COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à onze heures quinze.)
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
LOI DE FINANCES POUR 2004
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2004 (n° 72, 2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 73 (2003-2004).]
Economie, finances et industrie
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les services financiers.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Bernard Angels, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quels enseignements pouvons-nous tirer du budget des services financiers pour 2004 ?
Ce budget est, tout d'abord, l'un des seuls à être réellement marqué par une maîtrise de la dépense, puisqu'il diminue en volume. C'est ensuite le budget de l'un des seuls grands ministères à avoir limité les remplacements des départs à la retraite.
Il affiche deux phénomènes vertueux qui sont le résultat d'efforts engagés depuis plusieurs années.
Premièrement, les investissements réalisés en matière informatique portent leurs fruits et dégagent des marges de manoeuvre significatives en ce qui concerne le fonctionnement. La hausse de 24 % des crédits de paiement relatifs à l'investissement informatique a pour corollaire une modération de la dépense de fonctionnement, dont la progression s'établit à 0,6 %.
Cette évolution, que je réclamais depuis de nombreuses années, est caractéristique d'un budget marqué par le développement des investissements de modernisation, lesquels engendrent à leur tour des économies de personnels croissantes.
Les projets informatiques accompagnent ainsi le passage d'une administration de main-d'oeuvre à une administration de compétences.
Deuxièmement, les contrats de performance signés en 2003 par la direction générale des impôts et la direction générale de la comptabilité publique, dans la continuité des contrats d'objectifs et de moyens existant précédemment, me paraissent prometteurs. Je regrette d'ailleurs que la direction générale des douanes et des droits indirects n'ait pas cru nécessaire de signer un tel document. Ces contrats, en effet, affichent des indicateurs de performance précis et crédibles. Ils comportent des clauses budgétaires novatrices. Les deux directions générales, en contrepartie d'engagements d'économies souscrits dans le cadre d'une programmation pluri-annuelle, bénéficient de dotations budgétaires garanties, qui constituent le juste retour des efforts de productivité réalisés.
De plus, les services sont budgétairement intéressés au dépassement de leurs performances. L'intéressement porte sur des indicateurs ayant un impact budgétaire, le dépassement de chacun d'entre eux donnant lieu à attribution de crédits supplémentaires dans un plafond annuel, fixé à 10 millions d'euros pour la direction générale des impôts et à 8 millions d'euros pour la direction générale de la comptabilité publique.
Je constate, à travers ces deux exemples, que les réflexions et expérimentations en cours depuis plusieurs années commencent à déboucher sur des résultats concrets.
Quels sont les objectifs d'une réforme de Bercy ?
J'en vois trois : efficacité, qualité du service et encouragement des agents du ministère.
La réforme de Bercy obéit, tout d'abord, à un impératif d'efficacité, à travers la rationalisation des structures territoriales, le redimensionnement de l'administration centrale et le réexamen des processus administratifs.
Pour ma part, je demeure très attentif à la permanence du service public sur l'ensemble du territoire. Pour cette raison, madame la ministre, je souhaite vous interroger sur les fermetures en cours de trésoreries du réseau rural de la direction générale de la comptabilité publique.
Le nombre de fermetures me paraît excessivement élevé et concentré sur un petit nombre de départements. Ainsi, dans l'Yonne ou le Puy-de-Dôme, ce ne sont pas moins de huit trésoreries qui vont fermer en 2004. Quelles sont les solutions que vous envisagez de mettre en place pour garantir la continuité du service public dans ces départements ?
En effet, la qualité du service ne doit pas être absente des préoccupations du ministère. Je me félicite d'ailleurs de la formalisation de neuf engagements très concrets en faveur d'une meilleure qualité du service, qu'il s'agisse de la règle qui consiste à réceptionner, acheminer et traiter tout dossier présenté par le contribuable, même s'il ne s'est pas adressé spontanément au bon service, ou du principe de ne laisser aucun appel téléphonique sans réponse immédiate ni aucun courrier sans réponse dans un délai strict de trente jours.
Il s'agit là d'exigences normales en matière de service public. Elles ne pourront être respectées qu'au prix d'une requalification de la structure des emplois de Bercy, d'un effort significatif de formation des agents et d'une amélioration de l'organisation des services.
Toutefois, ces mesures, d'ambition modeste mais utiles, ne dispensent pas d'un débat, trop rapidement écarté, sur la retenue à la source.
Les difficultés rencontrées par le chantier de la déclaration préremplie, voire son échec probable, nécessitent une véritable réflexion sur l'amélioration de service que pourrait engendrer l'imposition à la source, pratiquée dans l'ensemble des pays européens, à l'exception de la France. A titre personnel, je suis favorable à ce que la retenue à la source s'intègre dans une réforme profonde de l'impôt sur le revenu.
Je conclurai par un autre débat, très à la mode, sur la rémunération au mérite. Celle-ci constitue-t-elle vraiment un facteur de motivation pour les agents ?
Je ne peux, certes, qu'être satisfait des mesures prises pour mieux évaluer le travail des agents : la généralisation de l'entretien annuel d'évaluation dès 2004, l'introduction d'une réelle lisibilité puisque l'agent saura, à l'issue de l'entretien, quelles seront les conséquences de la note qui lui aura été attribuée, et l'octroi, pour les agents les mieux notés, de meilleures conditions d'avancement qu'aujourd'hui.
Je me demande, en revanche, s'il est opportun d'introduire une rémunération au mérite pour l'ensemble des agents, et ce pour deux raisons.
Premièrement, la refonte du système indemnitaire du ministère, qui a duré trois années, vient tout juste de s'achever. Elle a donné lieu à des négociations sans doute difficiles, et l'on peut se demander s'il est opportun d'ouvrir de nouveau le chantier des primes.
Deuxièmement, compte tenu de l'enjeu que représente la réforme de Bercy, on peut se demander si ce chantier est prioritaire par rapport aux réformes de structure à mener et s'il ne risque pas de constituer la pierre d'achoppement des discussions à venir sur des sujets autrement plus importants ?
C'est donc sur ces réserves, madame la ministre, que je conclus mon intervention relative aux crédits des services financiers pour 2004, crédits que la majorité de la commission des finances a décidé d'approuver. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour la consommation et la concurrence. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget de la concurrence et de la consommation pour 2004 s'élève à 197 millions d'euros contre 196 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2003, soit une augmentation de 0,7 %, cette légère augmentation étant due pour une large part à un changement de périmètre.
Ces crédits recouvrent les moyens de fonctionnement et d'investissement de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes - la DGCCRF - et comprennent les subventions à l'Institut national de la consommation - l'INC - à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments - l'AFSSA - ainsi qu'aux organismes de défense des consommateurs.
Conformément au souhait exprimé par le bureau de la commission des affaires économiques, j'ai choisi d'examiner plus particulièrement un aspect précis de l'activité de cette direction générale : le contrôle de la restauration hors du domicile.
La restauration mérite une attention particulière alors qu'une baisse de la TVA sur cette activité à fort coefficient de main-d'oeuvre est envisagée. Pourrez-vous nous indiquer les dernières évolutions de ce dossier, madame la ministre ?
Permettez-moi de rappeler quelques chiffres : il y a en France 120 000 points de restauration. Ce chiffre recouvre 80 000 entreprises en restauration assise traditionnelle, 25 000 restaurants en hôtels et 15 000 points de restauration rapide.
Ce secteur représente un chiffre d'affaires de 30 milliards d'euros, avec un fort coefficient de main-d'oeuvre puisque, avec 13 % du chiffre d'affaires du secteur des services, la restauration comprend 30 % des salariés.
Le contrôle de la restauration constitue une des tâches principales de la DGCCRF. J'ai pu, dans le cadre de la préparation de ce rapport, accompagner une mission de contrôle sur le terrain, ce qui fut tout à fait instructif.
Les contrôles portent essentiellement sur l'information du consommateur et sur le respect des règles d'hygiène.
Depuis 1993, on est passé d'une logique de moyens, aux termes de laquelle la DGCCRF contrôlait le respect d'un certain nombre de points techniques - par exemple, la hauteur du carrelage sur les murs des cuisines - à une logique de résultat, selon ce qu'on appelle la « nouvelle approche ». Désormais, les inspecteurs s'intéressent plus précisément au résultat final pour le consommateur.
Un point doit être souligné : ces résultats reposent sur l'autocontrôle permanent des restaurateurs. Le respect des règles d'hygiène, notamment, est un combat de tous les jours, presque de toutes les heures.
La tâche est rude pour les restaurateurs, d'autant qu'ils n'ont pas nécessairement bénéficié d'une formation adéquate, puisque l'installation en tant que restaurateur est libre.
En 2002, les agents de la DGCCRF ont procédé au contrôle de plus de 17 500 établissements. Le contrôle de la sécurité alimentaire représente l'essentiel des enquêtes, soit 76 %.
Les autres aspects du contrôle portent sur la loyauté de l'information du consommateur : exactitude des dénominations et des prix, remise d'une note détaillée en fin de repas.
Ces 17 500 contrôles ont donné lieu à la transmission au parquet de 2 200 dossiers, ce qui représente 12,5 % de l'ensemble. Les principales infractions relevées concernaient le non-respect des règles d'hygiène - date limite de consommation dépassée, procédure de congélation ou de décongélation défectueuse, locaux mal entretenus - et des pratiques de publicité mensongère ou de tromperie.
Si l'on s'intéresse aux différents types de restauration, on constate que les taux d'anomalie sont très semblables dans la restauration rapide et dans la restauration traditionnelle : ils sont légèrement inférieurs à 20 %.
En revanche, on constate un taux nettement inférieur, de l'ordre de 6 %, dans le secteur de la restauration collective. Les anomalies liées aux prix ou à l'information des consommateurs y sont très faibles, et les anomalies liées à l'hygiène, quoique plus nombreuses, sont, pour l'essentiel, mineures.
Les agents de la DGCCRF mènent une activité de contrôle tout à fait intense. C'est, du reste, l'intérêt de cet avis thématique : il permet d'appréhender à sa juste valeur la réalité administrative, qui restait parfois quelque peu désincarnée dans les documents de présentation budgétaire.
Il faut savoir qu'à Paris les 16 000 points de restauration sont contrôlés par neuf inspecteurs ! Ceux-ci contrôlent plus de 1 500 établissements par an, avec des méthodes de travail souples et évolutives en fonction du terrain, en ciblant leurs interventions. Il convient d'avoir cela à l'esprit lorsqu'on analyse le taux d'anomalies dans la restauration : ce taux n'est pas un taux moyen puisque les inspecteurs vont, en priorité, contrôler les établissements dont ils pensent qu'ils pourraient être en infraction.
Les agents de la DGCCRF jouent également un important rôle de conseil auprès des professionnels. En effet, ils informent les restaurateurs sur les prescriptions à suivre et sur les améliorations à apporter, afin qu'ils s'y conforment. C'est pourquoi la plupart des contrôles ne débouchent que sur des observations, et non sur des sanctions.
L'activité de contrôle de la restauration constitue donc un exemple très concret de l'apport des services publics administratifs à la vie quotidienne de nos concitoyens.
C'est pourquoi j'ai regretté, devant la commission, la diminution des effectifs de la DGCCRF, ainsi que la fermeture d'antennes infradépartementales, et cela pour la deuxième année consécutive.
Malgré mes réserves, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable quant à l'adoption des crédits de la consommation et de la concurrence. A titre personnel, je voterai contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. J'indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose pour cette discussion.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est évident que notre pays ne peut durablement voir dériver les comptes publics au point de dépasser très largement ce qui est supportable en matière de déficit public.
Chacun le sait, le projet de loi de finances dont nous débattons depuis quelques jours fait, pour le moment, apparaître un niveau de déficit particulièrement important : plus ou moins 55 milliards d'euros.
Ce montant s'avère d'ailleurs relativement proche de celui qui a été constaté dans le projet de loi de finances rectificative pour 2003, où il s'établit à hauteur de 54,1 milliards d'euros en article d'équilibre, et peut-être à 56 milliards d'euros en constatation.
La réalité des chiffres est donc crue : nous avons atteint en 2003 un niveau de déficit public jamais vu dans le passé et le niveau du déficit de 2004 devrait être tout aussi préoccupant.
On pourrait d'ailleurs nous demander pourquoi nous accordons, dans ce débat sur l'activité des services financiers de l'Etat, quelques instants à une analyse de la situation budgétaire générale.
Une telle introduction, qui pourrait avoir sa place dans le débat sur le budget des charges communes, permet cependant de poser la question essentielle des moyens matériels et humains que l'Etat s'accorde pour permettre le juste recouvrement de ses propres créances, par le biais de l'action de ses administrations financières.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que le déficit public que nous déplorons a pour corollaire un déficit essentiel en termes de moyens d'intervention de nos administrations financières.
Derrière le discours convenu sur l'amélioration de l'efficacité des services de la direction générale du Trésor ou de la direction générale des impôts, il y a incontestablement un recul de la capacité d'intervention de ces services, dont les effectifs sont réduits sans cesse depuis plusieurs années.
Ce projet de budget pour 2004 n'échappe pas, à l'évidence, à la règle tacite qui s'applique depuis que notre pays s'est engagé dans des politiques de maîtrise des coûts de l'action publique et qui veut qu'il contribue de manière exemplaire à cet effort en réduisant ses effectifs.
Les chiffres sont incontournables. On attend en effet près de 900 suppressions d'emplois dans les services des impôts, plus de 600 dans le réseau de la comptabilité publique, plus de 200 à la direction générale des douanes et des droits indirects, près de 100 dans les services de l'INSEE et près d'une trentaine au sein de la DGCCRF.
On connaît la « règle d'or » qui préside à ces mesures : il s'agit de ne pas remplacer entre un tiers et la moitié des agents partant en retraite et de « rationaliser » le réseau d'implantation de nos administrations financières.
Une fois de plus, les conditions sont créées pour conduire la représentation nationale à accepter la fermeture de recettes-perceptions, le démantèlement de services entiers de la direction générale des impôts, et l'Etat dans son ensemble à mener une réforme relevant de plus en plus d'une simple logique de réduction des effectifs et de l'implantation des services publics.
Tout cela correspond à une conception sous-jacente de l'emploi public : il serait coûteux. Mais ceux qui applaudissent à cette orientation sont aussi ceux qui nous invitent à passer un grand coup d'éponge sur l'évasion fiscale constatée dans notre pays, au travers de dispositions tendant à l'amnistie de contrevenants que nous ne sommes d'ailleurs pas encore parvenus à bien identifier.
Evidemment, une telle orientation, fût-elle assortie - comme c'est toujours le cas - d'une volonté de modernisation des services financiers, ne peut nous agréer.
La réalité concrètement vécue par les agents de nos administrations financières est bien différente du discours habituellement tenu : la charge de travail pesant sur chaque agent augmente sans cesse, tant en volume de tâches à accomplir qu'en maîtrise de la technicité et des procédures suivies pour instruire les dossiers et résoudre les questions pratiques que soulève l'activité quotidienne des services.
Le rôle irremplaçable des administrations financières dans la connaissance de la réalité sociale et économique du pays doit être réaffirmé. Or cette dimension est absente du projet de budget pour 2004, qui fait des services financiers une variable d'ajustement de la réforme de l'Etat. C'est pourquoi nous voterons clairement contre.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur spécial, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, comme cela a été souligné, ce projet de budget a été construit dans le souci de concilier la maîtrise de la dépense et la recherche de l'efficacité au service des Français.
Il traduit, pour 2004, la poursuite de la dynamique de « Bercy en mouvement » et s'inscrit dans une démarche de performance, comme en témoignent les contrats pluriannuels signés par la direction générale des impôts et par la direction de la comptabilité publique. La direction générale des douanes et droits indirects devrait, elle aussi, s'engager dans cette voie contractuelle l'année prochaine.
Je répondrai brièvement aux différents points qui ont été développés concernant ce budget.
J'évoquerai tout d'abord l'adaptation de l'organisation des services dans le respect de l'aménagement du territoire.
« Bercy en mouvement » comporte un volet important de réorganisation territoriale, avec 1 200 implantations en moins sur les 8 000 du ministère. Ce volet, je le précise, n'a pas pour objectif principal de réaliser des économies d'emplois, mais d'adapter l'organisation et de l'implantation des services aux besoins des usagers et aux évolutions réglementaires et technologiques.
La grande majorité de ces réorganisations concerne la fusion - toujours dans la même ville - des centres des impôts et de recette des impôts, afin d'offrir aux PME, à l'instar de la DGE pour les grandes entreprises, un interlocuteur fiscal unique.
Vous avez exprimé votre préoccupation au sujet de l'évolution du réseau du Trésor public et des projets de fermeture des trésoreries.
Ces fermetures suscitent, nous le comprenons, une certaine émotion dans quelques départements. Pourtant, ce réseau, dense, représentant près de 3 800 postes, doit s'adapter au temps présent, sauf à perdre son efficacité.
Je vous rappelle, à cet égard, que le Trésor public compte près de 1 200 postes de trois agents ou moins, qui ne peuvent plus apporter aux usagers l'ensemble des services légitimement attendus d'eux. Bon nombre des fermetures ne font d'ailleurs qu'entériner des situations de fait.
J'ajoute que les particuliers ont de moins en moins besoin de se rendre dans les trésoreries : il n'y a plus de comptes particuliers ; il n'y aura plus de placements à la Caisse nationale de prévoyance à compter du 1er janvier 2004 ; de plus en plus, les impôts sont acquittés par titre interbancaire de paiement ou par prélèvements mensuels. Certaines trésoreries n'enregistrent qu'une à deux opérations par jour ! Ce sont de moins en moins des guichets.
Bien entendu, nous mettons parallèlement en place des modalités nouvelles de présence du service sur le territoire. Elles font l'objet, dans chaque département, d'une concertation menée entre le trésorier-payeur général, le préfet et les élus.
S'agissant des douanes, les conditions de fonctionnement des contributions indirectes et les relations avec les opérateurs ont totalement changé : il s'agit d'en prendre acte.
Enfin, la fermeture des implantations infradépartementales de la DGCCRF, dont l'utilité était liée au contexte de l'après-guerre, dans le cadre d'une économie de pénurie et de contrôle des prix, vise à regrouper, dans un souci d'efficacité, les services administratifs, afin de permettre que les agents passent le maximum de temps sur le terrain, au service des consommateurs.
En un mot, l'adaptation des structures territoriales du ministère des finances a pour objet premier la meilleure qualité de service possible aux usagers. Je veillerai personnellement, en préalable à toute évolution, à la concertation nécessaire avec les élus.
J'en viens donc à l'évolution vers une administration de service, particulièrement dans le domaine fiscal.
Le passage d'une administration de procédure à une administration de service est au coeur de la démarche de « Bercy en mouvement ». Elle guide, au premier chef, la mission du ministère au service du plus grand nombre de Français, s'agissant de l'impôt des particuliers.
Ainsi, nous mettrons en oeuvre dès 2004 un ensemble de mesures regroupées sous le nom de « Pour vous faciliter l'impôt », afin d'améliorer concrètement les rapports entre les services fiscaux et les particuliers.
Nous continuons d'approfondir le chantier des modalités de recouvrement de l'impôt, afin d'en améliorer la performance et de simplifier la tâche des particuliers.
Notre démarche s'inscrit dans la perspective de faire du prélèvement automatique le mode de recouvrement de référence de l'impôt et de parvenir, si possible, à la déclaration préremplie pour l'impôt sur le revenu, sans pour autant perdre de vue l'hypothèse de la retenue à la source.
Je rappelle ce que je disais l'année dernière : la retenue à la source n'est pas d'actualité pour la présente législature. Il s'agit, non de l'enterrer pour l'avenir, mais d'identifier les difficultés éventuelles ainsi que les sujets qui font débat et qui doivent être préalablement tranchés.
La retenue à la source, sans même évoquer l'importante difficulté que soulèverait la gestion de l'année de transition, suppose d'apporter des réponses sur deux points essentiels : la conjugalité de l'impôt et la transmission à l'employeur d'informations à caractère privé.
La question de la retenue à la source n'est pas un simple sujet de technique de recouvrement. Elle conduit à s'interroger sur notre conception même de l'impôt sur le revenu, donc elle suppose probablement, comme vous le suggérez, qu'il soit d'abord réformé.
En attendant ce débat qui aura lieu sur le fondement du travail préparatoire dont j'ai fait état, nous nous penchons, sans en méconnaître la complexité, sur la déclaration préremplie. La résolution des difficultés qu'elle comporte serait de toute façon un préalable à un éventuel passage à la retenue à la source : il faut en effet parvenir à un haut niveau de fiabilité des données, par exemple en ce qui concerne l'identifiant fiscal.
Afin de simplifier l'impôt pour le contribuable, nous développons le recours à la déclaration de l'impôt sur le revenu par Internet : avec 150 000 télédéclarants en 2002 et 600 000 cette année, nous nous fixons l'objectif d'un million de télédéclarations en 2004.
Le recouvrement automatique présente, à nos yeux, des avantages pour tous, qu'il s'agisse des prélèvements mensuels ou des prélèvements à échéance. Pour le rendre plus incitatif, nous avons décalé du 8 au 15 du mois la date de prélèvement, de manière à la rendre compatible avec la date de virement des pensions, et nous avons prévu un dispositif de prise en compte facile et rapide des variations annuelles de revenu.
Généraliser les prélèvements automatiques et mettre en place la déclaration préremplie engendrera des gains de productivité substantiels, sans doute assez proches de ceux qui sont susceptibles d'être réalisés grâce à la retenue à la source.
On voit bien que le critère des gains de productivité, à savoir des économies d'emplois, n'est pas pertinent pour décider la retenue à la source, à supposer que toutes les difficultés techniques soient surmontées. Le véritable avantage de la retenue à la source, comme l'a souligné le Conseil des impôts, est la suppression du décalage d'un an entre la perception des revenus et leur imposition.
En face de cet avantage très réel, il faudra, comme je l'ai dit tout à l'heure, trancher les questions fondamentales de l'imposition par foyer fiscal et de la transmission à l'employeur des éléments de revenus autres que salariaux. Ce sont des questions qui devront être débattues au Parlement.
Monsieur Angels, vous avez soulevé le problème de la motivation des agents et de la rémunération au mérite. « Bercy en mouvement » ne peut réussir qu'avec les agents. C'est la raison pour laquelle la stratégie ministérielle de réforme comporte un volet important consacré à ceux-ci et inclut dans sa réflexion l'ensemble des outils favorisant l'adhésion des personnels à la mise en mouvement du ministère : qualification, formation, rénovation du dialogue social.
La rémunération au mérite est l'un de ces outils ; il n'est certes pas le seul. Pour les 800 cadres de direction, cela se traduira par la modulation de la part indemnitaire de leur rémunération, en fonction de leurs résultats.
Pour la plupart des agents, le support de cette politique ne sera pas le système indemnitaire. L'instrument utilisé sera la notation, sur la base d'un entretien annuel d'évaluation. Nous pensons qu'il est juste, en effet, que les agents les plus méritants puissent bénéficier d'une progression de carrière accélérée par le jeu d'avancements différenciés d'échelon. Pour le faire de façon incontestable, nous allons mettre en place un dispositif d'évaluation garantissant totalement l'objectivité.
J'indique à Mme Terrade, rapporteur pour avis, que, dans un contexte de maîtrise de la dépense et de non-remplacement de tous les départs à la retraite, notre souci a été de préserver la capacité de présence sur le terrain de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
Dans cet esprit, nous avons engagé la politique de réorganisation visant à supprimer les structures infradépartementales. Au 1er janvier 2003, cette administration comprenait vingt-cinq secteurs ou antennes comptant entre un et seize agents. La taille de ces structures excessivement fractionnées et l'effectif de la DGCCRF à l'échelon départemental ne permettaient plus une action de service public efficace.
Il a donc été décidé de procéder au regroupement au chef-lieu du département de l'ensemble des implantations infradépartementales. C'est une démarche qui s'inscrit dans une volonté de réforme de l'Etat et de modernisation des services publics. Elle constitue l'un des éléments de « Bercy en mouvement et permettra » - c'est là son objectif essentiel - un meilleur fonctionnement des services.
Plusieurs sites ont d'ores et déjà été regroupés, notamment à Arles dans les Bouches-du-Rhône et à Saint-Quentin dans l'Aisne. Celui de Saint-Nazaire en Loire-Atlantique le sera prochainement. Ces regroupements conduisent à mettre en place une nouvelle organisation de travail fondée sur une utilisation optimale des outils informatiques et sur une planification rénovée de l'activité à l'échelon local en vue d'une couverture plus homogène du terrain.
L'objectif de cette réorganisation est de parvenir à une action administrative plus efficace en améliorant la programmation des contrôles et en diminuant le coût de la structure.
Il s'agit, je le répète, d'une mesure d'organisation interne à la DGCCRF. Elle a pour but d'améliorer l'efficacité des unités départementales et d'adapter les modalités de fonctionnement afin de leur permettre de réaliser, dans les meilleures conditions possibles, un contrôle de proximité efficace.
Ce contrôle vise à assumer en priorité la protection de la santé et de la sécurité des consommateurs. En 2002, la DGCCRF a mené 253 000 actions de contrôle en matière de qualité des produits et services, 214 000 actions relatives à la sécurité des produits et services et 216 000 actions concernant la protection économique du consommateur.
En ce qui concerne les contrôles alimentaires, la DGCCRF suit, à l'échelon européen, les indices de dangerosité qui lui sont communiqués par les autorités des Etats membres de l'Union européenne. Elle participe à toutes les actions de sécurité domestique. Ces dernières peuvent conduire à des prélèvements qui sont ensuite analysés par les laboratoires de la direction générale ou par des laboratoires agréés.
Au sujet de la sécurité des produits industriels et des services, je puis vous assurer que la vigilance est permanente : elle est essentiellement orientée vers les domaines présentant des risques particuliers, notamment les équipements sportifs et de loisirs.
S'agissant de la protection économique du consommateur, l'activité s'est poursuivie dans les secteurs en pleine expansion ou ceux dont la complexité est particulière ; elle a porté notamment sur les relations entre les consommateurs et les banques, les éclaircissements à apporter dans le secteur de la téléphonie mobile, le contrôle du commerce électronique.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les précisions que je tenais à vous apporter. Notre ambition, à travers ce projet de budget, est de mettre les services financiers en mouvement pour offrir à nos concitoyens le meilleur service, au meilleur coût. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de groupe de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant l'économie, les finances et l'industrie seront mis aux voix aujourd'hui même, à la fin de l'examen des crédits affectés au commerce extérieur.
M. le président. « Titre III : 38 779 003 euros. »
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, sur les crédits du titre III.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cette intervention sur le titre III du budget des services financiers portera sur deux des aspects de la politique de l'Etat en matière de consommation : le fonctionnement de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, d'une part, et la place et le rôle des autorités de régulation, d'autre part.
Nous considérons que les deux questions sont liées.
Cela fait plusieurs années que les services de la DGCCRF connaissent une réduction progressive de leurs effectifs, illustrant d'une certaine manière la logique qui préside au fonctionnement du ministère des finances, c'est-à-dire celle de la transformation des gains de productivité en suppressions d'emplois budgétaires.
L'intervention de la DGCCRF est pourtant particulièrement importante dans le contexte de vigilance des consommateurs, qui a d'ailleurs marqué un certain nombre de domaines ces dernières années.
Qu'il s'agisse de la traçabilité des produits alimentaires - et singulièrement des viandes, dans le contexte de crise de l'encéphalite spongiforme bovine -, qu'il s'agisse du développement des réseaux de communication comme la téléphonie mobile ou Internet, avec le lancement plus ou moins réussi du commerce dit électronique, les enjeux nécessitent de manière évidente l'intervention du service public de l'Etat.
Dans un ordre d'idées similaire, la qualité des prestations d'hôtellerie et de restauration dans notre pays exige, notamment lorsque l'on souhaite développer encore notre potentiel touristique, de se donner les moyens de la fiabilité du service rendu aux consommateurs.
Est-ce avec une nouvelle contraction de ses effectifs que la DGCCRF pourra y répondre ?
Est-ce aussi avec le développement des autorités de régulation dites indépendantes que l'on pourra durablement s'assurer la confiance des consommateurs face à la qualité des biens et services proposés dans le commerce ?
Les autorités de régulation, dont la philosophie générale est assez largement inspirée d'exemples étrangers, participent ainsi d'une certaine manière à la réforme de l'Etat. Mais jouent-elles tout à fait le rôle que l'on est en droit d'attendre d'elles ?
Si l'on examine, par exemple, l'activité de l'autorité de régulation des télécommunications, force est de constater que cette dernière joue aujourd'hui un rôle pour le moins déroutant de « commis voyageur » de la conception du service public des télécommunications telle qu'elle est définie par les directives européennes.
Il n'est pas certain, de ce point de vue, que les conditions de la libéralisation du secteur de la téléphonie aient réellement conduit à l'amélioration du service, ni d'ailleurs à celle de la situation financière de l'opérateur historique, c'est le moins que l'on puisse dire.
La qualité de service n'est pas tout à fait au rendez-vous en ce domaine.
Il est d'ailleurs à craindre qu'une telle constatation ne soit faite, dans les mois et années à venir, pour l'autorité de régulation de l'énergie qui semble relativement plus attachée, pour le moment, à favoriser la mise en concurrence des « gros clients » en matière énergétique qu'à assurer la qualité de service pour les particuliers.
Ce sont là quelques points qu'il convenait, selon nous, de souligner à l'occasion de la discussion de ces crédits.
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : 34 020 317 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 521 030 000 euros ;
« Crédits de paiement : 137 184 000 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 846 253 000 euros ;
« Crédits de paiement : 181 526 000 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les services financiers.
CHARGES COMMUNES
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les charges communes et les compte spéciaux du Trésor.
La parole est à M. Yves Fréville, rapporteur spécial.
M. Yves Fréville, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les charges communes. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes confrontés au paradoxe suivant : le budget des charges communes est méconnu, voire inconnu de nos concitoyens et, pourtant, avec 120 milliards d'euros de crédits bruts, il représente plus du tiers du budget général et, avec 56 milliards d'euros de crédits nets, c'est le premier budget de l'Etat, avant même celui de l'enseignement scolaire.
Ce budget fut pendant longtemps un budget actif, celui des interventions du Trésor. C'est désormais un budget passif, de constatation, qui enregistre les dégâts budgétaires causés par l'irrésistible croissance de la charge de la dette financière, qui s'élèvera à 38,6 milliards d'euros en 2004 et, en exécution, par la non moins irrépressible augmentation de la charge de la dette viagère des pensions de retraite, à hauteur de 31,4 milliards d'euros hors PTT.
Pourtant, ce projet de budget des charges communes n'explose pas en 2004. Les crédits bruts n'augmentent que de 0,7 % et, si les crédits nets diminuent, c'est en raison de mesures diverses, telles que la suppression de la subvention au budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, ou la stabilité du point d'indice de la fonction publique.
Ce dernier point sera l'objet d'un autre débat.
S'agissant de la charge de la dette, on constate que cette dernière augmente peu si l'on prend comme référence la loi de finances de l'année dernière. En revanche, si l'on prend comme base l'estimation révisée dans le futur collectif budgétaire pour 2003, la charge de la dette devrait augmenter de l'ordre de 1,97 % en 2004.
J'ai parlé tout à l'heure de budget passif. Ce qualificatif ne doit pas induire en erreur. L'Agence France Trésor pratique une gestion active de la dette et elle le fait par anticipation dans le cadre rénové d'un projet expérimental conforme à LOLF, la loi organique relative aux lois de finances.
A cet égard, je vous soumets deux séries d'observations, madame la ministre, les unes sur la gestion de la dette, les autres sur l'extension de la réforme budgétaire aux charges communes.
La gestion active de la dette est soumise à des contraintes lourdes qui résultent des politiques budgétaires et financières macro-économiques.
En premier lieu, le stock de la dette est une donnée pour sa gestion. Il équivaut au cumul des déficits passés. Au 30 septembre 2003, il atteignait un montant net de 819 milliards d'euros environ. Au cours de la dernière année, la dette a augmenté de 50 milliards d'euros.
Le stock de dettes est sans cesse à refinancer. Il faut savoir qu'en 2004 le Trésor devra non seulement absorber la charge du déficit budgétaire de 55 milliards d'euros mais aussi amortir 70 milliards d'euros de dette venant à échéance. Au total, le Trésor devra placer plus de 120 milliards d'euros de nouveaux emprunts en 2004.
Il faut aussi savoir qu'une fraction importante de cette dette est émise à l'étranger auprès de non-résidents et qu'un tiers des crédits que le Sénat est appelé à voter au titre de la charge de la dette partira à l'étranger.
La seconde contrainte est celle des taux d'intérêt. Ces derniers ne dépendent plus aujourd'hui ni du Gouvernement ni du marché financier. Les taux à long terme sont fixés sur un marché européen et les taux à court terme dépendent de la politique monétaire de la Banque centrale européenne.
A l'instigation de M. Jean Arthuis, les taux retenus depuis 1996 pour l'établissement du budget sont ceux qui résultent du consensus des économistes. C'est une bonne méthode. Au cours des dernières années, elle a conduit à des prévisions relativement pessimistes. En 2003, par exemple, la charge de la dette sera légèrement inférieure à ce qui avait été prévu lors du vote du budget de l'an dernier.
Les taux prévus sont, pour le long terme, en 2003, de 4 %. C'est en 2004 que le budget aura à absorber la charge des intérêts des OAT, les obligations assimilables du Trésor, qui ont été émises cette année. Le taux à court terme prévu est de 2,1 %. C'est un taux faible, qui reflète le consensus des économistes. Il est possible qu'il soit dépassé au cours de l'année 2004, car les satisfactions que l'on a connues en 2003 ne se reproduiront peut-être pas.
Telles sont les deux contraintes qui sont des données pour la gestion active. Heureusement, vous pouvez le constater, ces deux contraintes ont joué en sens inverse l'une de l'autre au cours de ces dernières années. La dette a augmenté considérablement, mais son coût moyen a diminué en raison de la baisse des taux d'intérêt. Il y a dix ans, le coût moyen s'élevait à 8,45 %. Pour l'année 2004, il est de 4,65 %. Cette baisse, presque de moitié, est très significative. En effet, chaque fois que l'on refinance une OAT qui a été émise à un taux élevé par une OAT nouvelle à un taux inférieur, on réalise un gain de refinancement.
Une nouvelle stratégie de gestion de cette énorme dette a été mise en place en 2001, sous forme d'une réduction de la durée moyenne de la dette. Sa justification est simple : les taux à court terme sont inférieurs aux taux à long terme : 2 %, contre 4,5 %, par exemple. Mais, évidemment, si l'on raccourcit la durée de la dette, si l'on augmente la proportion de titres courts, on a un risque avéré de refinancement.
Rappelez-vous la situation du Trésor américain en 1992, dont la dette était composée, pour la plus grande part, de titres à court terme. Du fait de la très forte augmentation des taux à court terme consécutive au resserrement de la politique monétaire, il a vu la charge de sa dette exploser.
Donc, voilà le risque qu'il faut bien mesurer. C'est en raison de ce risque que, voilà un an et demi, le ministre des finances a décidé d'interrompre ce qu'on appelle la politique des swaps, la politique d'échanges de taux longs contre des taux courts, tant que la situation ne serait pas stabilisée sur le marché des taux à long terme.
En revanche, madame la ministre, vous avez continué, d'une autre manière, à réduire la durée moyenne de la dette, en augmentant les émissions de bons du Trésor à taux fixe, les BTF, par rapport à ce qui avait été prévu dans le tableau de financement l'année dernière.
En d'autres termes, nous assistons, comme en 2002, à une augmentation du déficit budgétaire liée à la souscription plus importante de BTF, résultant du fait que les dépôts des comptes chèques postaux, d'une part, et les dépôts du fonds de réserve des retraites, d'autre part, ne seront plus affectés à la trésorerie de l'Etat. Il y a donc une contradiction entre deux objectifs.
Je comprends très bien que, sur un plan économique, il soit intéressant de souscrire des emprunts à un taux très faible - 2 % -, avec le risque que j'ai indiqué. En revanche, lorsque l'on émet de pareils emprunts, on se met en porte-à-faux par rapport aux dispositions de la LOLF - qui, soit dit en passant, ne sont encore que partiellement appliquées, - selon lesquelles le Parlement, lors de l'adoption de la loi de finances, se prononce sur le montant des émissions à long et à moyen terme. Il ne faudrait pas court-circuiter cette disposition par un accroissement des emprunts à court terme.
Sans entrer, mes chers collègues, dans le détail de la gestion active de la dette mise en place par l'Agence France Trésor, je soulignerai simplement que les commissions des finances du Parlement contrôlent régulièrement cette gestion.
A cet égard, je veux rendre hommage au directeur de l'agence France Trésor, au moment où il quitte ses fonctions, pour la qualité du service qu'il a apporté à la gestion de cette dette.
Je terminerai sur la question de la gestion de la dette, mes chers collègues, en précisant que les effets bénéfiques dont je viens de parler ne sont que transitoires. La baisse des taux atteindra nécessairement un plancher, et les gains de refinancement finiront par s'épuiser. Alors, la charge de la dette finira par rejoindre le rythme de la croissance de la dette, beaucoup plus élevé, et il faudra bien que, la croissance revenue, nous affections des crédits, si les recettes progressent, à la réduction de la dette, ou tout au moins à sa stabilisation en pourcentage du PIB.
J'en viens au second axe de mon intervention.
Quel est l'avenir du budget des charges communes dans le cadre de la LOLF ? Disons-le très simplement : ce budget est à l'agonie, et sa mort est programmée. Elle l'a été non par la volonté du Gouvernement, mais par celle du Parlement qui a voté la LOLF. En effet, nous aurons deux comptes spéciaux qui permettront de gérer, d'une part, la dette et, d'autre part, le régime des pensions. Par ailleurs, nous avons mis en place un certain nombre de missions spécifiques, par exemple pour gérer les pouvoirs publics, c'est-à-dire le budget de la Présidence de la République, celui du Parlement et celui des hautes autorités judiciaires. A cet égard, le budget du Parlement sera majoré l'an prochain de 1,8 % ; celui du Sénat, en particulier, augmentera de 5,55 millions d'euros.
Je me dois, malgré tout, d'évoquer le sort qui est réservé, dans ce nouveau contexte général, d'une part, aux dégrèvements et remboursements d'impôts locaux, d'autre part, aux crédits de pension.
Les dégrèvements et remboursements d'impôts locaux, madame la ministre, ne sont pas des recettes d'ordre. Il faudra bien les traiter comme de vraies dépenses dans un programme spécifique pour que l'on distingue clairement l'apport de l'Etat aux collectivités locales, ou plus exactement aux contribuables locaux.
Ces dégrèvements atteignent cette année environ 9,5 milliards d'euros, en brut, ce qui représente près de 13 % des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales.
Si l'on a éclairci le problème en matière de prélèvements dans le projet de loi de finances, on doit le faire s'agissant des dégrèvements d'impôts locaux.
Les dégrèvements de taxe professionnelle diminuent légèrement, et passent de 6 milliards d'euros à 5,6 milliards d'euros cette année. Le principal dégrèvement résulte du plafonnement des cotisations des entreprises en fonction de la valeur ajoutée. Puisque les entreprises paient une part de plus en plus faible de la taxe professionnelle, les dégrèvements devraient diminuer. Mais, en période de conjoncture défavorable, la faible croissance de la valeur ajoutée en sens inverse, ce qui explique que ces dégrèvements n'aient pas diminué autant que l'on aurait pu l'espérer.
Quoi qu'il en soit, il devient très difficile de savoir ce que paient les entreprises au titre de la taxe professionnelle, car, en échange de ces dégrèvements, elles acquittent une cotisation minimale de taxe professionnelle de plus en plus importante. Nous sommes ainsi au royaume de l'Absurdie ! Si l'on majore la taxe professionnelle dans une commune faiblement imposée, l'entreprise qui est assujettie à cette cotisation minimale ne paiera rien de plus. C'est l'Etat qui perdra une recette alors que les collectivités locales verront leurs ressources s'accroître. Nous ne sommes donc pas dans un système qui nous permet de prendre de bonnes décisions fiscales au niveau des collectivités locales.
Le cas des dégrèvements de taxe d'habitation est plus grave, parce que ces dégrèvements continuent de progresser, les crédits s'établissant au total, cette année, à 2,8 milliards d'euros.
Dans le rapport d'information que j'ai présenté à la commission des finances...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Remarquable !
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. ... je me suis efforcé d'expliquer cette explosion des dégrèvements de taxe d'habitation.
Je suis absolument certain qu'il faudra, en ce domaine, prendre des mesures pour renforcer les tickets modérateurs, insuffisamment efficaces, qui ont été introduits dans la loi. Il est tout à fait anormal que ces dégrèvement jouent systématiquement en faveur des collectivités locales qui ont le plus augmenté la pression fiscale. Et ce ne sont pas nécessairement celles où les habitants ont les revenus les plus modestes ni celles où la taxe professionnelle est la plus faible qui bénéficient le plus de ces dégrèvement.
Un autre aspect du réajustement du budget des charges communes dans la nouvelle structure concerne les crédits de pension.
Le partage actuel des inscriptions budgétaires entre les charges communes et les autres fascicules ne permet pas d'avoir une vision exacte du problème. Le regroupement dans un compte unique est donc excellent.
D'ailleurs, les informations que vous avez transmises au Parlement permettent de constater que la cotisation implicite de l'Etat aux crédits de pension est passée de 49 % il y a quatre ans à 55 % cette année, c'est-à-dire qu'ils équivalent à 55 % de la masse des traitements de la fonction publique.
Il serait tout à fait intéressant que, dans la nouvelle présentation budgétaire, ce taux de cotisation implicite puisse servir à calculer le coût complet des charges de retraite dans chaque département ministériel. Ainsi, les décisions qui devront être prises en matière de fongibilité entre les crédits de fonctionnement, d'une part, et les crédits de personnels, d'autre part, le seront en tenant compte des charges induites pour l'Etat par la prise en compte des pensions.
Voilà, mes chers collègues, les quelques remarques que je souhaitais faire sur ce budget des charges communes.
L'Assemblée nationale n'a apporté que des modifications très marginales au projet de budget des charges communes, la principale étant d'utiliser 91 millions des crédits d'un chapitre réservoir de dépenses accidentelles.
La commission des finances se réjouit que, cette année, des circonstances favorables, en particulier la baisse des taux d'intérêt, permettent au budget des charges communes de ne pas obérer l'utilisation d'une marge de manoeuvre fort restreinte pour le Gouvernement, qui veut maîtriser la dépense publique.
La commission des finances vous invite donc à voter les crédits des charges communes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
(M. Bernard Angels remplace M. Serge Vinçon au fauteuil de la présidence.)