisme sur l'expérience ». (Sourires.)
Je le dis à cette tribune devant vous comme je l'ai dit devant vos prédécesseurs, monsieur le ministre, la situation dans nos campagnes empire en effet chaque année.
Pénurie de médecins, défaillances des services publics, désertification économique et culturelle, essoufflement des regroupements pédagogiques, fermetures de classes, tout cela se conjugue dans un climat de grandes difficultés budgétaires et de réformes européennes.
La France est certes au coeur du dispositif communautaire de la politique agricole commune, mais l'Europe n'apporte pas de réponses significatives aux problèmes franco-français.
La politique agricole commune qui nous est proposée nous prépare, si nous n'y prenons garde, à une agriculture sans agriculteurs, et je crains que votre budget, monsieur le ministre, ne puisse endiguer cette évolution.
Le processus est amorcé et la ponction effectuée sur des organisations agricoles comme Unigrains, l'Union financière pour le développement de l'économie céréalière, pour financer le BAPSA à hauteur de 177 millions d'euros, prévue dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, constitue, à cet égard, un signe inquiétant.
Dans mon département, l'Orne, le secteur agricole réalise un chiffre d'affaires de 765 millions d'euros.
L'Orne comptait, en 1998, 13 740 unités de production agricole sur 412 000 hectares.
En 2002, le nombre d'exploitations est tombé à 8 400, et environ 450 exploitations disparaissent chaque année, soit une exploitation par an et par commune puisque le département compte un peu plus de 500 communes.
Ce n'est pas avec les dispositions relatives à l'aide à la modernisation de votre budget que vous améliorerez la situation !
Vous disposez certes d'autorisations de programme qui ont doublé, mais sans dotation de paiement, comme le soulignait à juste titre M. le rapporteur. Après l'image virtuelle, voilà le budget virtuel, car qu'est-ce en effet qu'un budget sans dotation de paiement ?
C'est un exemple parmi d'autres, et j'en viens maintenant à quelques observations sur le projet de budget.
M. le rapporteur a fait largement mention des fonds européens, en particulier du FEOGA et du FEDER. Je voudrais, sur ce point, vous faire part de mon expérience personnelle.
J'ai, comme beaucoup d'autres de nos collègues, répondu au SOS des services de l'Etat après le constat de la sous-consommation des fonds structurels. Les préfets souhaitaient que l'information circule pour éviter le dégagement d'office. C'est pourquoi j'ai animé de multiples réunions d'information à l'attention des agriculteurs pour les encourager à déposer des dossiers de subvention. Ils avaient, en effet, été échaudés par des années de paperasserie !
Or, je viens d'apprendre que, malgré des incitations publiques réitérées, non seulement l'accueil des requérants n'a pas été amélioré mais, sur le fond, les complications sont demeurées identiques.
Ainsi, le dépôt d'une douzaine de dossiers d'une coopérative d'utilisation en commun de matériel agricole du bocage a été suivi de multiples allers et retours, de demandes de compléments de dossiers et de précisions, pour aboutir, à la veille de la décision finale d'attribution, à un refus quasi global de dossiers qui me paraissaient pourtant éligibles aux termes des prescriptions du comité du suivi.
Les agriculteurs, furieux, ont décidé de retirer leurs demandes, après huit mois d'attente. Comme moi, ils avaient espéré. Je me sens donc un peu responsable d'avoir eu la naïveté de croire à la bonne foi affichée, et ma crédibilité est en cause face à des exigences qui ne me semblent correspondre ni à l'esprit ni à la lettre des textes.
Par ailleurs, monsieur le ministre, à la demande de votre collègue du budget vous êtes venu dans l'Orne, son département d'élection, pour annoncer des mesures importantes pour la filière cheval. C'est une excellente démarche s'agissant d'une filière essentielle pour l'économie de la Basse-Normandie, de l'Orne en particulier. Néanmoins, je n'ai pas trouvé dans votre projet de budget la traduction financière des mesures annoncées. Pourriez-vous m'éclairer sur ce point ?
Autre question : comment allez-vous financer la loi relative au développement des territoires ruraux ? Le projet a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale. S'il n'est pas douteux qu'une telle loi est nécessaire, nombreuses sont les dispositions y figurant qui auraient pu déjà être prévues, un peu comme on l'a fait pour les buralistes, dans votre budget ou dans les budgets de certains de vos collègues, d'autant que, pour l'essentiel, ces mesures tant attendues sont de nature fiscale.
Ainsi, pour favoriser la transmission des exploitations agricoles et leur pérennisation, l'article 4 du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux offre la possibilité de transmettre la déduction fiscale pour investissement en cas de mutation à titre gratuit. Le chapitre III de ce même projet est consacré aux dispositions relatives au soutien des activités agricoles. Il s'agit donc d'amender et de compléter certains articles qui relèvent directement du code général des impôts. Pourquoi ne pas avoir déjà proposé ces mesures, car il s'agit de mesures urgentes et attendues, dans le cadre de la loi de finances pour 2004 ?
Monsieur le ministre, vous connaissez la situation des agriculteurs. Vous auriez peut-être pu « pousser » un peu plus le ministre du budget. Je crains en effet que, comme plusieurs de vos collègues du Gouvernement - le ministre des affaires étrangères nous l'avouait ici hier soir -, vous ne soyez à votre tour victime des difficultés budgétaires.
Or, la vie de nos agriculteurs est au centre de l'activité économique directe de notre pays. Dans un contexte international et européen calamiteux, dont vous n'êtes, bien entendu, pas responsable, il faut aller à l'essentiel et être efficace.
Nous connaissons bien, dans cette assemblée, le diagnostic de nos campagnes : nos populations attendent des actes plus que des promesses.
Il me semble évident qu'il faudra, cette année encore, ajouter à la liste des calamités naturelles le gel, non pas des cultures, mais des crédits, imposé par Bercy et par ses éminents comptables, ô combien compétents mais tellement éloignés de la réalité, j'allais dire de la ruralité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Gérard Delfau. Mais c'est la révolte !
M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. A ce moment du débat, j'essaierai d'être bref : monsieur le ministre, je veux à mon tour vous parler de l'agriculture de montagne, non de manière générale, mais à propos de quelques points précis.
La revalorisation, malgré tout significative, des indemnités compensatoires de handicap naturel est une mesure que, bien sûr, nous considérons comme bénéfique. Alors que l'augmentation initialement prévue était de 5 %, le débat à l'Assemblée nationale - grâce à votre accord et sur l'initiative de notre collègue, député du Cantal, Alain Marleix - a permis de la porter à 10 %. C'est un effort dont nous apprécions la valeur.
Cette mesure permettra d'aider les petites exploitations de montagne puisque l'indemnité ne portera que sur les vingt-cinq premiers hectares, solution qui a en outre l'avantage sinon de freiner, du moins de ne pas encourager la chasse aux hectares.
Monsieur le ministre, je tiens donc à vous remercier de cette revalorisation, dont je salue l'importance.
Je me réjouis aussi que la prime herbagère agri-environnementale, qui a succédé en mars à la prime à l'herbe, ait été sensiblement revalorisée, même si la revalorisation n'a pas toujours été constatée dans les exploitations.
A ce sujet, vous avez su donner aux départements - c'est du moins le cas dans le mien, la Haute-Loire - une marge d'initiative en leur permettant de faire varier un certain nombre de paramètres, par exemple le taux de spécialisation et le taux de chargement. Cette variation a favorisé une meilleure consommation des crédits, ce dont on ne peut que se réjouir.
Je signale d'ailleurs que cette marge d'initiative a aussi permis à un département comme le mien de prendre en compte pour la prime herbagère agri-environnementale les prairies naturelles pour lesquelles l'exploitant a passé avec l'Etat une convention par laquelle il s'engage à ne pas utiliser de traitement phytosanitaire pendant cinq ans.
C'est là une mesure dont les effets seront à l'évidence intéressants.
Après mon collègue et ami Jean Boyer, lui aussi sénateur de la Haute-Loire, je veux évoquer la question des bâtiments d'élevage. En montagne - vous le savez, monsieur le ministre, aussi bien sinon mieux que moi -, c'est une priorité. Je ne reviens pas sur les raisons qui justifient en montagne un effort particulier pour la mise aux normes et la réhabilitation des bâtiments d'élevage. On sait que 68 millions d'euros sont inscrits dans les PMPOA, mais peut-être pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner quelques précisions sur la ventilation de ces 68 millions d'euros ? En définitive, quels crédits vont revenir aux bâtiments d'élevage ?
Moderniser les bâtiments d'élevage, c'est évidemment préparer l'avenir. Si l'on veut améliorer les performances et, surtout, si l'on veut favoriser l'installation de nouveaux agriculteurs, il faut évidemment leur permettre de disposer d'un outil de travail à la mesure de leurs espérances. Les jeunes n'acceptent en effet plus de travailler dans les conditions qui prévalaient encore il y a vingt ans ou même dix ans. Moderniser les bâtiments est donc indispensable si l'on veut faciliter l'installation des jeunes.
J'exprimerai une demande, monsieur le ministre. A mon sens, il est nécessaire de revaloriser le plafond des dépenses prises en compte. Ne peut-on pas envisager de porter ce plafond de 50 000 à 80 000 euros et, du même coup, de revaloriser le montant maximum de subvention de 10 000 à 20 000 euros ?
Je remarque d'ailleurs que le plafonnement des aides totales a en quelque sorte pour effet d'écrêter l'effort consenti en faveur de la montagne et a donc, à cet égard, un effet néfaste.
J'ai évoqué les installations. Bien sûr, c'est une priorité dans tous les départements. Dans le mien, une exploitation sur trois est reprise, et je salue d'ailleurs les efforts que font les responsables agricoles. Le nombre des installations augmente : de 82 l'année dernière, on devrait passer cette année à plus de 110. Raison de plus pour encourager les jeunes qui vont s'installer !
Jean Boyer évoquait les conditions climatiques qui, dans les départements comme le nôtre, sont en effet parfois rudes, même si ces départements ont beaucoup de charme - mais, cela aussi, vous le savez, monsieur le ministre. Aujourd'hui même, nous subissons des inondations extrêmement dévastatrices dont les conséquences seront très lourdes.
Monsieur le ministre, je sais que vous n'oubliez pas la montagne, mais il reste encore tellement à faire que je voudrais que mon propos, qui clôt cette discussion, soit un encouragement supplémentaire.
Monsieur le ministre, je voterai bien entendu votre projet de budget, en raison non seulement de son contenu, mais aussi parce que je connais votre engagement et votre extraordinaire capacité à traiter des problèmes d'une énorme diversité.
Le commerce mondial globalisé, l'OMC, la PAC, le développement des territoires, de la montagne, tout cela, c'est votre tâche, monsieur le ministre, et c'est une tâche énorme. J'espère ainsi que vous verrez dans le vote qu'une énorme majorité d'entre nous émettra en faveur de votre projet de budget un signe de confiance et un encouragement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, avant d'entrer dans la discussion du projet de budget de mon ministère, je veux insister sur la totale mobilisation du Gouvernement face aux catastrophes qu'une grande partie de notre pays est en train de vivre.
Comme l'ont dit Adrien Gouteyron et Jean Boyer, dix-neuf départements français sont actuellement touchés par des intempéries d'une gravité exceptionnelle. Près de 4 000 personnes ont été évacuées et nous déplorons, à ce stade, cinq victimes.
Dès ce soir, à vingt et une heures, une cellule interministérielle de crise, présidée par le Premier ministre, a été mise en place afin d'apporter le plus rapidement possible les réponses qui s'imposent, et 4 000 agents de la protection civile sont d'ores et déjà mobilisés. Dans plusieurs départements, les écoles ont été fermées.
Nous ne disposons pas encore d'informations sur l'ampleur de la catastrophe, mais chacun sait, et beaucoup d'entre vous l'ont rappelé, M. Piras notamment, que, dans nombre de nos départements, nous avons à faire face à une situation dramatique qui aura, bien évidemment, des répercussions sur l'agriculture.
M. Adrien Gouteyron. Bien entendu !
M. Hervé Gaymard, ministre. Cela montre bien, mesdames, messieurs les sénateurs, que le domaine qui nous occupe est étroitement lié au climat, au travail et aux saisons. C'est ce qui fait à la fois l'intérêt et la difficulté de traiter la question agricole dans tous ses aspects.
Je tiens d'abord à remercier le rapporteur spécial, Joël Bourdin, et les rapporteurs pour avis, Gérard César, Alain Gérard, Gérard Delfau, Bernard Dussaut, Françoise Férat et Jean-Marc Juilhard, pour leurs rapports écrits et leurs interventions à la tribune. Ils ont établi un diagnostic exhaustif et pertinent sur l'ensemble des sujets que nous examinons ce soir.
Avant d'entrer dans le détail des questions très nombreuses et importantes qui ont été soulevées, que l'on me permette d'évoquer la sécheresse qui a frappé durement notre agriculture en cette année 2003. Elle est survenue après une première série d'inondations, en octobre 2002, et le gel qui a affecté plusieurs de nos régions, au printemps de 2003. Apparue au mois de juin, elle s'est confirmée au mois de juillet pour s'aggraver au mois d'août.
Nous nous sommes efforcés, par une présence le plus dense possible sur le terrain, par une réactivité aussi grande que possible, d'apporter au fur et à mesure des réponses appropriées aux difficultés que connaissaient les agriculteurs de notre pays, par le biais du fonds national de garantie des calamités agricoles, mais aussi, notamment, du fonds d'allégement des charges financières des agriculteurs et du fonds Agridif.
Il s'agissait, comme je l'ai dit, de faire du « cousu main », en particulier pour les productions qui ne sont pas éligibles au fonds national de garantie des calamités agricoles, et de faire en sorte que l'on puisse pâturer les jachères, ce que nous avons obtenu au début du mois de juillet. En outre, il convenait que l'on puisse verser par anticipation les aides nationales et européennes.
Plusieurs d'entre vous, notamment Jean-Paul Emorine, Aymeri de Montesquiou, Bernard Joly, Daniel Soulage et Odette Herviaux, ont évoqué les différents aspects de cette sécheresse.
Je voudrais tout d'abord rendre hommage à la solidarité paysanne, qui a pleinement joué, ainsi qu'aux agents de mon administration, qu'ils appartiennent aux services déconcentrés ou à l'administration centrale. Ils ont su réagir très vite, de même que les établissements publics payeurs, pour permettre un traitement des dossiers le plus rapide possible.
Cette affaire n'est d'ailleurs pas close, puisque nous devrons, dans les semaines à venir, assurer la soudure pour l'alimentation du bétail, même si, dans nombre de nos départements, un regain a été constaté ces derniers temps en raison d'une meilleure pluviométrie. Nous avons procédé à des virements pendant l'été et l'automne et inscrit des crédits dans la loi de finances rectificative qui sera bientôt examinée et votée par le Sénat, mais je considère que nous devrons continuer de suivre ce dossier avec la plus grande attention dans les prochains mois.
Un certain nombre de questions m'ont été posées sur les conditions d'indemnisation de certaines productions ou la prise en compte de certains types d'exploitations, notamment de celles qui regroupent plusieurs activités différentes.
Je puis indiquer que le « cousu main » sera mis en oeuvre et que les règles seront adaptées en fonction des besoins, comme cela a déjà été le cas pour un certain nombre de productions.
Concernant les catastrophes naturelles, faire jouer la solidarité nationale s'impose, au-delà des clivages politiques, car c'est la communauté nationale tout entière qui doit faire face à ces situations dramatiques.
A cet égard, je rappellerai très amicalement et sans aucun esprit de polémique quelques chiffres à Mme Odette Herviaux, qui a asséné un certain nombre d'affirmations relatives aux calamités agricoles.
Entre 1993 et 1997, le fonds national de garantie des calamités agricoles a été financé par le gouvernement de l'époque, pour la part de l'Etat, à hauteur de 176 millions d'euros. Entre 1998 et 2002, il l'a été à hauteur de 45 millions d'euros à ce titre, soit à peu près un tiers de l'effort consenti pendant la législature précédente. Depuis le début de cette législature, c'est-à-dire depuis dix-huit mois, le Gouvernement a alimenté ce fonds à hauteur de 399 millions d'euros. Je n'en dirai pas plus, car les chiffres parlent d'eux-mêmes, mais il fallait que cela fût précisé, compte tenu de certains commentaires que j'ai pu entendre.
Je le confirme donc : sur cette question cruciale de la sécheresse, le Gouvernement reste mobilisé.
Cela étant, je reconnais que le fonctionnement du fonds national de garantie des calamités agricoles, dont l'architecture remonte à 1964, est sans doute quelque peu obsolète dans certaines de ses modalités. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre a nommé un parlementaire en mission, M. Christian Ménard, député du Finistère, qui est chargé de remettre un rapport, dans le courant du mois de février prochain, sur la mise en place d'un mécanisme d'assurance récolte et la modernisation de la prise en compte par la puissance publique, notamment du point de vue assuranciel, de la couverture des risques.
En effet, une refonte de nos systèmes d'indemnisation s'impose. Il est apparu, depuis un an, qu'il fallait modifier un certain nombre de règles en vigueur pour apporter des réponses aux problèmes tels qu'ils se posent dans la réalité. Daniel Soulage m'a d'ailleurs interrogé à ce propos.
Pour paraphraser Jacques Chardonne, qui aimait le cognac, puisqu'il en produisait, il est vrai que l'agriculture, c'est plus que l'agriculture. Ainsi, l'examen de ce projet de budget nous amène à évoquer l'agriculture, l'alimentation, la pêche, les affaires rurales, la forêt, l'enseignement agricole, la protection sociale agricole, et ce dans leur dimension non seulement nationale, mais également européenne et internationale.
Avant de répondre aux questions précises qui m'ont été posées sur certains aspects du projet de budget de l'agriculture, je voudrais donc esquisser brièvement dans quel environnement international et européen celui-ci s'inscrit.
Pour commencer, j'évoquerai les négociations au sein de l'Organisation mondiale du commerce, qui, comme vous le savez, ont achoppé au mois de septembre dernier, à Cancún, dans le cadre du cycle de conférences entamé à Doha, sous l'appellation de « cycle du développement ».
La Haute Assemblée y était représentée par plusieurs de ses membres, qui ont rédigé un certain nombre de rapports extrêmement précis et intéressants sur le sujet. Je ne m'y attarderai donc pas longuement.
A ce stade, je me bornerai à formuler trois observations.
Premièrement, au cours de ces négociations, les quinze Etats membres de l'Union européenne et la Commission européenne ont fait preuve d'une grande cohésion pour défendre notre modèle agricole européen, fondé sur une agriculture principalement familiale, produisant des aliments de qualité. Cette conception s'oppose à une certaine vision ultralibérale, qui est d'ailleurs promue par des pays aussi différents que l'Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande, les Etats-Unis ou, plus curieusement, le Brésil. Notre tâche consiste donc à défendre et à promouvoir le modèle agricole européen dans le monde, notamment auprès des pays en voie de développement.
Deuxièmement, nous faisons face à une vaste offensive contre les subventions aux exportations, ce que l'on appelle les « restitutions ». De ce point de vue, il est clair que, si des efforts doivent être faits, ils devront être équilibrés. Par exemple, dans la mesure où un pays comme les Etats-Unis dispose d'un système de subventions à l'exportation bien plus étendu et beaucoup plus sophistiqué que celui de l'Union européenne, il n'y a aucune raison que cette dernière soit la seule à faire les frais d'une négociation commerciale multilatérale.
Troisièmement, la question des appellations d'origine contrôlées et des indications géographiques de provenance est capitale. Sur ce thème, nous livrons une véritable bataille culturelle, idéologique et politique, afin de faire partager notre conception de produits liés à des terroirs, que les Etats-Unis et le Brésil rejettent. Votre collègue Jean Bizet, que je salue ici, contribuera à la défense de notre point de vue dans le cadre de la mission qui lui a été confiée auprès de mon collègue François Loos, ministre délégué au commerce extérieur.
Pour l'heure, à la suite de l'échec des discussions, un rendez-vous a été fixé pour le 15 décembre prochain, à Genève, entre les ambassadeurs auprès de l'OMC. Nul ne sait quel sera le résultat de cette réunion.
Quoi qu'il en soit, si l'Union européenne a fait preuve de bonne volonté en acceptant des concessions sur les sujets dits de Singapour, qui ne sont pas liés à l'agriculture, il n'est pas question - nous l'avons redit lors d'un récent conseil des ministres à Bruxelles - de modifier la position de l'Union européenne en matière agricole.
Il est d'ailleurs probable, compte tenu à la fois des élections européennes, du renouvellement de la Commission européenne et, surtout, des échéances électorales de novembre 2004 aux Etats-Unis, que l'année prochaine ne sera pas caractérisée par une grande activité sur le front des négociations. En tous cas, nous devons nous montrer extrêmement vigilants s'agissant de l'OMC, puisque, en réalité, c'est là une problématique qui surplombe l'ensemble de la politique agricole européenne et nationale.
En ce qui concerne maintenant l'Europe, on l'entend souvent critiquer. Certains orateurs se sont livrés à cet exercice, et je comprends leur énervement devant la complexité de certaines procédures.
M. Daniel Goulet a ainsi rappelé les itérations pour la consommation des crédits du PDRN, le plan de développement rural national. Quand j'ai pris mes fonctions, j'ai constaté que, en 2001, la France avait été condamnée à 21 millions d'euros d'amende pour non-consommation de crédits communautaires au titre du deuxième pilier. C'est là une réalité, il faut donc simplifier, améliorer, émonder le dispositif, veiller à ce que les crédits soient plus rapidement consommés pour l'ensemble des lignes budgétaires européennes.
Cela étant, la question centrale à poser est à mon avis la suivante : faut-il regretter l'engagement européen agricole de la France ? C'est une vraie question ! Chacun sait en effet que, quand nous avons fait ce choix, voilà quarante ans, les syndicats agricoles majoritaires étaient opposés à la politique agricole commune. Ils avaient d'ailleurs appelé à voter contre le général de Gaulle à l'élection présidentielle de 1965, parce qu'il était favorable à la mise en place d'une telle politique.
Pour ma part, j'estime que, quarante ans après, il ne faut pas regretter ce choix, et ce pour deux raisons.
D'une part, la PAC a ouvert à nos paysans des marchés et la possibilité de développer leurs productions et leurs exportations.
D'autre part, sur le plan budgétaire, les deux tiers de notre budget agricole proviennent de Bruxelles, puisque, comme l'a rappelé le rapporteur spécial, Joël Bourdin, notre budget national de l'agriculture représente 5 milliards d'euros, tandis que, chaque année, Bruxelles nous alloue 10 milliards d'euros à ce titre.
Voilà dix-huit mois, nous avions devant nous un ordre du jour européen particulièrement chargé, avec deux grandes questions : celle de la dimension agricole de l'élargissement de l'Union européennne et celle de la révision à mi-parcours de la politique agricole commune.
S'agissant de la négociation liée à l'élargissement, lors du premier conseil des ministres européens de l'agriculture auquel j'ai participé, à Bruxelles, en mai 2002, quelques jours après ma nomination, la Commission et un certain nombre d'Etats membres estimaient que, de toute façon, l'élargissement de l'Union européenne se ferait, la variable d'ajustement étant le budget de la politique agricole commune. Je m'en souviens très bien ! Tout notre combat, en 2002, fut donc de faire en sorte que l'élargissement ne s'opère pas au détriment du budget de la politique agricole commune. Nous avons élaboré conjointement avec les Allemands une proposition, qui a été adoptée par le conseil des Quinze en octobre 2002 à Bruxelles. La décision prévoit que deux enveloppes sont définies, l'une pour les quinze Etats membres actuels, l'autre pour les dix nouveaux entrants. L'enveloppe globale pour les vingt-cinq peut être augmentée de 1 % chaque année, son montant étant déterminé en fonction des plafonds de dépenses autorisées et non des dépenses effectives, ce qui laisse une marge de manoeuvre nous permettant d'envisager l'avenir budgétaire avec une certaine sérénité.
Le plus important réside dans le fait que le budget de la PAC est assuré pour les dix ans qui viennent. Nous avons donc une décennie de stabilité budgétaire devant nous, ce qui est tout à fait inédit. Les autres dépenses communautaires feront, quant à elles, l'objet d'un réexamen en 2006.
M. Aymeri de Montesquiou m'a demandé si des crédits étaient prévus, dans ce cadre, pour la Roumanie et la Bulgarie. La réponse est négative, puisque ces deux pays ne sont pas encore candidats à l'adhésion à l'Union européenne et relèvent d'un calendrier différent. Le moment venu, une enveloppe spécifique sera discutée.
Je souligne par ailleurs, à l'adresse de M. Jean-Marc Pastor, que le budget agricole de l'Union européenne ne diminue pas. Au contraire, il connaît une stabilité tout à fait inattendue. MM. Gérard César et Jean-Paul Emorine ont d'ailleurs insisté sur ce fait.
S'agissant de la révision de la PAC à mi-parcours,Marcel Deneux, Jean Bizet, Michel Doublet, Alain Vasselle, Paul Girod et Brigitte Luypaert sont intervenus sur ce sujet. Je ne prolongerai pas le débat, à cette heure tardive, mais je formulerai quelques observations relatives à la négociation sur cette question.
Premièrement, nous avons obtenu, contrairement à ce que souhaitait la Commission européenne, que la plupart des prix d'intervention ne soient pas baissés. Je pense en particulier ici au cas du lait, madame Luypaert, mais j'y reviendrai.
Deuxièmement, nous avons obtenu que la Commission renonce à sa prétention d'imposer un découplage total des aides. Un découplage partiel des aides a été décidé, conformément d'ailleurs à la proposition contenue dans un excellent rapport sur l'élevage de MM. Jean-Paul Emorine et Gérard Bailly.
Troisièmement, nous avons obtenu certaines satisfactions sur la mise en oeuvre de politiques de gestion des crises s'agissant des productions comme le porc et la volaille, qui ne sont pas actuellement concernées par la PAC.
Globalement, nous avons donc sauvegardé l'essentiel.
Je tiens à rappeler qu'à Bruxelles, contrairement à ce qui est dit parfois, le droit de veto n'existe pas. Ce n'est pas comme au Conseil de sécurité de l'ONU. Les décisions se prennent à la majorité qualifiée.
Mon obsession a été que la France ne soit pas isolée, mais qu'au contraire nous rassemblions une majorité autour de nos positions - en l'occurrence, cette majorité a été une unanimité - pour trouver la meilleure réforme possible de la politique agricole commune.
Cela étant, un certain nombre de questions se posent, dont voici les deux premières : quelle est la date d'application de la nouvelle politique agricole commune ? Quelle formule de découplage utilisera-t-on ?
Je ne suis pas en mesure de me prononcer ce soir, puisque la concertation avec les organisations professionnelles agricoles est en cours. J'y répondrai officiellement le 16 décembre prochain dans le cadre du CSO, le conseil supérieur de l'orientation de l'économie agricole et alimentaire.
Chacun sait mon attachement à une agriculture qui demeure liée au territoire, et ma détermination à ce que ne soit pas imposée une formule de découplage total. En effet, une telle formule serait très dangereuse, car elle impliquerait l'absence de possibilités de gérer les marchés. Elle serait également très dangereuse par les conséquences qu'elle emporterait sur la déprise agricole d'une grande partie de notre territoire.
Il restera trois grandes questions à régler.
Pour ce faire, j'ai mis en place, au sein du CSO, trois groupes de travail qui devront me remettre leurs conclusions au mois de mars, pour une décision en avril.
La première question concerne la gestion des droits à primes. Il convient de faire très attention, comme le disait M. Marcel Deneux, à la manière dont on gérera ces droits, notamment par rapport à l'installation des jeunes agriculteurs. Le groupe de travail nous aidera à prendre les meilleures décisions.
La deuxième question touche à l'écoconditionnalité, que M. Alain Vasselle a évoquée. Il est important que cette écoconditionnalité ne devienne pas une usine à gaz, mais qu'elle permette d'aller dans le bons sens sans handicaper le développement de nos entreprises et de nos exploitations agricoles.
Enfin, la troisième question a trait à l'utilisation du produit de la modulation.
Je rappelle à M. Alain Vasselle, qui est également intervenu sur ce sujet, que le principe de cette modulation a été accepté par les organisations professionnelles agricoles de notre pays, mais qu'une discussion va avoir lieu sur l'utilisation du produit de cette modulation.
Vraisemblablement, une partie ira au financement des mesures agro-environnementales, une partie aux mises aux normes et une partie aux mécanismes de gestion de crise, s'agissant notamment des productions qui ne sont pas couvertes par la politique agricole commune.
Nous aurons, sur ce point, de nombreux débats fructueux dans les prochains mois. Je souhaite qu'avant l'été prochain, nous ayons clarifié la mise en oeuvre de ces nouvelles dispositions de la politique agricole commune de manière à donner à nos agriculteurs des perspectives d'avenir. Dans toutes les exploitations agricoles que je visite, on me le demande.
Nous avons tracé des perspectives budgétaires à l'échelon communautaire pour les dix ans à venir. Nous avons tracé des perspectives sur les mécanismes de gestion des aides. Ces conditions étaient des préalables obligatoires pour que nous puissions aller de l'avant et envisager l'avenir avec sérénité.
Pour en terminer sur les questions européennes, j'évoquerai trois sujets particuliers qui ont été abordés ce soir.
Paul Girod a soulevé la question, qui s'est posée notamment l'année dernière, de la gestion du marché céréalier.
Effectivement, lors de ma prise de fonctions, la Commission était inactive face à l'invasion du marché céréalier français par le blé de la mer Noire, russe et ukrainien. La France a beaucoup insisté - ce fut lors de mon premier conseil des ministres européen - pour que soit défini un système de gestion.
Nous aurions certes préféré un système avec cotation mer Noire à Odessa, mais, finalement, c'est un système de quotas qui a été adopté lors du conseil des ministres de l'année dernière, à une très courte majorité d'ailleurs, grâce à la compréhension d'un certain nombre de nos collègues de divers Etats membres qui ne nous ont pas fait défaut dans cette négociation extrêmement difficile.
Par chance, ce mécanisme n'a pas joué cette année, puisque l'Ukraine a vu sa production de céréales diminuer de 75 % en 2003 en raison de la sécheresse qui a touché un peu partout le continent européen.
Quoi qu'il en soit, il nous faut être extrêmement vigilants pour faire en sorte que la Commission européenne utilise les instruments de gestion des marchés dont elle dispose.
Le deuxième sujet a été évoqué par Jean Bizet, ainsi que par certains autres intervenants, et concerne les fruits et légumes.
La question des fruits et légumes s'est posée pendant la négociation du découplage total des aides. Nous nous sommes très vite aperçus que, dans l'hypothèse où des producteurs de céréales bénéficieraient d'aides découplées, en l'absence de toute règle particulière, ils pourraient produire des fruits et légumes sur des terres autrefois consacrées à la production de céréales en touchant des aides, alors que les autres producteurs de fruits et légumes, qui, auparavant, n'étaient pas céréaliers, eux, ne toucheraient rien.
Aussi, dans le cadre de l'accord de Luxembourg du 26 juin dernier, nous sommes parvenus à mettre en oeuvre une interdiction de cultiver des fruits et légumes et des pommes de terre sur les terres qui bénéficient d'aides découplées. Si les céréaliers qui perçoivent des aides découplées décident de cultiver des pommes de terre, des fruits ou des légumes, ils ne bénéficieront plus de ces aides.
Comme l'a dit Jean Bizet, le dossier a rebondi au mois de septembre sur un aspect très particulier. En effet, les Allemands essaient - ils n'ont pas encore pris leur décision - de mettre en place une régionalisation de la politique agricole commune. Cela signifie qu'ils remettent tout à plat et qu'ils redistribuent toutes les aides non plus selon les productions, mais selon les territoires.
Dans cette hypothèse, les producteurs actuels de fruits et légumes allemands toucheraient des aides alors que les producteurs de fruits et légumes des autres Etats membres ne les toucheraient pas.
Nous avons donc verrouillé le système au cours d'un conseil des ministres qui a eu lieu en septembre dernier à Bruxelles. Ainsi, la production des cultivateurs de fruits et légumes d'Allemagne sera contingentée. Ils ne pourront pas augmenter leur production au-dessus du niveau qu'elle atteint aujourd'hui, pour éviter les distorsions de concurrence.
Je suis désolé d'entrer dans ces détails un peu compliqués, mais, comme le disent les Allemands : « Le diable se niche dans les détails », il faut donc regarder les choses de près.
Les distorsions de concurrence font l'objet de notre part d'une très grande vigilance. Ainsi, nous avons obtenu, dans le texte de l'accord du 26 juin, qu'injonction soit faite à la Commission européenne de prendre les mesures nécessaires dans l'hypothèse où l'on constaterait des distorsions de concurrence.
Nous avons déjà réglé un problème concernant le veau, puisque les trois principaux pays exportateurs de veaux, c'est-à-dire la France, les Pays-Bas et la Belgique, ont décidé d'harmoniser leurs primes à l'abattage pour éviter les distorsions de concurrence. Des problèmes peuvent se poser à propos de l'engraissement, sujet sur lequel nous sommes extrêmement vigilants. Là encore, si nécessaire, nous demanderons à la Commission de prendre les mesures voulues.
Le dernier sujet lié à l'évolution de la PAC est celui du lait, sujet qu'a évoqué Mme Luypaert. Il s'agit d'un dossier extrêmement important, puisque la production laitière est présente dans tous nos départements et nos régions, et je sais qu'un certain nombre d'inquiétudes se font jour dans la profession.
A mon arrivée à ce ministère, j'ai trouvé une situation qui résultait des décisions prises à Berlin en 1999. Il avait été décidé alors : premièrement, de baisser le prix d'intervention du lait sur la poudre de lait et sur le beurre de 15 %, cette baisse étant compensée budgétairement à 56 % ; deuxièmement, de supprimer les quotas laitiers à partir de 2008 ; troisièmement, d'augmenter de deux fois 0,5 % la masse totale des quotas laitiers.
A l'origine, dans la révision à mi-parcours de la PAC, il ne devait pas y avoir de chapitre sur le lait. Finalement, l'accord de Luxembourg comprend des dispositions relatives au lait, et je dois dire que je suis satisfait que nous ayons obtenu la prolongation des quotas laitiers jusqu'en 2014 ou en 2015, ce qui n'était pas gagné d'avance, puisque une minorité de blocage d'Etats membres s'était prononcée contre leur maintien. Il est vrai que nous avons accepté une baisse du prix d'intervention de dix points sur le beurre, cette baisse étant elle-même compensée à 82 %, puisque le marché du beurre est confronté à des problèmes spécifiques, compte tenu des régimes anticholestériques et des produits allégés, notamment. Il faut savoir tout de même que le beurre ne représente que 11 % des débouchés de la transformation laitière.
Depuis déjà une bonne année, des problèmes existent sur le prix du lait. Vous savez que l'accord signé en 1997 a été dénoncé par les signataires pour le 31 décembre 2003. Nous sommes donc actuellement dans une phase de renégociation de cet accord laitier.
J'entends dire parfois que les problèmes que l'on constate sur le lait actuellement sont liés aux accords de Luxembourg de juin dernier. En fait, il ne faut pas tirer prétexte de ceux-ci pour expliquer des évolutions qui lui ont préexisté. Au demeurant, étant extrêmement vigilant sur la situation et l'avenir de notre filière laitière, j'ai chargé plusieurs experts de mon ministère d'établir un rapport qui me sera remis dès le mois de janvier.
La semaine dernière, j'ai reçu l'ensemble de l'interprofession. Nous suivons très attentivement ce sujet pour apporter les réponses appropriées à la fois en matière de gestion des marchés et - comme vous l'avez dit, madame le sénateur - sur la question extrêmement importante des mises aux normes.
J'en viens maintenant à notre budget national, qui, bien que ne représentant que 5 milliards d'euros, à côté des 10 milliards d'euros de retours européens, n'en est pas moins extrêmement important !
Certes, on peut se battre sur les chiffres et dire que c'est tout juste correct, voire scandaleux. Je préciserai simplement que je dispose d'un budget en reconduction. Compte tenu du contexte budgétaire dans lequel nous sommes, compte tenu de la situation que nous avons trouvée l'année dernière lors de notre arrivée au pouvoir, avec quasiment 1 milliard d'euros d'impasse budgétaire sur l'ensemble des dispositions - je le dis sans esprit de polémique -, je considère que ce budget nous permet de faire pas mal de choses. A ceux d'entre vous qui parlent d'abandon, comme Mme Herviaux, M. Raoult, M. Le Cam ou M. Pastor, je répondrai qu'à 15 milliards d'euros c'est tout de même cher de l'abandon !
Je considère donc que l'effort public en faveur de l'agriculture est conséquent. Chacun sait d'ailleurs que le niveau de cet effort public est extrêmement contesté en Europe et, ô combien, à l'extérieur de l'Europe. A ce propos, il faudrait que certains évitent le double langage qui consiste à défendre les subventions agricoles à l'intérieur de nos frontières nationales et à les remettre en cause dès qu'on a franchi les frontières nationales. J'aimerais que les altermondialistes, que nous entendons beaucoup actuellement, clarifient leur position parce qu'ils font preuve très souvent de contradictions. Ils ont l'air de très bien les supporter, d'ailleurs, mais elles valent d'être soulignées.
Ce budget est donc un budget de reconduction. Mais, comme certains d'entre vous l'ont dit, son périmètre a changé, et, notamment, sur un premier sujet, le service public de l'équarrissage.
M. le rapporteur spécial, MM. Gérard César, Dussaut, Le Cam, Joly, Bizet, Collin, Mme Boyer ont évoqué ce sujet.
Quand s'est posée la question de l'indemnisation pour les farines animales, il a fallu parer au plus pressé. Le gouvernement de l'époque a bien réagi, je tiens à le dire.
Néanmoins, au fil des années, on s'est rendu compte que le système n'était pas satisfaisant. Ses défauts étaient pointés, à la fois par l'Union européenne, mais aussi par les juridictions financières françaises ; je pense notamment aux chambres régionales des comptes.
Ce système avait quelque chose de contestable : d'abord parce que son financement produisait plus d'argent qu'il n'en était dépensé - il y avait donc une sorte d'avantage indu pour le budget de l'Etat ; ensuite, parce qu'il y avait un certain nombre d'intermédiaires qui ne perdaient pas forcément au change, et c'est un euphémisme !
Il fallait donc réformer ce système, chacun en convient. C'est ce qui est fait dans ce budget pour 2004, avec la création d'une nouvelle taxe d'un montant de 176 millions d'euros qui sera affectée au CNASEA.
Cette taxe sera prélevée au niveau des abattoirs de façon à rendre le dispositif plus lisible et surtout à faciliter la répercussion de son coût sur le consommateur final. En fait, c'est bien cette question qui fait problème : qui va supporter le coût de cette taxe ?
L'ensemble des filières craint que ce ne soit l'amont. Nous avons obtenu l'assurance écrite du ministère de l'économie et des finances que ce coût figure en pied de facture, de manière qu'il soit répercuté vers l'aval.
Une deuxième question propre aux filières avicoles et surtout à la filière porcine se pose.
La semaine dernière, nous avons reçu l'ensemble des professionnels de ce secteur. Nous sommes en train d'essayer de dégager une solution. Un certain nombre d'expertises techniques restent à faire, mais nous avons à coeur de trouver une solution pour ces filières qui connaissent des problèmes spécifiques par rapport à l'enlèvement des carcasses. J'ai bon espoir que, dans les jours qui viennent, une solution soit trouvée.
D'ores et déjà, la suppression de la taxe sur les achats de viande au 1er janvier 2004 et son remplacement par une taxe fiscale affectée permettront d'alléger de plus de 350 millions d'euros les prélèvements sur les filières viande, ce qui n'est tout de même pas négligeable.
Parmi les sujets que j'appellerai les « boîtes à chagrin », figurent le financement du développement agricole et tout ce qui concerne les instituts ARVALIS, INAO et ITV.
Je suis arrivé dans ce poste avec une chance immense parce qu'il faut mettre en oeuvre la loi organique relative aux lois de finances, qui enjoint de supprimer ou de réformer un certain nombre de mécanismes parafiscaux. Depuis quinze mois maintenant, nous n'avons pas ménagé notre temps pour travailler sur l'avenir de ces organismes.
Tout d'abord, l'ADAR a remplacé l'ANDA. L'ANDA connaissait une situation de blocage et, de toute façon, la LOLF nous obligeait à changer le système. C'est désormais chose faite. Aujourd'hui même, le premier conseil d'administration de l'ADAR s'est réuni. Une deuxième réunion se tiendra le 17 décembre prochain, de manière à affecter l'ensemble des financements, d'une part, aux instituts techniques dont les ressources proviennent partiellement de l'ADAR et, d'autre part, aux chambres d'agriculture.
Il y avait un certain nombre de sujets pendants, concernant notamment des reliquats de la gestion 2002 et l'affectation des produits 2003 qui avaient été portés budgétairement par le ministère de l'agriculture. Les arbitrages sont désormais rendus, ce qui permettra à tous les organismes de fonctionner correctement. Ce sont là des sujets complexes, qui nous ont beaucoup mobilisés. Nous nous en serions passés, mais il fallait bien appliquer la LOLF, qui a, je le rappelle, été adoptée par tous les groupes des deux assemblées parlementaires.
Les questions relatives à ARVALIS et à d'autres instituts, qui ont été évoquées notamment par MM. Girod, Bizet et Joly, sont traitées par le ministère du budget dans le cadre des bonis de liquidation. En effet, nous passons d'un système de taxe parafiscale, soit à un système de taxe fiscale affectée, soit à un système de contribution volontaire obligatoire. Le débat n'est pas clos puisque ces questions sont abordées dans le projet de loi de finances rectificative qui sera discuté dans quelques heures à l'Assemblée nationale et prochainement au Sénat. Mon collègue M. Lambert est en étroite relation avec l'ensemble des organisations professionnelles de ces instituts de recherche. Je souhaite bien évidemment que tous les moyens continuent d'être mobilisés car, comme l'a dit M. Girod, en ce domaine, la recherche est absolument indispensable.
S'agissant de l'INAO, monsieur Mathieu, le problème se pose en termes quelque peu différents. L'INAO voit, en effet, moins du quart de ses ressources dépendre de l'activité vitivinicole, c'est-à-dire de la production. Or, en 2003, la production aura baissé, même si l'on s'accorde à dire qu'elle sera de grande qualité. Il en résultera, c'est mathématique, une chute des recettes de l'INAO alors même qu'il devra supporter l'année prochaine une dépense supplémentaire liée à une acquisition immobilière, autorisée sur le principe dans la plus grande régularité. Nous travaillons de conserve avec les responsables de l'INAO pour trouver une solution, et nous sommes prêts à faire des efforts.
Pour ce qui est de l'ITV, chacun reconnaît que nous avons fait le maximum, au cours de l'année 2003, pour lui permettre de vivre. Ainsi que je l'ai indiqué à ses responsables la semaine dernière au SITEVI de Montpellier, nous trouverons les moyens d'assurer l'avenir de cet institut, qui fait un travail tout à fait remarquable pour la filière viti-vinicole.
S'agissant toujours des organismes placés sous la tutelle du ministère de l'agriculture, je voudrais évoquer les offices agricoles, dont Joël Bourdin, Gérard César, Jean-Marc Pastor, Daniel Soulage et Mme Herviaux, notamment, ont parlé.
L'année dernière, lors de la discussion de la loi de finances à l'Assemblée nationale, un amendement a été déposé et adopté, qui prévoyait l'établissement d'un rapport sur le fonctionnement des offices agricoles. Ce rapport a été remis au Parlement voilà maintenant quelques semaines. Il est aujourd'hui en débat. La concertation est engagée à la fois avec le Parlement, les organisations professionnelles agricoles et, bien évidemment, les organisations syndicales de salariés des offices.
En réalité, la question des offices recouvre trois sujets.
Le premier est celui de la diminution de certains crédits résultant d'un certain nombre de réformes européennes. Je prends deux exemples : les fruits et légumes et la pêche. Si les crédits de l'ONIFIHOR et de l'OFIMER baissent en partie, c'est tout simplement pour des raisons qui tiennent essentiellement à leur incompatibilité communautaire.
Nous sommes en train d'explorer, avec les professionnels, les moyens de remettre en oeuvre les mécanismes qui permettent cette indispensable gestion des marchés.
Le deuxième sujet est celui de la gestion des aides et des interventions agricoles européennes.
Nous attendons d'ailleurs la mise en oeuvre des mesures décidées dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune pour voir comment les choses vont se passer : il faudra réformer nos systèmes, en les simplifiant et en les rationalisant.
Enfin, le troisième sujet est celui de l'organisation générale des offices, de la synergie entre les différents établissements et des économies qui pourraient être réalisées sur le fonctionnement par une meilleure cohérence entre les services et aussi par des services communs plus importants.
Se pose également la question du déménagement et de l'installation des différents offices à Montreuil à l'horizon 2006.
Il s'agit là de problèmes classiques d'ingénierie administrative. Sur tous ces points, nous en sommes actuellement à la phase de concertation, et j'aurai l'occasion, dans le courant de l'année prochaine, de vous informer des décisions prises.
J'en viens aux grandes priorités budgétaires de ce ministère.
Comme vous le savez, j'ai à coeur de promouvoir une agriculture économiquement forte et écologiquement responsable.
La question de l'installation se pose d'emblée. En effet, il n'existe pas d'agriculture sans de nouvelles installations, notamment de jeunes agriculteurs, qu'ils soient fils de paysans ou, pour utiliser le jargon, « hors cadre familial ».
Cette installation dépend de trois paramètres.
Le premier paramètre, c'est la visibilité économique de l'agriculture. Je ne reviens pas sur ce que j'ai déjà dit : nous souhaitons redonner la visibilité qui fait défaut.
Le deuxième paramètre, c'est la condition de vie des agriculteurs dans une société qui bouge de plus en plus, où la valeur du travail est dépréciée, alors que le métier d'agriculteur est l'un de ceux où l'on ne compte pas les heures. A cet égard, le fonds de communication pour l'agriculture est un outil essentiel. Pour les services de remplacement, nous prévoyons une mesure nouvelle de 1 million d'euros au budget de 2004. Nous sentons bien que cette communication sur le métier d'agriculteur est extrêmement importante.
D'ailleurs, dans le cadre du projet de loi agricole qui sera discuté l'année prochaine et que j'évoquerai brièvement à la fin de mon intervention, il faudra bien imaginer les voies et moyens de nouvelles formes sociétaires d'exploitation tenant compte des changements de la société.
Le troisième paramètre, ce sont les mesures juridiques et fiscales que nous devons mettre en oeuvre. Pour 2004, nous en prévoyons un certain nombre, que plusieurs d'entre vous, notamment Gérard Le Cam, Jean-Marc Pastor et Aymeri de Montesquiou, ont évoquées. Il s'agit tout d'abord de la pérennisation du fonds d'incitation et de communication pour l'installation en agriculture, le FICIA, que j'ai créé en 2003 et que nous pérennisons avec une dotation de 10 millions d'euros. Il s'agit ensuite du versement en une seule fois de la dotation jeunes agriculteurs. J'avais déjà introduit des assouplissements au cours de la gestion 2003. En 2004, la DJA sera versée en une seule fois et ses crédits sont majorés pour cela de 7 millions d'euros.
D'autres mesures fiscales, notamment en matière d'exonération de cotisations sociales sur la DJA, sont prévues dans le volet fiscal du projet de la loi relatif au développement des territoires ruraux.
Pour ce qui concerne le soutien de l'activité dans les zones de handicap naturel, Jean Boyer et Adrien Gouteyron ont évoqué l'augmentation des ICHN. Je confirme que nous proposons d'accroître de 12 %, cette année, l'enveloppe consacrée aux ICHN, pour un coût de 31 millions d'euros, et que mon objectif reste de revaloriser en priorité, dans le courant de la législature, les vingt-cinq premiers hectares afin de favoriser les petites et moyennes exploitations.
Adrien Gouteyron et Jean Boyer m'ont posé une question précise sur les bâtiments d'élevage. En 2002, 12 millions d'euros étaient inscrits à ce titre sur nos lignes budgétaires. En 2003, nous avons inscrit 17 millions d'euros. En 2004, nous aurons 18 millions d'euros.
Le dossier de la révision des plafonds fait actuellement l'objet d'une discussion dans le cadre du groupe montagne. Les conclusions ne sont donc pas encore disponibles aujourd'hui.
J'ai déjà parlé du soutien des services de remplacement, à ce stade, je mentionnerai seulement une mesure nouvelle de 1 million d'euros.
Je souhaite aborder plus longuement les contrats d'agriculture durable, sujet qui a suscité un certain nombre de questions de la part de Gérard Le Cam,de Aymeri de Montesquiou, de Jean-Marc Pastor, de Bernard Joly et de Jean Boyer.
Première observation : l'inspiration contractuelle des CTE est une bonne inspiration. Cela étant, de ce point de vue, on n'a rien inventé avec les CTE : les OGAF, ou opérations groupées d'aménagement foncier, et les mesures « article 21 » existaient déjà de longue date. Alors, qu'on ne nous dise pas que les CTE, c'était la découverte de l'Amérique ou la pierre philosophale !
Deuxième observation : les CTE ont été sans doute la plus belle bombe budgétaire à retardement qui ait jamais été inventée.
En 2002, à notre arrivée au Gouvernement, sur la ligne budgétaire CTE était portée une somme de 76 millions d'euros. Nous avons effectivement dépensé 200 millions d'euros au cours de l'exercice 2002. Combien avons-nous dépensé en 2003 ? Sans signature supplémentaire de CAD, près de 300 millions d'euros !
Cela signifie que, même en ayant suspendu les CTE au début du mois d'août 2002, nous sommes, en un an et demi, passés, en crédits dépensés, de 76 millions d'euros à 300 millions d'euros.
Nous avions donc un système qui était complètement hors de contrôle.
Dans le même temps, un certain nombre de contre-vérités ont circulé. On nous a dit : « Les CTE, en fait, c'est Robin des bois : on prend aux riches pour donner aux pauvres. » Je résume : les CTE étaient censés être financés par le produit de la modulation sur les gros céréaliers. Or rien n'était plus faux. En effet, le produit de la modulation des années 2000 et 2001 était bloqué à Bruxelles jusqu'à ce que nous le débloquions il y a quelques semaines. Le produit de la modulation des années 2000 et 2001 n'a donc pas servi à financer les CTE.
On nous disait aussi : « Mais les CTE, c'est pour les zones à handicap naturel qui ne bénéficient pas des aides de la PAC. » Discours extrêmement séduisant dans les régions de notre pays qui s'estiment mal servies par les aides européennes ! J'ai le regret de dire que cela n'a pas été le cas puisque, la plupart du temps, les montants moyens les plus élevés pour les CTE, puisqu'il n'y avait pas de plafonnement, ont été enregistrés dans des départements qui bénéficiaient déjà des aides les plus importantes de la PAC. Le rapport d'Alain Marleix, fait au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale l'année dernière, comportait une cartographie extrêmement éclairante de ce point de vue.
C'est donc la raison pour laquelle nous avons suspendu ce mécanisme. Nous avons décidé de le plafonner à 27 000 euros, avec un sous-plafond à 15 000 euros pour l'investissement, et de le recentrer sur les mesures agro-environnementales utiles.
Les choses ont traîné en 2003, et cela pour deux raisons. D'une part, il a fallu faire approuver par Bruxelles le nouveau mécanisme, ce qui a été acquis à la fin du premier semestre de cette année. D'autre part, pour pouvoir réformer les CTE, il a fallu engager devant le Conseil d'Etat une procédure juridique compliquée de délégalisation. En effet, les CTE avaient été créés par la loi de 1999, mais, en réalité, il s'agissait d'une matière réglementaire.
Désormais, les CAD sont opérationnels. Les instructions ont été envoyées aux directions départementales de l'agriculture et de la forêt. Notre autorisation d'engagement représente 380 millions d'euros pour les cinq ans à venir.
Pour ma part, j'ai toujours considéré que le nombre de contrats devait être un résultat et non un objectif. On a vu, ces dernières années, certains de nos prédécesseurs brandir le nombre de CAD signés comme s'il s'agissait du soleil d'Austerlitz, que je me permets d'évoquer bien que nous soyons déjà le 3 décembre ! (Sourires.) Moi, je ne partage pas du tout cette vision des choses : le CAD est un instrument parmi d'autres.
Du reste, le fait que nous ayons augmenté de 70 % la prime herbagère agro-environnementale « dégonfle » quelque peu l'attente des CAD puisque le nouveau dispositif est, lui, vraiment opérationnel.
S'agissant de la prime herbagère agro-environnementale, l'enveloppe sera de 133 millions d'euros. Cette prime, chacun le sait, était gravement menacée puisque rien n'avait été prévu pour la succession de la prime à l'herbe. Je me félicite que nous nous soyons donné les moyens non seulement de pérenniser, mais aussi d'augmenter cette prime.
Puisque je parle d'élevage, je voudrais répondre à la question de Jean-Paul Emorine et de Gérard Bailly sur la génétique animale.
Je confirme que nous aurons l'année prochaine, comme cette année, 14 millions d'euros pour la génétique animale. Les crédits sont donc maintenus.
Par ailleurs, nous avons obtenu, au titre de la gestion 2003, le déblocage de 1,9 million d'euros précédemment gelé. Les UPRA, les unions de sélection et de promotion des races animales, n'ont donc pas de souci à se faire.
MM. Jean Bizet, Marcel Deneux et Daniel Soulage ont évoqué la question des biocarburants. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, je suis très favorable à leur développement. A cet égard, les directives européennes constituent un bon cadre et, comme chacun le sait, plusieurs filières agricoles sont concernées.
S'agissant du diester, un volume supplémentaire de 20 000 tonnes a été attribué en 2003, et 50 000 tonnes le seront en 2004. La défiscalisation, qui est en cours de discussion entre les professionnels et l'administration, sera calculée sur la base d'une formule objective. Dans les trois prochaines années, des agréments supplémentaires seront attribués en fonction de ce qui sera décidé par le Gouvernement dans le cadre du « plan climat » et de la loi sur l'énergie.
Pour ce qui concerne l'éthanol, en France, seule l'incorporation d'ETBE, éthyle-tertio-butyle-éther, est possible. Nous savons que l'incorporation directe d'éthanol est une demande forte et justifiée des professionnels. Il s'agit d'un enjeu majeur sur lequel j'ai sensibilisé mon collègue Alain Lambert. J'espère qu'une solution favorable sera trouvée l'année prochaine. Un certain nombre de réglages restent à faire, mais j'entends bien qu'une clarification soit apportée assez rapidement.
Puisque nous sommes sur les sujets agro-environnementaux, j'évoquerai évidemment la question du FNDAE, dont a très bien parlé le rapporteur spécial, Joël Bourdin. André Lejeune, Jean-Paul Amoudry, Michel Doublet et Alain Vasselle, avec l'énergie et l'impétuosité qu'on lui connaît, ont également abordé ce sujet.
Je remercie Joël Bourdin ainsi que Paul Loridant du travail qu'ils ont accompli dans leurs rapports respectifs sur le FNDAE.
Chacun connaît l'origine du FNDAE. D'abord créé pour les adductions d'eau, il a ensuite été étendu à l'assainissement et, enfin plus récemment, en 1997, au financement des programmes de maîtrise des pollutions d'origine agricole. Ce FNDAE est un compte spécial du Trésor dont le fonctionnement a fait l'objet d'un certain nombre de commentaires, notamment de la Cour des comptes, qui a estimé qu'il était nécessaire de le réformer, si j'ose dire, compte tenu, notamment, de la non-consommation d'une part importante de ses crédits.
De ce point de vue, dans le rapport écrit de votre rapporteur spécial figure un tableau extrêmement éloquent qui présente, département par département, l'ensemble des crédits reportés. Et je remercie encore M. le rapporteur spécial du travail qu'il a mené sur le terrain afin de clarifier les choses.
Que se passera-t-il l'année prochaine ? Nous procéderons d'abord à la budgétisation du FNDAE, puis à la distinction entre le FNDAE stricto sensu, c'est-à-dire l'adduction d'eau et l'assainissement, et les programmes de maîtrise des pollutions d'origine agricole. L'inscription au budget du ministère de l'agriculture se fera sur un article « adductions d'eau et assainissement », qui sera doté par des reports en crédits de paiement qui étaient disponibles, et sur un autre article qui, lui, servira à financer les interventions PMPOA et les aides aux bâtiments d'élevage dont j'ai parlé tout à l'heure. Je crois que chacun peut se satisfaire de cette clarification. La situation était telle que l'on ne savait plus de quoi l'on parlait, notamment lorsqu'on comparait les masses budgétaires en cause.
Se pose maintenant la question de l'avenir de ce FNDAE. Demeurera-t-il sur un chapitre du budget du ministère de l'agriculture, ou sera-t-il décentralisé ? En réalité - et c'est un ancien président de conseil général qui parle -, la décentralisation de l'utilisation était déjà effective puisque le compte spécial du Trésor était uniquement une boîte aux lettres, les crédits étant répartis et attribués par les conseils généraux.
Je suis convaincu, à l'instar de M. le rapporteur spécial d'ailleurs, qu'il est logique que ce FNDAE, bien évidemment avec les ressources qui y sont associées, soit décentralisé au profit des conseils généraux.
Deux questions alors se posent.
La première concerne la date, sur laquelle je ne suis pas en mesure de vous répondre aujourd'hui. En effet, deux textes peuvent porter cette décentralisation du FNDAE : le projet de loi relatif aux responsabilités locales - car, même si cette disposition ne figure pas dans le texte initial, il n'est pas exclu que cela puisse nourrir le débat parlementaire qui n'est pas achevé - et le projet de loi sur l'eau en préparation sous la houlette de ma collègue Roselyne Bachelot.
A l'heure actuelle, les débats organisés dans la France entière autour de la politique de l'eau touchent à leur fin. Dans les mois qui viennent, des arbitrages interministériels seront rendus sur la configuration de cette future loi sur l'eau. Mais je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire qu'il faut sortir de cette incertitude.
Il existe tout de même une certitude, c'est que le FNDAE continuera à exister puisqu'il est inscrit au budget du ministère de l'agriculture pour l'année prochaine.
La seconde question concerne les ressources. L'initiative de la diminution dont il est question revient à la commission des finances de l'Assemblée nationale, qui a supprimé l'année dernière la recette PMU affectée au financement du FNDAE. Cette recette PMU a été supprimée parce que les parlementaires ont constaté que d'importants reports de crédits n'étaient pas consommés et qu'il était absurde de continuer à affecter le produit d'une taxe alors même que les crédits n'étaient pas dépensés.
Compte tenu des dépenses prévisibles - le chiffre de 2,2 milliards d'euros a été avancé -, des travaux importants qu'il faut réaliser, nous devons procéder sereinement à la reconfiguration budgétaire du FNDAE en fonction des taxes nouvelles qui pourraient lui être affectées. C'est un sujet sur lequel je ne dispose pas encore de toutes les réponses, mais j'ai conscience de la nécessité d'agir rapidement.
M. Louis Moinard m'a interpellé sur la question du Marais poitevin. Comme il le sait lui-même, étant un spécialiste de cette question, en 1999 ; la France a été condamnée par la Commission européenne pour ne pas avoir mis en oeuvre les mesures permettant de redonner au Marais poitevin un visage correspondant à son intérêt agricole au niveau communautaire.
Il est vrai que les formes traditionnelles d'agriculture ont progressivement régressé. Pourtant, l'agriculture est le premier architecte de ce marais superbe que j'ai eu l'occasion de visiter il y a quelques mois.
Dans cette perspective et dès cette année 2003, j'ai permis que soient recontractualisées de nombreuses surfaces herbagères, ce qui représente un engagement de 4,4 millions d'euros par an pendant cinq ans. Dans le même temps, en accord avec Roselyne Bachelot, nous avons mis en oeuvre une indemnité compensatrice de handicap naturel pour un montant annuel de 2 millions d'euros. J'ajoute que l'enveloppe des CAD permettra également de mettre sous contrat de nouvelles surfaces.
Vous avez évoqué également la question des droits à produire.
Nous avons fait savoir aux préfets que des disponibilités immédiates existaient en matière de prime à la brebis et de prime à la chèvre.
En outre, les références laitières qui ont quitté le marais au cours de ces dernières années ont vocation à y revenir. Nous pourrons alors, au niveau national, accompagner cette démarche à parité.
Nous n'avons, en revanche, pas de marge sur la PMTVA. Je rappelle toutefois que seulement quatre vaches allaitantes sur cinq, en France, bénéficient de cette prime.
La préservation des sites Natura 2000 passe également par la définition entre tous les acteurs locaux de documents d'objectifs. La réflexion qui précède leur rédaction a vocation à intervenir dans le moyen terme, c'est-à-dire dans les dix ans qui viennent. Voilà, monsieur le sénateur, quelques éléments d'information ; sachez que nous sommes mobilisés sur ce sujet.
Je souhaiterais évoquer, brièvement compte tenu de l'heure, la nécessité de renforcer la sécurité sanitaire et la qualité des aliments. A ce titre, deux mesures nouvelles sont prévues pour 2004.
La première concerne le renforcement de la sécurité phytosanitaire, qui est une des grandes priorités de mon ministère. Les crédits en faveur de la sélection, de la protection et du contrôle sanitaire des végétaux augmenteront de 15 %. Ils permettront de financer un programme d'analyse et de contrôle sanitaire renforcé et de faire face à d'éventuelles crises comme celles qui ont menacé certaines cultures dans les années passées : la sharka, la chrysomèle du maïs ou les viroses des cultures maraîchères.
Une seconde mesure est la hausse de 2,5 % des moyens de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments.
J'en viens maintenant à la forêt, qui ne figure pas dans l'intitulé, déjà long, du ministère, mais qui me tient particulièrement à coeur. La forêt est une grande dame qui mérite toutes nos attentions et tous nos égards, dans la durée, et ce n'est pas Colbert, qui veille sur la Haute Assemblée, qui me démentira puisque qu'il fut le créateur de la politique forestière française et de l'administration des eaux et forêts.
A cet égard, je remercie Yann Gaillard, Gérard Delfau, Claude Biwer, Gérard Bailly et Bernard Joly de leurs interventions.
Il convient de donner la priorité à l'organisation de la filière bois.
Il faut, en effet, soutenir les actions d'intérêt général pour l'amélioration de la compétitivité de la filière et le développement de l'utilisation du bois. Cette action ne sera efficace que si elle s'accompagne d'une montée en puissance de l'organisation de la filière et de la mise en place d'une véritable interprofession. Cette nécessité a été soulignée par Dominique Juillot dans le rapport qu'il a remis au Premier ministre voilà quelques mois. Je souhaite que, très rapidement, ces orientations puissent être suivies d'effets.
Nos crédits permettent de soutenir la politique engagée en faveur d'une gestion durable et d'une valorisation de la forêt dans les dynamiques territoriales. La propriété privée attendait depuis longtemps des emplois supplémentaires dans les centres régionaux de la propriété forestière, les CRPF. Nous créerons une première tranche de trente emplois l'année prochaine.
Par ailleurs, nous poursuivrons le mouvement des chartes forestières de territoire.
Les crédits d'intervention seront affectés par priorité à la défense des forêts contre les incendies et à la restauration des terrains de montagne.
Toutefois, les aléas climatiques exceptionnels survenus au cours de l'été dernier, sécheresse et incendies, dont nous ne connaissions pas l'ampleur lors de l'élaboration du projet de budget pour 2004, rendront nécessaire l'ouverture de crédits supplémentaires, en loi de finances rectificative pour 2003, de 4 millions d'euros qui s'ajouteront aux 3,7 millions d'euros de crédits dégelés sur la gestion 2003 : au total, 7,7 millions d'euros seront mobilisés à cette fin.
Enfin, l'Etat poursuivra son engagement pour la reconstitution de la forêt française après les tempêtes de 1999.
Comme vous le savez, certaines mesures, comme l'aide aux chablis, ou les prêts bonifiés de début de cycle, qui n'ont plus lieu d'être, avaient été annoncées comme temporaires par le précédent gouvernement. Je tiens à indiquer que les crédits inscrits pour l'année prochaine permettent de respecter le montant annuel moyen de 91,5 millions d'euros annoncé par M. Jospin à l'époque. Nous veillons scrupuleusement à l'application de ce plan de reconstitution de la forêt française.
J'ai bien noté les interrogations de M. Bailly sur certaines maladies, dont j'ai pu constater les ravages de visu dans son département. Nous sommes en train de mettre au point les moyens d'y remédier.
En réponse à Daniel Goulet sur un autre sujet rural, le cheval, je dirai que les mesures fiscales associées au « plan cheval » que nous avons élaboré avec Jean-François Lamour et Alain Lambert sont pour partie incluses dans le projet de loi de finances pour 2004 - d'ailleurs, un certain nombre de mesures ont été adoptées la semaine dernière - et pour partie inscrites dans le projet de développement rural qui sera discuté au début de l'année 2004. Le contrat d'objectifs entre l'Etat et les Haras nationaux, que notre budget 2004 permet, bien évidemment, d'honorer, représente enfin une dernière partie très importante.
J'en viens maintenant au budget annexe des prestations sociales agricoles évoqué par Joël Bourdin, Jean-Marc Juilhard, Marie-France Beaufils, Georges Mouly et, très longuement, par Bernard Piras.
La première question est celle de l'avenir du BAPSA. C'est avec de touchants trémolos dans la voix qu'a été évoquée la fin du BAPSA, mais il fallait y penser en 2001 quand nous avons tous voté - j'étais alors député - la loi organique relative aux lois de finances !
Le BAPSA est en effet un faux budget annexe puisque les budgets annexes sont censés retracer les opérations industrielles et commerciales. Que je sache, la protection sociale n'est pas une opération industrielle et commerciale. On sait que le BAPSA va disparaître depuis 2001. Je ne considère pas que ce soit une catastrophe nationale. Le budget disparaîtra, et on s'en remettra !
En revanche, je suis complètement d'accord avec la plupart des intervenants sur la nécessité de maintenir la spécificité du régime agricole, fondé sur une construction mutualiste originale qui a fait ses preuves. Il n'y a donc aucune disparition du régime mutualiste agricole en germe dans la suppression du BAPSA. J'approuve par ailleurs le maintien d'un débat parlementaire pour que l'on continue de parler chaque année de la protection sociale agricole. Je l'ai dit devant l'Assemblée nationale, je le redis devant la Haute Assemblée : je ne vois que des avantages à ce que, dans le cadre de l'organisation de vos travaux, dont le Sénat est maître, soit prévu un débat sur la protection sociale agricole. J'en suis le premier demandeur.
Ce débat doit-il avoir lieu à l'occasion de l'examen du budget de l'agriculture ou de celui du projet de loi de financement de la sécurité sociale ? Il appartiendra aux assemblées parlementaires, dans leur souveraineté, d'en décider, et je me conformerai à leur décision.
La seconde question qui a été évoquée est celle du mode de financement du BAPSA. Sur ce point, je veux être extrêmement clair.
Cette année, une recette provenant des droits sur le tabac est affectée au BAPSA, et il n'y a pas de subvention budgétaire de l'Etat. Mais cela ne veut pas dire que les recettes du BAPSA diminueront si les recettes du tabac décroissent. Je n'ai jamais constaté que le BAPSA n'ait pas été alimenté, par quelque moyen budgétaire que ce soit, pour faire face aux dépenses qui sont les siennes. D'ailleurs, je peux en témoigner parce que je me suis retrouvé, l'année dernière, devant un déficit assez important de 750 millions d'euros, qu'il a bien fallu financer.
M. Alain Vasselle. Les ardoises de vos prédécesseurs !
M. Hervé Gaymard, ministre. Donc, la ligne budgétaire BAPSA continue d'exister. Je n'imagine pas qu'elle ne soit pas alimentée en tant que de besoin dans les années qui viennent. De ce point de vue, il ne faut pas avoir trop d'inquiétudes, car, à mon avis, elles ne sont pas justifiées.
Sur la partie recettes, je voudrais également évoquer la question de l'assiette minimum de cotisation vieillesse, qui a été évoquée par un certain nombre d'entre vous, notamment par Georges Mouly, Bernard Piras et Serge Franchis.
Aujourd'hui, dans le régime des travailleurs indépendants, il faut une assiette minimum de 800 SMIC horaires pour valider une année de cotisation en vue de la retraite. Dans le régime agricole, nous étions à 400 SMIC. Il y a eu une pression très forte pour harmoniser le régime agricole avec le régime des travailleurs indépendants. Il a été décidé de s'en tenir à 600 SMIC. Mais il faut dire que cette hausse ouvrira droit, dans de nombreux cas, à une augmentation des pensions servies au moment de la retraite.
J'en viens maintenant au volet dépenses. Depuis dix-huit mois, nous avons pris deux mesures importantes.
D'une part, nous avons mis en place la retraite complémentaire obligatoire qui avait été votée sans financement. Par conséquent, elle fonctionne, et nous lui avons affecté 28 millions d'euros l'année dernière. Nous quadruplons notre engagement puisque 142 millions d'euros sont prévus en 2004 pour son financement.
D'autre part, comme nous nous y sommes engagés, nous avons procédé à la mensualisation. Je voudrais à cet égard remercier les dirigeants et les administrateurs de la MSA qui ont agi avec célérité pour mettre en place ce système.
Cela étant, en matière d'amélioration de la protection sociale agricole et, notamment, de la retraite, le chemin est encore long à parcourir. Depuis dix ans maintenant, sous des gouvernements différents, un certain nombre d'améliorations incontestables ont été apportées. Il faut continuer en ce qui concerne particulièrement la situation des conjoints d'exploitants, qui me paraît essentielle. Cela fait partie des sujets dont nous discutons et qu'il faudra traiter progressivement dans les prochaines années en fonction des moyens budgétaires disponibles.
Je souhaite dissiper les inquiétudes sur les crédits Agridif. Ils seront maintenus. Ce n'est pas parce que le BAPSA change de nature et d'organisation que ces crédits seront supprimés, bien au contraire.
Je me sens donc pleinement ministre de la protection sociale agricole. C'est un sujet extrêmement important dans chacun de ses compartiments, qu'il s'agisse de la santé, de la maladie, de la retraite, de l'accident et des invalidités, des handicapés. Je tiens à souligner le travail tout à fait remarquable de la MSA, qui mène une action sociale facultative. Il faut vraiment défendre et pérenniser ce régime.
D'autres questions m'ont été posées. Claude Biwer m'a interrogé sur le projet de loi rurale. Celui-ci sera examiné en première lecture à l'Assemblée nationale à partir du 15 janvier prochain. Il m'a également interrogé sur l'Internet, le haut débit et la fracture numérique. A ce sujet, plusieurs mesures ont été décidées lors du CIADT, de même que pour l'installation des médecins en zone rurale.
Je tiens à rassurer Gérard Bailly sur le zonage des ZRR. Nous veillons, avec Jean-Paul Delevoye, à ce que les choses soient faites avec discernement afin d'assurer la cohérence des cantons et des communautés de communes. C'est l'un des sujets sur lesquels nous travaillons. Je voudrais également rassurer Yves Rispat sur les interventions des SIDER qui sont prévues dans ce texte.
J'en viens à la question très importante de l'enseignement et de la recherche agricoles. A ce propos, je félicite Françoise Férat pour la qualité de son rapport et je remercie Bernard Piras, Paul Girod et Alain Vasselle de leurs interventions.
L'enseignement agricole est tout à fait remarquable, que les élèves soient ou non issus d'un milieu agricole. Il permet souvent à des jeunes de s'insérer dans notre société lorsque l'enseignement général, notamment dans les classes de quatrième et de troisième, ne leur convient guère.
S'agissant de l'enseignement public, je vous propose de maintenir le budget consacré aux dépenses pédagogiques, de remplacer les assistants d'éducation, les maîtres d'internat, les surveillants d'externat et une partie des emplois-jeunes dans les mêmes proportions qu'au ministère de l'éducation nationale.
S'agissant de l'enseignement supérieur, je vous propose de consolider les crédits de fonctionnement afin de poursuivre, en 2004, la contractualisation avec les établissements et la mise en place des mastères professionnels. Les bourses occupent une place très importante dans cet enseignement qui accueille beaucoup de familles modestes et dans lequel nombre d'élèves sont internes. Elles seront revalorisées de 2,3 millions d'euros en 2004 de façon à accompagner plus de familles. Il s'agit d'une de mes priorités.
Par ailleurs, nous tiendrons nos engagements envers l'enseignement privé pour appliquer la loi Rocard. Je précise en outre à Michel Doublet que nous prévoyons pour 2004 les crédits nécessaires au fonctionnement des maisons familiales rurales.
Monsieur le rapporteur spécial, nous anticipons, en 2004, l'application de la loi organique relative aux lois de finances pour les crédits gérés par la direction générale de l'enseignement et de la recherche.
J'ajouterai deux remarques au sujet de l'enseignement agricole. En premier lieu, le ministère de l'agriculture participe au grand débat sur l'école engagé par le Gouvernement. J'espère qu'il sera fécond pour améliorer la priorité accordée par la nation à l'enseignement professionnel agricole.
En second lieu, je suis sidéré de constater à quel point l'absence de gestion patrimoniale de l'Etat a conduit au délabrement de certains locaux de l'enseignement supérieur agricole, comme c'est le cas à l'Ecole vétérinaire de Maisons-Alfort ou à la Bergerie nationale de Rambouillet. Madame Férat, il existe malheureusement bien d'autres exemples. Je suis donc en train de prendre les choses en main avec les deux directions générales concernées de mon ministère, afin de mettre en oeuvre un programme pluriannuel de travaux, car on a laissé ces bâtiments se dégrader de manière indigne.
Le fait que l'Etat n'ait pas de comptabilité patrimoniale et qu'il n'existe pas de dotation aux amortissements pour les équipements publics est une catastrophe. En effet, l'absence de gestion budgétaire depuis une vingtaine d'années a conduit au gonflement des dépenses de fonctionnement, et ce sont toujours les dépenses d'intervention et d'investissement qui font les frais quand on doit « réduire la voilure ». Nous devons donc absolument changer de système, et nous y travaillons ardemment.
Je voudrais conclure par la pêche, qui n'est pas le sujet le moins important, qu'ont évoqué Alain Gérard, Marie-France Beaufils et Yolande Boyer.
Voilà exactement un an, la réforme de la politique commune de la pêche a constitué une étape très importante. Nous avons obtenu que la Commission renonce à sa prétention de supprimer le système actuel de gestion de la ressource par les totaux autorisés de captures, les TAC, et les quotas pour lui préférer le système de l'effort de pêche, sauf pour les espèces affaiblies, c'est-à-dire, actuellement, le cabillaud de la mer du Nord.
En outre, la Commission voulait supprimer les aides à la modernisation et à la sécurisation de la flotte. Je m'associe aux propos de Mme Beaufils sur le drame que vivent les familles de pêcheurs, puisque vous savez que c'est un métier extrêmement dangereux. Chaque année, plus d'une vingtaine de personnes disparaissent en mer. Il est absolument indispensable d'améliorer et de moderniser nos navires et d'accroître la sécurité.
Sur ces deux sujets, nous avons obtenu gain de cause. L'année 2004 sera extrêmement importante puisque nous avons jusqu'au 31 décembre pour moderniser notre flotte, comme l'a dit Alain Gérard. Nous allons donc réaffecter 4,2 millions d'euros pour les sorties de flotte vers les crédits d'investissement destinés aux opérations de modernisation des bateaux de pêche.
Par ailleurs, dans la loi de finances rectificative que vous allez examiner bientôt, un montant de 10 millions d'euros en autorisations de programme et de 5 millions d'euros en crédits de paiement seront disponibles pour cette modernisation.
J'ajoute que nous consolidons la gestion des prêts bonifiés à la pêche, puisque ces crédits, qui représentent une charge de 10,5 millions d'euros, sont désormais inscrits au budget de mon ministère.
Alain Gérard a également évoqué la question des Sofipêche. Je travaille actuellement avec Alain Lambert à leur reconduction et à leur élargissement. Certaines dispositions techniques doivent être revues, mais j'espère que nous serons en mesure, dans les semaines qui viennent, d'apporter une réponse claire sur ce sujet. Je suis très optimiste quant à l'issue favorable de ce dossier.
J'évoquerai ensuite la déduction pour aléas. On a essayé, dans un premier temps, d'appliquer à la pêche le modèle agricole. Finalement, pour des raisons qu'il serait trop long d'exposer, il semble que ce ne soit pas adapté. C'est pourquoi nous travaillons à l'étude de mécanismes qui permettraient la couverture de certains risques d'exploitation encourus par les entreprises de pêche, notamment liés au coût du carburant. Là aussi, c'est un sujet sur lequel je pense que nous pourrons aboutir assez rapidement.
S'agissant de l'utilisation des fonds communautaires de l'instrument financier d'orientation de la pêche, l'IFOP, un quart des fonds, vous l'avez souligné, monsieur Gérard, n'a pas été consommé. Toutes instructions utiles ont été données pour accélérer la consommation de ces crédits, car il est vraiment stupide de ne pas pouvoir utiliser ce qui nous est pourtant affecté.
Tels sont, mesdames et messieurs les sénateurs, les quelques éléments de réponse que je voulais apporter. Je vous remercie de votre contribution, de vos propositions mais aussi de vos critiques sur ce projet de budget, qui, comme vous le savez, ne reflète qu'une partie des interventions publiques en faveur de l'agriculture.
Depuis dix-huit mois, nous avons rencontré bien des difficultés. Tout d'abord, nous avons trouvé une situation budgétaire catastrophique. Nous avons ensuite dû conduire quatre négociations internationales ou européennes : l'élargissement, la pêche, la PAC, la conférence de l'OMC à Cancún. Par ailleurs, nous avons connu de très nombreuses crises de filières, notamment celles du porc et de la volaille, auxquelles nous avons continûment tenté d'apporter des solutions. En ce qui concerne le vin, dont j'ai peu parlé, nous avons essayé, notamment dans certaines régions, d'apporter des réponses adaptées à la reconversion qualitative du vignoble. Nous avons également été confrontés à de nombreux sinistres climatiques. Nous en connaissons encore, comme en témoignent les informations du début de la soirée.
Pour avoir effectué 104 déplacements dans une soixantaine de départements, je sais que la France des métiers de la terre et de la mer est inquiète du présent et de l'avenir. Il ne faut jamais insulter l'inquiétude des professionnels qui sont angoissés par leur avenir. Notre rôle est d'être à leur écoute sur le terrain, de leur apporter le plus rapidement possible les réponses qu'ils attendent, et surtout de tracer des perspectives pour l'avenir.
Il est vrai, et pas seulement en ce qui concerne l'agriculture, que nous vivons des temps difficiles. Nous sommes souvent désorientés et nous avons du mal à apercevoir une lueur. L'écrivain Georges Bernanos a eu une formule qui me semble juste en ces temps difficiles : « Les optimistes, disait-il, sont des imbéciles heureux et les pessimistes, des imbéciles malheureux. »
J'espère que nous ne sommes pas des imbéciles heureux, et que nous sommes tout simplement lucides pour porter notre grande ambition pour l'agriculture et la pêche françaises au service de la diversité des territoires ruraux, maritimes et forestiers. Telle est selon moi la signature de notre civilisation française. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
AGRICULTURE, ALIMENTATION,
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, et figurant aux états B et C.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 570 767 219 euros. »
L'amendement n° II-41, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Majorer les crédits du titre III de 200 000 euros. »
La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Gaymard, ministre. Comme je l'ai dit dans le cours de mon intervention, l'Institut national des appellations d'origine, l'INAO, établissement public administratif, a un budget essentiellement de fonctionnement, avec des charges de personnel qui en représentent les deux tiers.
La dotation de l'Etat est inscrite sur le chapitre 36-22, article 43, du budget de l'agriculture. Elle s'élève dans le projet de loi de finances pour 2004 à 13 884 673 euros, en diminution par rapport à la dotation de l'Etat de 2003.
En raison de la sécheresse et de la canicule de l'été dernier, compte tenu de la baisse des redevances que l'INAO percevra en 2004 sur les produits à appellation d'origine et à indication géographique, la reconduction de la dotation budgétaire de 2003 est nécessaire à l'équilibre du budget prévisionnel de l'établissement. Cet amendement vise donc à majorer les crédits de 200 000 euros.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. La commission a émis un avis très favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-41.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV. - Crédits : moins 769 299 379 euros. »
L'amendement n° II-42, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Augmenter la réduction du titre IV de 200 000 euros.
« En conséquence, porter le montant des mesures nouvelles négatives à moins 769 499 379 euros. »
La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Gaymard, ministre. Il s'agit du gage de cette mesure prise sur le chapitre 44-53, article 77, « soutien à la production de sucre dans les départements d'outre-mer ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. La commission émet également un avis très favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-42.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 14 840 000 euros ;
« Crédits de paiement : 4 452 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 322 158 000 euros ;
« Crédits de paiement : 80 571 000 euros. »
L'amendement n° II-46 rectifié, présenté par MM. Vasselle, Leroy, François, du Luart, Gaillard et Jarlier, est ainsi libellé :
« Réduire les autorisations de programme du titre VI de 16 000 000 euros.
« Réduire les crédits de paiement du titre VI de 5 000 000 euros. »
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Il s'agit d'un amendement d'appel.
L'article 40 de la Constitution ne permettant pas à un parlementaire de proposer l'aggravation d'une charge publique, cet amendement vise à réduire les autorisations de programme et les crédits de paiement d'un montant équivalant aux augmentations qu'il serait en réalité souhaitable de destiner au fonds forestier national et autres opérations forestières.
M. le ministre a fait référence à la sécheresse de l'été 2003 qui a gravement touché les forêts de certaines régions, notamment les jeunes plantations et celles qui avaient été réalisées au printemps 2003, en particulier pour reconstituer les boisements sinistrés par les tempêtes de 1999. Beaucoup de ces plantations sont donc à recommencer.
Il conviendrait de majorer les autorisations de programme du ministère de l'agriculture de 16 millions d'euros et les crédits de paiement de 5 millions d'euros, pour disposer effectivement des crédits indispensables pour couvrir les besoins.
M. le ministre a trouvé les mots justes pour dire combien il s'était préoccupé du devenir de la forêt. Je sais qu'il a pris toutes les mesures qu'il lui était possible de prendre, soumis qu'il est lui-même à des arbitrages budgétaires, mais qu'il n'avait certainement pas pu aller aussi loin qu'il l'aurait souhaité pour satisfaire les besoins de la forêt française.
S'il pouvait toutefois apporter quelques apaisements aux propriétaires forestiers, en particulier de la forêt privée, ce serait un peu de baume au coeur pour des personnes qui nourrissent des inquiétudes sur leur avenir.
Par ailleurs, monsieur le ministre, il serait souhaitable, dès que vous le pourrez, d'envisager les moyens d'améliorer le dispositif d'imposition des peuplements forestiers au titre des plus-values. Notre collègue Philippe Marini a pensé résoudre le problème par un amendement déposé à l'article 5 du projet de loi de finances, mais il ne l'a fait que partiellement, et cette première réponse n'est pas de nature à satisfaire complètement les propriétaires forestiers.
J'espère que, dès que l'occasion s'en présentera, vous pourrez rassurer les propriétaires privés afin qu'ils n'aient pas le sentiment de payer l'impôt sur l'impôt. Il faut savoir, en effet que les productions forestières font déjà l'objet d'une déclaration au titre de l'impôt sur le revenu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Nous avons bien compris que l'appel de notre collègue Alain Vasselle s'adressait au ministre. La commission des finances souhaiterait par conséquent recueillir l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Hervé Gaymard, ministre. Monsieur le sénateur, je vous remercie de cet appel au nom de la forêt française qui, comme je l'ai dit, mérite et justifie que l'on se dévoue pour elle. Il est vrai que la sécheresse de l'été dernier vient s'ajouter aux difficultés que connaissent les propriétaires forestiers, publics et privés, depuis trois ans.
Les dégâts spectaculaires observés en fin d'été sur le feuillage des arbres forestiers, notamment dans le centre et l'est de la France, ont fait très tôt l'objet d'une surveillance attentive et d'une évaluation de l'évolution. Mes services, particulièrement le département de la santé des forêts, ont été spécialement mobilisés à cet effet, et une expertise collective se poursuivra pendant les prochains mois, sous l'égide du groupement d'intérêt public sur les écosystèmes forestiers, avec le soutien financier du ministère de l'agriculture.
S'il est encore trop tôt pour évaluer toutes les conséquences de cette sécheresse exceptionnelle et établir un pronostic, il est indéniable que les jeunes plantations, notamment celles qui ont été réalisées depuis 2000 dans le cadre du plan de reconstruction après les tempêtes de 1999, ont souffert.
Des dispositions pour aménager les engagements souscrits par des propriétaires bénéficiaires d'aides à la reconstitution dans le cadre du plan de développement rural national ont été transmises pour validation à l'Union européenne.
Par ailleurs, les modalités de l'aide à apporter aux propriétaires pour réaliser les compléments de plantation et ne pas perdre les investissements déjà effectués sont en cours d'examen.
En attendant le printemps, lorsque l'on pourra évaluer totalement l'ampleur des dommages, j'envisage de donner instruction aux préfets de région d'arbitrer, après avis des commissions régionales de la forêt et des produits forestiers, la répartition de l'enveloppe financière en faveur de la reconstitution des peuplements, que ce soit après sécheresse ou après tempête.
Si nécessaire - j'en prends l'engagement ici -, des redéploiements à l'intérieur du titre VI seront opérés, et je ferai en sorte de dégager en gestion des moyens adaptés.
Dans ces conditions, monsieur le sénateur, vous comprendrez qu'il ne me soit pas possible d'accepter cet amendement.
M. le président. Monsieur Vasselle, l'amendement est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Les assurances et les apaisements que M. le ministre vient d'apporter aux parlementaires et, par leur intermédiaire, aux professionnels, m'incitent à retirer cet amendement, non sans avoir remercié très sincèrement M. le ministre de l'attention toute particulière qu'il porte à la forêt française. Je ne doute pas que les propriétaires forestiers seront complètement rassurés lorsqu'ils liront l'échange que nous venons d'avoir.
M. le président. L'amendement n° II-46 rectifié est retiré.
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion l'article 72, qui est rattaché pour son examen aux crédits de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, ainsi que, en accord avec la commission des finances, l'amendement n° II-1 tendant à insérer un article additionnel après l'article 72.
C. - Autres mesures
Agriculture, alimentation, pêche et affaires rurales
Au deuxième alinéa de l'article L. 514-1 du code rural, les mots : « pour 2003, à 1,7 % » sont remplacés par les mots : « pour 2004, à 1,5 % ».
M. le président. La parole est à M. Gérard César, sur l'article.
M. Gérard César. Mon intervention vise à pérenniser le budget des chambres d'agriculture soumis à votre tutelle, monsieur le ministre.
La tutelle demande que l'augmentation des budgets pour 2004 soit plafonnée à 1,5 % pour l'ensemble des chambres d'agriculture. C'est insuffisant pour qu'elles puissent, d'une part, continuer à exercer les missions de développement et, d'autre part, faire face à l'obligation de couvrir les dépenses de fonctionnement, les salaires représentant 60 % du budget d'une chambre d'agriculture.
Par ailleurs, le budget de l'ADAR, l'Agence de développement agricole et rural, diminue de 20 %, de même que celui des offices. Monsieur le ministre, beaucoup apprécieraient que les chambres d'agriculture assument librement les choix effectués à l'occasion des votes des budgets.
Nous sommes à l'époque de la décentralisation. Le Sénat a adopté, il y a peu, un projet de loi relatif aux responsabilités locales. Or les chambres d'agriculture sont composées d'élus issus du suffrage universel et responsables de leurs décisions devant les agriculteurs de chaque département, et ce à chaque renouvellement.
Monsieur le ministre, dans l'immédiat, il serait bon de laisser la liberté aux chambres d'agriculture non seulement de faire payer leurs prestations, ce qu'elles font déjà, mais aussi d'augmenter leur budget de 1,9 %, et ce à confirmer sur plusieurs exercices. Il est bon que les budgets des chambres d'agriculture soient pérennisés au moins sur trois ans pour une plus grande lisibilité non seulement des élus, mais aussi du personnel.
Monsieur le ministre, je sais que vous appréciez le travail réalisé par les chambres d'agriculture ; alors, donnez à ces établissements publics les moyens d'assumer les responsabilités voulues par les pouvoirs publics au service des agriculteurs.
M. le président. Je mets aux voix l'article 72.
(L'article 72 est adopté.)
Article additionnel après l'article 72
M. le président. L'amendement n° II-1, présenté par M. Delfau, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
« Le Gouvernement dépose sur le bureau des assemblées parlementaires, chaque année avant le 1er novembre, un rapport sur le financement des frais de garderie des forêts communales. Ce rapport présente les conditions auxquelles ces frais ne représentent pas une charge excessive pour les communes forestières. Il examine le respect du cadre défini par le contrat de plan entre l'Etat et l'Office national des forêts (ONF) et, en particulier, le niveau des crédits du versement compensateur. »
La parole est à M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis.
M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan pour le développement rural. Il s'agit, là encore, monsieur le ministre, d'un amendement d'appel.
La commission des affaires économiques s'est réjouie de l'annonce de l'abondement décidé dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2003 afin de compenser la baisse du versement compensateur prévue dans le projet de loi de finances pour 2004.
Nous aimerions savoir, cependant, s'il s'agit bien de 20 millions d'euros, somme au demeurant nécessaire.
En outre, nous savons que le problème se reposera l'an prochain, puisque les services votés s'établiront désormais à 125 millions d'euros, contre 145 millions aujourd'hui. Dans quelles conditions l'Etat tiendra-t-il les engagements qu'il a pris envers l'ONF et les communes forestières, notamment dans le contrat de Plan Etat-ONF ? Où trouverons-nous ces 20 millions d'euros ? A défaut, y aura-t-il modification de la contribution des communes forestières aux frais de garderie ? Dans quelle mesure les acteurs du monde forestier seront-ils consultés et informés, et selon quelle répartition ? Autant de questions qui préoccupent à juste titre tous ceux et toutes celles qui se consacrent à ce secteur si important, comme vous l'avez vous-même souligné à plusieurs reprises dans le cours de nos débats, monsieur le ministre.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Monsieur le président, la commission des finances souhaite connaître l'avis du Gouvernement. (Sourires.)
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Hervé Gaymard, ministre. A chaque année suffit sa peine ! J'ai mis beaucoup d'énergie à défendre le versement compensateur pour 2004. Nous avons obtenu, grâce à l'intervention du président de la FNCOFOR, grâce à l'intervention personnelle du président du Sénat, M. Christian Poncelet, et grâce aussi à la sensibilité particulière du Premier ministre sur cette question, une dotation de 20 millions d'euros en loi de finances rectificative afin que les communes forestières ne soient pas pénalisées.
Vous avez tout à fait raison, nous retrouverons le problème pour 2005.
Le seul engagement que je peux prendre, c'est de me battre avec la même énergie pour que les communes forestières ne soient pas pénalisées dans leurs relations avec l'ONF sur le budget 2005. Reste que le principe d'annualité budgétaire m'interdit de stipuler un an à l'avance !
M. le président. L'amendement n° II-1 est-il maintenu, monsieur le rapporteur pour avis ?
M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis. Je vous remercie, monsieur le ministre, de confirmer qu'il s'agit bien d'un abondement de 20 millions d'euros.
Par ailleurs, puisque vous venez de vous engager à vous battre avec la même énergie, pour que l'an prochain, ce secteur reçoive l'argent nécessaire, au nom de la commission, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° II-1 est retiré.
BUDGET ANNEXE DES PRESTATIONS SOCIALES AGRICOLES
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget annexe des prestations sociales agricoles, et figurant aux articles 48 et 49 du projet de loi de finances.
Services votés
M. le président. « Crédits : 16 058 410 000 euros. »
La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage. Monsieur le ministre, l'année 2003 a été particulièrement difficile en termes d'aléas climatiques. De très nombreux agriculteurs vont se retrouver dans des situations extrêmement précaires. L'abondement des crédits Agridif, comme des crédits FAC, pour l'année 2003, est une nécessité. Vous avez d'ailleurs pris l'engagement de procéder à cet abondement quand vous avez été auditionné par la commission.
L'attribution, en cours, de ces crédits tient compte des calamités, notamment de la sécheresse et de la canicule. Je tiens à vous indiquer qu'en matière de crédits Agridif, cette dotation ne prend pas en compte les orages, notamment celui qui a frappé très durement et durablement le Lot-et-Garonne.
D'ores et déjà, nous frappons à nouveau à votre porte, monsieur le ministre.
Les crédits Agridif sont importants. Ils permettent, en particulier, de prendre en compte les cotisations à la mutualité sociale agricole. Si l'abondement de la ligne Agridif est insuffisant, compte tenu de la réglementation en vigueur, ce sont les caisses de la MSA qui devront payer, et ce au détriment de leur enveloppe sanitaire.
Il faut ajouter à cela le fait que la mise en place de la mensualisation des retraites des non-salariés agricoles va également coûter à la MSA. En effet, pour l'instant du moins, la participation de l'Etat à la mise en oeuvre de cette mensualisation ne couvre pas tous les coûts liés à l'opération, notamment la gestion et les frais financiers. La différence sera à la charge des caisses, également au détriment de l'enveloppe sanitaire. Certaines actions sanitaires que mènent ces organismes à l'échelon départemental risquent d'être remises en question, faute de financement. Il s'agit pourtant d'actions très importantes, par exemple l'accompagnement des familles et de la petite enfance ou la coordination en matière de gérontologie.
J'en viens à la question des retraites agricoles.
En arrivant rue de Varenne, monsieur le ministre, vous avez trouvé un régime de retraite complémentaire pour lequel aucun financement n'était prévu. Depuis lors, vous vous êtes battu pour rendre effective cette retraite et la mensualiser. Je vous en remercie et vous en félicite, mais il nous faut également aller plus loin pour éviter que des personnes ayant travaillé toute leur vie ne se retrouvent sans ressources. Vous avez, en particulier, réaffirmé à l'Assemblée nationale votre volonté de faire progresser la situation des conjoints non salariés et des ayants droit, et vous venez de le réaffirmer au Sénat.
Cependant, permettez-moi de reprendre quelques exemples illustrant des injustices flagrantes en matière de prestations sociales auxquelles nous devons rapidement remédier.
En matière de minimum vieillesse, le régime contributif est soumis à des conditions de durée d'activité et ne permet donc pas, en l'état, de garantir une retraite de base équivalant au minimum vieillesse. La solution peut venir de l'utilisation d'autres ressources telles que l'allocation supplémentaire du fonds de solidarité vieillesse, qu'il faudrait pouvoir percevoir dès soixante ans.
En matière de retraite complémentaire obligatoire, ou RCO, dès lors que les conditions de durée sont remplies, tous régimes confondus, la durée de cotisation devrait être la seule condition à l'attribution de cette retraite, quel que soit le statut antérieur, à tout non-salarié agricole sans exiger une durée minimale de dix-sept ans et demi.
Pourquoi un polypensionné qui a cotisé vingt-sept ans et demi minimum ne bénéficierait-il pas d'une revalorisation au moins égale à celle d'un monopensionné ?
Enfin, les minorations des revalorisations des retraites appliquées aux retraites attribuées depuis le 1er janvier 2002 contribuent à diminuer le niveau des retraites, celui-ci étant déjà particulièrement faible.
Qu'est-il prévu, dans un avenir proche, monsieur le ministre, pour remédier à ces problèmes qui placent de nombreuses personnes dans des situations extrêmement difficiles ?
Nous savons que le contexte n'est pas favorable, mais nous souhaiterions avoir des perspectives.
M. le président. Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 48, au titre des services votés.
Mesures nouvelles
M. le président. « II. - Crédits : moins 1 052 730 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits inscrits au paragraphe II de l'article 49, au titre des mesures nouvelles.
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, et le budget annexe des prestations sociales agricoles.
TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Avant-projet de budget rectificatif n° 8 au budget 2003.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2224 (annexe 8) et distribué.
ORDRE DU JOUR
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 3 décembre 2003, à onze heures trente, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2004, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 72 et 73, 2003-2004) (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation).
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
I. - Services communsProcédure de questions et de réponses avec un droit de réplique des sénateurs.
II. - Urbanisme et logement (1) :
M. Paul Girod, rapporteur spécial (rapport n° 73, annexes n°s 14 et 15) ;
M. Bernard Piras, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (urbanisme, avis n° 75, tome XV) ;
M. Jean-Yves Mano, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (logement, avis n° 75, tome XIV) ;
III. - Transports et sécurité routière :
1. Transports terrestres (1) (et article 77) ;
2. Routes et sécurité routière.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial (transports et intermodalité, rapport n° 73, annexe n° 16) ;
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial (routes et sécurité routière, rapport n° 73, annexe 17) ;
M. Bernard Joly, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (transports terrestres, avis n° 75, tome XVIII) ;
M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (routes et voies navigables, avis n° 75, tome XIII).
3. Aviation et aéronautique civiles.
Budget annexe de l'aviation civile :
M. Yvon Collin, rapporteur spécial (rapport n° 73, annexe n° 18) ;
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (aviation civile et transport aérien, avis n° 75, tome XIX) ;
IV. - Mer :
M. Marc Massion, rapporteur spécial (marine marchande, rapport n° 73, annexe n° 19) ;
M. Charles Revet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 75, tome XX).
Jeunesse, éducation nationale et recherche :
V. - Recherche et nouvelles technologies :
M. René Trégouët, rapporteur spécial (rapport n° 73, annexe n° 26) ;
M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 74, tome IX) ;
M. Henri Revol, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 75, tome VII).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits budgétaires pour le projet de loi de finances pour 2004
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2004 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2004
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2004, est fixé au vendredi 5 décembre 2003, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 3 décembre 2003, à deux heures vingt.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
QUESTIONS ORALES
REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT
(Application des articles 76 à 78 du réglement)
Accueil temporaire des personnes handicapées
376. - 2 décembre 2003. - M. Georges Mouly appelle l'attention de Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées sur l'intérêt de développer l'accueil temporaire des personnes handicapées, outil indispensable à la réussite d'une politique d'intégration et de vie à domicile. Il lui demande donc si le projet de décret relatif à la définition et à l'organisation de l'accueil temporaire telles que précisées dans la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 portant réforme de l'action sociale et médico-sociale doit paraître prochainement et s'il est prévu d'y intégrer les remarques du groupe de réflexion et réseau pour l'accueil temporaire des personnes handicapées (GRATH).