SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. Bernard Angels

1. Procès-verbal (p. 1).

2. Évolutions de la criminalité. - Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture (p. 2).

Discussion générale : MM. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice ; François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois ; Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Gisèle Gautier, M. Bernard Saugey, Mme Nicole Borvo, M. Robert Badinter.

Suspension et reprise de la séance (p. 3)

PRÉSIDENCE DE M. Daniel Hoeffel

3. Candidatures à un organisme extraparlementaire (p. 4).

4. Évolutions de la criminalité. - Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture (p. 5).

Discussion générale (suite) : M. Pierre Fauchon.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.

Clôture de la discussion générale.

Exception d'irrecevabilité (p. 6)

Motion n° 1 de M. Robert Badinter. - MM. Robert Badinter, François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois. - Rejet par scrutin public.

Suspension et reprise de la séance (p. 7)

5. Nomination de membres d'un organisme extraparlementaire (p. 8).

6. Évolutions de la criminalité. - Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture (p. 9).

Question préalable (p. 10)

Motion n° 143 de Mme Nicole Borvo. - MM. Robert Bret, François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois. - Rejet par scrutin public.

Articles additionnels avant le titre Ier (p. 11)

Amendements n°s 228 et 229 de Mme Nicole Borvo. - Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur, Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. - Rejet des deux amendements.

Article additionnel après le titre Ier (p. 12)

Amendement n° 226 de Mme Nicole Borvo. - Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet d'une demande de réserve ; rejet de l'amendement.

Article 1er (p. 13)

M. Michel Dreyfus-Schmidt.

Amendements n°s 144 à 147 de M. Robert Badinter, 230, 231 de Mme Nicole Borvo et 2 à 4 de la commission ; amendements identiques n°s 5 de la commission et 148 de M. Robert Badinter ; amendements n°s 150 rectifié et 151 rectifié de M. Michel Charasse ; amendements identiques n°s 6 de la commission et 149 de M. Robert Badinter. - M. Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josiane Mathon, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Robert Badinter. - Rejet des amendements n°s 144, 230, 145, 231, 146, 150 rectifié et 151 rectifié ; adoption des amendements n°s 2 à 4, 147, 5 et 148, 6 et 149.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 1er (p. 14)

Amendement n° 272 de Mme Marie-Claude Beaudeau. - Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.

Article 1er bis AA (p. 15)

Amendement n° 232 rectifié de Mme Nicole Borvo. - MM. Robert Bret, le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 1er bis AA (p. 16)

Amendement n° 152 de M. Robert Badinter. - MM. Robert Badinter, le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet.

Articles 1er bis A et 2. - Adoption (p. 17)

Article 2 bis (p. 18)

Amendement n° 7 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 2 quater. - Adoption (p. 19)

Article additionnel après l'article 2 quater (p. 20)

Amendement n° 289 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 2 quinquies. - Adoption (p. 21)

Article 3 (p. 22)

Amendements identiques n°s 153 de M. Robert Badinter et 233 de Mme Nicole Borvo ; amendement n° 8 de la commission. - M. Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josiane Mathon, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet des amendements n°s 153 et 233 ; adoption de l'amendement n° 8.

Adoption de l'article modifié.

Article 4 (p. 23)

Amendements n°s 154 de M. Robert Badinter et 9 de la commission. - MM. Robert Badinter, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet de l'amendement n° 154 ; adoption de l'amendement n° 9.

Adoption de l'article modifié.

Article 5 (p. 24)

Amendements n°s 155 de M. Robert Badinter, 10, 11 de la commission et 234 de Mme Nicole Borvo. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, Robert Bret, le garde des sceaux. - Rejet des amendements n°s 155 et 234 ; adoption des amendements n°s 10 et 11.

Adoption de l'article modifié.

Suspension et reprise de la séance (p. 25)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

Article 6 (p. 26)

Amendements n°s 12 à 34 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Adoption des vingt-trois amendements.

Adoption de l'article modifié.

Article 6 bis (p. 27)

Amendement n° 35 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 6 ter (p. 28)

Amendement n° 36 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 7 (p. 29)

Amendement n° 156 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article 7 bis A (p. 30)

Amendement n° 235 de Mme Nicole Borvo. - MM. Robert Bret, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article 7 ter (p. 31)

Amendement n° 236 de Mme Nicole Borvo. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article 8. - Adoption (p. 32)

Article 8 bis A (p. 33)

Amendement n° 237 de Mme Nicole Borvo. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article 9. - Adoption (p. 34)

Article 10 (p. 35)

M. Robert Bret.

Amendements n°s 37 à 40 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption des quatre amendements.

Adoption de l'article modifié.

Article 10 ter (pour coordination) (p. 36)

Amendement n° 41 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 11 (p. 37)

Amendement n° 42 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Division et article additionnels après l'article 11 (p. 38)

Amendements n°s 240 et 241 de Mme Nicole Borvo. - Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet des deux amendements.

Article 11 quater. - Adoption (p. 39)

Article 11 quinquies (p. 40)

Amendement n° 276 de M. Serge Vinçon. - MM. Jean-Jacques Hyest, le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.

Amendement n° 275 de M. Serge Vinçon. - MM. Jean-Jacques Hyest, le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Division et article additionnels avant le chapitre IV (p. 41)

Amendements n°s 238 et 239 de Mme Nicole Borvo. - Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet des deux amendements.

Article additionnel après l'article 15 (p. 42)

Amendement n° 242 de Mme Nicole Borvo. - Mme Nicole Borvo, MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.

Article additionnel avant l'article 15 bis (p. 43)

Amendement n° 290 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 15 bis (p. 44)

Amendement n° 243 de Mme Nicole Borvo. - MM. Robert Bret, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.

Amendements n°s 43 et 44 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption des deux amendements.

Adoption de l'article modifié.

Intitulé de la section 2

et articles additionnels avant l'article 16 (p. 45)

Amendements n°s 254 à 260 de Mme Nicole Borvo et 157 à 161 de M. Robert Badinter. - Mme Josiane Mathon, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux, Jean-Pierre Sueur, Robert Badinter, Bernard Saugey, Mme Nicole Borvo, M. Jean-Jacques Hyest. - Retrait des amendements n°s 255 à 260 ; réserve de l'amendement n° 254.

Suspension et reprise de la séance (p. 46)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet, par scrutin public, de l'amendement n° 157 ; rejet des amendements n°s 158 à 161, l'amendement n° 254 devenant sans objet.

Article 16 (p. 47)

Amendement n° 162 de M. Robert Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux, Bernard Saugey. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Article 16 bis B (p. 48)

M. Robert Badinter.

Amendements n°s 164, 165 de M. Robert Badinter ; amendements identiques n°s 45 de la commission et 172 de M. Robert Badinter. - MM. Robert Badinter, le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Nicole Borvo, M. Jean-Jacques Hyest. - Réserve de l'amendement n° 164 ; rejet de l'amendement n° 165 ; adoption des amendements n°s 45 et 172, l'amendement n° 164 devenant sans objet.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 16 bis B (p. 49)

Amendements n°s 170 et 166 à 169 de M. Robert Badinter. - MM. Robert Badinter, le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet des cinq amendements.

Amendement n° 171 de M. Robert Badinter. - MM. Robert Badinter, le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt, Philippe Richert, Jean-Jacques Hyest. - Rejet.

Article 16 bis C (p. 50)

Amendement n° 173 de M. Robert Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, Paul Girod, Jean-Pierre Sueur. - Retrait.

Amendement n° 46 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.

Amendements n°s 174, 176, 177 de M. Robert Badinter et 47 de la commission. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait de l'amendement n° 176 ; rejet de l'amendement n° 174 ; adoption de l'amendement n° 47, l'amendement n° 177 étant devenu sans objet.

Amendement n° 175 de M. Robert Badinter. - Devenu sans objet.

Amendements n°s 178, 179 de M. Robert Badinter et 48 de la commission. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet de l'amendement n° 178 ; adoption de l'amendement n° 48, l'amendement n° 179 devenant sans objet.

Amendement n° 180 de M. Robert Badinter. - MM. Robert Badinter, le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt, Philippe Richert. - Rejet.

Amendement n° 181 de M. Robert Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux, Robert Badinter. - Rejet.

Amendements n°s 182 et 183 de M. Robert Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux amendements.

Amendement n° 49 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Rappel au règlement (p. 51)

MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le président.

Articles 16 bis D et 16 bis E. - Adoption (p. 52)

Article additionnel après l'article 16 bis (p. 53)

Amendement n° 163 de M. Robert Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux, Robert Badinter. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 16 ter. - Adoption (p. 54)

Article 16 quinquies (p. 55)

Amendement n° 244 de Mme Nicole Borvo. - MM. Robert Bret, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article 16 sexies (p. 56)

Amendements identiques n°s 50 de la commission, 142 rectifié bis de M. Gérard Delfau, 184 de M. Robert Badinter et 245 de Mme Nicole Borvo. - MM. le rapporteur, Gérard Delfau, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Odette Terrade, MM. le garde des sceaux, Robert Badinter, Mmes Gisèle Gautier, Nicole Borvo. - Adoption, par scrutin public, des quatre amendements supprimant l'article.

Renvoi de la suite de la discussion.

7. Ordre du jour (p. 57).

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à onze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

ÉVOLUTIONS DE LA CRIMINALITÉ

Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

 
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 90, 2003-2004), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. [Rapport n° 148 (2003-2004).]

Dans la discussion générale, la parole et à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici donc de nouveau réunis pour discuter, après son adoption en deuxième lecture par l'Assemblée nationale, d'un texte qui a pour vocation d'adapter notre justice et notre droit pénal aux évolutions de la criminalité.

Dans cette matière si sensible du droit pénal et de la procédure pénale, le dialogue entre les assemblées et le Gouvernement est à la fois une nécessité et une garantie, et c'est pourquoi j'ai veillé, en termes de procédure législative, à ce que les conditions de ce dialogue soient les plus larges possibles.

Je me réjouis ainsi qu'au cours de la navette parlementaire ce projet de loi ait connu de nombreuses améliorations, dues à la qualité des travaux des deux commissions des lois et de leurs rapporteurs.

Je citerai notamment deux innovations majeures introduites sur l'initiative du Sénat : les dispositions portant création d'un fichier judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles et celles qui transposent la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen.

Je souhaiterais également vous rappeler les lignes de force de mon projet de loi. Je tiens à souligner de nouveau qu'il a donné lieu, avant la saisine des assemblées, à de nombreuses consultations menées à la Chancellerie avec les organisations professionnelles depuis décembre 2002, donc depuis plus d'un an. Il a également fait l'objet de nombreuses auditions par M. le rapporteur de la commission des lois du Sénat, auditions qui, je le crois, ont toutes montré qu'il s'agit d'un texte sur les grands objectifs duquel il existe un diagnostic largement partagé, fondé sur des réalités auxquelles sont confrontés nos concitoyens.

J'aborderai d'abord le fond du projet de loi. Adapter la justice aux évolutions de la criminalité, c'est vouloir la rendre plus réactive et plus efficace au service des Français. La délinquance et la criminalité évoluent en effet à plusieurs niveaux.

La délinquance et la criminalité « de droit commun » évoluent dans des conditions qui rendent nécessaire une meilleure prise en compte par notre appareil pénal. On en trouve de nombreuses illustrations dans ce projet de loi : le principe de la réponse judiciaire systématique, la poursuite de la diversification des réponses pénales possibles - c'est indispensable si nous voulons parvenir à faire face à l'important volume des poursuites - ou encore la création du fichier des délinquants sexuels, introduite par le Sénat en première lecture.

Mais l'évolution de la criminalité, c'est aussi, malheureusement, l'ouverture de notre territoire à de nouvelles formes de criminalité organisée : c'est le volet central du projet de loi.

Ce projet de loi répond à deux grandes ambitions : d'abord, mettre notre pays à niveau en matière de lutte contre la criminalité organisée ; ensuite, donner une orientation plus réaliste et humaniste à notre système judiciaire pénal.

Tout d'abord, s'agissant de la criminalité organisée, nous le savons - nous en avons longuement débattu ensemble -, les réseaux criminels, la violence, le crime et la délinquance en guise de professions lucratives ne sont pas des fantasmes.

La criminalité organisée, dans ce projet de loi, ce sont les enlèvements, les trafics de stupéfiants, le terrorisme, la traite des êtres humains, les meurtres en bande organisée, les braquages en bande organisée, le proxénétisme aggravé, la pédopornographie.

Cet effort de définition, certains ne l'ont pas encore découvert, puisqu'ils n'ont pas lu le texte : ce matin encore, j'entendais quelques personnalités évoquer ce texte en expliquant que la criminalité organisée, c'était le vol de mobylettes. Il faut vraiment ne pas avoir lu mon texte pour dire une telle énormité ! C'est une faute, une erreur, un mensonge que de prétendre cela.

Cet effort de définition a été conduit dans la concertation avec les professionnels de la justice pénale.

Est-il besoin de préciser ici que l'on parle non pas de simples vols à l'étalage ou en réunion, mais d'organisations qui peuvent mettre en péril notre société et notre économie ?

Ceux qui s'interrogent sur la définition de la bande organisée seront sans doute rassurés lorsqu'ils sauront aussi que je me réfère, sans la modifier, à la définition qui figure dans notre code pénal depuis 1994. Il y est dit que la bande organisée est un groupement ou une entente formé en vue de préparer des infractions. On est donc clairement dans le champ des professionnels du crime.

Je veux que notre système pénal ouvre les yeux sur ces réalités et se donne ensuite les moyens de combattre la criminalité organisée par l'amélioration des outils juridiques et par une organisation plus adaptée.

Cela passe par l'innovation fondamentale que constituent les pôles spécialisés en matière de criminalité organisée. Cela passe également par la création ou l'extension des moyens d'enquête, dont le déclenchement est toujours soumis à l'autorisation d'un magistrat - il convient de le rappeler car un certain nombre de personnes ont sans doute mal lu le texte ou en ont sauté des lignes -, qu'il s'agisse du procureur dans des cas traditionnels comme la garde à vue, du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention. C'est donc chaque fois sous le contrôle du juge ou du magistrat que ces moyens sont mis en oeuvre. Affirmer le contraire, c'est dire un mensonge ! Le déroulement de la procédure exceptionnelle est toujours contrôlé par un magistrat, notamment lorsqu'il s'agit de l'infiltration des réseaux ou du traitement des repentis.

La seconde ambition de ce texte consiste à donner une orientation plus réaliste et plus humaniste à notre système judiciaire pénal. En effet, lorsque la justice ne passe pas, ce sont des victimes qui n'obtiennent pas de réponses à leurs questions et ce sont des délinquants qui ne sont pas jugés, qui attendent une décision de la justice.

Deux voies d'action sont proposées dans ce texte : une justice pénale plus réactive et un système carcéral tourné résolument vers la réinsertion.

D'abord, il faut une justice plus réactive. En effet, les Français expriment une forte demande de justice. Ce n'est pas le ministre que je suis qui invente cette réalité : tous les jours, je suis confronté à cette demande d'humanité, de réponse de justice. Que dois-je répondre, en tant que ministre de la justice, lorsque, rencontrant les victimes du mont Saint-Odile, ces dernières me disent : « Cela fait douze ans que nous attendons ! » ? Est-ce cette justice-là que nous souhaitons préserver, sans rien changer ? Une non-réponse après douze ans en matière pénale, est-ce acceptable ? Je dis résolument : non ! Nous devons engager des réformes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

Nous devons donc nous poser la question de la capacité de traitement des juridictions, qui reste très inférieure au nombre d'affaires dont la justice est saisie. Les magistrats sont d'ailleurs les premiers à être conscients de cette demande et il convient de leur rendre hommage pour les efforts qu'ils ont déployés en 2003 : pour la première fois, le taux de réponse pénale a dépassé 70 %, et le taux de classement est passé sous la barre des 30 %.

Il faut poursuivre cet effort et, par conséquent, donner les moyens à l'institution judiciaire pour y parvenir.

Il s'agit, d'une part, des moyens matériels et humains. Cet effort doit être poursuivi au fil des années.

Il s'agit, d'autre part, de diversifier les procédures. Il faut proposer des outils variés en fonction des cas afin d'obtenir une réponse pénale plus importante et plus rapide. Ce sont la création du « plaider-coupable » à la française, l'extension de la composition pénale, la création, dans un autre ordre d'idées, du stage de citoyenneté.

S'agissant de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, je veux rappeler que, au cours de la navette, le fonctionnement de la procédure a été précisé autour des axes fondamentaux que j'avais tracés : déclenchement de la procédure sur l'initiative du parquet ; contrôle et homologation de la sanction par le président du tribunal ; présence de l'avocat tout au long de la procédure ; publicité de la décision finale ; préservation des droits des victimes. Sur ce dernier point aussi, j'affirme qu'un certain nombre de choses dites ce matin sont fausses. Je réfute ainsi fermement l'idée fausse relayée par un certain nombre de commentateurs selon laquelle cette procédure amoindrirait les droits des victimes, qui ne pourraient pas faire appel de la décision leur accordant des dommages et intérêts. C'est faux ! Le texte prévoit exactement le contraire. Pourquoi continuer à dire le contraire de ce qui figure dans le texte ? On peut tout de même se poser la question ! Si l'essentiel des critiques qui sont formulées depuis un certain nombre de jours consiste à dire le contraire du texte, on peut s'interroger sur la nature de ces critiques.

Autre point très important de ce texte, l'amélioration de notre système carcéral.

Je souhaite que le système carcéral soit résolument tourné vers la réinsertion. C'est pourquoi, sous l'impulsion du rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, M. Jean-Luc Warsmann, à qui j'ai confié une mission, et grâce au travail convergent du rapporteur de la commission des lois du Sénat, le projet de loi s'est enrichi, avec mon entier soutien, d'un certain nombre de dispositions qui envisagent de manière pragmatique le déroulement de l'exécution des peines.

Il n'est en effet nullement contradictoire de dire, d'une part, que, lorsque la justice envoie quelqu'un en prison, c'est qu'il l'a mérité et, d'autre part, que la société ne saurait se désintéresser de « l'après-incarcération ».

Ce qui est particulièrement flagrant pour les mineurs vaut également pour tous les détenus : il ne faut plus que la sortie de prison se fasse sans préparation, et c'est pourquoi le projet de loi permet, pour les condamnés qui manifestent des efforts de resocialisation, d'aménager progressivement le déroulement de leur peine.

En abordant l'ensemble de ces questions, j'ai conscience, mesdames, messieurs les sénateurs, de l'ambition de ce projet de loi. Il s'agit, dans le respect de nos principes fondamentaux, de hausser notre droit pénal à un niveau de vigilance comparable à celui des grandes démocraties en matière de criminalité organisée. Il s'agit également d'affirmer et d'amplifier le rôle et la place de l'institution judiciaire dans notre société, en lui donnant les moyens de répondre aux attentes des Français. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes de nouveau réunis pour examiner le projet de loi « portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité ».

Si je rappelle cet intitulé, c'est parce que l'on entend très souvent dire que ce texte serait relatif à la grande criminalité. Or il suffit de se reporter à son intitulé pour constater que ce texte porte adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Il ne saurait donc être question de le réduire au seul aspect concernant la grande criminalité.

Le dialogue entre les deux assemblées a permis d'enrichir et d'améliorer ce texte. Ainsi, tandis que l'Assemblée nationale prenait l'initiative d'une importante réforme en matière d'application des peines, le Sénat a complété le projet de loi pour renforcer la prévention et la répression des infractions sexuelles, et a transposé dans notre droit les dispositions de la décision-cadre de l'Union européenne relative au mandat d'arrêt européen.

Je rappellerai brièvement le contenu des dispositions de ce projet de loi.

Pour la première fois - et M. le garde des sceaux l'a dit -, un texte législatif, en France, tend à appréhender globalement la criminalité organisée sans se focaliser sur l'une ou l'autre de ses manifestations. Ainsi, l'article 1er du projet de loi tend à permettre la mise en oeuvre de nouveaux moyens d'investigation pour répondre à la criminalité et à la délinquance organisées.

Parmi ces nouveaux instruments figurent l'infiltration, dont l'utilisation serait étendue ; un régime spécifique de garde à vue caractérisé par la possibilité de prolonger la mesure pendant quatre-vingt-seize heures ; un régime spécifique de perquisitions ; la possibilité d'installer des micros et des caméras dans certains véhicules ou lieux d'habitation pour les nécessités d'une instruction ; l'extension des dispositions permettant aux personnes coopérant avec la justice d'obtenir des exemptions ou des réductions de peine.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit la création de juridictions interrégionales spécialisées en matière de criminalité et de délinquance organisées, appelées à bénéficier d'une compétence concurrente de celles des juridictions de droit commun.

La lutte contre les infractions économiques et financières, les infractions de santé publique et de pollution maritime sera également renforcée : des juridictions interrégionales seront créées pour connaître des infractions économiques d'une très grande complexité ; la compétence des juridictions spécialisées en matière de pollution maritime sera étendue à de nouvelles infractions, tandis que les peines encourues en cas de rejets polluants des navires seront aggravées.

Enfin, le projet de loi vise à renforcer la lutte contre les discriminations, notamment en aggravant les peines encourues pour ces délits et en instituant une circonstance aggravante lorsque la discrimination est commise à l'occasion de l'exploitation d'un lieu accueillant du public.

Mais le projet de loi comporte aussi un deuxième volet, qui tend à apporter des modifications substantielles à la procédure pénale française.

Il prévoit ainsi la création d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, permettant au procureur de la République de proposer une peine à une personne qui reconnaît les faits qui lui sont reprochés. En cas d'acceptation, aucun procès n'aurait lieu devant le tribunal correctionnel, mais la peine devrait faire l'objet d'une homologation par le président du tribunal.

Le projet de loi tend en outre à consacrer le rôle du garde des sceaux en matière de politique d'action publique et à clarifier les relations entre le ministre, les procureurs généraux et les procureurs de la République.

De nombreuses règles relatives aux enquêtes et aux instructions sont également modifiées. Ainsi, la durée de l'enquête de flagrance pourrait être étendue de huit à quinze jours ; un cadre général serait défini en matière de réquisitions judiciaires pour permettre aux officiers de police judiciaire de solliciter la remise de documents intéressant une enquête.

Enfin, le projet de loi tend également à moderniser les règles relatives aux jugements des crimes et délits, par exemple en supprimant la procédure de contumace, régulièrement condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme.

Ces dispositions ont substantiellement été enrichies au cours de la navette parlementaire.

Ainsi, l'Assemblée nationale a complété le projet de loi pour réformer en profondeur les règles relatives à l'application des peines.

Elle a notamment prévu de définir dans le code de procédure pénale les principes généraux de l'application des peines, de renforcer les dispositions permettant l'aménagement des courtes peines d'emprisonnement et de transformer le système des réductions de peine en un crédit attribué dès l'entrée en détention et pouvant être remis en cause en cas de mauvaise conduite du condamné.

Le Sénat a complété ces évolutions en améliorant la cohérence de l'organisation juridictionnelle en matière d'application des peines. Il a ainsi prévu, en première lecture, la création d'un tribunal de l'application des peines, dont les décisions pourraient être contestées devant une chambre de l'application des peines de la cour d'appel.

Il a également prévu que la création du crédit de réduction de peine serait accompagnée de la possibilité de remettre en cause les réductions de peine en cas de nouvelle condamnation pour une infraction commise pendant une période correspondant à la durée de ces réductions de peine.

Lors de l'examen en première lecture du projet de loi, le Sénat a souhaité améliorer les dispositions relatives à la lutte contre les infractions sexuelles. Il a ainsi prévu l'allongement de la durée du suivi socio-judiciaire pouvant être ordonné à l'égard de condamnés pour crime ou délit sexuel.

Le Sénat a surtout complété le projet de loi pour prévoir la création d'un fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles permettant de conserver les coordonnées des personnes condamnées pour infractions sexuelles et de leur imposer de déclarer leurs changements d'adresse.

Sur l'initiative de notre collègue M. Pierre Fauchon, la Haute Assemblée a complété le projet de loi pour transposer dans le code de procédure pénale la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne relative au mandat d'arrêt européen, dont je rappelle qu'elle devait être introduite dans notre droit avant le 31 décembre 2003.

Le mandat d'arrêt européen, concrétisant pour la première fois le principe de reconnaissance mutuelle des décisions de justice rendues en matière pénale, tend à substituer au mécanisme traditionnel et contraignant de l'extradition un nouveau dispositif exclusivement judiciaire, souple et rapide, plus adapté au fonctionnement de l'espace judiciaire européen.

Sur l'initiative de l'une ou l'autre des deux assemblées, d'autres dispositions importantes ont été ajoutées au projet de loi.

Ainsi, l'Assemblée nationale a souhaité donner un fondement légal à la rémunération des indicateurs de police ou de gendarmerie ; elle a également prévu d'encadrer les règles relatives aux défèrement des suspects à l'issue de leur garde à vue.

Le Sénat, sur l'initiative de M. Jean-Claude Carle et de plusieurs de ses collègues, a renforcé les dispositions répressives en matière d'incendies de forêt.

Notre collègue Pierre Fauchon a aussi souhaité mettre fin au principe de spécialité de la responsabilité pénale des personnes morales en généralisant cette responsabilité pénale, et nous l'avons suivi.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a apporté de nouveaux compléments au projet de loi. Elle a, notamment, complété les dispositions relatives à l'application des peines, elle a prévu une modification des règles de placement en détention provisoire et elle a créé un délit d'interruption involontaire de grossesse, qui a suscité de très nombreuses réactions.

L'Assemblée nationale - il faut le dire - est par ailleurs revenue sur certaines dispositions adoptées par le Sénat.

Quelles sont, à ce stade, les propositions de la commission des lois du Sénat ?

La commission se félicite qu'un grand nombre des propositions formulées par le Sénat en première lecture aient reçu un accueil favorable de la part de l'Assemblée nationale, qu'il s'agisse de la transposition dans notre droit des règles relatives au mandat d'arrêt européen, de la création d'un fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou de la création d'une procédure de défaut criminel pour remplacer la procédure de contumace.

La commission vous propose, à ce stade, d'améliorer les dispositions du projet de loi afin de veiller au plein respect de l'équilibre nécessaire entre les droits de la défense et l'efficacité de la procédure pénale. Loin d'être contradictoires, ces deux exigences doivent être conciliées. A cette fin, la commission a déposé toute une série d'amendements qui visent à conforter les droits de la défense tout en renforçant l'efficacité de la procédure pénale.

Nous souhaitons également que la police judiciaire soit conduite par des magistrats du parquet. D'autres amendements tendent à rappeler ce principe, qui ne pourra qu'apporter une plus grande efficacité à la procédure pénale française en termes de garantie pour les uns et les autres et d'homogénéité de la procédure pénale sur le territoire de la République.

En ce qui concerne les nouvelles formes de criminalité, la commission vous proposera notamment de rétablir l'interdiction de condamner une personne sur le seul fondement des déclarations de policiers infiltrés, sauf dans le cas où ces policiers acceptent de lever leur anonymat.

Elle vous proposera, en outre, d'exclure l'application aux mineurs du régime de garde à vue défini par le projet de loi en matière de criminalité organisée. En effet, le texte adopté par l'Assemblée nationale aurait pour effet non seulement de permettre des gardes à vue de quatre jours pour les mineurs, mais aussi de retarder le moment de leur entretien avec un avocat, alors que, jusqu'à présent, aucune exception au droit d'un mineur de demander à s'entretenir avec un avocat dès le début de la garde à vue n'a été introduite.

La commission propose que la garde à vue de quatre jours ne soit applicable aux mineurs de seize à dix-huit ans que lorsque des majeurs sont également mis en cause. Elle souhaite ne prévoir aucune dérogation au droit du mineur de s'entretenir avec un avocat dès le début de la garde à vue.

La commission souhaite enfin rétablir le droit pour les personnes gardées à vue au titre de certains crimes et délits de s'entretenir avec un avocat dès la trente-sixième heure de garde à vue, alors que l'Assemblée nationale a reporté cet entretien à la quarante-huitième heure.

Je vous proposerai également de modifier les dispositions relatives à la pollution maritime. L'Assemblée nationale a en effet prévu des peines d'amende fondées sur la valeur des navires ou la valeur des cargaisons, ce qui ne paraît pas très réaliste dans la mesure où nous voyons circuler sur les mers des « navires poubelles » qui peuvent être vides de toute cargaison tout en étant plus dangereux en matière de pollution volontaire que des porte-conteneurs neufs qui transporteraient une cargaison de grande valeur. Je vous proposerai donc de prévoir des amendes très élevées, mais fixes.

En ce qui concerne le fichier des auteurs d'infractions sexuelles, la commission propose quelques améliorations au dispositif, notamment pour ne prévoir que deux durées de conservation des informations, contre trois dans le système adopté par l'Assemblée nationale,...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas une amélioration !

M. François Zocchetto, rapporteur. ... et d'exclure - cela au moins vous satisfera, je pense, monsieur Dreyfus-Schmidt - l'exhibition sexuelle de la liste des infractions susceptibles de justifier une inscription au fichier.

Par ailleurs, comme en première lecture, j'essaierai de vous convaincre, après en avoir convaincu la commission des lois, qu'il n'est pas judicieux d'allonger le délai de prescription en matière d'infractions sexuelles. Je sais que ce sujet est douloureusement ressenti par les victimes, mais la spécificité des infractions sexuelles commises contre des mineurs est déjà prise en compte avec le report du point de départ du délai de prescription.

Plus généralement, si les délais de prescription en matière de crimes et de délits en France ne sont plus adaptés à l'allongement de la durée de la vie, aux attentes de l'opinion, à l'évolution des techniques d'investigation, nous devons avoir le courage de les modifier et d'aller au-delà de simples dérogations ponctuelles concernant tel crime ou tel délit.

En ce qui concerne les enquêtes et les instructions, la commission vous propose de maintenir l'obligation d'informer le procureur de la République dès le début d'une mesure de garde à vue, comme c'était le cas jusqu'à présent, et non « dans les meilleurs délais, sauf circonstances insurmontables », comme le souhaite l'Assemblée nationale. Il est, en effet, essentiel que le procureur de la République puisse contrôler le déroulement des mesures de garde à vue dans les meilleures conditions possibles.

J'ajoute quelques mots sur la nouvelle procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, qui constitue une innovation majeure de ce projet de loi.

Comme en première lecture, la commission vous proposera que la personne poursuivie soit toujours assistée de son avocat dans cette procédure, sans dérogation possible.

Je vous proposerai également, comme en première lecture, que l'audience d'homologation soit publique, même si, dans certaines circonstances, elle pourra se tenir en chambre du conseil. La procédure doit suivre celle du jugement : il n'y a rien à cacher.

J'évoquerai, pour terminer, ce qu'il est convenu d'appeler « l'amendement Garraud ».

Dès l'adoption de ce texte par l'Assemblée nationale, j'ai exprimé les réserves qu'il m'inspirait et, d'abord, des réserves de forme : il ne me paraissait pas opportun que la question de l'interruption de la grossesse soit abordée lors de l'examen d'un projet de loi qui traite de nouvelles formes de criminalité.

Toujours sur la forme, j'estime qu'un sujet aussi délicat méritait que s'instaure, en particulier devant la représentation nationale, un débat complet, qui ne génère ni frustration ni incompréhension, or force est de le constater, les circonstances ne l'ont pas permis.

Sur le fond, maintenant, la commission des lois du Sénat a estimé que nous nous devions d'étudier la question pour savoir s'il y avait ou non un problème spécifiquement juridique. La commission a auditionné de nombreuses personnalités, notamment des juristes, des magistrats, des professeurs d'université, des médecins, des gynécologues et des obstétriciens, des représentants de l'académie nationale de médecine, des responsables d'associations familiales, des militantes d'associations féministes.

A titre personnel, je suis arrivé à la conviction que, dans un certain nombre de cas - heureusement très rares, mais bien réels -, le problème était de nature purement juridique et que, lorsqu'une femme était victime de coups et blessures ayant pu entraîner l'interruption de sa grossesse - j'insiste sur le fait que c'est la femme qui est la victime et que c'est sa grossesse qui se voit interrompue -, cette femme, victime, pouvait ne pas voir l'auteur des faits poursuivi.

Le sujet mérite, me semble-t-il, d'être traité dans le cadre plus global des violences subies par les femmes. C'est, en effet, un type de violences particulier qui conduit à l'interruption non désirée de la grossesse.

Par ailleurs, il faudrait reconnaître, si le sujet était de nouveau abordé, la spécificité de l'acte médical. Bien sûr, il ne s'agit pas d'excuser l'inexcusable ; il ne s'agit pas de ne pas poursuivre celui qui a commis des fautes caractérisées, des fautes graves, quand bien même il serait médecin et qu'il exercerait une mission difficile. Mais nous devons nous garder d'une judiciarisation accrue de l'acte médical.

Enfin, parce que les femmes sont les victimes en l'occurrence, il me semble important qu'elles seules puissent engager l'action publique et non le procureur ou une tierce personne. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.)

Vous avez compris que les circonstances dans lesquelles cette disposition a été adoptée par l'Assemblée nationale n'ont pas permis un examen serein de la question. Il est nécessaire qu'il existe un consensus, notamment entre les femmes susceptibles d'être victimes.

Parce que la réflexion globale n'a pas été menée à son terme, la commission des lois vous proposera à sa quasi-unanimité la suppression de l'article créant un délit d'interruption involontaire de grossesse.

Pour conclure, je tiens à redire que, contrairement à ce qui est annoncé par certains, ce projet de loi est utile et nécessaire. Soit nous voulons lutter contre les nouvelles formes de criminalité, soit nous acceptons d'être dépassés par des groupes mafieux, par des réseaux qui maîtrisent parfaitement les déplacements internationaux et les nouvelles technologies de l'information et de la communication, notamment l'informatique. Je fais partie de ceux qui ne l'acceptent pas. C'est pour cette raison que je pense que votre texte est excellent, monsieur le garde des sceaux.

Beaucoup d'idées fausses ont été développées ces derniers jours, et je trouve très curieux que ceux qui, depuis plusieurs mois déjà, ont participé aux discussions, ont été associés aux travaux préparatoires avec la Chancellerie et ont été auditionnés à de nombreuses reprises par la commission des lois du Sénat, donnent aujourd'hui une présentation tronquée du texte, comme s'ils ne voulaient pas le lire.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oh ! Il n'y a pas que nous qui sachions lire !

M. François Zocchetto, rapporteur. Mon cher collègue, on peut véritablement se demander si certains ont vraiment lu le texte ! En tout cas, on peut se demander s'ils ont lu le texte initial du Gouvernement, s'ils ont lu le texte résultant de la première lecture au Sénat...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et comment ! Bien sûr ils l'ont lu !

M. Robert Bret. On peut se demander aussi si vous les avez entendus, monsieur le rapporteur !

M. François Zocchetto, rapporteur. ... et s'ils se sont renseignés sur les amendements que nous vous proposerons de voter dans les jours qui viennent.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et comment, ils se sont renseignés !

M. François Zocchetto, rapporteur. Pour ma part, je pense que, à l'issue de la deuxième lecture au Sénat, si vous adoptez les propositions que je vais avoir l'honneur de vous présenter, nous aboutirons à un texte adapté qui nous permettra à la fois de combattre les nouvelles formes de criminalité et de répondre à l'attente de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette dicussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 51 minutes ;

Groupe socialiste, 28 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 13 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 12 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le garde des sceaux, j'enchaînerai d'emblée sur la conclusion de notre rapporteur, pour vous demander d'arrêter le massacre ! Vous aviez l'air de dire que ceux qui sont en ce moment même réunis salle René-Coty pour demander un moratoire - et ils sont nombreux - n'auraient pas lu le texte. Or c'est précisément parce qu'ils l'ont lu et suivi les débats qu'ils estiment que le Gouvernement doit, comme il l'a fait pour la décentralisation et pour l'école, réunir des états généraux pour la justice ! Ainsi chacun pourrait en effet donner son avis et nourrir la réflexion de tous.

M. Robert Badinter. Très bien !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Déjà, en première lecture, ce texte - un fourre-tout épouvantable ! - remettait totalement en cause les principes fondamentaux de notre procédure pénale, créant une insécurité juridique à laquelle tous les praticiens sont évidemment sensibles.

Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale ne tient pratiquement pas compte du travail du Sénat et de son rapporteur ; de plus, il est assorti d'un nombre incalculable de nouvelles dispositions, tel l'amendement Garraud - qui est à ce projet de loi ce qu'était l'amendement Accoyer à la loi relative à la politique de santé publique - créant un délit d'interruption involontaire de grossesse. Je rappelle d'ailleurs que cet amendement a été adopté par l'Assemblée nationale avec l'accord du Gouvernement, monsieur le garde des sceaux, c'est-à-dire de vous-même !

Certains, même des magistrats, prétendent que cet amendement a été retiré. Il n'en est rien, puisqu'il se trouve dans le texte de loi qui nous revient en deuxième lecture. Et croyez bien que l'on va continuer à en parler ! Il est vrai que la commission des lois du Sénat l'a écarté par dix-huit voix contre une, celle de notre collègue M. Pierre Fauchon, ici présent. Mais il est vrai aussi que, sur des chaînes de radio privées, et importantes, on peut entendre Mme Michèle-Laure Rassat se faire la porte-parole d'un certain nombre de professeurs de droit, une demi-heure le matin, une demi-heure le soir, pour expliquer pourquoi il faut absolument que l'amendement Garraud soit confirmé.

Pour le reste, si M. le rapporteur maintient ses positions sur un certain nombre de points, il lâche sur d'autres. Aussi, monsieur le rapporteur, je vous pose la question suivante : lors de la réunion de la commission mixte paritaire, au sein de laquelle, avec l'appoint du Sénat et de l'opposition de l'Assemblée nationale, vous aurez une majorité, avez-vous l'intention de passer accord avec votre collègue de l'Assemblée nationale pour renier certaines des positions prises par le Sénat aujourd'hui comme hier, ou bien accepterez-vous l'appui de l'opposition pour rester ferme ? Je serais heureux que vous répondiez sur ce point.

Bien évidemment, en un quart d'heure, il n'est pas possible d'évoquer les nombreux articles du code de procédure pénale qui sont touchés ; il y en a plus de quatre cents !

D'une façon générale, ce que l'on peut dire, c'est que ce texte sacrifie la liberté à la sécurité. Ainsi, dès lors qu'il y a bande organisée - pas seulement d'ailleurs et qu'est-ce qu'une bande organisée : deux personnes, un auteur et son complice, constituent-elles une bande organisée ? - dès lors qu'il y a bande organisée, disais-je, carte blanche est donnée à la police : possibilité d'écoutes même dans les lieux privés, de perquisitions partout, de jour comme de nuit, d'infiltrations, d'exemptions de peine, de gardes à vue pendant quatre-vingt-seize heures sans avocat avant quarante-huit heures et, en plus, avec un délai de déférement. Excusez-moi de vous le dire, il y a là toutes les caractéristiques d'un régime policier !

Et ce serait pour se défendre contre ceux qui troublent la sécurité ? Sous ce même prétexte, le général Aussaresses et ses semblables ont justifié la torture pendant la guerre d'Algérie.

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Vous allez peut-être un peu loin !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non, c'est une comparaison exacte !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je n'accepte pas cette comparaison, monsieur Dreyfus-Schmidt !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh bien je la maintiens, car le raisonnement est le même !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. C'est inadmissible !

M. Gérard Longuet. Oui, c'est inadmissible ! C'est de la provocation !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Monsieur le président, puis-je interrompre l'orateur ?

M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, permettez-vous à M. le garde des sceaux de vous interrompre ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais bien sûr !

M. le président. Vous avez la parole, monsieur le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, je vous demande de retirer ce que vous venez de dire : je n'accepte pas cette comparaison.

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le garde des sceaux, je vous ai laissé m'interrompre avec grand plaisir, mais permettez-moi de préciser ma pensée, car vous ne semblez pas m'avoir écouté, ou du moins entendu.

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Il ne s'agit pas de cela. Vous n'avez pas à me comparer à une personne qui ne mérite aucune estime, et vous le savez très bien !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le garde des sceaux, ce texte n'est pas votre affaire personnelle.

M. Gérard Longuet. Les services de police ne sont pas des tortionnaires !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce texte est présenté par le Gouvernement, et je ne parle pas de torture à son égard, encore qu'en garde à vue on l'ait déjà vu !

Je voudrais que vous me compreniez bien, monsieur le garde des sceaux : vouloir se défendre contre ceux qui menacent l'ordre public ne permet pas tout. Cela ne permet pas de bafouer les principes mêmes de la démocratie. Voilà en quoi réside ma comparaison. Elle ne va pas plus loin. Je ne vous assimile absolument pas au général Aussaresses ; je ne fais que comparer le raisonnement.

Toutes ces nouvelles dispositions seraient exécutées sous le contrôle du parquet. Mais c'est tout à fait impossible ! J'ai essayé de rechercher quelles sont, d'ores et déjà, les fonctions du parquet. Lorsque l'on interroge la base de données Légifrance, on trouve 1 709 textes qui comportent les mots « procureur de la République ». Celui-ci est écrasé de tâches ; il doit siéger devant toutes les juridictions, aussi bien pénales, civiles, de commerce que prud'homales, il doit siéger dans de multiples commissions juridictionnelles ou administratives ; il doit préparer les dossiers avant ; il doit s'occuper de l'exécution des peines après ; il doit contrôler les prisons, les gardes à vue, les établissements psychiatriques... D'évidence, il ne peut déjà pas faire tout cela, et vous ajoutez encore de multiples autres tâches, en particulier celle de fixer la peine dans de très nombreuses procédures, comme la composition pénale ou la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité !

A cet égard, vous avez sûrement consulté. Je me permets cependant de citer M. André Ride, procureur général près la cour d'appel de Limoges, président de la Conférence nationale des procureurs généraux, qui, auditionné par la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice, sous la présidence de notre collègue Jean-Jacques Hyest, le 10 avril 2002, s'est exprimé ainsi : « Le "plaider-coupable" tel qu'il existe en droit anglo-saxon est indissociable d'une négociation entre le procureur et l'avocat, d'une part, sur la prévention, (...) et, d'autre part, sur la peine ». Il poursuivait en ces termes : « Une telle logique est contraire à notre culture. Je ne conçois pas qu'un marchandage soit possible entre magistrat et prévenu sur des faits délictueux. »

Tel est l'avis de la plus haute autorité du parquet français, et vous en avez fait fi !

Vous prétendez instaurer une justice de proximité et vous créez des juridictions lointaines et interrégionales. Vous continuez dans la voie qui consiste à s'en remettre au juge unique en abandonnant la collégialité, qui est une garantie de bonne justice. Vous touchez à la prescription. Vous créez un fichier nouveau. Vous pensez même - il n'y a pas encore d'amendement à ce sujet, mais cela peut venir - faire juger les fous de telle manière que les familles puissent faire leur deuil. Irez-vous jusqu'à faire juger les animaux parce que, si un chien tue un enfant, il n'y a pas de raison que les parents de la victime ne puissent pas également faire leur deuil ?

Vous allez jusqu'à prétendre payer les magistrats au mérite, c'est-à-dire sans doute au rendement, ce qui est évidemment contraire à une bonne justice.

Tout cela devait être rappelé.

Quant à la contumace, M. le rapporteur a bien voulu noter, à la suite d'une observation qui m'a d'ailleurs été faite par le président de la Cour de justice de la République, que la loi organique sur la Haute Cour de justice et sur la Cour de justice de la République la prévoit toujours. Il faudrait la modifier, dit M. le rapporteur. Non : il faudrait laisser subsister la contumace, au moins pour la Haute Cour de justice et la Cour de justice de la République, en attendant qu'une modification de cette loi organique intervienne.

Telles sont les réflexions que je voulais formuler très rapidement, le temps nous étant compté, sur un texte tout à fait monstrueux tant par son contenu que par sa quantité d'articles divers.

Oui, nous vous demandons - j'ai commencé par là - « d'arrêter le massacre » et d'entendre les voix qui vous demandent un moratoire afin que notre justice continue à être rendue de manière humaine et non pas mécanique, conformément aux principes démocratiques. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier.

Mme Gisèle Gautier. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous discutons aujourd'hui d'un texte fondamental qui vise à moderniser notre procédure pénale afin, notamment, de définir un cadre spécifique pour lutter contre la criminalité organisée.

Permettez-moi, tout d'abord, de féliciter notre collègue M. François Zocchetto, qui a mené un travail sérieux et de qualité dont le Sénat peut être fier.

J'insisterai tout particulièrement sur quatre points qui constituent, selon moi, les points forts de ce texte.

Tout d'abord, j'évoquerai l'amélioration de la lutte contre les délinquants sexuels.

Notre excellent rapporteur a déposé un certain nombre d'amendements qui touchent des faits particulièrement graves et douloureux pour ceux qui en sont victimes : je veux parler de faits à caractère sexuel.

Certains de ces amendements tendent à allonger la durée du suivi socio-judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles ; je crois que c'est une bonne initiative. Mais ce qui, dans ce nouveau dispositif, restera, selon moi, le plus emblématique, est la création d'un fichier automatisé des auteurs d'infractions sexuelles.

Mesure emblématique, mais également mesure polémique ! J'ai entendu certains de mes collègues s'indigner d'une telle création au nom du respect des droits de l'homme.

Quoi qu'un homme ou une femme ait pu faire d'horrible dans sa vie, je l'ai déjà dit, mais il faut le répéter, il a droit au respect de sa dignité. Je le crois fermement et ma famille politique, dont les convictions sont profondément marquées d'humanisme, ne me contredira pas.

Toutefois, le respect de la dignité des victimes passe, selon moi, avant celui des auteurs d'infractions sexuelles ; c'est pourquoi j'approuve l'instauration d'un tel fichier, dans la mesure où il offre un espoir de voir diminuer le nombre des délits et des crimes de cette nature.

Quoi de plus légitime que de savoir où se trouve une personne condamnée pour crime ou délit à caractère sexuel ? Comment répondre à une famille victime d'un récidiviste ?

J'ai eu l'occasion, dernièrement, de me rendre à un colloque à Genève où se trouvaient de nombreuses femmes. Lorsque j'ai annoncé notre intention de mettre en place un tel fichier informatisé, cette initiative a suscité beaucoup d'intérêt. Certains attendent le résultat de cette procédure pour savoir si elle peut être appliquée dans d'autres pays. C'est ainsi : notre démarche intéresse beaucoup de monde.

Ce dispositif permettra d'éviter qu'un individu ayant commis un tel délit ne se retrouve de nouveau au contact d'enfants, dans le cadre de colonies de vacances ou de structures d'accueil de la petite enfance, par exemple.

J'ajouterai qu'il s'agit aussi de protéger ces auteurs de délits, d'eux-mêmes, puisque leurs problèmes sont quelquefois d'origine pathologique. Cet aspect n'est pas toujours le plus visible, mais je tenais à le souligner à titre personnel.

La rédaction en première lecture n'était certes pas parfaite, mais la navette parlementaire existe justement pour remédier aux imperfections. La navette a donc permis de perfectionner tout ce qui concerne les infractions dont l'importance ne justifie pas de telles contraintes.

Je vais aborder maintenant le mandat d'arrêt européen.

Grâce à notre assemblée, et plus particulièrement à notre excellent collègue Pierre Fauchon, notre législation est désormais conforme à la réglementation européenne relative au mandat d'arrêt européen.

En effet, la France devait intégrer avant le 31 décembre 2003 dans le code de procédure pénale la décision-cadre de l'Union européenne en date du 13 juin 2002. Le respect de cette date est primordial puisque la décision-cadre permet de substituer une procédure simple et plus rapide à une procédure d'extradition plus classique mais plus lourde.

Ce dispositif est particulièrement important puisqu'il s'agit de la première application du principe européen de la reconnaissance mutuelle des décisions de justice rendues en matière pénale décidé au Conseil européen de Tampere.

Cette première ne doit pas non plus être la dernière. La coopération en matière de justice, qui a été transférée du troisième pilier au premier pilier depuis le traité d'Amsterdam, doit aller encore plus loin, car les principes énoncés au Conseil européen de Tampere ne trouvent encore que très peu d'application.

Le groupe de l'Union centriste est très attaché au renforcement de la coopération en matière de police et de justice, alors que tant d'exemples montrent que la volonté politique en la matière est encore frileuse, pour ne pas dire timide. Nous espérons, monsieur le garde des sceaux, que tel n'est pas votre état d'esprit.

J'en viens au plaider-coupable. Je veux revenir sur cette mesure qui représente une véritable innovation de notre procédure pénale. La philosophie de ce nouvel instrument de procédure est conforme en tout point de vue à notre philosophie d'humanisme. Grâce au plaider-coupable, la personne responsable d'une infraction aura le choix d'assumer la responsabilité de son erreur. Cela me paraît très important.

Il s'agit non pas d'instituer une nouvelle procédure permettant de désengorger les cours de justice, mais d'insérer dans la justice une dose de philosophie nouvelle.

Très souvent, nous constatons que la peine n'a pas l'effet souhaité. Le plaider-coupable permettrait à chaque condamné de faire son propre examen de conscience. Il s'agit de faire entrer le délinquant dans la dignité, de modifier en quelque sorte la démarche.

Au lieu de chercher la confrontation, on cherche la compréhension de la justice. Certes, il peut y avoir des abus, mais je crois que l'abus le plus insupportable est d'envoyer des personnes dans des prisons dont les conditions de vie sont telles que l'exécution de leur peine ne fait qu'aggraver leur état de délinquance plutôt que de les mettre sur la voie de la contrition et de la reconstruction personnelle, ce que vous appelez, monsieur le garde des sceaux, la réinsertion.

Mme Danièle Pourtaud. La contrition !

Mme Gisèle Gautier. Enfin, j'évoquerai, en mon nom propre, l'amendement Garraud concernant l'interruption involontaire de grossesse, qui me tient particulièrement à coeur.

Je trouve qu'en cette affaire le débat s'est malheureusement déplacé vers des considérations qui n'avaient pas lieu d'être.

Il s'agissait, comme dans la proposition de loi de M. Fauchon, que j'avais cosignée avec notre collègue Nicolas About, de prendre en considération la femme dans son état de grossesse.

Nous voulions garantir le respect de l'intégrité du corps de la femme et non remettre en cause, comme j'ai pu l'entendre dire, le droit à l'interruption volontaire de grossesse.

J'ai été scandalisée d'entendre rouvrir, ici ou là, un débat complètement dépassé. En effet, qui donc a mis en place cette loi en 1975, si ce n'est Mme Veil ? Et à quelle famille politique appartenait-elle, sinon à la mienne ?

Mme Nicole Borvo. Elle l'a fait contre l'avis de bien des membres de sa famille politique.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et cette loi a été votée grâce à la gauche !

Mme Gisèle Gautier. Je trouve scandaleux de déplacer ainsi un problème !

En tant que présidente de la délégation aux droits des femmes, je ne saurais remettre en cause l'interruption volontaire de grossesse.

Mme Danièle Pourtaud. Mais l'amendement Garraud le remet en cause, madame !

M. Pierre Fauchon. Mais non, pas du tout !

Mme Gisèle Gautier. Mais non, et il n'est absolument pas question pour moi de revenir sur ce droit des femmes ; je le dis de façon solennelle.

Qu'est-ce que je souhaite ainsi qu'un certain nombre de mes collègues ? Qu'une femme qui perd un enfant soit autant protégée qu'une femme dont un bras est cassé dans un accident de voiture ; c'est simple, simpliste, me direz-vous, mais il n'en demeure pas moins que cette femme a le droit d'être protégée.

J'ai cru comprendre que, compte tenu des crispations, des tensions et de la passion qui ont accompagné ce débat, cet amendement allait être retiré. Quoi qu'il en soit, je regrette profondément le discours qu'ont tenu certaines personnes qui ont dénaturé les données du problème, trompant l'opinion publique, nous entraînant sur des pentes dangereuses.

Monsieur le ministre, il faut rouvrir ce dossier dans le calme et la sérénité. Il faut dépassionner le débat pour trouver une solution satisfaisante qui écarte toute interprétation abusive.

J'aurai l'occasion, lors de la discussion des articles, de faire une proposition dans la sérénité. En effet, ce sujet est tellement sensible qu'il devient très vite passionnel, au point de nous priver de toute objectivité. J'y reviendrai longuement, car il nous faut absolument nous écouter les uns et les autres tout en nous respectant de façon à trouver une issue à cette situation tout à fait injuste et qui ne saurait perdurer en l'état, sauf à montrer que nous manquons de courage politique. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Saugey.

M. Claude Estier. Soutenu massivement par l'UMP ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Bernard Saugey. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, c'est un texte dense dont nous sommes amenés aujourd'hui à discuter en deuxième lecture. Dense, mais en aucun cas « fourre-tout », comme nous avons pu l'entendre ici ou là. Ce projet de loi, en dépit du nombre d'articles considérable qui le compose, garde à mon sens cohérence et est de nature à doter notre justice d'outils essentiels avec la double fin de lutter contre la grande criminalité et de réformer notre procédure pénale.

D'ailleurs, malgré le nombre des critiques de certains de nos collègues, que je note d'ailleurs plus acerbes aujourd'hui qu'à l'occasion de la première lecture - peut-être faut-il y voir le rapprochement d'échéances électorales ? -, ceux-ci ne manquent pas, comme nous-mêmes, de se passionner pour chacune des dispositions qui nous sont soumises et, également, d'en proposer de nouvelles.

Ainsi, la multiplication des dispositions proposées au cours de chacune des lectures dans nos deux assemblées, loin de prouver le caractère hétéroclite du projet de loi, démontre, bien au contraire, que le Parlement s'attache à trouver des solutions législatives à chacun des problèmes de procédure pénale qui s'offrent à notre société.

Eclairé, par exemple, par la catastrophe écologique de cet été dans les massifs forestiers du sud de la France, le Sénat a pu profiter de la navette pour élaborer un dispositif de lutte contre la pyromanie. De nombreuses dispositions ont pu voir le jour. Et même en deuxième lecture, l'Assemblée nationale a enrichi le texte de trente-deux nouveaux articles.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Enrichi ?

M. Bernard Saugey. Oui, enrichi ! Je n'ai pas l'intention de dresser une liste exhaustive de l'ensemble du texte. Je souhaite plutôt revenir sur quelques dispositions importantes qui ont retenu l'attention de l'opinion publique et sur lesquelles un certain nombre de contre-vérités ont été dites à travers des tribunes parfois outrancières.

En premier lieu, ce projet de loi, conformément à son objectif initial, dote pour la première fois notre appareil judiciaire d'un dispositif d'ensemble destiné à lutter contre la criminalité organisée. Contrairement au passé, la grande délinquance est appréhendée non par une seule de ses facettes, qu'il s'agisse du terrorisme, du trafic des stupéfiants, du proxénétisme ou de n'importe quelle autre de ses manifestations, mais bien dans sa globalité, dans ce qui fonde sa spécificité. J'entends par là son caractère organisé, sa nature internationale et ses multiples ramifications.

De ce point de vue, nous ne pouvons que nous réjouir que notre pays se dote de moyens pour lutter avec force et détermination contre ces menaces. L'ensemble du dispositif, que je ne détaillerai pas, démontrera à l'épreuve des faits que nous nous sommes engagés dans la bonne voie.

Un point de ce dispositif de lutte contre la criminalité organisée, encore en navette entre nos deux assemblées, retient toutefois mon attention en matière d'infiltration des réseaux : il s'agit de la possibilité de prononcer une condamnation sur le seul fondement des déclarations faites par des officiers ou agents de police judiciaire ayant procédé à une opération d'infiltration.

Le projet de loi initial ne prévoyait pas une telle mesure. L'Assemblée nationale a souhaité rétablir cette possibilité, après l'avoir adoptée une première fois, en dépit - il faut le dire - de l'opposition du Sénat.

Je souhaiterais vous faire part, monsieur le garde des sceaux, de notre convergence de vues avec M. le rapporteur. Il nous semble en effet qu'une telle exception ne satisfait pas aux exigences de la Convention européenne des droits de l'homme telles qu'interprétées par la Cour européenne des droits de l'homme. Les condamnations fondées sur le seul témoignage de personnes conservant l'anonymat n'ont jamais été admises par la Cour européenne, et ce en dépit du fait qu'il s'agit de déclarations faites par des officiers ou agents de police judiciaire, à ce titre assermentés.

M. Robert Badinter. Tout à fait !

M. Bernard Saugey. Je reste persuadé que nous trouverons un accord en commission mixte paritaire sur la base des précisions apportées par la Haute Assemblée.

Je souhaiterais également revenir sur le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles, adopté sur l'initiative de M. le rapporteur en première lecture. Là encore, beaucoup de choses ont été dites, qui sont sans rapport avec la réalité des dispositions que nous proposons.

Ce fichier n'a pas d'autre objet que de prévenir le renouvellement des infractions sexuelles et de faciliter l'identification de leurs auteurs. A ce titre, certains des propos tenus sont en complet décalage avec la réalité des faits. Quels arguments ont été invoqués ? Ils sont de deux sortes, et d'ailleurs assez contradictoires.

D'une part, les opposants au fichier ont argué que ce dernier empêcherait la réinsertion des auteurs de ces crimes, notamment parce que la police se rendrait à leur domicile à chaque nouvelle affaire de moeurs. Ils seraient stigmatisés par leurs voisins et ne pourraient jamais recommencer une nouvelle vie et enterrer définitivement leur passé.

D'autre part, il a été avancé - cela est totalement contradictoire avec l'idée de réinsertion précédemment énoncée - que le fichier ne servirait à rien puisque, par nature, les auteurs de ces infractions sont des récidivistes.

A ces deux arguments, que je comprends, je souhaiterais répondre brièvement.

En premier lieu, il me semble nécessaire de préciser que l'utilisation de ce fichier ne peut être appréhendée sans son corollaire, le fichier des empreintes génétiques. En effet, l'un sans l'autre, ces deux fichiers seraient totalement inutiles. Ils prennent en revanche toute leur utilité dans leur rapprochement.

Je m'explique : concernant le premier argument, relatif à la stigmatisation des personnes se repentant et souhaitant réussir leur réinsertion, l'utilisation conjointe de ces fichiers permettra justement à ces personnes de garder toute quiétude dès lors qu'elles ne récidiveront pas.

En effet, c'est aujourd'hui, en l'absence de fichiers, et non demain, lorsqu'ils seront en place, que les policiers et les gendarmes seraient susceptibles de vouloir interroger des anciens auteurs de crimes sexuels à leur domicile lorsqu'ils sont sur une enquête.

Demain, lorsque les enquêteurs auront les éléments scientifiques et les données personnelles contenues dans ces fichiers, ils ne se rendront plus au domicile des personnes suspectées de récidive. Dès lors que l'ADN fournira des preuves irréfutables de culpabilité d'une personne, pour quelles raisons les enquêteurs se rendraient-ils au domicile de toutes les autres ?

Ainsi, bien loin d'empêcher la réinsertion d'anciens criminels, la coexistence de ces deux fichiers sera au contraire le premier instrument de leur quiétude retrouvée. Ils ne seront plus systématiquement observés en coupables potentiels à la première infraction sexuelle commise.

Concernant le second argument relatif au caractère multirécidiviste des auteurs de crimes sexuels, là encore, la démonstration ne tient pas à l'épreuve du débat. En effet, si l'on part du principe que ces délinquants sexuels sont de potentiels multirécidivistes, plus que jamais le fichier devient nécessaire, non pas pour empêcher la première récidive, puisqu'il sera malheureusement trop tard, mais au moins pour empêcher toutes les suivantes.

Je pense notamment à cette récente affaire qui s'est déroulée dans les Ardennes. Dans cette tragédie, si le fichier avait déjà existé, la première récidive de cette personne n'aurait malheureusement pas pu être empêchée ; mais il en aurait été différemment pour toutes les suivantes puisque, à l'aide de ces fichiers croisés, la personne aurait pu être immédiatement interpellée. En l'absence de fichiers, les enquêteurs ont progressé plus lentement : ce sont autant de vies qui n'ont pu être épargnées.

J'aimerais souligner notre satisfaction de voir supprimer la disposition relative à l'interruption involontaire de grossesse. Là encore, beaucoup de propos injustes ont été tenus. Peut-être est-ce la faute même de la qualification qui a été donnée à cette nouvelle infraction dont le nom évoquait par trop l'IVG, alors que ces deux choses sont manifestement sans lien entre elles.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Evidemment !

M. Bernard Saugey. De quoi s'agissait-il ? Ce texte avait pour objet de combler une lacune réelle de notre droit constatée par la Cour de cassation : la protection pénale de la femme enceinte qui perd l'enfant qu'elle attend par la faute d'un tiers est insuffisante.

Je pense, d'une part, que ce projet de loi relatif aux évolutions de la grande criminalité n'était pas le cadre le plus opportun pour légiférer sur le statut de la femme enceinte - cette disposition constituait un cavalier - et, d'autre part, que cette mesure soulevait beaucoup d'inquiétudes auprès des médecins, notamment des gynécologues obstétriciens,...

Mme Danièle Pourtaud. Par exemple !

Mme Marie-Claude Beaudeau. Et auprès des femmes !

M. Bernard Saugey. ... qui s'interrogeaient sur leur protection dans le cadre du suivi de la grossesse et du diagnostic prénatal.

Mme Danièle Pourtaud. C'est très exactement le problème !

M. Bernard Saugey. Cette disposition entraînait plus de problèmes qu'elle n'en réglait : il était donc préférable de la supprimer. Le débat n'est pas pour autant clos. Je ne doute pas qu'une solution acceptable par tous, lorsque les positions auront mûries, soit trouvée dans un temps prochain.

Une autre disposition a suscité un certain émoi parmi certaines professions : l'obligation du respect du secret professionnel. Le projet de loi initial prévoyait en effet que l'obligation au secret professionnel ne pouvait être opposée aux officiers de police judiciaire au cours de l'enquête de flagrance.

En première lecture, le Sénat avait utilement précisé que les réquisitions judiciaires ne pourraient être mises en oeuvre à l'égard des avocats. En deuxième lecture - et l'homme de presse que je suis ne peut que s'en féliciter -, l'Assemblée nationale a étendu ces dispositions aux autres professions soumises au secret professionnel, en prévoyant que la remise des documents ne pouvait intervenir qu'avec l'accord de l'avocat, mais également de l'entreprise de presse, du médecin, du notaire, de l'avoué ou de l'huissier.

Je me félicite de l'accord qui a été trouvé sur cette rédaction et de l'adoption conforme de cet article.

Le projet de loi, enfin, crée une procédure utile en matière de jugement des délits. Le procureur de la République pourra désormais proposer à une personne qui reconnaît avoir commis un délit une peine qui, en cas d'accord, devra être homologuée par le président du tribunal de grande instance.

La procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, plus communément appelée « plaider-coupable », qui a fait ses preuves dans les pays anglo-saxons et en Italie (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC), est de nature à dynamiser notre procédure pénale face à l'engorgement des tribunaux.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas la même procédure !

M. Bernard Saugey. La procédure retenue à l'issue de la navette est suffisamment souple pour protéger les droits des prévenus. Applicable aux délits punis d'une peine maximum de cinq ans d'emprisonnement, elle permettra au procureur de la République de proposer à une personne qui reconnaît les faits qui lui sont reprochés d'effectuer une peine dans la limite de un an d'emprisonnement ou de la moitié de la peine d'amende encourue.

Pour garantir les droits de la défense, l'intéressé sera assisté tout au long de la procédure par un avocat qui devra notamment être présent lors de la reconnaissance des faits et de l'acceptation de la proposition du parquet. Il pourra disposer d'un délai de réflexion de dix jours et faire appel dans les dix jours de la décision d'homologation. A ce titre, je me félicite que, sur l'initiative de M. le rapporteur, la commission des lois propose que la personne poursuivie ne puisse renoncer à son droit d'être assistée par un avocat.

Enfin, je conclurai en indiquant que notre collègue Jean-Claude Carle, ainsi que notre groupe, a redéposé sous forme d'amendements sa proposition de loi relative à l'application des peines concernant les mineurs, adoptée en mai dernier par le Sénat dans le cadre de l'ordre du jour réservé.

Cette proposition de loi, résultant des travaux menés en 2002 par la commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs, a pour objet de transférer au juge des enfants les prérogatives du juge de l'application des peines lorsque des mineurs sont en cause.

Cette proposition de loi avait été adoptée à l'unanimité par la Haute Assemblée, l'ensemble des sénateurs considérant que le juge des enfants, qui suit les mineurs pendant tout leur parcours judiciaire, était, de ce fait, le plus compétent en matière d'application des peines. Ces dispositions trouvent leur place dans l'architecture de ce projet de loi, et la navette pourra donc être interrompue.

Le texte que nous examinons à partir d'aujourd'hui est, me semble-t-il, ainsi que je l'évoquais au début de mon propos, un texte fort, important et équilibré.

Ce projet de loi vise à réformer en profondeur notre procédure pénale avec un double impératif : protéger les droits de la défense (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclaffe), ce qui est le fondement de notre procédure pénale, mais également doter la justice des moyens d'affronter les grands enjeux des années à venir.

En voyant loin, votre texte, monsieur le garde des sceaux, est réellement de nature à adapter notre justice aux évolutions de la criminalité. Et c'est avec plaisir et détermination que nous le voterons, tel qu'enrichi par les travaux de la Haute Assemblée, dont le travail est chaque fois salué lorsqu'elle examine des textes relatifs au pénal. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Claude Estier. Applaudissements massifs sur les travées de l'UMP ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les organisations qui se sont réunies pour appeler à un moratoire sur les dispositions de ce projet de loi ont été certes auditionnées par M. le rapporteur, ainsi, je le suppose, que par le rapporteur de ce texte à l'Assemblée nationale, mais cela ne veut pas dire qu'elles l'approuvent. Elles suivent la vie parlementaire, notamment depuis deux ans, en la matière. Deux ans d'activisme gouvernemental en matière pénale ont conduit à une inflation des textes destinés à aggraver les peines dans tous les domaines et, ce faisant, insidieusement, à bouleverser notre système pénal.

Cette inflation prêterait à dérision si elle n'apparaissait pas, au fil des textes, comme destinée à verrouiller la mise en place d'un nouvel ordre social. Les modifications, on le sait, se font dans un sens univoque, en général en direction des catégories les plus défavorisées - n'oublions pas les textes précédents - telles que les mendiants, les prostituées, les étrangers, etc., et concourent ainsi à la mise en place d'un nouvel ordre pénal, miroir de cet ordre social ardemment défendu par la majorité libérale, qui tend à se prémunir contre ceux qui, au bénéfice de réformes sociales toutes aussi orientées les unes que les autres - retraites, allocation-chômage, allocation de solidarité spécifique ou aide médicale d'Etat - seront laissés de côté, si ce n'est sur le carreau.

Le texte nous en offre une parfaite illustration. Il s'est en effet donné pour ambition initiale de lutter contre la grande criminalité. Il a d'ailleurs changé de titre et, au fil des lectures parlementaires, le texte s'est considérablement non pas enrichi, mais modifié, y compris, notons-le, sous l'impulsion du Gouvernement, pour y inclure aussi bien les taxis clandestins que les loteries, le fichier des délinquants sexuels, la zoophilie, les délits routiers et les pollutions maritimes, en passant par le trop célèbre amendement Garraud sur l'interruption involontaire de grossesse. Je rappelle que le Sénat avait repoussé cette disposition à l'occasion de l'examen du projet de loi renforçant la lutte contre la violence routière. Par ailleurs, j'attire l'attention de Mme Gautier sur le fait que les groupuscules agissant, depuis la loi Veil, contre l'avortement s'en sont félicités.

Bref, ce projet de loi constitue un vrai catalogue à la Prévert... en beaucoup moins poétique, il est vrai.

Mais, surtout, ce catalogue apparaît très largement orienté. On sait ce que figure, au titre de la « criminalité organisée », le délit de solidarité, par exemple, qui permettra de tenir sous la menace de sanctions exorbitantes des associations d'aide aux étrangers, que d'aucuns sont pourtant bien contents de voir exister pour pallier les carences de l'Etat.

On sait également ce qui n'y figure pas : certains délits anciens, bien connus, telle la corruption que le Gouvernement et sa majorité persistent à laisser de côté alors même que, sur le plan international, les organisations non gouvernementales ne cessent de dénoncer les méfaits de ces délits et leurs connexions avec d'autres délits.

Ne figurent pas non plus dans ce projet de loi des délits nouveaux. Je pense à ceux qui sont commis par des patrons sans scrupules qui n'hésitent pas à déménager de nuit, en catimini, un outil de production, au mépris de toutes les règles du droit du travail. Mais la création d'un tel délit mérite réflexion, nous répond-on... On se doute déjà que cette réflexion demandera beaucoup de temps, pendant lequel ces « patrons voyous » pourront continuer de sévir sans être inquiétés.

Mais le texte n'en est pas à une contradiction près. C'est ainsi que son caractère disparate est très largement accentué par le fait qu'il « balaye l'ensemble de la procédure pénale », comme a pu s'en féliciter le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale.

Pour ma part, je parlerai plutôt de « voiture-balai », tant le texte prend des allures de projet de loi portant diverses dispositions d'ordre judiciaire et pénal. Cette situation n'est certes pas inédite dans l'enceinte parlementaire, mais, en l'espèce, elle recèle de réels dangers et contient, en germe, d'importantes dérives. En effet, le Gouvernement et la majorité ont tendance à jouer sur les deux tableaux et à prendre appui sur l'objet initial de lutte contre la criminalité organisée pour justifier des règles extraordinaires de procédures dérogatoires au droit commun, qui s'avèrent désormais applicables au plus grand nombre d'infractions et non pas à la grande criminalité ou à la criminalité organisée.

Qu'on en juge : augmentation démesurée des pouvoirs de police, sans même que l'Assemblée nationale admette un réel contrôle par l'autorité judiciaire - pourtant gardiennede la liberté individuelle si l'on en croit le texte constitutionnel - ni même celui de l'avocat ; infiltrations larges, écoutes et indicateurs légitimés, perquisitions largement ouvertes, délais de garde à vue extensibles, y compris pour les mineurs. La phase policière devient dominante dans la procédure pénale : c'est d'elle que dépendra la qualification de la procédure, et des condamnations pourront être prononcées sur le fondement des seules déclarations d'un agent infiltré ; ce sont autant de dispositions qui prennent de grandes libertés avec les exigences de la Convention européenne des droits de l'homme, comme le rappelle lui-même M. le rapporteur, alors même que la loi du 30 juin 2000 - nous avions été nombreux à le souligner - ne faisait que mettre à niveau, sur bien des points, notre droit pénal avec ces exigences, notamment en termes de droits de la défense et de droit à un procès équitable. Il ne fait aucun doute, que, dans quelques années, les condamnations viendront !

Du côté judiciaire, on constate un renforcement du rôle du parquet dans la procédure, soumis à une hiérarchie plus présente. Le garde des sceaux devient un acteur de la procédure, tandis que des super-procureurs généraux sont mis en place pour les besoins des juridictions interrégionales. De représentant de l'action publique, le procureur devient décideur : il peut passer outre le juge d'instruction et saisir directement le juge des libertés et de la détention ; il se trouve devant un vaste champ de composition pénale, où le rôle du juge du siège se résume à l'homologation ; enfin, la tractation ante jugement est légitimée avec la procédure du plaider-coupable.

Il s'agit là, contrairement à ce que vous affirmez, monsieur le ministre, d'un complet changement de logique de notre système pénal - et ce n'est pas un simple débat théorique ! C'est en effet quelque 400 articles du code de procédure pénale qui sont retouchés !

Il faut le dire : ce qui nous est proposé ici, c'est un basculement dans la procédure accusatoire, et cela sans que le Parlement ait pu en discuter, puisque vous persistez à nier ce basculement, ni même que soient instituées les garanties qui s'attachent à ce système là où il est en vigueur en matière de droits de la défense et d'égalité des armes.

M. Pierre Fauchon. Cela n'a rien à voir !

Mme Nicole Borvo. Ce qui est envisagé, c'est un système hybride, où les garanties procédurales sont vues comme des obstacles à l'action policière. On ne s'en étonnera guère dans la mesure où, ce n'est un secret pour personne, le présent texte a été largement inspiré par le ministre de l'intérieur.

L'implication inédite de ce dernier dans la modification du droit pénal ne s'est d'ailleurs pas démentie depuis : n'a-t-il pas annoncé publiquement - en tout cas par voie de presse, puisque c'est par ce canal que les parlementaires ont été informés - sa volonté d'instaurer des « peines plancher » pour les récidivistes ?

On voit bien, au travers de cette « proposition » comme du présent texte de loi, le changement profond de signification de notre droit pénal : celui-ci devient le « code de l'action policière » et la justice, le bras armé de la police.

En effet, la peine plancher est certainement ce qui se fait de pire dans le système américain, car elle remet en cause le principe même de l'individualisation des peines : elle vise au prononcé automatique de sanctions minimales en deçà desquelles un juge ne pourrait plus aller, et ce peut être une peine de prison ! Dans un tel système, il n'y a plus d'examen du profil du condamné ni des circonstances de l'affaire. Après les radars automatiques, c'est l'ère du « jugement automatique ». On pourrait même se passer du juge ! (Rires sur les travées de l'UMP.)

Il faut que le citoyen sache comment cela se passe en pratique : aux Etats-Unis, une personne sanctionnée pour une infraction préalable peut, à l'issue d'une seconde infraction, même mineure - on l'a dit, le simple vol d'une part de pizza ! -, se voir condamnée à dix ans de prison !

Si c'est cela que vous voulez, allons-y ! Je vous précise que de nombreux tribunaux américains commencent à mettre en doute la pertinence de ce système.

Ces glissements font, en tous cas, peser de sérieuses hypothèques sur le sens et l'avenir des initiatives préconisées par M. Warsmann en direction des alternatives à l'incarcération ou des « sorties sèches » : ces initiatives apparaissent dès lors plus comme un pas vers une politique de « gestion des flux » de condamnés, que comme les éléments d'une véritable réflexion sur la peine. M. Bédier ne disait rien d'autre lorsqu'il parlait de « taux incompressible » de prisonniers. Voilà ce qu'un membre du Gouvernement pense ! L'institution de peines plancher revient, en effet, à augmenter de façon tout à fait mécanique le nombre de prisonniers... sans doute pour remplir les futures prisons !

Telle n'est pas notre conception de la peine adéquate. Nous considérons que « la meilleure peine est celle qui va éviter la récidive, et ce n'est pas forcément la plus répressive ». C'est pourquoi nous refusons la dénomination même de « peine alternative », qui centre l'exécution des peines sur la prison ; mon collègue Robert Bret y reviendra tout à l'heure.

Ce refus d'aborder la question du sens de la peine explique-t-il les fins de non-recevoir systématiquement opposées à nos amendements sur les prisons, qui ne font, je vous le rappelle, que reprendre ce que vous avez voté, mes chers collègues, en adéquation avec des conclusions de commission d'enquête que vous avez approuvées unanimement ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh oui !

Mme Nicole Borvo. La prison n'est pas à l'ordre du jour, nous réplique-t-on. Mais quand on aggrave les sanctions et qu'on emprisonne de plus en plus, comment le croire ?

La prégnance de cette vision policière du droit pénal nous est, quoi qu'il en soit, confirmée par les premières pistes que devrait suivre le futur projet de loi sur la prévention de la délinquance. Là encore, nous sommes informés par voie de presse !

Je m'étonnais, lors de l'examen en première lecture du présent projet de loi, que ne soit pas examiné en priorité un texte relatif à la prévention. Ce serait très utile pour savoir ce que nous votons. Mais je dois dire que je suis parfaitement éclairée aujourd'hui : le texte n'aura de préventif que le nom puisque, sans croisement ni interaction avec les autres acteurs de la société, c'est un renforcement des dispositifs, largement répressifs, qu'on devrait voir émerger, exception faite, peut-être, des mesures de soutien aux parents, dont les contours restent cependant flous.

Qu'il s'agisse des caméras de surveillance, des pouvoirs des bailleurs privés, qui deviennent auxiliaires de justice, de l'information du maire - le revoilà ! - par les chefs d'établissement sur l'absentéisme des élèves, etc., ces mesures ont bien peu de rapport avec les réflexions menées au sein de l'école et des associations de réinsertion ou par les différents acteurs de la ville. Les contrats locaux de sécurité sont, hélas, bien loin !

Au moment du vote de ce texte, pensons à ce qui est aussi en préparation, songeons bien que tous ces textes législatifs dont nous sommes abreuvés depuis deux ans s'imbriquent comme des poupées gigognes.

On comprend que le monde judiciaire se rebelle ! Une large part de celui-ci vous demande de surseoir à l'adoption de ce texte afin que soit organisée, avec les acteurs du monde judiciaire et de la société civile, une réelle concertation sur les conséquences de la réforme.

Le monde judiciaire n'en peut plus de ces multiples réformes du code pénal et du code de procédure pénale ; il n'en peut plus de cette cascade de textes et de nouvelles infractions. Il faut faire une pause et évaluer les textes qui ont été déjà votés après que nous avons dû les examiner dans des conditions telles que la qualité du débat démocratique ne pouvait que s'en trouver altérée. C'est le sens de nos amendements qui visent à mettre fin aux surenchères politiques autour des questions pénales, bien perceptibles dans certains des amendements adoptés en deuxième lecture à l'Assemblée nationale.

C'est sur ce point que je conclurai mon intervention, en déplorant de n'avoir pas plus de temps pour expliciter certains éléments du texte qui posent d'énormes problèmes. Je pense à l'alignement de la justice des mineurs sur celle des majeurs. Je pense encore au fichier national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles, dont il a été abondamment question, mais qui, il faut le dire, est surtout une mesure d'affichage. Un fichier existe déjà : c'est le casier judiciaire ! Celui-ci peut être largement amélioré. La mise en oeuvre de ce nouveau fichier fera, en vérité, planer de graves dangers.

Pour ces raisons, nous voterons contre ce texte si le Sénat décide de ne pas le rejeter d'emblée en adoptant la question préalable que défendra mon ami Robert Bret. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter.

M. Robert Badinter. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je veux d'abord dire en quelques mots toute l'admiration que je voue à mon collègue et ami Dreyfus-Schmidt : les années passent, rien n'altère jamais ni son dynamisme, ni son talent, ni son aptitude à se passionner pour les grandes causes. Chaque fois que je l'entends, il me rappelle les jours, hélas lointains, où, à Belfort, ensemble, nous défendions de si belles causes.

Pour ma part, monsieur le garde des sceaux, j'essaierai d'exposer pourquoi je suis profondément convaincu que le texte « tentaculaire » qui nous vient de l'Assemblée nationale est mauvais pour notre justice.

Bien sûr, tout n'y est pas mauvais. Par définition dans un grand ensemble, tout n'est jamais à écarter. S'il ne s'agissait que de grande criminalité organisée, qui n'est en effet pas assez réprimée dans son expression financière, s'il ne s'agissait que de la coopération internationale, point sur lequel nous vous suivrons totalement, s'il ne s'agissait de l'exécution des peines, mon appréciation ne serait pas aussi sévère. Mais il est très difficile de parvenir à saisir la « pesanteur » d'un texte si l'on ne prend pas le temps de considérer celui-ci comme un tout.

Si vous le permettez, pour mieux faire comprendre mon jugement sur ce projet, je resituerai celui-ci dans ce qu'a été l'évolution de notre procédure pénale.

Historiquement, on ne peut pas dire que la procédure pénale française ait été empreinte de laxisme et qu'elle ait été particulièrement soucieuse des droits de la défense ou du sort des prévenus. Tout le monde sait que, d'une certaine manière, nous portons encore le poids de ce qu'a institué la codification napoléonienne dans ce domaine.

A l'époque, inspirés par de très grands juristes, dans un souci de compromis, s'agissant de l'audience pénale, nous avions adopté le système accusatoire et, s'agissant de l'enquête et de l'instruction, nous en étions entièrement revenus à ce qui était, pour l'essentiel, les pratiques de l'Ancien Régime.

Extraordinaire pesanteur !

Songeons qu'il s'est écoulé près d'un siècle avant qu'on admette, en France, qu'un avocat puisse être présent dans le cabinet du juge d'instruction. J'ai connu, lors de mes débuts, très lointains maintenant, une procédure qui n'était pas sensiblement différente de ce qu'elle était en 1900. Si le code de procédure pénale a enregistré des avancées, c'est parce que, monsieur le garde des sceaux, notre éminent prédécesseur Michel Debré avait le privilège de travailler par voie d'ordonnances, ce qui facilite singulièrement la tâche.

En tout cas, le mouvement a été dans le sens d'un rééquilibrage du procès pénal au profit de la défense ; c'est vers cet équilibre entre les parties qu'on s'est orienté.

A cet égard, il y a eu des moments importants dans la seconde moitié des années soixante-dix, mais le moment décisif a été, pardonnez-moi de le rappeler, le 9 octobre 1981, lorsque André Chandernagor et moi-même sommes allés à Strasbourg lever les obstacles qui interdisaient aux citoyens français de saisir la Cour européenne des droits de l'homme. C'est en effet à partir de cette date que les justiciables français ont pu, enfin, faire juger par les juridictions françaises que les dispositions qui étaient contraires à la convention européenne des droits de l'homme, et bien entendu à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, ne pouvaient demeurer dans notre droit.

Nous savions très bien que c'était le meilleur instrument à la fois pour la modernisation et pour le rééquilibrage du procès pénal et de la procédure pénale en France, et c'est bien ce qui est advenu.

Ainsi, depuis 1981, nonobstant les allers-retours liés aux alternances, la tendance globale qui se dégage est bien, suivant l'optique définie par l'article 6 de la convention, celle du procès équitable. C'est elle qui a légitimement marqué l'évolution de la procédure pénale dans notre pays. Cette évolution, nous l'avions souhaitée, nous l'avons prévue et nous l'avons, pour l'essentiel, réalisée.

L'aboutissement a été la loi Guigou de juin 2000. Je ne peux m'empêcher de rappeler à cet instant que cette loi n'est pas née de la volonté première du gouvernement Jospin : c'est le président Chirac qui, en 1996, à l'automne si ma mémoire est bonne, face à la pluie de mises en examen qui tombait sans distinction sur diverses personnalités de la classe politique, a soudain déclaré qu'il était temps de renforcer la présomption d'innocence en droit français.

Une commission présidée par le premier président de la Cour de cassation a donc été créée, de par la volonté du Président de la République, dont l'objectif était bel et bien, alors, de renforcer la présomption d'innocence. S'il fallait la renforcer, c'est bien quelle n'était pas totalement garantie et tout ce qui avait été fait jusque-là apparaissait au Président de la République lui-même comme tout à fait insuffisant.

Un texte a ensuite été longuement débattu, grandement amélioré - je vois ici les visages d'amis qui ont, comme moi, beaucoup travaillé à l'amélioration de ce texte au cours du processus parlementaire - et finalement voté à l'unanimité.

Autant dire que, en 2000, nous étions arrivés au point d'équilibre. Mais cela n'a pas duré. On est rapidement revenu aux démons antérieurs, considérant que cette loi accordait trop d'avantages à la défense. On a donc entrepris presque aussitôt un retour en arrière.

Je me suis personnellement opposé, comme mon ami Michel Dreyfus-Schmidt, ainsi que beaucoup d'entre nous ici, au texte qui a été examiné et adopté précipitamment en 2001 à ce sujet.

Du reste, il n'est pas convenable de revenir si vite sur une loi aussi importante que la loi sur la présomption d'innocence, sur laquelle le Parlement - avec d'autres - a beaucoup travaillé et qu'il avait, de surcroît, adoptée à l'unanimité. Il faut en observer l'application pendant au moins quatre ou cinq ans avant de la modifier, s'il y a lieu, là où elle pèche.

Hélas ! les choses ne se sont pas du tout passées ainsi. Nous avons eu droit à un déferlement de textes. Il y a eu, si j'ai bonne mémoire, la loi « Perben 1 », dès votre arrivée. Il y a eu ensuite, à l'automne, une loi « Sarkozy 1 », puis une loi « Sarkozy 2 ». Nous avons maintenant une loi « Perben 2 » et, si j'en crois la presse, il semble que l'on ne veuille pas en rester là puisqu'il y aura sans doute une loi « Perben 3 » concernant le jugement des déments ou les peines plancher. Mais je ne veux pas croire que nous en arriverons là !

Pourquoi le présent texte marque-t-il, selon moi, une rupture et une régression ? Parce que, précisément, il aboutit à déséquilibrer ce qui constitue le principe essentiel de toute procédure pénale - et je renvoie une fois de plus chacun à l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme -, à savoir l'égalité des armes que suppose le procès équitable, l'équilibre entre le droit des parties, dont, mystérieusement, les Français paraissent avoir bien du mal à percevoir la nécessité.

Où est la rupture ? A travers ce fleuve immense charriant tant de dispositions diverses, on distingue une inspiration qui entraîne tout le flot.

Arrêtons-nous un instant sur la « partie poursuivante », puisque cela s'appelle ainsi. Michel Dreyfus-Schmidt a évoqué l'extraordinaire - le mot n'est pas trop fort et correspond parfaitement à ce qui est proposé - inflation des pouvoirs donnés d'un seul coup à la police judiciaire ; ce n'est pas la soupçonner que de les relever. Dans la garde à vue, dans les réquisitions, dans les interceptions, dans les écoutes : partout dans ce texte les pouvoirs de la police judiciaire sont renforcés.

Vous me direz : quelle importance que les pouvoirs soient renforcés s'ils sont sous le contrôle du parquet ? Le parquet est, bien sûr, composé de magistrats, mais c'est aussi la partie poursuivante, dans la procédure pénale. Or le parquet lui-même se voit doté de pouvoirs dont je ne suis pas sûr, monsieur le garde des sceaux, que ses membres aspiraient à les détenir. Je ne crois pas que les magistrats du parquet, que je connais bien, souhaitaient un tel accroissement de leurs pouvoirs, sachant ce que sont déjà leurs obligations et tout ce à quoi ils doivent faire face.

Mais c'est, à vos yeux, cette partie poursuivante qui représente l'Etat et c'est elle, par conséquent, que vous voulez investir de pouvoirs considérables.

Je laisse de côté le fait, conséquence inévitable, que, si vous accroissez les pouvoirs d'enquête, que vous augmentez en même temps le délai de flagrance, ce qui ne s'imposait en rien, vous accroissez d'autant la maîtrise du procureur de la République sur le régime du procès pénal.

Le procureur est le maître, le contrôleur de l'action de la police judiciaire, et cela est juste. Mais il va être en outre le principal responsable du choix de la procédure pénale.

Si nous nous en tenions là, ce serait déjà suffisant. Mais vous allez plus loin, et c'est alors qu'intervient la rupture que je mentionnais.

Les procédures sommaires, simplifiées, semblent vous inspirer une préférence. C'est inouï de voir le champ qu'elles revêtent ! Au regard du procès pénal, s'agissant d'une procédure presque complètement écrite, la procédure de l'ordonnance pénale, celle qui a été utilisée pour les infractions mineures, de masse, celle dans laquelle avaient été cantonnées les infractions routières, dans un premier texte, cette procédure simplifiée qui ignore complètement l'avocat, réduit le juge à la simple fonction d'homologateur, se trouve d'un seul coup applicable à des infractions passibles de peines allant jusqu'à cinq ans d'emprisonnement. Il en est ainsi des infractions d'abus de confiance, de corruption. Elles sont réglées tout simplement par ordonnance pénale ! On croit rêver ! On s'en remet à l'entière discrétion de la partie poursuivante !

Je dirai la même chose en ce qui concerne votre innovation, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Qu'on m'épargne le plaider-coupable ! Nous savons tous que la comparution n'est pas la procédure du plaider-coupable à laquelle nous sommes tous favorables, comme nous serions favorables à une procédure qui en tirerait les conséquences.

Si, lors de l'audience publique, la personne assistée de son avocat fait le choix de la procédure du plaider-coupable avec toutes les garanties qui l'accompagnent, on en tire les conséquences. La question n'est plus que de définir la peine au regard de sa finalité, et la réparation pour la victime, d'autant que cette dernière bénéficie de surcroît du privilège d'assister à cet instant à l'audience. Mais ce droit, qui est normal, ne lui est pas accordé dans les procédures sommaires ou si peu qu'on peut dire qu'elle est quasiment évincée, physiquement, d'une procédure pénale ! (M. Dreyfus-Schmidt fait un signe d'approbation.)

En l'occurrence, la comparution est une procédure tout à fait différente. Il faut la mesurer, l'imaginer, ce qui n'est pas difficile pour qui possède une expérience de la réalité judiciaire : le suspect, qui est appelé à devenir un prévenu, après deux ou trois jours de garde à vue augmentés dans les conditions que l'on sait, avec une présence différée de l'avocat, se voit proposer une peine par le procureur qui reçoit le dossier. A cet instant, même accompagné de l'avocat, il mesure la situation : le procureur propose telle peine, en vertu, je n'ose parler d'une tarification, mais de normes arrêtées par le parquet, peut-être même avec le siège pour éviter de trop grandes disparités.

Le prévenu est-il dans une situation conforme à ce que l'on appelle le respect de la présomption d'innocence et de l'égalité des chances ? Il sait bien que, s'il refuse, il risque des réquisitions à fin de placement en détention provisoire et, surtout, de se voir infliger une peine supérieure sur demande du procureur ou de son collègue à l'audience.

Ce n'est pas autre chose qu'une sorte de convention léonine ! Il suffit de considérer le rapport entre les parties dans une telle situation : où est l'égalité des chances et des droits ? Que reste-t-il dans la réalité judiciaire ? Quelle marge conserve l'avocat ? Autant vous dire que ce dernier sera un alibi ! En effet, s'il conseille au prévenu de refuser la peine, il prend le risque considérable de la voir accrue. Mais à quoi sert de l'accepter ? Il demandera miséricorde, ou bien il marchandera. Belle fonction, belle promotion pour la grande profession d'avocat !

J'en viens au siège. Je laisse de côté pour le moment le juge d'instruction dont d'aucuns considèrent qu'il est bénéficiaire de votre projet de loi.

L'Assemblée nationale a trouvé l'instant propice pour adopter un amendement singulier permettant au procureur de la République de contourner le juge d'instruction en supprimant la nécessité d'avoir l'autorisation de ce dernier pour demander un placement en détention. On peut s'interroger sur la constitutionnalité de cette innovation.

Le juge des libertés, lui, qui voit son champ de compétences singulièrement accru, n'en demande pas tant. Le juge des libertés a été créé par le Sénat, si j'ai bonne mémoire, voilà plus d'une dizaine d'années. Ce devait être un magistrat scrupuleux, attentif au respect de la présomption d'innocence et chargé de veiller à ce qu'on ne place pas inutilement en détention provisoire. Le voilà maintenant accablé de multiples fonctions. Comme on sait que celles-ci ne pourront être accomplies par des magistrats possédant un niveau souhaitable d'expérience, je n'ose pas dire qu'on le rétrograde, car ce serait injuste pour ce dernier, mais on se contentera d'un magistrat du deuxième grade.

Quant au juge du siège, c'est peut-être bien à son niveau que se situe la conséquence la plus grave du déséquilibre, parce que c'est lui qui est au coeur de la décision judiciaire, qui en porte la responsabilité, qui, plus que tout autre, au sein de notre système judiciaire et de par la Constitution, est le gardien des libertés individuelles.

Quelle est la fonction première du juge du siège ? Il doit veiller au bon déroulement du procès, au respect des droits de chacun et, après avoir écouté les deux parties, celle qui accuse et celle qui défend, il prend, seul ou dans un collège, la décision. Telle est sa grande fonction.

Que signifie le procès pénal dont, à cet instant, je me fais le défenseur ? Il signifie la clarté, la publicité, le débat contradictoire, la garantie pour tous les citoyens que si, par malheur, ils sont un jour traduits devant un tribunal correctionnel où se jouera leur sort, leur innocence, si elle a été méconnue jusque-là, sera peut-être reconnue. C'est là le grand moment.

Le procès pénal a été le coeur de la construction de l'Etat de droit. C'est sur cette garantie qu'a été axée une grande partie de la jurisprudence issue de la Cour européenne des droits de l'homme.

Monsieur le garde des sceaux, pour l'immense masse des prévenus, le procès pénal va s'évaporer. J'ai évoqué l'ordonnance, que l'on n'a jamais conçue que pour les cas les plus simples, où il n'y a pas de procès. Elle sera désormais étendue aux infractions passibles de peines allant jusqu'à cinq ans.

La comparution immédiate, ce n'est pas du tout le plaider-coupable où, je le disais, à partir de la reconnaissance de culpabilité, on oriente le procès.

Dorénavant, chez le juge, il y aura juste un dossier, devant un homme fatigué. Un accord interviendra. Comme le juge doit se prononcer dans la journée, avec une pile énorme de dossiers à traiter, il contrôlera la légalité, veillera à ce que l'accusé reconnaisse sa culpabilité et que la proposition de peine, presque toujours acceptée, s'inscrive dans les normes judiciaires. Et tout sera fini ! De juge décideur, le voilà devenu juge contrôleur ou homologateur.

Dans un tel déroulement de procédure, pour des affaires si importantes, que reste-t-il du procès ? Rien, ou si peu !

C'est pourquoi j'ai parlé tout à l'heure de rupture. Au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, de la Cour de cassation et de certaines décisions essentielles du Conseil constitutionnel sur lesquelles je reviendrai, il s'agit d'une véritable régression que je ne comprends pas.

Je sais que nous sommes confrontés à des problèmes qui sont à la limite du « productivisme », j'ose utiliser ce terme. Mais la vision productiviste de la justice n'est pas compatible avec ce que doit être la justice.

Voici enfin le moment opportun pour élaborer le système judiciaire qui devrait être celui de notre pays. Ce n'est pas un exercice difficile. Il est à la portée de l'intelligence des parlementaires que nous sommes et de nos réflexions. Je connais plusieurs sénateurs, de tous bords, qui savent ce que nous pourrions faire. Or nous n'y arrivons pas.

De nombreuses réformes se succèdent dans une espèce de bousculade, de torrent rapide, sans que le corps judiciaire ait le temps d'en mesurer les conséquences. Je comprends que ce dernier, non pas pour des raisons politiques mais parce qu'il connaît la réalité judiciaire, ne voie dans le présent projet de loi que ce que je viens de dire. J'évoquerai ultérieurement la signification de ce texte au regard des principes fondamentaux de notre justice en invoquant les principes constitutionnels.

Pour l'instant, il faut attendre. On peut encore méditer, améliorer le projet de loi. Quelles raisons peuvent justifier cette inflation torrentielle et cette précipitation à vouloir modifier quatre cent dix-neuf articles du code de procédure pénale dans de telles conditions ?

A regret, je vous le dis avec courtoisie, comme toujours, monsieur le garde des sceaux, je pense que c'est un mauvais texte, et je le déplore. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Discussion générale (suite)

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

CANDIDATURES

À UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de trois sénateurs appelés à siéger au sein du Conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs.

Les commissions des affaires économiques, des affaires culturelles et des lois ont fait connaître qu'elles proposent respectivement les candidatures de MM. Yves Détraigne, Ambroise Dupont et Jean-Pierre Schosteck pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

4

ÉVOLUTIONS DE LA CRIMINALITÉ

Suite de la discussion d'un projet de loi

en deuxième lecture

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Exception d'irrecevabilité (début)

M. le président. Nous reprenons la discussion en deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Pierre Fauchon.

M. Pierre Fauchon. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, on ne sera pas surpris de me voir consacrer mon intervention à la question du statut pénal de la grossesse. En effet, certains d'entre nous se souviennent du débat qui s'est tenu l'an dernier sur cette question, à l'issue duquel le Sénat a décidé de consacrer une proposition de loi autonome à ce problème, proposition de loi que j'ai reçu mission d'établir. Elle reçut la signature de plus de soixante sénateurs, en tête desquels M. René Garrec, président de la commission des lois, et M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.

M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C'est exact !

M. Pierre Fauchon. J'ai bien dit que j'évoquerais la question du statut pénal de la grossesse et non celle du statut pénal de l'enfant à naître. La confusion, malheureuse, de ces deux notions explique, en partie au moins, les mouvements auxquels le texte issu de l'amendement du député Garraud a donné lieu.

La question peut, me semble-t-il, se résumer ainsi : dès lors que le statut pénal de la grossesse, tel que fixé par la Cour de cassation voilà trois ans, ne comporte aucune disposition applicable en cas de perte d'un enfant à naître par suite d'actes d'imprudence, est-il possible de remédier à cette lacune sans aborder la question délicate du statut de cet enfant lui-même et, selon certains, sans mettre en cause, du même coup, la législation sur l'IVG ?

Il existe donc deux questions distinctes et je vous supplie de bien vouloir vous efforcer de les distinguer. La première relève d'une analyse juridique que nous devrions pouvoir considérer en toute sérénité. La seconde, au contraire, prête inévitablement le flanc à des interprétations, à des attaques politiques fondées soit sur le texte proposé, qui peut être plus ou moins suspect, soit sur les arrière-pensées supposées de ses auteurs.

C'est sous le signe de ces arrière-pensées supposées ou réelles, je ne m'en fais pas juge, que se profile le spectre du procès en sorcellerie auquel nous assistons, avec le concours jubilatoire d'une partie de la presse. Je dis « procès en sorcellerie » parce que le schéma de l'accusation est, selon l'usage séculaire, le suivant : quoi que vous puissiez dire ou faire, nous avons de bonnes raisons de penser que vos arrière-pensées sont condamnables, et vous serez donc condamné.

Revenons à la première question : est-il acceptable que l'imprudence, éventuellement très grave, d'un tiers ayant pour seule conséquence d'interrompre le processus de la grossesse ne constitue pas une faute pénale, alors que n'importe quelle blessure due à la même cause et entraînant une incapacité de trois mois constitue un délit quotidiennement réprimé par la jurisprudence ?

Telle est cependant la situation créée par un arrêt des chambres réunies de la Cour de cassation du 29 juin 2001, qui a déjà été cité à plusieurs reprises, qui a refusé non sans raison d'assimiler l'enfant à naître à une personne et constaté l'absence de règle pénale spécifique.

Rendant compte de ses décisions dans son rapport pour 1999, la Cour appelait à une intervention législative en termes exprès. Il est regrettable que le gouvernement de l'époque n'ait pas répondu à cette demande, ce qui, me semble-t-il, aurait coupé court au débat dans lequel nous sommes maintenant empêtrés.

Telle est la question essentielle. Si je ne me laisse pas aller à la dramatiser, c'est par pudeur et non parce que le sujet ne se prête pas à une telle dramatisation. Songeons tout de même que telle faute de conduite ou telle erreur d'hospitalisation, parfois grossière, comme l'interversion de deux patientes qui s'est produite il n'y a pas si longtemps, peut mettre brutalement fin à l'existence d'un être embryonnaire qui cristallise l'investissement physique, moral, affectif d'une femme, d'un père et de toute une famille ! Comment admettre que cela ne constitue pas un délit dans une société qui connaît d'innombrables cas de délits non intentionnels infiniment moins graves ?

On peut souhaiter réviser le système des délits non intentionnels, mais cela représente un immense programme. En l'état, il ne s'agirait pas d'un délit alors que la pollution par maladresse des rivières en est un et que le fait de porter atteinte à la vie d'un animal constitue à tout le moins une contravention sanctionnée pénalement !

On ne peut considérer cette perspective, me semble-t-il, sans en être ému. Si quelqu'un dans cette assemblée pense que cela est un élément négligeable, je l'autorise dès maintenant à m'interrompre pour me dire : « Monsieur, ce n'est pas si grave que cela : de quoi vous souciez-vous ? »

Comme je ne suis pas interrompu, je poursuis...

Le temps manque pour approfondir l'analyse juridique. Ajoutons cependant qu'il y a non seulement déni de justice mais aussi absurdité totale, caricaturale, résultant du fait que les conséquences pénales de l'atteinte à l'enfant à naître avant sa naissance retrouvent toute leur réalité dès lors que l'enfant voit le jour, même s'il ne le voit que pour quelques minutes, car il s'agit alors d'un être autonome. Les atteintes qu'il a pu subir par suite d'imprudence avant sa naissance sont alors poursuivies très normalement, comme à l'égard de tout être vivant.

C'est ainsi qu'un arrêt de la Cour de cassation du 2 décembre dernier a confirmé un jugement condamnant à un an d'emprisonnement avec sursis le responsable d'un accident de la circulation pour homicide involontaire sur la personne d'un enfant décédé une heure après sa naissance « des suites des lésions vitales irréversibles subies au moment du choc », c'est-à-dire avant sa naissance. Un autre arrêt récent a refusé de condamner, l'enfant étant décédé juste avant de voir le jour. Telle est la situation.

Il résulte de ces décisions que l'auteur de telles atteintes a un intérêt sinistre mais évident à ce que l'enfant à naître ne survive pas, ce qui est tout de même embarrassant, pour ne pas dire accablant et bouleversant.

Cette jurisprudence de 2003 montre que nous ne sommes pas en présence d'affaires anciennes, de caractère exceptionnel. Si de telles affaires n'étaient apparues qu'une ou deux fois, et si de nouvelles n'allaient pas apparaître avant longtemps, on pourrait estimer qu'il n'y a pas lieu de légiférer pour des circonstances tout à fait exceptionnelles. Or ces affaires se multiplient. Une est actuellement en cours de jugement à Thionville, le journal Le Monde en a rendu compte il y a dix jours. Une autre a été jugée devant la cour d'appel de Bourges, mon secteur, voilà seulement quelques jours.

L'actualité ne manquera pas, inexorablement, de nous replacer face à ces problèmes, et cela devrait nous engager, quel que soit notre degré de conviction, à ne pas laisser sans réponse la question posée dans le rapport de la Cour de cassation déjà cité, relayé lui-même dans un communiqué de l'académie de médecine il y a une quinzaine de jours et, plus récemment encore, par une soixantaine de professeurs de droit pénal, qu'il ne suffit tout de même pas de qualifier de « bande de calotins », comme l'a fait un certain journal. Il faut donc croire que le problème est sérieux.

L'Assemblée nationale, largement persuadée de la nécessité de résoudre ces problèmes, a cru pouvoir le faire en reprenant la formulation proposée par M. Garraud et en y ajoutant diverses dispositions, en particulier touchant les actes médicaux. Le tout a provoqué les réactions que l'on sait et créé une sorte de « terrorisme intellectuel » dans cette affaire.

Je me garderai de porter des appréciations sur ces réactions. Elles émanent de milieux responsables dont nous ne pouvons ignorer les inquiétudes, même si elles nous surprennent.

J'ai milité personnellement aux côtés de ces associations, en particulier au planning familial, à l'époque où, au cabinet de Jean Lecanuet, je soutenais de mon mieux le projet de loi de Mme Veil. Croyez-moi, le climat était autrement plus ouvert à la polémique parmi les amis les plus proches du garde de sceaux, du chef de l'Etat d'alors, M. Giscard d'Estaing, et du chef du gouvernement de l'époque, M. Chirac ! Par conséquent, je comprends bien les soucis de ces associations.

Je m'interroge néanmoins, s'agissant par exemple de l'association pour le planning familial. Il semble qu'elle ne devrait pas être moins attachée au respect d'un projet familial, immense espérance anéantie par une faute de négligence, qu'au respect du refus de procréation ! Car le planning familial consiste à ne pas avoir d'enfants quand on n'en veut pas, et à en avoir quand on le veut, si j'ai bien compris.

Nous sommes nombreux ici à penser - et je souhaiterais que nous soyons tous d'accord - qu'il convient de donner à ce problème une réponse à l'abri de tout soupçon.

Cependant, je mesure les difficultés politiques suscitées par ce débat, qui ont obligé certains d'entre nous, et non des moindres, monsieur le garde des sceaux, à formuler successivement des appréciations différentes sur les textes en débat.

De ces divergences, je dirai tout simplement qu'elles témoignent de la bonne foi de leurs auteurs. Je préfère les auteurs qui, à première vue, sur le fond, se rallient à un texte et qui, ensuite, dans une démarche naturellement plus politique, ce qui est dans la nature de la vie publique, sont conduits à modifier leur position. C'est plutôt un signe de bonne foi.

La réunion de la commission des lois qui a eu lieu la semaine dernière m'a permis de constater qu'il y avait, à l'égard du texte voté par l'Assemblée nationale, une opposition unanime sur les motivations de laquelle il convient sans doute de ne pas trop s'interroger. Je ne m'y risquerai pas. Si je me suis abstenu, comme la presse a bien voulu le rappeler, ce n'est pas pour exprimer un soutien particulier à ce texte, mais pour exprimer mon désir de voir aboutir un autre texte, qui, encore une fois, ne susciterait pas de difficultés. Je souhaite que l'on n'enterre pas purement et simplement ce problème.

Nous en sommes là et je ne tenterai pas, dans un tel climat, de convaincre qui que ce soit dans l'immédiat. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je n'ai pas déposé l'amendement que j'avais préparé et dont, je tiens à le dire, j'ai la faiblesse de penser qu'il neutralisait les difficultés, notamment parce que l'expression « interruption involontaire de grossesse », qui crée une confusion dans l'esprit du public, n'y était pas employée. Il comportait d'ailleurs un volet destiné à apaiser l'inquiétude légitime des médecins, qu'il ne faut pas négliger. Il constituait une sorte de complément à la loi que vous avez bien voulu voter, sur ma proposition, en 1996. Mais je n'ai finalement pas déposé cet amendement. A quoi bon ? Je préfère ne pas m'exposer à un rejet pour que la question reste ouverte.

La question n'en est pas moins posée et ceux pour qui la situation de la femme enceinte ne mérite pas une telle indifférence, de même que ceux pour qui la liberté de la procréation appelle non pas un respect unilatéral, mais un double respect - celui de ceux qui ne souhaitent pas avoir d'enfants, mais aussi celui de ceux qui souhaitent en avoir - doivent s'interroger sur la façon pour le Sénat et l'Assemblée nationale d'apporter à cette question une réponse qui ne soit pas celle de Ponce Pilate. Or nous en sommes actuellement à ce stade.

Je propose en toute modestie que nous y réfléchissions, n'ayant pas d'autorité particulière pour prendre une décision en la matière.

A cet égard, une formule me paraît intéressante : la commission des lois, en coopération avec la commission des affaires sociales, pourrait créer un groupe de travail spécial pour rechercher une solution fondée si possible sur un consensus. Nous l'avons fait naguère pour la responsabilité des décideurs publics, et cela a ouvert la voie aux lois de 1996 et de 2000, dont l'utilité n'est, semble-t-il, pas douteuse.

Je formule donc cette suggestion, ce qui m'évite de conclure mon intervention par les propos désabusés que ces péripéties pourraient inspirer à un observateur peut-être plus lucide, mais aussi moins constructif que je m'efforce de l'être.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Je souhaite apporter quelques éléments de réponse aux intervenants avant d'examiner, article par article, les différentes questions qui ont été évoquées.

Je tiens tout d'abord à remercier une nouvelle fois le rapporteur, M. Zocchetto, pour le très important travail qui a accompli, y compris à l'occasion de cette deuxième lecture.

J'observe que les quatre lectures - deux à l'Assemblée nationale, bientôt deux au Sénat - permettent heureusement de « décanter » nombre de sujets. Il ne faut pas en faire une critique du débat parlementaire qui serait pour le moins surprenante. Il me paraissait en effet important, sur un tel texte portant en particulier sur la procédure pénale, d'avoir le temps de la concertation.

Je rappelle que j'ai ouvert la discussion avec les professionnels de la justice par une note d'orientation en décembre 2002. Le texte a ensuite été élaboré puis présenté en conseil des ministres. Il est maintenant en discussion devant le Parlement depuis le mois de mai 2003.

On ne peut pas à la fois souhaiter que le débat parlementaire soit le plus large possible et regretter que les parlementaires, exerçant leur droit d'amendement, « alourdissent » - cette expression n'est pas de moi - le texte pour le modifier et, éventuellement, le rallonger. Au Sénat, notamment - je l'ai déjà dit ce matin -, deux amendements très importants ont été déposés sur le mandat d'arrêt européen, ce qui me paraît très positif.

Mme Gautier a évoqué le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles. Je veux la remercier de resituer le débat sur son juste terrain, celui de la prévention de la récidive. Il était important de répondre à cette question de manière équilibrée et pondérée. C'est ce qu'a fait le Sénat en première lecture, et il le précisera lors de cette deuxième lecture. Nous aurons donc l'occasion d'en reparler.

M. Saugey a abordé la question des infiltrations. A cet égard, le Gouvernement a adopté, dès le départ, une position raisonnable. A l'évidence, son souci est de veiller à la conformité du dispositif avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Ce point de vue n'a pas changé et j'aurai sans doute l'occasion de le rappeler au cours du débat.

Mme Borvo a souligné que le texte constituait un changement. Bien entendu ! S'il s'agissait de laisser les choses en état, il serait inutile d'élaborer un nouveau texte de loi. C'est effectivement un changement important, mais je l'assume : il est non pas insidieux, mais explicite.

Par ailleurs, s'agissant des questions financières, je ne comprends pas très bien, madame Borvo, votre intervention de ce matin, qui dénonçait le fait que ce texte ne concernerait en rien les délits financiers. C'est inexact ! En particulier, j'ai la conviction qu'en mettant en place un certain nombre de juridictions spécialisées sur le territoire - probablement sept - qui bénéficieront ainsi d'un parquet spécialisé dans les affaires internationales et de juges d'instruction spécialisés, nous disposerons là d'équipes techniques, que j'appelle, reprenant une expression médicale, des « plateaux techniques ». Ce dispositif nous permettra, pour les grandes affaires financières, d'avoir une capacité de réaction. Ces affaires ont en effet tendance à se développer aujourd'hui compte tenu de la dimension internationale du milieu de la finance et des facilités de transfert de sommes d'argent très importantes d'un pays à l'autre. Je pense sincèrement que ces juridictions spécialisées nous permettront de mieux lutter contre la délinquance financière.

S'agissant du projet de loi qui vous est soumis, il est le résultat d'un travail parlementaire : il est vrai que, sur un certain nombre d'articles, ce texte ne correspond pas à celui que j'avais proposé, mais je suis surpris que ce reproche soit formulé par une assemblée parlementaire. Il appartient maintenant au Sénat de dire ce qu'il souhaite. Il reviendra ensuite à la commission mixte paritaire de jouer son rôle, et de parvenir, j'imagine, à un bon accord avec l'Assemblée nationale.

Enfin, je voudrais vous redire, madame Borvo - je crois en effet vous l'avoir déjà dit, mais je l'ai sans doute mal explicité, car je ne vous ai pas convaincue -, qu'il ne s'agit pas du tout pour moi, avec le plaider-coupable à la française, de basculer vers le système accusatoire américain. Cela n'a rien à voir ! J'ai d'ailleurs entendu que certains membres de l'opposition regrettaient maintenant que tel ne soit pas le cas. Je n'avais pas cru comprendre qu'il en était ainsi lors de la première lecture, mais le débat nous permettra sans doute d'aller plus loin dans l'analyse.

S'agissant de la prison, on ne peut pas dire que la question carcérale n'est pas présente dans ce texte. L'ensemble des amendements que nous avons élaborés, en particulier à partir du rapport de M. Jean-Luc Warsmann concernant l'aménagement des fins de peine et les alternatives à l'incarcération, vont dans le sens d'un aménagement de la situation carcérale.

Par ailleurs, indépendamment de ce texte, j'ai engagé toute une série de réformes, d'améliorations en termes de moyens qui vont nous permettre, au fil de ces toutes prochaines années, de rendre plus satisfaisante la situation dans nos prisons, qui en avaient bien besoin.

Je voudrais dire à M. Badinter que je partage son point de vue sur le rôle positif de la Cour européenne des droits de l'homme, et je le remercie d'avoir rappelé un peu l'historique de l'adhésion de la France à cette démarche, que je crois bonne. Comme vous, monsieur Badinter, je suis convaincu de l'importance d'une juridiction internationale permettant de faire avancer le droit dans nos différents pays et de servir, en quelque sorte, de référence à chacune et à chacun d'entre nous, c'est-à-dire aux responsables des pays qui respectent cette approche et la primauté du droit.

L'augmentation des moyens de la police judiciaire dans des cas strictement définis et sous le contrôle des magistrats des juridictions spécialisées me paraît pouvoir être une option raisonnable. Ces juridictions seront en effet composées de personnes qui auront le profil nécessaire et la volonté de traiter de ces sujets. Elles auront ainsi la capacité, je dirai presque technique, de contrôler, de suivre la police judiciaire, y compris dans l'utilisation de ses moyens d'enquête exceptionnels dédiés à la lutte contre cette criminalité internationale, dont nous savons, les uns et les autres, l'importance et dont je crains très sincèrement le développement. J'étais encore, voilà quelques heures, en Hongrie, et j'ai eu l'occasion d'en discuter avec mon collègue hongrois, qui est par ailleurs un avocat connu de Budapest : il est également préoccupé par le développement de la criminalité internationale.

Nous devons lutter avec détermination contre cette criminalité internationale. Cela passe, bien sûr, par une meilleure coopération judiciaire internationale. C'est pourquoi j'ai proposé, dans ce projet de loi, des dispositions importantes, en particulier en matière de communication, d'information entre juges de pays étrangers. C'est un point extrêmement important en termes de rapidité de réaction. Mais j'ai la conviction que nous devons aussi doter notre justice et notre police judiciaire, sous le contôle des magistrats, de moyens d'enquête particuliers.

Je ne partage pas, monsieur Badinter - mais vous le saviez avant ce débat - votre réquisitoire contre la comparution après reconnaissance de culpabilité. J'ai même la conviction absolue - et, à travers vous, mesdames, messieurs les sénateurs, je m'adresse aux avocats, dont je respecte ô combien ! la profession - que cette procédure renforcera le rôle des avocats. D'ailleurs, je rencontre beaucoup d'avocats, vous l'imaginez bien, et certains partagent ma conviction.

Pour conclure cette partie de ma réponse à M. Badinter, je voudrais lui dire que, lorsque l'on est un décideur public, un responsable gouvernemental, les décisions ne sont jamais faciles à prendre. On doit toujours choisir entre deux inconvénients et deux impératifs. Je ne me résous pas à observer simplement l'incapacité actuelle de notre système judiciaire à traiter l'ensemble des questions qui lui sont posées. Nous avons vraiment là un défi considérable à relever.

Bien sûr, il faut ajouter des moyens - nous le faisons, d'autres l'ont fait avant moi - mais cela ne suffira pas. Il importe donc de simplifier et de diversifier les procédures. Tel est le sens de ce texte.

Par ailleurs, monsieur Badinter, vous avez parlé d'un torrent législatif et d'une excessive rapidité. J'ignore quel est le temps qu'il nous faut consacrer à un texte de procédure pénale avant de l'adopter, mais je vous rappelle que ce travail a commencé en décembre 2002. Le délai me paraît tout de même raisonnable ! Il y aura eu quatre lectures, sans compter les innombrables réunions de concertation, le travail de réécriture, les contacts avec des magistrats, des avocats, des professeurs de droit, et toutes les auditions des deux commissions des lois. On peut diverger sur les orientations, mais, sur le plan technique, nous nous sommes tous donné les moyens d'oeuvrer d'une manière positive.

Enfin, M. Fauchon a évoqué un sujet extrêmement délicat ; nous avons pu nous en apercevoir voilà quelques semaines, les uns et les autres.

Monsieur le sénateur, vous savez combien j'apprécie la rigueur d'analyse qui a été la vôtre et à quel point je regrette qu'elle ait été si peu partagée, ce qui nous a amenés à un débat politique un peu étonnant, j'allais dire virtuel, en tout cas pas fondé sur des réalités. Mais il fallait faire un choix. Vous avez évoqué le mien, c'est-à-dire l'avis que j'ai donné, avec beaucoup de délicatesse.

Pour autant, je considère, comme vous, que la question reste ouverte. D'ailleurs, il n'est pas totalement exclu, comme vous l'avez suggéré, que ce soit justement la Cour européenne des droits de l'homme qui vienne un jour reprocher à la France de n'avoir pas su répondre à une question de droit qui, effectivement, perdure, mais que le débat politique a rendue impossible à régler, en tout cas dans l'immédiat. Mais il nous faudra bien un jour la traiter dans la sérénité, comme vous et moi le souhaitons. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Exception d'irrecevabilité

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Exception d'irrecevabilité (interruption de la discussion)

M. le président. Je suis saisi, par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, d'une motion n° 1, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Cette motion est ainsi rédigée :

« En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (n° 90, 2003-2004). »

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Robert Badinter, auteur de la motion.

M. Robert Badinter. Si je reviens aussi promptement à la tribune, scindant ainsi en deux ce qui aurait pu faire l'objet d'une seule intervention, ce n'est pas pour satisfaire un désir immodéré de prendre le temps du Sénat, mais parce que les questions que je vais évoquer maintenant sont d'un ordre différent de celles que j'ai abordées ce matin.

J'avais alors parlé brièvement de notre procédure et indiqué très fermement la raison pour laquelle je considère que le projet de loi qui nous est soumis est un texte de régression. J'avais également évoqué la nécessité que, depuis le 9 octobre 1981, tous les textes soient conformes aux principes de la Convention européenne des droits de l'homme tels qu'ils sont interprétés par Strasbourg.

L'objet de la présente intervention est d'un ordre différent. Il est en effet un autre type de conformité auquel il faut prêter attention : il s'agit évidemment de la conformité à la Constitution ou, si l'on préfère, de l'inconstitutionnalité fondant les irrecevabilités. Voilà longtemps que je souhaitais formuler cette observation devant la Haute Assemblée. Nous sommes ici en présence d'une sorte de confusion que je souhaiterais voir dissipée.

Nous devons, c'est certain, respecter les principes de valeur constitutionnelle qui régissent la procédure pénale. Et, parmi ces principes, il en est un qui, bizarrement, n'est presque plus jamais mentionné, bien qu'il soit pratiquement inscrit en tête de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. En effet, l'article II, immédiatement après la liberté et avant la propriété - ce qui est significatif pour l'époque - vous trouvez le mot : « sûreté » ; je dis bien « sûreté » et non pas « sécurité ».

A mesure que les décennies s'écoulaient, j'ai noté que, singulièrement dans le discours politique, on affirmait constamment, et avec de plus en plus de fermeté, que la sécurité était l'un des droits de l'homme inscrits dans la grande déclaration de 1789. J'écoute cela avec tout l'intérêt de l'universitaire et je constate qu'il s'est installé une sorte de confusion entre la sûreté telle qu'elle figure dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et la sécurité des personnes et des biens, dont la valeur constitutionnelle a été reconnue par le Conseil constitutionnel. On assiste à une sorte d'inflation quant à la référence au terme « sécurité ».

Je le dis clairement : la sécurité est une condition nécessaire à la paix civile et à la jouissance des bienfaits de la vie en société.

Mais, comme il m'est arrivé d'entendre dire que la sécurité était la première des libertés - je l'ai entendu affirmer à plusieurs reprises et par des personnes ô combien ! autorisées -, je dois quand même rappeler qu'elle ne suffit pas à assurer le respect des grandes libertés qui fondent une démocratie. Il est des régimes où règne une très grande sécurité dans les villes, dans les campagnes, où la protection des personnes et des biens est parfaitement assurée contre les voyous, les cambrioleurs, voire les assassins, mais où la liberté d'expression est totalement bannie, où les libertés collectives sont inexistantes et où la liberté individuelle est laissée à la discrétion du pouvoir de l'Etat.

Chacun de nous sait - j'ai entendu sur ce sujet bien des témoignages - que la délinquance de droit commun avait quasiment disparu des rues de Berlin durant la période la plus sinistre de l'histoire contemporaine et qu'à Moscou, aux heures noires du totalitarisme - je l'ai moi-même constaté en 1956 - une sécurité absolue était garantie aux passants dans la rue. Mais la sûreté, c'est-à-dire la garantie de la liberté individuelle, mentionnée à l'article II de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, avait complètement disparu dans ces régimes sinistres.

Ainsi, la sûreté, droit fondamental, ne se confond pas avec la sécurité, si importante soit-elle dans la société contemporaine. La sûreté est la garantie du citoyen contre l'arbitraire ; elle est l'affirmation essentielle, dans toute démocratie, qu'il existe, face à l'Etat, pour chaque citoyen, un droit fondamental à être protégé par la loi et par la justice, gardienne des libertés individuelles, contre toute violation par l'Etat de ces libertés individuelles.

C'est au nom de cette sûreté que le domicile privé a été considéré comme inviolable. Je vous donnerai peut-être tout à l'heure, au cours du débat, lecture de la définition de l'inviolabilité du domicile dans la Constitution de l'An VIII, qui n'était pas le modèle absolu de l'aspiration démocratique. Cela témoigne de l'importance de l'inviolabilité du domicile privé.

C'est également au nom de la sûreté que les perquisitions doivent être limitées, les saisies de correspondances et les interceptions de communications interdites ou encadrées.

En bref, la lutte indispensable contre le crime pour assurer la sécurité des personnes et des biens - depuis 1981, elle est qualifiée par le Conseil constitutionnel d'« objectif de valeur constitutionnelle » - doit respecter, dans toute la mesure du possible, au regard de cet objectif, la sûreté de chacun, c'est-à-dire le droit pour tout citoyen de voir respectées par l'Etat ses libertés individuelles.

Si je rappelle ces principes, c'est non pas pour le plaisir, mais parce qu'ils sont, hélas ! trop souvent perdus de vue dans les discours du moment. La recherche de la sécurité nécessaire des personnes et des biens doit prendre en compte le droit de tout citoyen au respect de sa sûreté par l'Etat, lequel est proclamé par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Cette exigence est inscrite dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel depuis vingt ans, notamment à propos des lois de procédure pénale. Car c'est dans ce domaine que le Gouvernement et le législateur sont tentés, pour satisfaire l'aspiration légitime des citoyens à plus de sécurité, de prendre des dispositions qui réduisent la liberté individuelle des citoyens, donc leur sûreté, au-delà de ce qui est strictement nécessaire.

Là est le point d'équilibre constitutionnel. Il ne s'agit pas, face à la délinquance, de donner systématiquement à la police judiciaire et au parquet des pouvoirs nouveaux toujours plus étendus parce que cela leur simplifierait la tâche. Dans une démocratie, dans un Etat de droit, il existe des barrières protectrices de la sûreté, des libertés individuelles de chacun que l'on ne doit ni franchir ni supprimer au nom de l'efficacité ou de la commodité des organes de poursuite.

Un membre éminent de la Cour suprême des Etats-Unis, qui fréquente beaucoup la France, homme très remarquable à tous égards, grand universitaire, grand juge constitutionnel, me confiait qu'un illustre chief justice - je ne vous donnerai pas son nom, par crainte de me tromper, mais ce n'est pas l'actuel - avait pour habitude, lorsque la Cour débattait de la constitutionnalité d'une disposition nouvelle tendant à accroître les pouvoirs de la police et de l'accusation, de poser toujours au représentant du ministère de la justice qui plaidait devant lui cette simple question : « Monsieur, expliquez-moi clairement, non pas les avantages ou les commodités que vous tirerez de cette disposition, mais pourquoi elle vous est indispensable pour mener à bien votre tâche. »

Cette approche est trop souvent oubliée, y compris aux Etats-Unis quand il s'agit de terrorisme. Elle me paraît pourtant la plus authentique expression des exigences de l'Etat de droit, fondé, dans une démocratie, sur le respect des libertés individuelles et de la sûreté des citoyens.

Il revient au Gouvernement, lorsqu'il demande au Parlement de lui octroyer des pouvoirs nouveaux, et plus encore quand il s'agit de dispositions d'exception en matière de procédure pénale, d'expliquer, de justifier la nécessité de telles mesures, de démontrer leur caractère indispensable, et donc l'insuffisance des pouvoirs actuels des autorités de poursuite et d'investigation pour accomplir leurs missions.

S'agissant de l'accroissement de la durée de la garde à vue dans le domaine si vaste des infractions que vise le texte, notamment les infractions en bande organisée, le critère de la nécessité relèvera de l'appréciation souveraine des autorités de poursuite, police et parquet, puisqu'une qualification erronée ne sera pas cause de nullité. Or, dans la ligne des propos du chief justice que j'évoquais à l'instant, il faudrait préciser dans quels cas des enquêtes ont été vouées à l'échec parce que la garde à vue n'a pas pu être prolongée de quarante-huit heures à trois ou quatre jours, car, je le répète, ce n'est pas à l'aune de la commodité mais à celle de la nécessité que se mesure le bien-fondé constitutionnel d'une disposition.

Il en va de même pour la présence de l'avocat, autre disposition d'importance.

Pourquoi différer l'apparition de celui-ci de la trente-sixième heure à la quarante-huitième heure ? En quoi l'apparition de l'avocat à la trente-sixième heure entraverait-elle le bon déroulement de l'enquête pendant la garde à vue ?

L'extension des perquisitions de nuit, ce qui ne s'est, pour ainsi dire, jamais vu, comme les possibilités accrues de saisire des documents, d'intercepter la correspondance, de poser secrètement des micros ou des caméras dans des véhicules ou dans des domiciles privés soulèvent les mêmes interrogations.

Comment aussi justifier la nécessité, au moment où l'on accroît considérablement les pouvoirs de la police judiciaire dans l'enquête de flagrance, du doublement simultané de la durée possible de l'enquête de flagrance, qui passe de huit à quinze jours ? En quoi ce doublement est-il indispensable ? J'attends la réponse !

Pour le reste, j'aurais bien des questions de constitutionnalité à soulever sur ce texte que j'ai déjà qualifié ce matin de « tentaculaire ». Ce n'est pas le moment, pour de multiples raisons, de le faire - disons-le, ce sera aux juristes qualifiés qui saisiront le Conseil constitutionnel, puis aux membres de ce dernier qu'il appartiendra de se prononcer -, mais je vais vous dire mon sentiment, presque à la manière d'un critique littéraire.

Si l'on a le souci de l'Etat de droit et un certain amour des principes, à la lecture de ce projet de loi, tout au moins de certains de ses chapitres, on a le sentiment qu'il baigne dans une atmosphère d'inconstitutionnalité.

On a le sentiment, je vous le dis très simplement et très franchement, que vous avez voulu aller jusqu'à la limite extrême, dans tous les cas, du seuil constitutionnel et pousser aussi loin que possible les pouvoirs d'exception, au risque, mais nous le saurons plus tard, de franchir cette limite.

Je prendrai à cet égard un seul exemple : la séparation des autorités de poursuite et de jugement, principe fondamental de la procédure pénale. Le Conseil constitutionnel l'a rappelé en 1995 - c'était la dernière décision que j'ai eu l'honneur de signer -, on ne peut pas à la fois diriger l'enquête, poursuivre, choisir les voies procédurales et condamner.

Je reviens un instant sur la procédure de comparution avec reconnaissance préalable de culpabilité.

Croit-on vraiment que, dans la pratique, dans la réalité judiciaire, le procureur ne sera pas celui qui assumera en premier lieu le véritable pouvoir de décision ? La proposition de peine qu'il fera au prévenu et qui, à la sortie éventuelle de la garde à vue, compte tenu de ce qu'il faut bien appeler les rapports de force en présence, revêtira un caractère quasi léonin, une fois qu'elle sera acceptée - et elle le sera le plus souvent, sinon dans la quasi-totalité des cas -, quel pouvoir laissera-t-elle au juge ? Le pouvoir de dire oui ou de dire non, bref, un simple pouvoir d'homologation !

Interrogez-vous sur la liberté de décision qui reste au juge dans un tel cas, alors que c'est sur lui que doit porter dans le procès pénal, la responsabilité véritable, non pas seulement celle de l'homologation, comme contrôleur d'exequatur, mais aussi la responsabilité première de la décision. Se trouvera-t-il en position d'assumer cette responsabilité ?

Et que reste-t-il, dans une telle procédure, de la séparation absolue des autorités de poursuite et des autorités de jugement ?

Quant au justiciable qui aura suivi tout le cheminement de cette procédure, de la garde à vue à cette audience, à cette rencontre en cabinet avec le procureur où il aura entendu la proposition de peine à laquelle - sachant que s'il ne l'accepte pas il y aura inévitablement des réquisitions supérieures -, il se sera, sur les conseils de son avocat, résigné et qui, bien sûr, s'il n'y a pas eu violation de la loi, sera homologuée par le juge, croyez-vous que ce justiciable aura le sentiment que c'est le juge plutôt que le procureur qui a décidé de son sort ? Je vous réponds que, pour lui, ce sera bel et bien le procureur !

Je connais les arguments formels que l'on m'opposera, mais, indépendamment des problèmes d'inconstitutionnalité, je pose une question de méthode, et ce sera ma conclusion.

Est-il souhaitable d'introduire dans notre droit des dispositions qui soulèvent des questions aussi fondamentales, de principe, mais également de moyens, sans avoir analysé précisément leurs conséquences ? Une consultation a certes eu lieu, monsieur le garde des sceaux, mais elle ne dispense pas d'une concertation profonde et suivie non seulement avec les corps judiciaires, les magistrats, du siège et du parquet, et les avocats, mais aussi avec les fonctionnaires, les greffiers, qui ont toujours leur voix à faire entendre, et les officiers de police judiciaire.

Les consultations préalables ne suffisent pas. Il faut engager la concertation, appréhender quelles seront, dans la réalité, les conséquences prévisibles - et seuls les acteurs de la justice le peuvent - des mesures proposées dans ce texte qui n'a pas de surcroît cessé de s'étoffer au fur et à mesure que la discussion parlementaire avançait.

De bien des côtés, des voix très autorisées s'élèvent - « casse-cou, fausse route, attention ! » - pour vous demander de différer l'examen ultime de ce texte.

Cela s'appelle un moratoire, et, à cet instant, telle me paraît bien la voie à suivre.

C'est pourquoi, dans le cadre de cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, les membres du groupe socialiste vous engagent à prêter attention à la demande des corps judiciaires, qui n'ont pas d'autre intérêt que celui de la justice qu'ils pratiquent tous les jours quand ils disent qu'il faut encore améliorer ce texte, qu'il faut le reprendre, qu'il faut une concertation, bref qu'il faut un moratoire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Vous ne serez pas surpris, mes chers collègues, que, contrairement à M. Badinter, la commision des lois dans sa majorité estime que le présent projet de loi est conforme à la Constitution.

Je ne vais pas reprendre tous les points que M. Badinter vient d'évoquer. Cependant, je rappelle que toutes les nouvelles procédures d'investigation sont soumises au contrôle du juge des libertés et de la détention. Il est vrai qu'il s'agit d'un changement, mais il faut accepter que le juge des libertés et des détentions voie son rôle évoluer et s'accroître.

S'agissant de la garde à vue, monsieur Badinter, vous savez, pour avoir participé à ses travaux, que la commision des lois proposera par un amendement de revenir, pour la première intervention de l'avocat, à la trente-sixième heure, et donc de ne pas retenir à la quarante-huitième heure comme le prévoit le texte dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Pour les enquêtes de flagrance, si nous proposons de passer de huit jours à quinze jours, ce n'est ni par plaisir ni par vice, mais tout simplement parce que les observations sur le terrain ont montré que, très souvent, les enquêtes engagées devaient être brutalement arrêtées, ce qui imposait d'ouvrir une information judiciaire fictive auprès d'un juge d'instruction, alors qu'elles auraient pu être utilement menées à bien dans les dix jours ou dans les douze jours.

En matière de reconnaissance préalable de culpabilité, je ne crois pas qu'il existe de confusion entre l'autorité de poursuite et l'autorité de jugement. Sans décrire l'ensemble du dispositif, je me bornerai à rappeler que c'est bien le procureur qui propose cette solution à l'auteur des faits, qui l'accepte ou qui ne l'accepte pas. Ensuite, c'est le président du tribunal qui décide.

Il y a un sujet que vous n'avez pas évoqué, monsieur Badinter, mais il l'a été en commission et il le sera sans doute de nouveau. Je veux parler du problème de la rétroactivité de l'inscription au fichier des délinquants sexuels.

L'inscription au fichier n'est pas une peine, mais une mesure de sûreté, et il n'y a pas lieu de voir là une inconstitutionnalité.

Vous avez bien voulu reconnaître, monsieur Badinter, qu'il y avait bien eu une concertation. M. le garde des sceaux a rappelé qu'elle se poursuivait depuis plus de douze mois. Ainsi, notre commission a procédé à de nombreuses auditions, à de nombreuses rencontres, à de nombreux déplacements, tant en France qu'à l'étranger, et je crois pour ma part qu'il s'est agi d'une véritable concertation ; elle se poursuivra pour la mise en place des nouvelles dispositions.

Vous le savez, il nous est toujours difficile de reconnaître que notre environnement change. On préférerait, car c'est plus confortable, que tout reste comme avant. Mais, malheureusement, ce n'est pas le cas en matière de criminalité, et on voit de nouvelles formes de criminalité apparaître.

Il faut aussi reconnaître qu'il y a, parfois, des situations qui s'améliorent, mais nous ne sommes pas là pour les évoquer.

Reconnaître que l'environnement change n'est pas seulement difficile pour les professionnels ou pour le législateur. Plus généralement, il est pour tout le monde difficile d'accepter de modifier ses comportements, de s'adapter dans ses pratiques professionnelles.

Je ne m'étonne donc pas que le projet de loi suscite de prime abord des réactions de crispation, mais je sais aussi que nombre de magistrats et d'avocats se préparent déjà à mettre en oeuvre les modifications qu'il prévoit.

En définitive, le difficile rôle du législateur est de faire la meilleure loi possible. Si des dispositions non conformes à la Constitution sont adoptées, je vous fais confiance pour solliciter l'avis du Conseil constitutionnel. Nous verrons alors !

Pour ma part, je crois qu'à l'issue de la deuxième lecture nous parviendrons à un texte d'équilibre entre la nécessaire efficacité de la procédure pénale et le respect des libertés individuelles, et j'émets donc un avis défavorable sur la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)


M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 131 :

Nombre de votants314
Nombre de suffrages exprimés312
Majorité absolue des suffrages157
Contre200

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, je sollicite une brève suspension de séance.

M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande, monsieur le ministre.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

5

Exception d'irrecevabilité (début)
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Question préalable

NOMINATION DE MEMBRES

D'UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle que les commissions des affaires économiques, des affaires culturelles et des lois ont proposé des candidatures pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame MM. Yves Détraigne, Ambroise Dupont et Jean-Pierre Schosteck membres du conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs.

6

ÉVOLUTIONS DE LA CRIMINALITÉ

Suite de la discussion d'un projet de la loi

en deuxième lecture

M. le président. Nous reprenons la discussion en deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

Question préalable

Exception d'irrecevabilité (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. additionnels avant le titre Ier

M. le président. Je suis saisi, par Mme Borvo, M. Bret, Mme Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 143, tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

« En application de l'article 44, alinéa 3 du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (n° 90, 2003-2004). »

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Robert Bret, auteur de la motion.

M. Robert Bret. Monsieur le garde des sceaux, tel qu'il nous revient en deuxième lecture, votre projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité est loin, bien loin de l'objectif que vous aviez initialement affiché, à savoir la lutte contre la « grande criminalité ».

Votre texte s'attaque davantage à la petite et moyenne délinquance, certes la plus visible, qu'à la délinquance frauduleuse, européenne et internationale.

Mais il est vrai que, depuis les dramatiques événements survenus le 11 septembre 2001, un vent sécuritaire s'est mis à souffler à travers le monde.

En témoigne l'inquiétante escalade répressive qui s'est mise en place, tant aux niveaux européen et international, avec une nette propension à la restriction des libertés individuelles et publiques, qu'à l'échelon national, avec les dispositions répressives adoptées dans la foulée.

Thème principal des campagnes électorales pour l'élection présidentielle et les élections législatives de 2002, l'insécurité est devenue l'obsession de l'actuel gouvernement. Ce faisant, non seulement vous faites le lit de l'extrême droite, mais, de surcroît, vous contribuez à entretenir un climat de violence en France, où les actes racistes et antisémites se développent dangereusement.

En dix-huit mois, vous et votre collègue de la place Beauvau aurez fait adopter pas moins de quatre lois concernant directement la justice et la sécurité, et qui modifient pour une énième fois le code pénal et le code de procédure pénale. Je n'évoque même pas l'incidence sur ces mêmes codes de l'adoption de textes législatifs comme celui sur la violence routière.

A croire que notre système pénal est laxiste et que les 12 000 infractions répertoriées dans notre code pénal relèvent du virtuel !

Vous le savez, trop de lois tuent la loi.

En l'espèce, une telle avalanche de textes est caractéristique d'une certaine forme de fuite en avant du Gouvernement.

Ne pensez-vous pas qu'avant de légiférer de la sorte, d'en rajouter, y compris au fil des lectures, il eût été utile de procéder à un bilan, à une évaluation de l'application des lois précédemment votées plutôt que de superposer ainsi les réformes ?

Dès lors, il n'est pas étonnant que notre procédure manque cruellement de lisibilité et de cohérence, ce que dénoncent d'ailleurs les professionnels de la justice - magistrats, avocats et syndicats -, que vous avez effectivement entendus en commission, monsieur le rapporteur, et qui nous avaient déjà, lors de ces auditions, indiqué leurs inquiétudes et leurs oppositions.

Ces professionnels de la justice ont lancé un appel, comme l'a rappelé notre collègue Robert Badinter, pour un moratoire sur le présent texte. Cet appel, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen l'ont, bien entendu, cosigné.

Le Livre blanc sur l'institution judiciaire, publié par l'USM, l'union syndicale des magistrats, dénonce également ce manque de lisibilité et de cohérence.

Votre amendement n° 223, monsieur le ministre, visant à différer l'entrée en vigueur de certains articles de votre projet de loi en 2005, voire en décembre 2007, ne fait que confirmer son aspect « bricolé ».

Il est inconcevable que notre procédure pénale soit « ballottée » de la sorte au gré des changements de majorité politique ou, pis encore, au gré des faits divers.

A cet égard, alors que l'on aurait pu penser que la fameuse loi du 15 juin 2000, adoptée à l'unanimité, avait mis un terme à la guerre entre les partisans de la procédure accusatoire, d'une part, et de la procédure inquisitoire, d'autre part, vous opérez, avec votre projet de loi, un glissement en faveur de l'enquête policière au détriment du judiciaire. Vous avez dit que vous assumiez ce choix.

En faisant de l'accusation le moteur du procès lors du jugement par un recours accru à la composition pénale et par l'instauration du plaider-coupable, vous modifiez, monsieur le ministre, les fondements mêmes de notre système pénal sans engager au préalable de débat public dans le pays.

Or, vous le savez pertinemment, le choix entre système accusatoire et système inquisitoire est loin d'être anodin et il ne relève pas exclusivement d'un débat technique entre juristes.

Les changements que vous nous proposez - le renforcement des pouvoirs de la police et du parquet au détriment du juge du siège et la remise en cause des droits de la défense, du droit à un procès équitable et, plus généralement, des libertés publiques et individuelles - vont vous permettre, en réalité, de faire appliquer à la lettre votre politique sécuritaire.

Surtout, votre texte induit de fait la mise en place d'une justice à deux vitesses : il y aura ceux qui auront les moyens d'aller jusqu'au procès et les autres, qui n'auront plus, le cas échéant, qu'à plaider coupable !

Votre politique pénale, prise dans sa globalité, notamment en élargissant les conditions du placement en détention provisoire, en créant de nouveaux délits, en aggravant les peines et en multipliant les possibilités de comparution immédiate, véritable machine à incarcérer, crée les conditions d'un accroissement sans précédent de la population carcérale, avec les conséquences que l'on sait sur les conditions de détention et de travail des personnels pénitentiaires.

C'est peu de dire que vous prenez ici l'exact contre-pied, monsieur le ministre, des divers travaux et réflexions menés à la suite de la parution du livre-témoignage du docteur Véronique Vasseur, médecin-chef à la maison de la Santé, qui a suscité en son temps une réelle émotion, doublée d'une prise de conscience des difficultés inhérentes à l'univers carcéral. Mais qui se souvient encore de l'année 2000 qui a vu la création de deux commissions d'enquête parlementaires sur « les conditions de détention dans les prisons françaises », dont les conclusions et recommandations sont pourtant toujours d'actualité ?

Cette même période a connu des évolutions législatives positives pour le système pénitentiaire français, avec bien évidemment la fameuse loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes, avec la création de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, ou encore l'entrée de l'avocat au prétoire avec la loi du 12 avril 2000. Ces évolutions positives sont intervenues sur un fond de consensus politique entre la droite et la gauche qu'il convient de rappeler ici.

Je ne parle pas des rapports non moins importants remis cette même année 2000 : celui de la commission dirigée par M. Farge, concernant la question des libertés conditionnelles, et celui de la commission présidée par M. Canivet, portant sur l'amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires.

La perception citoyenne de la prison a connu à cette époque une évolution remarquable, dont les perspectives étaient si intéressantes qu'une grande loi pénitentiaire devait voir le jour. Vous connaissez la suite, je n'y reviens pas. Il est vrai qu'on nous annonce un nouveau projet de loi avant la fin de la législature !

Faut-il rappeler que les enquêtes parlementaires avaient toutes clairement conclu qu'il était nécessaire d'incarcérer moins pour incarcérer mieux et de s'interroger sur le sens de la peine, qu'il était nécessaire de savoir qui mettre en prison et de réfléchir aux alternatives à l'incarcération, aux libérations conditionnelles, à la détention provisoire, à la gestion des longues peines, à la future réinsertion des détenus, à la lutte contre la récidive et contre les suicides en prison ?

Or force est de constater, près de quatre années plus tard, que non seulement rien n'a changé, mais que, de surcroît, la situation a empiré, monsieur le ministre, du fait que votre politique pénale est fondée sur la seule incarcération, sans réflexion aucune quant aux conséquences sur la vie en prison.

A cet égard, les constats dressés par l'Observatoire international des prisons sur les conditions de détention en France pour la période de janvier 2002 à juillet 2003 sont véritablement alarmants.

Cette inflation carcérale, qui a connu en juillet 2003 un pic sans précédent depuis plus de cinquante ans, avec près de 61 000 détenus pour 48 000 places, est la conséquence des modifications législatives que vous nous proposez depuis votre arrivée au gouvernement, monsieur le ministre.

Compte tenu de la surpopulation carcérale, comment voulez-vous que l'administration pénitentiaire puisse convenablement remplir les deux missions qui lui incombent : la garde et la réinsertion ?

Les personnels de l'administration pénitentiaire n'ont pas les moyens humains et matériels de prendre en charge la réinsertion des détenus et ne s'occupent en conséquence que de la garde.

Faute de préparation ou d'aménagement en fin de peine, on assiste donc à des sorties « sèches », qui, le plus souvent, mènent à la récidive, et donc au retour en prison. Or la réinsertion des détenus est indispensable à la prévention de la récidive, afin d'éviter tout retour en prison : l'intérêt de la société dans son ensemble est que le détenu, qui, a priori, a vocation à sortir de prison un jour, ne retombe pas dans la délinquance.

Rappelons que 40 % des détenus en centrale récidivent à leur sortie lorsqu'ils ont effectué la totalité de leur peine ; ils ne sont que 10 % à récidiver lorsqu'ils sortent à mi-peine avec des mesures d'accompagnement.

La question de la réinsertion n'a de sens que si l'on se place du point de vue du sens de la peine. Aller vers la « prison utile » est une nécessité absolue, monsieur le garde des sceaux !

Il est donc indispensable de revoir le contenu des missions des agents pénitentiaires pour que l'insertion prime enfin sur la garde. C'est une question de volonté politique, qui implique, bien entendu, des moyens supplémentaires.

Mais il est clair que votre souci est très éloigné de ces considérations, pourtant essentielles à mes yeux. En présentant l'enfermement comme unique réponse à la délinquance, en investissant dans la construction de cellules supplémentaires, vous optez pour une solution de facilité, pour un affichage politique, sans vous soucier de l'efficacité en matière de prévention et de lutte contre la délinquance dans le long terme.

La privation de liberté ne sert qu'à punir et à éloigner momentanément un individu de la société : ce ne peut qu'être une solution à court terme. Il faut donc réfléchir à l'après-prison et, par exemple, renforcer le recours à la libération conditionnelle, qui permet de préparer au mieux la sortie de prison, donc la réinsertion, notamment par l'élaboration d'un « projet de sortie » pour le détenu, au lieu que ce dernier attende passivement la date de sa sortie ou les remises de peine automatiques. Cela nous donnerait également la possibilité de mettre notre pays en conformité avec la recommandation adoptée le 24 septembre 2003 par le comité des ministres du Conseil de l'Europe sur la libération conditionnelle, recommandation qui semble avoir été volontairement passée sous silence.

Il faut également proposer des alternatives à l'incarcération qui viendraient réellement se substituer aux peines d'emprisonnement et non s'y ajouter.

Parce que le monde carcéral, chacun le sait, est une école de la récidive en même temps, parfois, qu'un facteur déstabilisateur et aggravant, il convient de reconsidérer la peine privative de liberté de manière qu'elle ne soit plus le référentiel d'exécution des peines, mais qu'elle constitue plutôt un des éléments du système répressif, à côté d'autres formes d'exécution de la peine.

Quant aux longues peines, elles se révèlent inconciliables avec l'objectif de réinsertion. Il est admis que, jusqu'à quatorze ou quinze ans de détention, la réinsertion est encore possible ; au-delà, elle est beaucoup plus improbable. Cela implique de revoir l'échelle des peines prévues dans le code pénal et de préciser que l'énoncé des peines s'entend comme des maxima.

En Europe, la France est quasiment le seul pays à avoir instauré une période de sûreté. Or nul n'a intérêt à ce que quiconque reste quinze ou vingt ans en prison : ni le détenu ni l'ensemble de la société.

Lutter contre la surpopulation carcérale ne signifie pas uniquement construire de nouvelles prisons, comme vous le préconisez ; car, qui dit nouveaux établissements dit tentation, voire volonté de les remplir, l'expérience le prouve.

Concentrer l'essentiel des crédits de l'administration pénitentiaire sur la construction de prisons, c'est persister dans la voie du « tout-carcéral ». Ce n'est pas satisfaisant, quand bien même on invoque, pour le justifier, l'encellulement individuel - prévu pour 2003 et repoussé à 2008 faute de moyens ! - et l'amélioration des conditions de détention et des conditions de travail des personnels.

Pourquoi ne pas investir dans le milieu ouvert, qui présente le double avantage d'être moins coûteux et d'éviter ou d'écourter le contact avec le monde carcéral, contact qui se révèle trop souvent criminogène ? Je pense en particulier au rôle important que jouent les services pénitentiaires d'insertion et de probation, qui cependant manquent toujours cruellement de moyens.

Par ailleurs, il est indispensable de renforcer le contrôle extérieur des établissements pénitentiaires, comme le proposait la commission d'enquête sénatoriale. Le Sénat a fait un premier pas en ce sens en votant à l'unanimité une proposition de loi tendant à créer un organe de contrôle externe, indépendant des établissements pénitentiaires et doté de larges pouvoirs d'investigation. Je regrette d'autant plus que ce texte n'ait jamais été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale que le contrôle des prisons ainsi préconisé va se révéler plus que jamais indispensable en raison de la hausse importante du nombre de personnes incarcérées que suppose votre politique, monsieur le ministre.

Mais là n'est pas votre préoccupation. Lorsque vous évoquez les prisons, vous le faites uniquement sous l'angle sécuritaire, en vous intéressant à la lutte accrue contre les évasions, à la fermeture des portes des cellules en centrale, à la construction de « supercentrales » destinées à regrouper les détenus les plus dangereux, au brouillage des téléphones portables, à la prise d'empreintes biométriques...

Ce ne sont pas, en l'espèce, les quelques mesures avancées par M. Warsmann en matière de peines alternatives à la détention qui vont fondamentalement changer le fond du problème, et ce d'autant moins que ces propositions portent essentiellement sur des mesures et sanctions pénales - permission de sortir, placement à l'extérieur, semi-liberté et placement sous surveillance -, qui ne modifient pas le temps passé sous écrou.

S'il est souhaitable de développer de telles mesures, encore faut-il qu'il s'agisse de réelles alternatives à l'enfermement. Or, bien souvent, l'existence d'alternatives de ce genre permet de condamner des personnes qui, le cas échéant, ne l'auraient pas été ; ainsi, loin de se substituer à des peines d'enfermement, elles permettent en réalité d'élargir le contrôle social.

Pour résumer, monsieur le ministre, vous menez une véritable politique de répression, d'enfermement et d'exclusion sans aucun traitement social de fond de la délinquance, alors que l'on sait que celle-ci prend racine dans l'aggravation des inégalités sociales, avec, d'un côté, la marginalisation, la précarisation, la dégradation de l'habitat, l'échec scolaire, la mal-vie, et, de l'autre, l'accumulation des richesses.

Je ne pense pas que l'insécurité ait atteint des proportions telles qu'il faille prendre des mesures aussi sécuritaires que celles que vous nous proposez. Il convient au contraire de replacer ces questions à leur juste place sur l'échelle des problèmes de notre société, derrière, notamment, le chômage et les inégalités sociales. En effet, la première des insécurités est économique et sociale.

Dans un contexte où la conjoncture économique et sociale ne cesse de se dégrader, monsieur le ministre, vous n'avez rien trouvé d'autre que la répression pour pouvoir mettre en oeuvre votre politique ultra-libérale, qui, chaque jour, accentue les inégalités et les exclusions, et qui a pour nom suppression des emplois-jeunes, diminution du nombre des surveillants de collèges, réforme des retraites, décentralisation, remise en cause de la solidarité nationale dans le financement de la sécurité sociale, casse du code du travail...

Ce sont la généralisation de cette insécurité sociale et l'accroissement des inégalités qui nourrissent la ségrégation et la criminalité. Et l'Etat voudrait mettre en prison les personnes qu'il n'a pas voulu éduquer, soigner, loger, nourrir...

Ne note-t-on pas, d'ailleurs, un certain déplacement depuis le milieu que je dirai « ordinaire » vers le milieu pénitentiaire de certaines catégories de populations, les plus pauvres, les précaires, les exclus, les malades, les toxicomanes, les immigrés, les sans-papiers : en un mot, les populations dites à problèmes ? Ne sont-elles pas surreprésentées dans les établissements pénitentiaires ? Vous vous enferrez dans le tout-sécuritaire, dans le tout-carcéral, alors que cela n'a jamais donné de bons résultats en matière de lutte contre l'insécurité et de prévention de la délinquance et de la récidive.

Certains remèdes avancés en France - je pense notamment à la tolérance zéro, au couvre-feu, à la suppression des allocations familiales versées aux parents des délinquants, au durcissement de la répression des mineurs - s'inspirent de l'exemple américain. Cette tendance va conduire, comme aux Etats-Unis, à la généralisation du contrôle social doublée d'un envol du taux d'incarcération.

La banalisation de l'insécurité dissimule en réalité un tout autre enjeu que la volonté d'endiguer la délinquance qu'affiche le Gouvernement. Votre but est de redéfinir les missions de l'Etat, qui se retire de l'arène économique et réduit son rôle social, et d'élargir en la durcissant son intervention pénale. Il y a, d'un côté, l'idéologie économique et sociale fondée sur l'individualisme et la marchandisation ; de l'autre, sa traduction dans le domaine de la justice : la criminalisation de la misère et la normalisation du travail précaire. Tel est le véritable projet de société que votre gouvernement et sa majorité veulent mettre en place.

Une société qui ne propose comme moyen de lutte contre l'insécurité qu'une réforme du code pénal et du code de procédure pénale, avec pour pendant l'augmentation du nombre de cellules, est une société en échec, une société, monsieur le ministre, qui n'a pas d'avenir !

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, vous comprendrez que nous ne puissions qu'être opposés à ce texte et que nous vous demandions de vous prononcer en faveur de cette motion tentant à opposer la question préalable, dont l'adoption entraînera la suspension de l'examen du présent projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Comme vient de le souligner M. Bret, adopter la motion tendant à opposer la question préalable signifierait l'arrêt immédiat de nos débats. Or vos propos, monsieur Bret, montrent à quel point ce serait dommage, tant il est vrai que les sujets que vous abordez figurent dans le projet de loi.

Ainsi, dans son chapitre relatif à l'application des peines, le texte contient de nombreuses propositions visant à aménager les peines de courte durée, ou encore à améliorer les conditions de la sortie de prison, conditions que vous dénonciez à l'instant, de façon que celle-ci ne soit plus aussi brutale qu'aujourd'hui.

Ces simples exemples témoignent qu'il y a matière à débattre, raison pour laquelle il faut nous opposer à l'adoption de la motion tendant à opposer la question préalable.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 143, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)


M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 132 :

Nombre de votants314
Nombre de suffrages exprimés312
Majorité absolue des suffrages157
Pour112
Contre200

En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté de texte identique.

Articles additionnels avant le titre Ier

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. additionnel après le titre Ier

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 228, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Avant le titre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« A compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, le Parlement s'engage pour un an à instaurer un moratoire d'un an sur la création de toute nouvelle infraction pénale. »

L'amendement n° 229, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Avant le titre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« A compter de l'entrée en vigueur de la présente loi et pour un an, la création de toute nouvelle infraction pénale devra faire l'objet d'une évaluation préalable, justifiant la nécessité de cette création et appréciant l'impact des dispositions envisagées sur le droit en vigueur et l'activité des juridictions. »

La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo. En octobre dernier, lors de la première lecture de ce projet de loi, j'avais souhaité citer le rapport du groupe de travail mené par M. Massot sur la responsabilité pénale des décideurs publics, qui en appelait au législateur pour mettre en place un moratoire sur la création de nouvelles infractions pénales : « On constate une propension, tant du législateur que du pouvoir réglementaire, à assortir d'une sanction pénale toute méconnaissance d'une obligation. Comment s'étonner ensuite de la pénalisation croissante de la société et de la tendance à rechercher de plus en plus systématiquement l'intervention du juge pénal ? »

Face à l'inflation de textes créant de nouvelles sanctions pénales, face au désarroi des professionnels de la justice devant la complexification croissante du droit, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen souhaitent s'associer à ceux qui poussent aujourd'hui un cri d'alarme. Ils proposent donc que le Parlement prenne l'initiative de s'engager fermement à mettre en place un moratoire : pendant un an, nous ne créerions pas de nouvelles infractions pénales. Suivant les préconisations du groupe de travail Massot, nous ferions de cette année non pas une année d'impunité, mais une année de stabilisation du droit pénal qui nous permettrait de procéder à une réelle évaluation des textes pénaux, notamment de ceux que nous avons adoptés depuis deux ans, et d'en apprécier sereinement les conséquences, d'identifier les lacunes du droit existant, d'apprécier la pertinence des sanctions prévues et d'envisager la suppression des sanctions inappropriées ou inadéquates.

Cette démarche s'inscrit en outre, très logiquement, dans la perspective d'une réflexion de fond sur le sens de la peine, plus particulièrement sur le développement de la pluralité des modes d'exécution des peines. On connaît nos réticences vis-à-vis de la peine alternative, alors que nous souhaitons que la prison cesse d'être la référence.

Ce travail n'aura évidemment d'intérêt que si les départements ministériels concernés acceptent de se prêter à cet exercice, ce qui nous semble tout à fait indispensable pour la santé législative de notre pays. « Trop de lois tuent la loi », affirme-t-on généralement, comme l'a fait récemment encore le président de l'Assemblée nationale. Il est urgent de tirer les conséquences de cet adage.

En ce qui concerne l'amendement n° 229, il s'agit en quelque sorte d'un amendement de repli par rapport au précédent.

Que les représentants de la nation s'engagent dans un processus d'évaluation de l'application des textes serait un acte fort sur le plan symbolique. C'est pourquoi nous proposons, au travers d'une rédaction qui ne se heurtera pas aux objections d'ordre constitutionnel, de prévoir que le Parlement, avant de créer une nouvelle infraction pénale, devra procéder à une « étude d'impact » des dispositions envisagées sur le droit en vigueur et l'activité des juridictions.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Par l'amendement n° 228, Mme Borvo nous demande de prendre l'engagement de ne pas instaurer de nouvelle infraction pénale avant un an. Je ne comprends pas vraiment la logique de sa démarche, puisqu'elle nous propose précisément, un peu plus loin, d'en créer.

S'agissant de l'amendement n° 229, il paraît difficile de subordonner la création d'une nouvelle infraction pénale à l'étude de son incidence sur la charge de travail des magistrats.

La commission est donc défavorable à ces deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Le Gouvernement est défavorable aux deux amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 228.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 229.

(L'amendement n'est pas adopté.)

TITRE Ier

DISPOSITIONS RELATIVES

À LA LUTTE CONTRE LES FORMES NOUVELLES

DE DÉLINQUANCE ET DE CRIMINALITÉ

Art. additionnels avant le titre Ier
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. 1er

Article additionnel après le titre Ier

M. le président. L'amendement n° 226, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Après le titre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Les dispositions du présent titre, destinées à améliorer la lutte contre la délinquance et la criminalité organisées, sont adoptées, à titre expérimental, pour une durée allant jusqu'au 31 décembre 2005.

« Le Parlement sera saisi par le Gouvernement, avant l'expiration de cette date, d'un rapport d'évaluation sur l'application des dispositions du présent titre. »

La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo. Le titre Ier du présent projet de loi vise à mettre en place un dispositif renforcé de lutte contre les formes « nouvelles » de délinquance et de criminalité.

Or ce titre pose un double problème.

Tout d'abord - nous aurons l'occasion de le répéter -, il s'articule largement autour de la notion très floue de criminalité organisée, dont on sait qu'elle est susceptible de donner lieu à toutes les extensions : les ajouts successifs intervenant au fil des lectures le démontrent amplement, qu'il s'agisse des jeux de loterie, des taxis clandestins ou d'autres dispositions encore.

Surtout, ce nouveau concept justifie l'instauration de dispositifs procéduraux dérogatoires au droit commun et la mise en place de juridictions d'exception. De fait, les procédures d'exception finiront, du fait du caractère extensif des délits visés, par constituer le droit commun de la procédure pénale. Il n'est pas possible de ne pas évoquer ce risque, qui est réel, aussi surprenant que cela puisse paraître.

Ce risque étant reconnu, il semblerait particulièrement logique de prendre les mesures adéquates pour l'écarter. C'est à cette fin que nous proposons la mise en place d'un suivi de l'application de la loi, à l'instar de ce qui était déjà prévu dans les articles de la loi relative à la sécurité quotidienne concernant la lutte contre le terrorisme, dont la durée d'application a été prolongée par la loi pour la sécurité intérieure, la « loi LSI », jusqu'au 31 décembre 2005.

On le sait, les parlementaires communistes étaient résolument opposés à l'institution de règles pénales dérogatoires qui restreignaient considérablement les droits et libertés individuels. Au-delà des contrôles dans les zones maritimes et aéroportuaires, il s'agissait, je le rappelle, d'étendre très largement les contrôles d'identité, les perquisitions et les mises sur écoute, ainsi que d'autoriser les fouilles à corps par des vigiles privés.

Conscient du caractère exceptionnel de ces dispositions, le Gouvernement avait souhaité mettre en place un système d'évaluation : le second alinéa de l'article 22 de la loi relative à la sécurité quotidienne, tel que modifié par la loi LSI, dispose en effet que « le Parlement sera saisi par le Gouvernement, avant le 31 décembre 2003, d'un rapport d'évaluation sur l'application des dispositions du présent chapitre adoptées pour une durée allant jusqu'au 31 décembre 2005. Un second rapport lui sera remis avant le 31 décembre 2005. »

Or, sauf erreur de ma part, nous sommes le 20 janvier 2004, et aucun rapport n'a été fourni au Parlement ! C'est un réel problème : encore une fois, on nous demande d'enregistrer des lois, sur l'application desquelles nous n'avons aucun pouvoir de contrôle ! Lorsqu'une loi impose au Gouvernement la remise au Parlement d'un rapport d'évaluation et qu'il passe outre, c'est la démocratie parlementaire qui est remise en question.

M. André Lejeune. Tout à fait !

Mme Nicole Borvo. Cette attitude nous paraît particulièrement grave au regard des droits et libertés individuels, et le fait que peu d'entre nous s'en émeuvent m'inquiète. Pour ma part, je refuse de donner un blanc-seing au Gouvernement s'agissant de dispositifs restreignant des droits aussi précieux que les droits de la défense et le droit à un procès équitable.

A moins qu'un rapport d'évaluation n'ait été déposé sans que j'en aie eu connaissance - mais alors il serait dommage qu'un tel document reste secret, puisque son élaboration a été inscrite dans la loi -, je demande au Sénat d'adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Mme Borvo propose que les dispositions du titre Ier, relatif à la lutte contre la criminalité organisée, ne soient applicables qu'à titre expérimental, jusqu'au 31 décembre 2005. Cela m'inspire deux réflexions.

Tout d'abord, il est sans doute optimiste de penser que la délinquance et la criminalité organisées auront disparu d'ici au 31 décembre 2005 !

Ensuite, je ne comprends pas la logique qui sous-tend cet amendement : d'un côté, on nous demande de légiférer à titre expérimental ; de l'autre, on réclame un moratoire !

Mme Nicole Borvo. Vous avez refusé le moratoire, alors je m'adapte !

M. François Zocchetto, rapporteur. La commission ne peut vous suivre dans votre raisonnement, madame Borvo, et émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 226.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, contre l'amendement.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. En fait, je voudrais proposer à nos collègues du groupe CRC de demander la réserve du vote de leur amendement jusqu'au terme de l'examen du titre Ier.

En effet, au travers de la rédaction de cet amendement, les dispositions du titre Ier sont considérées comme étant d'ores et déjà adoptées, alors que le Sénat n'a pas encore commencé à en débattre et que nous allons, pour notre part, nous y opposer !

Il n'est donc pas question, pour l'heure, que nous votions l'amendement n° 226. Ce n'est qu'au terme de la discussion du titre Ier que nous pourrons valablement statuer à son égard.

M. le président. Madame Borvo, que pensez-vous de la suggestion de M. Dreyfus-Schmidt ?

Mme Nicole Borvo. La remarque de mon collègue Michel Dreyfus-Schmidt est tout à fait pertinente. Je vais donc demander la réserve du vote de l'amendement jusqu'après l'examen du titre Ier, même si je ne me fais pas trop d'illusions sur le sort qui sera fait à cette requête !

Cela étant, je n'ai obtenu aucune information sur les rapports d'évaluation qui auraient dû être remis au Parlement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de réserve ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je consulte le Sénat sur la demande de réserve formulée par Mme Nicole Borvo.

(La réserve n'est pas ordonnée.)

M. le président. Je mets donc aux voix l'amendement n° 226.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le groupe socialiste s'abstient.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Chapitre Ier

Dispositions concernant la lutte

contre la délinquance et la criminalité organisées

Section 1

Dispositions relatives à la procédure particulière

applicable à la délinquance et à la criminalité organisées

Art. additionnel après le titre Ier
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. additionnel après l'art. 1er

Article 1er

I. - Le livre IV du code de procédure pénale est complété par un titre XXV ainsi rédigé :

« TITRE XXV

« DE LA PROCÉDURE APPLICABLE

À LA CRIMINALITÉ

ET À LA DÉLINQUANCE ORGANISÉES

« Art. 706-73. - La procédure applicable à l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement des crimes et des délits suivants est celle prévue par le présent code, sous réserve des dispositions du présent titre :

« 1° Crime de meurtre commis en bande organisée prévu par le 8° de l'article 221-4 du code pénal ;

« 2° Crime de tortures et d'actes de barbarie commis en bande organisée prévu par l'article 222-4 du code pénal ;

« 3° Crimes et délits de trafic de stupéfiants prévus par les articles 222-34 à 222-40 du code pénal ;

« 4° Crimes et délits d'enlèvement et de séquestration commis en bande organisée prévus par l'article 224-5-2 du code pénal ;

« 5° Crimes et délits aggravés de traite des êtres humains prévus par les articles 225-4-2 à 225-4-7 du code pénal ;

« 6° Crimes et délits aggravés de proxénétisme prévus par les articles 225-7 à 225-12 du code pénal ;

« 7° Crime de vol commis en bande organisée prévu par l'article 311-9 du code pénal ;

« 8° Crimes aggravés d'extorsion prévus par les articles 312-6 et 312-7 du code pénal ;

« 8° bis Crime de destruction, dégradation et détérioration d'un bien commis en bande organisée prévu par l'article 322-8 du code pénal ;

« 8° ter Crimes en matière de fausse monnaie prévus par les articles 442-1 et 442-2 du code pénal ;

« 9° Crimes et délits constituant des actes de terrorisme prévus par les articles 421-1 à 421-5 du code pénal ;

« 10° Délits en matière d'armes commis en bande organisée prévus par l'article 3 de la loi du 19 juin 1871 qui abroge le décret du 4 septembre 1870 sur la fabrication des armes de guerre, les articles 24, 26 et 31 du décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions, l'article 6 de la loi n° 70-575 du 3 juillet 1970 portant réforme du régime des poudres et substances explosives, l'article 4 de la loi n° 72-467 du 9 juin 1972 interdisant la mise au point, la fabrication, la détention, le stockage, l'acquisition et la cession d'armes biologiques ou à base de toxines ;

« 10° bis Délits d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d'un étranger en France commis en bande organisée prévus par le quatrième alinéa du I de l'article 21 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

« 10° ter Délits de blanchiment prévus par les articles 324-1 et 324-2 du code pénal, ou de recel prévus par les articles 321-1 et 321-2 du même code, du produit, des revenus, des choses provenant des infractions mentionnées aux 1° à 10° bis ;

« 11° Délits d'association de malfaiteurs prévus par l'article 450-1 du code pénal, lorsqu'ils ont pour objet la préparation de l'une des infractions mentionnées aux 1° à 10° ter.

« Pour les infractions visées aux 3°, 6° et 9°, sont applicables, sauf précision contraire, les dispositions du présent titre ainsi que celles des titres XV, XVI et XVII.

« Art. 706-74. - Non modifié.

« Chapitre Ier

« Compétence des juridictions spécialisées

« Art. 706-75. - Non modifié.

« Art. 706-76. - Le procureur de la République, le juge d'instruction, la formation correctionnelle spécialisée du tribunal de grande instance et la cour d'assises visés à l'article 706-75 exercent, sur toute l'étendue du ressort fixé en application de cet article, une compétence concurrente à celle qui résulte de l'application des articles 43, 52, 382 et 706-42.

« La juridiction saisie demeure compétente, quelles que soient les incriminations retenues lors du règlement ou du jugement de l'affaire. Toutefois, si les faits constituent une contravention, le juge d'instruction prononce le renvoi de l'affaire devant le tribunal de police compétent en application de l'article 522.

« Art. 706-77 à 706-79. - Non modifiés.

« Chapitre II

« Procédure

« Section 1

« De la surveillance

« Art. 706-80. - Les officiers de police judiciaire et, sous leur autorité, les agents de police judiciaire, après en avoir informé le procureur de la République et sauf opposition de ce magistrat, peuvent étendre à l'ensemble du territoire national la surveillance de personnes contre lesquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de les soupçonner d'avoir commis l'un des crimes et délits entrant dans le champ d'application des articles 706-73 ou 706-74 ou la surveillance de l'acheminement ou du transport des objets, biens ou produits tirés de la commission de ces infractions ou servant à les commettre.

« L'information préalable à l'extension de compétence prévue par le premier alinéa doit être demandée, par tout moyen, au procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel les opérations de surveillance sont susceptibles de débuter ou, le cas échéant, au procureur de la République saisi en application des dispositions de l'article 706-76.

« Section 2

« De l'infiltration

« Art. 706-81 à 706-84. - Non modifiés.

« Art. 706-85. - En cas de décision d'interruption de l'opération ou à l'issue du délai fixé par la décision autorisant l'infiltration et en l'absence de prolongation, l'agent infiltré peut poursuivre les activités mentionnées à l'article 706-82, sans en être pénalement responsable, le temps strictement nécessaire pour lui permettre de cesser sa surveillance dans des conditions assurant sa sécurité sans que cette durée puisse excéder quatre mois. Le magistrat ayant délivré l'autorisation prévue à l'article 706-81 en est informé dans les meilleurs délais. Si, à l'issue du délai de quatre mois, l'agent infiltré ne peut cesser son opération dans des conditions assurant sa sécurité, ce magistrat en autorise la prolongation pour une durée de quatre mois au plus.

« Art. 706-86. - Non modifié.

« Art. 706-87. - Aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement des déclarations faites par les officiers ou agents de police judiciaire ayant procédé à une opération d'infiltration.

« Les dispositions du présent article ne sont cependant pas applicables lorsque les officiers ou agents de police judiciaire déposent sous leur véritable identité ou en cas de confrontation organisée selon les modalités prévues par l'article 706-86.

« Section 3

« De la garde à vue

« Art. 706-88. - Non modifié.

« Section 4

« Des perquisitions

« Art. 706-89. - Non modifié.

« Art. 706-90. - Si les nécessités de l'enquête préliminaire relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance peut, à la requête du procureur de la République, décider, selon les modalités prévues par l'article 706-92, que les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction pourront être effectuées en dehors des heures prévues à l'article 59, lorsque ces opérations ne concernent pas des locaux d'habitation.

« Art. 706-91. - Si les nécessités de l'instruction relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent, le juge d'instruction peut, selon les modalités prévues par l'article 706-92, autoriser les officiers de police judiciaire agissant sur commission rogatoire à procéder à des perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction en dehors des heures prévues à l'article 59, lorsque ces opérations ne concernent pas des locaux d'habitation.

« En cas d'urgence, le juge d'instruction peut également autoriser les officiers de police judiciaire à procéder à ces opérations dans les locaux d'habitation :

« 1° Lorsqu'il s'agit d'un crime ou d'un délit flagrant ;

« 2° Lorsqu'il existe un risque immédiat de disparition des preuves ou des indices matériels ;

« 3° Lorsqu'il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'une ou plusieurs personnes se trouvant dans les locaux où la perquisition doit avoir lieu sont en train de commettre des crimes ou des délits entrant dans le champ d'application de l'article 706-73.

« Art. 706-92. - A peine de nullité, les autorisations prévues par les articles 706-89 à 706-91 sont données pour des perquisitions déterminées et font l'objet d'une ordonnance écrite, précisant la qualification de l'infraction dont la preuve est recherchée ainsi que l'adresse des lieux dans lesquels les visites, perquisitions et saisies peuvent être faites ; cette ordonnance, qui n'est pas susceptible d'appel, est motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires. Les opérations sont faites sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, et qui peut se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales.

« Dans le cas prévu par les 1°, 2° et 3° de l'article 706-91, l'ordonnance comporte également l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de cette décision par référence aux seules conditions prévues par ces alinéas.

« Art. 706-93. - Non modifié.

« Art. 706-94. - Supprimé.

« Art. 706-95. - Lorqu'au cours d'une enquête de flagrance ou d'une instruction relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73, la personne au domicile de laquelle est faite une perquisition est en garde à vue ou détenue en un autre lieu et que son transport sur place paraît devoir être évité en raison des risques graves soit de troubles à l'ordre public ou d'évasion, soit de disparition des preuves pendant le temps nécessaire au transport, la perquisition peut être faite, avec l'accord préalable du procureur de la République ou du juge d'instruction, en présence de deux témoins requis dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 57.

« Les dispositions du présent article sont également applicables aux enquêtes préliminaires, lorsque la perquisition est faite sans l'assentiment de la personne dans les conditions prévues aux articles 76 et 706-90. L'accord est alors donné par le juge des libertés et de la détention.

« Section 5

« Des interceptions de correspondances émises

par la voie des télécommunications

« Art. 706-96. - Si les nécessités de l'enquête de flagrance ou de l'enquête préliminaire relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance peut, à la requête du procureur de la République, autoriser l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des télécommunications selon les modalités prévues par les articles 100, deuxième alinéa, 100-1 et 100-3 à 100-7, pour une durée maximum de quinze jours, renouvelable une fois dans les mêmes conditions de forme et de durée. Ces opérations sont faites sous le contrôle du juge des libertés et de la détention.

« Pour l'application des dispositions des articles 100-3 à 100-5, les attributions confiées au juge d'instruction ou à l'officier de police judiciaire commis par lui sont exercées par le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire requis par ce magistrat.

« Le juge des libertés et de la détention qui a autorisé l'interception est informé dans les meilleurs délais par le procureur de la République des actes accomplis en application de l'alinéa précédent.

« Section 6

« Des sonorisations et des fixations d'images

de certains lieux ou véhicules

« Art. 706-97. - Lorsque les nécessités de l'information concernant un crime ou un délit entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent, le juge d'instruction peut, après avis du procureur de la République, autoriser par ordonnance motivée les officiers et agents de police judiciaire commis sur commission rogatoire à mettre en place un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement de paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé ou confidentiel, dans des lieux ou véhicules privés ou publics, ou de l'image d'une ou plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé. Ces opérations sont effectuées sous l'autorité et le contrôle du juge d'instruction.

« En vue de mettre en place le dispositif technique mentionné au premier alinéa, le juge d'instruction peut autoriser l'introduction dans un véhicule ou un lieu privé, y compris hors des heures prévues à l'article 59, à l'insu ou sans le consentement du propriétaire ou du possesseur du véhicule ou de l'occupant des lieux ou de toute personne titulaire d'un droit sur ceux-ci. S'il s'agit d'un lieu d'habitation et que l'opération doit intervenir hors des heures prévues à l'article 59, cette autorisation est délivrée par le juge des libertés et de la détention saisi à cette fin par le juge d'instruction. Ces opérations, qui ne peuvent avoir d'autre fin que la mise en place du dispositif technique, sont effectuées sous l'autorité et le contrôle du juge d'instruction.

« La mise en place du dispositif technique mentionné au premier alinéa ne peut concerner les lieux visés aux articles 56-1, 56-2 et 56-3 ni être mise en oeuvre dans le véhicule, le bureau ou le domicile des personnes visées à l'article 100-7.

« Le fait que les opérations prévues au présent article révèlent des infractions autres que celles visées dans la décision du juge d'instruction ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.

« Art. 706-97-1 à 706-97-6. - Non modifiés.

« Section 7

« Des mesures conservatoires

« Art. 706-98. - Non modifié.

« Section 8

« Dispositions communes

« Art. 706-99. - Non modifié.

« Art. 706-100. - Lorsqu'au cours de l'enquête il a été fait application des dispositions des articles 706-80 à 706-96, la personne ayant été placée en garde à vue six mois auparavant et qui n'a pas fait l'objet de poursuites peut interroger le procureur de la République dans le ressort duquel la garde à vue s'est déroulée sur la suite donnée ou susceptible d'être donnée à l'enquête. Cette demande est adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

« Lorsque le procureur de la République décide de poursuivre l'enquête préliminaire et qu'il envisage de procéder à une nouvelle audition ou à un nouvel interrogatoire de la personne au cours de cette enquête, cette personne est informée, dans les deux mois suivant la réception de sa demande, qu'elle peut demander qu'un avocat désigné par elle ou commis d'office à sa demande par le bâtonnier puisse consulter le dossier de la procédure. Le dossier est alors mis à la disposition de l'avocat au plus tard dans un délai de quinze jours à compter de la demande et avant, le cas échéant, toute nouvelle audition ou tout nouvel interrogatoire de la personne.

« Lorsque le procureur de la République a décidé de classer l'affaire en ce qui concerne la personne, il l'informe dans les deux mois suivant la réception de sa demande.

« Dans les autres cas, le procureur de la République n'est pas tenu de répondre à la personne. Il en est de même lorsqu'il n'a pas été fait application des dispositions des articles 706-80 à 706-96 au cours de l'enquête.

« Lorsque l'enquête n'a pas été menée sous la direction du procureur de la République du tribunal de grande instance dans le ressort duquel la garde à vue a été réalisée, celui-ci adresse dans les meilleurs délais la demande au procureur qui dirige l'enquête.

« Art. 706-101. - Non modifié. »

II. - Supprimé.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, sur l'article.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je voudrais formuler une observation préalable.

En effet, j'ai remarqué que M. le garde des sceaux n'a pas répondu à mon intervention dans la discussion générale. J'ai cru comprendre qu'il était fâché des propos que j'avais tenus à son endroit, et je tiens à éclaircir ce point.

Je n'ai jamais eu l'intention de blesser M. le garde des sceaux. Lui et moi nous connaissons depuis près de trente ans, ce qui n'est pas une raison suffisante pour que nous nous fâchions ! Il sait que j'apprécie ses qualités depuis fort longtemps déjà : qu'il me suffise, à cet instant, de lui rappeler les conversations que nous avons eues dans cette maison même, en mai 1981, pour lui confirmer toute l'estime que j'ai pour sa personne.

Je précise donc qu'il n'était absolument pas dans mes intentions, ce matin, de prétendre qu'il aurait été un partisan de la torture pendant la guerre d'Algérie. Dans la mesure où il s'est senti blessé par les propos que j'ai tenus, je le prie de bien vouloir accepter mes excuses dans cette seule mesure, bien entendu - car je n'avais, je le répète, aucune intention de le blesser. J'espère que, après cela, l'incident sera clos.

J'en viens maintenant à l'article 1er du projet de loi, qui concerne une vingtaine d'articles du code de procédure pénale : il est donc bien difficile de s'expliquer en cinq minutes sur l'ensemble du dispositif présenté.

Je rappelle qu'il s'agit ici de dispositions relatives à la procédure particulière applicable à la délinquance et à la criminalité organisées.

Nous nous opposons à l'article 1er, dans la mesure où, comme nous l'avons démontré, la procédure exceptionnelle est contraire aux libertés.

Ce matin, lors de la discussion générale, nous avons demandé que l'on nous précise ce qu'est une bande organisée. Un auteur de faits et son complice constituent-ils ou non une bande organisée ? On sait par ailleurs que, si la procédure particulière que j'évoquais est appliquée par erreur, cela ne changera rien : elle l'aura été légitimement malgré tout !

Sont notamment visés les crimes de meurtre commis en bande organisée, les crimes de tortures et d'actes de barbarie commis en bande organisée, les crimes et délits de trafic de stupéfiants, sans autre spécification, les crimes et délits d'enlèvement et de séquestration - l'Assemblée nationale a ajouté qu'ils devront avoir été commis en bande organisée -, les crimes et délits aggravés de traite des êtres humains et les crimes et délits aggravés de proxénétisme, même quand ils n'auront pas été commis en bande organisée, les crimes de vol commis en bande organisée - on voit la gravité de la chose ! -, les crimes aggravés d'extorsion, sans autre précision, le crime de destruction, dégradation et détérioration d'un bien commis en bande organisée - la dégradation d'un bien, cela ne va pourtant pas très loin !

Je n'énumérerai pas tous les crimes et délits concernés par la procédure particulière, mais figurent également dans la liste les délits d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irrégulier d'un étranger en France commis en bande organisée. Sur ce point, nous voulons que les choses soient bien précisées, afin que les associations ne puissent pas être visées.

A cet égard, je ne résiste pas au plaisir de donner lecture au Sénat d'une lettre en date du 12 décembre dernier qui a été adressée à notre collègue Danièle Pourtaud par M. François Fillon :

« Madame la sénatrice,

« Vous avez appelé mon attention sur la demande d'acquisition de la nationalité française présentée par M. Untel (...).

« Un réexamen de son dossier avait permis d'y réserver une suite favorable. Toutefois, cette procédure ne peut aller à son terme. En effet, du 17 décembre 2000 au 28 mars 2003, l'intéressé a aidé au séjour irrégulier de Mlle Unetelle, mère de son enfant. (M. Robert Badinter s'exclame.)

« Aussi une décision d'ajournement à deux ans sera-t-elle prochainement notifiée à M. Untel en raison de ce comportement peu respectueux de notre législation relative au séjour.

« A l'issue de cette période, l'intéressé pourra, bien entendu, renouveler sa demande auprès des services préfectoraux de son département de résidence, avec de meilleures chances d'obtenir satisfaction. »

Voilà où nous en sommes en matière d'aide à l'immigration ! Quelqu'un qui a toutes les qualités requises pour être naturalisé français, et dont l'enfant serait fils de père français s'il avait présenté sa requête plus tôt, se voit refuser la nationalité française parce qu'il a aidé au séjour irrégulier de la mère de son enfant. Cela mérite tout de même d'être souligné !

Le cas ne correspond pas tout à fait au délit visé à l'article 1er, mais l'aide apportée, fût-ce en bande organisée, relèvera-t-elle de la procédure exceptionnelle prévue ?

Bien entendu, je comprendsque l'on fasse preuve de sévérité quand il s'agit d'un réseau apportant son soutien contre rémunération, mais, de toute façon, la législation actuelle est amplement suffisante à cet égard. Il n'est nul besoin de créer des juridictions exceptionnelles interrégionales. Cela va tout à fait à l'encontre de la justice de proximité, puisque les personnes intéressées, en particulier les témoins, les familles et les avocats, seront obligées de se déplacer. En outre, le parquet pourra choisir d'attribuer la compétence soit à la juridiction normale, soit à la juridiction interrégionale !

Comme nous l'avons indiqué ce matin, tout cela nous paraît être du très mauvais travail. C'est pourquoi nous serons bien sûr amenés, tout à l'heure, à voter contre l'article 1er. Auparavant, nous défendrons les amendements que nous avons déposés, relatifs aux nombreux articles du code de procédure pénale que ce très long article 1er tend à modifier ou à insérer.

M. le président. Je suis saisi de quinze amendements faisant l'objet d'une discussion commune. Pour la clarté du débat, je les appellerai successivement.

L'amendement n° 144, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mon intervention sur l'article justifie que nous demandions la suppression de celui-ci. Tel est l'objet de cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 230, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi libellé :

« Supprimer le quatorzième alinéa (10° bis) du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-73 du code de procédure pénale. »

La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon. Une nouvelle fois, nous attirons votre attention, mes chers collègues, sur les graves conséquences que l'adoption de l'article 1er pourrait emporter.

Nous avions déjà déposé cet amendement à l'occasion de la première lecture, et si nous avons choisi de le représenter aujourd'hui, c'est au regard de la discussion sur le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France.

L'article 1er du présent projet de loi est, en effet, le pendant d'un article de ce texte, à la différence près qu'il vise les cas où le délit en question est commis en bande organisée, circonstance dont la définition est particulièrement floue.

Je rappelle les raisons de notre hostilité à cette disposition.

Certes, nous sommes particulièrement soucieux de lutter contre les réseaux esclavagistes qui exploitent la misère et la détresse humaines. On connaît les pratiques ignominieuses des passeurs, des marchands de sommeil qui mettent en péril la vie de personnes désespérées.

Contre ces réseaux, la plus grande sévérité doit être appliquée, en n'oubliant pas, au passage, de sanctionner ces quelques centaines de patrons et d'exploitants agricoles qui ferment les yeux sur certaines pratiques, quand ils ne les favorisent pas directement.

Toutefois, la rédaction présentée est susceptible de viser bien d'autres faits. Nous avons été plusieurs, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, lors de la discussion de récents textes, à attirer l'attention du Gouvernement et de la majorité sur les risques qu'une rédaction trop floue pourrait faire peser sur des militants ou des associations de défense des droits des étrangers, notamment, dont le seul objectif est de faire acte de solidarité envers les étrangers.

Le rejet catégorique des amendements qui tendaient à préciser la rédaction de ce texte en excluant de telles associations du champ d'application du dispositif est de nature à nous inquiéter. Cela signifie, à nos yeux, que nos craintes sont fondées.

Nous n'acceptons pas, pour notre part, que ces associations soient constamment sous la menace du « délit d'hospitalité », et nous demandons au Sénat, en conséquence, de bien vouloir revoir la rédaction du présent article.

M. le président. L'amendement n° 145, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Compléter le quatorzième alinéa (10° bis) du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-73 du code de procédure pénale par une phrase ainsi rédigée : "Les associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits ayant en vertu de leurs statuts, vocation, en France, à défendre ou à assister les personnes étrangères sont exclues du champ d'application de cet article". »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement vise à préciser dans la loi que les associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits et ayant, en vertu de leurs statuts, vocation, en France, à défendre ou à assister des personnes étrangères sont exclues du champ d'application de l'article.

Il faut que l'on soit clair. Vous visez des réseaux qui font du bénéfice. Tel n'est évidemment pas le cas de ces associations ! Monsieur le garde des sceaux, acceptez notre amendement, afin de rassurer ces associations.

M. le président. L'amendement n° 231, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi libellé :

« Avant le dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-73 du code de procédure pénale, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ... ° Délits de corruption, prévus par les articles 432-11, 433-1, 435-1, 435-2 et 435-3 du code pénal. »

La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon. Cet amendement reprend celui que nous avons déposé en première lecture, et j'espère que vous ne nous opposerez pas la même argumentation sur cette disposition tendant à intégrer la lutte contre la corruption dans la liste des délits les plus graves.

Cette appréhension du phénomène de la corruption est récusée par toutes les études internationales et nationales, qui convergent pour souligner le développement de la corruption à grande échelle, les affaires instruites par les juridictions pénales ayant démontré les ramifications internationales, par le biais de sociétés écrans ou d'intermédiaires souvent anonymes. La corruption est une forme d'action de la criminalité organisée, rappelait Mme Elisabeth Guigou lors de l'élaboration de la loi du 30 juin 2000.

Certes, vous évoquez l'existence des pôles financiers pour rejeter ces amendements. Or, selon nous, l'existence de ces pôles démontre que ces délits de corruption, qui ne se résument pas au seul délit d'abus de biens sociaux, doivent figurer expressément parmi les formes graves de délinquance.

Comme je l'avais fait en première lecture, je rappelle que les travaux de l'organisation non gouvernementale Transparency international mettent régulièrement en cause l'attitude de la France en matière de lutte contre la corruption. Je rappelle également les réticences que nous avons perçues ici et là lorsque nous débattions de la corruption d'agents publics étrangers, sous la précédente législature.

A nos yeux, il convient d'afficher une volonté claire en ce domaine, en incluant les délits de corruption dans la liste des infractions relevant de la délinquance et de la criminalité organisées.

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé par le paragraphe I de cet article pour l'article 706-80 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "après en avoir informé le procureur de la République et sauf opposition de ce magistrat" par les mots : "sur autorisation du procureur de la République donnée par tout moyen". »

L'amendement n° 3, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Au début du second alinéa du texte proposé par le paragraphe I de cet article pour l'article 706-80 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "L'information préalable à l'extension de compétence prévue par le premier alinéa doit" par les mots : "L'autorisation préalable à l'extension de compétence prévue par le premier alinéa peut". »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ces deux amendements.

M. François Zocchetto, rapporteur. Je propose de revenir au texte que nous avions adopté en première lecture et qui vise à permettre aux officiers de police judiciaire d'étendre leur compétence à l'ensemble du territoire national pour exercer une opération de surveillance, après avoir obtenu l'autorisation du procureur de la République, étant précisé que cette autorisation peut être donnée par tout moyen.

L'Assemblée nationale avait prévu la possibilité pour les officiers de police judiciaire d'étendre leur compétence sur simple information du procureur de la République. Je suggère fortement, au nom de la commission, de revenir à notre texte, c'est-à-dire à l'autorisation du procureur de la République donnée par tout moyen.

M. le président. L'amendement n° 146, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Supprimer le second alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-87 du code de procédure pénale. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit de supprimer le second alinéa du texte proposé pour l'article 706-87 du code de procédure pénale. En effet, il n'y a pas lieu d'apporter de dérogation au principe selon lequel « aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement des déclarations faites par des officiers ou agents de police judiciaire ayant procédé à une opération d'infiltration ». Cet amendement me paraît suffisamment clair.

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après les mots : "véritable identité", supprimer la fin du second alinéa du texte proposé par le paragraphe I de cet article pour l'article 706-87 du code de procédure pénale. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement devrait satisfaire M. Dreyfus-Schmidt.

En première lecture, l'Assemblée nationale a prévu la possibilité de condamner une personne sur le seul fondement des déclarations anonymes de policiers infiltrés. Le Sénat avait, dès la première lecture, estimé qu'une telle possibilité serait contraire à la Convention européenne des droits de l'homme (M. Robert Badinter opine) et avait interdit de condamner une personne sur le seul fondement des déclarations de policiers infiltrés, sauf si ces policiers témoignent sous leur véritable identité.

Je propose de revenir à notre texte de première lecture.

M. le président. L'amendement n° 147, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Compléter in fine le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-95 du code de procédure pénale par les mots : "ou d'un avocat désigné par celui dont le domicile est en cause". »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit ici de la perquisition qui, dans le cadre de la procédure particulière dont nous parlons, dont nous avons parlé et dont nous reparlerons, pourrait être faite même hors de la présence de l'intéressé.

Le texte prévoit que, dans ce cas, la police pourrait demander à deux témoins d'être là. Quels témoins ? On n'en sait rien !

S'agissant des perquisitions, nous avons tous des souvenirs. L'une a été extrêmement célèbre.

M. Paul Blanc. Les Irlandais de Vincennes !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oui ! C'est une affaire que nous n'avons pas plus approuvée que vous.

M. Laurent Béteille. Ce sont des pratiques d'un autre temps !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous ne les avons pas plus approuvées que vous et, si vous les désapprouvez autant que nous, vous devez vous en souvenir et veiller à ce que cela ne se reproduise pas, en tout cas que cela se reproduise le moins possible.

C'est pourquoi nous proposons que l'intéressé puisse au moins demander à son propre avocat d'assister à cette perquisition. Cela apporterait la garantie que la perquisition s'est déroulée dans de bonnes conditions.

Cette proposition ne devrait choquer personne. Je me permets d'insister pour que vous acceptiez cet amendement.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 5 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.

L'amendement n° 148 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Dans le dernier alinéa du texte proposé par le paragraphe I de cet article pour l'article 706-96 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "dans les meilleurs délais" par les mots "sans délai". »

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 5.

M. François Zocchetto, rapporteur. Le projet de loi initial prévoyait l'obligation d'informer sans délai le juge des libertés et de la détention ayant autorisé des écoutes téléphoniques des actes accomplis sur le fondement de cette autorisation.

A deux reprises, l'Assemblée nationale a prévu une information « dans les meilleurs délais ». L'expression « sans délai » paraît préférable si l'on souhaite que le juge des libertés et de la détention puisse exercer un véritable contrôle sur les opérations d'interception de correspondances.

Je propose de revenir au texte adopté par le Sénat en première lecture.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 148.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il vient d'être parfaitement défendu par M. le rapporteur.

M. le président. L'amendement n° 150 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-97 du code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque les opérations prévues au présent article ont conduit à un non-lieu, la ou les personnes mises en cause perçoivent une indemnité forfaitaire de 100 000 EUR. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement, dont l'auteur est M. Michel Charasse, a une portée symbolique. Vous savez que - et nous allons le répéter - le texte tel qu'il nous est présenté prévoit que, si cette procédure particulière est appliquée à une personne à laquelle elle ne devrait pas être appliquée, cette personne va se trouver pendant quatre-vingt-douze heures en garde à vue avec possibilité de voir un avocat seulement après la quarante-huitième heure ; son domicile pourra être perquisitionné, placé sur écoutes ; ses conversations téléphoniques pourront être captées, etc. Si, par la suite, il apparaît que l'on n'aurait pas dû lui appliquer cette procédure, cela ne changera strictement rien pour la personne ayant subi la procédure. Aucune réparation n'est prévue. C'est pourquoi nous en proposons une. On peut ne pas être d'accord avec le montant proposé, mais nous insistons sur le principe même d'une réparation.

Notre amendement prévoit que, si les opérations prévues au présent article conduisent à un non-lieu - évidemment, il faudrait ajouter « ou à une relaxe », mais la commission mixte paritaire y pourvoira -, la ou les personnes mises en cause perçoivent une indemnité forfaitaire de 100 000 euros.

M. le président. L'amendement n° 151 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-97 du code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :

« Le procureur de la République ou le juge qui a décidé de poursuivre sur le fondement de l'article 706-73 fait l'objet d'une procédure disciplinaire, lorsque les opérations menées sur ce fondement ont conduit à un non-lieu. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je sais que notre collègue Robert Badinter n'approuve pas cet amendement. Je lui en donne acte. Nous ne sommes pas des godillots, ni les uns ni les autres.

Par cet amendement, M. Michel Charasse, propose une menace de sanction. Il s'agit de prévoir, lorsque les opérations menées sur le fondement de l'article 706-73 ont conduit à un non-lieu, une mesure disciplinaire à l'égard du procureur de la République ou du juge qui a décidé de poursuivre.

Evidemment, la procédure disciplinaire pourra constater que l'intéressé s'est trompé de bonne foi, auquel cas aucune suite ne sera donnée. Mais il y aura tout de même une vérification pour savoir s'il n'était pas évident que la personne en cause n'aurait pas dû être poursuivie en vertu de cette procédure particulière.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 6 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.

L'amendement n° 149 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Dans le dernier alinéa du texte proposé par le paragraphe I de cet article pour l'article 706-100 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "dans les meilleurs délais" par les mots : "sans délai". »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 6.

M. François Zocchetto, rapporteur. Là encore, il s'agit de revenir au texte du Sénat, en prévoyant que le procureur adresse sans délai la demande au procureur qui dirige l'enquête lorsqu'elle se déroule dans un autre ressort. Je rappelle que l'Assemblée nationale avait prévu que la demande serait adressée « dans les meilleurs délais ».

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 149.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il a été brillamment défendu par M. le rapporteur !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. L'amendement n° 144 tend à supprimer l'ensemble de l'article 1er relatif à la criminalité et à la délinquance organisées au motif que les moyens dont l'on disposerait aujourd'hui seraient suffisants. Tout le travail préparatoire à l'examen du projet de loi a pourtant montré que notre droit n'était pas armé pour faire face à une criminalité de plus en plus organisée et de plus en plus transnationale. Nombre des nouveaux instruments qui sont créés par le projet de loi résultent de propositions formulées par l'Organisation des Nations unies ou par le Conseil de l'Europe, notamment en ce qui concerne l'infiltration des réseaux criminels. Aussi, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Elle est également défavorable à l'amendement n° 230, puisqu'il vise à supprimer du champ de la criminalité organisée le délit d'aide à l'entrée et au séjour irréguliers d'étrangers. En pratique, ce délit ne sera concerné par la nouvelle procédure que s'il est commis en bande organisée. Il s'agit, pour nous, de lutter plus efficacement contre les filières de passeurs, qui exploitent la misère de certaines populations souhaitant quitter leur pays à tout prix.

L'amendement n° 145 du groupe socialiste vise à exclure du champ d'application des dispositions sur la criminalité organisée les associations qui ont pour vocation de venir en aide aux étrangers. Selon moi, cet amendement n'a aucune portée. Ou bien l'association commet une infraction, ou bien elle n'en commet pas. Je ne vois pas en quoi le fait d'être une association créerait une sorte d'impunité ! Dès lors que ces associations ne commettent pas d'infraction, elles ne sauraient être poursuivies pour aide à l'entrée et au séjour irréguliers des étrangers. Sur ce point, le projet de loi ne change strictement rien au droit existant.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Allons !

M. François Zocchetto, rapporteur. Aussi, la commission émet un avis défavorable.

L'amendement n° 231 vise à inscrire les délits de corruption dans la liste des infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées. Nous avons examiné cette question de près, car le texte présenté par le garde des sceaux cherche à lutter de façon plus efficace contre la délinquance financière. Il apparaît que les délits de corruption font déjà l'objet d'une procédure spécialisée entrant dans la catégorie des infractions économiques et financières. Ainsi, ils sont déjà jugés par des juridictions spécialisées. D'ailleurs, le projet de loi prévoit que ces infractions pourront être jugées par des juridictions interrégionales lorsqu'elles se révèlent d'une grande complexité. La commission émet donc un avis défavorable.

L'amendement n° 146, présenté par le groupe socialiste, vise à exclure toute dérogation au principe selon lequel une personne peut être condamnée sur le seul fondement des déclarations de policiers infiltrés. Vous reconnaîtrez que cet amendement est largement satisfait par l'amendement n° 4, que j'ai exposé tout à l'heure.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non, il est « en partie » satisfait !

M. François Zocchetto, rapporteur. Monsieur le sénateur, vous demandez que l'on ne puisse en aucune façon obtenir une condamnation sur le seul fondement des déclarations de policiers infiltrés. A partir du moment où les policiers lèvent leur anonymat, ils sont comparables à n'importe quel autre citoyen. Je ne vois donc pas sur quel fondement on écarterait leur témoignage. Aussi la commission est défavorable à cet amendement.

S'agissant de l'amendement n° 147, j'ai eu l'occasion d'indiquer en commission des lois qu'il nous parraissait intéressant. Lorsqu'une perquisition doit être effectuée au domicile d'une personne et que celle-ci n'est pas présente, les officiers de police judiciaire peuvent désigner deux témoins pami les personnes présentes. Il est sans doute intéressant de pouvoir faire appel à un avocat pour assister à la perquisition. L'amendement ouvre une alternative. La commission émet un avis de sagesse.

Je ne reviens pas sur l'amendement n° 148, car il est identique à l'amendement n° 5 de la commission.

L'amendement n° 150 rectifié prévoit que, lorsqu'il y aura eu un non-lieu alors que l'on aura utilisé la procédure relative à la criminalité organisée, la personne mise en cause percevra une indemnité forfaitaire de 100 000 euros. Une telle procédure n'existe en aucune matière dans notre droit pénal. Par ailleurs, les non-lieux ne sont pas toujours motivés par l'innocence de la personne poursuivie, il arrive que ce soit en raison de son irresponsabilité pénale. Aussi, la commission émet un avis défavorable.

Elle est également défavorable à l'amendement n° 151 rectifié de M. Charasse, aux termes duquel les magistrats qui auraient recouru à la procédure relative à la criminalité organisée seraient passibles d'une procédure disciplinaire lorsque les opérations auraient mené à un non-lieu. Il n'est pas possible de suivre M. Charasse dans cette voie.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Tout d'abord, monsieur Dreyfus-Schmidt, j'accepte bien volontiers vos excuses. J'ai d'ailleurs été très sensible à la manière dont vous les avez exprimées.

Le Gouvernement est, bien entendu, défavorable à l'amendement n° 144, puisqu'il vise à supprimer l'article.

Comme il est beaucoup question de bandes organisées, je voudrais rappeler les termes de l'article 132-71 dont chacun le sait, je ne suis pas l'auteur : « Constitue une bande organisée au sens de la loi tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou de plusieurs infractions. » La notion de bande organisée est donc définie depuis un certain nombre d'années par le code pénal. Or, depuis ce matin, je vous ai entendu dire le contraire à plusieurs reprises, monsieur Dreyfus-Schmidt. Cette notion est bien définie dans l'article précité, lequel a été rédigé au terme d'une réflexion extrêmement longue qui a couvert des alternances successives. Nous sommes arrivés à un texte qui permet à tout le monde de comprendre de quoi il s'agit. Je tenais à le redire.

Par ailleurs, l'article 1er énumère les crimes et délits qui peuvent, s'ils sont commis en bande organisée déclencher éventuellement la mise en oeuvre d'un certain nombre de procédures d'enquête exceptionnelles. Puisque, à plusieurs reprises, j'ai entendu sur les radios parler - je le dis avec un certain sourire - de vols de bicyclette, je le confirme qu'il ne s'agit pas ici de vols de bicyclette. Que cela soit dit une fois pour toutes ! Même en tordant dans tous les sens le texte de l'article 1er, je ne vois pas comment on pourrait arriver à mettre en oeuvre ces moyens de procédure pour un vol de bicyclette.

S'agissant de l'amendement n° 230, j'émets, comme la commission, un avis défavorable, car cet amendement ne résout pas juridiquement le problème qu'il soulève. En effet, les dispositions de l'article 706-73 sont des dispositions de procédure pénale. Dès lors, exclure du champ d'application de ces dispositions l'infraction d'aide au séjour irrégulier ne fait pas disparaître le délit. Les choses sont, je crois, assez claires à cet égard.

Je suis également défavorable à l'amendement n° 145. M. le rapporteur a bien explicité les choses : ce n'est pas parce que l'on est une association que l'on ne peut commettre une infraction, et réciproquement. On mêle donc là deux notions. Aussi, cet amendement n'est pas pertinent.

Concernant l'amendement n° 231, j'émets également un avis défavorable. Le rapporteur s'est excellemment exprimé sur ce point.

La liste des délits financiers existe. Vous souhaitez inscrire les délits de corruption dans la liste des formes les plus graves de criminalité organisée. Cette liste a fait l'objet de discussions assez longues avec les professionnels de la justice au moment de l'élaboration du texte, entre décembre 2002 et mars 2003. Je rappelle que les moyens d'enquête les plus exceptionnels sont réservés aux crimes et délits commis contre les personnes. C'est la raison pour laquelle nous avions établi cette distinction entre les deux catégories de crimes et de délits, réservant les moyens d'enquête exceptionnels à la première, celle des atteintes exceptionnellement graves contre les personnes. Je pense qu'il ne faut pas remettre en cause cette distinction.

Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 231.

Sur l'amendement n° 2, je dois l'avouer, je suis très perplexe, et le rapporteur le sait. J'ai déjà eu l'occasion, au moment de la première lecture, de dire combien le Gouvernement était défavorable à une rédaction qui présuppose une autorisation du procureur de la République, et non pas une absence d'opposition. Il peut arriver, en effet, en particulier dans ce type d'affaire, qu'un enquêteur soit obligé d'agir rapidement et sur plusieurs ressorts. Je crains des difficultés d'application s'il est nécessaire d'obtenir une autorisation préalable du procureur.

Je maintiens donc l'avis défavorable que j'avais déjà exprimé en première lecture sur l'amendement n° 2 et, par cohérence, j'émets le même avis sur l'amendement n° 3.

Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 146. Les différentes lectures par les deux chambres ont permis de parvenir à un compromis acceptable.

Le Gouvernement est, en revanche, favorable à l'amendement n° 4 de la commission.

S'agissant de l'amendement n° 147, le dispositif que l'on tente d'introduire ici ne correspond pas du tout à l'esprit qui anime notre procédure pénale actuelle ; le Gouvernement y est donc défavorable.

S'agissant des amendements identiques n°s 5 et 148, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

Comme vous l'avez observé, l'Assemblée nationale et le Sénat ont une différence d'appréciation sur la meilleure formule à retenir entre « dans les meilleurs délais », que prône l'Assemblée nationale, et « sans délai », que le Sénat préfère. Je comprends les arguments des uns et des autres et je pense que la commission mixte paritaire nous donnera l'occasion de trancher ce point.

Pour ce qui concerne les amendements n°s 150 rectifié et 151 rectifié, même si je reconnais la subtilité avec laquelle tant M. Dreyfus-Schmidt, que M. le rapporteur se sont exprimés, vous ne serez pas étonnés d'apprendre que j'y suis défavorable. Je pourrais même invoquer l'article 40 de la Constitution, mais je pense que ce ne sera pas nécessaire.

Pour ce qui concerne enfin les amendements identiques n°s 6 et 149, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 144.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 230.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 145.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il faut que les choses soient claires : le fait, pour une association ou ses représentants, de commettre à titre purement humanitaire le délit d'aide à un irrégulier ne mérite pas la procédure tout à fait particulière que vous envisagez pour des réseaux plus ou moins mafieux, des bandes organisées et des délinquants dangereux. Si le parquet estime devoir poursuivre, il poursuivra, mais le délit existe en dehors de cette procédure particulière.

Cet amendement, comme le précédent, n'a d'autre ambition que d'établir une distinction entre ceux qui commettent ce délit dans un but purement humanitaire et les autres, ces réseaux qui ne se constituent que pour gagner malhonnêtement de l'argent. Les deux situations n'ayant rien à voir, on ne doit pas les traiter de la même manière, contrairement à ce que l'on m'a répondu. Sinon, mes chers collègues, que devient l'intention ? Ne compte-t-elle pas ? A l'évidence, si !

Voilà pourquoi nous insistons pour que cet amendement soit adopté.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 145.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 231.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 146.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote sur l'amendement n° 147.

M. Robert Badinter. Il n'a échappé à personne que M. le rapporteur a déclaré s'en remettre à la sagesse du Sénat sur cet amendement, façon élégante, comme nous le savons tous, de l'approuver.

J'insiste pour que l'on mesure bien l'importance de cette disposition.

En la matière, le principe est que la personne au domicile de laquelle on perquisitionne doit être présente. Si elle a disparu, si elle est en fuite, si l'on ne peut pas la joindre, on conçoit qu'il soit procédé à la perquisition en présence de deux témoins, en lieu et place de la personne concernée.

En l'espèce, il s'agit non pas d'une personne disparue, en fuite ou dont on ignore l'adresse, mais d'une personne placée en garde à vue ou qui se trouve détenue dans une maison d'arrêt, l'instruction étant en cours, et dont on considère, notamment pour des raisons de sécurité, que le transport sur les lieux n'est pas souhaitable. Dans ce cas, que l'on peut comprendre, il convient de prévoir la possibilité pour la personne d'être représentée par un avocat.

Il est normal, dans le respect de la présomption d'innocence, que la perquisition ait lieu en présence de la personne ou, à défaut, de son avocat.

Je rappelle que, dans le cas d'une perquisition, il ne s'agit pas seulement de vérifier ou de s'assurer que la procédure se déroule bien matériellement. De multiples problèmes de légalité se posent, et la présence d'un avocat ne gêne en rien les opérations conduites par la police judiciaire.

Voilà pourquoi je souhaite que la Haute Assemblée, dans sa sagesse, accepte la présence de l'avocat, s'il est disponible, ou de deux témoins.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Afin que le Sénat soit tout à fait éclairé, je relis le premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-95 du code de procédure pénale : « Lorsqu'au cours d'une enquête de flagrance ou d'une instruction relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73, la personne au domicile de laquelle est faite une perquisition est en garde à vue ou détenue en un autre lieu et que son transport sur place paraît devoir être évité » - il s'agit bien d'une condition - « en raison des risques graves soit de troubles à l'ordre public ou d'évasion, soit de disparition des preuves » - nous sommes dans le cadre de la criminalité organisée - « pendant le temps nécessaire au transport, la perquisition peut être faite, avec l'accord préalable du procureur de la République ou du juge d'instruction, en présence de deux témoins requis ». Les conditions posées montrent que les situations visées sont tout de même très exceptionnelles et que nous n'avons pas affaire à des enfants de choeur ou à des voleurs de bicylette.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Il faut que les choses soient claires !

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les choses sont en effet tout à fait claires, monsieur le garde des sceaux : vous nous dites que l'on n'a pas affaire à un voleur de bicyclette. Il peut bel et bien s'agir d'un voleur de bicylettes, car le « vol en bande organisée » est constitué dès que les voleurs sont au moins deux.

Ensuite, vous semblez complètement ignorer en cette affaire le nécessaire respect de la présomption d'innocence, particulièrement s'agissant d'une personne qui n'est encore que soupçonnée et dont il reste à déterminer si elle est coupable ou non des faits qui lui sont reprochés.

Le texte prévoit l'autorisation du procureur de la République. On peut tout aussi bien prévoir la présence de l'avocat car, que la personne soit gardée à vue ou détenue, il y a un avocat. D'ailleurs, la présence de l'avocat, et c'est tout son intérêt, garantit que la perquisition ne pourra pas être contestée ultérieurement. La commission des lois a estimé que c'était raisonnable. Nous demandons donc au Sénat d'adopter cet amendement, qui n'est que logique.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 147.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur les amendements identiques n{os 5 et 148.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Comme l'a dit M. le garde des sceaux, ce texte nous a déjà été soumis en première lecture et nous le retrouverons tout au long de l'examen du projet de loi. J'espère qu'en commission mixte paritaire le Sénat, dans sa majorité, appuyé par l'opposition tout entière tant du Sénat que de l'Assemblée nationale, fera enfin triompher le bon sens.

Il est important que le procureur prévienne le juge « sans délai », et non pas « dans les meilleurs délais ». D'ailleurs, que veut dire cette dernière expression ? N'est-ce pas risquer d'infinis ergotages ? Non, vraiment, il est très important que le juge des libertés et de la détention soit informé sans délai.

Ce qui est vrai ici sera vrai dans de nombreux cas, et il est préférable de trancher maintenant pour qu'il n'y ait plus de discussion chaque fois que nous retrouverons des amendements identiques.

Tout permet de penser que, en commission mixte paritaire, c'est évidemment la formulation « sans délai » qui l'emportera : elle figure dans les textes actuels. Pourquoi changer ? Pourquoi serait-il devenu moins urgent de prévenir le juge des libertés et de la détention ? On ne nous le dit pas. On ne nous a pas expliqué non plus pourquoi l'Assemblée nationale a pris une telle position ; celle du Sénat est, en revanche parfaitement justifiée, et nous la soutenons.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Je tiens à préciser, à l'intention de nos collègues qui ne sont pas membres de la commission des lois, que la substitution de l'expression « sans délai » à celle de « dans les meilleurs délais » sera proposée au Sénat à plusieurs reprises. Cette position a été adoptée dès la première lecture, sur l'initiative de votre rapporteur. Je suis, certes, très heureux que le groupe socialiste se soit rallié à cette rédaction, mais je tenais à préciser, pour lever toute ambiguïté, que les nombreux amendements qui portent sur cette question émanent du rapporteur et de la commission.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 5 et 148.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 150 rectifié.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. M. le garde des sceaux a, dit-il, eu le sentiment que j'avais soutenu cet amendement comme la corde soutient le pendu. Non, ce n'est pas du tout le cas !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. J'ai dit que vous l'aviez soutenu « avec délicatesse » !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Sur le fond, c'est quand même ce que vous avez voulu dire !

M. Jean-Claude Carle. Il lit dans les pensées, maintenant !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est une question de principe : ne nous arrêtons pas au chiffre - on peut en discuter - ni à l'exigence d'un non-lieu : il me paraît tout à fait normal qu'une personne mise en cause à tort et dans les conditions qu'autorise ce projet de loi ait droit à réparation. Voilà ce à quoi tend l'amendement, qui n'est pas le seul fait de notre collègue Michel Charasse, son auteur à l'origine, mais qui est soutenu par l'ensemble du groupe socialiste.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 150 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 151 rectifié.

M. Robert Bret. Le groupe CRC vote contre !

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 6 et 149.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Art. 1er
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Art. 1er bis AA

Article additionnel après l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 272, présenté par Mmes Beaudeau et Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi libellé :

« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Au quatrième alinéa de l'article 121-3 du code pénal, après le mot : "obligation", le mot : "particulière" est supprimé. »

La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Il est un fait qu'en France les divers scandales sanitaires - je pense au sang contaminé, aux hormones de croissance, aux rejets de dioxine par les incinérateurs, aux rejets de nitrates dans l'eau, à la maladie de la vache folle, aux retombées de Tchernobyl, à la contamination lors des essais atomiques, à la contamination par l'amiante, etc. - ont tous abouti à des non-lieux. En règle générale, aucune infraction n'est relevée et les victimes ressentent les décisions des tribunaux comme une profonde injustice contribuant d'une façon générale à aggraver les risques par l'absence d'une politique cohérente de prévention. En effet, il n'y aura pas de politique de prévention tant qu'il n'y aura pas une politique pénale de santé publique.

Pour qu'une telle politique existe, encore faut-il que de véritables moyens matériels soient mis à la disposition des juges et, plus encore, que les outils juridiques dont ils disposent leur permettent de sévir contre ceux qui n'ont pas pris les mesures susceptibles d'éviter les dommages.

De ce dernier point de vue, la loi du 10 juillet 2000 a aggravé la situation par la définition des infractions dites « non intentionnelles », puisque ne sont responsables pénalement que ceux qui ont violé de façon manifestement délibérée, non pas une obligation générale de sécurité prévue par la loi ou le règlement, mais seulement une obligation particulière de prudence ou de sécurité.

Cela revient à dire qu'il aurait fallu des lois ou des règlements interdisant, par exemple, la présence du virus du sida dans les lots de sang pour transfusés, interdisant la présence d'amiante dans l'air des milieux de travail, etc. Mais pourquoi serait seulement concernée l'amiante et pas de multiples autres composés cancérogènes, fibrosants ou générateurs d'une BPCO, une broncho-pneumopathie chronique obstructive ?

Il existait des dispositions générales - je pense à la loi de 1893, au décret du 10 juillet 1913 et au décret du 10 mars 1894 - concernant les poussières en milieu de travail et précisant que « l'air des ateliers sera renouvelé de façon à rester dans l'état de pureté nécessaire à la santé des ouvriers ». Les textes généraux prescrivaient par ailleurs la nécessité d'une ventilation « aspirante et énergique » pour « évacuer directement les poussières en dehors de l'atelier au fur et à mesure de leur production ».

Plus généralement, les textes prévoyaient que les « établissements visés doivent être tenus dans un état constant de propreté et présenter les conditions d'hygiène et de salubrité nécessaires à la santé du personnel. [...] Ils doivent être aménagés de manière à garantir la sécurité des travailleurs ».

Dans le cas de l'amiante, dès 1945, il existait un tableau des maladies professionnelles informant les chefs d'entreprise sur les risques liés spécifiquement à ses poussières.

Aujourd'hui, dans plusieurs décisions récentes, les tribunaux se sont appuyés sur les termes d'« obligation particulière de prudence ou de sécurité », en se référant au décret de 1977 instituant une valeur limite pour la concentration d'amiante dans l'air, pour rejeter toute responsabilité pénale des employeurs pour les périodes antérieures à ce décret.

Dans ces conditions, nous estimons nécessaire de supprimer le mot « particulière » qualifiant l'obligation des employeurs, formulation qui revient à assurer à ceux-ci l'impunité, puisqu'il est impossible qu'une loi ou un règlement particuliers existent pour chacun des 100 000 produits chimiques qui existent sur le marché.

Si l'on veut donner aux juges des outils juridiques adaptés à une véritable politique pénale en matière de santé publique, il faut donc au minimum supprimer le mot « particulière », après le mot « obligation », dans le quatrième alinéa de l'article 121-3 du code pénal.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement vise à revenir sur l'article 121-3 du code pénal relatif aux délits non intentionnels. Son adoption tendrait à élargir considérablement le champ de la responsabilité pénale pour ces délits, en exigeant non plus la violation d'une obligation particulière de sécurité, mais seulement la violation d'une obligation de sécurité.

La commission est défavorable à un tel élargissement du champ de la responsabilité pénale. Je ne pense pas que ses auteurs en aient mesuré toutes les conséquences.

En outre, madame Beaudeau, vous ne m'en voudrez pas, je l'espère, de rappeler que le groupe communiste a souhaité que nous nous opposions à toute création d'infractions pénales. Or, en l'occurrence, il propose d'élargir de façon vraiment gigantesque la responsabilité pénale, et donc de créer de nouvelles infractions dans des proportions considérables.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Le législateur est arrivé, me semble-t-il, après plusieurs tâtonnements, à un équilibre législatif qu'il ne faut pas aujourd'hui remettre en cause.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 272.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnel après l'art. 1er
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Art. additionnel après l'art. 1er bis  AA

Article 1er bis AA

Après l'article 706-79 du code de procédure pénale, il est inséré un article 706-79-1 ainsi rédigé :

« Art. 706-79-1. - Le procureur général près la cour d'appel, dans le ressort de laquelle se trouve une juridiction compétente en application de l'article 706-75, anime et coordonne, en concertation avec les autres procureurs généraux du ressort interrégional, la conduite de la politique d'action publique pour l'application de cet article. »

M. le président. L'amendement n° 232 rectifié, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. Bret.

M. Robert Bret. Cet amendement vise à supprimer les dispositions nouvelles introduites par l'Assemblée nationale qui tendent à doter le procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle se trouve l'une des juridictions interrégionales créées par le projet de loi du pouvoir d'animer et de coordonner la conduite de la politique d'action publique des autres procureurs généraux du ressort interrégional.

On peut comprendre que la création de juridictions interrégionales nécessite d'assurer une certaine cohérence de l'action publique.

Néanmoins, ces dispositions vont bien au-delà : il ne s'agit pas de mettre en place seulement une coordination entre parquets généraux, mais une réelle hiérarchie puisque le super-procureur général sera chargé « d'animer la conduite de la politique d'action publique ». Animer et conduire : ce sont les attributs d'une autorité de tutelle, si je ne me trompe.

Au-delà des problèmes d'ordre pratique qu'une telle disposition peut susciter, celle-ci aboutit à créer une situation inédite dans notre organisation pénale.

Le parquet est certes un organe hiérarchisé : ainsi, l'article 37 du code de procédure pénale prévoit que « le procureur général a autorité sur tous les officiers du ministère public du ressort de la cour d'appel ». Mais nulle part n'est prévue dans ce même code la possibilité d'instituer une hiérarchie entre parquets de même niveau.

Ce changement apparaît d'autant moins anecdotique que les dispositions de l'article 17 du projet de loi visent à introniser parallèlement le garde des sceaux en tant que chef hiérarchique du ministère public.

Ces dispositions nous semblent témoigner d'une même volonté de reprise en main du parquet à laquelle nous nous opposons.

Je rappellerai pour mémoire que le rapport de la commission Truche, installée par le Président Chirac en 1997, recommandait une indépendance accrue du parquet par rapport au pouvoir politique. C'est le point I-3.4 du rapport.

Que sont devenues ces conclusions, monsieur le garde des sceaux ?

Les sénateurs communistes considèrent qu'il n'est pas raisonnable d'introduire de tels changements en deuxième lecture du projet de loi. C'est pourquoi ils vous demandent, mes chers collègues, de supprimer l'article 1er bis AA.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.

En effet, la disposition permettant au procureur général de la cour d'appel dans laquelle se trouve la juridiction interrégionale de coordonner la politique d'action publique nous paraît tout à fait utile.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il faut être reconnaissant à l'Assemblée nationale d'avoir introduit cet article 1er bis AA, contre lequel nous allons toutefois voter.

Cet article a en effet le mérite de disposer que les procureurs généraux doivent s'occuper de la conduite de la politique « d'action publique ». C'est la formule qu'avait employée le Sénat pour parler de la compétence des membres du parquet. L'Assemblée nationale, quant à elle, en d'autres endroits, évoque « l'action pénale », ce que le Sénat avait corrigé en « action publique », expression que l'Assemblée nationale a, le plus souvent, rétablie en « action pénale ».

En l'occurrence, monsieur le rapporteur, vous pourrez parfaitement opposer à votre homologue de l'Assemblée nationale en commission mixte paritaire que l'Assemblée nationale a accepté ici la formule que le Sénat proposait !

Cela dit, où se tiendront les juridictions interrégionales ? On n'en sait rien ! S'il doit y avoir une coordination entre égaux - je ne sais d'ailleurs pas laquelle - il serait normal alors que ce soit le plus ancien dans ce grade élevé qui exerce cette fonction et pas nécessairement celui qui se trouve par hasard à tel endroit plutôt qu'à tel autre.

En fait, monsieur le rapporteur, monsieur le garde des sceaux, vous n'avez proposé cette disposition ni l'un ni l'autre. M. le garde des sceaux ne l'a pas fait figurer dans le texte d'origine ; il n'en a pas fait mention en première lecture, que ce soit à l'Assemblée nationale ou au Sénat. Le Sénat ne l'a pas plus proposé en première lecture. Dans ces conditions, le moins que l'on puisse dire, est qu'elle ne s'impose pas.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 232 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er bis AA.

(L'article 1er bis AA est adopté.)

Art. 1er bis AA
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Art. 1er bis A

Article additionnel après l'article 1er bis AA

M. le président. L'amendement n° 152, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Après l'article 1er bis AA, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Après l'article 100-7 du code de procédure pénale, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - En cas d'interception, d'enregistrement et de transcription de correspondances émises par la voie des télécommunications selon les modalités prévues par les articles 100-1 et 100-3 à 100-7 dont l'une des parties au moins est avocat, le bâtonnier ou son délégué, qui doit être appelé par le magistrat instructeur, a seul le droit de prendre connaissance de ce ou de ces documents. Le bâtonnier ou son délégué peut s'opposer au versement au dossier de la procédure de l'un ou de ces documents, s'il estime que cette décision porterait atteinte au secret professionnel. Le ou les documents doivent alors être placés sous scellé fermé. Ces opérations font l'objet d'un procès-verbal mentionnant les objections du bâtonnier ou de son délégué, qui n'est pas joint au dossier de la procédure. Si d'autres correspondances ont été interceptées, enregistrées et transcrites sans soulever de contestation, ce procès-verbal est distinct de celui prévu par l'article 57. Ce procès-verbal ainsi que le ou les documents placés sous scellé fermé sont transmis sans délai au juge des libertés et de la détention, avec l'original ou une copie du dossier de la procédure.

« Dans les cinq jours de la réception de ces pièces, le juge des libertés et de la détention statue sur la contestation par ordonnance motivée non susceptible de recours.

« A cette fin, il entend le magistrat qui a ordonné l'interception, l'enregistrement et la transcription des correspondances et, le cas échéant, le procureur de la République, ainsi que l'avocat dont les propos ont été retranscrits et le bâtonnier ou son délégué. Il peut ouvrir le scellé en présence de ces personnes.

« S'il estime qu'il n'y a pas lieu de verser au dossier de la procédure le ou les documents, le juge des libertés et de la détention ordonne leur destruction immédiate, ainsi que la destruction du procès-verbal des opérations et, le cas échéant, la cancellation de toute référence à ce document ou à son contenu qui figurerait dans le dossier de la procédure.

« Dans le cas contraire, il ordonne le versement du scellé et du procès-verbal au dossier de la procédure. Cette décision n'exclut pas la possibilité ultérieure pour les parties de demander la nullité de l'interception, de l'enregistrement et de la transcription de correspondances émises par la voie des télécommunications devant, selon les cas, la juridiction de jugement ou la chambre de l'instruction. »

La parole est à M. Robert Badinter.

M. Robert Badinter. Cet amendement est lié au respect des droits de la défense. Il s'agit du cas, qui se posera inévitablement avec le développement des interceptions, où une conversation téléphonique entre la personne suspectée et son avocat est interceptée, cette fois-ci du côté de la personne suspectée. La situation est la même lorsque, au cours d'une perquisition, la police trouve une correspondance entre une personne suspectée et son avocat. Se pose alors, bien évidemment, la question du secret professionnel.

Dans cet amendement, nous proposons une solution très simple. La transcription des conversations interceptées serait soumise au bâtonnier, ou à son délégué, qui, après avoir pris connaissance du texte de cette interception, pourrait, au nom du secret professionnel et des droits de la défense, s'opposer à son utilisation.

Si le magistrat est d'accord, la question est réglée. Dans le cas où il y aurait divergence de vue, ce serait au juge des libertés et de la détention de se prononcer sur la possibilité ou non d'utiliser ces transcriptions.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Je rappellerai tout d'abord qu'actuellement les lignes téléphoniques des avocats ne peuvent être placées sur écoute que si le bâtonnier en est averti.

Le système que vous nous proposez, mon cher collègue, pourrait paraître intéressant, mais il serait tellement rigide dans son application qu'il engendrerait de grandes difficultés s'il était adopté. Il serait ainsi beaucoup plus rigide que le système d'écoutes des lignes téléphoniques des avocats. Il serait même beaucoup plus difficile à mettre en place que le système des perquisitions des cabinets d'avocats, qui, à ma connaissance, donne satisfaction.

Si nos textes doivent évoluer en ce sens, je pense qu'il faudra prévoir un dispositif beaucoup plus simple. En l'état, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour les mêmes raisons que la commission.

En effet, tel qu'il est rédigé, ce texte serait difficile à mettre en pratique. Il prévoit que seul le juge pourrait entendre une telle interception. Mais comment peut-on savoir à l'avance qu'il s'agit d'une conversation répondant aux critères requis ? Comment les choses vont-elles se passer si, au cours de l'écoute, l'on s'aperçoit qu'il s'agit d'une communication entre une personne suspectée et son avocat ? Il me semble que ce texte mériterait à tout le moins d'être approfondi avant de pouvoir être adopté.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'avoue que je ne comprends pas la position de la commission et du Gouvernement.

En effet, M. le garde des sceaux nous dit que, si l'avocat est écouté, le bâtonnier a été prévenu. Mais cela ne change rien ! Cela ne permet pas de savoir si, dans la conversation qui a été tenue, ce qui est dit par l'avocat ou à l'avocat est ou non couvert par le secret professionnel !

Par ailleurs, ce n'est pas forcément l'avocat qui est sur écoute ; ce peut être celui qui l'appelle. Là encore, il s'agit de savoir si la réponse qui est faite par l'avocat est ou non couverte par le secret professionnel.

Il y a donc des précautions à prendre, qui ne sont pas prises actuellement.

Je ferai remarquer que ce système est calqué sur une procédure qui existe d'ores et déjà pour la saisie de documents. Les dispositions en cause, prévues par l'article 56-1 du code de procédure pénale, n'ont pas été remises en cause par la loi du 15 juin 2000.

Selon cet article : « Les perquisitions dans le cabinet de l'avocat ou à son domicile ne peuvent être effectuées que par un magistrat et en présence du bâtonnier ou de son délégué. [...]

« Le bâtonnier ou son délégué peut s'opposer à la saisie d'un document à laquelle le magistrat a l'intention de procéder s'il estime que cette saisie serait irrégulière. Le document doit alors être placé sous scellé fermé. »

Vous nous dites, monsieur le rapporteur, qu'il faudra prévoir autre chose. On sait bien qu'il n'y aura rien de prévu si cet amendement n'est pas adopté ! En commission mixte paritaire, on nous proposera peut-être autre chose, mais pourquoi ne pas adopter maintenant cet amendement, qui est le décalque exact des dispositions prévues en matière de saisie de documents ?

Nous nous permettons d'insister en espérant vous avoir convaincus, mes chers collègues. Votre souci de préserver les droits de la défense devrait vous inciter, après avoir entendu ces explications complémentaires, à accepter ce dispositif dont, je le rappelle, nous n'avons pas la paternité.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 152.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnel après l'art. 1er bis  AA
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Art. 2

Article 1er bis A

Après l'article 15 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, il est inséré un article 15-1 ainsi rédigé :

« Art. 15-1. - Les services de police et de gendarmerie peuvent rétribuer toute personne étrangère aux administrations publiques qui leur a fourni des renseignements ayant amené directement soit la découverte de crimes ou de délits, soit l'identification des auteurs de crimes ou de délits.

« Les modalités de la rétribution de ces personnes sont déterminées par arrêté conjoint du ministre de la justice, du ministre de l'intérieur, du ministre de la défense et du ministre des finances. » - (Adopté.)

Section 2

Dispositions relatives à la répression de la délinquance

et de la criminalité organisées

Art. 1er bis A
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Art. 2 bis

Article 2

I à IV. - Non modifiés.

IV bis. - Dans le premier alinéa 224-3 du même code, les mots : « soit en bande organisée, soit » sont supprimés.

IV ter. - Il est inséré, après l'article 224-5 du même code, un article 224-5-2 ainsi rédigé :

« Art. 224-5-2. - Lorsque les infractions prévues par le premier alinéa de l'article 224-1 et par les articles 224-2 à 224-5 sont commises en bande organisée, les peines sont portées à 1 000 000 EUR d'amende et à :

« 1° Trente ans de réclusion criminelle si l'infraction est punie de vingt ans de réclusion criminelle ;

« 2° La réclusion criminelle à perpétuité si l'infraction est punie de trente ans de réclusion criminelle.

« Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables dans les cas prévus aux 1° et 2°. »

V, VI, VI bis et VII à XXI. - Non modifiés. - (Adopté.)

Art. 2
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Art. 2 quater

Article 2 bis

Après l'article 322-6 du code pénal, il est inséré un article 322-6-1 ainsi rédigé :

« Art. 322-6-1. - Le fait de diffuser par tout moyen, sauf à destination des professionnels, des procédés permettant la fabrication d'engins de destruction élaborés à partir de poudre ou de substances explosives, de matières nucléaires, biologiques ou chimiques, ou à partir de tout autre produit destiné à l'usage domestique, industriel ou agricole, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 EUR d'amende.

« Les peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et à 45 000 EUR d'amende lorsqu'il a été utilisé, pour la diffusion des procédés, un réseau de télécommunication à destination d'un public non déterminé. »

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Modifier comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 322-6-1 du code pénal :

« 1° Dans le premier alinéa, remplacer les mots : "d'un an d'emprisonnement et de 15 000 EUR" par les mots : "de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 EUR" ;

« 2° Dans le second alinéa, remplacer les mots : "trois ans d'emprisonnement et à 45 000 EUR" par les mots : "cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 EUR". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. En première lecture, le Sénat, sur l'iniatiative du groupe socialiste, a aggravé les peines prévues par le projet de loi à l'encontre de ceux qui diffusent des moyens de fabrication de bombes.

L'Assemblée nationale a refusé cette aggravation, qui paraît pourtant de bon sens. Le présent amendement rétablit le texte adopté par le Sénat en première lecture.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2 bis, modifié.

(L'article 2 bis est adopté.)

Art. 2 bis
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Art. additionnel après l'art.  2 quater

Article 2 quater

Le dernier alinéa de l'article 706-25-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Dans la première phrase, les mots : « au délit mentionné » sont remplacés par les mots : « aux délits mentionnés » ;

2° Dans la dernière phrase, les mots : « ce délit » sont remplacés par les mots : « ces délits ». - (Adopté.)

Art. 2 quater
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Art. 2 quinquies

Article additionnel après l'article 2 quater

M. le président. L'amendement n° 289, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après l'article 2 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Au dernier alinéa de l'article 706-17 du code de procédure pénale, les mots : "et à l'article 421-2-2" sont remplacés par les mots : "et aux articles 421-2-2 et 421-2-3". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Le délit de non-justification de ressources est issu de la loi du 18 mars 2003 relative au terrorisme. Celle-ci n'avait pas prévu d'instaurer ce nouveau délit dans l'article 706-17 dans ses dispositions issues de la loi du 15 novembre 2001. Il s'agit donc d'un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 289.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2 quater.

Art. additionnel après l'art.  2 quater
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Art. 3

Article 2 quinquies

Dans le dernier alinéa de l'article 3 de la loi du 19 juin 1871 précitée, les mots : « toute autre substance destinée à entrer dans la composition d'un » sont remplacés par les mots : « tout autre élément ou substance destinés à entrer dans la composition d'un engin ». - (Adopté.)

Art. 2 quinquies
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Art. 4

Article 3

I et II. - Non modifiés.

II bis. - Après l'article 706-63 du code de procédure pénale, il est inséré un titre XXI bis ainsi rédigé :

« TITRE XXI bis

« PROTECTION DES PERSONNES BÉNÉFICIANT D'EXEMPTIONS OU DE RÉDUCTIONS DE PEINES POUR AVOIR PERMIS D'ÉVITER LA RÉALISATION D'INFRACTIONS, DE FAIRE CESSER OU D'ATTÉNUER LE DOMMAGE CAUSÉ PAR UNE INFRACTION OU D'IDENTIFIER LES AUTEURS OU COMPLICES D'INFRACTIONS

« Art. 706-63-1. - Les personnes mentionnées à l'article 132-78 du code pénal font l'objet, en tant que de besoin, d'une protection destinée à assurer leur sécurité. Elles peuvent également bénéficier de mesures destinées à assurer leur réinsertion.

« En cas de nécessité, ces personnes peuvent être autorisées, par ordonnance motivée rendue par le président du tribunal de grande instance, à faire usage d'une identité d'emprunt.

« Le fait de révéler l'identité d'emprunt de ces personnes est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 EUR d'amende. Lorsque cette révélation a causé, directement ou indirectement, des violences, coups et blessures à l'encontre de ces personnes ou de leurs conjoint, enfants et ascendants directs, les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 EUR d'amende. Les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 150 000 EUR d'amende lorsque cette révélation a causé, directement ou indirectement, la mort de ces personnes ou de leurs conjoint, enfants et ascendants directs.

« Les mesures de protection et de réinsertion sont définies, sur réquisitions du procureur de la République, par une commission nationale dont la composition et les modalités de fonctionnement sont définies par décret en Conseil d'Etat. Cette commission fixe les obligations que doit respecter la personne et assure le suivi des mesures de protection et de réinsertion, qu'elle peut modifier ou auxquelles elle peut mettre fin à tout moment. En cas d'urgence, les services compétents prennent les mesures nécessaires et en informent la commission nationale dans les meilleurs délais.

« Les dispositions du présent article sont également applicables aux membres de la famille et aux proches des personnes mentionnées à l'article 132-78 du code pénal. »

III à XVI. - Non modifiés.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 153 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

L'amendement n° 233 est présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 8, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après les mots : "et en informent", rédiger comme suit la fin de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le paragraphe II bis de cet article pour l'article 706-63-1 du code de procédure pénale : "sans délai la commission nationale". »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 153.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit ici des exemptions ou des réductions de peines pour ceux qu'on appelle les « repentis ».

Ce système a fonctionné en Italie de la manière que l'on sait, provoquant quantité de scandales. Nous y sommes totalement opposés : la justice doit être sereine.

Que les juridictions tiennent compte de cette notion de repenti, soit, mais que la loi elle-même prévoie l'atténuation, voire l'exemption de peine pour des gens qui sont eux-mêmes des délinquants ou des criminels, cela ne semble pas acceptable au regard de l'éthique. C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 3.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour défendre l'amendement n° 233.

Mme Josiane Mathon. Mon groupe ne peut adhérer à cette conception de la justice que véhicule le système des repentis.

Sous le titre pompeux de « protection des personnes bénéficiant d'exemptions ou de réductions de peines pour avoir permis d'éviter la réalisation d'infractions, de faire cesser ou d'atténuer le dommage causé par une infraction ou d'identifier les auteurs ou complices d'infractions », se cache une réalité qui satisfait d'autant moins aux exigences du procès pénal qu'elle s'appliquera à une multitude d'infractions.

On ne cesse de nous répéter que cette disposition existe déjà dans notre droit pénal. C'est vrai, à titre strictement dérogatoire puisque seules les infractions de terrorisme ou de trafic de stupéfiants sont concernées. Il s'agit donc, dans notre droit actuel, de réserver le système des repentis aux crimes les plus graves.

Tel n'est pas le sens du présent projet de loi, qui permet une application de ce système à un très grand nombre d'infractions, nous ne cesserons de le rappeler, puisqu'il pourra être mis en oeuvre dès lors que deux personnes commettent ensemble un acte de délinquance.

C'est pourquoi l'invocation de l'exemple italien n'est absolument pas pertinente. Ainsi que vous l'avez vous-même souligné à plusieurs reprises, monsieur le ministre, notre voisin transalpin a, en effet, dû faire face à une situation extraordinairement difficile en matière de criminalité, avec des phénomènes mafieux qui n'ont pas leur équivalent dans notre pays.

C'est ainsi que le donnant-donnant est érigé au rang de mode normal de règlement des infractions pénales !

Encore faut-il, d'ailleurs, avoir quelque chose à échanger, ce qui revient à dire que les exemptions et réductions de peines ne concerneront que les personnes sur lesquelles pèsent les charges les plus lourdes. En d'autre termes, les lampistes risqueront d'être condamnés plus fortement que les auteurs principaux des infractions susvisées.

Un tel système ne va pas non plus dans le sens de la transparence voulue par les victimes. Non seulement la négociation de la peine ne permet pas de faire la lumière sur l'ensemble de l'affaire, mais elle peut conduire à faire l'économie d'un procès que l'on sait pourtant indispensable à la reconstruction des victimes.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 8 et donner l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s 153 et 233.

M. François Zocchetto, rapporteur. Le Sénat a prévu la création d'une commission nationale chargée de définir les mesures de protection dont bénéficient les personnes acceptant de coopérer avec la justice. L'Assemblée nationale a accepté cette innovation. Elle a prévu qu'en cas d'urgence les services compétents prennent les mesures nécessaires et en informent la commission nationale dans les meilleurs délais. Une information « sans délai » nous paraît préférable.

S'agissant des amendements tendant à supprimer l'article 3, la commission y est défavorable, car elle estime que ces dispositions sont très utiles dans la mesure où elles peuvent aider au démantèlement de réseaux criminels en incitant les personnes poursuivies à coopérer avec la justice.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Pour les mêmes raisons que la commission, le Gouvernement est défavorable aux amendements n°s 153 et 233. Quant à l'amendement n° 8 et au choix entre « sans délai » et « dans les meilleurs délais », je m'en remets à la sagesse du Sénat.

A titre personnel, je serais tenté de suggérer que, lorsqu'il s'agit de la transmission de pièces ou d'actes de procédure simples, on en reste à la formulation retenue par l'Assemblée nationale, à savoir « dans les meilleurs délais », car le fait d'attendre quelque peu ne peut avoir que des conséquences relativement limitées, mais que, en revanche, lorsqu'il s'agit notamment de défendre des libertés, par exemple en matière de garde à vue, la formulation proposée par le Sénat, « sans délai », soit préférée.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 153 et 233.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Art. 3
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Art. 5

Article 4

Après l'article 434-7-1 du code pénal, il est inséré un article 434-7-2 ainsi rédigé :

« Art. 434-7-2. - Sans préjudice des droits de la défense, le fait, pour toute personne qui, du fait de ses fonctions, a connaissance, en application des dispositions du code de procédure pénale, d'informations issues d'une enquête ou d'une instruction en cours concernant un crime ou un délit, de révéler, directement ou indirectement, ces informations à des personnes susceptibles d'être impliquées, comme auteurs, coauteurs, complices ou receleurs, dans la commission de ces infractions, lorsque cette révélation a pour objet ou pour effet d'entraver le déroulement des investigations ou la manifestation de la vérité, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 EUR d'amende. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 154, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 9, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans le texte proposé par cet article pour l'article 434-7-2 du code pénal, après les mots : "a pour objet", supprimer les mots : "ou pour effet". »

La parole est à M. Robert Badinter, pour présenter l'amendement n° 154.

M. Robert Badinter. Nous retrouvons ici les questions qui ont trait à la protection du secret professionnel.

Aux termes de l'article 226-13 du code pénal, tous ceux qui, ayant à titre professionnel accès aux informations issues d'une enquête ou d'une instruction les divulgueraient alors qu'elles sont couvertes par le secret, encourent des sanctions pénales.

Je ne vois donc pas en quoi l'article 4 apporte une précision utile, d'autant qu'il commence par la formule : « Sans préjudice des droits de la défense ». Or il n'est jamais bon d'inscrire dans le code pénal des dispositions qui ne sont pas strictement nécessaires.

Au demeurant, si cet article devait être maintenu, il faudrait supprimer les mots « ou pour effet » et s'en tenir à la rédaction suivante : « lorsque cette révélation a pour objet d'entraver... »

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 9 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 154.

M. François Zocchetto, rapporteur. L'amendement n° 154 vise à supprimer l'article 4 du projet de loi, qui tend à sanctionner la révélation d'informations conduisant à entraver le déroulement de la procédure pénale.

Le Sénat a beaucoup amélioré cette disposition, en prévoyant qu'elle ne s'appliquerait que « sans préjudice des droits de la défense » et en précisant que la révélation d'informations devrait avoir pour objet d'entraver la procédure.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Au reste, M. Badinter devrait obtenir satisfaction avec l'adoption de notre amendement n° 9, puisque nous proposons de revenir au texte du Sénat en prévoyant que l'infraction ne sera constituée que si la divulgation d'informations a pour objet d'entraver le cours de la justice.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 154. Nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer ce sujet en première lecture : je pense que cet article 4 n'est pas du tout superfétatoire.

Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 9.

Le texte auquel était parvenue l'Assemblée nationale après la première lecture au Sénat était équilibré et représentait un bon compromis. Cet article, tel qu'il est rédigé, tend à responsabiliser l'ensemble des protagonistes de l'enquête.

Le fait de supprimer les mots : « ou pour effet », ce qui reviendrait à exiger que la révélation ait pour but d'entraver le déroulement des investigations ou la manifestation de la vérité, rendrait le dispositif très peu efficace : il faudrait à chaque fois demander s'il y a eu effectivement intention de nuire aux investigations et à la manifestation de la vérité.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 154.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 9.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. M. le garde des sceaux vient de défendre la rédaction de l'Assemblée nationale, qui ne figurait, il faut le rappeler, ni dans le projet initial ni dans le texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale.

Selon lui, l'intention - « pour objet » - ou le résultat - « pour effet » -, c'est la même chose ! Mais nous sommes en matière pénale : il faut qu'il y ait eu une intention coupable pour qu'une personne soit punissable ! Si l'on se met à punir des gens qui n'ont pas d'intention coupable, on n'est plus dans le droit pénal ! C'est pourquoi les membres du groupe socialiste soutiennent l'amendement de la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Section 3

Dispositions diverses

Art. 4
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. 6

Article 5

I. - Les trois derniers alinéas de l'article 63-4 du code de procédure pénale sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Si la personne est gardée à vue pour une infraction mentionnée aux 4°, 6°, 7°, 8°, 8° bis et 11° de l'article 706-73, l'entretien avec un avocat ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de quarante-huit heures. Si elle est gardée à vue pour une infraction mentionnée aux 3° et 9° du même article, l'entretien avec un avocat ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de soixante-douze heures. Le procureur de la République est avisé de la qualification des faits retenue par les enquêteurs dès qu'il est informé par ces derniers du placement en garde à vue. »

I bis, II, III et III bis. - Non modifiés.

III ter. - L'article 4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est ainsi modifié :

1° A la fin de la première phrase du dernier alinéa du V, les mots : « chargé de l'instruction » sont remplacés par les mots : « d'instruction du lieu d'exécution de la mesure » ;

2° La dernière phrase du dernier alinéa du V est supprimée ;

3° Il est complété par un VII ainsi rédigé :

« VII. - Les dispositions de l'article 706-88 du code de procédure pénale sont applicables au mineur de plus de seize ans au moment de la mesure. »

IV. - Non modifié.

V. - Dans l'article 865 du même code, les mots : « aux articles 706-23 et 706-29 » sont remplacés par les mots : « à l'article 706-88 ».

VI. - L'article 866 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 866. - Le premier alinéa de l'article 706-98 est ainsi rédigé :

« En cas d'information ouverte pour l'une des infractions entrant dans le champ d'application des articles 706-73 et 706-74 et afin de garantir le paiement des amendes encourues, ainsi que, le cas échéant, l'indemnisation des victimes et l'exécution de la confiscation, le président du tribunal d'instance ou un juge délégué par lui, sur requête du procureur de la République, peut ordonner, aux frais avancés du Trésor, et selon les modalités prévues par les procédures civiles d'exécution, des mesures conservatoires sur les biens, meubles ou immeubles, divis ou indivis, de la personne mise en examen. »

VII. - Dans le VI de l'article 28-1 du même code, les mots : « , 706-29 et 706-32 » sont remplacés par les mots : « et 706-81 à 706-88 ».

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 155, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 10, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« A la fin de la première phrase du second alinéa du paragraphe I de cet article, remplacer les mots : "quarante-huit heures" par les mots : "trente-six heures". »

L'amendement n° 234, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Supprimer le texte proposé par le 3° du III ter de cet article pour compléter l'article 4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante. »

L'amendement n° 11, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le second alinéa du 3° du paragraphe III ter de cet article :

« VII. - Les dispositions de l'article 706-88 du code de procédure pénale, à l'exception de celles de la deuxième phrase de son dernier alinéa, sont applicables au mineur de plus de seize ans lorsqu'il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'une ou plusieurs personnes majeures ont participé, comme auteurs ou complices, à la commission de l'infraction. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 155.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il faut le dire et le répéter : les conditions de la garde à vue sont, en France, scandaleuses.

Mes chers collègues, depuis la loi du 15 juin 2000, vous avez la possibilité de visiter, dans les gendarmeries, les commissariats de vos villes ou de vos villages, les locaux de garde à vue. J'espère que nombre d'entre vous ont eu la curiosité de le faire. Vous aurez constaté que, même dans les commissariats les plus modernes, le local de garde à vue est borgne, souvent sale et toujours seulement équipé d'une simple planche de bois.

Vous le savez tous, dans de nombreuses affaires, des aveux erronés ont pu être obtenus pendant la garde à vue. On a vu, grâce à la concurrence qui existait naguère entre la gendarmerie et la police, mais qui n'existe plus maintenant, les gendarmes faire la preuve que les aveux obtenus par les policiers ou les policiers faire la preuve que les aveux obtenus par les gendarmes n'étaient pas justifiés. Vous avez tous eu connaissance de ces situations.

La garde à vue, ne nous lassons jamais de le répéter, correspond au temps nécessaire pour conduire l'intéressé, à partir du moment où il a été arrêté, devant un juge. C'est un principe constant, qui prévaut dans de très nombreux pays et que la Grande-Bretagne a inauguré.

Par la suite, la garde à vue a servi aussi à autre chose : lorsque, comme l'a rappelé M. Badinter, on a accepté la présence de l'avocat dans le cabinet du juge d'instruction, puisque les personnes étaient interrogées en présence d'un avocat, il a été décidé qu'on pouvait les placer en garde à vue, et cela pendant vingt-quatre heures. Or vingt-quatre heures, c'est déjà beaucoup !

Vous avez admis, d'abord en matière de stupéfiants, puis en matière de terrorisme, que la garde à vue pouvait durer un temps extrêmement long.

Et, aujourd'hui, vous acceptez que soit appliquée une garde à vue extrêmement longue à toutes les personnes relevant de cette procédure particulière.

Certains, y compris parmi nous, ont eu à subir, il y a peu, la garde à vue. Or, bien que présumés innocents et, j'en suis convaincu, innocents, ils ont été traités comme des coupables. Pourtant, ils n'ont pas été gardés pendant quatre-vingt-douze heures !

Rendez-vous bien compte : quatre-vingt-douze heures ! Cela n'est pas possible ! Je vous demande de vous reprendre et de ne pas l'accepter. Ce n'est pas ainsi qu'on doit obtenir des aveux, qu'on doit enquêter.

Si l'intéressé, après avoir été déféré au juge d'instruction, est mis en prison, le juge d'instruction poursuivra son enquête, interrogera les témoins, procédera aux confrontations. On pourra ainsi savoir ce qu'il en est dans des conditions normales.

Plus l'affaire est grave, plus les intéressés, parce qu'ils peuvent être innocents, ont besoin de garanties, afin que personne ne puisse mettre en cause la justice qui est rendue dans notre pays, lequel doit être un modèle en la matière.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons de ne pas accepter ces extensions de la garde à vue et de laisser, pour l'instant, le droit dans son état actuel, c'est-à-dire celui qui s'applique - à mon avis, à tort - dans le cas de terrorisme et de trafic de stupéfiants. Nous vous demandons de ne pas l'étendre à d'autres sortes d'affaires, y compris aux cas d'associations qui viendraient en aide à des immigrés.

Même s'agissant des autres affaires, n'oubliez ni la présomption d'innocence ni les conséquences de la « religion des aveux ». Tenez compte des expériences et votez notre amendement de suppression.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 10.

M. François Zocchetto, rapporteur. Nous sommes évidemment défavorables à la suppression de l'article 5 parce que nous estimons que les dispositions qui y sont prévues, que nous avions déjà sensiblement modifiées en première lecture et sur lesquelles je vais vous proposer de nouveaux amendements,...

M. René Garrec, président de la commission, des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Sont indispensables !

M. François Zocchetto, rapporteur. ... sont en effet indispensables.

L'amendement n° 10 vise à revenir au texte adopté par le Sénat en première lecture afin que la personne gardée à vue dans le cadre des dispositions relatives à la lutte contre la grande criminalité puisse bénéficier d'un premier entretien avec un avocat à partir de la trente-sixième heure, alors que l'Assemblée nationale a prévu que ce premier entretien se ferait à la quarante-huitième heure. Il a même été proposé, à l'Assemblée nationale, qu'il se fasse à la soixante-douzième heure.

Nous avons eu de longues discussions sur ce sujet et le dispositif proposé par la commission me paraît équilibré.

M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l'amendement n° 234.

M. Robert Bret. Nous nous opposons à cette disposition introduite en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, sur la suggestion de M. Warsmann, visant à étendre l'application des dispositions permettant d'allonger jusqu'à quatre-vingt-seize heures la durée de la garde à vue des mineurs de seize à dix-huit ans pour l'ensemble des infractions relevant du concept, particulièrement extensif, de la criminalité organisée.

Cette disposition nous semble particulièrement grave et nous conforte dans le sentiment que, depuis plusieurs années, par effet de grignotage, par petites touches, ici et là, on tente d'en finir avec l'ordonnance de 1945 et avec l'idée d'une justice spécifique pour les mineurs.

Ces attaques ne sont pas nouvelles. Elles ont été officialisées, lors de la discussion en première lecture du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne, par une droite sénatoriale saisie d'une « sécurité effrénée » : on se souvient des dispositions tendant à instituer les couvre-feux pour les mineurs, à recommander la mise en détention provisoire des mineurs de seize ans, à proposer d'abaisser la responsabilité pénale aux mineurs âgés de dix ans.

Si la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs avait paru appréhender la question sous un angle plus modéré et plus large, en posant des questions essentielles telles que le rôle de l'école ou le soutien à la parentalité, on observe que les seules réformes opérées depuis ont consisté à aggraver le dispositif répressif et à récuser l'idée de la nécessité d'une justice adaptée à la situation des mineurs : la comparution à délais rapprochés ou la création de centres fermés ont été les réponses apportées par le Gouvernement.

La situation est telle que le président et le rapporteur de la commission d'enquête sont contraints aujourd'hui de déposer des amendements tendant à reprendre une proposition de loi adoptée unanimement au Sénat visant à faire du juge des enfants le juge de l'application des peines, car cette disposition n'a pas été inscrite par le Gouvernement à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Il faut se rappeler que, dans le même temps, le projet de loi relatif à la décentralisation tend à remettre en cause l'unité de la justice des mineurs en confiant au seul département la maîtrise des mesures d'assistance éducative.

C'est à la lumière de ce contexte qu'il convient d'examiner les présentes dispositions, qui - il faut le dire - apparaissent en sérieux recul par rapport aux textes internationaux que la France a ratifiés, notamment eu égard à la Convention internationale des droits de l'enfant.

Il convient également de rappeler, monsieur le ministre, alors que vous vous êtes déclaré particulièrement favorable à cette disposition à l'Assemblée nationale, que le Conseil de l'Europe, dans un avis de septembre 2003, a préconisé de limiter l'emprisonnement des mineurs.

On nous explique que des mineurs font partie de bandes organisées. Mais la garde à vue pour les mineurs est déjà possible dès l'âge de treize ans. Par ailleurs, et dès lors que des éléments suffisants existent, il est possible d'inculper le mineur et de le placer sous contrôle judiciaire. Le recours à une durée extraordinaire de garde à vue n'est donc nullement nécessaire.

La commission des lois nous propose de limiter le dispositif au cas où des majeurs seraient également impliqués. En réalité - et je regrette de le dire parce que je salue en l'espèce l'effort de modération de M. le rapporteur, qui préconise également de maintenir l'intervention de l'avocat dès la première heure de garde à vue -, cette disposition ne constitue pas un réel garde-fou : il est en effet rarissime qu'une affaire de criminalité organisée mette exclusivement en cause des mineurs.

C'est pourquoi nous demandons au Sénat de supprimer cette disposition, qui remet profondément en cause les principes directeurs de l'ordonnance de 1945.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 11 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 234.

M. François Zocchetto, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 234. J'espérais pouvoir rassurer et satisfaire M. Bret avec l'amendement n° 11 que je vais exposer, mais, par anticipation, il a dit qu'il ne lui convenait pas.

L'Assemblée nationale a considéré que le nouveau régime de garde à vue en matière de criminalité organisée serait entièrement applicable aux mineurs de seize à dix-huit ans. Cette solution a paru vraiment excessive à la commission des lois. En effet, elle aurait pour conséquence non seulement de permettre des gardes à vue de quatre jours pour des mineurs dans un grand nombre de domaines, mais aussi de retarder la venue de l'avocat à la trente-sixième heure, voire dans certains cas à la soixante-douzième heure, alors qu'il n'existe actuellement aucune exception à la venue de l'avocat dès le début de la garde à vue pour les mineurs.

L'amendement n° 11 vise à prévoir, pour tous les mineurs placés en garde à vue, un entretien avec un avocat dès le début de la garde à vue, quelle que soit l'infraction en cause, comme c'est le cas aujourd'hui.

Il tend par ailleurs à ce que la garde à vue de quatre jours ne soit applicable aux mineurs de seize à dix-huit ans que dans les affaires où sont impliqués à la fois des majeurs et des mineurs.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 155, dont nous avons eu l'occasion de parler longuement.

Sur l'amendement n° 10 - c'est aussi une manière de répondre sur l'amendement n° 155 -, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

Je voudrais rappeler brièvement l'historique de ce débat. En effet, sous réserve des règles applicables en matière de terrorisme ou de trafic de stupéfiants - l'intervention de l'avocat à la soixante-douzième heure - que ni l'Assemblée nationale ni le Sénat ne souhaitent modifier, il existe entre les deux chambres une divergence sur le moment de la première intervention de l'avocat en garde à vue pour les faits de criminalité et de délinquance organisée les plus graves.

Comment les choses se sont-elles déroulées ? En première lecture, l'Assemblée nationale a prévu cette intervention à la soixante-douzième heure de garde de vue, le Sénat, en première lecture, la fixant ensuite à la trente-sixième heure, comme c'est le cas actuellement, mais pour une garde à vue de deux jours maximum.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale, tenant compte de la position du Sénat, a fixé cette intervention à la quarante-huitième heure, c'est-à-dire au moment où commence la garde à vue exceptionnelle décidée par le juge des libertés et de la détention, le Gouvernement ayant alors émis un avis favorable.

La commission des lois du Sénat propose maintenant d'en revenir à l'intervention de l'avocat à la trente-sixième heure de garde à vue.

Deux cohérences possibles sont donc proposées. Pour ma part, je m'en remets à la sagesse du Sénat. Je souhaitais néanmoins retracer l'évolution d'une partie importante du texte pour préparer le débat qui ne manquera pas d'avoir lieu, si le Sénat suit sa commission des lois, devant la commission mixte paritaire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 155.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 234.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il faut être reconnaissant au Sénat, au Gouvernement et à l'Assemblée nationale de s'être limités, pour les mineurs, à l'âge de seize ans ! (Oui ! sur les travées du groupe CRC.)

Il n'y a en effet pas de raison de s'arrêter...

M. Robert Bret. On aurait pu craindre pire...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pourquoi pas quinze ans, quatorze ans, voire treize ans, car Dieu sait si, aujourd'hui, les enfants commencent tôt à ne plus l'être !

Evidemment, comme vous le voyez bien, je feins de plaisanter sur un sujet qui ne s'y prête guère.

J'ai rappelé ce qu'est la garde à vue. Par-dessus le marché, ici, vous acceptez une telle disposition, alors qu'elle n'était nullement proposée ni dans le projet de loi d'origine, ni dans le texte de l'Assemblée nationale de première lecture, ni dans le texte du Sénat de première lecture, et qu'elle est apparue pour la première fois à l'Assemblée nationale en deuxième lecture. Vous dites : mais après tout, il n'y a pas de raison de s'arrêter à l'âge, et traitons les mineurs de seize ans comme tout le monde : quatre-vingt-douze heures en garde à vue !

Enfin, ce n'est pas sérieux ! Nous vous avons bien expliqué que, dans notre pays, l'habitude veut que les enfants soient traités de manière spécifique. Il faut donc continuer à leur appliquer l'ordonnance de 1945. On doit les traiter en mineurs, même si l'on suppose, en n'oubliant pas la présomption d'innocence, qu'ils ont peut-être une culpabilité dans telle ou telle affaire.

Voilà pourquoi nous voterons avec détermination l'amendement n° 234. Il serait bon tout de même que la majorité du Sénat ne soit pas une majorité automatique.

M. Gérard Braun. Symptomatique ? Qu'est-ce que cela veut dire exactement ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non, automatique !

M. Gérard Braun. Ah !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Notre collègue avait cru entendre « symptomatique », et il ne comprenait pas ; mais si je lui dis « automatique », il comprend très bien, et il se contente de cette explication, qui le rassure !

Nous aimerions, nous, pour la dignité et de nos débats et du Sénat que la majorité ne soit pas automatique et qu'elle le démontre en votant l'amendement n° 234.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 234.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Guy Fischer.)

PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion en deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 6.

Chapitre II

Dispositions concernant la lutte

contre la délinquance

et la criminalité internationales

Art. 5
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. 6 bis

Article 6

I. - Le titre X du livre IV du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« TITRE X

« DE L'ENTRAIDE JUDICIAIRE INTERNATIONALE

« Chapitre Ier

« Dispositions générales

« Section 1

« Transmission et exécution

des demandes d'entraide

« Art. 694 à 694-2. - Non modifiés.

« Art. 694-3. - Les demandes d'entraide émanant des autorités judiciaires étrangères sont exécutées selon les règles de procédure prévues par le présent code.

« Toutefois, si la demande d'entraide le précise, elle est exécutée selon les règles de procédure expressément indiquées par les autorités compétentes de l'Etat requérant, à condition, sous peine de nullité, que ces règles ne réduisent pas les droits des parties ou les garanties procédurales prévus par le présent code. Lorsque la demande d'entraide ne peut être exécutée conformément aux exigences de l'Etat requérant, les autorités compétentes françaises en informent dans les meilleurs délais les autorités de l'Etat requérant et indiquent dans quelles conditions la demande pourrait être exécutée. Les autorités françaises compétentes et celles de l'Etat requérant peuvent ultérieurement s'accorder sur la suite à réserver à la demande, le cas échéant, en la subordonnant au respect desdites conditions.

« L'irrégularité de la transmission de la demande d'entraide ne peut constituer une cause de nullité des actes accomplis en exécution de cette demande.

« Art. 694-4. - Si l'exécution d'une demande d'entraide émanant d'une autorité judiciaire étrangère est de nature à porter atteinte à l'ordre public ou aux intérêts essentiels de la Nation, le procureur de la République saisi de cette demande ou avisé de cette demande en application du troisième alinéa de l'article 694-1 la transmet au procureur général qui détermine, s'il y a lieu, d'en saisir le ministre de la justice et donne, le cas échéant, avis de cette transmission au juge d'instruction.

« S'il est saisi, le ministre de la justice informe l'autorité requérante, le cas échéant, de ce qu'il ne peut être donné suite, totalement ou partiellement, à sa demande. Cette information est notifiée à l'autorité judiciaire concernée et fait obstacle à l'exécution de la demande d'entraide ou au retour des pièces d'exécution.

« Section 2

« Dispositions applicables

à certains types de demande d'entraide

« Art. 694-5 à 694-9. - Non modifiés.

« Chapitre II

« Dispositions propres à l'entraide

entre la France et les autres Etats membres

de l'Union européenne

« Art. 695. - Non modifié.

« Section 1

« Transmission

et exécution des demandes d'entraide

« Art. 695-1. - Non modifié.

« Section 2

« Des équipes communes d'enquête

« Art. 695-2 et 695-3. - Non modifiés.

« Section 3

« De l'unité Eurojust

« Art. 695-4 à 695-7. - Non modifiés.

« Section 4

« Du représentant national auprès d'Eurojust

« Art. 695-8 et 695-9. - Non modifiés.

« Chapitre III

« Dispositions propres à l'entraide

entre la France et certains Etats

« Art. 695-10. - Non modifié.

« Chapitre IV

« Du mandat d'arrêt européen

et des procédures de remise entre Etats membres

résultant de la décision-cadre

du Conseil de l'Union européenne

du 13 juin 2002

« Section 1

« Dispositions générales

« Art. 695-11 et 695-12. - Non modifiés.

« Art. 695-13. - Tout mandat d'arrêt européen contient les renseignements suivants :

« - l'identité et la nationalité de la personne recherchée ;

« - la désignation précise et les coordonnées complètes de l'autorité judiciaire dont il émane ;

« - l'indication de l'existence d'un jugement exécutoire, d'un mandat d'arrêt ou de toute autre décision judiciaire ayant la même force selon la législation de l'Etat membre d'émission et entrant dans le champ d'application des articles 695-12 et 695-23 ;

« - la nature et la qualification juridique de l'infraction, notamment au regard de l'article 695-23 ;

« - la date, le lieu et les circonstances dans lesquels l'infraction a été commise ainsi que le degré de participation à celle-ci de la personne recherchée ;

« - la peine prononcée, s'il s'agit d'un jugement définitif, ou les peines prévues pour l'infraction par la loi de l'Etat membre d'émission ainsi que, dans la mesure du possible, les autres conséquences de l'infraction.

« Art. 695-14. - Non modifié.

« Art. 695-14-1. - Lorsque la personne recherchée se trouve en un lieu connu sur le territoire d'un autre Etat membre, le mandat d'arrêt européen peut être adressé directement à l'autorité judiciaire d'exécution, par tout moyen laissant une trace écrite, dans des conditions permettant à cette autorité d'en vérifier l'authenticité.

« Dans les autres cas, la transmission d'un mandat d'arrêt européen peut s'effectuer soit par la voie du Système d'information Schengen, soit par le biais du système de télécommunication sécurisé du Réseau judiciaire européen, soit, s'il n'est pas possible de recourir au Système d'information Schengen, par la voie de l'Organisation internationale de police criminelle (Interpol) ou par tout autre moyen laissant une trace écrite et dans des conditions permettant à l'autorité judiciaire d'exécution d'en vérifier l'authenticité.

« Un signalement dans le Système d'information Schengen, accompagné des informations prévues à l'article 695-13, vaut mandat d'arrêt européen.

« A titre transitoire, jusqu'au moment où le Système d'information Schengen aura la capacité de transmettre toutes les informations visées à l'article 695-13, le signalement vaut mandat d'arrêt européen en attendant l'envoi de l'original.

« Section 2

« Dispositions relatives

à l'émission d'un mandat d'arrêt européen

par les juridictions françaises

« Paragraphe 1er. - Conditions d'émission du mandat d'arrêt européen.

« Art. 695-15. - Le ministère public près la juridiction qui a statué ou celui dans le ressort duquel la peine privative de liberté est en cours d'exécution est compétent pour assurer, sous la forme d'un mandat d'arrêt européen, l'exécution des mandats d'arrêt décernés par les juridictions d'instruction, de jugement ou d'application des peines, selon les règles et sous les conditions déterminées par les articles 695-12 à 695-14-1.

« Le ministère public est également compétent pour assurer, sous la forme d'un mandat d'arrêt européen, l'exécution des peines privatives de liberté d'une durée supérieure ou égale à quatre mois prononcées par les juridictions de jugement, selon les règles et sous les conditions déterminées par les articles 695-12 à 695-14-1.

« Art. 695-16. - Lorsque le ministère public a été informé de l'arrestation de la personne recherchée, il adresse, dans les meilleurs délais, au ministre de la justice une copie du mandat d'arrêt transmis à l'autorité judiciaire de l'Etat membre d'exécution.

« Paragraphe 2. - Effets du mandat d'arrêt européen.

« Art. 695-17. - Lorsque le ministère public qui a émis le mandat d'arrêt européen a obtenu la remise de la personne recherchée, celle-ci ne peut être poursuivie, condamnée ou détenue en vue de l'exécution d'une peine privative de liberté pour un fait quelconque antérieur à la remise et autre que celui qui a motivé cette mesure, sauf dans l'un des cas suivants :

« 1° Lorsque la personne a renoncé expressément, en même temps qu'elle a consenti à sa remise, au bénéfice de la règle de la spécialité dans les conditions prévues par la loi de l'Etat membre d'exécution ;

« 2° Lorsque la personne renonce expressément, après sa remise, au bénéfice de la règle de la spécialité dans les conditions prévues à l'article 695-18 ;

« 3° Lorsque l'autorité judiciaire de l'Etat membre d'exécution, qui a remis la personne, y consent expressément ;

« 4° Lorsque, ayant eu la possibilité de le faire, la personne recherchée n'a pas quitté le territoire national dans les quarante-cinq jours suivant sa libération définitive, ou si elle y est retournée volontairement après l'avoir quitté ;

« 5° Lorsque l'infraction n'est pas punie d'une peine d'emprisonnement.

« Art. 695-18. - Pour le cas visé au 2° de l'article 695-17, la renonciation est donnée devant la juridiction d'instruction, de jugement ou d'application des peines dont la personne relève après sa remise et a un caractère irrévocable.

« Lors de la comparution de la personne remise, la juridiction compétente constate l'identité et recueille les déclarations de cette personne. Il en est dressé procès-verbal. L'intéressé, assisté le cas échéant de son avocat et, s'il y a lieu, d'un interprète, est informé des conséquences juridiques de sa renonciation à la règle de la spécialité sur sa situation pénale et du caractère irrévocable de la renonciation donnée.

« Si, lors de sa comparution, la personne remise déclare renoncer à la règle de la spécialité, la juridiction compétente, après avoir entendu le ministère public et l'avocat de la personne, en donne acte à celle-ci. La décision précise les faits pour lesquels la renonciation est intervenue.

« Art. 695-19. - Pour les cas visés au 3° des articles 695-17 et 695-20, la demande de consentement est adressée par le ministère public à l'autorité judiciaire de l'Etat membre d'exécution. Elle doit contenir, dans les conditions prévues à l'article 695-14, les renseignements énumérés à l'article 695-13.

« Pour le cas mentionné au 3° de l'article 695-17, elle est accompagnée d'un procès-verbal consignant les déclarations faites par la personne remise concernant l'infraction pour laquelle le consentement de l'autorité judiciaire de l'Etat membre d'exécution est demandé.

« Art. 695-20. - Non modifié.

« Section 3

« Dispositions relatives à l'exécution

d'un mandat d'arrêt européen

décerné par les juridictions étrangères

« Paragraphe 1er. - Conditions d'exécution.

« Art. 695-21. - Supprimé.

« Art. 695-22. - L'exécution d'un mandat d'arrêt européen est refusée dans les cas suivants :

« 1° Si les faits pour lesquels il a été émis pouvaient être poursuivis et jugés par les juridictions françaises et que l'action publique est éteinte par l'amnistie ;

« 2° Si la personne recherchée a fait l'objet, par les autorités judiciaires françaises ou par celles d'un autre Etat membre que l'Etat d'émission ou par celles d'un Etat tiers, d'une décision définitive pour les mêmes faits que ceux faisant l'objet du mandat d'arrêt européen à condition, en cas de condamnation, que la peine ait été exécutée ou soit en cours d'exécution ou ne puisse plus être ramenée à exécution selon les lois de l'Etat de condamnation ;

« 3° Si la personne recherchée était âgée de moins de treize ans au moment des faits faisant l'objet du mandat d'arrêt européen ;

« 4° Si les faits pour lesquels il a été émis pouvaient être poursuivis et jugés par les juridictions françaises et que la prescription de l'action publique ou de la peine se trouve acquise ;

« 5° S'il est établi que ledit mandat d'arrêt a été émis dans le but de poursuivre ou de condamner une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de son origine ethnique, de sa nationalité, de sa langue, de ses opinions politiques ou de son orientation sexuelle, ou qu'il peut être porté atteinte à la situation de cette personne pour l'une de ces raisons.

« Art. 695-23. - L'exécution d'un mandat d'arrêt européen est également refusée si le fait faisant l'objet dudit mandat d'arrêt ne constitue pas une infraction au regard de la loi française.

« Par dérogation au premier alinéa, un mandat d'arrêt européen est exécuté sans contrôle de la double incrimination des faits reprochés lorsque les agissements considérés sont, aux termes de la loi de l'Etat membre d'émission, punis d'une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement ou d'une mesure de sûreté privative de liberté d'une durée similaire et entrent dans l'une des catégories d'infractions suivantes :

« - participation à une organisation criminelle ;

« - terrorisme ;

« - traite des êtres humains ;

« - exploitation sexuelle des enfants et pornographie infantile ;

« - trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes ;

« - trafic illicite d'armes, de munitions et d'explosifs ;

« - corruption ;

« - fraude, y compris la fraude portant atteinte aux intérêts financiers des Communautés européennes au sens de la convention du 26 juillet 1995 relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes ;

« - blanchiment du produit du crime ou du délit ;

« - faux monnayage, y compris la contrefaçon de l'euro ;

« - cybercriminalité ;

« - crimes et délits contre l'environnement, y compris le trafic illicite d'espèces animales menacées et le trafic illicite d'espèces et d'essences végétales menacées ;

« - aide à l'entrée et au séjour irréguliers ;

« - homicide volontaire, coups et blessures graves ;

« - trafic illicite d'organes et de tissus humains ;

« - enlèvement, séquestration et prise d'otage ;

« - racisme et xénophobie ;

« - vols commis en bande organisée ou avec arme ;

« - trafic illicite de biens culturels, y compris antiquités et oeuvres d'art ;

« - escroquerie ;

« - racket et extorsion de fonds ;

« - contrefaçon et piratage de produits ;

« - falsification de documents administratifs et trafic de faux ;

« - falsification de moyens de paiement ;

« - trafic illicite de substances hormonales et autres facteurs de croissance ;

« - trafic illicite de matières nucléaires et radioactives ;

« - trafic de véhicules volés ;

« - viol ;

« - incendie volontaire ;

« - crimes et délits relevant de la compétence de la Cour pénale internationale ;

« - détournement d'avion ou de navire ;

« - sabotage.

« Lorsque les dispositions des deuxième à trente-quatrième alinéas sont applicables, la qualification juridique des faits et la détermination de la peine encourue relèvent de l'appréciation exclusive de l'autorité judiciaire de l'Etat membre d'émission.

« En matière de taxes et d'impôts, de douane et de change, l'exécution d'un mandat d'arrêt européen ne pourra être refusée au motif que la loi française n'impose pas le même type de taxes ou d'impôts ou ne contient pas le même type de réglementation en matière de taxes, d'impôts, de douane et de change que la loi de l'Etat membre d'émission.

« Art. 695-24 et 695-25. - Non modifiés.

« Paragraphe 2. - Procédure d'exécution.

« Art. 695-26. - Dans le cas où la personne recherchée se trouve en un lieu connu sur le territoire national, le mandat d'arrêt émanant d'un Etat membre de l'Union européenne est adressé directement, en original ou en copie certifiée conforme par tout moyen laissant une trace écrite, au procureur général territorialement compétent qui l'exécute après s'être assuré de la régularité de la requête. Dans les autres cas, le mandat d'arrêt européen est exécuté au vu de la transmission effectuée dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 695-14-1.

« Si le procureur général auquel un mandat d'arrêt européen a été adressé estime qu'il n'est pas territorialement compétent pour y donner suite, il le transmet au procureur général territorialement compétent et en informe l'autorité judiciaire de l'Etat membre d'émission.

« L'original mentionné au dernier alinéa de l'article 695-14-1 ou la copie certifiée conforme doit parvenir au plus tard six jours ouvrables après la date de l'arrestation de la personne recherchée.

« Dans le cas où la personne recherchée bénéficie d'un privilège ou d'une immunité en France, le procureur général territorialement compétent en demande dans les meilleurs délais la levée aux autorités françaises compétentes. Si les autorités françaises ne sont pas compétentes, la demande de levée est laissée aux soins de l'autorité judiciaire de l'Etat membre d'émission.

« Dans le cas où la personne recherchée a déjà été remise à la France à titre extraditionnel par un autre Etat sous la protection conférée par le principe de spécialité, le procureur général territorialement compétent prend toutes les mesures nécessaires pour s'assurer du consentement de cet Etat.

« Art. 695-27. - Toute personne appréhendée en exécution d'un mandat d'arrêt européen doit être conduite dans les quarante-huit heures devant le procureur général territorialement compétent. Pendant ce délai, les dispositions des articles 63-1 à 63-5 sont applicables.

« Après avoir vérifié l'identité de cette personne, le procureur général l'informe, dans une langue qu'elle comprend, de l'existence et du contenu du mandat d'arrêt européen dont elle fait l'objet. Il l'avise également qu'elle peut être assistée par un avocat de son choix ou, à défaut, par un avocat commis d'office par le bâtonnier de l'ordre des avocats, informé dans les meilleurs délais et par tout moyen. Il l'avise de même qu'elle peut s'entretenir immédiatement avec l'avocat désigné.

« Mention de ces informations est faite, à peine de nullité de la procédure, au procès-verbal.

« L'avocat peut consulter sur-le-champ le dossier et communiquer librement avec la personne recherchée.

« Le procureur général informe ensuite la personne recherchée de sa faculté de consentir ou de s'opposer à sa remise à l'autorité judiciaire de l'Etat membre d'émission et des conséquences juridiques résultant de ce consentement. Il l'informe également qu'elle peut renoncer à la règle de la spécialité et des conséquences juridiques de cette renonciation.

« Art. 695-28. - Le procureur général ordonne l'incarcération de la personne recherchée, à moins qu'il n'estime que sa représentation à tous les actes de la procédure est suffisamment garantie.

« Il en avise dans les meilleurs délais le ministre de la justice et lui adresse une copie du mandat d'arrêt.

« Paragraphe 3. - Comparution devant la chambre de l'instruction.

« Art. 695-29. - Non modifié.

« Art. 695-30. - Lors de la comparution de la personne recherchée, la chambre de l'instruction constate son identité et recueille ses déclarations, dont il est dressé procès-verbal.

« L'audience est publique, sauf si la publicité est de nature à nuire au bon déroulement de la procédure en cours, aux intérêts d'un tiers ou à la dignité de la personne. Dans ce cas, la chambre de l'instruction, à la demande du ministère public, de la personne recherchée ou d'office, statue par un arrêt rendu en chambre du conseil qui n'est susceptible de pourvoi en cassation qu'en même temps que l'arrêt autorise la remise prévue par le quatrième alinéa de l'article 695-31.

« Le ministère public et la personne recherchée sont entendus, cette dernière assistée, le cas échéant, de son avocat et, s'il y a lieu, en présence d'un interprète.

« La chambre de l'instruction peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, autoriser l'Etat membre d'émission à intervenir à l'audience par l'intermédiaire d'une personne habilitée par ledit Etat à cet effet. Lorsque l'Etat membre d'émission est autorisé à intervenir, il ne devient pas partie à la procédure.

« Art. 695-31. - Si, lors de sa comparution, la personne recherchée déclare consentir à sa remise, la chambre de l'instruction l'informe des conséquences juridiques de son consentement et de son caractère irrévocable.

« Lorsque la personne recherchée maintient son consentement à la remise, la chambre de l'instruction lui demande si elle entend renoncer à la règle de la spécialité, après l'avoir informée des conséquences juridiques d'une telle renonciation.

« Si la chambre de l'instruction constate que les conditions légales d'exécution du mandat d'arrêt européen sont remplies, elle rend un arrêt par lequel elle donne acte à la personne recherchée de son consentement à être remise ainsi que, le cas échéant, de sa renonciation à la règle de la spécialité et accorde la remise. La chambre de l'instruction statue, sauf si un complément d'information a été ordonné dans les conditions énoncées à l'article 695-33, dans les sept jours de la comparution devant elle de la personne recherchée. Cette décision n'est pas susceptible de recours.

« Si la personne recherchée déclare ne pas consentir à sa remise, la chambre de l'instruction statue par une décision motivée dans le délai de vingt jours à compter de la date de sa comparution, sauf si un complément d'information a été ordonné dans les conditions énoncées à l'article 695-33. Cette décision peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation, par le procureur général ou par la personne recherchée, dans les conditions énoncées aux articles 568-1 et 574-2.

« Lorsque la personne recherchée bénéficie d'un privilège ou d'une immunité en France, les délais mentionnés aux troisième et quatrième alinéas ne commencent à courir qu'à compter du jour où la chambre de l'instruction a été informée de sa levée.

« Lorsque le consentement d'un autre Etat s'avère nécessaire, conformément au dernier alinéa de l'article 695-26, ces délais ne commencent à courir qu'à compter du jour où la chambre de l'instruction a été informée de la décision de cet Etat.

« Lorsqu'elle revêt un caractère définitif, la décision de la chambre de l'instruction est notifiée par tout moyen et dans les meilleurs délais à l'autorité judiciaire de l'Etat membre d'émission par les soins du procureur général.

« Art. 695-32. - L'exécution du mandat d'arrêt européen peut être subordonnée à la vérification que la personne recherchée peut :

« 1° Former opposition au jugement rendu en son absence et être jugée en étant présente, lorsqu'elle n'a pas été citée à personne ni informée de la date et du lieu de l'audience relative aux faits faisant l'objet du mandat d'arrêt européen ;

« 2° Etre renvoyée en France, lorsqu'elle en est ressortissante, pour y effectuer la peine éventuellement prononcée par l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission pour les faits faisant l'objet du mandat d'arrêt européen.

« Art. 695-33. - Si la chambre de l'instruction estime que les informations communiquées par l'Etat membre d'émission dans le mandat d'arrêt européen sont insuffisantes pour lui permettre de statuer sur la remise, elle demande à l'autorité judiciaire dudit Etat la fourniture, dans le délai maximum de dix jours pour leur réception, des informations complémentaires nécessaires.

« Art. 695-34. - La mise en liberté peut être demandée à tout moment à la chambre de l'instruction selon les formes prévues aux articles 148-6 et 148-7.

« L'avocat de la personne recherchée est convoqué, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, quarante-huit heures au moins avant la date de l'audience. La chambre de l'instruction statue après avoir entendu le ministère public ainsi que la personne recherchée ou son avocat, dans les plus brefs délais et au plus tard dans les quinze jours de la réception de la demande, par un arrêt rendu dans les conditions prévues à l'article 199. Toutefois, lorsque la personne recherchée n'a pas encore comparu devant la chambre de l'instruction, les délais précités ne commencent à courir qu'à compter de la première comparution devant cette juridiction.

« La chambre de l'instruction peut également, lorsqu'elle ordonne la mise en liberté de la personne recherchée et à titre de mesure de sûreté, astreindre l'intéressé à se soumettre à une ou plusieurs des obligations énumérées à l'article 138.

« Préalablement à sa mise en liberté, la personne recherchée doit signaler à la chambre de l'instruction ou au chef de l'établissement pénitentiaire son adresse.

« Elle est avisée qu'elle doit signaler à la chambre de l'instruction, par nouvelle déclaration ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, tout changement de l'adresse déclarée.

« Elle est également avisée que toute notification ou signification faite à la dernière adresse déclarée sera réputée faite à sa personne.

« Mention de cet avis, ainsi que de la déclaration d'adresse, est portée soit au procès-verbal, soit dans le document qui est adressé sans délai, en original ou en copie, par le chef d'établissement pénitentiaire à la chambre de l'instruction.

« Art. 695-35. - La mainlevée ou la modification du contrôle judiciaire peut être ordonnée à tout moment par la chambre de l'instruction dans les conditions prévues à l'article 199, soit d'office, soit sur les réquisitions du procureur général, soit à la demande de la personne recherchée après avis du procureur général.

« La chambre de l'instruction statue dans les quinze jours de sa saisine.

« Art. 695-36. - Si la personne recherchée se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire ou si, après avoir bénéficié d'une mise en liberté non assortie du contrôle judiciaire, il apparaît qu'elle entend manifestement se dérober à l'exécution d'un mandat d'arrêt européen, la chambre de l'instruction peut, sur les réquisitions du ministère public, décerner mandat d'arrêt à son encontre.

« Lorsque l'intéressé a été appréhendé, l'affaire doit être examinée par la chambre de l'instruction dans les plus brefs délais et au plus tard dans les dix jours de sa mise sous écrou.

« La chambre de l'instruction confirme, s'il y a lieu, la révocation du contrôle judiciaire et ordonne l'incarcération de l'intéressé.

« Le ministère public et la personne recherchée sont entendus, cette dernière assistée, le cas échéant, de son avocat et, s'il y a lieu, en présence d'un interprète.

« Le dépassement du délai mentionné au deuxième alinéa entraîne la mise en liberté d'office de l'intéressé.

« Paragraphe 4. - Remise de la personne recherchée.

« Art. 695-37. - Le procureur général prend les mesures nécessaires afin que la personne recherchée soit remise à l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission au plus tard dans les dix jours suivant la date de la décision définitive de la chambre de l'instruction.

« Si la personne recherchée est en liberté lorsque la décision de la chambre de l'instruction autorisant la remise est prononcée, le procureur général peut ordonner l'arrestation de l'intéressé et son placement sous écrou. Lorsque celui-ci a été appréhendé, le procureur général donne avis de cette arrestation, dans les meilleurs délais, à l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission.

« Si la personne recherchée ne peut être remise dans le délai de dix jours pour un cas de force majeure, le procureur général en informe immédiatement l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission et convient avec elle d'une nouvelle date de remise. La personne recherchée est alors remise au plus tard dans les dix jours suivant la nouvelle date ainsi convenue.

« A l'expiration des délais visés au premier alinéa ou dans la deuxième phrase du troisième alinéa, si la personne recherchée se trouve toujours en détention, elle est, sauf application du premier alinéa de l'article 695-39, remise d'office en liberté.

« Art. 695-38. - Les dispositions de l'article 695-37 ne font pas obstacle à ce que la chambre de l'instruction, après avoir statué sur l'exécution du mandat d'arrêt européen, puisse surseoir temporairement à la remise pour des raisons humanitaires sérieuses, en particulier si la remise de la personne recherchée est susceptible d'avoir pour elle des conséquences graves en raison notamment de son âge ou de son état de santé.

« Le procureur général en informe alors immédiatement l'autorité judiciaire d'émission et convient avec elle d'une nouvelle date de remise. La personne recherchée est alors remise au plus tard dans les dix jours suivant la nouvelle date convenue.

« A l'expiration de ce délai, si la personne recherchée se trouve toujours en détention, elle est, sauf application du premier alinéa de l'article 695-39, remise d'office en liberté.

« Art. 695-39. - Lorsque la personne recherchée est poursuivie en France ou y a déjà été condamnée et doit y purger une peine en raison d'un fait autre que celui visé par le mandat d'arrêt européen, la chambre de l'instruction peut, après avoir statué sur l'exécution du mandat d'arrêt, différer la remise de l'intéressé. Le procureur général en avise alors immédiatement l'autorité judiciaire d'émission.

« La chambre d'instruction peut également décider la remise temporaire de la personne recherchée. Le procureur général en informe immédiatement l'autorité judiciaire d'émission et convient avec elle, par écrit, des conditions et des délais de la remise.

« Art. 695-40. - Non modifié.

« Paragraphe 5. - Cas particuliers.

« Art. 695-41. - Lors de l'arrestation de la personne recherchée, il est procédé, à la demande de l'autorité judiciaire de l'Etat membre d'émission, à la saisie, dans les formes prévues par l'article 56, par les deux premiers alinéas de l'article 56-1, par les articles 56-2, 56-3 et 57 et par le premier alinéa de l'article 59, des objets :

« 1° Qui peuvent servir de pièces à conviction, ou

« 2° Qui ont été acquis par la personne recherchée du fait de l'infraction.

« Lorsqu'elle statue sur la remise de la personne recherchée, la chambre de l'instruction ordonne la remise des objets saisis en application des 1° et 2° , le cas échéant, après avoir statué sur une contestation formulée en vertu des dispositions du deuxième alinéa de l'article 56-1.

« Cette remise peut avoir lieu même si le mandat d'arrêt européen ne peut être exécuté par suite de l'évasion ou du décès de la personne recherchée.

« La chambre de l'instruction peut, si elle le juge nécessaire pour une procédure pénale suivie sur le territoire national, retenir temporairement ces objets ou les remettre sous condition de restitution.

« Sont toutefois réservés les droits que l'Etat français ou des tiers auraient acquis sur ces objets. Si de tels droits existent, ces objets sont rendus le plus tôt possible et sans frais à l'Etat français à la fin des poursuites exercées sur le territoire de l'Etat d'émission.

« Art. 695-42. - Lorsque plusieurs Etats membres ont émis un mandat d'arrêt européen à l'encontre de la même personne, que ce soit pour le même fait ou pour des faits différents, le choix du mandat d'arrêt européen à exécuter est opéré par la chambre de l'instruction, le cas échéant, après consultation de l'unité Eurojust, compte tenu de toutes les circonstances et notamment du degré de gravité et du lieu de commission des infractions, des dates respectives des mandats d'arrêt européens, ainsi que du fait que le mandat d'arrêt a été émis pour la poursuite ou pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privative de liberté.

« En cas de conflit entre un mandat d'arrêt européen et une demande d'extradition présentée par un Etat tiers, la chambre de l'instruction peut surseoir à statuer dans l'attente de la réception des pièces. Elle décide de la priorité à donner au mandat d'arrêt européen ou à la demande d'extradition compte tenu de toutes les circonstances, notamment celles visées au premier alinéa et celles figurant dans la convention ou dans l'accord applicable.

« Art. 695-43. - Lorsque, dans des cas spécifiques et en particulier si, consécutivement à un pourvoi en cassation, le mandat d'arrêt européen ne peut être exécuté dans le délai de soixante jours à compter de l'arrestation de la personne recherchée, le procureur général territorialement compétent en informe immédiatement l'autorité judiciaire de l'Etat membre d'émission en lui indiquant les raisons du retard. Le délai d'exécution est alors prolongé de trente jours supplémentaires.

« Lorsque, dans des circonstances exceptionnelles, notamment après un arrêt de cassation avec renvoi, la décision définitive sur l'exécution du mandat d'arrêt européen n'a pas été prise dans le délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de l'arrestation de la personne recherchée, le procureur général territorialement compétent en informe le ministre de la justice qui, à son tour, en avise Eurojust, en précisant les raisons du retard.

« Après un arrêt de cassation avec renvoi, la chambre de l'instruction à laquelle la cause est renvoyée statue dans les vingt jours à compter du prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation. Cette chambre connaît des éventuelles demandes de mise en liberté formées par la personne réclamée.

« Art. 695-44. - Lorsque le mandat d'arrêt européen a été émis pour l'exercice de poursuites pénales, la chambre de l'instruction accède à toute demande d'audition de la personne recherchée présentée par l'autorité judiciaire de l'Etat membre d'émission.

« La personne recherchée ne peut être entendue ou interrogée, à moins qu'elle n'y renonce expressément, qu'en présence de son avocat ou ce dernier dûment appelé.

« L'avocat de la personne recherchée est convoqué au plus tard cinq jours ouvrables avant la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, télécopie avec récépissé ou verbalement avec émargement au dossier de la procédure.

« L'audition de l'intéressé est conduite, en présence s'il y a lieu d'un interprète, par le président de la chambre de l'instruction, assisté d'une personne habilitée à cet effet par l'autorité judiciaire de l'Etat membre d'émission.

« Le procès-verbal de l'audience, qui mentionne ces formalités, est aussitôt transmis à l'autorité judiciaire de l'Etat membre d'émission.

« Art. 695-45. - Non modifié.

« Art. 695-46. - La chambre de l'instruction, devant laquelle la personne recherchée avait comparu, est saisie de toute demande émanant des autorités compétentes de l'Etat membre d'émission en vue de consentir à des poursuites pour d'autres infractions que celles ayant motivé la remise et commises antérieurement à celles-ci.

« La chambre de l'instruction est également compétente pour statuer, après la remise de la personne recherchée, sur toute demande des autorités compétentes de l'Etat membre d'émission en vue de consentir à la remise de la personne rercherchée à un autre Etat membre en vue de l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté pour un fait quelconque antérieur à la remise et différent de l'infraction qui a motivé cette mesure.

« Dans les deux cas, un procès-verbal consignant les déclarations faites par la personne remise est également transmis par les autorités compétentes de l'Etat membre d'émission et soumis à la chambre de l'instruction. Ces déclarations peuvent, le cas échéant, être complétées par les observations faites par un avocat de son choix ou, à défaut, commis d'office par le bâtonnier de l'ordre des avocats.

« La chambre de l'instruction statue sans recours, par une décision motivée, après s'être assurée que la demande comporte aussi les renseignements prévus à l'article 695-13 et avoir, le cas échéant, obtenu des garanties au regard des dispositions de l'article 695-32, dans le délai de trente jours à compter de la réception de la demande.

« Le consentement est donné lorsque les agissements pour lesquels il est demandé constituent l'une des infractions visées à l'article 695-23, et entrent dans le champ d'application de l'article 695-12.

« Le consentement est refusé pour l'un des motifs visés aux articles 695-22 et 695-23 et peut l'être pour l'un de ceux mentionnés à l'article 695-24.

« Section 4

« Transit

« Art. 695-47. - Le ministre de la justice autorise le transit à travers le territoire français d'une personne recherchée en vertu d'un mandat d'arrêt européen.

« Lorsque la personne recherchée est de nationalité française, l'autorisation peut être subordonnée à la condition qu'elle soit, après avoir été entendue, renvoyée sur le territoire national pour y subir la peine privative de liberté qui sera éventuellement prononcée à son encontre par l'autorité judiciaire de l'Etat membre d'émission pour les faits faisant l'objet du mandat d'arrêt.

« Lorsque la personne recherchée est de nationalité française et que le mandat d'arrêt européen a été émis pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté, le transit est refusé.

« Art. 695-48. - La demande d'autorisation de transit est accompagnée des renseignements suivants :

« - l'identité et la nationalité de la personne recherchée ;

« - l'indication de l'existence d'un mandat d'arrêt européen ;

« - la nature et la qualification juridique de l'infraction ;

« - la date, le lieu et les circonstances dans lesquels l'infraction a été commise ainsi que le degré de participation à celle-ci de la personne recherchée.

« Art. 695-49. - Non modifié.

« Art. 695-50. - En cas d'atterrissage fortuit sur le territoire national, l'Etat membre d'émission fournit au ministre de la justice les renseignements prévus à l'article 695-48.

« Art. 695-51. - Non modifié.

« Chapitre V

« De l'extradition

« Art. 696. - Non modifié.

« Section 1

« Des conditions de l'extradition

« Art. 696-1. - Non modifié.

« Art. 696-2. - Le gouvernement français peut remettre, sur leur demande, aux gouvernements étrangers, toute personne n'ayant pas la nationalité française qui, étant l'objet d'une poursuite intentée au nom de l'Etat requérant ou d'une condamnation prononcée par ses tribunaux, est trouvée sur le territoire de la République.

« Néanmoins, l'extradition n'est accordée que si l'infraction cause de la demande a été commise :

« - soit sur le territoire de l'Etat requérant par un ressortissant de cet Etat ou par un étranger ;

« - soit en dehors de son territoire par un ressortissant de cet Etat ;

« - soit en dehors de son territoire par une personne étrangère à cet Etat, quand l'infraction est au nombre de celles dont la loi française autorise la poursuite en France, alors même qu'elles ont été commises par un étranger à l'étranger.

« Art. 696-3. - Les faits qui peuvent donner lieu à l'extradition, qu'il s'agisse de la demander ou de l'accorder, sont les suivants :

« 1° Tous les faits punis de peines criminelles par la loi de l'Etat requérant ;

« 2° Les faits punis de peines correctionnelles par la loi de l'Etat requérant, quand le maximum de la peine d'emprisonnement encourue, aux termes de cette loi, est égal ou supérieure à deux ans, ou, s'il s'agit d'un condamné, quand la peine prononcée par la juridiction de l'Etat requérant est égale ou supérieure à deux mois d'emprisonnement.

« En aucun cas l'extradition n'est accordée par le gouvernement français si le fait n'est pas puni par la loi française d'une peine criminelle ou correctionnelle.

« Les faits constitutifs de tentative ou de complicité sont soumis aux règles précédentes, à condition qu'ils soient punissables d'après la loi de l'Etat requérant et d'après celle de l'Etat requis.

« Si la demande a pour objet plusieurs infractions commises par la personne réclamée et qui n'ont pas encore été jugées, l'extradition n'est accordée que si le maximum de la peine encourue, d'après la loi de l'Etat requérant, pour l'ensemble de ces infractions, est égal ou supérieur à deux ans d'emprisonnement.

« Art. 696-4. - L'extradition n'est pas accordée :

« 1° Lorsque la personne réclamée a la nationalité française, cette dernière étant appréciée à l'époque de l'infraction pour laquelle l'extradition est requise ;

« 2° Lorsque le crime ou le délit a un caractère politique ou lorsqu'il résulte des circonstances que l'extradition est demandée dans un but politique ;

« 3° Lorsque les crimes ou délits ont été commis sur le territoire de la République ;

« 4° Lorsque les crimes ou délits, quoique commis hors du territoire de la République, y ont été poursuivis et jugés définitivement ;

« 5° Lorsque, d'après la loi de l'Etat requérant ou la loi française, la prescription de l'action s'est trouvée acquise antérieurement à la demande d'extradition, ou la prescription de la peine antérieurement à l'arrestation de la personne réclamée et d'une façon générale toutes les fois que l'action publique de l'Etat requérant est éteinte ;

« 6° Lorsque le fait à raison duquel l'extradition a été demandée est puni par la législation de l'Etat requérant d'une peine ou d'une mesure de sûreté contraire à l'ordre public français ;

« 7° Lorsque la personne réclamée serait jugée dans l'Etat requérant par un tribunal n'assurant pas les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense ;

« 8° Lorsque le crime ou le délit constitue une infraction militaire prévue par le livre III du code de justice militaire.

« Art. 696-5. - Non modifié.

« Art. 696-6. - Sous réserve des exceptions prévues à l'article 696-34, l'extradition n'est accordée qu'à la condition que la personne extradée ne sera ni poursuivie, ni condamnée pour une infraction autre que celle ayant motivé l'extradition et antérieure à la remise.

« Art. 696-7. - Dans le cas où une personne réclamée est poursuivie ou a été condamnée en France, et où son extradition est demandée au gouvernement français à raison d'une infraction différente, la remise n'est effectuée qu'après que la poursuite est terminée, et, en cas de condamnation, après que la peine a été exécutée.

« Toutefois, cette disposition ne fait pas obstacle à ce que la personne réclamée puisse être envoyée temporairement pour comparaître devant les tribunaux de l'Etat requérant, sous la condition expresse qu'elle sera renvoyée dès que la justice étrangère aura statué.

« Est régi par les dispositions du présent article le cas où la personne réclamée est soumise à la contrainte judiciaire par application des dispositions du titre VI du livre V du présent code.

« Section 2

« De la procédure d'extradition

de droit commun

« Art. 696-8. - Sous réserve des dispositions du quatrième alinéa, toute demande d'extradition est adressée au gouvernement français par voie diplomatique et accompagnée, soit d'un jugement ou d'un arrêt de condamnation, même par défaut, soit d'un acte de procédure pénale décrétant formellement ou opérant de plein droit le renvoi de la personne poursuivie devant la juridiction répressive, soit d'un mandat d'arrêt ou de tout autre acte ayant la même force et décerné par l'autorité judiciaire, pourvu que ces derniers actes renferment l'indication précise du fait pour lequel ils sont délivrés et la date de ce fait.

« Les pièces ci-dessus mentionnées doivent être produites en original ou en copie certifiée conforme.

« Le gouvernement requérant doit produire en même temps la copie des textes de loi applicables au fait incriminé. Il peut joindre un exposé des faits de la cause.

« Lorsqu'elle émane d'un Etat membre de l'Union européenne, la demande d'extradition est adressée directement par les autorités compétentes de cet Etat au ministre de la justice, qui procède comme il est dit à l'article 696-9.

« Art. 696-9. - Non modifié.

« Art. 696-10. - Toute personne appréhendée à la suite d'une demande d'extradition doit être déférée dans les vingt-quatre heures au procureur de la République territorialement compétent. Dans ce délai, elle bénéficie des droits garantis par les articles 63-1 à 63-5.

« Après avoir vérifié l'identité de cette personne, ce magistrat l'informe, dans une langue qu'elle comprend, qu'elle fait l'objet d'une demande d'extradition et qu'elle comparaîtra, dans un délai de sept jours à compter de son incarcération, devant le procureur général territorialement compétent. Le procureur de la République l'avise également qu'elle pourra être assistée par un avocat de son choix ou, à défaut, par un avocat commis d'office par le bâtonnier de l'ordre des avocats, informé dans les meilleurs délais et par tout moyen. Il l'avise de même qu'elle pourra s'entretenir immédiatement avec l'avocat désigné.

« Mention de ces informations est faite, à peine de nullité de la procédure, au procès-verbal, qui est aussitôt transmis au procureur général.

« Le procureur de la République ordonne l'incarcération de la personne réclamée, à moins qu'il n'estime que sa représentation à tous les actes de la procédure est suffisamment garantie.

« Art. 696-11. - Non modifié.

« Art. 696-12. - Les pièces produites à l'appui de la demande d'extradition sont transmises par le procureur de la République au procureur général. Dans le délai de sept jours mentionné au deuxième alinéa de l'article 696-10, le procureur général notifie à la personne réclamée, dans une langue qu'elle comprend, le titre en vertu duquel l'arrestation a eu lieu et l'informe de sa faculté de consentir ou de s'opposer à son extradition ainsi que des conséquences juridiques résultant d'un consentement à l'extradition.

« Lorsque la personne réclamée a déjà demandé l'assistance d'un avocat et que celui-ci a été dûment convoqué, le procureur général reçoit les déclarations de celle-ci et de son conseil, dont il est dressé procès-verbal.

« Dans les autres cas, ce magistrat rappelle à la personne réclamée son droit de choisir un avocat ou de demander qu'il lui en soit désigné un d'office. L'avocat choisi ou, dans le cas d'une demande de commission d'office, le bâtonnier de l'ordre des avocats est informé de ce choix par tout moyen et dans les meilleurs délais. L'avocat peut consulter sur-le-champ le dossier et communiquer librement avec la personne réclamée. Le procureur général reçoit les déclarations de l'intéressé et de son conseil, dont il est dressé procès-verbal.

« Art. 696-13. - Lorsque la personne réclamée a déclaré au procureur général consentir à son extradition, la chambre de l'instruction est immédiatement saisie de la procédure. La personne réclamée comparaît devant elle dans un délai de cinq jours ouvrables à compter de la date de sa présentation au procureur général.

« Lors de la comparution de la personne réclamée, la chambre de l'instruction constate son identité et recueille ses déclarations. Il en est dressé procès-verbal.

« L'audience est publique, sauf si la publicité de l'audience est de nature à nuire au bon déroulement de la procédure en cours, aux intérêts d'un tiers ou à la dignité de la personne. Dans ce cas, la chambre de l'instruction, à la demande du ministère public, de la personne réclamée ou d'office, statue par un arrêt rendu en chambre du conseil.

« Le ministère public et la personne réclamée sont entendus, cette dernière assistée, le cas échéant, de son avocat et, s'il y a lieu, en présence d'un interprète.

« Art. 696-14. - Si, lors de sa comparution, la personne réclamée déclare consentir à être extradée et que les conditions légales de l'extradition sont remplies, la chambre de l'instruction, après avoir informé cette personne des conséquences juridiques de son consentement, lui en donne acte dans les sept jours à compter de la date de sa comparution, sauf si un complément d'information a été ordonné.

« L'arrêt de la chambre de l'instruction n'est pas susceptible de recours.

« Art. 696-15. - Lorsque la personne réclamée a déclaré au procureur général ne pas consentir à son extradition, la chambre de l'instruction est saisie, dans les meilleurs délais, de la procédure. La personne réclamée comparaît devant elle dans un délai de dix jours à compter de la date de sa présentation au procureur général.

« Les dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 696-13 sont applicables.

« Si, lors de sa comparution, la personne réclamée déclare ne pas consentir à être extradée, la chambre de l'instruction donne son avis motivé sur la demande d'extradition. Elle rend son avis, sauf si un complément d'information a été ordonné, dans le délai d'un mois à compter de la comparution devant elle de la personne réclamée.

« Cet avis est défavorable si la cour estime que les conditions légales ne sont pas remplies ou qu'il y a une erreur évidente.

« Le pourvoi formé contre un avis de la chambre de l'instruction ne peut être fondé que sur des vices de forme de nature à priver cet avis des conditions essentielles de son existence légale.

« Art. 696-16 et 696-17. - Non modifiés.

« Art. 696-18. - Dans les cas autres que celui prévu à l'article 696-17, l'extradition est autorisée par décret du Premier ministre pris sur le rapport du ministre de la justice. Si, dans le délai d'un mois à compter de la notification de ce décret à l'Etat requérant, la personne réclamée n'a pas été reçue par les agents de cet Etat, l'intéressé est, sauf cas de force majeure, mis d'office en liberté et ne peut plus être réclamé pour la même cause.

« Le recours pour excès de pouvoir contre le décret mentionné à l'alinéa précédent doit, à peine de forclusion, être formé dans le délai d'un mois. L'exercice d'un recours gracieux contre ce décret n'interrompt pas le délai de recours contentieux.

« Art. 696-19. - La mise en liberté peut être demandée à tout moment à la chambre de l'instruction selon les formes prévues aux articles 148-6 et 148-7.

« L'avocat de la personne réclamée est convoqué, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, quarante-huit heures au moins avant la date de l'audience. La chambre de l'instruction statue après avoir entendu le ministère public ainsi que la personne réclamée ou son avocat, dans les plus brefs délais et au plus tard dans les vingt jours de la réception de la demande, par un arrêt rendu dans les conditions prévues à l'article 199. Si la demande de mise en liberté a été formée par la personne réclamée dans les quarante-huit heures de la mise sous écrou extraditionnel, le délai imparti à la chambre de l'instruction pour statuer est réduit à quinze jours.

« La chambre de l'instruction peut également, lorsqu'elle ordonne la mise en liberté de la personne réclamée et à titre de mesure de sûreté, astreindre l'intéressé à se soumettre à une ou plusieurs des obligations énumérées à l'article 138.

« Préalablement à sa mise en liberté, la personne réclamée doit signaler à la chambre de l'instruction ou au chef de l'établissement pénitentiaire son adresse. Elle est avisée qu'elle doit signaler à la chambre de l'instruction, par nouvelle déclaration ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, tout changement de l'adresse déclarée. Elle est également avisée que toute notification ou signification faite à la dernière adresse déclarée sera réputée faite à sa personne.

« Mention de cet avis, ainsi que de la déclaration d'adresse, est portée soit au procès-verbal, soit dans le document qui est adressé sans délai, en original ou en copie par le chef de l'établissement pénitentiaire à la chambre de l'instruction.

« Art. 696-20. - La mainlevée du contrôle judiciaire ou la modification de celui-ci peut être ordonnée à tout moment par la chambre de l'instruction dans les conditions prévues à l'article 199, soit d'office, soit sur les réquisitions du procureur général, soit à la demande de la personne réclamée après avis du procureur général.

« La chambre de l'instruction statue dans les vingt jours de sa saisine.

« Art. 696-21. - Si la personne réclamée se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire ou si, après avoir bénéficié d'une mise en liberté non assortie du contrôle judiciaire, il apparaît qu'elle entend manifestement se dérober à la demande d'extradition, la chambre de l'instruction peut, sur les réquisitions du ministère public, décerner mandat d'arrêt à son encontre.

« Lorsque l'intéressé a été appréhendé, l'affaire doit venir à la première audience publique ou au plus tard dans les dix jours de sa mise sous écrou.

« La chambre de l'instruction confirme, s'il y a lieu, la révocation du contrôle judiciaire ou de la mise en liberté de l'intéressé.

« Le ministère public et la personne réclamée sont entendus, cette dernière assistée, le cas échéant, de son avocat et, s'il y a lieu, en présence d'un interprète.

« Le dépassement du délai mentionné au deuxième alinéa entraîne la mise en liberté d'office de l'intéressé.

« Art. 696-22. - Si la personne réclamée est en liberté lorsque la décision du gouvernement ayant autorisé l'extradition n'est plus susceptible de recours, le procureur général peut ordonner la recherche et l'arrestation de l'intéressé et son placement sous écrou extraditionnel. Lorsque celui-ci a été appréhendé, le procureur général donne avis de cette arrestation, dans les meilleurs délais, au ministre de la justice.

« La remise à l'Etat requérant de la personne réclamée s'effectue dans les sept jours suivant la date de l'arrestation, faute de quoi elle est mise d'office en liberté.

« Art. 696-23. - En cas d'urgence et sur la demande directe des autorités compétentes de l'Etat requérant, le procureur de la République territorialement compétent peut ordonner l'arrestation provisoire d'une personne réclamée aux fins d'extradition par ledit Etat et son placement sous écrou extraditionnel.

« La demande d'arrestation provisoire, transmise par tout moyen permettant d'en conserver une trace écrite, indique l'existence d'une des pièces mentionnées à l'article 696-8 et fait part de l'intention de l'Etat requérant d'envoyer une demande d'extradition. Elle comporte un bref exposé des faits mis à la charge de la personne réclamée et mentionne, en outre, son identité et sa nationalité, l'infraction pour laquelle l'extradition sera demandée, la date et le lieu où elle a été commise, ainsi que, selon le cas, le quantum de la peine encourue ou de la peine prononcée et, le cas échéant, celui de la peine restant à purger et, s'il y a lieu, la nature et la date des actes interruptifs de prescription. Une copie de cette demande est adressée par l'Etat requérant au ministre des affaires étrangères.

« Le procureur de la République donne avis de cette arrestation, dans les meilleurs délais, au ministre de la justice et au procureur général.

« Art. 696-24. - Non modifié.

« Section 3

« De la procédure simplifiée d'extradition

entre les Etats membres de l'Union européenne

« Art. 696-25 à 696-27. - Non modifiés.

« Art. 696-28. - Lorsque la personne réclamée comparaît devant la chambre de l'instruction en application du premier alinéa de l'article 696-27, le président de la chambre constate son identité et recueille ses déclarations, dont il est dressé procès-verbal.

« Le président demande ensuite à la personne réclamée, après l'avoir informée des conséquences juridiques de son consentement, si elle entend toujours consentir à son extradition.

« Lorsque la personne réclamée déclare ne plus consentir à son extradition, les dispositions du deuxième alinéa de l'article 696-27 sont applicables.

« Lorsque la personne réclamée maintient son consentement à l'extradition, la chambre de l'instruction lui demande également si elle entend renoncer à la règle de la spécialité, après l'avoir informée des conséquences juridiques d'une telle renonciation.

« Le consentement de la personne réclamée à être extradée et, le cas échéant, sa renonciation à la règle de la spécialité sont recueillis par procès-verbal établi lors de l'audience. La personne réclamée y appose sa signature.

« L'audience est publique, sauf si la publicité est de nature à nuire au bon déroulement de la procédure en cours, aux intérêts d'un tiers ou à la dignité de la personne. Dans ce cas, la chambre de l'instruction, à la demande du ministère public, de la personne réclamée ou d'office, statue par un arrêt rendu en chambre du conseil.

« Le ministère public et la personne réclamée sont entendus, cette dernière assistée, le cas échéant, de son avocat et, s'il y a lieu, en présence d'un interprète.

« Art. 696-29. - Si la chambre de l'instruction constate que les conditions légales de l'extradition sont remplies, elle rend un arrêt par lequel elle donne acte à la personne réclamée de son consentement formel à être extradée ainsi que, le cas échéant, de sa renonciation à la règle de la spécialité et accorde l'extradition.

« La chambre de l'instruction statue dans les sept jours à compter de la date de la comparution devant elle de la personne réclamée.

« Art. 696-30. - Non modifié.

« Art. 696-31. - Lorsque l'arrêt de la chambre de l'instruction accorde l'extradition de la personne réclamée et que cet arrêt est définitif, le procureur général en avise le ministre de la justice, qui informe les autorités compétentes de l'Etat requérant de la décision intervenue.

« Le ministre de la justice prend les mesures nécessaires afin que l'intéressé soit remis aux autorités de l'Etat requérant au plus tard dans les vingt jours suivant la date à laquelle la décision d'extradition leur a été notifiée.

« Si la personne extradée ne peut être remise dans le délai de vingt jours pour un cas de force majeure, le ministre de la justice en informe immédiatement les autorités compétentes de l'Etat requérant et convient avec elles d'une nouvelle date de remise. La personne extradée est alors remise au plus tard dans les vingt jours suivant la date ainsi convenue.

« La mise en liberté est ordonnée si, à l'expiration de ce délai de vingt jours, la personne extradée se trouve encore sur le territoire de la République.

« Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables en cas de force majeure ou si la personne extradée est poursuivie en France ou y a déjà été condamnée et doit y purger une peine en raison d'un fait autre que celui visé par la demande d'extradition.

« Art. 696-32. - La mise en liberté peut être demandée à tout moment à la chambre de l'instruction selon les formes prévues aux articles 148-6 et 148-7. Les dispositions des articles 696-19 et 696-20 sont alors applicables.

« Art. 696-33. - Non modifié.

« Section 4

« Des effets de l'extradition

« Art. 696-34. - Par dérogation aux dispositions de l'article 696-6, la règle de la spécialité ne s'applique pas lorsque la personne réclamée y renonce dans les conditions prévues aux articles 696-28 et 696-40 ou lorsque le gouvernement français donne son consentement dans les conditions prévues à l'article 696-35.

« Ce consentement peut être donné par le gouvernement français, même au cas où le fait, cause de la demande, ne serait pas l'une des infractions déterminées par l'article 696-3.

« Art. 696-35. - Dans le cas où le gouvernement requérant demande, pour une infraction antérieure à l'extradition, l'autorisation de poursuivre ou de mettre à exécution une condamnation concernant l'individu déjà remis, l'avis de la chambre de l'instruction devant laquelle la personne réclamée avait comparu peut être formulé sur la seule production des pièces transmises à l'appui de la nouvelle demande.

« Sont également transmises par le gouvernement étranger et soumises à la chambre de l'instruction, les pièces contenant les observations de l'individu remis ou la déclaration qu'il entend n'en présenter aucune. Ces explications peuvent être complétées par un avocat choisi par lui, ou qui est désigné ou commis d'office.

« Art. 696-36. - L'extradition obtenue par le gouvernement français est nulle si elle est intervenue en dehors des conditions prévues par le présent chapitre.

« Aussitôt après l'incarcération de la personne extradée, le procureur de la République l'avise qu'elle a le droit de demander que soit prononcée la nullité de l'extradition dans les conditions de forme et de délai prévues au présent article et qu'elle a le droit de choisir un avocat ou de demander qu'il lui en soit désigné un d'office.

« La nullité est prononcée, même d'office, par la juridiction de jugement dont la personne extradée relève après sa remise ou, si elle ne relève d'aucune juridiction de jugement, par la chambre de l'instruction. La chambre de l'instruction compétente est, lorsque l'extradition a été accordée pour l'exécution d'un mandat d'arrêt délivré dans une information en cours, celle dans le ressort de laquelle a eu lieu la remise.

« La requête en nullité présentée par la personne extradée doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée et faire l'objet d'une déclaration au greffe de la juridiction compétente dans un délai de dix jours à compter de l'avis prévu au deuxième alinéa.

« La déclaration fait l'objet d'un procès-verbal signé par le greffier et par le demandeur ou son avocat. Si le demandeur ne peut signer, il en est fait mention par le greffier.

« Lorsque le demandeur ou son avocat ne réside pas dans le ressort de la juridiction compétente, la déclaration au greffe peut être faite au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

« Lorsque le demandeur est détenu, la requête peut également être faite au moyen d'une déclaration auprès du chef de l'établissement pénitentiaire. Cette déclaration fait l'objet d'un procès-verbal signé par le chef de l'établissement pénitentiaire et par le demandeur. Si celui-ci ne peut signer, il en est fait mention par le chef de l'établissement. Le procès-verbal est adressé sans délai, en original ou en copie et par tout moyen, au greffe de la juridiction saisie.

« Art. 696-37. - Les juridictions mentionnées à l'arti-cle 696-36 sont juges de la qualification donnée aux faits qui ont motivé la demande d'extradition.

« Art. 696-38. - Non modifié.

« Art. 696-39. - Est considérée comme soumise sans réserve à l'application des lois de l'Etat requérant, à raison d'un fait quelconque antérieur à l'extradition et différent de l'infraction qui a motivé cette mesure, la personne remise qui a eu, pendant trente jours à compter de sa libération définitive, la possibilité de quitter le territoire de cet Etat.

« Art. 696-40. - Lorsque le gouvernement français a obtenu l'extradition d'une personne en application de la convention du 27 septembre 1996 relative à l'extradition entre les Etats membres de l'Union européenne, la personne ainsi extradée peut être poursuivie ou condamnée pour une infraction antérieure à la remise, autre que celle ayant motivé l'extradition, si elle renonce expressément, après sa remise, au bénéfice de la règle de la spécialité dans les conditions ci-après.

« La renonciation doit porter sur des faits précis antérieurs à la remise. Elle a un caractère irrévocable. Elle est donnée devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel dans le ressort de laquelle l'intéressé est incarcéré ou a sa résidence.

« Lors de la comparution de la personne extradée, qui donne lieu à une audience publique, la chambre de l'instruction constate l'identité et recueille les déclarations de cette personne. Il en est dressé procès-verbal. L'intéressé, assisté le cas échéant de son avocat et, s'il y a lieu, d'un interprète, est informé par la chambre de l'instruction des conséquences juridiques de sa renonciation à la règle de la spécialité sur sa situation pénale et du caractère irrévocable de la renonciation donnée.

« Si, lors de sa comparution, la personne extradée déclare renoncer à la règle de la spécialité, la chambre de l'instruction, après avoir entendu le ministère public et l'avocat de la personne, en donne acte à celle-ci. L'arrêt de la chambre de l'instruction précise les faits pour lesquels la renonciation est intervenue.

« Art. 696-41. - Dans le cas où, l'extradition d'un étranger ayant été obtenue par le gouvernement français, le gouvernement d'un pays tiers sollicite à son tour du gouvernement français l'extradition du même individu à raison d'un fait antérieur à l'extradition, autre que celui jugé en France, et non connexe à ce fait, le gouvernement ne défère, s'il y a lieu, à cette requête qu'après s'être assuré du consentement du pays par lequel l'extradition a été accordée.

« Toutefois, cette réserve n'a pas lieu d'être appliquée lorsque l'individu extradé a eu, pendant le délai fixé à l'article 696-39, la faculté de quitter le territoire français.

« Section 5

« Dispositions diverses

« Art. 696-42. - L'extradition, par voie de transit sur le territoire français ou par les bâtiments des services maritimes français, d'une personne n'ayant pas la nationalité française, remise par un autre gouvernement est autorisée par le ministre de la justice, sur simple demande par voie diplomatique, appuyée des pièces nécessaires pour établir qu'il ne s'agit pas d'un délit politique ou purement militaire.

« Cette autorisation ne peut être donnée qu'aux Etats qui accordent, sur leur territoire, la même faculté au gouvernement français.

« Le transport s'effectue sous la conduite d'agents français et aux frais du gouvernement requérant.

« Art. 696-43. - La chambre de l'instruction qui a statué sur la demande d'extradition décide s'il y a lieu ou non de transmettre, en tout ou en partie, les titres, valeurs, argent ou autres objets saisis, au gouvernement requérant.

« Cette remise peut avoir lieu, même si l'extradition ne peut s'accomplir, par suite de l'évasion ou de la mort de l'individu réclamé.

« La chambre de l'instruction ordonne la restitution des papiers et autres objets énumérés ci-dessus qui ne se rapportent pas au fait imputé à la personne réclamée. Elle statue, le cas échéant, sur les réclamations des tiers détenteurs et autres ayants droit.

« Art. 696-44. - Au cas de poursuites répressives exercées à l'étranger, lorsqu'un gouvernement étranger juge nécessaire la notification d'un acte de procédure ou d'un jugement à un individu résidant sur le territoire français, la pièce est transmise suivant les formes prévues aux articles 696-8 et 696-9, accompagnée, le cas échéant, d'une traduction française. La signification est faite à personne, à la requête du ministère public. L'original constatant la notification est renvoyé par la même voie au gouvernement requérant.

« Art. 696-45. - Lorsque, dans une cause pénale instruite à l'étranger, le gouvernement étranger juge nécessaire la communication de pièces à conviction ou de documents se trouvant entre les mains des autorités françaises, la demande est transmise suivant les formes prévues aux articles 696-8 et 696-9. Il y est donné suite, à moins que des considérations particulières ne s'y opposent, et sous l'obligation de renvoyer les pièces et documents dans le plus bref délai.

« Art. 696-46. - Lorsque l'audition d'un témoin résidant en France est jugée nécessaire par un gouvernement étranger, le gouvernement français, saisi d'une demande transmise dans les formes prévues aux articles 696-8 et 696-9, l'engage à se rendre à la convocation qui lui est adressée.

« Néanmoins, la citation n'est reçue et signifiée qu'à la condition que le témoin ne pourra être poursuivi ou détenu pour des faits ou condamnations antérieurs à son audition.

« Art. 696-47. - L'envoi des individus détenus, en vue d'une confrontation, doit être demandé dans les formes prévues aux articles 696-8 et 696-9. Il est donné suite à la demande, à moins que des considérations particulières ne s'y opposent, et sous la condition de renvoyer lesdits détenus dans le plus bref délai.

« Art. 696-48. - Supprimé. »

II. - Non modifié.

III. - Supprimé.

M. le président. Je suis saisi de vingt-trois amendements, présentés par M. Zocchetto, au nom de la commission.

L'amendement n° 12 est ainsi libellé :

« Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 694-3 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "dans les meilleurs délais" par les mots : "sans délai". »

L'amendement n° 13 est ainsi libellé :

« Modifier comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article 695-15 du code de procédure pénale :

« I. - Rédiger comme suit le premier alinéa :

« Le ministère public près la juridiction d'instruction, de jugement ou d'application des peines ayant décerné un mandat d'arrêt met celui-ci à exécution sous la forme d'un mandat d'arrêt européen, soit à la demande de la juridiction, soit d'office, selon les règles et sous les conditions déterminées par les articles 695-12 à 695-14-1. »

« II. - Dans le second alinéa, après les mots : "est également compétent", insérer les mots : ", s'il l'estime nécessaire,". »

L'amendement n° 14 est ainsi libellé :

« Dans le texte proposé par le I de cet article pour l'article 695-16 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "dans les meilleurs délais" par les mots : "sans délai". »

L'amendement n° 15 est ainsi libellé :

« A la fin du dernier alinéa (5°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article 695-17 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "peine d'emprisonnement" par les mots : "peine privative de liberté". »

L'amendement n° 16 est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le vingt-troisième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 695-23 du code de procédure pénale :

« - extorsion ; ».

L'amendement n° 17 est ainsi libellé :

« Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 695-26 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "est adressé directement" par les mots : "peut être adressé directement". »

L'amendement n° 18 est ainsi libellé :

« Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 695-26 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "dans les meilleurs délais" par les mots : "sans délai". »

L'amendement n° 19 est ainsi libellé :

« Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 695-27 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "dans les meilleurs délais" par les mots : "sans délai". »

L'amendement n° 20 est ainsi libellé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 695-28 du code de procédure pénale, après les mots : "la personne recherchée", insérer les mots : "à la maison d'arrêt du siège de la cour d'appel dans le ressort de laquelle elle a été appréhendée". »

L'amendement n° 21 est ainsi libellé :

« Dans le second alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 695-28 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "dans les meilleurs délais" par les mots : "sans délai". »

L'amendement n° 22 est ainsi libellé :

« Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 695-31 du code de procédure pénale par les mots : "et de son caractère irrévocable." »

L'amendement n° 23 est ainsi libellé :

« Dans la première phrase du quatrième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 695-31 du code de procédure pénale, supprimer le mot : "motivée". »

L'amendement n° 24 est ainsi libellé :

« Dans le dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 695-31 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "dans les meilleurs délais" par les mots : "sans délai". »

L'amendement n° 25 est ainsi libellé :

« Dans la seconde phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 695-37 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "dans les meilleurs délais" par les mots : "sans délai". »

L'amendement n° 26 est ainsi libellé :

« Modifier comme suit le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 695-43 du code de procédure pénale :

« I. - Dans la première phrase, remplacer les mots : "le mandat d'arrêt européen ne peut être exécuté" par les mots : "la décision définitive sur l'exécution du mandat d'arrêt européen ne peut être rendue par les autorités judiciaires compétentes".

« II. - Rédiger comme suit le début de la seconde phrase : "Ce délai est alors". »

L'amendement n° 27 est ainsi libellé :

« Dans l'antépénultième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 695-46 du code de procédure pénale, supprimer les mots : ", par une décision motivée,". »

L'amendement n° 28 est ainsi libellé :

« Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 696-10 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "son incarcération" par les mots : "sa présentation au procureur de la République". »

L'amendement n° 29 est ainsi libellé :

« Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 696-10 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "dans les meilleurs délais" par les mots : "sans délai". »

L'amendement n° 30 est ainsi libellé :

« A la fin de la deuxième phrase du dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 696-12 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "dans les meilleurs délais" par les mots : "sans délai". »

L'amendement n° 31 est ainsi libellé :

« Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 696-15 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "dans les meilleurs délais" par les mots : "sans délai". »

L'amendement n° 32 est ainsi libellé :

« Dans la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 696-15 du code de procédure pénale, après les mots : "dix jours", insérer le mot : "ouvrables". »

L'amendement n° 33 est ainsi libellé :

« Dans la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 696-22 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "dans les meilleurs délais" par les mots : "sans délai". »

L'amendement n° 34 est ainsi libellé :

« Dans le dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 696-23 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "dans les meilleurs délais" par les mots : "sans délai". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Monsieur le président, les amendements n°s 12 à 34 traitent de l'entraide judiciaire internationale, de l'extradition et du mandat d'arrêt européen, qui forment un même sujet.

Tous ces amendements ont pour objet d'améliorer, de clarifier ou de coordonner la rédaction du texte issu des travaux de l'Assemblée nationale. Plusieurs d'entre eux visent à rétablir le texte adopté par le Sénat en première lecture, pour prévoir que les transmissions d'information peuvent se faire « sans délai », et non « dans les meilleurs délais ». Tel est le cas de l'amendement n° 12.

L'amendement n° 13 tend à clarifier le dispositif proposé pour l'article 695-15 du code de procédure pénale, relatif aux modalités d'émission d'un mandat d'arrêt européen par le ministère public.

L'amendement n° 14 propose le retour au texte de première lecture adopté par le Sénat.

L'amendement n° 15 concerne l'article 695-17 du code de procédure pénale, qui vise à transposer en droit interne l'article 27 de la décision-cadre du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen, et précise les exceptions au principe de spécialité. La rédaction actuelle du 5°, interprétée a contrario, pourrait laisser penser que, lorsque l'intéressé encourt une peine de réclusion criminelle, le principe de spécialité ne s'appliquerait pas. L'amendement vise à remédier à cette imperfection dans la rédaction de l'article considéré.

L'amendement n° 16 vise à remplacer le terme « racket », qui n'existe pas en droit français, par le mot « extorsion ».

L'amendement n° 17 est un amendement de coordination.

L'amendement n° 18, de même que l'amendement n° 19, vise le retour au texte de première lecture adopté par le Sénat.

L'amendement n° 20 tend à préciser dans quel lieu l'intéressé, une fois appréhendé, est incarcéré.

L'amendement n° 21 a pour objet de revenir à la rédaction initiale du Sénat.

L'amendement n° 22 tend à réparer un oubli du texte relatif au caractère irrévocable de la renonciation au principe de spécialité.

L'amendement n° 23 est un amendement de cohérence avec les modifications adoptées par l'Assemblée nationale.

Les amendements n°s 24 et 25 visent le retour au texte de première lecture adopté par le Sénat.

L'amendement n° 26 est un amendement de précision : il s'agit d'indiquer sans ambiguïté que le report de trente jours concerne le délai dans lequel la chambre de l'instruction doit rendre sa décision sur l'exécution définitive, et non le délai dans lequel le mandat d'arrêt est mis à exécution.

L'amendement n° 27 est un amendement de cohérence avec les modifications qui ont déjà été opérées.

L'amendement n° 28 tend à remédier à une imprécision du texte adopté par les députés.

Les amendements n°s 29, 30 et 31 ont pour objet de revenir à notre texte de première lecture.

L'amendement n° 32 est un amendement d'harmonisation avec le mode de calcul du délai de comparution devant la chambre d'instruction.

Enfin, les amendements n°s 33 et 34 ont pour objet de revenir au texte de première lecture adopté par le Sénat.

J'en ai terminé, monsieur le président, avec la présentation de cette série d'amendements techniques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Nous avons déjà évoqué la question posée par l'amendement n° 12 cet après-midi. Je m'en remets à la sagesse du Sénat.

J'émets un avis favorable sur l'amendement n° 13, qui clarifie utilement l'économie de l'article en précisant les modalités d'émission d'un mandat d'arrêt européen par le ministère public selon que le titre considéré est délivré aux fins de poursuites pénales ou en vue d'exécuter une peine.

En ce qui concerne l'amendement n° 14, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat. Cette position vaut pour l'ensemble des amendements tendant à écrire : « sans délai » plutôt que : « dans les meilleurs délais. »

Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 15, qui est juridiquement tout à fait utile en ce qu'il permettra d'appliquer plus fidèlement en droit interne les exceptions au principe de spécialité visées à l'article 27 de la décision-cadre du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 16 : le terme « extorsion » est effectivement plus approprié que celui de « racket ». Nous avions repris le mot qui figurait dans la directive, mais c'était une mauvaise idée.

Il émet également un avis favorable sur l'amendement de coordination n° 17.

Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 18, ainsi que sur l'amendement n° 19, pour les mêmes raisons que celles que j'indiquais tout à l'heure.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 20.

Il s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur l'amendement n° 21.

Il est favorable à l'amendement n° 22, qui apporte un complément juridique utile à l'article considéré en renforçant le caractère volontaire et éclairé de la renonciation au principe de spécialité, ainsi qu'à l'amendement n° 23, qui harmonise la rédaction de l'article avec les modifications adoptées par l'Assemblée nationale.

Il s'en remet à la sagesse du Sénat sur les amendements n°s 24 et 25.

Il est favorable à l'amendement n° 26, l'article étant ainsi mieux rédigé, avec une précision juridique plus grande ; il est également favorable à l'amendement n° 27, ainsi qu'à l'amendement n° 28, qui vise le remplacement de la référence à l'incarcération par celle de la présentation au procureur de la République.

Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur les amendements n°s 29, 30 et 31, s'agissant des délais.

Il est favorable à l'amendement n° 32 : l'ajout du mot « ouvrable » est une précision tout à fait utile.

Enfin, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur les amendements n°s 33 et 34, relatifs aux délais.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'article 6 du projet de loi est extrêmement long et tend à transposer une directive relative à la lutte contre la délinquance et la criminalité internationales.

Vous aurez remarqué que le groupe socialiste n'a déposé aucun amendement sur cet article. Nous ne nous y opposons pas et nous sommes favorables à la lutte contre la criminalité internationale.

M. le président. Je mets aux voix successivement les amendements n°s 12 à 34.

(Les amendements n°s 12 à 34 sont successivement adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Art. 6
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Art. 6 ter

Article 6 bis

I. - Après l'article 568 du code de procédure pénale, il est inséré un article 568-1 ainsi rédigé :

« Art. 568-1. - Lorsque la décision attaquée est un arrêt d'une chambre de l'instruction, statuant dans les conditions énoncées au quatrième alinéa de l'article 695-31, le délai de pourvoi mentionné au premier alinéa de l'article 568 est ramené à trois jours francs.

« Le dossier est transmis, par tout moyen permettant d'en conserver une trace écrite, au greffe de la chambre criminelle de la Cour de cassation dans les quarante-huit heures à compter du pourvoi. »

II. - Après l'article 574-1 du même code, il est inséré un article 574-2 ainsi rédigé :

« Art. 574-2. - La chambre criminelle de la Cour de cassation saisie d'un pourvoi contre un arrêt visé à l'article 568-1 statue dans le délai de quarante jours à compter de la date du pourvoi.

« Le demandeur en cassation ou son avocat doit, à peine de déchéance, déposer son mémoire exposant les moyens de cassation dans le délai de cinq jours à compter de la réception du dossier à la Cour de cassation. La transmission du mémoire peut être effectuée par tout moyen permettant d'en conserver une trace écrite.

« Après l'expiration de ce délai, aucun moyen nouveau ne peut être soulevé par lui et il ne peut plus être déposé de mémoire.

« Dès la réception du mémoire, le président de la chambre criminelle fixe la date de l'audience. »

III. - Non modifié.

M. le président. L'amendement n° 35, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« A la fin du second alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 568-1 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "du pourvoi." par les mots : "de la déclaration de pourvoi". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. C'est un amendement d'harmonisation rédactionnelle avec le code de procédure pénale.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6 bis, modifié.

(L'article 6 bis est adopté.)

Art. 6 bis
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Art. 7

Article 6 ter

Après l'article 113-8 du code pénal, il est inséré un article 113-8-1 ainsi rédigé :

« Art. 113-8-1. - Sans préjudice de l'application des articles 113-6 à 113-8, la loi pénale française est également applicable à tout crime ou à tout délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement commis hors du territoire de la République par un étranger dont l'extradition a été refusée à l'Etat requérant par les autorités françaises aux motifs soit que le fait à raison duquel l'extradition avait été demandée est puni d'une peine ou d'une mesure de sûreté contraire à l'ordre public français, soit que la personne réclamée aurait été jugée dans ledit Etat par un tribunal n'assurant pas les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense.

« La poursuite des infractions mentionnées au premier alinéa ne peut être exercée qu'à la requête du ministère public. Elle doit être précédée d'une dénonciation officielle, transmise par le ministre de la justice, de l'autorité du pays où le fait a été commis et qui avait requis l'extradition. »

M. le président. L'amendement n° 36, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Compléter le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'aricle 113-8-1 du code pénal par les mots : ", soit que le fait considéré revêt le caractère d'infraction politique." »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Le présent amendement tend à proposer l'extension de la compétence des juridictions françaises à certaines infractions commises hors du territoire national lorsque les faits reprochés à la personne dont l'extradition a été refusée revêtent un caractère politique.

Ce dispositif permet d'anticiper la mise en oeuvre du protocole portant amendement à la convention européenne pour la répression du terrorisme, signé par la France le 15 mai 2003.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6 ter, modifié.

(L'article 6 ter est adopté.)

Chapitre III

Dispositions concernant la lutte contre les infractions en matière économique, financière et douanière et en matière de terrorisme, de santé publique et de pollution maritime

Section 1

Dispositions relatives aux infractions

en matière économique et financière

Art. 6 ter
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Art. 7 bis A

Article 7

I A. - Non modifié.

I. - L'article 704 du même code est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « pour », sont insérés les mots : « l'enquête, » ;

2° Les 1°, 2° et 3° sont ainsi rédigés :

« 1° Délits prévus par les articles 222-38, 223-15-2, 313-1 et 313-2, 313-6, 314-1 et 314-2, 323-1 à 323-4, 324-1 et 324-2, 432-10 à 432-15, 433-1 et 433-2, 434-9, 435-1 et 435-2, 442-1 à 442-8 et 450-2-1 du code pénal ;

« 2° Délits prévus par le code de commerce ;

« 3° Délits prévus par le code monétaire et financier. » ;

3° Les 10° , 14° et 16° sont abrogés ;

4° Les deux derniers alinéas sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

« La compétence territoriale d'un tribunal de grande instance peut également être étendue au ressort de plusieurs cours d'appel pour l'enquête, la poursuite, l'instruction et, s'il s'agit de délits, le jugement de ces infractions, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d'une très grande complexité, en raison notamment du grand nombre d'auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s'étendent.

« La compétence des juridictions mentionnées au premier alinéa et à l'alinéa qui précède s'étend aux infractions connexes.

« Un décret fixe la liste et le ressort de ces juridictions, qui comprennent une section du parquet et des formations d'instruction et de jugement spécialisées pour connaître de ces infractions. »

II. - Non modifié.

III. - Les deux premiers alinéas de l'article 706 du même code sont remplacés par dix alinéas ainsi rédigés :

« Peuvent exercer des fonctions d'assistant spécialisé auprès d'un tribunal de grande instance mentionné à l'article 704 les fonctionnaires de catégorie A ou B ainsi que les personnes titulaires, dans des matières définies par décret, d'un diplôme national sanctionnant une formation d'une durée au moins égale à quatre années d'études supérieures après le baccalauréat qui remplissent les conditions d'accès à la fonction publique et justifient d'une expérience professionnelle minimale de quatre années.

« Les assistants spécialisés suivent une formation obligatoire préalable à leur entrée en fonction.

« Les assistants spécialisés participent aux procédures sous la responsabilité des magistrats, sans pouvoir toutefois recevoir délégation de signature, sauf pour les réquisitions prévues par les articles 60-1, 60-2, 77-1-1, 77-1-2, 99-3 et 99-4.

« Ils accomplissent toutes les tâches qui leur sont confiées par les magistrats et peuvent notamment :

« 1° Assister les juges d'instruction dans tous les actes d'information ;

« 2° Assister les magistrats du ministère public dans l'exercice de l'action publique ;

« 3° Assister les officiers de police judiciaire agissant sur délégation des magistrats ;

« 4° Remettre aux magistrats des documents de synthèse ou d'analyse qui peuvent être versés au dossier de la procédure ;

« 5° Mettre en oeuvre le droit de communication reconnu aux magistrats en application de l'article 132-22 du code pénal.

« Le procureur général peut leur demander d'assister le ministère public devant la juridiction d'appel. »

IV. - Non modifié.

M. le président. L'amendement n° 156, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt, Badinter, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit d'un amendement de coordination.

Nous demandons la suppression de cet article, parce que nous persistons à être contre ces juridictions interrégionales, pour les raisons que nous avons dites. Elles existaient déjà, elles étaient régionales par cour d'appel et cela nous paraissait largement suffisant.

C'est pourquoi, sans illusion sur le sort qui sera réservé à cet amendement mais logiques avec nous-mêmes, nous le proposons au Sénat.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement. M. Michel Dreyfus-Schmidt nous propose en effet de supprimer l'article 7, alors que ce dernier améliore les règles permettant de lutter contre les infractions économiques et financières. La commission, pour sa part, considère que ces dispositions sont très utiles.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 156.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Art. 7
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Art. 7 ter

Article 7 bis A

Après l'article 706-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 706-1-1 ainsi rédigé :

« Art. 706-1-1. - Le procureur général près la cour d'appel, dans le ressort de laquelle se trouve une juridiction compétente en application de l'article 704, anime et coordonne, en concertation avec les autres procureurs généraux du ressort interrégional, la conduite de la politique d'action publique pour l'application de cet article. »

M. le président. L'amendement n° 235, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Il s'agit d'un amendement de suppression de l'article. J'ai eu l'occasion de le défendre avec l'amendement n° 234 à l'article 5.

Il en sera de même pour les amendements n°s 236 et 237. Tous concernent le dispositif relatif à la hiérarchisation entre les procureurs généraux, que j'ai abordé précédemment.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. J'ai également eu l'occasion d'exprimer les raisons pour lesquelles la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 235.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7 bis A.

(L'article 7 bis A est adopté.)

Art. 7 bis A
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Art. 8

Article 7 ter

Le livre VI du code de l'organisation judiciaire est complété par un titre V ainsi rédigé :

« TITRE V

« LES JURIDICTIONS SPÉCIALISÉES

PRÉVUES PAR LES ARTICLES 704, 706-2 ET 706-75

DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

« Art. L. 650-1. - Au sein de chaque tribunal de grande instance dont la compétence territoriale est étendue au ressort d'une ou plusieurs cours d'appel en application des articles 704 et 706-75 du code de procédure pénale, un ou plusieurs juges d'instruction désignés par le premier président après avis du président du tribunal de grande instance sont chargés spécialement des informations relatives aux crimes et délits entrant dans le champ d'application des articles 704, 706-73, à l'exception du 9°, ou 706-74 du même code.

« Un ou plusieurs magistrats du parquet désignés par le procureur général après avis du procureur de la République sont chargés spécialement de l'enquête et de la poursuite des crimes et délits entrant dans le champ d'application des articles 706-73, à l'exception du 9°, ou 706-74 du même code.

« Art. L. 650-2 et L. 650-3. - Non modifiés.

« Art. L. 650-4. - Au sein de chaque cour d'appel dont la compétence territoriale est étendue au ressort d'une ou plusieurs cours d'appel en application des articles 704 et 706-75 du code de procédure pénale, des magistrats du siège désignés par le premier président sont chargés spécialement du jugement des délits entrant dans le champ d'application des articles 704, 706-73, à l'exception du 9°, ou 706-74 du même code.

« Un ou plusieurs magistrats du parquet général désignés par le procureur général sont chargés spécialement du traitement des affaires entrant dans le champ d'application des articles 704, 706-73, à l'exception du 9°, ou 706-74 du même code.

« Art. L. 650-5. - Au sein de chaque cour d'appel dans laquelle se trouve une juridiction compétente en application des articles 704, 706-2 et 706-75 du code de procédure pénale, le procureur général anime et coordonne, en concertation avec les autres procureurs généraux du ressort interrégional, la conduite de la politique d'action publique pour l'application de ces articles. »

M. le président. L'amendement n° 236, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Supprimer le texte proposé par cet article pour insérer un article L. 650-5 dans le code de l'organisation judiciaire. »

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 236.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7 ter.

(L'article 7 ter est adopté.)

Section 2

Dispositions relatives aux infractions

en matière de santé publique

Art. 7 ter
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Art. 8 bis A

Article 8

I. - Non modifié.

II. - L'article 706-2 du même code est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du I, après le mot : « pour », sont insérés les mots : « l'enquête, » ;

bis. Après les mots : « code de la santé publique ou », la fin du premier alinéa du I est ainsi rédigée : « à un produit destiné à l'alimentation de l'homme ou de l'animal ou à un produit ou une substance auxquels l'homme est durablement exposé et qui sont réglementés en raison de leurs effets ou de leur dangerosité, qui sont ou apparaîtraient d'une grande complexité : » ;

ter. Avant le dernier alinéa du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« - infractions prévues par le code de l'environnement et le code du travail. » ;

2° Le dernier alinéa du I est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Cette compétence s'étend aux infractions connexes.

« Un décret fixe la liste et le ressort de ces juridictions, qui comprennent une section du parquet et des formations d'instruction et de jugement spécialisées pour connaître de ces infractions.

« Le procureur de la République, le juge d'instruction et la formation correctionnelle spécialisée de ces tribunaux exercent, dans les conditions et selon les modalités prévues par l'article 705, une compétence concurrente à celle qui résulte de l'application des articles 43, 52, 382 et 706-42.

« Le procureur de la République près un tribunal de grande instance autre que ceux visés au présent article peut, pour les infractions énumérées ci-dessus, requérir le juge d'instruction, dans les conditions et selon les modalités prévues par les articles 705-1 et 705-2, de se dessaisir au profit de la juridiction d'instruction du tribunal de grande instance à compétence territoriale étendue par application du présent article. » ;

3° Le II est ainsi rédigé :

« II. - Dans les conditions et selon les modalités prévues aux deuxième à dixième alinéas de l'article 706, peuvent exercer des fonctions d'assistant spécialisé en matière sanitaire les fonctionnaires de catégorie A ou B relevant des ministres chargés de la santé, de la recherche et de l'agriculture ainsi que les personnes titulaires, dans des matières définies par décret, d'un diplôme national sanctionnant une formation d'une durée au moins égale à quatre années d'études supérieures après le baccalauréat qui remplissent les conditions d'accès à la fonction publique et justifient d'une expérience professionnelle minimale de quatre années. ». - (Adopté.)

Art. 8
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Art. 9

Article 8 bis A

Après l'article 706-2 du code de procédure pénale, il est inséré un article 706-2-1, ainsi rédigée :

« Art. 706-2-1. - Le procureur général près la cour d'appel, dans le ressort de laquelle se trouve une juridiction compétente en application de l'article 706-2, anime et coordonne, en concertation avec les autres procureurs généraux du ressort interrégional, la conduite de la police d'action publique pour l'application de cet article. »

M. le président. L'amendement n° 237, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 237.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 8 bis A.

(L'article 8 bis A est adopté.)

Section 2 bis

Dispositions relatives aux actes de terrorisme

Section 3

Dispositions relatives aux infractions en matière

de pollution des eaux maritimes par rejets des navires

Art. 8 bis A
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Art. 10

Article 9

I. - Le livre IV du code de procédure pénale est complété par un titre XXVI ainsi rédigé :

« TITRE XXVI

« DE LA PROCÉDURE APPLICABLE EN CAS

DE POLLUTION DES EAUX MARITIMES

PAR REJETS DES NAVIRES

« Art. 706-102 et 706-103. - Non modifiés.

« Art. 706-104. - Le procureur de la République, le juge d'instruction, la formation correctionnelle spécialisée du tribunal de grande instance mentionné à l'article 706-102 exercent, sur toute l'étendue du ressort fixé en application de cet article, une compétence concurrente à celle qui résulte de l'application des articles 43, 52, 382 et 706-42.

« Ils exercent également, dans les mêmes conditions, une compétence concurrente à celle qui résulte des critères de compétence suivants :

« 1° Lieu d'immatriculation du navire, engin ou plate-forme ou de son attachement en douanes ;

« 2° Lieu où le navire, engin ou plate-forme est ou peut être trouvé.

« La juridiction spécialisée saisie demeure compétente, quelles que soient les incriminations retenues lors du règlement ou du jugement de l'affaire. Toutefois, si les faits constituent une contravention, le juge d'instruction prononce le renvoi de l'affaire devant le tribunal de police compétent en application de l'article 522.

« Art. 706-105 et 706-106. - Non modifiés. »

II. - Supprimé. - (Adopté.)

Art. 9
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Art. 10 ter

Article 10

Le code de l'environnement est ainsi modifié :

Non modifié ;

2° L'article L. 218-10 est ainsi modifié :

a) Au I, les mots : « de quatre ans d'emprisonnement et de 600 000 EUR d'amende » sont remplacés par les mots : « de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 EUR d'amende » ;

b) Il est complété par un III ainsi rédigé :

« III. - La peine d'amende prévue au I peut être portée, au-delà de ce montant, à une somme équivalente à la valeur du navire ou à cinq fois la valeur de la cargaison transportée ou du fret. » ;

3° Au premier alinéa de l'article L. 218-11, les mots : « de deux ans d'emprisonnement et de 180 000 EUR d'amende » sont remplacés par les mots : « de sept ans d'emprisonnement et de 700 000 EUR d'amende » ;

bis. Dans l'article L. 218-13, les mots : « du double de cette peine et » sont supprimés ;

ter. L'article L. 218-21 est ainsi modifié :

a) Dans le premier alinéa, après la référence « L. 218-19 », sont insérés les mots : « et L. 218-22 » ;

b) Dans le dernier alinéa, les mots : « et L. 218-13 à L. 218-19 » sont remplacés par les mots : « , L. 218-13 à L. 218-19 et L. 218-22 » ;

4° L'article L. 218-22 est ainsi modifié :

aa) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« I. - Sans préjudice des peines prévues à la présente sous-section en matière d'infractions aux règles sur les rejets, le fait, pour le capitaine ou le responsable de la conduite ou de l'exploitation à bord de navires ou de plates-formes français ou étrangers, de provoquer par imprudence, négligence ou inobservation des lois et règlements, un accident de mer tel que défini par la convention du 29 novembre 1969 sur l'intervention en haute mer en cas d'accidents entraînant ou pouvant entraîner une pollution par les hydrocarbures ou de ne pas prendre les mesures nécessaires pour l'éviter est punissable lorsque cet accident a entraîné une pollution des eaux territoriales, des eaux intérieures ou des voies navigables jusqu'à la limite de la navigation maritime. » ;

a) Au deuxième alinéa, les mots : « de peines égales à la moitié de celles prévues audit article » sont remplacés par les mots : « de deux ans d'emprisonnement et de 200 000 EUR d'amende » ;

b) Au troisième alinéa, les références : « L. 218-12 et L. 218-13 » sont remplacées par la référence : « et L. 218-12 » et les mots : « de peines égales à la moitié de celles prévues auxdits articles » sont remplacés par les mots : « d'un an d'emprisonnement et de 90 000 EUR d'amende » ;

c) Après le troisième alinéa, sont insérés dix alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque l'infraction est commise au moyen d'un navire ou engin entrant dans les catégories définies à l'article L. 218-13, elle est punie de 4 000 EUR d'amende.

« II. - Lorsque l'accident de mer visé au I a, directement ou indirectement, soit pour origine la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, soit pour conséquence un dommage irréversible ou d'une particulière gravité à l'environnement, les peines sont portées à :

« 1° Cinq ans d'emprisonnement et à 500 000 EUR d'amende, lorsque l'infraction est commise au moyen d'un navire entrant dans les catégories définies à l'article L. 218-10 ou d'une plate-forme ;

« 2° Trois ans d'emprisonnement et à 300 000 EUR d'amende, lorsque l'infraction est commise au moyen d'un navire ou engin entrant dans les catégories définies aux articles L. 218-11 et L. 218-12 ;

« 3° 6 000 EUR d'amende, lorsque l'infraction est commise au moyen d'un navire ou engin entrant dans les catégories définies à l'article L. 218-13.

« Lorsque l'infraction est commise au moyen d'un navire entrant dans les catégories définies aux articles L. 218-10, L. 218-11 et L. 218-12 ou d'une plate-forme, l'amende peut être portée, au-delà de ce montant, à une somme équivalente à la valeur du navire ou à trois fois la valeur de la cargaison transportée ou du fret.

« III. - Lorsque les deux circonstances visées au premier alinéa du II sont réunies, les peines sont portées à :

« 1° Sept ans d'emprisonnement et à 700 000 EUR d'amende, lorsque l'infraction est commise au moyen d'un navire entrant dans la catégorie définie à l'article L. 218-10 ;

« 2° Cinq ans d'emprisonnement et à 500 000 EUR d'amende, lorsque l'infraction est commise au moyen d'un navire entrant dans les catégories définies aux articles L. 218-11 et L. 218-12.

« L'amende peut être portée, au-delà de ce montant, à une somme équivalente à la valeur du navire ou à quatre fois la valeur de la cargaison transportée ou du fret. » ;

d) Dans le quatrième alinéa, les mots : « deux alinéas précédents » sont remplacés par les mots : « I et II » et, avant les mots : « Les peines », il est inséré la mention : « IV. - » ;

e) A la fin du même alinéa, les mots : « au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « au présent article » ;

f) Au début du dernier alinéa, avant les mots : « N'est pas », il est inséré la mention : « V. - » ;

5° L'article L. 218-24 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, avant les mots : « Le tribunal », il est inséré la mention « I. - » ;

b) Le troisième alinéa est remplacé par un II ainsi rédigé :

« II. - Les personnes physiques coupables des infractions prévues par la présente sous-section encourent également à titre de peine complémentaire la peine d'affichage de la décision prononcée ou de diffusion de celle-ci dans les conditions prévues à l'article 131-35 du code pénal. » ;

6° L'article L. 218-25 est ainsi modifié :

aa) Le I est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Elles encourent la peine d'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal. » ;

a) Le II est ainsi rédigé :

« II. - Pour les infractions définies aux articles L. 218-10 à L. 218-22, elles encourent également la peine mentionnée au 9° de l'article 131-39 du code pénal. » ;

b) et c) Supprimés ;

7° L'article L. 218-29 est ainsi rédigé :

« Art. L. 218-29. - Les règles relatives à la compétence des juridictions pénales spécialisées pour connaître des infractions prévues par la présente sous-section sont fixées par les articles 706-102 à 706-106 du code de procédure pénale ci-après reproduits :

« Art. 706-102 et 706-103. - Non modifiés.

« Art. 706-104. - Le procureur de la République, le juge d'instruction, la formation correctionnelle spécialisée du tribunal de grande instance mentionné à l'article 706-102 exercent, sur toute l'étendue du ressort fixé en application de cet article, une compétence concurrente à celle qui résulte de l'application des articles 43, 52, 382 et 706-42.

« Ils exercent également, dans les mêmes conditions, une compétence concurrente à celle qui résulte des critères de compétence suivants :

« 1° Lieu d'immatriculation du navire, engin ou plate-forme ou de son attachement en douanes ;

« 2° Lieu où le navire, engin ou plate-forme est ou peut être trouvé.

« La juridiction spécialisée saisie demeure compétente, quelles que soient les incriminations retenues lors du règlement ou du jugement de l'affaire. Toutefois, si les faits constituent une contravention, le juge d'instruction prononce le renvoi de l'affaire devant le tribunal de police compétent en application de l'article 522.

« Art. 706-105 et 706-106. - Non modifiés. »

M. le président. La parole est à M. Robert Bret, sur l'article.

M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en première lecture, j'avais souligné l'importance qu'il y avait à se doter d'un arsenal législatif adapté à la répression de la pollution maritime.

Vous le savez, en tant qu'élu des rivages de la Méditerranée, je suis particulièrement sensible à ce type de dispositions. En effet, au-delà de catastrophes comme celle du Prestige, chaque jour, des navires dégazent, vidangent, procèdent à des déballastages, curent au large des côtes. Ils contribuent, de façon moins spectaculaire mais bien plus nocive, à la pollution de la mer et des rivages.

Selon les chiffres, les accidents représenteraient moins de 10 % de cette pollution maritime, dont on connaît les conséquences désastreuses à long terme tant pour l'environnement que pour les activités économiques, qu'il s'agisse du tourisme ou de la pêche.

Il faut être exemplaire en la matière en mettant en place un dispositif efficace : aggravation des sanctions, bien sûr, et amendes fondées sur la valeur du navire et de la cargaison. Cette dernière mesure est moins justifiée dans la mesure où, comme le souligne le rapport, il n'y a pas forcément de correspondance avec le risque de pollution.

Cet article 10 présente cependant un inconvénient majeur à mes yeux : il laisse une fois de plus de côté la question de la responsabilité des affréteurs. Maintenir ceux-ci en dehors du champ de la répression, c'est vouloir ignorer qu'ils mettent en circulation, de façon parfois consciente, des navires hors d'état de naviguer - des navires poubelles - et présentant en tant que tels de réels risques de naufrage.

Il paraît dès lors absolument nécessaire de prévoir expressément l'appel en responsabilité de l'affréteur en cas de sinistre, et non uniquement du capitaine de navire ou éventuellement de son propriétaire.

Comme le soulignait mon collègue Roland Courteau au mois de janvier 2003, « c'est au regard du risque encouru que les affréteurs opteront pour des navires plus sûrs. L'application de la mesure que nous préconisons permettra peut-être de mettre un terme aux pratiques de certains d'entre eux qui, pour des raisons d'économie, et donc de profit, recourent à des navires de plus de vingt ans d'âge, circulant sans respecter des normes de sécurité sévères, avec des équipages souvent mal formés ou pas formés du tout ».

Et ce n'est pas par l'adoption du registre international français, le RIF, qui aboutit à déréguler le secteur, que nous contribuerons à changer les choses, je suis au regret de vous le dire.

Cette particularité du droit maritime apparaît d'autant moins justifiée au regard des règles qui s'appliquent en matière de navigation aérienne : la catastrophe aérienne du Sénégal n'a-t-elle pas abouti à la mise en cause du Club Méditerranée, accusé d'avoir opéré un « mauvais choix » ?

La même règle devrait être appliquée pour les navires, sans que le fait qu'il s'agisse de transport de personnes ou de marchandises ne puisse être invoqué. En effet, la vie des membres d'équipage, voire des sauveteurs, est malheureusement souvent mise en danger. Ensuite, les conséquences sur la santé publique peuvent être dramatiques.

Pour conclure, je dirai à nouveau qu'une politique résolue de lutte contre la pollution maritime implique une augmentation sensible des moyens mis en oeuvre : des moyens matériels, parce qu'actuellement trop peu de ports sont équipés d'infrastructures de déballastage et de dégazage, et un effort important doit être accompli en ce sens ; des moyens humains, parce que le nombre des personnels chargés du contrôle en mer est nettement insuffisant. Il faudrait pratiquement doubler les effectifs pour être efficace. Tels sont les éléments que je souhaitais développer dans le cadre du présent débat.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, présentés par M. Zocchetto, au nom de la commission, et faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 37 est ainsi libellé :

« I. - Dans le a) du 2° de cet article, remplacer la somme : "1 000 000 EUR" par la somme : "2 000 000 EUR".

« II. - Supprimer le b) du 2° de cet article. »

L'amendement n° 38 est ainsi libellé :

« Dans le second alinéa du aa) du 4° de cet article, après les mots : "inobservation des lois et règlements", insérer les mots : "dans les conditions définies à l'article 121-3 du code pénal". »

L'amendement n° 39 est ainsi libellé :

« Supprimer le septième alinéa du c) du 4° de cet article. »

L'amendement n° 40 est ainsi libellé :

« Supprimer le dernier alinéa du c) du 4° de cet article. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Ces amendements sont relatifs à la pollution maritime volontaire.

S'agissant de l'amendement n° 37, l'Assemblée nationale a proposé un dispositif visant à prévoir que les amendes prononcées en cas de pollution volontaire seraient basées sur la valeur du navire ou sur la valeur de la cargaison.

A la lumière des explications données par certains membres de la commission des lois qui président aux destinées de villes accueillant de gros armateurs et qui connaissent bien la question, et après avoir examiné tous les cas de figure qui peuvent se présenter, la commission a considéré que ce n'était pas une bonne façon de raisonner.

En effet, un navire que l'on appelle communément un « navire poubelle », dont la valeur est donc proche de zéro et qui n'a plus de cargaison, peut tout à fait procéder à des dégazages volontaires qui provoquent des dégâts importants.

A l'inverse, un très grand porte-conteneurs, tout neuf, transportant une cargaison de grande valeur, peut quasiment ne pas présenter de risques en termes de pollution.

La commission vous propose donc de revenir sur le dispositif adopté en deuxième lecture par l'Assemblée nationale, d'une part en supprimant toute référence à la valeur du navire ou de la cargaison, d'autre part en portant le montant de l'amende de 1 million d'euros à 2 millions d'euros, peine qui nous paraît tout à fait dissuasive.

L'amendement n° 38 est un amendement de précision en matière de pollution involontaire. Nous vous proposons de faire référence explicitement à l'article 121-3 du code pénal, c'est-à-dire à la loi Fauchon.

Les amendements n°s 39 et 40 sont des amendements de coordination par rapport aux deux précédents que je viens d'exposer.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Une fois n'est pas coutume, le Gouvernement est défavorable à la position de la commission.

En effet, le dispositif qui vous est proposé prévoit une peine d'amende que je considère normale de 1 million d'euros, et c'est seulement sur son initiative que le juge peut éventuellement aller au-delà de cette amende pour tenir compte des circonstances : à ce moment-là, il a la possibilité de prendre en compte soit la valeur du navire, soit la valeur de sa cargaison.

L'amendement n° 37 présenté par M. le rapporteur institue, en fait, un plafond de 2 millions d'euros. Or ces 2 millions d'euros peuvent être très inférieurs à la valeur d'une cargaison transportée en une seule fois si des infractions très graves à la législation sur la pollution maritime sont commises. C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement.

Le texte qui vous est proposé est le résultat d'une très longue discussion qui a été entamée au Sénat en première lecture et qui s'est poursuivie en deuxième lecture à l'Assemblée nationale. Il s'agissait de faire en sorte que le dispositif soit très égalitaire à l'égard des armateurs et des commandants de navires, français et étrangers. Celui que j'avais initialement suggéré avait en effet l'inconvénient d'être plus efficace à l'égard des armateurs et des commandants de navires français que des navires étrangers. Il y avait donc là un risque d'inégalité. Au cours des discussions, nous avons trouvé une formule qui permet de lutter avec la même efficacité contre les navires poubelles, quelle que soit leur nationalité.

En ce qui concerne l'amendement n° 38, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat, car il n'a pas la même signification : il s'agit d'un rappel des règles du code pénal. Je ne sais pas si ce rappel est absolument indispensable.

S'agissant de l'amendement n° 39, qui est un amendement de conséquence par rapport à l'amendement n° 37, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 10, modifié.

(L'article 10 est adopté.)

Section 3 bis

Dispositions relatives aux infractions

en matière d'incendie de forêt

Art. 10
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Art. 11

Article 10 ter (pour coordination)

I. - L'article 322-6 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'il s'agit de l'incendie de bois, forêts, landes, maquis, plantations ou reboisements d'autrui intervenu dans des conditions de nature à exposer les personnes à un dommage corporel ou à créer un dommage irréversible à l'environnement, les peines sont portées à quinze ans d'emprisonnement et à 150 000 EUR d'amende. »

II. - L'article 322-7 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'il s'agit de l'incendie de bois, forêts, landes, maquis, plantations ou reboisements d'autrui, les peines sont portées à vingt ans de réclusion et à 200 000 EUR d'amende. »

III. - Après le quatrième alinéa (3°) de l'article 322-8 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'il s'agit de l'incendie de bois, forêts, landes, maquis, plantations ou reboisements d'autrui, les peines sont portées à trente ans de réclusion et à 200 000 EUR d'amende. »

IV. - Après le premier alinéa de l'article 322-9 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'il s'agit de l'incendie de bois, forêts, landes, maquis, plantations ou reboisements d'autrui, les peines sont portées à la réclusion criminelle à perpétuité et à 200 000 EUR d'amende. »

M. le président. L'amendement n° 41, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans le texte proposé par le I de cet article pour compléter l'article 322-6 du code pénal, remplacer les mots : "quinze ans d'emprisonnement" par les mots : "quinze ans de réclusion criminelle". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.

L'article 10 ter a été adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées. Or, par erreur, le Sénat et l'Assemblée nationale ont fait référence à une peine de quinze ans d'emprisonnement, peine qui n'existe pas dans le code pénal : c'est quinze ans de réclusion criminelle.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 10 ter, modifié.

(L'article 10 ter est adopté.)

Section 4

Dispositions relatives aux infractions

en matière douanière

Art. 10 ter
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Division et art. additionnels après l'art. 11

Article 11

I. - L'article 28-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° La dernière phrase du deuxième alinéa du I est remplacée par huit alinéas ainsi rédigés :

« Ils sont compétents pour rechercher et constater :

« 1° Les infractions prévues par le code des douanes ;

« 2° Les infractions en matière de contributions indirectes, d'escroquerie sur la taxe sur la valeur ajoutée et de vols de biens culturels ;

« 3° Les infractions relatives à la protection des intérêts financiers de l'Union européenne ;

« 4° Les infractions prévues par le décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions ;

« 5° Les infractions prévues par les articles 324-1 à 324-9 du code pénal ;

« 6° Les infractions prévues aux articles L. 716-9 à L. 716-11 du code de la propriété intellectuelle ;

« 7° Les infractions connexes aux infractions visées aux 1° à 6° . » ;

2° Après le mot : « stupéfiants », la fin du dernier alinéa du I est supprimée ;

3° Dans la première phrase du premier alinéa du II, les mots : « et par le décret-loi du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions » sont supprimés ;

4° Le III est abrogé ;

5° A la fin du premier alinéa du VI, la référence : « 706-32 » est remplacée par les mots : « 706-80 à 706-87 ; lorsque ces agents agissent en application des articles 706-80 à 706-87, ils sont également compétents en matière d'infractions douanières de contrebande de tabac manufacturé, d'alcool et de spiritueux et de contrefaçon de marque, ainsi que pour celles prévues à l'article 415 du code des douanes et aux articles L. 716-9 à L. 716-11 du code de la propriété intellectuelle » ;

6° Le VI est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Au cours des procédures confiées à ces agents, il peut être fait application des dispositions des articles 100 à 100-7, 122 à 136, 694 à 695-3 et 706-73 à 706-101. Ces agents peuvent être assistés par les personnes mentionnées aux articles 706 et 706-2 agissant sur délégation des magistrats.

« Par dérogation à la règle fixée au 2 de l'article 343 du code des douanes, l'action pour l'application des sanctions fiscales peut être exercée par le ministère public, en vue de l'application des dispositions du présent article. »

II. - L'article 67 bis du code des douanes est ainsi rédigé :

« Art. 67 bis. - I. - Sans préjudice de l'application des dispositions des articles 60, 61, 62, 63, 63 bis, 63 ter et 64, afin de constater les délits douaniers, si la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d'emprisonnement, les agents des douanes habilités par le ministre chargé des douanes dans des conditions fixées par décret procèdent sur l'ensemble du territoire national, après en avoir informé le procureur de la République et sauf opposition de ce magistrat, à la surveillance de personnes contre lesquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de les soupçonner d'être les auteurs d'un délit douanier ou d'y avoir participé comme complices ou intéressés à la fraude au sens de l'article 399.

« Les mêmes dispositions sont applicables pour la surveillance de l'acheminement ou du transport des objets, biens ou produits tirés de la commission de ces infractions ou servant à les commettre.

« L'information préalable prévue par le premier alinéa doit être donnée, par tout moyen, selon le cas, au procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel les opérations de surveillance sont susceptibles de débuter ou au procureur de la République saisi en application des dispositions de l'article 706-76 du code de procédure pénale.

« II. - Lorsque les investigations le justifient et afin de constater les infractions douanières d'importation, d'exportation ou de détention de substances ou plantes classées comme stupéfiants, de contrebande de tabac manufacturé, d'alcool et spiritueux, et de contrefaçon de marque, ainsi que celles prévues à l'article 415 du présent code et aux articles L. 716-9 à L. 716-11 du code de la propriété intellectuelle, d'identifier les auteurs et complices de ces infractions ainsi que ceux qui y ont participé comme intéressés au sens de l'article 399 du présent code et d'effectuer les saisies prévues par le présent code, le procureur de la République peut autoriser qu'il soit procédé, sous son contrôle, à une opération d'infiltration dans les conditions prévues par le présent article.

« L'infiltration consiste, pour un agent des douanes spécialement habilité dans des conditions fixées par décret, agissant sous la responsabilité d'un agent de catégorie A chargé de coordonner l'opération, à surveiller des personnes suspectées de commettre un délit douanier en se faisant passer, auprès de ces personnes, comme un de leurs coauteurs, complices ou intéressés à la fraude. L'agent des douanes est à cette fin autorisé à faire usage d'une identité d'emprunt et à commettre si nécessaire les actes mentionnés ci-après. A peine de nullité, ces actes ne peuvent constituer une incitation à commettre des infractions.

« L'infiltration fait l'objet d'un rapport rédigé par l'agent de catégorie A ayant coordonné l'opération qui comprend les éléments strictement nécessaires à la constatation des infractions et ne mettant pas en danger la sécurité de l'agent infiltré et des personnes requises au sens du III.

« III. - Les agents des douanes autorisés à procéder à une opération d'infiltration peuvent, sans être pénalement responsables de ces actes et sur l'ensemble du territoire national :

« a) Acquérir, détenir, transporter, livrer ou délivrer des substances, biens, produits, documents ou informations tirés de la commission des infractions ;

« b) Utiliser ou mettre à disposition des personnes se livrant à ces infractions des moyens de caractère juridique ainsi que des moyens de transport, de dépôt, d'hébergement, de conservation et de télécommunication.

« L'exonération de responsabilité prévue au premier alinéa est également applicable, pour les actes commis à seule fin de procéder à l'opération d'infiltration, aux personnes requises par les agents des douanes pour permettre la réalisation de cette opération.

« IV. - A peine de nullité, l'autorisation donnée en application du II est délivrée par écrit et doit être spécialement motivée.

« Elle mentionne la ou les infractions qui justifient le recours à cette procédure et l'identité de l'agent des douanes sous la responsabilité duquel se déroule l'opération.

« Cette autorisation fixe la durée de l'opération d'infiltration, qui ne peut excéder quatre mois. L'opération peut être renouvelée dans les mêmes conditions de forme et de durée. Le magistrat qui a autorisé l'opération peut, à tout moment, ordonner son interruption avant l'expiration de la durée fixée.

« L'autorisation est versée au dossier de la procédure après achèvement de l'opération d'infiltration.

« V. - L'identité réelle des agents des douanes ayant effectué l'infiltration sous une identité d'emprunt ne doit apparaître à aucun stade de la procédure.

« La révélation de l'identité de ces agents est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 EUR d'amende.

« Lorsque cette révélation a causé des violences, coups et blessures à l'encontre de ces personnes ou de leurs conjoints, enfants et ascendants directs, les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 EUR d'amende.

« Lorsque cette révélation a causé la mort de ces personnes ou de leurs conjoints, enfants et ascendants directs, les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 150 000 EUR d'amende, sans préjudice, le cas échéant, de l'application des dispositions du chapitre Ier du titre II du livre II du code pénal.

« VI. - En cas de décision d'interruption de l'opération ou à l'issue du délai fixé par la décision autorisant l'opération et en l'absence de prolongation, l'agent infiltré peut poursuivre les activités mentionnées au III, sans en être pénalement responsable, afin de lui permettre de cesser sa surveillance dans des conditions assurant sa sécurité sans que cette durée puisse excéder quatre mois. Le magistrat ayant délivré l'autorisation prévue au II en est informé dans les meilleurs délais. Si, à l'issue du délai de quatre mois, l'agent infiltré ne peut cesser sa surveillance dans des conditions assurant sa sécurité, ce magistrat en autorise la prolongation pour une durée de quatre mois au plus.

« VII. - L'agent des douanes sous la responsabilité duquel se déroule l'opération d'infiltration peut seul être entendu en qualité de témoin sur l'opération.

« Toutefois, s'il ressort du rapport mentionné au II que la personne mise en examen ou comparaissant devant la juridiction de jugement est directement mise en cause par des constatations effectuées par un agent ayant personnellement réalisé les opérations d'infiltration, cette personne peut demander à être confrontée avec cet agent dans les conditions prévues par l'article 706-61 du code de procédure pénale.

« Les questions posées à l'agent infiltré à l'occasion de cette confrontation ne doivent pas avoir pour objet ni pour effet de révéler, directement ou indirectement, sa véritable identité.

« VIII. - Lorsque la surveillance prévue au I doit être poursuivie dans un Etat étranger, elle est autorisée par le procureur de la République. Les procès-verbaux d'exécution de l'observation ou rapports y afférents ainsi que l'autorisation d'en poursuivre l'exécution sur le territoire d'un Etat étranger sont versés au dossier de la procédure.

« Avec l'accord préalable du ministre de la justice saisi d'une demande d'entraide judiciaire à cette fin, les agents des douanes étrangers peuvent poursuivre sur le territoire de la République, sous la direction d'agents des douanes français, des opérations d'infiltration conformément aux dispositions du présent article. L'accord du ministre de la justice peut être assorti de conditions. L'opération doit ensuite être autorisée, par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, dans les conditions prévues au II.

« Le ministre de la justice ne peut donner son accord que si les agents étrangers sont affectés dans leur pays à un service spécialisé et exercent des missions similaires à celles des agents nationaux spécialement habilités mentionnés au II.

« Avec l'accord des autorités judiciaires étrangères, les agents des douanes étrangers mentionnés au deuxième alinéa du présent VIII peuvent également, conformément aux dispositions du présent article, participer sous la direction d'agents des douanes français à des opérations d'infiltration conduites sur le territoire de la République dans le cadre d'une procédure douanière nationale.

« IX. - Aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement de déclarations faites par des agents des douanes ayant procédé à une infiltration.

« Les dispositions du présent IX ne sont cependant pas applicables lorsque les agents des douanes déposent sous leur véritable identité ou en cas de confrontation organisée selon les modalités prévues au deuxième alinéa du VII. »

III à X. - Non modifiés.

M. le président. L'amendement n° 42, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après les mots : "véritable identité", supprimer la fin du second alinéa du IX du texte proposé par le II de cet article pour l'article 67 bis du code des douanes. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination qui vise à interdire le prononcé d'une condamnation sur le seul fondement de déclarations d'un agent infiltré anonyme.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 11, modifié.

(L'article 11 est adopté.)

Division et article additionnels après l'article 11

Art. 11
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Art. 11 quater

M. le président. L'amendement n° 240, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi libellé :

« Après l'article 11, insérer une section additionnelle ainsi rédigée :

« Section ... De la désorganisation d'entreprise. »

L'amendement n° 241, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Sera puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 350 000 euros tout employeur qui aura désorganisé sciemment son entreprise, notamment en augmentant le passif, en diminuant tout ou partie de ses ressources ou en dissimulant certains de ses biens, lorsque cela a eu pour effet d'écarter les obligations qui lui incombent au titre des contrats de travail, des dispositions des codes du travail ou de commerce relatifs aux droits des salariés ou du code de la sécurité sociale. »

La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo. Ces deux amendements traitent du même sujet. Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ! Nous avons eu l'occasion d'évoquer, dans la discussion générale et en première lecture, les « oublis » de la lutte contre la grande criminalité, « oublis » qui mettent souvent de côté la délinquance en col blanc.

C'est dans le but de remédier à ces manques que les sénateurs de mon groupe ont déposé l'amendement n° 240 tendant à sanctionner l'employeur qui, par son comportement, aboutit à désorganiser son entreprise et à mettre en échec l'application du code du travail ou du code de la sécurité sociale et, plus généralement, les droits des salariés.

Contrairement à ce qui nous a été répondu en première lecture, ces agissements ne sont pas sanctionnés en tant que tels, car ils ne correspondent pas forcément à un abus de bien social, à une fraude fiscale, et encore moins à une atteinte à l'environnement.

Lorsqu'un patron organise à dessein son insolvabilité sociale, lorsqu'un chef d'entreprise déménage en pleine nuit l'outil de production de son entreprise après avoir « généreusement » octroyé des journées de congé à ses salariés, il n'est pas admissible qu'ils ne soient pas sanctionnés pour ce type d'agissement. Il y a, je le maintiens, un vide juridique qu'il convient de combler. Je sais combien l'on est soucieux de combler les vides juridiques depuis quelque temps !

Je le maintiens d'autant plus que, tout au long de la discussion de l'article 1er, vous n'avez eu de cesse, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, de justifier la création des multiples délits entrant dans le champ de la criminalité organisée par une absence d'incrimination directe. Je ne comprends pas que ce même raisonnement ne soit pas applicable dans les cas que j'évoque.

Ou disons que je ne le comprends que trop.

Lorsque le Président de la République lui-même, avec l'ensemble de la France, s'indigne en conspuant les pratiques de Metaleurop et des patrons-voyous, il est difficilement admissible de ne rien faire en invoquant une rédaction floue, non aboutie.

Vous remarquerez d'ailleurs que nous avons, dans un souci de cibler plus précisément l'infraction, pris la précaution d'introduire l'adverbe « sciemment ».

Si des problèmes rédactionnels subsistent, nous sommes tout à fait ouverts aux suggestions qui pourront nous être faites en la matière.

Quoi qu'il en soit, ils pourront être réglés en commission mixte paritaire : n'est-ce pas ainsi que des ajouts d'importance, tels la mise en oeuvre du mandat européen, le fichier des délinquants sexuels ou les modalités d'aménagement des peines, ont été justifiés ?

Vous le voyez, selon nous, aucun argument politique ne justifierait un rejet de votre part ; quant aux points rédactionnels, ils peuvent être réglés aisément, dès lors qu'on a la volonté politique d'y apporter une solution.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Madame Borvo, je vous opposerai non pas des arguments politiques, mais des arguments juridiques. En effet, je ne méconnais pas les difficultés rencontrées par les salariés, mais aussi par les fournisseurs, par les partenaires des entreprises, qui subissent les comportements que vous évoquez mais qui, fort heureusement, demeurent marginaux.

Mme Nicole Borvo. Ils le sont de moins en moins, surtout quant il existe un vide juridique !

M. François Zocchetto, rapporteur. Je ne le crois pas.

Notre intention est bien de prendre en compte la situation des salariés des entreprises concernées. Je vous rappelle qu'il existe dans notre code pénal une série de dispositions qui permettent de réprimer ce type de comportements. Commençons par les appliquer.

Il existe ainsi le délit de banqueroute et le délit d'abus de biens sociaux, qui permettent de réprimer la quasi-totalité des comportements que vous dénoncés. Je ne vois aucune nécessité de créer un nouveau délit dont le contour serait imprécis et qui pourrait donner lieu à toutes sortes d'interprétations.

Très franchement, je crois que le code pénal français comporte aujourd'hui de nombreuses dispositions qui concernent le droit pénal du travail. Nous avons les moyens de réprimer ces comportements.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. Jean Chérioux. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo. Monsieur le rapporteur, les arguments auxquels vous avez eu recours pourraient s'appliquer à l'ensemble des textes qui nous sont soumis. Lorsque vous me dites que de nombreuses dispositions réprimant ces comportements sont prévues dans le code pénal ou dans le code du travail, je peux vous répondre que toutes les mesures que vous nous proposez concernant les nouvelles formes de criminalité existent déjà dans le code pénal.

MM. Jean-Jacques Hyest et Jean Chérioux. Il s'agit de procédure !

Mme Nicole Borvo. Ce point a d'ailleurs été abondamment développé. En effet, vous vous contentez de reproduire ou d'alourdir des dispositions qui existent déjà.

Concernant le point précis soulevé dans l'amendement n° 241, je peux vous assurer que si les dispositions existantes étaient suffisamment efficaces, les délits seraient moins nombreux. C'est d'ailleurs un des arguments que vous avez invoqués à plusieurs reprises pour défendre votre texte, en disant qu'il fallait bien réagir aux nouvelles formes de criminalité en se donnant des moyens supplémentaires. La multiplication de ces délits prouve que les dispositions en vigueur ne suffisent pas à dissuader les patrons d'adopter de tels comportements.

Donc, en prenant des dispositions plus efficaces - et nous avons d'ailleurs tout loisir de le faire -, nous montrerions que nous voulons, effectivement, sanctionner des comportements que vous jugez, j'en suis convaincue puisque vous venez de le dire comme moi, absolument inadmissibles.

Les citoyens apprécieront le choix qui est fait d'aggraver certaines dispositions du code pénal dans certains cas et de considérer qu'elles sont suffisantes dans d'autres. La preuve en est que rien n'a encore été fait, à l'heure actuelle, dans les affaires que nous connaissons où, effectivement, des patrons ont déménagé leur entreprise et ont laissé les salariés sur le carreau.

Je crois que l'on a bien tort, c'est un mauvais calcul que l'on fait.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 240.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 241.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Section 5

Dispositions relatives à la contrefaçon

Division et art. additionnels après l'art. 11
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Art. 11 quinquies

Article 11 quater

Dans la dernière phrase du premier alinéa de l'article 23 de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer, les mots : « 3 000 EUR d'amende » sont remplacés par les mots : « 3 750 EUR d'amende ». - (Adopté.)

Section 6

Dispositions relatives

à la lutte contre le travail dissimulé

Art. 11 quater
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Division et art. additionnels avant le chapitre IV

Article 11 quinquies

I. - Après l'article 2 bis de la loi n° 95-66 du 20 janvier 1995 relative à l'accès à l'activité de conducteur et à la profession d'exploitant de taxi, il est inséré un article 2 ter ainsi rédigé :

« Art. 2 ter. - Le fait d'effectuer à la demande et à titre onéreux le transport particulier de personnes et de bagages sans être titulaire d'une autorisation de stationnement sur la voie publique en attente de clientèle, ou d'exercer l'activité de conducteur de taxi sans être titulaire du certificat de capacité professionnelle et de la carte professionnelle en cours de validité, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 EUR d'amende.

« Les personnes physiques coupables de l'infraction prévue au présent article encourent également les peines complémentaires suivantes :

« 1° La suspension, pour une durée de cinq ans au plus, du permis de conduire ;

« 2° L'immobilisation, pour une durée d'un an au plus, du véhicule qui a servi à commettre l'infraction ;

« 3° La confiscation du véhicule qui a servi à commettre l'infraction ;

« 4° L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'entrer et de séjourner dans l'enceinte d'une ou plusieurs infrastructures aéroportuaires, d'une gare ferroviaire ou routière, ou de leurs dépendances, sans y avoir été préalablement autorisé par les autorités de police territorialement compétentes ;

« Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, de l'infraction définie au présent article.

« Les peines encourues par les personnes morales sont :

« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;

« 2° Les peines mentionnées aux 8° et 9° de l'article 131-39 du même code. »

II. - Non modifié.

M. le président. L'amendement n° 276, présenté par MM. Vinçon, Cornu et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

« Au premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour insérer un article 2 ter après l'article 2 bis de la loi n° 95-66 du 20 janvier 1995, supprimer les mots : "du certificat de capacité professionnelle et". »

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Cet amendement a pour objet de supprimer la nécessité d'être titulaire du certificat de capacité professionnelle pour exercer l'activité de conducteur de taxi, contrairement à la rédaction retenue à l'Assemblée nationale.

Le certificat de capacité professionnelle a été instauré en 1995 et ne concerne pas les conducteurs de taxi qui exerçaient cette activité avant cette date et continuent légalement de le faire. La détention de la carte professionnelle est donc suffisante pour justifier de son droit à exercer cette profession.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 276.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 275, présenté par MM. Vinçon, Cornu et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

« Au sixième alinéa (4°) du texte proposé par le I de cet article pour insérer un article 2 ter après l'article 2 bis de la loi n° 95-66 du 20 janvier 1995, après les mots : "infrastructures aéroportuaires", insérer les mots : "ou portuaires". »

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Cet amendement a pour objet de combler une lacune dans la rédaction des peines complémentaires encourues par les personnes physiques coupables de l'infraction d'exercice clandestin de la profession de conducteur de taxi.

En effet, il n'est question que d'infrastructures aéroportuaires ; or il convient aussi de parler des infrastructures portuaires.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 275.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 11 quinquies, modifié.

(L'article 11 quinquies est adopté.)

Division et article additionnels avant le chapitre IV

Art. 11 quinquies
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. additionnel après l'art. 15

M. le président. L'amendement n° 238, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi libellé :

« Avant le chapitre IV du titre Ier, insérer une section additionnelle ainsi rédigée :

« Section 7

« Dispositions relatives à la lutte contre la corruption. »

L'amendement n° 239, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Avant le chapitre IV du titre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - Au premier alinéa de l'article 1er de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, les mots : "placé auprès du ministre de la justice" sont supprimés.

« II. - Le quatrième alinéa du même article est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Le service est une autorité administrative indépendante. Elle est composée de cinq membres nommés pour cinq ans ou pour la durée de leur mandat :

« - un député et un sénateur élus respectivement par l'Assemblée nationale et par le Sénat ;

« - un membre du Conseil d'Etat ;

« - un membre de la Cour de cassation ;

« - un membre de la Cour des comptes. »

« III. - Le cinquième alinéa du même article est ainsi rédigé :

« Il peut procéder à des enquêtes préliminaires dans les conditions prévues par le code de procédure pénale. Des officiers de police judiciaire sont détachés à cette fin auprès du service. »

La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter ces deux amendements.

Mme Nicole Borvo. Ces deux amendements visent à instituer un organisme indépendant en matière de lutte contre la corruption.

La même argumentation vaudra pour l'amendement n° 242, qui tend à instituer une autorité administrative indépendante dans le cadre des marchés publics.

A l'heure actuelle, il s'agit du service central de prévention de la corruption créé, il y a dix ans et rattaché au ministère de la justice. En première lecture, vous nous avez indiqué, monsieur le rapporteur, votre préférence à ce rattachement plutôt qu'à la création d'une autorité administrative indépendante, arguant de ce que le fonctionnement de ce service ne faisait pas l'objet de critiques.

Malheureusement, l'existence de ce service reste largement ignorée, d'abord par les élus eux-mêmes, si l'on en croit le rapport de 2003. On peut notamment déplorer que les élus responsables de collectivités territoriales ne le saisissent pas plus : seize fois sur soixante-cinq saisines en 2002.

D'autre part, le rattachement au ministère de la justice peut susciter certaines défiances, qu'elles soient justifiées ou non, sur sa neutralité.

En première lecture, M. le garde des sceaux déplorait « un mélange des genres assez étonnant ». Il ajoutait : « En effet, on créerait une autorité indépendante à qui l'on donnerait des pouvoirs à caractère juridictionnel. » Je ne comprends pas bien cette objection. Ce type d'autorités existent déjà, qui disposent de pouvoirs de contrainte effectifs. Je pense à la Commission des opérations de bourse, au Conseil de la concurrence ou au Conseil supérieur de l'audiovisuel. Je ne vois pas pourquoi il ne serait pas possible d'envisager un système équivalent en matière de lutte contre la corruption !

La mise en place d'une autorité administrative indépendante constituerait selon nous un signal fort en direction de la prévention et de la répression de la corruption, dans un contexte où le développement de la décentralisation à venir augmente, du fait de la multiplication des décideurs, les risques de corruption.

Je réitère donc, avec ces deux amendements, notre volonté de voir pris en compte les délits de corruption au titre des priorités de la lutte contre les nouvelles formes de délinquance et de criminalité, dont nous débattons.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 238, qui consiste à créer un nouveau chapitre relatif à la lutte contre la corruption. Nous en avons parlé tout à l'heure en évoquant le délit de corruption. Je ne reviens donc pas sur cette question.

Concernant la transformation recommandée par Mme Borvo, dans l'amendement n° 239, du service central de prévention de la corruption en une autorité administrative indépendante, rien ne permet d'affirmer qu'une telle transformation renforcerait son efficacité. Cette remarque vaut également pour la proposition de transformation de la mission interministérielle d'enquête sur les marchés en autorité administrative indépendante, qui sera présentée à l'amendement n° 242.

M. le garde des sceaux avait, me semble-t-il, indiqué en première lecture qu'il s'efforcerait de mieux faire connaître les possibilités de saisine de ces services par les ordonnateurs des administrations et des collectivités locales. J'avais noté cette remarque et je ne doute pas qu'elle sera suivie d'effet.

La commission est donc défavorable aux amendements n°s 238 et 239.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je suis défavorable à ces deux amendements, comme je le serai également à l'amendement n° 242.

Je confirme, comme je l'avais indiqué lors de la première lecture, ma volonté de mieux faire connaître le service de lutte contre la corruption, de manière qu'il soit davantage perçu, en particulier par les élus locaux, comme une structure de conseil.

Nous avons tout intérêt, peut-être en liaison avec les associations d'élus, à mieux faire connaître ce service, car il y a là une garantie à la fois de lutte contre la corruption, mais aussi de protection, d'une certaine façon, de ces mêmes élus, qui peuvent ainsi, grâce à de judicieux conseils, éviter de prendre involontairement des risques.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 238.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 239.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Chapitre IV

Dispositions concernant la lutte

contre les discriminations

Section 1

Dispositions relatives à la répression des discriminations et des atteintes aux personnes ou aux biens

présentant un caractère raciste

Division et art. additionnels avant le chapitre IV
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Art. additionnel avant l'art. 15 bis

Article additionnel après l'article 15

M. le président. L'amendement n° 242, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi libellé :

« Après l'article 15, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - A l'article 1er de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 relative à la transparence des procédures de marchés et soumettant la passation de certains contrats à des règles de publicité et de mise en concurrence, le deuxième alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :

« La mission est une autorité administrative indépendante. Elle est composée de 5 membres nommés pour cinq ans ou pour la durée de leur mandat :

« - un député et un sénateur élus respectivement par l'Assemblée nationale et par le Sénat ;

« - un membre du Conseil d'Etat ;

« - un membre de la Cour de cassation ;

« - un membre de la Cour des comptes. »

« II. - Dans le premier alinéa de l'article 2 de la même loi, après les mots : "à la demande" sont insérés les mots : "du collège directeur de la mission".

« III. - Dans tous les textes, les mots : "mission interministérielle d'enquête sur les marchés" sont remplacés par les mots : "mission indépendante d'enquête sur les marchés". »

La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Même si l'on peut discuter des modalités proposées par Mme Borvo, je tiens à dire, à ce point du débat, que nous partageons entièrement sa préoccupation, car la question des marchés publics est d'une grande actualité.

A cet égard, on ne peut que se réjouir que la mobilisation de nombreux élus ait incité M. le Premier ministre et M. le ministre des finances à changer d'avis sur une ordonnance relative aux marchés publics qui instaurait des seuils d'une hauteur telle qu'elle interdisait toute mise en concurrence pour la plupart des marchés publics, qu'ils relèvent des collectivités locales ou de l'Etat.

Je salue donc ce retour à la sagesse, monsieur le ministre.

Mais, en même temps que ce retour à la sagesse pouvait être constaté, une nouvelle inquiétude a surgi. En effet, la loi d'habilitation présentée par M. Plagnol a donné la possibilité au Gouvernement de prendre une ordonnance sur ce qu'il convient d'appeler les « partenariats public-privé. »

Or les informations que nous possédons sur cette ordonnance, dont la rédaction est largement avancée, incitent à une très grande vigilance lorsque l'on sait que ces partenariats sont déjà en vigueur pour les hôpitaux, les prisons, les commissariats de police ou les gendarmeries, mais qu'ils concerneront également les universités, les lycées, les collèges, ainsi qu'un grand nombre de constructions publiques. Les concours seront ainsi faits qu'il n'y aura d'offres possibles que portant à la fois sur la conception, la construction, l'exploitation, la maintenance et le financement.

Nous nous trouverons face à des situations où seuls les grands groupes pourront concourir, où l'on ne saura jamais si l'on choisit l'architecte, le constructeur, tel ou tel corps d'oeuvre, le banquier, l'exploitant, l'entreprise qui va assurer la maintenance. On ne saura plus rien. On sera dans une totale opacité qui fera courir de grands risques.

Si cette ordonnance allait à son terme, sans d'ailleurs être soumise au Parlement, l'on créerait un nouveau risque sur des opérations qui pourraient, à bien des égards, être critiquables dans le futur. C'est pourquoi la préoccupation émise par Mme Nicole Borvo m'apparaît plus que jamais d'actualité.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 242.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnel après l'art. 15
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. 15 bis

Article additionnel avant l'article 15 bis

M. le président. L'amendement n° 290, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Avant l'article 15 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa de l'article 2-1 du code de procédure pénale, après les mots : "et à l'intégrité de la personne" sont insérés les mots : ", les atteintes aux droits de la personne réprimées par l'article 226-19 du code pénal". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement tend à permettre aux associations luttant contre le racisme d'exercer les droits reconnus à la partie civile en matière d'établissement de fichiers faisant apparaître les origines raciales ou les opinions politiques, philosophiques ou religieuses des personnes.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 290.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 15 bis.

Art. additionnel avant l'art. 15 bis
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Intitulé de la section 2 et art. additionnels avant l'art. 16

Article 15 bis

I. - Les 4° à 6° de l'article 131-3 du code pénal deviennent respectivement les 5° à 7° et le 4° du même article est ainsi rétabli :

« 4° Le stage de citoyenneté ; ».

II. - Il est inséré, après l'article 131-5 du même code, un article 131-5-1 ainsi rédigé :

« Art. 131-5-1. - Lorsqu'un délit est puni d'une peine d'emprisonnement, la juridiction peut, à la place de l'emprisonnement, prescrire que le condamné devra accomplir un stage de citoyenneté, dont les modalités, la durée et le contenu sont fixés par décret en Conseil d'Etat, et qui a pour objet de lui rappeler les valeurs républicaines de tolérance et de respect de la dignité humaine sur lesquelles est fondée la société. La juridiction précise si ce stage, dont le coût ne peut excéder celui des amendes contraventionnelles de la troisième classe, doit être effectué aux frais du condamné.

« Cette peine ne peut être prononcée contre le prévenu qui la refuse ou n'est pas présent à l'audience. »

III. - L'article 132-45 du même code est complété par un 18° ainsi rédigé :

« 18° Accomplir un stage de citoyenneté. »

IV. - L'article 131-6 du même code est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Lorsqu'un délit est puni d'une peine d'emprisonnement, la juridiction peut prononcer, à la place de l'emprisonnement, une ou plusieurs des peines privatives ou restrictives de liberté suivantes : » ;

2° Il est complété par les 12° à 14° ainsi rédigés :

« 12° L'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de paraître dans certains lieux ou catégories de lieux déterminés par la juridiction et dans lesquels l'infraction a été commise ;

« 13° L'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de fréquenter certains condamnés spécialement désignés par la juridiction, notamment les auteurs ou complices de l'infraction ;

« 14° L'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, d'entrer en relation avec certaines personnes spécialement désignées par la juridiction, notamment la victime de l'infraction. »

V. - L'article 131-7 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 131-7. - Les peines privatives ou restrictives de droits énumérées à l'article 131-6 peuvent également être prononcées, à la place de l'amende, pour les délits qui sont punis seulement d'une peine d'amende. »

VI. - Dans le premier alinéa de l'article 131-8 du même code, après le mot : « prescrire », sont insérés les mots : « , à la place de l'emprisonnement, ».

VII. - Les deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 131-9 du même code sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'elle prononce une ou plusieurs des peines prévues par les articles 131-5-1, 131-6 ou 131-8, la juridiction peut fixer la durée maximum de l'emprisonnement ou le montant maximum de l'amende dont le juge de l'application des peines pourra ordonner la mise à exécution en tout ou partie, dans des conditions prévues par l'article 712-6 du code de procédure pénale, si le condamné ne respecte pas les obligations ou interdictions résultant de la ou des peines prononcées. Le président de la juridiction en avertit le condamné après le prononcé de la décision. L'emprisonnement ou l'amende que fixe la juridiction ne peuvent excéder les peines encourues pour le délit pour lequel la condamnation est prononcée ni celles prévues par l'article 434-41 du présent code. Lorsqu'il est fait application des dispositions du présent alinéa, les dispositions de l'article 434-41 ne sont alors pas applicables. »

VIII. - L'article 131-11 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La juridiction peut alors fixer la durée maximum de l'emprisonnement ou le montant maximum de l'amende dont le juge de l'application des peines pourra ordonner la mise à exécution en tout ou partie, dans des conditions prévues par l'article 712-6 du code de procédure pénale, en cas de violation par le condamné des obligations ou interdictions résultant des peines prononcées en application des dispositions du présent article. Le président de la juridiction en avertit le condamné après le prononcé de la décision. L'emprisonnement ou l'amende que fixe la juridiction ne peuvent excéder les peines encourues pour le délit pour lequel la condamnation est prononcée, ni celles prévues par l'article 434-41 du présent code. Lorsqu'il est fait application des dispositions du présent alinéa, les dispositions de l'article 434-41 ne sont pas applicables. »

IX. - L'article 222-45 du même code est complété par un 4° ainsi rédigé :

« 4° L'obligation d'accomplir un stage de citoyenneté, selon les modalités prévues par l'article 131-5-1. »

X. - L'article 225-19 du même code est complété par un 6° ainsi rédigé :

« 6° L'obligation d'accomplir un stage de citoyenneté, selon les modalités prévues par l'article 131-5-1. »

XI. - L'article 311-14 du même code est complété par un 6° ainsi rédigé :

« 6° L'obligation d'accomplir un stage de citoyenneté, selon les modalités prévues par l'article 131-5-1. »

XII. - L'article 312-13 du même code est complété par un 6° ainsi rédigé :

« 6° L'obligation d'accomplir un stage de citoyenneté, selon les modalités prévues par l'article 131-5-1. »

XIII. - L'article 322-15 du même code est complété par un 5° ainsi rédigé :

« 5° L'obligation d'accomplir un stage de citoyenneté, selon les modalités prévues par l'article 131-5-1. »

XIV. - Dans le premier alinéa de l'article 434-41 du même code, après le mot : « articles », il est inséré la référence : « 131-5-1, ».

XV. - Il est inséré, après l'article 20-4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, un article 20-4-1 ainsi rédigé :

« Art. 20-4-1. - Les dispositions de l'article 131-5-1 du code pénal relatives à la peine de stage de citoyenneté sont applicables aux mineurs de treize à dix-huit ans. Le contenu du stage est alors adapté à l'âge du condamné. La juridiction ne peut ordonner que ce stage soit effectué aux frais du mineur. »

M. le président. L'amendement n° 243, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Supprimer la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 131-5-1 du code pénal. »

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le présent article 15 bis, issu d'un amendement gouvernemental adopté en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, vise à instituer un stage de citoyenneté en tant que peine alternative à l'incarcération ou à la peine d'amende.

Nous ne pouvons qu'être favorables à tout ce qui tend à privilégier une réponse pénale différenciée, et surtout décentrée de la prison.

Néanmoins, je ne puis m'empêcher de rapprocher cette disposition de la propension, ces dernières années, à ériger en délits gérés au pénal ce qui relevait antérieurement - et qui devrait, à mon sens, continuer d'en relever - d'une gestion sociale des comportements incivils, voire inciviques.

C'est le cas, par exemple, du délit d'occupation de halls d'immeuble qui, s'il est accompagné de dégradations ou d'obstruction, peut être sanctionné en tant que tel.

En revanche, le fait pour un groupe de jeunes de discuter dans les halls d'immeuble - et il ne s'agit pas de nier que cela peut être source de tensions, de désagréments multiples : bruit, détritus, etc. -, devrait pouvoir être traité par d'autres voies.

On voit bien, avec la création de ce stage de citoyenneté, qu'il s'agit bien de réprimer ce type de comportements. Il me paraît donc nécessaire, de ce point de vue, de vraiment s'interroger sur le sens du renvoi systématique au pénal, qui déresponsabilise les autres acteurs de la société.

Vous avez déclaré, monsieur le ministre, à l'appui de la défense de votre amendement à l'Assemblée nationale, qu'il s'agissait de réprimer les délits racistes ou antisémites ; mais la liste des infractions auxquelles il est censé s'appliquer est en réalité beaucoup plus large.

Cela étant dit, nous soutiendrons cette mesure mais seulement à condition que soit retirée la mention selon laquelle le stage de citoyenneté se déroule aux frais du condamné. La mesure, dans le cas contraire, en s'apparentant à une sorte d'amende, serait tout à fait contradictoire avec l'objectif de pédagogie qui la sous-tend, et ce d'autant plus que la majorité des condamnés ne seront pas solvables.

Tel est le sens du présent amendement que nous vous demandons d'adopter.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Notre collègue nous propose d'interdire la possibilité de faire payer le stage de citoyenneté par le condamné lui-même. Il me semble au contraire qu'il peut être utile qu'il en soit ainsi !

Je ferai par ailleurs observer que la mise à la charge du condamné est non pas une obligation, mais une simple faculté, et il y a lieu de penser qu'elle ne sera prononcée que dans des cas relativement rares.

Il faut néanmoins laisser cette possibilité au juge, et c'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à la suppression de cette phrase, que je relis, et dont le sens est très clair : « La juridiction précise si ce stage, dont le coût ne peut excéder celui des amendes contraventionnelles de la troisième classe, doit être effectué aux frais du condamné. »

Si un jeune qui a commis un délit à caractère raciste a tout à fait les moyens de payer ou est à la charge d'une famille qui a tout à fait les moyens de payer le stage, c'est bien le moins, tout de même, qu'il ne revienne pas à la collectivité ou à la République de le faire ! Je ne comprends vraiment pas ce que je n'hésiterai pas à qualifer de fausse générosité.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 243.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 43, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après le II de cet article, insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :

« II bis. - L'article 131-16 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 8° L'obligation d'accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de citoyenneté. »

L'amendement n° 44, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après le XIII de cet article, insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :

« XIII bis. - Dans le premier alinéa de l'article 434-41 du même code, après les mots : "terrestres à moteur,", insérer les mots : "d'interdiction de paraître dans certains lieux ou de rencontrer certaines personnes,". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Il nous paraît souhaitable que le stage de citoyenneté, comme déjà le stage de sensibilisation à la sécurité routière, puisse constituer une peine complémentaire en matière de contravention, si le décret le prévoit.

Tel est l'objet de l'amendement n° 43.

L'amendement n° 44, quant à lui, est un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 15 bis, modifié.

(L'article 15 bis est adopté.)

Section 2

Dispositions relatives à la répression

des messages racistes ou xénophobes

Articles additionnels avant l'article 16

Art. 15 bis
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. 16

M. le président. L'amendement n° 254, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« A la fin de l'intitulé de la section 2, remplacer les mots : "ou xénophobes" par les mots : ", xénophobes ou homophobes". »

L'amendement n° 255, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Avant l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa de l'article 13-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, après les mots : "leur origine", sont insérés les mots : "ou de leur orientation sexuelle vraie ou supposée". »

L'amendement n° 157, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Avant l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Le huitième alinéa de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est rédigé comme suit :

« Ceux qui, par l'un des moyens énoncés à l'article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de l'un des éléments visés à l'article 225-1 du code pénal seront punis d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »

L'amendement n° 256, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Avant l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Dans le huitième alinéa de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, après les mots : "à raison de leur origine", sont insérés les mots : ", de leur orientation sexuelle vraie ou supposée". »

L'amendement n° 158, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Avant l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Le deuxième alinéa de l'article 32 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigé :

« La diffamation commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de l'un des éléments visés à l'article 225-1 du code pénal est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »

L'amendement n° 257, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi libellé :

« Avant l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Au deuxième alinéa de l'article 32 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, après les mots : "à raison de leur origine", sont insérés les mots : "ou de leur orientation sexuelle vraie ou supposée". »

L'amendement n° 159, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Avant l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Le troisième alinéa de l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigé :

« La peine est portée à 6 mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende si l'injure a été commise, dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, envers une personne ou un groupe de personnes à raison de l'un des éléments visés à l'article 225-1 du code pénal. »

L'amendement n° 258, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Avant l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Au troisième alinéa de l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, après les mots : "leur origine", sont insérés les mots : "ou de leur orientation sexuelle vraie ou supposée". »

L'amendement n° 160, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Avant l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« La deuxième phrase du 6° de l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigée :

« Toutefois, la poursuite pourra être exercée d'office par le ministère public lorsque la diffamation ou l'injure a été commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de l'un des éléments visés à l'article 225-1 du code pénal. »

L'amendement n° 259, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi libellé :

« Avant l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Dans le 6° de l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, après les mots : "à raison de leur origine", sont insérés les mots : "ou de leur orientation sexuelle vraie ou supposée". »

L'amendement n° 161, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Avant l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Le premier alinéa de l'article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigé :

« Toute association, régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts de combattre toute discrimination visée à l'article 225-1 du code pénal ou d'assister les victimes de discriminations à raison de l'un des éléments prévus au même article, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions prévues par l'article 24, dernier alinéa, 32, alinéa 2, et 33, alinéa 3, de la présente loi. »

L'amendement n° 260, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Avant l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - Dans le premier alinéa de l'article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, après les mots : "combattre le racisme", sont insérés les mots : "ou l'homophobie".

« II. - Dans ce même texte, après les mots : "raciale ou religieuse", sont insérés les mots : "ou leur orientation sexuelle vraie ou supposée". »

La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter les amendements n°s 254 à 260.

Mme Josiane Mathon. Ces amendements portent sur les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle, vraie ou supposée, d'une personne.

Si nous approuvons les dispositions de l'article 16 du présent projet de loi, relatives à la répression des messages racistes ou xénophobes, nous ne comprenons toujours pas pourquoi il n'y est pas fait référence explicite à la lutte contre l'homophobie.

En première lecture, le 2 octobre 2003, nos amendements avaient été rejetés au motif, d'une part, que le Gouvernement menait une réflexion globale sur ces questions et, d'autre part, que le Premier ministre avait annoncé - en juillet 2003 ! - le dépôt d'un « prochain projet de loi ».

A l'évidence, aujourd'hui, la situation n'a guère avancé.

Je ne vois pas où est le problème ni ce qui peut retarder à ce point le dépôt d'un tel texte, qui, visant à modifier la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse, n'aurait de surcroît aucune incidence financière pour l'Etat. Il s'agit donc bien d'une volonté politique de faire ou de ne pas faire. Vous avez, hélas ! choisi la seconde option.

Concernant les sénateurs et les sénatrices communistes, je précise que nous avons, depuis la première lecture de ce texte, déposé une proposition de loi. Si imparfaite soit-elle, j'estime qu'elle a au moins le mérite d'exister et qu'elle constitue une base de travail intéressante que nous pouvons verser au débat.

En outre, il faut savoir que ces dispositions sont attendues avec impatience par les associations qui luttent pour une réelle reconnaissance de l'homosexualité et pour la dignité des homosexuels et qui combattent toute forme de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.

Si le PACS, adopté en 1999, constitue une avancée en termes de reconnaissance du fait homosexuel, force est de constater que, depuis cette date, les progrès ont été quasi nuls.

Les homosexuels continuent en effet à subir des discriminations, des violences ou des discours de haine fondés sur les moeurs, tant sur leur lieu de travail que dans leur famille, et ce malgré les dispositions législatives adoptées en 2002 et, plus récemment, dans la loi de sécurité intérieure.

Certes, les mesures que nous proposons ne régleront pas tous les problèmes. Cependant, elles combleront le vide juridique actuel en permettant enfin de sanctionner les injures homophobes, les provocations à la discrimination, à la haine ou à la violence homophobes, ainsi que les diffamations commises à raison de l'orientation sexuelle de la victime.

De plus, grâce à l'adoption de nos amendements, les associations dont l'objet est de lutter contre l'homophobie pourraient désormais exercer les droits reconnus à la partie civile, à l'instar des autres associations qui luttent contre les discriminations liées à l'origine nationale, ethnique, raciale ou religieuse.

Si elles étaient adoptées, ces mesures constitueraient donc un signal fort, susceptible de faire reculer cette forme de discrimination. Elles permettraient surtout à notre pays, dit pays des droits de l'homme, de se mettre en conformité avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme ainsi qu'avec les principes rappelés, notamment, dans le protocole 12 du 4 novembre 2000 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons d'adopter ces amendements, qui concernent la presse, ainsi que l'amendement n° 254, qui vise à modifier l'intitulé de la section 2 de ce chapitre.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour défendre les amendements n°s 157 à 161.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ces amendements ont tous, en effet, un objet similaire. Ainsi, l'amendement n° 157 a trait à la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence ; l'amendement n° 158, à la diffamation ; l'amendement n° 159, à l'injure ; l'amendement n° 160, à la poursuite par le ministère public ; enfin, l'amendement n° 161, aux associations.

L'amendement n° 157 tend à étendre en matière de presse la répression des provocations à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard de toutes les personnes ou groupes de personnes visées à l'article 225-1 du code pénal. Cet article vise tous les cas de discriminations qui sont punissables, du fait du code pénal, en matière de logement, d'emploi, etc.

Les lois du 16 novembre 2001 et du 4 mars 2002 ont ajouté aux distinctions opérées dans cet article 225-1 du code pénal, tant entre les personnes physiques qu'entre les personnes morales, « à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, [...] de leur état de santé, de leur handicap, [...] de leurs moeurs, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée », les distinctions opérées à raison « de leur apparence physique, de leur patronyme » - M. Schosteck réclamait ce matin, en commission, que le nom soit visé : il l'est ! -, « de leurs caractéristiques génétiques, [...] de leur orientation sexuelle [et] de leur âge ».

En d'autres termes, les discriminations ou les provocations à la discrimination, à la haine ou à la violence fondées sur l'orientation sexuelle peuvent d'ores et déjà être punies en vertu du code pénal, mais non par les moyens énoncés à l'article 23 de la loi du 24 juillet 1881, c'est-à-dire en matière de presse, où sont actuellement seuls punissables les cas de distinctions opérées à raison de l'origine, de l'appartenance ou de la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

Il n'y a aucune raison de ne pas étendre la répression, pour ce qui concerne la presse, à tous les cas de discrimination d'ores et déjà prévus en toutes autres matières, étant rappelé - c'est un point important - que n'est pas seulement visée la presse écrite ou audiovisuelle, mais qu'il s'agit aussi des provocations à la discrimination ou des menaces proférées dans les lieux publics ou lors de réunions publiques, ou diffusées par voie de tracts ou d'affiches.

Le même raisonnement vaut pour les amendements n°s 158 et 159, qui visent respectivement la diffamation et l'injure, l'amendement n° 160 tendant à prévoir que le procureur de la République peut exercer d'office la poursuite du contrevenant lorsque celles-ci ont été commises envers une personne ou un groupe de personnes à raison de l'un des éléments visés à l'article 225-1 du code pénal, et non plus seulement, comme c'est le cas actuellement, à raison de leur origine, de leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, à une nation, à une race ou à une religion déterminée.

Enfin, l'amendement n° 161 vise à étendre à tous les cas de discrimination punissables - il est actuellement limité au racisme et aux discriminations fondées sur l'origine nationale, ethnique, raciale ou religieuse - le droit pour les associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits et se proposant par leurs statuts de les combattre ou de combattre une ou plusieurs d'entre elles, d'exercer les droits reconnus à la partie civile.

Je me permets d'insister fortement sur ce point. La commission des lois a eu une discussion très intéressante, et nous avons eu le sentiment que tous nos collègues pensaient qu'il était normal d'appliquer à la presse les critères qui sont d'ores et déjà retenus à l'article 225-1 du code pénal. Voilà pourquoi nous demandons avec confiance au Sénat de voter nos amendements.

Par ailleurs, nous nous permettons de suggérer à nos collègues du groupe CRC de retirer leurs amendements, en leur rappelant que nous avions déposé les mêmes lors de la première lecture, mais que, ne les ayant pas exposés avec autant de précision qu'aujourd'hui, nous avions été amenés à les retirer pour éviter tout malentendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les amendements n°s 254 à 260, non pas que le sujet ne soit pas intéressant, mais parce que leur rédaction lui paraît très imparfaite.

La commission a examiné avec le plus grand soin les amendements n°s 157 à 161. Au risque de répéter - peut-être plus succinctement - les propos de M. Dreyfus-Schmidt, je rappellerai que, actuellement, ne sont réprimées que les provocations, injures ou diffamations commises à raison de l'origine, de l'appartenance ou de la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

Il peut paraître comme une simple disposition de bon sens de faire tout simplement référence à l'article 225-1 du code pénal, qui réprime les discriminations et semble faire depuis longtemps déjà l'objet d'un consensus.

L'article 225-1 est beaucoup plus complet, puisqu'il vise les discriminations ou les distinctions fondées, concernant les personnes physiques, sur leur origine, leur sexe, leur situation de famille, leur apparence physique, leur patronyme, leur état de santé, leur handicap, leurs caractéristiques génétiques, leurs moeurs, leur orientation sexuelle, leur âge, leurs opinions politiques, leurs activités syndicales, leur appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

Il ne vous échappe pas que cet article, dont les termes, en leur temps, ont été pesés dans cette enceinte même, est beaucoup plus complet et mieux adapté à la nécessité de réprimer les discriminations, injures, provocations, diffamations commises par voiede presse, la presse s'entendant ici au sens très large. Car on voit fleurir aujourd'hui, que ce soit dans les quartiers périphériques de certaines villes, ou, parfois, dans des manifestations, des documents dont on a du mal à penser qu'ils peuvent se rattacher à la presse, tant ils sont éloignés de notre conception de la dignité de la personne.

La commission a donc émis un avis de sagesse sur les amendements n°s 157 à 161, considérant que leur adoption pouvait clarifier la situation.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Sur la question de l'homophobie, je rappellerai ce que j'ai dit en première lecture : le Premier ministre m'a demandé de réunir un groupe de travail interministériel sur ce sujet, ce que j'ai fait, et ce groupe a auditionné, au mois de décembre et au début du mois de janvier, un certain nombre de responsables d'associations de lutte contre l'homophobie, de défense des droits des femmes, de représentants de la presse. Un rapport sera remis au Premier ministre à la fin de cette semaine, sur la base duquel pourra être menée une concertation suffisante pour aboutir à un texte constructif et accepté par l'ensemble des partenaires.

Je veux par ailleurs attirer l'attention du Sénat sur le risque qu'il y a à légiférer dans la précipitation sur des sujets aussi graves. (M. Michel Dreyfus-Schmidt proteste.)

Je me permets de rappeler à ceux qui le commentent que le projet de loi que je vous ai soumis est en préparation depuis plus d'un an !

M. Robert Badinter. Sur cet ensemble de sujets ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Sur cet ensemble de sujets, absolument !

Je tiens à souligner que, si les comportements susceptibles de constituer une infraction - M. le rapporteur vient de les rappeler - sont, naturellement, répréhensibles, ce que proposent maintenant les sénateurs socialistes, c'est de considérer que des déclarations dans la presse sur ces différents sujets pourraient être soudain considérées comme répréhensibles.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. S'il y a discrimination !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Il faut y réfléchir, car le problème qui se pose, comme toujours en matière de libertés publiques, est que deux préoccupations contradictoires sont en jeu : la protection de personnes ou de groupes de personnes contre les propos discriminatoires - il s'agit bien ici de propos ou d'écrits, j'y insiste, et non de comportements - et la défense de la liberté d'expression.

Cela mérite que l'on prenne le temps de la réflexion et du dialogue avec, par exemple, les promoteurs de la liberté d'expression et de la liberté de la presse dans ce pays. Or je puis affirmer, car le groupe de travail a entendu nombre d'entre eux, qu'ils sont consternés à l'idée que l'on pourrait aller aussi vite et aussi loin en besogne !

Je le dis très nettement, le Sénat ne devra pas être surpris par la virulence des réactions qu'il suscitera s'il adopte un tel dispositif. L'ensemble des représentants de la presse sont abasourdis que l'on puisse envisager de leur rendre impossible, d'un trait de plume, le traitement de certains sujets dans des conditions normales de liberté.

Bien entendu, il faut en débattre et ne pas aller trop loin dans un sens ou dans l'autre, mais j'attire l'attention du Sénat sur le risque encouru et sur la gravité de cette affaire.

Je souhaite donc que nous consacrions le temps suffisant à l'étude de la question soulevée. Pour cette raison, je suis défavorable à tous les amendements présentés.

M. Gérard Braun. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon, Monsieur le président, nous retirons tous nos amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 16, mais nous maintenons l'amendement n° 254, qui ne vise qu'à ajouter, dans l'intitulé de la section 2, le mot « homophobes ». Il nous semble que ce terme n'est pas si effrayant que l'on doive repousser notre proposition !

M. le président. Les amendements n°s 255 à 260 sont retirés.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Monsieur le président, je demande la réserve du vote de l'amendement n° 254 jusqu'après le vote des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 16.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. La réserve est ordonnée.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 157.

M. Jean-Pierre Sueur. Je garde un très mauvais souvenir du débat que nous avons eu, lors de la première lecture, à propos de l'homophobie.

En effet, nous avions alors eu le sentiment qu'il ne fallait pas que ce mot fût inscrit dans la loi, pour des raisons qui n'ont jamais été explicitées. Cela était véritablement désolant et très difficile à comprendre, et nous ne pouvions accepter cette absence de justification du refus d'une demande aussi simple.

Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous dire, à ce point du débat, que l'argument selon lequel il convient d'attendre la remise d'un rapport, la réalisation d'études et les résultats d'une réflexion est tout à fait singulier de la part du Gouvernement. En effet, les pratiques de ce dernier sont, à cet égard, à géométrie très variable !

Ainsi, hier, dans cette même enceinte, alors que nous avions présenté, lors de la discussion du projet de loi relatif à la politique de santé publique, des amendements portant sur des sujets très graves, il nous a été objecté qu'il fallait attendre, procéder à des études, mener une réflexion.

En revanche, il est apparu que, s'agissant des psychothérapeutes, de l'inconscient et de la place de la souffrance psychique dans la société, thèmes extrêmement difficiles et complexes, sur lesquels une réflexion et une concertation très approfondies sont nécessaires, il était subitement urgent de prendre une décision, après qu'un amendement eut été adopté à la va-vite à l'Assemblée nationale, dans les conditions que l'on sait. Notre proposition de créer une mission d'information a été déclarée inacceptable. Il fallait trancher tout de suite !

La majorité a alors décidé que tout médecin, fût-il spécialisé, par exemple, en dermatologie, pourrait se dire psychothérapeute. C'est une décision que nous pouvons juger quelque peu critiquable, quelque peu précipitée.

M. Jean-Jacques Hyest. Cela n'a rien à voir !

M. Jean-Pierre Sueur. Toujours est-il que cela a été décidé très rapidement, parce qu'il était devenu impératif de clore sur-le-champ un débat sur un sujet complexe qui durait depuis des décennies !

Or, aujourd'hui, monsieur le ministre, s'agissant de l'homophobie, vous nous dites qu'il faut attendre la remise d'un rapport et les conclusions d'une réflexion avant de pouvoir envisager de la traiter comme une discrimination aussi intolérable que le racisme. Est-il plus acceptable de s'en prendre à quelqu'un à raison de son orientation sexuelle qu'à raison de sa race ou de sa religion ? Ne serions-nous donc pas capables dès maintenant de comprendre, de décider et de voter que la discrimination à l'égard des homosexuels est inadmissible ? Dans ces conditions, à quoi sert le Parlement ? Nous avons eu ce débat voilà deux mois ; la réflexion n'a-t-elle pas suffisamment progressé depuis ? Le sujet soulève-t-il des problèmes de conscience, des problèmes métaphysiques ? Si oui, lesquels ? Qui pourra nous le dire ? Qui pourra nous expliquer pourquoi, aujourd'hui, on ne pourrait pas affirmer que l'homophobie est une discrimination insupportable ?

Monsieur le ministre, nous entendons vos arguments sur la nécessité de mener une réflexion, mais leur emploi est tellement à géométrie variable que nous ne les comprenons pas. En l'espèce, nous considérons qu'ils ne constituent vraiment pas une réponse sérieuse aux arguments présentés par M. Dreyfus-Schmidt pour défendre cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je crains, monsieur le sénateur, que vous ne m'ayez pas compris.

La question qui se pose n'est pas de savoir si, oui ou non, l'homophobie est répréhensible ; elle est de savoir si l'on peut passer sans transition de l'interdiction de comportements à l'interdiction de propos et d'écrits. Voilà de quoi j'ai parlé, c'est ce point qui me paraît poser suffisamment problème pour que l'on prenne le temps d'y réfléchir et d'en débattre, notamment avec ceux dont le métier est d'écrire et d'informer et qui, aujourd'hui, sont farouchement hostiles à cette évolution. Il ne s'agit pas d'autre chose.

Par conséquent, il faut approfondir suffisamment la question. Je le dis très clairement, l'adoption précipitée d'un dispositif susciterait de l'incompréhension. (M. Michel Dreyfus-Schmidt fait un signe de dénégation.) Au demeurant, bien sûr, nous sommes tous d'accord pour affirmer que l'homophobie est inacceptable. Là n'est pas le problème !

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. Une sorte de dialogue constructif s'instaure, du moins espérons-le.

Je partirai de la même base que tous les autres intervenants : la discrimination à raison des moeurs et de l'orientation sexuelle est totalement inadmissible, comme le sont d'ailleurs toutes les discriminations visées dans notre code pénal. On ne saurait l'affirmer trop nettement à cet instant.

Le texte qui s'applique en l'occurrence est l'article 225-1 du code pénal, bien connu. Ce point, me semble-t-il, ne soulève pas de difficultés.

Le problème tient à la provocation à la discrimination, qui n'est cependant pas de l'inédit dans notre droit. Depuis très longtemps, ce dernier connaît la provocation à la discrimination ainsi que, comme me le souffle M. Dreyfus-Schmidt, à la haine ou à la violence. Il y a donc une articulation logique : la discrimination s'inscrit dans les faits, la provocation à la discrimination, comme à la haine ou à la violence raciale, correspond à des concepts familiers.

Des dispositions sont mises en oeuvre depuis fort longtemps en ce qui concerne les formes de discrimination autres que l'homophobie, et nous nous bornons à dire qu'il n'y a pas lieu d'attendre pour étendre leur application à cette dernière. Je ne crois vraiment pas, monsieur le garde des sceaux, que cela pose problème ! Cette extension va de soi au regard d'un texte qui vise à interdire les discriminations.

Vous nous avez indiqué qu'un groupe de travail a été mis en place, qui remettra un rapport sur les moyens de lutter contre toutes les formes de discrimination à l'encontre des homosexuels dans notre société. Cela est très bien, nous ne pouvons que nous en réjouir, car il faut aller de l'avant dans ce domaine, mais ce n'est pas une raison pour prétendre que, à l'occasion de l'examen de ce texte, on ne doit pas adopter une disposition qui relève de l'évidence.

En effet, la provocation à la haine de l'homosexuel, par les moyens classiques que l'on connaît et qui sont réprimés par la loi de 1881, est intolérable. La provocation à la violence contre l'homosexuel est inadmissible ! La provocation à la discrimination contre l'homosexuel est inacceptable, comme toutes les autres formes de discrimination que nous connaissons, à raison, par exemple, de la race ou de la religion.

Par conséquent, pourquoi attendre ? S'agit-il de faire un effet d'annonce, en affirmant que le problème est pris à coeur ? Je suis convaincu qu'il en est ainsi.

Cela étant, vous ne me convaincrez pas, monsieur le garde des sceaux, qu'il est nécessaire d'attendre. Il me semble évident que les discriminations à raison de l'orientation sexuelle sont intolérables et que la provocation à ces discriminations l'est tout autant. Quant aux moyens de cette provocation, ils sont définis depuis 1881, dans la loi sur la liberté de la presse.

Voilà pourquoi nous espérons que le Sénat, sans plus attendre, prendra les dispositions utiles. Nous étudierons avec intérêt et, je l'espère, avec satisfaction le projet de loi que vous nous avez annoncé, monsieur le garde des sceaux. S'il reprend nos propositions, cela aura été autant de temps gagné dans la lutte contre des provocations à la discrimination intolérables, par voie de presse ou autre.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo. Je ne reprendrai pas les excellents propos de MM. Sueur et Badinter. Je me bornerai à faire observer à M. le garde des sceaux que la réflexion est en cours depuis plusieurs années sur ce sujet, notamment au sein des associations et parmi les praticiens du droit, y compris dans les ministères.

A cet égard, je regrette d'ailleurs que des avancées n'aient pas été obtenues plus tôt. M. le Premier ministre aurait pris des engagements devant les associations concernées, mais le processus est d'une lenteur extrême et l'on peut se demander s'il débouchera un jour sur un résultat.

La loi Gayssot a suscité autant de discussions, mais elle a finalement été votée en 1995, ce qui fut une bonne chose, même s'il a fallu, par la suite, l'améliorer. Les arguments relatifs à la liberté de la presse sont aussi vieux que cette dernière. Si le groupe de travail cherche le moyen d'éviter toute difficulté avec la presse, on ne parviendra jamais à progresser vers une solution et à élaborer un texte. Nous inviter à la patience n'est donc pas, à mon sens, une réponse pertinente à nos propositions. Il faudrait tout de même se décider enfin à affirmer que la provocation à la discrimination à raison de l'orientation sexuelle n'est pas tolérable !

M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je voudrais convaincre M. le garde des sceaux que les arguments qu'il nous a opposés ne sont pas tout à fait exacts. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il y a suffisamment de dispositions dans ce texte qui nous sont imposées et qui ne nous plaisent pas pour que vous nous fassiez plaisir sur un point, monsieur le ministre. Je n'emploierai pas cet argument !

En revanche, je soulignerai que, visiblement, ce matin même, lors de la réunion de la commission des lois, tout le monde acceptait nos propositions.

M. René Garrec, président de la commission des lois. Non !

M. François Zocchetto, rapporteur. La commission s'en était remise à la sagesse de la Haute Assemblée !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela étant, vous nous avez indiqué, monsieur le garde des sceaux, que M. le Premier ministre a formé un groupe de travail. Je ne trahirai pas de secret en disant que, après l'examen en première lecture de cet article, il nous a été rapporté, en particulier par la presse, que M. le Premier ministre s'était engagé à satisfaire la demande d'une association regroupant des gens ayant une orientation sexuelle donnée...

M. Jean-Jacques Hyest. Attention à la discrimination !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... et proches, paraît-il, de l'UMP. Il se trouve que cette demande est la même que la nôtre ! Notre collègue Patrice Gélard a d'ailleurs bien voulu, après cela, me demander de lui transmettre le texte de notre proposition. Ce n'est pas non plus un secret !

Par conséquent, je pensais que nous allions déboucher sur un résultat, et il me semblait que rien ne s'opposait à ce que l'engagement pris par M. le Premier ministre trouve sa traduction dans le cadre de l'examen de ce texte !

Or vous nous dites, monsieur le garde des sceaux, que la presse ne l'acceptera pas. Mais de quoi s'agit-il ? Je vous renvoie, mes chers collègues, à l'article 23 de la loi sur la liberté de la presse, dont je rappelle les termes :

« Seront punis comme complices d'une action qualifiée crime ou délit ceux qui, soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l'écrit, de la parole ou de l'image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication audiovisuelle, auront directement provoqué l'auteur ou les auteurs à commettre ladite action, si la provocation a été suivie d'effet. »

Voilà qui est clair ! Peut-on admettre que, même par voie de presse, il y ait provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, alors que nous sommes tous d'accord pour affirmer qu'un tel acte est un crime ou un délit ? Là est toute la question !

Il ne s'agit évidemment pas de faire quelque procès que ce soit à des journaux qui s'abstiendraient de commettre de pareils délits, non ! Il s'agit de pouvoir poursuivre ceux qui le feraient, y compris par voie audiovisuelle, par tracts, par affiches ou par discours publics, notamment.

Ce n'est pas un problème de presse. Nous n'en voulons pas à la presse, nous sommes même les défenseurs de la liberté de la presse. Mais la loi sur la presse n'en prohibe pas moins elle-même les délits qu'elle prévoit. Il ne s'agit de rien d'autre ici.

J'invite donc le Sénat à suivre la commission qui, en s'en remettant à la sagesse de la Haute Assemblée, était vraisemblablement disposée à aller beaucoup plus loin. M. le président de la commission ne me démentira sans doute pas si je répète que, ce matin, en commission, tout le monde était d'accord sur ces amendements.

Je dois à la vérité de dire aussi qu'en première lecture nous nous étions sans doute mal expliqués. Nous avions légèrement mélangé les deux systèmes, celui de nos amis communistes, que nous proposions nous-mêmes dans un certain nombre d'amendements, et celui-là.

Aujourd'hui, chacun doit bien avoir compris de quoi il s'agit, et il n'existe donc véritablement aucune raison de ne pas voter cet amendement. D'ailleurs, la commission mixte paritaire se réunira très bientôt. Et, si la presse devait être mécontente, elle aurait l'occasion de s'exprimer d'ici là : nous aurons l'occasion de lire la presse et d'écouter les radios. Mais je suis bien convaincu qu'aucun journal sérieux, aucune chaîne de télévision ne saurait critiquer ces propositions, qui doivent faire l'unanimité de tous ceux qui ne veulent pas que l'on puisse impunément inciter à la discrimination, à la haine ou à la violence.

M. le président. La parole est à M. Bernard Saugey, pour explication de vote.

M. Bernard Saugey. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, ce qui me frappe ce soir, c'est que nous sommes tous d'accord sur le principe : oui, la discrimination est totalement inadmissible. Simplement, notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt doit faire preuve d'un peu de patience.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. On pourrait attendre le mois de mars par exemple !

M. Bernard Saugey. Vous avez entendu le garde des sceaux nous dire que le groupe de travail allait bientôt rendre ses conclusions. Pourquoi précipiter le mouvement et risquer de commettre un pas de clerc ? (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Il faut compter avec la susceptibilité de la presse et des journalistes. L'Association des rédacteurs en chef de France n'a, pour l'instant, pas été consultée. Nous sommes en pleine concertation, alors prenons le temps de l'organiser sereinement.

M. Jean Chérioux. Très bien !

M. Bernard Saugey. Je comprends et je partage votre impatience, mais il n'y a aucune urgence à adopter ces amendements ce soir. Cela a attendu des temps et des temps, cela peut attendre encore quelques semaines, à mon avis.

M. Jean Chérioux. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. Mes chers collègues, je suis toujours extrêmement prudent en ces matières de presse et, en l'occurrence, je redouble de prudence car, comme nous pouvons tous le constater, il y a bien plus ici que la question de la provocation à la discrimination.

Certes, on aime aujourd'hui bouleverser toutes les lois, mais si, en l'état actuel des choses, je suis tout à fait d'accord pour que soient aussi visées les discriminations à raison des orientations sexuelles, il ne me semble pas opportun d'apporter aujourd'hui des modifications à la loi sur la liberté de la presse, modifications dont je ne mesure pas exactement toutes les conséquences mais dont je pressens qu'elles peuvent être totalement contraires aux principes qui fondent ce vénérable texte.

Quoi qu'on en pense, quoi qu'on en dise, la liberté de la presse est un élément important des libertés publiques : sachons la préserver ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je sollicite une courte suspension de séance, monsieur le président.

M. le président. Le Sénat va accéder à votre demande, mon cher collègue.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinq, est reprise à vingt-trois heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, nous vous remercions de nous avoir accordé cette suspension de séance. Nous hésitions, mais, comme dans le film Ma femme est une sorcière (Sourires), l'accord général qui existait ce matin en commission a subitement disparu et nous avons parfaitement compris que nos amendements ne seraient pas adoptés. C'est donc à notre grand regret que nous demandons un scrutin public. Ainsi, chacun pourra prendre ses responsabilités, y compris ceux qui ne sont pas présents ce soir !

Aucun argument valable ne nous a été opposé. Il est vraiment dommage qu'à l'issue d'un débat tel que celui-ci, quand chacun aurait dû être convaincu, on nous oppose comme seul argument qu'il est urgent d'attendre.

M. Robert Badinter. Tout à fait !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. De surcroît, comme le Sénat ne siégera pas pendant de nombreuses semaines du fait des diverses élections qui nous attendent, on peut penser que ce n'est pas demain que sera tranchée cette question qui, pourtant, semble faire l'unanimité.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 157.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)


M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 133 :

Nombre de votants315
Nombre de suffrages exprimés307
Majorité absolue des suffrages154
Pour106
Contre201

Je mets aux voix l'amendement n° 158.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 159.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 160.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 161.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 254 n'a plus d'objet.

Intitulé de la section 2 et art. additionnels avant l'art. 16
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. 16 bis B

Article 16

Il est inséré, après l'article 65-2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, un article 65-3 ainsi rédigé :

« Art. 65-3. - Pour les délits prévus par le huitième alinéa de l'article 24, l'article 24 bis, le deuxième alinéa de l'article 32 et le troisième alinéa de l'article 33, le délai de prescription prévu par l'article 65 est porté à un an. »

M. le président. L'amendement n° 162, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit cet article :

« L'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifié :

« I. - Après les mots : "où ils auront été commis", la fin du premier alinéa est supprimée.

« II. - Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« S'il a été effectué dans cet intervalle des actes d'instruction ou de poursuites, elles ne se prescrivent qu'après un an révolu à compter du dernier acte. Il en est ainsi même à l'égard des personnes qui ne seraient pas impliquées dans cet acte d'instruction ou de poursuite. »

« III. - Dans le deuxième alinéa, le mot : "Toutefois" est supprimé.

« IV. - Cet article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le délai de prescription prévu au premier alinéa est porté à un an si les infractions ont été commises par l'intermédiaire d'un réseau de télécommunications à destination d'un public non déterminé. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit toujours de la liberté de la presse, et je n'ai lu aucune critique sur le vote du Sénat en première lecture, sur le vote de l'Assemblée nationale en première ou en deuxième lecture, ou même sur le projet gouvernemental.

Nous voulons dissiper un malentendu. Le texte proposé par les I et II a été adopté par le Sénat en première lecture. Il tend à maintenir le traditionnel délai de prescription de départ de trois mois, tout en le portant ensuite à un an de manière à éviter que, comme cela arrive trop souvent, l'action ne se trouve ensuite prescrite faute de pures formalités interruptives formulées tous les trois mois.

Le III de cet amendement est de forme : il a été oublié, en première lecture, de supprimer le mot : « Toutefois », par lequel commence l'actuel deuxième alinéa de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881.

Je lis cet article 65 : « L'action publique et l'action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par la présente loi... » - car la loi sur la presse prévoit des crimes, des délits, des contraventions ! - « ... se prescriront après trois mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis ».

Et l'alinéa suivant débute ainsi : « Toutefois, avant l'engagement des poursuites, seules... » L'adverbe « toutefois » n'a plus de raison de figurer là dès lors que l'on introduit un deuxième alinéa ainsi rédigé : « S'il a été effectué dans cet intervalle des actes d'instruction ou de poursuite, elles ne se prescrivent qu'après un an révolu à compter du dernier acte. Il en est ainsi même à l'égard des personnes qui ne seraient pas impliquées dans cet acte d'instruction ou de poursuite. »

Le IV de cet amendement propose une solution au problème malencontreusement laissé en suspens en première lecture, car nous avons remplacé l'article qui était dans le projet et qui nous venait de l'Assemblée nationale.

Ce problème, qu'il faut bien résoudre, est le suivant. Il était et il reste proposé de porter le délai de prescription à un an en matière de racisme et de xénophobie, non pas tant du fait de la gravité des infractions en cause que, comme l'a excellemment écrit le rapporteur du Sénat en première lecture, « du fait de l'évolution technologique et du développement d'internet, qui entraîne une augmentation exponentielle des informations diffusées. » Et le rapporteur de poursuivre : « Or, du fait des spécificités du réseau internet - consultation continue après la première mise en ligne, publication spontanée de messages par des journalistes autoproclamés, caractère plus ou moins confidentiel de certains sites, notamment -, il est particulièrement difficile de repérer tous les messages à caractère raciste ou xénophobe dans le délai de trois mois prévu. « Or, écrit encore le rapporteur, la Cour de cassation a, dans plusieurs arrêts rendus en 2001, estimé que le point de départ du délai de prescription de l'action publique prévu par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 devait être fixé, s'agissant d'Internet, à la date du "premier acte de publication", comme pour la presse traditionnelle sur un support écrit, celle-ci étant celle à laquelle le message avait été émis pour la première fois à la disposition des utilisateurs du réseau. »

Tout cela est parfaitement exact. Mais ce qui est vrai pour les messages racistes diffusés sur Internet vaut pour tous les messages diffusés sur Internet.

C'est pourquoi nous proposons d'étendre à tous les messages diffusés sur Internet l'allongement de la prescription d'un mois à un an.

M. Bernard Saugey. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement vise, tout d'abord, à rétablir la disposition que nous avions adoptée en première lecture en matière de prescription des infractions de presse et, ensuite, à porter à un an le délai de prescription lorsque les infractions sont commises sur Internet.

Vous reprenez là, monsieur Dreyfus-Schmidt, une idée que j'avais moi-même développée en commission. La commission émet donc un avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement a initialement souhaité que soit porté à un an la prescription en matière de message raciste, notamment lorsque le délit est commis par l'intemédiaire d'internet. C'est en effet la multiplication de ce type de messages sur internet qui nous avait conduits à proposer cette disposition.

Or, dans cet amendement, tous les délits sont visés, cela doit être bien clair.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. S'ils sont commis sur internet !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Oui, mais tous les délits ! La portée est donc toute différente.

Je suis réservé sur cet élargissement pour des raisons identiques à celles que j'ai indiquées tout à l'heure. Je pense que la liberté de la presse est une liberté fondamentale, qu'il ne faut restreindre que lorsque l'enjeu le justifie par son ampleur.

C'est la raison pour laquelle je maintiens ma proposition de limiter l'allongement de la prescription aux délits à caractère raciste et suis donc défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Bernard Saugey, pour explication de vote.

M. Bernard Saugey. Il y a une grande différence entre l'internet et la presse. Autant, tout à l'heure, je ne partageais pas du tout le point de vue de M. Dreyfus-Schmidt, autant, cette fois-ci, je le rejoins totalement. L'internet permet un si grand nombre de dérives que nous devons, me semble-t-il, prendre une décision immédiatement.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. M. Saugey a raison : la technique a fondamentalement modifié les données du problème. Vous le savez comme moi, monsieur le garde des sceaux, l'internet est aujourd'hui le support d'un déferlement de propos racistes, antisémites, formulés parfois avec la dernière violence.

M. Bernard Saugey. Tout à fait !

M. Robert Badinter. Ils sont si nombreux qu'il est vain d'espérer que les associations spécialisées pourront les déceler dans le délai de trois mois.

Nous ne sommes plus au temps de la presse imprimée ! Nous sommes tous ici des défenseurs de la liberté de la presse et j'ai, pour ma part, beaucoup plaidé pour elle au cours de ma vie. Mais nous sommes là devant un outil qui est sans commune mesure avec la presse écrite que nous avons connue, et qui était en fait celle de 1881. L'internet pose des problèmes considérables et il faut prendre des dispositions adaptées.

Quelquefois, je me prends à rêver, ou plutôt à cauchemarder, me demandant ce qui serait arrivé si Goebbels avait vécu au temps de l'internet ? A quelle propagande les démocraties auraient-elles été soumises !

Il faut prendre la mesure d'un changement de nature technique qui est considérable et en tirer les conséquences.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Afin de bien éclairer le Sénat, je tiens à ajouter, après l'intervention de M. Badinter, que toute la presse utilise internet. Vous pouvez y lire Le Figaro, Libération ou Le Monde. La prescription s'appliquera donc aussi à la presse.

M. Robert Badinter. Il n'y a pas que la presse ! C'est un immense réseau de provocateurs !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Il n'y a pas que la presse, mais il y a aussi la presse.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 162.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 16 est ainsi rédigé.

Chapitre V

Dispositions concernant la prévention

et la répression des infractions sexuelles

Art. 16
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. additionnels après l'art. 16 bis B

Article 16 bis B

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

I et II. - Non modifiés.

III. - L'article 706-47 est ainsi rétabli :

« Art. 706-47. - Les dispositions du présent titre sont applicables aux procédures concernant les infractions de meurtre ou d'assassinat d'un mineur précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie ou pour les infractions d'agression ou d'atteintes sexuelles ou de recours à la prostitution d'un mineur prévues par les articles 222-23 à 222-32, 225-12-1 et 227-22 à 227-27 du code pénal. »

IV. - Non modifié.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, sur l'article.

M. Robert Badinter. Je dois dire que la découverte de cet article, lors de la première lecture, nous a laissés étonnés et même stupéfaits. C'est pourquoi il avait donné lieu à quelques propos passionnés.

Monsieur le garde des sceaux, vous avez évoqué tout à l'heure le long cheminement du texte. Reconnaissez que, s'agissant de ce fichier des auteurs d'infractions sexuelles, il n'y a pas eu de long cheminement : ne figurant pas dans le projet initial, il n'a pas été soumis au Conseil d'Etat ni fait l'objet d'une concertation d'origine ; il n'a pas non plus été évoqué devant l'Assemblée nationale. Je l'ai, pour ma part, découvert en écoutant le ministre de l'intérieur en exposer les bienfaits à la télévision et sous la forme d'un amendement, qui avait été très rapidement évoqué à la commission des lois parce que nous considérions que ce n'était qu'un fichier comme les autres.

Nous avons ensuite mesuré ce qu'il impliquait.

Je tiens d'abord à rappeler que, au sein du groupe socialiste, nous sommes favorables à tout ce qui relève du recours à la police scientifique, notamment quand il s'agit du fichier des empreintes génétiques : nous sommes absolument convaincus que celui-ci doit être mis en place dans les meilleures conditions et le plus rapidement possible.

La police scientifique permet en effet non seulement de confondre les coupables, mais aussi d'exonérer les innocents. On le constate tous les jours avec l'analyse de l'ADN, notamment dans les affaires terribles impliquant la peine de mort aux Etats-Unis, que je suis de près. Il s'agit donc d'un instrument indispensable. De ce point de vue, le fichier est bienvenu.

Mais ce n'est pas du tout de cela qu'il est question ici. Il s'agit d'un fichier de passé judiciaire. Or on ne peut pas dire que nous soyons démunis à cet égard.

Nous disposons du casier judiciaire, avec le fichier n° 1, qui demeure à la disposition complète des magistrats, et qui permet à tout moment de savoir quel est le passé judiciaire de celui qui a été interpellé par l'autorité judiciaire. Nous disposons du STIC, le système de traitement de l'information criminelle, ainsi que du fichier concernant les empreintes génétiques. Nous ne partons donc pas de rien.

Quand un fichier des délinquants sexuels a été évoqué, j'ai tout de suite pensé qu'il s'agissait de rassembler, à l'intérieur du casier judiciaire - par le biais d'un traitement informatique sur lequel la CNIL aurait eu l'occasion de se prononcer, mais qui ne présente, techniquement, aucune difficulté -, toutes les informations concernant les mentions figurant au casier judiciaire des crimes sexuels et d'un certain nombre de délits sexuels.

S'agissant des adresses, il aurait suffi d'un simple article. Ceux qui figureraient dans ce fichier auraient l'obligation de faire connaître leur changement d'adresse, sous peine de sanction.

Or ce n'est pas du tout cela. Nous avons assisté au développement d'une véritable institution nouvelle, dont, je l'avoue, la portée me stupéfie encore à ce jour.

Il y a en effet de quoi être sidéré, d'abord, par les condamnations qui y seront inscrites.

Je laisse de côté le fait qu'il n'est tenu aucun compte des éventuelles amnisties, grâces ou décisions de réhabilitation cela ne compte pas !

Il faut savoir que, sur ce fichier, seront portées des condamnations même si elles se révèlent ensuite erronées. Je veux dire par là que celui qui aura été condamné en première instance, puis relaxé en appel, figurera entre-temps au fichier. On fiche donc encore ceux qui sont présumés innocents.

Je laisse également de côté le problème spécifique de l'irresponsabilité pénale. Là, on pourrait considérer que, dans les cas de crime grave ou d'atteintes sexuelles majeures, c'est une simple mesure de précaution. Mais ce n'est pas seulement cela ! On va encore au-delà !

Même si la responsabilité pénale se situe au niveau de la dispense de peine, c'est-à-dire que l'infraction a été jugée si peu importante que l'intéressé est dispensé de peine, celui-ci est néanmoins fiché.

Je me suis rendu compte - et je dois dire que j'avais peine à le croire, au point que, à cet instant encore, je m'interroge - que même des mineurs pourraient être inscrits au fichier. Et pas seulement des adolescents puisque figureront dans le fichier les personnes ayant fait l'objet d'une décision, même pas définitive, c'est-à-dire encore soumise à appel, prise en application des articles 8, 15, 15-1, 16, 16 bis, et 28 de l'ordonnance relative à l'enfance délinquante.

J'ai vérifié ! Il s'agit d'inscrire à ce fichier les mineurs ayant fait l'objet de mesures d'éducation prises à l'encontre d'enfants appartenant aux trois catégories d'âges suivantes : de dix à treize ans, de treize à seize ans, de seize à dix-huit ans.

Mais enfin, qu'est-on en train de fabriquer ?

En fait, dans ce fichier destiné à prévenir la récidive criminelle - et l'on en comprend bien l'utilité - seront inscrits des enfants à l'égard desquels le juge des enfants aura prononcé une sanction éducative. Et quel âge sont supposés avoir ces enfants auteurs d'infractions sexuelles : onze ans, douze ans, treize ans !

On me répond que cela n'a pas d'importance puisque, dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, les auteurs d'infractions punissables d'une peine inférieure ou égale à cinq ans ne seront pas inscrits dans le fichier. Mais être « punissable de telle peine » ne veut pas dire « condamné à telle peine ». Autrement dit, un mineur ayant commis un acte suffisamment grave pour être punissable de cinq ans ne sera pas condamné, mais il figurera néanmoins dans le fichier.

J'évoquais tout à l'heure la dispense de peine. Si une dispense de peine est accordée alors que l'infraction est punissable de sept ans, vous imaginez la nature du comportement ! Il m'a été aisé de constater que le cap était très facilement franchi ! Il s'agit de ce que l'on appelle l'agression sexuelle. On voit ce que cela peut signifier à douze ans !

Je vous invite à bien lire le texte : vous mesurerez alors à quel point il aurait été nécessaire de mener, comme je le souhaitais, une réflexion juridique et une réflexion tout court sur l'applicabilité d'une telle disposition.

Selon l'article 222-22, « constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ». J'insiste sur ce dernier terme, « surprise » : dans une cour d'école, chacun comprend de quoi il s'agit ! Il en est de même pour « menace ».

Selon l'article 222-29, « les agressions sexuelles autres que le viol sont punies de sept ans d'emprisonnement (...) lorsqu'elles sont imposées à un mineur de quinze ans (...) ». Mais le mineur de quinze ans, dans la cour de l'école, ce sera toujours à lui que s'appliquera cette agression sexuelle.

Allons-nous vraiment créer un fichier ou l'inscription doit demeurer vingt ou trente ans, selon les cas, pour des mineurs de douze ans, de treize ans, ou même de quatorze ans, c'est-à-dire en pleine puberté, qui auront utilisé la surprise à l'encontre d'autres mineurs ? Il ne leur sera pas, pour autant, infligé de sanction forte, mais ils seront fichés !

Or, être fiché a d'autres implications, notamment l'obligation de donner son adresse. On va demander au mineur d'écrire son adresse, de prévenir le juge, faute de quoi il encourrait...

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Badinter.

M. Robert Badinter. Je conclus, mais j'aurai l'occasion de revenir sur ce point. C'est en tout cas une question que je tenais à soulever.

Si je vois très bien la finalité de la disposition et la façon dont on pourrait y parvenir, je considère que cela ne peut se faire dans le texte improvisé qui nous a été présenté.

J'aurai l'occasion tout à l'heure de montrer que le fait de demander la représentation devant le centre de police aboutit à infliger une véritable double peine : en effet, être tenu, une fois que l'on a purgé sa peine, de se représenter dans un local de police constitue en soi une autre peine, complémentaire celle-là.

A ce stade, ma demande est très simple : je souhaite la suppression de cet article, le réaménagement du casier judiciaire et du STIC et que, s'il le faut, soit étudié un amendement concernant l'obligation de notifier son adresse pour des condamnés dont on définira sérieusement et posément ce qu'ils sont et quelle dangerosité ils présentent.

Mais nous sommes en présence d'un texte qui, en l'état, recèle infiniment de dangers et dont j'aurai l'occasion de dire tout à l'heure pourquoi il ne remplit pas l'office que l'on souhaite.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 164, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 165, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit cet article :

« Après l'article 132-23 du code pénal, il est inséré un article... ainsi rédigé :

« Art... - En cas de condamnation à une peine privative de liberté, en matière correctionnelle, prononcée pour les infractions prévues par les articles 222-23 à 222-31 ainsi que pour celles prévues aux articles 225-12-1 et 227-22 à 227-27, le juge peut prononcer l'inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles prévue aux articles 706-53-1 et suivants du code de procédure pénale.

« Cette inscription est de droit en matière criminelle. »

Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 45 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.

L'amendement n° 172 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Dans le texte proposé par le III de cet article pour l'article 706-47 du code de procédure pénale, remplacer la référence : "222-32" par la référence : "222-31". »

Monsieur Badinter, puis-je considérer que vous avez déjà défendu l'amendement n° 164 lors de votre intervention sur l'article ?

M. Robert Badinter. Absolument !

M. le président. Je vous donne donc la parole pour présenter l'amendement n° 165.

M. Robert Badinter. Nous abordons des aspects subsidiaires. J'aurais souhaité que nous ayons une discussion sur le sujet principal : avons-nous, oui ou non, besoin de ce fichier ? N'est-il pas possible d'utiliser le dispositif existant en l'aménageant, avec l'avis de la CNIL ?

Techniquement, je rappelle que la commission nationale consultative des droits de l'homme a estimé que, entre le STIC, le casier judiciaire et la possibilité de l'aménager, un autre fichier n'est pas nécessaire. C'était la question première.

Mais si l'on veut absolument un nouveau fichier, alors prévoyons une inscription de droit quand il s'agit d'affaires criminelles, mais, quand il s'agit de délits, laissons au juge le soin d'en décider. Lui seul peut apprécier, en fonction des faits, de la personnalité et de la dangerosité de l'auteur du délit, éléments que la simple référence à un texte en ne regardant que le plafond ne permet pas de déceler, lui seul, dis-je, peut apprécier si une inscription dans ce fichier est nécessaire.

Par conséquent, notre amendement vise à ce que le juge puisse prononcer l'inscription au fichier judiciaire lorsqu'il s'agit d'infractions considérées comme des délits, l'inscription étant de droit en matière criminelle.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 45.

M. François Zocchetto, rapporteur. La commission ayant déposé un amendement n° 45, il va de soi qu'elle est défavorable à l'amendement n° 164, qui tend à la suppression de l'article.

M. Badinter nous a expliqué que le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles était selon lui inutile. Je me souviens que, lors de l'examen en première lecture, c'est déjà cette conclusion que j'avais tirée de ses propos. Vous m'aviez alors contredit, monsieur Badinter, me disant que je n'avais pas saisi ce que vous disiez.

Ce soir, je comprends néanmoins de façon très explicite que vous proposez clairement de supprimer l'article par lequel nous avons décidé de créer le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles.

Je ne vais pas revenir sur les raisons pour lesquelles nous avons souhaité ici, au Sénat, créer ce fichier. Je fais observer qu'il s'agit d'une disposition qui a été reprise sans aucune hésitation pas l'Assemblée nationale, et que, si nous examinons ce soir certains amendements émanant de la commission, c'est dans le souci de parfaire la rédaction concernant ce fichier.

S'agissant de l'amendement n° 45, je rappelle que, en première lecture, le Sénat avait exclu l'exhibition sexuelle de la liste des infractions permettant une inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles. L'Assemblée nationale, en deuxième lecture, a cru bon de réinsérer cette infraction. La commission des lois du Sénat vous demande donc à nouveau - je crois me rappeler qu'elle a pris cette décision à l'unanimité - de supprimer l'exhibition sexuelle de la liste des infractions susceptibles d'entraîner une inscription au fichier.

Enfin, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 165, comme elle l'a fait sur l'amendement n° 164.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour présenter l'amendement n° 172.

M. Robert Badinter. Cet amendement est identique au précédent.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Vous ne serez pas surpris d'apprendre que le Gouvernement est défavorable à la suppression de l'article 16 bis B, et donc défavorable à l'amendement n° 164.

Monsieur Badinter, je ne crois pas que le casier judiciaire et le STIC suffiraient à répondre à l'exigence qui a motivé la création du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles, en particulier parce qu'ils ne permettraient pas aisément les recherches sur des critères géographiques, alors qu'elles constituent un élément très important.

J'ajoute qu'un certain nombre de garanties ont été apportées par l'Assemblée nationale à la suite du travail effectué par le Sénat, puisque l'inscription dans le fichier sur décision expresse de l'autorité judiciaire est désormais la règle. Aucune automaticité n'existe pour les délits les moins graves.

Par ailleurs, les délais de conservation ont été échelonnés. Enfin, il a été prévu expressément une possibilité d'effacement si celui-ci est demandé.

Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 165.

S'agissant des amendements identiques n°s 45 et 172, qui visent à restreindre les possibilités d'inscription au fichier des auteurs d'infractions sexuelles, je m'en remets très volontiers à la sagesse du Sénat, car je crois que le délit d'exhibitionnisme peut effectivement être exclu sans inconvénients majeurs du dispositif.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 164.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je suis très étonné que M. le Premier ministre n'ait pas constitué un groupe de travail sur l'ensemble de manière à s'informer, à réfléchir, à consulter les uns et les autres, et à nous soumettre une proposition bien « ficelée ».

Parlons peu, mais parlons bien ! Si nous ne sommes pas opposés au principe même de ce fichier, nous considérons qu'il a quelque chose de stigmatisant et qu'il fallait réfléchir - nous l'avons d'ailleurs déjà dit - à la manière dont il serait possible d'en sortir.

L'Assemblée nationale a proposé une solution qui ne nous convient pas et dont nous aurons à discuter ultérieurement. Je crois néanmoins qu'il faut aborder le problème dans son ensemble. On pourrait adresser une demande au procureur, puis, si le procureur n'était pas d'accord, on pourrait aller devant le juge des libertés ; et si le juge des libertés n'était pas d'accord, à qui pourrait-on recourir ? Au président de la chambre d'accusation qui n'a rien à voir ici parce que, en règle générale, quand on demande à être relevé d'une incapacité, on s'adresse d'abord non pas au procureur mais au tribunal, quitte, ensuite seulement, à faire appel devant la chambre des appels correctionnels siégeant collégialement. Dans ce cas, il faudrait préconiser la même démarche : il n'y a aucune raison d'adresser la demande au procureur qui a déjà suffisamment de tâches et qui téléphonerait sans doute au ministère pour recevoir des instructions. Il faut qu'on puisse s'adresser - pourquoi pas ? - au juge des libertés avec possibilité d'appel devant la chambre correctionnelle. C'est notre proposition.

Nous proposons également, encore une fois en étant d'accord sur le principe d'un fichier, de prévoir que pour les délits le tribunal ou la juridiction statuent obligatoirement et disent si, oui ou non, il faut une inscription au fichier.

En revanche, en matière criminelle, nous sommes d'accord pour que l'inscription soit de droit. Il est prévu que toutes dispositions soient prises pour que l'adresse de tous ceux qui resteront inscrits soit connue, ce qui est bien ; mais alors, il n'est peut-être pas nécessaire en matière criminelle d'obliger celui qui a purgé sa peine à aller pointer tous les six mois au commissariat. Les services de police auront ainsi pour devoir de vérifier que tous ceux qui sont inscrits au fichier habitent toujours à l'adresse indiquée ; c'est la moindre des choses.

Tel est l'ensemble du système que nous préconisons. Comme vous le voyez, nous ne sommes pas en désaccord sur l'idée même de vérification, surtout s'il y a des relevés d'ADN. D'ailleurs, disons-le tout de suite : nous ne voyons pas d'inconvénient à ce que de tels relevés concernent toute la population. Il y aurait ainsi moyen de vérifier ceux qui auraient été inscrits au fichier par une juridiction, en matière correctionnelle, et ceux qui auraient été inscrits de droit, en matière criminelle. Le problème dont nous parlons mérite bien que l'on y réfléchisse de près et qu'on ne le règle pas comme cela au cours de deux soirées, l'une à l'Assemblée nationale et l'autre au Sénat !

Il se trouve, c'est vrai, que cette idée a été exprimée en premier par M. le ministre de l'intérieur et, comme par hasard, c'est arrivé tout de suite dans nos propres débats ; je ne pouvais pas ne pas le rappeler.

M. le président. La parole est Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo. Je voterai l'amendement n° 164, qui tend à supprimer l'article 16 bis B ; d'ailleurs, je m'étonne de ne pas avoir moi-même déposé un amendement identique !

J'ajoute que, comme vient de le dire notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt, il est quand même curieux qu'en l'occurrence on n'ait pas essayé d'approfondir la question. En effet, on nous répond que le casier judiciaire et le STIC ne sont pas suffisants, mais il est proposé d'aménager les fichiers existants pour pouvoir effectivement les mettre à jour, connaître l'adresse, etc. On aurait donc pu étudier la question de plus près. Mais je crois qu'il ne s'agit pas de cela.

Nous avons appris par voie de presse et par le ministre de l'intérieur que, pour répondre à l'émotion suscitée à juste titre par d'abominables crimes d'enfants, on allait créer un fichier des délinquants sexuels. Voilà comment l'affaire a démarré. Il s'agit bien entendu d'un affichage. Nous voulons tous éviter la récidive. Là, on cherche non pas à l'éviter mais plutôt à arrêter au plus vite les récidivistes une fois la récidive commise.

M. Jean-Jacques Hyest. C'est déjà ça !

Mme Nicole Borvo. « Tout ça pour ça », pour reprendre le titre d'un film bien connu, me paraît très exagéré.

En revanche, nous avons déjà depuis de nombreuses années posé les problèmes. Je l'avais déjà dit lors de la première lecture, mais je vais le redire : après l'instauration de la peine incompressible pour les auteurs de crimes sexuels en 1998, le législateur avait décidé d'introduire la peine complémentaire de suivi socio-judiciaire. Quels en sont les moyens ? Où en est-on ? On pourrait se poser toutes ces questions, et ce au cours d'un débat qui serait non seulement intéressant, mais également nécessaire.

Tout le monde peut déplorer des cas de récidive, encore que, dans nombre d'affaires, à l'heure actuelle, il s'agisse plus de primo-délinquants que de récidivistes. Il faut donc veiller au climat de peur que l'on crée s'agissant de la récidive.

Mais loin de parler de tout cela, vous créez un nouveau fichier, avec toutes les conséquences qui ont été amplement développées par M. Badinter. On nous dit que, ainsi on va empêcher la récidive. Je suis désolée, mais ce n'est vraiment pas le moyen !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Il est vraiment très important dans cette affaire de mettre les points sur les « i ». En effet, le sujet est grave et important, tout le monde en convient. J'ai été tout à fait étonné par l'interprétation qui a pu être donnée tout à l'heure des propos tenus par nos collègues Robert Badinter et Michel Dreyfus-Schmidt.

Que cela soit clair : nous ne sommes pas opposés à un fichier des auteurs d'infractions sexuelles, qui peut être utile pour prévenir la récidive.

Mais nous ne sommes pas d'accord avec un certain nombre de modalités précises de ce fichier proposées par cet article, qui aboutiraient, comme l'a montré très clairement M. Badinter, à des situations absurdes, à des problèmes réels.

Donc, qu'il soit bien dit que l'objet de cet amendement est non de s'opposer à l'existence de ce fichier utile dans la prévention de la récidive, mais de demander la suppression de certaines de ses caractéristiques porteuses de lourds inconvénients. Il ne faut en effet pas nous faire dire autre chose que ce que nous disons.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Au risque d'insister, je me serais permis de revenir sur cette question même si M. Sueur n'était pas intervenu.

Je fais une distinction entre l'amendement n° 164 et les amendements suivants. L'amendement n° 164 vise à la suppression de tout l'article 16 bis B, et donc du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles.

Il faut un peu de cohérence : soit vous êtes favorables au fichier et vous n'en demandez pas la suppression.(M. Jean-Pierre Sueur s'exclame), soit vous lui êtes défavorables - c'est tout à fait possible...

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas le cas !

M. François Zocchetto, rapporteur. ... et relève, bien évidemment, de votre liberté - et, dans ce cas, il est logique que vous en demandiez la suppression.

Mais vous ne pouvez pas nous faire croire que vous êtes favorables au fichier tout en demandant sa suppression. En tout cas, c'est quelque chose que, pour ma part, je ne m'explique pas. Je ne comprends pas votre position. Un peu plus de clarté s'impose dans notre débat.

Autant, si vous souhaitez contester des dispositions du fichier tout en admettant que celui-ci est utile, nous sommes prêts à étudier vos propositions, quitte à voter contre si elles ne nous paraissent pas intéressantes, autant le fait de demander la suppression de l'article par lequel nous créons le fichier revient à être contre le fichier des auteurs d'infractions sexuelles.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. Peut-être est-ce lié à notre souci d'exposer vite des problèmes extrêmement complexes, mais je crois que nous nageons dans la confusion.

Monsieur le rapporteur, je serai très précis : pour que tout soit clair, je vous propose une méthode consistant à réserver l'amendement n° 164, c'est-à-dire la suppression de l'article. Et nous allons discuter des autres amendements, car, encore une fois, les choses sont très claires : le fichier tel qu'il est issu du vote de l'Assemblée nationale ne nous paraît pas acceptable, mais un fichier répondant à la finalité que nous souhaitons nous semble utile.

Par conséquent, voyons ce que nous pouvons faire à cet égard et ce qu'il advient des autres amendements en discussion commune. Il ne nous paraît pas concevable de créer le fichier dans les conditions définies par l'Assemblée nationale. En revanche, s'il est convenablement amendé, ramené à ce qu'il doit être en excluant ce qui ne doit pas s'y trouver, nous pourrions retirer notre amendement n° 164.

Alors, commençons la discussion, « la prise à corps » de ce fichier ! Je demande donc la réserve du vote de l'amendement n° 164 jusqu'après le vote de l'amendement n° 172.

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien ! C'est très clair !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de réserve ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je consulte le Sénat sur la demande de réserve formulée par M. Robert Badinter.

(La réserve est ordonnée).

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 165.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour que les choses soient claires, il faut rappeler le contenu de cet amendement.

Nous l'avons dit mais nous le répétons, parce que c'est le commencement de la sagesse, nous estimons qu'en matière correctionnelle c'est la juridiction saisie qui devrait dire s'il doit y avoir ou non inscription au fichier, étant entendu que la juridiction devrait être interrogée obligatoirement et qu'elle s'exprime éventuellement par une disposition spécialement motivée je n'y vois pour ma part aucun inconvénient. En revanche, en matière criminelle, l'inscription serait de droit.

La méthode proposée par cet amendement nous paraît intelligente.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. Cet amendement fait de l'inscription au fichier une peine complémentaire qui peut être prononcée par le juge. Or telle n'est pas la finalité du fichier, qui est de nature complètement différente.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est une mesure de sûreté !

M. Jean-Jacques Hyest. Si vous en faites une peine complémentaire, cela n'a plus de sens ! Ce n'est pas au juge de dire si telle personne qui a commis une agression sexuelle ne relevant pas de la cour d'assises doit être inscrite à ce fichier ou non. L'appréciation serait alors purement subjective. Franchement, je ne comprends pas la finalité de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. Je veux dire à notre collègue et ami Jean-Jacques Hyest que les choses sont au contraire comme elles doivent être. Le juge est parfaitement fondé à prononcer cette mesure.

M. Jean-Jacques Hyest. Mais non !

M. Robert Badinter. Vous dites que c'est une mesure de sûreté.

M. Jean-Jacques Hyest. Non, ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. Robert Badinter. La nature n'est pas définie : s'agit-il d'une peine complémentaire ou d'une mesure de sûreté ? Nous le verrons le moment venu, mais je ne vois pas en quoi le fait de laisser à la discrétion du juge l'inscription au fichier peut vous gêner.

M. Jean-Jacques Hyest. C'est en raison des infractions !

M. Robert Badinter. C'est l'individualisation.

M. Jean-Jacques Hyest. L'individualisation pour un fichier n'a pas de sens !

M. Robert Badinter. Et pourquoi ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 165.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 45 et 172.

(Les amendements sont adoptés à l'unanimité.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 164 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 16 bis B, modifié.

(L'article 16 bis B est adopté.)

Articles additionnels après l'article 16 bis B

Art. 16 bis B
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. 16 bis C

M. le président. L'amendement n° 170, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Après l'article 16 bis B, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« L'article 41-2 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le procureur de la République pour les infractions prévues par les articles 222-23 à 222-31 du code pénal ainsi que pour celles prévues aux articles 225-12-1 et 227-22 à 227-27 du code pénal, peut prononcer l'inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles prévue aux articles 706-53-1 et suivants du présent code. »

La parole est à M. Robert Badinter.

M. Robert Badinter. Cet amendement prévoit pour le procureur de la République, dans le cadre cette fois-ci de la procédure de composition pénale, la même faculté que celle qui a été évoquée tout à l'heure s'agissant du juge pour prononcer l'inscription au fichier.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, car la possibilité qu'il se propose d'instaurer est déjà prévue par l'article 16 bis C du projet de loi.

Je précise que la commission émet le même avis pour les amendements suivants n°s 166, 167, 168 et 169.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 170, comme il l'était à l'amendement n° 165. En effet, le dispositif proposé dans le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit une inscription automatique au fichier au-dessus d'un certain quantum de peine et une inscription facultative en dessous. Ce dispositif me semble cohérent.

Le Gouvernement est donc défavorable aux amendements qui viennent maintenant en discussion.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous nous comprenons mal ! M. Hyest, en particulier, a dit des choses sur lesquelles je voudrais revenir pour essayer de le convaincre.

Quand on crée un fichier, cela ne signifie pas forcément que l'on inscrit de droit tous ceux qui risquent une certaine peine !

M. Jean-Jacques Hyest. Je n'ai pas dit « qui risquent ».

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais l'inscription est fonction de la peine encourue !

M. Robert Badinter. Ce n'est pas la peine prononcée !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Or nous estimons que, suivant le cas d'espèce, il peut apparaître soit que quelqu'un doit être fiché parce qu'il est susceptible de recommencer et qu'il doit pouvoir être identifié soit, au contraire, que, même s'il encourt une peine importante, il va avoir une admonestation parce que les faits n'étaient pas graves et qu'il n'y a pas de risque qu'il se rende de nouveau coupable d'une infraction sexuelle.

Tel est le sens de notre proposition et, je souhaite que l'on nous comprenne. Mais ne nous dites pas que du moment que ce fichier existe, il faut y inscrire tout le monde ! Tous les faits ne doivent pas donner lieu à une inscription et le fichier serait d'ailleurs beaucoup plus facile à consulter si seuls y figuraient les personnes qui risquent de commettre des actes graves.

J'espère vous avoir convaincus du bien-fondé de nos propositions. Leur mise en oeuvre n'a rien d'impossible, il suffirait que vous les acceptiez. (Rires et exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 170.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 166, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Après l'article 16 bis B, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« L'article 138 du code de procédure pénale est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention peuvent, pour les infractions prévues par les articles 222-23 à 222-31 du code pénal ainsi que pour celles prévues aux articles 225-12-1 et 227-22 à 227-27 du code pénal, prononcer l'inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles prévue aux articles 706-53-1 et suivants du présent code.

« Cette inscription est de droit en matière criminelle. »

L'auteur de l'amendement, la commission et le Gouvernement se sont déjà exprimés.

Je mets cet amendement aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 167, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Après l'article 16 bis B, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Après l'article 167-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art... - Lorsque les conclusions de l'expertise sont de nature à conduire le juge d'instruction à déclarer qu'il n'y a pas lieu à poursuivre en application de l'article 122-1 du code pénal, ce dernier peut pour les infractions prévues par les articles 222-23 à 222-31 du code pénal ainsi que pour celles prévues aux articles 225-12-1 et 227-22 à 227-27 du code pénal, prononcer l'inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles prévue aux articles 706-53-1 et suivants du présent code.

« Cette inscription est de droit en matière criminelle. »

L'auteur de l'amendement, la commission et le Gouvernement se sont déjà exprimés.

Je mets cet amendement aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 168, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Après l'article 16 bis B, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Après l'article 367 du code de procédure pénale, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art... - Lorsque la cour d'assises relaxe ou acquitte une personne, coupable d'une infraction sexuelle, sur le fondement de l'article 122-1 du code pénal elle prononce l'inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles prévue aux articles 706-53-1 et suivants du présent code. »

L'auteur de l'amendement, la commission et le Gouvernement se sont déjà exprimés.

Je mets cet amendement aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 169, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Après l'article 16 bis B, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« L'article 468 du code de procédure pénale est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Dans ce cas, pour les infractions prévues par les articles 222-23 à 222-31 du code pénal ainsi que pour celles prévues aux articles 225-12-1 et 227-22 à 227-27 du code pénal, le tribunal correctionnel peut prononcer l'inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles prévue aux articles 706-53-1 et suivants du présent code.

« Cette inscription est de droit en matière criminelle. »

L'auteur de l'amendement, la commission et le Gouvernement se sont déjà exprimés.

Je mets cet amendement aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 171, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Après l'article 16 bis B, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Après l'article 28 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, insérer un article ainsi rédigé :

« Art... - Les décisions prononcées en application des articles 8, 15, 15-1, 16, 16 bis et 28 de la présente ordonnance ne peuvent donner lieu à l'inscription sur le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles que pour les mineurs de seize à dix-huit ans. »

La parole est à M. Robert Badinter.

M. Robert Badinter. Je requiers toute l'attention de M. le garde des sceaux et de M. le rapporteur. Je ne suis en effet pas encore convaincu que l'on ait mesuré la portée des décisions prononcées en application des articles 8, 15, 15-1, 16 et 16 bis qui concernent les mineurs âgés de dix à treize ans et de treize à seize ans.

Nous sommes d'accord pour l'inscription au fichier à partir de l'âge de seize ans, mais pas en dessous ! Cette inscription, je le rappelle, doit en principe être effective pendant vingt ans. Imaginez un homme d'une trentaine d'années contraint de faire connaître tous les ans son adresse aux services de police, pour des faits qui se sont passés dans la cour du collège vingt ans plus tôt !

On me répondra qu'il peut en être dispensé. Certes, mais encore doit-il en faire la demande. Comment cela va-t-il se passer ? Si le procureur est trop occupé ou s'il juge que c'est très bien ainsi, le juge de l'application des peines puis la cour d'appel vont-ils statuer ? Non !

Il s'agit ici de mineurs que l'on ne peut pas traiter, dans ce domaine comme dans les autres, de la même façon que les majeurs.

C'est pourquoi je souhaite vivement que l'on reconsidère cette question. Nous sommes en matière sexuelle : réservons l'inscription au fichier aux mineurs âgés de seize à dix-huit ans, mais pas pour ceux qui sont âgés de dix à treize ans, ou de treize à seize ans !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Je tiens à apporter une précision de forme. Pour parvenir à l'objectif que vous vous fixez, il conviendrait plutôt d'opérer une modification à l'article 16 bis C. On peut en effet s'interroger sur la situation des mineurs âgés de moins de seize ans. Nous avons indiqué qu'il fallait distinguer selon que l'infraction commise était susceptible d'être punie de cinq ans d'emprisonnement ou plus, auquel cas l'inscription est automatique. Les infractions concernées sont donc relativement graves.

Vous savez en outre que des mécanismes d'effacement ou des demandes de radiation du fichier sont prévus.

Je ne doute pas que les juges accorderont une attention particulière pour les mineurs. Pour les infractions punies de moins de cinq ans d'emprisonnement, en effet, c'est le juge qui devra prononcer l'inscription, et cela m'étonnerait qu'ils soient nombreux à prononcer l'inscription au fichier de mineurs de moins de seize ans.

Nous avons donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, pour les raisons que vient d'exposer M. le rapporteur.

J'ai toutefois le sentiment, s'agissant de ces amendements, que le groupe socialiste continue à considérer que l'inscription au fichier est une peine complémentaire.

A la limite, qu'il s'agisse d'un mineur de seize ans ou non importe peu, puisqu'il s'agit non pas d'une peine, mais d'une information pouvant permettre, en cas de crime commis dans la région où est domiciliée la personne en question, d'obtenir plus rapidement des éléments d'enquête en vue d'élucider une nouvelle affaire.

Nous nous heurtons sur ce point à un problème de logique globale. Lorsque la peine encourue est inférieure à cinq ans, le juge a la possibilité de ne pas inscrire la personne au fichier d'information. C'est un élément de souplesse important qui a été introduit à l'Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Peu importe la forme de l'amendement, mettons-nous d'accord sur le fond.

S'agissant des mineurs de treize ans, qui sont visés aux articles 8, 15 et 15-1 - on verra ensuite le cas des mineurs de treize à seize ans et de seize à dix-huit ans - croyez-vous qu'il faille les obliger à indiquer un changement d'adresse ? Pensez-vous qu'un gosse de treize ans puisse être inscrit dans ce fichier ?

Posons la question pour les enfants de moins de treize ans, posons-la pour ceux de moins de seize ans, étant entendu que personne ne conteste l'inscription au fichier des mineurs âgés de seize à dix-huit ans.

M. le président. La parole est à M. Philippe Richert, pour explication de vote.

M. Philippe Richert. De temps en temps, il me paraît indispensable que nous nous préoccupions aussi des victimes !

Bien entendu, ce soir, nous nous intéressons à ceux qui commettent des délits. Mais l'inscription au fichier est automatique pour les personnes ayant commis des délits graves, punis de plus de cinq ans d'emprisonnement ! Or, si un garçon de treize ans a commis un délit conduisant à une privation de liberté de plus de cinq ans, c'est que l'affaire est déjà très grave ! J'estime alors que l'on peut prendre la précaution d'inscrire dans le fichier la personne ayant commis un tel acte, même quand elle n'a que treize ans. Il ne me paraît pas inenvisageable de demander à l'auteur d'un acte aussi grave d'indiquer ses changements d'adresse !

Mme Nicole Borvo. Pendant combien de temps ?

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. Nous nageons complètement dans l'équivoque et l'incompréhension.

Il faut distinguer absolument la peine qui est fixée par le code pénal pour ce type d'infractions et la peine prononcée ! En effet, vous pouvez tomber sous le coup d'une certaine qualification, encourir une peine de dix ans de réclusion criminelle et être condamné à six mois avec sursis !

Comme Michel Dreyfus-Schmidt l'a justement observé, on se fonde ici sur la peine encourue.

Or, ce qui compte, c'est évidemment l'acte effectivement commis, la gravité de celui-ci, et la peine prononcée !

Quand il y a un acte avec une dispense de peine, tout le monde sait que c'est une incrimination formelle. Quand le maximum de la peine est prononcé, là, c'est grave !

C'est à cela que sert le passage devant le juge. Or cet aspect est complètement balayé, on ne se réfère qu'au plafond de la peine encourue.

Il s'agit en l'occurrence de mineurs - et l'on pense inévitablement à des garçons - notamment de mineurs âgés de moins de treize ans. Peut-on imaginer que soient appliquées à ces mineurs, au regard de la peine encourue, à savoir une sanction éducative, les dispositions suivantes : « La personne est tenue, soit auprès du gestionnaire du fichier, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, soit auprès du commissariat de police ou de la gendarmerie de son domicile, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou en se présentant au service :

« 1° De justifier de son adresse une fois par an ; » ?

Il s'agit de mineurs de treize ans !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ou de dix ans !

M. Robert Badinter. Imaginez-vous vraiment un mineur se présenter au commissariat parce que l'on aura pris à son égard une sanction éducative ?

Je cherche à vous faire prendre la mesure de la démarche que vous nous proposez. Un fait s'est produit dans la cour de l'école. Le mineur a eu tort. Une sanction éducative a été prononcée à son encontre. Nous sommes les premiers à en reconnaître le bien-fondé, mais, par ce procédé, on voit tout de suite en lui l'assassin, le multirécidiviste. Ce n'est pas de cela dont il est question !

M. Philippe Richert. Je comprends que vous cherchiez à nous convaincre, mais, en ce qui me concerne, vous n'y parvenez pas ! (Mme Nicole Borvo s'exclame.)

M. Robert Badinter. Que puis-je faire, si vous n'arrivez pas à mesurer les contraintes que ce texte va imposer ? Le fait de ne pas respecter les obligations prévues est puni de deux ans d'emprisonnement !

Evidemment, il y aura les excuses de minorité, mais on ne peut pas demander à un mineur d'aller lui-même au commissariat ou de prendre la plume pour justifier de son changement d'adresse !

Ce dispositif n'a pas été réfléchi ! Je souhaite vivement qu'à l'occasion de cet article il soit précisé que ces mesures ne concernent que les mineurs de seize à dix-huit ans. Le propre de la justice des mineurs est quand même de favoriser la réinsertion, l'éducation ! En obligeant le mineur à justifier de son adresse à chaque changement de domicile, vous revenez à une pratique qui avait cours au xixe siècle pour les forçats. Or aucune peine de prison n'a été prononcée.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je tiens à réagir aux propos de M. Badinter.

Je crois vraiment, monsieur le sénateur, que nous aurons beaucoup de mal à nous comprendre, car vous restez sur la logique de la peine complémentaire ; toute votre intervention portait sur ce point. Or le dispositif qui est proposé, et sur lequel vous pouvez ne pas être d'accord, ne ressort pas du tout de cette logique-là.

Le juge d'instruction peut demander l'inscription des décisions prononcées sur le fichier. Il ne s'agit donc pas encore de condamnations ! Vous venez de nous parler des peines effectivement prononcées. Il ne s'agit pas de cela, car l'inscription au fichier peut avoir lieu bien avant. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le casier judiciaire ne peut être utilisé, puisqu'il recense uniquement les condamnations définitives, c'est-à-dire après un éventuel pourvoi en cassation.

L'esprit du dispositif est donc complètement différent, indépendamment des mineurs et des majeurs, bien entendu. C'est la grande différence !

Quant aux garçon de treize ans, je ne sais pas combien seront concernés.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. De dix ans !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. En matière sexuelle, dix ans, cela devient complexe, monsieur Dreyfus-Schmidt !

Ou bien il s'agit de quelqu'un qui a commis exceptionnellement un acte grave - il est vrai que cela peut arriver - ou bien les faits ne sont pas graves, auquel cas le juge ne demandera pas l'inscription, au fichier puisqu'il en a la possibilité.

Telle est la réponse qui figure dans le texte qui vous est proposé.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et s'il a moins de treize ans ?

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote.

M. Gérard Delfau. J'ai écouté ces brillantes interventions avec l'absence de culture juridique qui me caractérise. Nous sommes sans doute peu nombreux à être dans ce cas dans cet hémicycle, mais j'essaie tout de même de comprendre et, surtout, de me mettre à la place du citoyen, et pas seulement à celle des victimes. Je sais bien qu'il faut penser aux victimes, mais nous légiférons pour l'ensemble des Français.

Nous devons tout de même prendre en compte, dans cette discussion, trois arguments du groupe socialiste.

En premier lieu, si l'inscription au fichier se fait automatiquement, elle constitue déjà, d'une certaine façon, une peine complémentaire, monsieur Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Mais non !

M. Gérard Delfau. Mais si ! D'une certaine façon, ce sera perçu comme une peine complémentaire.

En deuxième lieu, il est choquant pour le bon sens, monsieur le garde des sceaux, de ne pas vouloir admettre une distinction entre les mineurs parmi les mineurs, si je puis dire, et le reste de la population.

En troisième lieu - et sur ce point non plus je n'arrive pas à vous suivre -, il me paraît tout de même plus judicieux de faire procéder à l'inscription dans le fichier à partir de la peine prononcée plutôt qu'à partir de la peine encourue.

Ces trois idées, très simples pour le non juriste que je suis, me paraissent évidentes.

Ce que je ne comprends pas, monsieur le garde des sceaux, c'est que, indépendamment de la mécanique du débat parlementaire entre le Gouvernement et sa majorité, d'un côté, et l'opposition, de l'autre ou plutôt la minorité - il s'agit d'éléments qui ne portent en rien atteinte à ce que vous voulez faire et à quoi nous souscrivons. Effectivement, un fichier du type de celui que vous proposez est nécessaire, mais pas dans n'importe quelles conditions.

Pour quelle raison ne prenez-vous pas en considération les objections qui vous sont faites, et pourquoi n'admettez-vous pas qu'à la faveur du débat parlementaire ces objections puissent contribuer à améliorer le projet de loi ? Car, après tout, nous sommes précisément là pour cela !

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. Il ne faut pas être trop byzantin ! Nous en avons assez des leçons de morale !

Je vais vous rappeler les infractions qui figureront au fichier, car c'est tout de même ce qui importe.

L'inscription au fichier n'est pas liée à la peine ! Il est vrai qu'il peut y avoir des récidives, alors que l'instruction est en cours. Et bien entendu, si l'instruction aboutit à la relaxe, il n'y aura pas d'inscription au fichier, hormis pour les cas visés par l'article 122-1 du code pénal, puisqu'il s'agit des personnes qui ont été relaxées ou qui ont bénéficié d'un non-lieu en raison de problèmes de santé mentale.

Quoi qu'il en soit les inscriptions au fichier ne concernent que le meurtre ou l'assassinat d'un mineur précédé ou accompagné de viol, de torture ou d'acte de barbarie...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Commis à l'âge de dix ans ?

M. Jean-Jacques Hyest. A dix ans, cela ne se produira pas, donc la procédure n'aura pas à s'appliquer ! Cela ne tient pas debout !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Alors, ne le prévoyons pas !

M. Jean-Jacques Hyest. Elles concernent également les agressions sexuelles, le viol - nous avons supprimé les mots « exhibition sexuelle »,...

Mme Nicole Borvo. C'était le comble !

M. Jean-Jacques Hyest. ... car ils pouvaient donner lieu à des interprétations différentes - la corruption de mineurs et tout ce qui a trait à la pornographie, notamment l'utilisation d'images pornographiques. On a vu que de nombreux réseaux pédophiles existaient, et c'est tout simplement de cela qu'il s'agit !

Par conséquent ne fantasmez pas.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 171.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnels après l'art. 16 bis B
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Rappel au règlement (début)

Article 16 bis C

Après l'article 706-53 du code de procédure pénale, il est inséré un chapitre II ainsi rédigé :

« Chapitre II

« Du fichier judiciaire national automatisé

des auteurs d'infractions sexuelles

« Art. 706-53-1. - Le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles constitue une application automatisée d'informations nominatives tenue sous l'autorité du ministre de la justice et le contrôle d'un magistrat. Afin de prévenir le renouvellement des infractions mentionnées à l'article 706-47 et de faciliter l'identification de leurs auteurs, ce traitement reçoit, conserve et communique aux personnes habilitées les informations prévues à l'article 706-53-2 selon les modalités prévues par le présent chapitre.

« Art. 706-53-2. - Lorsqu'elles concernent, sous réserve des dispositions du dernier alinéa du présent article, une ou plusieurs des infractions mentionnées à l'article 706-47, sont enregistrées dans le fichier les informations relatives à l'identité ainsi que l'adresse ou les adresses successives du domicile et, le cas échéant, des résidences des personnes ayant fait l'objet :

« 1° D'une condamnation, même non encore définitive, y compris d'une condamnation par défaut ou d'une déclaration de culpabilité assortie d'une dispense ou d'un ajournement de la peine ;

« 2° D'une décision, même non encore définitive, prononcée en application des articles 8, 15, 15-1, 16, 16 bis et 28 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ;

« 3° D'une composition pénale prévue par l'article 41-2 dont l'exécution a été constatée par le procureur de la République ;

« 4° D'une décision de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement fondée sur les dispositions du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal ;

« 5° D'une mise en examen assortie d'un placement sous contrôle judiciaire, lorsque le juge d'instruction a ordonné l'inscription de la décision dans le fichier ;

« 6° D'une décision de même nature que celles visées ci-dessus prononcées par les juridictions ou autorités judiciaires étrangères qui, en application d'une convention ou d'un accord internationaux, ont fait l'objet d'un avis aux autorités françaises ou ont été exécutées en France à la suite du transfèrement des personnes condamnées.

« Le fichier comprend aussi les informations relatives à la décision judiciaire ayant justifié l'inscription et la nature de l'infraction. Les décisions mentionnées aux 1° et 2° sont enregistrées dès leur prononcé.

« Les décisions concernant des délits prévus par l'article 706-47 et punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans ne sont pas inscrites dans le fichier, sauf si cette inscription est ordonnée par décision expresse de la juridiction ou, dans les cas prévus par les 3° et 4°, du procureur de la République.

« Art. 706-53-3. - Le procureur de la République ou le juge d'instruction compétent fait procéder sans délai à l'enregistrement des informations devant figurer dans le fichier par l'intermédiaire d'un moyen de télécommunication sécurisé. Ces informations ne sont toutefois accessibles en cas de consultation du fichier qu'après vérification, lorsqu'elle est possible, de l'identité de la personne concernée, faite par le service gestionnaire du fichier au vu du répertoire national d'identification.

« Lorsqu'ils ont connaissance de la nouvelle adresse d'une personne dont l'identité est enregistrée dans le fichier ainsi que lorsqu'ils reçoivent la justification de l'adresse d'une telle personne, les officiers de police judiciaire enregistrent sans délai cette information dans le fichier par l'intermédiaire d'un moyen de télécommunication sécurisé.

« Art. 706-53-4. - Sans préjudice de l'application des dispositions des articles 706-53-9 et 706-53-10, les informations mentionnées à l'article 706-53-2 concernant une même personne sont retirées du fichier au décès de l'intéressé ou à l'expiration, à compter du jour où l'ensemble des décisions enregistrées ont cessé de produire tout effet, d'un délai de :

« 1° Trente ans s'il s'agit d'un crime ou d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement ;

« 2° Vingt ans s'il s'agit d'un délit puni de sept ans d'emprisonnement ;

« 3° Dix ans s'il s'agit d'un délit puni d'un emprisonnement d'une durée égale ou inférieure à cinq ans.

« L'amnistie ou la réhabilitation ainsi que les règles propres à l'effacement des condamnations figurant au casier judiciaire n'entraînent pas l'effacement de ces informations.

« Ces informations ne peuvent, à elles seules, servir de preuve à la constatation de l'état de récidive.

« Les mentions prévues aux 1°, 2° et 5° de l'article 706-53-2 sont retirées du fichier en cas de décision définitive de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement. Celles prévues au 5° sont également retirées en cas de cessation ou de mainlevée du contrôle judiciaire.

« Art. 706-53-5. - Toute personne dont l'identité est enregistrée dans le fichier est astreinte, à titre de mesure de sûreté, aux obligations prévues par le présent article.

« La personne est tenue, soit auprès du gestionnaire du fichier, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, soit auprès du commissariat de police ou de la gendarmerie de son domicile, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou en se présentant au service :

« 1° De justifier de son adresse une fois par an ;

« 2° De déclarer ses changements d'adresse, dans un délai de quinze jours au plus tard après ce changement.

« Si la personne a été définitivement condamnée pour un crime ou pour un délit puni de dix ans d'emprisonnement, elle doit justifier de son adresse une fois tous les six mois en se présentant à cette fin auprès du groupement de gendarmerie départemental ou de la direction départementale de la sécurité publique de son domicile ou auprès de tout autre service désigné par la préfecture.

« Le fait, pour les personnes tenues aux obligations prévues par le présent article, de ne pas respecter ces obligations est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.

« Art. 706-53-6. - Toute personne dont l'identité est enregistrée dans le fichier en est informée par l'autorité judiciaire, soit par notification à personne, soit par lettre recommandée adressée à la dernière adresse déclarée.

« Elle est alors informée des mesures et des obligations auxquelles elle est astreinte en application des dispositions de l'article 706-53-5 et des peines encourues en cas de non-respect de ces obligations.

« Lorsque la personne est détenue, les informations prévues par le présent article lui sont données au moment de sa libération définitive ou préalablement à la première mesure d'aménagement de sa peine.

« Art. 706-53-7. - Les informations contenues dans le fichier sont directement accessibles, par l'intermédiaire d'un système de télécommunication sécurisé :

« 1° Aux autorités judiciaires ;

« 2° Aux officiers de police judiciaire, dans le cadre de procédures concernant un crime d'atteinte volontaire à la vie, d'enlèvement ou de séquestration, ou une infraction mentionnée à l'article 706-47 et pour l'exercice des diligences prévues aux articles 706-53-5 et 706-53-8 ;

« 3° Aux préfets et aux administrations de l'Etat dont la liste est fixée par le décret prévu à l'article 706-53-12, pour l'examen des demandes d'agrément concernant des activités ou professions impliquant un contact avec des mineurs.

« Les autorités et personnes mentionnées aux 1° et 2° du présent article peuvent interroger le fichier à partir de plusieurs critères fixés par le décret prévu à l'article 706-53-12, et notamment à partir de l'un ou plusieurs des critères suivants : identité de la personne, adresses successives, nature des infractions.

« Les personnes mentionnées au 3° du présent article ne peuvent consulter le fichier qu'à partir de l'identité de la personne concernée par la demande d'agrément.

« Art. 706-53-8. - Selon des modalités précisées par le décret prévu à l'article 706-53-12, le gestionnaire du fichier avise directement le ministère de l'intérieur, qui transmet sans délai l'information aux services de police ou de gendarmerie compétents, en cas de nouvelle inscription ou de modification d'adresse concernant une inscription ou lorsque la personne n'a pas apporté la justification de son adresse dans les délais requis.

« Les services de police ou de gendarmerie peuvent procéder à toutes vérifications utiles et toutes réquisitions auprès des administrations publiques pour vérifier ou retrouver l'adresse de la personne.

« S'il apparaît que la personne ne se trouve plus à l'adresse indiquée, le procureur de la République la fait inscrire au fichier des personnes recherchées.

« Art. 706-53-9. - Toute personne justifiant de son identité obtient, sur demande adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel elle réside, communication de l'intégralité des informations la concernant figurant dans le fichier.

« Les dispositions des troisième à cinquième alinéas de l'article 777-2 sont alors applicables.

« Art. 706-53-10. - Toute personne dont l'identité est inscrite dans le fichier peut demander au procureur de la République de rectifier ou d'ordonner l'effacement des informations la concernant si les informations ne sont pas exactes ou si leur conservation n'apparaît plus nécessaire compte tenu de la finalité du fichier, au regard de la nature de l'infraction, de l'âge de la personne lors de sa commission, du temps écoulé depuis lors et de la personnalité actuelle de l'intéressé.

« La demande d'effacement est irrecevable tant que les mentions concernées subsistent au bulletin n° 1 du casier judiciaire de l'intéressé ou sont relatives à une procédure judiciaire qui est toujours en cours.

« Si le procureur de la République n'ordonne pas la rectification ou l'effacement, la personne peut saisir à cette fin le juge des libertés et de la détention, dont la décision peut être contestée devant le président de la chambre de l'instruction.

« Avant de statuer sur la demande de rectification ou d'effacement, le procureur de la République, le juge des libertés et de la détention et le président de la chambre de l'instruction peuvent faire procéder à toutes les vérifications qu'ils estiment nécessaires et notamment ordonner une expertise médicale de la personne. S'il s'agit d'une mention concernant soit un crime, soit un délit puni de dix ans d'emprisonnement et commis contre un mineur, la décision d'effacement du fichier ne peut intervenir en l'absence d'une telle expertise.

« Dans le cas prévu par le dernier alinéa de l'article 706-53-5, le procureur de la République, le juge des libertés et de la détention et le président de la chambre de l'instruction, saisis en application des dispositions du présent article, peuvent également ordonner, à la demande de la personne, qu'elle ne sera tenue de se présenter auprès des services de police ou de gendarmerie pour justifier de son adresse qu'une fois par an.

« Art. 706-53-11. - Aucun rapprochement ni aucune connexion au sens de l'article 19 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ne peuvent être effectués entre le fichier prévu par le présent chapitre et tout autre fichier ou recueil de données nominatives détenus par une personne quelconque ou par un service de l'Etat ne dépendant pas du ministère de la justice.

« Aucun fichier ou recueil de données nominatives détenu par une personne quelconque ou par un service de l'Etat ne dépendant pas du ministère de la justice ne peut mentionner, hors les cas et dans les conditions prévues par la loi, les informations figurant dans le fichier.

« Toute infraction aux dispositions qui précèdent est punie des peines encourues pour le délit prévu à l'article 226-21 du code pénal.

« Art. 706-53-12. - Les modalités et conditions d'application des dispositions du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

« Ce décret précise notamment les conditions dans lesquelles le fichier conserve la trace des interrogations et consultations dont il fait l'objet. »

M. le président. L'amendement n° 173, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, je demande la réserve de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de réserve ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Je ne comprends pas pourquoi vous demandez la réserve de cet amendement, monsieur Dreyfus-Schmidt. Soit vous le défendez, soit vous ne le défendez pas !

Art. 16 bis C
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Rappel au règlement (suite)

M. le président. La parole est à M. Paul Girod, pour un rappel au règlement.

M. Paul Girod. Demander la réserve sur un amendement de suppression n'a pas de sens ! Il suffit de le retirer et, le moment venu, de voter contre l'article !

M. le président. Vous avez raison !

Rappel au règlement (début)
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. 16 bis

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Sueur. Rien, dans le règlement, n'interdit de demander la réserve sur un amendement, quel qu'il soit. Au demeurant, la commission et le Gouvernement peuvent se prononcer contre la demande de réserve.

Si nous avons demandé la réserve de l'amendement de suppression précédent, c'est parce qu'un débat a eu lieu et que nous avons pu, dans ces conditions, apporter des précisions.

Il importe en effet que l'on ne puisse pas - car le sujet est grave - interpréter notre amendement de suppression comme une opposition au principe de l'existence d'un fichier des auteurs d'infractions sexuelles.

C'est donc afin de lever toute ambiguïté que nous avons demandé la réserve de notre amendement. Elle nous a été accordée tout à l'heure et nous comprendrions mal qu'il n'en soit pas de même dans le présent cas avec l'article 16 bis C, puisque c'est rigoureusement la même situation.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

Rappel au règlement (suite)
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. 16 bis D

M. François Zocchetto, rapporteur. L'amendement n° 173, comme d'ailleurs celui que nous avons examiné tout à l'heure, tend à supprimer un article du projet de loi.

Tout à l'heure, M. Hyest parlait de discussions byzantines. Je dirai, pour ma part, qu'elles deviennent incompréhensibles. (M. Jean-Jacques Hyest approuve.)

J'émets donc un avis défavorable sur la demande de réserve, car je ne la comprends pas. En effet, monsieur Dreyfus-Schmidt, soit vous êtes pour le fichier, soit vous êtes contre ; soit vous êtes pour l'article 16 bis C, soit vous êtes contre.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous retirons cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 173 est retiré.

L'amendement n° 46, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article 706-53-1 du code de procédure pénale, après les mots : "d'informations nominatives tenue", insérer les mots : "par les services du casier judiciaire". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. En première lecture, le Sénat a prévu que le fichier des auteurs d'infractions sexuelles serait tenu par les services du casier judiciaire. Lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, cette précision a disparu. Il convient de la rétablir.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 46.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 174, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« I. - A la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 706-53-2 du code de procédure pénale, supprimer les mots : "ayant fait l'objet".

« II. - Supprimer les deuxième à septième alinéas du même texte. »

L'amendement n° 176, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Après les mots : "non encore définitive", supprimer la fin du deuxième alinéa (1°) du texte proposé par cet article pour l'article 706-53-2 du code de procédure pénale. »

L'amendement n° 177, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Dans le troisième alinéa (2°) du texte proposé par cet article pour l'article 706-53-2 du code de procédure pénale, après les mots : "D'une décision", insérer les mots : "concernant des mineurs de seize à dix-huit ans". »

L'amendement n° 47, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans le cinquième alinéa (4°) du texte proposé par cet article pour l'article 706-53-2 du code de procédure pénale, supprimer les mots : "de classement sans suite,". »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter les amendements n°s 174 et 176.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'est pas simple, quand les articles d'un projet de loi portent sur autant d'articles du code de procédure pénale, de suivre et de comprendre à quoi se rapporte chaque amendement !

L'amendement n° 174 concerne les condamnations qui seraient ou non enregistrées. Nous avons déjà évoqué ce sujet !

S'agissant de l'amendement n° 176, il est proposé d'exclure du champ d'application de l'article 16 bis C les condamnations par défaut ou faisant l'objet d'une déclaration de culpabilité assortie d'une dispense ou d'un ajournement de la peine. En effet, de telles dispositions sont-elles vraiment indispensables ? Franchement, cela ne va tout de même pas très loin ! Est-il véritablement urgent d'inscrire ces condamnations dans le fichier, inscriptions qu'il sera peut-être difficile de supprimer ensuite ? On peut sans doute attendre !

M. le président. L'amendement n° 177 n'a plus d'objet.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 47 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 174 et 176.

M. François Zocchetto, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements n°s 174 et 176.

S'agissant de l'amendement n° 47, je rappelle que l'Assemblée nationale a prévu l'inscription dans le fichier des décisions de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement fondées sur l'irresponsabilité de la personne poursuivie.

Si cette mention est pertinente s'agissant des non-lieux, des relaxes ou des acquittements, elle ne nous paraît pas judicieuse pour ce qui est des classements sans suite.

Je suggère donc de revenir à notre texte de première lecture en supprimant la référence au classement sans suite.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable aux amendements n°s 174 et 176.

Il est favorable à l'amendement n° 47.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 174.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 176.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est retiré !

M. le président. L'amendement n° 176 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 47.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 175, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 706-53-4 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "mentionnées à l'article 706-53-2" par les mots : "inscrites en vertu des dispositions prévues à l'article 16 bis B de la présente loi". »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement n'a plus d'objet, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 175 n'a en effet plus d'objet.

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 178, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Dans le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par cet article pour l'article 706-53-4 du code de procédure pénale, supprimer les mots : "ou d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement". »

L'amendement n° 48, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Remplacer les troisième et quatrième (2° et 3°) alinéas du texte proposé par cet article pour l'article 706-53-4 du code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :

« 2° Vingt ans dans les autres cas, ».

L'amendement n° 179, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Dans le troisième alinéa (2°) du texte proposé par cet article pour l'article 706-53-4 du code de procédure pénale, remplacer le mot : "sept" par le mot : "dix". »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour défendre les amendements n°s 178 et 179.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous en arrivons au seul point de ce texte où l'Assemblée nationale va moins loin que le Sénat : il s'agit de l'article 706-53-4 du code de procédure pénale, relatif à la durée d'inscription au fichier.

L'Assemblée nationale a proposé que les informations mentionnées à l'article 706-53-2 concernant une même personne soient « retirées du fichier au décès de l'intéressé » - c'est normal : de toute façon, il n'est plus dangereux - « ou à l'expiration, à compter du jour où l'ensemble des décisions enregistrées ont cessé de produire tout effet, d'un délai de :

« 1° Trente ans s'il s'agit d'un crime ou d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement » - la commission des lois du Sénat en est d'accord ;

« 2° Vingt ans s'il s'agit d'un délit puni de sept ans d'emprisonnement ;

« 3° Dix ans s'il s'agit d'un délit puni d'un emprisonnement d'une durée égale ou inférieure à cinq ans. »

Donc, trois cas sont prévus - trente ans, vingt ans, dix ans - suivant l'importance de la peine encourue.

La commission des lois du Sénat supprime le 3° - soit les dix ans retenus par l'Assemblée nationale - et retient trente ans et vingt ans dans les autres cas. Sur ce point-là, nous avons la faiblesse pour une fois d'être d'accord avec l'Assemblée nationale, et non pas avec notre rapporteur !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 48 et donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 178 et 179.

M. François Zocchetto, rapporteur. L'amendement n° 48 prévoit deux durées de conservation pour les informations inscrites au fichier des auteurs d'infractions sexuelles.

Je rappelle qu'en première lecture nous avions posé le principe d'une durée de quarante ans - probablement excessive - pour les crimes ou délits punis de dix ans d'emprisonnement, durée que l'Assemblée nationale a opportunément réduite à trente ans.

Ensuite, l'Assemblée nationale a opéré une distinction entre vingt ans et dix ans selon la gravité du délit.

La commission des lois du Sénat propose de ne prévoir que deux durées : une durée de trente ans pour les crimes et délits punis de dix ans d'emprisonnement, comme l'a indiqué l'Assemblée nationale, et une durée de vingt ans pour les autres délits.

Certes, vingt ans, cela peut paraître long, mais dix ans, cela paraît court au regard de certaines infractions. Par exemple, les inscriptions concernant les atteintes sexuelles sur mineur de quinze ans méritent, selon moi, une conservation assez longue dans le fichier.

En outre, il a été clairement prévu, on l'a dit plusieurs fois, que, pour les infractions punies d'un emprisonnement d'une durée égale ou inférieure à cinq ans, il n'y ait aucune inscription automatique dans le fichier, cette inscription n'intervenant que sur décision expresse de la juridiction. Donc, outre les règles d'effacement dont nous allons parler tout à l'heure, les garanties apparaissent suffisantes pour que l'on puisse retenir les deux durées de trente ans et de vingt ans.

En conséquence, la commission est défavorable aux amendements n°s 178 et 179.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable aux amendements n°s 178 et 179.

S'agissant de l'amendement n° 48 de la commission, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 178.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 48.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 179 n'a plus d'objet.

L'amendement n° 180, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« I. - Supprimer le troisième alinéa (1°) du texte proposé par cet article pour l'article 706-53-5 du code de procédure pénale.

« II. - Supprimer le cinquième alinéa du même texte. »

La parole est à M. Robert Badinter.

M. Robert Badinter. Nous en arrivons aux dispositions qui confèrent au fichier un caractère de peine complémentaire.

Dans l'article 706-53-5 du code de procédure pénale, qui est un article clé, on énonce, à titre de mesure de sûreté, les obligations auxquelles est tenue de se soumettre toute personne inscrite au fichier.

Je rappelle que le fichier est un instrument destiné à faire connaître le passé judiciaire d'une personne. C'est aussi, nous dit-on, un instrument permettant de connaître son adresse.

Il est normal que le fichier fasse mention des condamnations.

Le deuxième alinéa du texte proposé pour ce même article vise à prévoir que la personne inscrite - et aucune distinction n'est faite entre les mineurs et les autres - est tenue de signifier son changement de domicile par lettre recommandée auprès du commissariat de police ou de la gendarmerie de son domicile ou en se présentant au service concerné.

Le premier paragraphe du 2°, dont nous ne demandons pas la suppression, prévoit que la personne doit déclarer ses changements d'adresse - déclaration qui se fera, je le suppose, par lettre recommandée -, dans un délai de quinze jours au plus tard après le changement d'adresse.

L'amendement que nous proposons tend à supprimer deux alinéas. Les autres demeurent, car il nous paraît normal que celui qui est inscrit au fichier, du moment qu'on l'en a avisé, fasse connaître son changement d'adresse et ce par lettre recommandée.

Le problème n'est pas là. Il tient au fait que d'autres obligations sont prévues, dont le non-respect est passible de peines d'emprisonnement.

Punir la non-déclaration du changement d'adresse dans un délai de quinze jours d'une peine d'emprisonnement paraît tout à fait excessif. Mais ce n'est pas le véritable problème. Le véritable problème, c'est le cinquième alinéa.

Aux termes de cet alinéa, tous les ans, l'intéressé devra confirmer qu'il n'a pas changé de domicile ; tous les ans, on demandera à celui qui est inscrit au fichier de se redéclarer. A l'instant où il le fera, inévitablement, il reprendra conscience qu'il est une personne inscrite dans un fichier.

Ce cinquième alinéa est essentiel. En effet, la personne qui a été condamnée - et il faut ici bien distinguer les choses - pour un crime ou pour un délit puni d'une peine de dix ans n'a pas nécessairement été condamnée à dix ans de prison. Elle peut avoir été condamnée à un an avec sursis comme complice, par exemple. Cela ne veut pas dire qu'elle est l'auteur principal du crime ou du délit !

Dans ce cas-là, automatiquement, elle doit justifier de son adresse une fois tous les six mois en se présentant physiquement auprès du groupement de gendarmerie pour dire : « Vous voyez ; je suis toujours là. »

Faire une telle démarche pendant dix ans, vingt ans, c'est fou ! Je le répète : s'il s'agit de connaître l'adresse, qui doit effectivement figurer au fichier, ou s'il s'agit d'obliger à notifier les changements d'adresse, nous sommes d'accord. Mais on va au-delà de l'obligation légitime en prévoyant que, si le changement d'adresse doit être notifié, le fait que l'on n'a pas changé d'adresse doit l'être également, sous peine de prison. Je dis : halte-là !

Quand la personne devra physiquement, et non par lettre recommandée, se rendre à cette fin dans une maison de police, inévitablement, on saura ce qu'elle a fait. Dans les bourgs, dans les petites villes, croyez-moi, on parle, et l'on saura que, quinze ans plus tôt, cette personne été condamnée.

Je le répète, c'est non pas la nature de la peine encourue mais la condamnation elle-même qu'il faudrait connaître. Or c'est par rapport au maximum de la peine encourue qu'est fixée cette obligation. Je ne connais aucune stigmatisation comparable ! Aller, d'une certaine manière, se dénoncer publiquement comme ayant été l'auteur d'une infraction commise des années plus tôt, et ce tous les ans, mesure-t-on ce que cela signifie par rapport à la famille, à l'épouse ?

Heureusement, les êtres humains sont capables de changements. On proclame sans cesse que la finalité de la peine est la réinsertion. Pensez-vous encourager la réinsertion avec un tel dispositif ? Croyez-vous qu'on ne saura pas, dans le voisinage, dans le bourg, qu'Untel a été condamné ?

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Badinter.

M. Robert Badinter. L'officier de gendarmerie ne sera-t-il pas tenté de dire à sa femme, à sa fille : « Méfie-toi de cet homme, il a été condamné il y a quinze ans. » Ce n'est pas concevable !

Cette peine, car c'est bien une peine pour celui qui l'a subie, ne doit pas demeurer. On est au-delà de la mesure légitime : savoir ce qu'il a fait, savoir où il est. L'obliger à se présenter pour qu'il dise : « Je suis là », ce n'est pas savoir où il réside ; il suffirait d'ailleurs de lui adresser une lettre recommandée pour s'assurer qu'il vit toujours au même endroit.

Quant à ceux dont on veut - et je le comprends, j'en ai tant vu dans ce domaine - prévenir à tout prix la réitération criminelle, croyez-moi, ceux-là n'iront jamais se présenter à la gendarmerie !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit de statuer sur les conditions dans lesquelles une personne inscrite au fichier fait connaître son lieu de résidence.

La règle est qu'elle le fait par lettre recommandée avec accusé de réception une fois par an, la lettre étant adressée soit au gestionnaire du fichier, c'est-à-dire au service du casier judiciaire, soit à la gendarmerie, soit au commissariat de police.

C'est au choix de la personne, par lettre recommandée avec accusé de réception, une fois par an.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Une fois par an ou quand on change d'adresse !

M. François Zocchetto, rapporteur. En effet ! J'ai d'ailleurs cru comprendre que vous ne contestiez pas cette disposition.

Une exception est prévue pour les personnes qui ont commis des infractions susceptibles d'être punies de dix ans au moins d'emprisonnement. Il est question, là, des crimes en matière sexuelle, c'est-à-dire des viols, des agressions sexuelles qui ont entraîné une blessure ou qui ont été commises par un ascendant ou par une personne abusant de l'autorité qui lui a été conférée, ou par plusieurs personnes, ou encore avec usage ou menace d'une arme, ou à raison de l'orientation sexuelle de la victime. Voilà, à ma connaissance, les seuls cas dans lesquels l'obligation est plus sévère.

Quelle est cette obligation ? Elle consiste à se rendre soit au groupement départemental de gendarmerie - donc non pas à la brigade locale -, soit à la direction départementale de la police, soit dans un service qui aura été désigné par la préfecture du département. Dans chaque département, on aura donc le choix entre trois lieux dans lesquels on ira se présenter une fois tous les six mois.

Cette obligation, je le répète, concernera ceux qui ont été condamnés pour un viol ou pour des agressions sexuelles aggravées, qui sont très limitativement énumérées. Par conséquent, dans l'écrasante majorité des cas, malheureusement trop nombreux, la notification se fera par lettre recommandée avec accusé de réception.

Il faut ajouter que les personnes qui ont été condamnées pour des faits graves et qui seraient obligées de se présenter tous les six mois pourront demander à être relevées de cette obligation et à ne se présenter qu'une fois par an, outre le fait qu'elles pourront demander à être radiées du fichier.

Le système me paraît assez souple. Peut-être est-il contraignant pour ceux qui ont commis les infractions les plus graves, qui sont des crimes ou des crimes assimilés.

MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Robert Badinter. Mais non !

M. François Zocchetto, rapporteur. Mais, pour les autres, je pense que le dispositif de la lettre recommandée avec accusé de réception au service du casier judiciaire est relativement souple.

La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 180.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

La question qui se pose est de savoir si l'on veut un fichier et si l'on veut que ce fichier soit opérationnel. Si c'est le cas, on ne peut pas accepter cet amendement.

Depuis le début de la discussion, vous nous dites que vous êtes pour le fichier, mais vous contestez toutes ses modalités de mise en oeuvre. Chacun jugera !

Très franchement, il faut être raisonnable. Soit on met en place un fichier réellement opérationnel et qui permette d'aider les services d'enquête, soit on abandonne ce projet. Le dispositif tel qu'il est prévu me paraît indispensable si l'on veut que ce fichier fonctionne. En effet, les services ayant accès au fichier doivent pouvoir effectuer le suivi des personnes concernées. L'obligation de confirmation de l'adresse au moins une fois par an et le dispositif prévu pour les cas les plus graves après condamnation me paraît indispensable pour que ce fichier soit utile.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Quel dialogue de sourds ! Nul n'ayant le talent de notre collègue Robert Badinter, je crains, s'il n'est pas parvenu à vous convaincre, de ne pouvoir y réussir davantage. Mais la répétition aidant et si vous m'accordez encore votre attention, même à cette heure tardive, peut-être arriverons-nous à nous comprendre.

Non, monsieur le garde des sceaux, nous ne demandons pas la suppression de l'ensemble du dispositif ! Nous sommes d'accord pour que la personne soit tenue de faire connaître son adresse soit au gestionnaire du fichier, c'est-à-dire, on l'a rappelé, au service du casier judiciaire, soit auprès du commissariat de police ou de la gendarmerie, l'un ou l'autre, par lettre recommandée avec accusé de réception, ou en se présentant au service concerné.

Il est évident que ceux qui ont commis les crimes les plus graves feront l'objet d'une surveillance d'autant plus grande de la part des services de police et de gendarmerie ou des renseignements généraux, qui pourront vérifier s'ils vivent toujours au même endroit. C'est une chose.

Mais, encore une fois, il n'y a pas eu de concertation, de groupe de travail, cela se passe entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Le Sénat ne l'avait pas prévu, l'Assemblée nationale l'a prévu. C'est bien, mais de quoi s'agit-il ? Il s'agit d'abord non pas des personnes qui ont commis les crimes les plus graves, mais qui ont encouru certaines peines, ce qui ne veut pas dire qu'elles ont été condamnées à ces mêmes peines.

M. Jean-Jacques Hyest. Si, elles ont été condamnées !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ecoutez-moi bien ! Nous sommes vraiment fatigués !

Par rapport à la peine encourue, la peine prononcée peut être infiniment moins importante. Tel est le cas, par exemple, parmi les auteurs d'une infraction, du chauffeur de la voiture qui, considéré comme complice, n'a été condamné qu'à six mois avec sursis, alors même qu'il encourait une peine de dix ans !

Et il faudrait qu'un homme marié, dont la femme ignore peut-être le passé judiciaire - en fait de mariage, trompe qui peut ! -, qui s'est racheté une conduite et ne demande qu'à être oublié, se rende personnellement, tous les six mois ou tous les ans - peu importe, d'ailleurs ; en l'occurrence, cela ne change rien -, à la gendarmerie, fût-elle départementale - surtout si elle est départementale, parce que s'il habite à la campagne, il lui faudra expliquer pourquoi il doit aller au chef-lieu !...

Une telle mesure, excusez-moi de le dire, ne sert à rien ! Les plus dangereux feront l'objet d'une surveillance constante et si, par hasard, ils changent d'adresse sans le dire, on le saura, et ils risqueront une peine. Mais il est inutile d'ajouter cette brimade et de demander aux auteurs d'une telle infraction de se déplacer, encore très longtemps après l'infraction, alors qu'ils n'ont pas été condamnés à une peine importante même s'ils l'avaient encourue. M'avez-vous entendu, monsieur Hyest ? Il l'« encourait » ! Cela ne veut pas dire qu'il y a été condamné !

Voilà pourquoi, avec beaucoup de force, parce que nous sommes tout simplement convaincus d'avoir raison, nous demandons la suppression de cette disposition. Et ne nous dites pas, monsieur le garde des sceaux, que nous sommes contre tout : ce n'est pas vrai, et nous avons tout de même le droit d'attirer votre attention sur le caractère curieux de cette disposition qui nous vient de l'Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. Philippe Richert, pour explication de vote.

M. Philippe Richert. Je remercie M. Badinter et M. Dreyfus-Schmidt des leçons qu'ils nous assènent régulièrement, et je veux les rassurer : je l'ai bien compris, une personne qui a encouru une peine de dix ans pour des actes graves qu'a rappelés M. le rapporteur sera obligée, deux fois par an, de se rendre au chef-lieu de département pour se présenter aux forces de police.

Je l'avoue, je voterai pour qu'il en soit effectivement ainsi. Cela peut vous choquer, mais, personnellement, il me semble que, par rapport aux actes commis, être obligé deux fois par an de se déplacer même si l'on n'a pas été condamné au maximum de la peine encourue - je vous remercie de la répétition, qu'en tant qu'enseignant j'apprécie -...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ils n'ont pas été condamnés !

M. Philippe Richert. Si, ils sont condamnés ; sinon, cette mesure ne les concerne absolument pas ! Il ne s'agit pas d'une mesure complémentaire, cela a été dit et répété, y compris par vous-même : il s'agit de l'enregistrement dans ce fichier des auteurs d'infractions sexuelles !

Dans ces conditions, j'avoue que je ne trouve pas déplacé que des auteurs de tels actes, notamment de viols, soient tenus de se présenter tous les six mois aux forces de police pour confirmer leur domicile.

Je suivrai donc la position de M. le rapporteur, malgré vos brillants exposés, mes chers collègues.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous ne faisons que donner notre avis !

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. Je rappelle que nous débattons essentiellement de la suppression du cinquième alinéa du texte proposé pour l'article 706-53-5 du code pénal, alinéa qui pose des obligations qui sont habituellement prévues pour les personnes condamnées à dix ans, à vingt ans ou à trente ans.

Je rappelle que nous sommes tous d'accord pour, à longueur d'année, répéter que la finalité de la peine est la réinsertion : une fois qu'un homme a été condamné, une fois qu'il a purgé sa peine, c'en est fini. Dans le cas qui nous occupe, qu'il soit réhabilité, qu'il soit gracié, qu'il ait accompli sa peine - une peine qui, en la matière, peut être très faible : un an ! -, il sera néanmoins tenu, tous les six mois, de se présenter à la police pour confirmer son adresse.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est inutile !

M. Robert Badinter. Parfaitement ! Je me permets de le dire, cette déclaration est inutile dans la mesure où, en effet, il suffirait d'une lettre recommandée tous les six mois pour aboutir au même résultat. Se présenter à la gendarmerie ne change rien !

On stigmatise donc cet homme ! Rien, croyez-moi, rien ne pourra empêcher que cela se sache dans le voisinage, dans le quartier, dans le bourg, dans la ville. Rien ne pourra empêcher que cet homme soit stigmatisé pour un acte qu'il a commis ou qu'il a pu commettre, qui n'est pas nécessairement celui de la qualification - dix ans, vingt ans ! -, y compris s'il était un mineur.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Absolument !

M. Robert Badinter. Ce n'est pas ainsi que l'on devrait procéder ! Je dis que c'est une peine ajoutée à la peine. On parle de mesure de sûreté, je dis non ! A le vivre, ce sera une peine. Tout le voisinage l'apprendra, sa femme l'apprendra, les siens, ses enfants le sauront. Si ce n'est pas une double peine, alors, qu'est-ce que c'est ?

Mme Odette Terrade. Absolument !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 180.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 181, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Dans le quatrième (3°) du texte proposé par cet article pour l'article 706-53-7 du code de procédure pénale, après les mots : "Aux préfets", supprimer les mots : "et aux administrations de l'Etat dont la liste est fixée par décret prévu à l'article 706-53-12". »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, je regrette l'agressivité de notre collègue Philippe Richert à notre égard. (M. Philippe Richert proteste.)

Nous ne donnons de leçons à personne !

M. Philippe Richert. Bien sûr que non !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Or vous avez parlé des leçons que nous vous donnons !

M. le président. S'il vous plaît, monsieur Dreyfus-Schmidt ! Il nous reste un article très important à examiner !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous ne donnons de leçons à personne : nous nous expliquons.

Nous ne déposons pas des amendements pour le plaisir ! Nous nous réunissons, nous discutons, nous sommes d'accord sur telle analyse, nous pensons qu'elle va être partagée par tout le monde, et nous essayons de convaincre nos collègues du bien-fondé de nos amendements. Si nous ne sommes pas entendus, nous le regrettons, et c'est tout !

Vous avez parfaitement le droit d'avoir toutes les opinions que vous voulez, mais reconnaissez-nous le même droit sans dire que nous faisons de la morale. Nous ne faisons de morale à personne, et certainement pas à notre collègue Philippe Richert.

Quel est l'objet de l'article 706-53-7 ? Il s'agit que le préfet et les administrations puissent obtenir des informations sur le contenu du fichier.

S'il est tout à fait normal, quand on veut embaucher un éducateur, notamment, que l'on soit éclairé sur sa situation et que le fichier permette de savoir si l'on a affaire à quelqu'un en qui l'on peut avoir confiance ou non, il ne nous a pas semblé utile que l'information soit trop largement diffusée. Il nous a donc paru que le plus simple était encore que toutes les administrations s'adressent au préfet, puisqu'il est le représentant de l'Etat.

La commission en a débattu ce matin. On nous a opposé que ce n'était pas possible parce que l'armée ne dépend pas du préfet, parce que l'éducation nationale ne dépend pas du préfet... Ce n'est d'ailleurs qu'une manière de parler : à nos yeux, le préfet est le représentant de l'Etat, et il n'y a aucun inconvénient à ce que quelque administration que ce soit se renseigne auprès de lui, de manière qu'il n'y ait qu'un seul interlocuteur.

Voilà exposé notre amendement : si vous êtes d'accord, vous le voterez ; si vous n'êtes pas d'accord, bien évidemment, vous ne le voterez pas, sans que nous vous fassions la moindre leçon de morale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 181.

Elle considère en effet que le fait que les préfets, mais aussi les administrations de l'Etat dont une liste serait fixée par décret en Conseil d'Etat, puissent accéder au fichier répondra à une nécessité. L'amendement est donc contraire à l'esprit du texte.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Avis défavorable, dans la mesure où un certain nombre d'administrations ne dépendent pas du préfet : vous avez cité l'éducation nationale et l'armée. Quant à la justice, elle a accès au fichier d'une autre façon, et il est tout à fait normal qu'elle puisse y accéder directement.

Nous travaillerons sur le décret d'application.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les administrations peuvent s'adresser au préfet même si elles ne dépendent pas de lui !

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. Rien, à mon avis, n'est plus important que de dégager les réalités humaines qui sont derrière les mots, car c'est bien d'êtres humains que nous parlons ici.

De quoi s'agit-il ? D'informations. Accessibles à qui ? Non seulement, comme c'est le cas, et c'est normal, aux magistrats - cela vaut déjà pour le fichier du casier judiciaire -, mais aussi aux administrations de l'Etat dont la liste sera fixée par décret et qui concerneront des activités ou des professions impliquant un contact avec des mineurs. Cela vaut donc pour toute l'éducation nationale !

Je prendrai un exemple. Voilà un garçon très brillant qui, à dix-sept ans, aura un soir, avec des copains, - pourquoi ne pas le dire, puisque cela existe de nos jours - fumé un « joint » et se trouvera poursuivi et condamné à une peine d'un an avec sursis soit.

Puis le temps passera. Comme c'est un garçon très brillant, il sera reçu premier à l'Ecole normale supérieure et premier au concours de l'agrégation : cela arrive ! Mais il aura été fiché pour dix ou vingt ans, et lorsque l'administration de l'enseignement lui demandera son relevé de fiche, toute trace de son délit aura disparu de l'extrait de casier judiciaire qui sera produit aux administrations, mais l'inscription à ce fichier, elle, restera. Je peux vous assurer d'une chose : il ne demandera jamais à entrer dans l'éducation nationale ! Il entrera chez Gallimard, il entrera chez un grand éditeur, et nous aurons perdu un très bon enseignant, au moment où nous en avons le plus grand besoin, pour une sottise qu'il aura commise à l'âge de seize ou dix-sept ans et qu'il aura, croyez-moi, expiée. C'est cela, la réalité humaine !

M. Jean-Jacques Hyest. C'est de la caricature !

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux. La caricature constitue un genre. Mais, monsieur le sénateur, ce fichier vise avant toute chose à protéger les enfants de France, parce qu'il se trouve que l'on rencontre bel et bien des instituteurs pédophiles, il se trouve qu'il y a des viols dans les écoles, il se trouve que cela arrive et, personnellement, je ne le supporte pas !

Il s'agit de rendre possible que le recteur d'académie obtienne ce genre d'informations. Cela me paraît indispensable, car les Françaises et les Français ne supportent plus que, dans telle ou telle commune, l'on dise - j'ai entendu de tels témoignages ! - que tel instituteur aurait commis ceci ou cela. Il est impossible de vérifier l'exactitude de telles affirmations, car l'éducation nationale ne peut pas accéder à l'information et ne peut donc pas gérer les cas de ce type. Il faut que, demain, elle puisse le faire.

M. Robert Badinter. Que le préfet le fasse !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 181.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 182, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 706-53-10 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "procureur de la République" par les mots : "juge des libertés et de la détention". »

L'amendement n° 183, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« I. - Dans le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 706-53-10 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "procureur de la République" par les mots : "juge des libertés et de la détention".

« II. - A la fin du même alinéa, remplacer les mots : "le président de la chambre de l'instruction" par les mots : "la cour d'appel statuant en chambre du conseil". »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai expliqué tout à l'heure l'esprit et la motivation de nos amendements, et nous avons déjà précisé qu'il fallait réfléchir aux différentes manières de sortir du fichier.

Le cas qu'évoquait M. Badinter à l'instant ne constitue en rien une caricature : j'ai connu le cas exact de l'individu ayant fumé un joint et qui est devenu par la suite extrêmement brillant ! Ce n'est que par le biais d'une amnistie, puisqu'il n'y avait pas de fichier, à l'époque, qu'il a pu faire une carrière dans l'enseignement ! Avec un tel fichier, cela ne serait plus possible, sauf précisément à obtenir que les informations en soient effacées.

L'Assemblée nationale propose une manière d'y parvenir. Est-ce la bonne ? Nous ne le pensons pas, et nous en proposons une autre.

Nos collèges députés estiment qu'il faut s'adresser d'abord au procureur. Pauvre procureur ! Pourquoi au procureur ? Il a autre chose à faire, le procureur !

Et, si le procureur n'est pas d'accord, on s'adressera au juge des libertés. Admettons le juge des libertés ; mais alors, autant s'adresser directement à lui et, s'il n'est pas d'accord, prévoir la possibilité d'un appel ! Où ? Devant la chambre correctionnelle de la cour d'appel statuant en chambre du conseil. Pourquoi la cour d'appel elle-même ? Parce que, je le répète, lorsque, aujourd'hui, on demande à être relevé d'une incapacité, la procédure est similaire : on va d'abord devant le tribunal et, si le tribunal n'est pas d'accord, devant la cour d'appel.

Nous ne nous battons pas pour que ce soit le tribunal plutôt que le juge des libertés, mais nous demandons que l'appel relève non pas de la compétence du président de la chambre, qui n'est pas là pour cela - la chambre d'accusation surveille l'instruction ; or il n'est pas question du juge d'instruction ! -, mais de celle de la cour d'appel statuant collégialement.

Tel est l'objet de ces deux amendements. Croyez bien que notre but, en vous les soumettant, n'est pas d'embêter qui que ce soit. Ils ont simplement pour objet que, dans les meilleures conditions possibles, un individu, s'il le mérite, s'il ne présente plus aucun danger, bénéficie de l'effacement des informations le concernant lorsque le juge l'accepte, avec appel possible devant la cour d'appel statuant en chambre du conseil. Car c'est une décision qui, évidemment, ne doit pas être mise sur la place publique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Je suis très surpris par les amendements n°s 182 et 183, qui, en fin de compte, visent à supprimer un degré dans la procédure.

Qui peut le plus peut le moins ! Nous, nous proposons trois degrés : le procureur, puis le juge des libertés et de la détention, enfin la chambre de l'instruction. Vous proposez de supprimer un degré. Je suis surpris, car, d'habitude, vous allez plutôt dans l'autre sens.

Quant à la chambre de l'instruction, je ne vois pas de quel soupçon elle peut faire l'objet ! C'est une formation de la cour d'appel qui fonctionne très bien, et il faut bien désigner, au sein de la cour d'appel, une chambre qui statue ! En outre, ce mécanisme n'a pas été inventé de toutes pièces, puisqu'il existe déjà pour l'effacement des données figurant au fichier des empreintes génétiques.

L'avis de la commission est donc défavorable sur ces deux amendements.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'y a plus de collégialité, c'est le président tout seul !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 182.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 183.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est incroyable !

Monsieur le président, il faut lever la séance ! Tout le monde est fatigué, aucun débat n'est possible dans ces conditions !

M. le président. L'amendement n° 49, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 706-53-10 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "par le dernier alinéa" par les mots : "par l'avant-dernier alinéa". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. C'est la simple correction d'une erreur matérielle.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux, Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 49.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 16 bis C, modifié.

(L'article 16 bis C est adopté.)

Rappel au règlement

 
 
 

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour un rappel au règlement.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, pourrions-nous savoir jusqu'à quelle heure nous allons siéger ? Nous ne faisons aucune obstruction, le débat progresse rapidement, nous ne demandons pas de scrutins publics ; manifestement, nous achèverons l'examen du texte dans les délais prévus. Il paraîtrait donc raisonnable de lever maintenant la séance.

M. le président. Monsieur le président de la commission des lois, à quelle heure souhaitez-vous que nous levions la séance ?

M. René Garrec, président de la commission des lois. Il serait souhaitable que nous poursuivions nos travaux jusqu'à l'examen de l'article 16 sexies.

M. le président. Nous poursuivons donc nos travaux.

Art. 16 bis
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Art. 16 bis E

Article 16 bis D

L'article 706-56 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

I. - Le I est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsqu'il n'est pas possible de procéder à un prélèvement biologique sur une personne mentionnée au premier alinéa, l'identification de son empreinte génétique peut être réalisée à partir de matériel biologique qui se serait naturellement détaché du corps de l'intéressé.

« Lorsqu'il s'agit d'une personne condamnée pour crime ou pour un délit puni de dix ans d'emprisonnement, le prélèvement peut être effectué sans l'accord de l'intéressé sur réquisitions écrites du procureur de la République. »

II. - Non modifié.

III. - Il est complété par un III ainsi rédigé :

« III. - Lorsque les infractions prévues par le présent article sont commises par une personne condamnée, elles entraînent de plein droit le retrait de toutes les réductions de peine dont cette personne a pu bénéficier et interdisent l'octroi de nouvelles réductions de peine. » - (Adopté.)

Art. 16 bis D
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Art. additionnel après l'art. 16 bis

Article 16 bis E

Dans le premier alinéa de l'article 521-1 du code pénal, après les mots : « sévices graves », sont insérés les mots : « , ou de nature sexuelle, ». - (Adopté.)

Art. 16 bis E
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Art. 16 ter

Article additionnel après l'article 16 bis

M. le président. L'amendement n° 163, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Après l'article 16 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« L'article 36 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est abrogé. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Lors de la première lecture, nous avions expliqué qu'il n'était pas normal que l'on puisse être condamné pour offense à un chef d'Etat étranger, comme le prévoit pourtant la fameuse loi de 1881 sur la liberté de la presse.

En effet, il semble tout de même évident que, dans une démocratie, on a le droit de dire ce que l'on pense d'un chef d'Etat étranger, quitte bien entendu à être ensuite poursuivi, le cas échéant, pour diffamation. En tout état de cause, on ne devrait pas pouvoir être poursuivi pour offense ! En particulier, nous avions évoqué les cas d'un certain nombre de chefs d'Etat, dont M. Saddam Hussein, qui font souvent l'objet de propos pour le moins désobligeants. En ce qui concerne M. Kadhafi, la situation n'est plus la même aujourd'hui qu'hier !

M. le garde des sceaux nous avait objecté que la loi sur la liberté de la presse doit être modifiée avec précaution et qu'il fallait prendre le temps de la concertation. Nous vous avons laissé le temps nécessaire, monsieur le garde des sceaux !

Mme Nicole Borvo. Il faut une concertation généralisée sur la presse !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. La concertation a dû avoir lieu, comme vous nous l'aviez promis. J'ignore quels en ont été les résultats, mais je suppose que la presse sérieuse et digne de notre confiance a été unanime pour estimer qu'il n'est pas normal que l'offense à chef d'Etat étranger demeure un délit. J'espère qu'il en est bien ainsi et que, en dépit de l'heure tardive, vous accepterez cette fois notre amendement, monsieur le garde des sceaux.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Vous nous avez toujours expliqué, monsieur Dreyfus-Schmidt, que, avant de modifier la loi de 1881 sur la liberté de la presse, il fallait faire très attention, bien réfléchir et procéder à la concertation la plus large.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oui !

M. François Zocchetto, rapporteur. Dans cet esprit, nous avions interrogé M. le garde des sceaux lors de la première lecture (M. Michel Dreyfus-Schmidt opine), qui nous avait indiqué que des études allaient être menées, car la question soulevée ne concernait pas uniquement le système juridique français, mais aussi nos relations avec certains pays.

Je ne suis pas certain, mais ce n'est pas à moi de le dire, que le temps qui s'est écoulé depuis la première lecture ait permis la réalisation de ces études. La commission a souhaité interroger de nouveau le garde des sceaux sur ce problème, mais je ne pense pas que votre amendement pourra être retenu.

M. Jean-Pierre Sueur. Quelle prescience !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. J'avais indiqué, lors de la première lecture, que j'examinerais quel est l'état du droit chez nos voisins européens.

Dans les pays anglo-saxons, l'infraction d'offense à un chef d'Etat étranger n'existe pas. En Italie, elle a été abrogée en 1999. En Espagne, ces faits ne constituent pas un délit spécifique, mais entraînent une aggravation des peines encourues, à la condition que le chef d'Etat étranger ait été calomnié alors qu'il se trouvait sur le territoire espagnol. En Allemagne, une infraction spécifique est prévue, mais elle n'est pas constituée si la vérité des allégations est établie, comme c'est le cas en matière de diffamation.

Au regard de ces situations et dans la mesure où la Cour européenne des droits de l'homme a déclaré l'actuel article 36 de la loi sur la liberté de la presse contraire aux exigences conventionnelles, le Gouvernement s'en remet bien volontiers à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 163. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Sueur. Et dire que M. Dreyfus-Schmidt a failli aller se coucher !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Cela aurait été dommage ! D'ailleurs, seul M. Dreyfus-Schmidt a évoqué la fatigue ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Sueur. Il est convaincu ! Pourtant, il avait eu une prescience !

M. François Zocchetto, rapporteur. Je n'avais pas anticipé les propos de M. le ministre ! Cela montre simplement que nous sommes parfaitement indépendants !

Après avoir entendu les explications très claires de M. le garde des sceaux, je me déclare favorable à l'amendement n°163.

M. Jean-Pierre Sueur. Bravo !

M. François Zocchetto, rapporteur. Si j'avais eu ces explications auparavant, j'aurais déposé un amendement identique.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. Je suis fort heureux que cette incrimination, dont l'existence nous était, on le sait, reprochée notamment par la Cour européenne des droits de l'homme, disparaisse. On pourra toujours être poursuivi pour diffamation ou pour injure, mais il n'était pas bon que subsiste un délit spécifique pour offense à chef d'Etat étranger. C'est donc là un progrès pour la liberté d'expression, et nous devons nous féliciter de cette suppression. Il est très bien que l'on se soit référé au droit comparé.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 163.

(L'amendement est adopté à l'unanimité.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 16 bis.

Vous voyez, monsieur Dreyfus-Schmidt, qu'il était préférable de prolonger la séance ! (Sourires.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela aurait pu attendre jusqu'à demain, monsieur le président !

Chapitre VI

Dispositions diverses

Art. additionnel après l'art. 16 bis
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Art. 16 quinquies

Article 16 ter

I. - La loi du 2 juillet 1931 modifiant l'article 70 du code d'instruction criminelle est abrogée.

II. - Supprimé. - (Adopté.)

Art. 16 ter
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Art. 16 sexies (début)

Article 16 quinquies

I. - L'article 131-38 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'il s'agit d'un crime pour lequel aucune peine d'amende n'est prévue à l'encontre des personnes physiques, l'amende encourue par les personnes morales est de 1 000 000 EUR. »

II. - Il est inséré, après le sixième alinéa de l'article 706-45 du code de procédure pénale, un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les obligations prévues aux 1° et 2°, les dispositions des articles 142 à 142-3 sont applicables. »

III. - Il est inséré, après l'article 43 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, un article 43-1 ainsi rédigé :

« Art. 43-1. - Les dispositions de l'article 121-2 du code pénal ne sont pas applicables aux infractions pour lesquelles les dispositions des articles 42 ou 43 de la présente loi sont applicables. »

IV. - Il est inséré, après l'article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, un article 93-4 ainsi rédigé :

« Art. 93-4. - Les dispositions de l'article 121-2 du code pénal ne sont pas applicables aux infractions pour lesquelles les dispositions de l'article 93-3 de la présente loi sont applicables. »

M. le président. L'amendement n° 244, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Cet amendement, ainsi que ceux que nous avons déposés aux articles 16 septies, 16 octies, 16 nonies, 16 decies et 16 undecies, sont sous-tendus moins par une opposition de fond aux dispositions présentées que par un rejet de la méthode employée.

Nous avons voté, voilà à peine un an, un texte relatif à la violence routière. Or le Gouvernement accentue le côté « fourre-tout » du présent projet de loi en y insérant des mesures concernant les délits routiers. Cela n'est vraiment pas admissible, aussi les sénateurs communistes demandent-ils la suppression de cet article. Cela me paraît relever du bon sens.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement me surprend, car je pensais que le groupe communiste souhaitait l'extension de la responsabilité pénale des personnes morales. Je ne comprends donc pas la logique suivie par nos collègues. La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 244.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 244.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 16 quinquies.

(L'article 16 quinquies est adopté.)

Art. 16 quinquies
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Art. 16 sexies (interruption de la discussion)

Article 16 sexies

I. - L'article 223-11 du code pénal est ainsi rétabli :

« Art. 223-11. - L'interruption de la grossesse causée, dans les conditions et selon les distinctions prévues par l'article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 EUR d'amende.

« En cas de la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à deux ans d'emprisonnement et à 30 000 EUR d'amende. »

II. - L'article L. 2222-1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« Art. L. 2222-1. - I. - Les dispositions réprimant l'interruption de la grossesse sans le consentement de la femme enceinte sont prévues par les articles 223-10 et 223-11 du code pénal ainsi reproduits :

« Art. 223-10. - L'interruption de la grossesse sans le consentement de l'intéressée est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 EUR d'amende.

« Art. 223-11. - L'interruption de la grossesse causée, dans les conditions et selon les distinctions prévues par l'article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 EUR d'amende.

« En cas de la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à deux ans d'emprisonnement et à 30 000 EUR d'amende. »

« II. - Lorsque l'interruption de la grossesse est causée, de façon non intentionnelle, par un acte médical, le délit prévu par l'article 223-11 du code pénal n'est constitué que s'il est établi que n'ont pas été accomplies les diligences normales exigées par l'article 121-3 du même code compte tenu des difficultés propres à la réalisation d'un tel acte. Ce délit ne saurait notamment être constitué lorsque des soins ont dû être prodigués en urgence à une femme dont l'état de grossesse n'était pas connu des praticiens.

« Les dispositions de l'article 223-11 du code pénal ne sauraient en aucun cas faire obstacle au droit de la femme enceinte de recourir à une interruption volontaire de grossesse dans les conditions prévues par le présent code. »

III. - Les dispositions de l'article L. 2222-1 du code de la santé publique reproduisant les articles 223-10 et 223-11 du code pénal sont modifiées de plein droit par l'effet des modifications ultérieures de ces articles.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L'amendement n° 50 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.

L'amendement n° 142 rectifié bis est présenté par MM. Delfau, Pelletier, A. Boyer, Demilly, Fortassin, Barbier, Collin, Cartigny et Baylet.

L'amendement n° 184 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

L'amendement n° 245 est présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard_ Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 50.

M. François Zocchetto, rapporteur. L'Assemblée nationale a créé le délit d'interruption involontaire de grossesse. Je me suis exprimé sur ce sujet lors de la discussion générale, et je ne crois pas utile d'y revenir.

Des raisons tenant à la forme de l'amendement communément appelé « amendement Garraud » m'ont rendu très réservé à l'égard de ce dernier. En effet, vouloir associer l'interruption involontaire de grossesse aux nouvelles formes de criminalité me semble quelque peu audacieux, en tout cas inopportun.

Mme Nicole Borvo. Ce n'est pas très heureux, c'est sûr !

M. François Zocchetto, rapporteur. Par ailleurs, les circonstances dans lesquelles cet amendement a été présenté à l'Assemblée nationale n'ont pas permis un débat devant la représentation nationale sur un sujet pour le moins délicat, un sujet grave qui mérite de longs échanges, même s'il a été procédé à une concertation préalable, ce qui reste à vérifier.

Sur le fond, nous avons organisé de nombreuses auditions. Certains d'entre vous y ont participé, mes chers collègues. A titre personnel, j'ai acquis la conviction qu'il existait, dans quelques cas, fort heureusement assez peu nombreux, une difficulté de nature juridique dans la mesure où, dans certaines circonstances, une femme pouvait être victime de coups ou de blessures entraînant l'interruption de sa grossesse sans que l'auteur des faits soit poursuivi.

La solution à ce problème purement juridique doit, selon moi, être élaborée dans une perspective plus large, celle des violences subies par les femmes, puisque les faits visés par l'amendement relèvent de ce type de violence. Dans cette optique, il conviendrait d'ailleurs d'évoquer les violences conjugales, largement passées sous silence. Une réflexion beaucoup plus approfondie doit donc être menée.

Un autre axe de réflexion a trait à la spécificité de l'acte médical. Il ne me semble pas envisageable de continuer à judiciariser à outrance l'exercice de la médecine, sauf à vouloir que certaines spécialités disparaissent et ne soient plus pratiquées en France.

Cela étant, il ne s'agit pas, je l'ai dit ce matin, d'excuser l'inexcusable : en cas de faute grave et caractérisée d'un médecin, celui-ci doit être poursuivi. Toutefois, la spécificité de l'acte médical doit être reconnue.

Enfin, et cette précision me paraît importante, je pense que la réflexion devra prendre en compte le fait que seule la femme victime devrait pouvoir engager des poursuites, à l'exclusion du procureur de la République ou d'une tierce personne.

Voilà quelques pistes de réflexion. Vous aurez compris, mes chers collègues, que les conditions ne sont nullement réunies pour que nous puissions nous prononcer sereinement. La rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale n'est pas du tout satisfaisante, et le consensus n'existe pas sur un sujet qui pourtant l'exige. Par conséquent, sans hésitation, à l'unanimité moins une abstention, la commission des lois du Sénat propose de supprimer l'article 16 sexies.

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour présenter l'amendement n° 142 rectifié bis.

M. Gérard Delfau. L'article introduit par le biais de l'adoption à l'Assemblée nationale de l'amendement de M. Garraud a suscité un vif émoi dans les milieux attachés au droit à toutes les formes de contraception, au droit, difficilement acquis, à l'avortement, et, d'une façon plus générale, au droit de la femme à disposer de son corps.

Il a, par ailleurs, provoqué un grand malaise dans le corps médical, notamment chez les gynécologues et les obstétriciens, qui y a vu une menace sur l'exercice normal de leur métier.

Plus fondamentalement, il pose la question de la nature du foetus et de la façon dont la législation envisage ce dernier. Jusqu'à présent, à la suite d'un arrêt célèbre de la Cour de cassation, le foetus n'est pas reconnu comme une personne juridique. Or il a semblé, à juste titre, que l'amendement de M. Garraud tendait à remettre en cause ce point.

Pour toutes ces raisons, cet amendement a fortement mobilisé l'opinion publique. Je constate que la quasi-unanimité des membres du Sénat ont jugé le dispositif pour le moins dangereux et inopportun. M. le rapporteur l'a souligné à l'instant, mais, ce faisant, il a pris, me semble-t-il, tellement de précautions que je crains que, même si nous prenons ce soir la décision de supprimer l'article 16 sexies, nous aurons à reprendre le problème un peu plus tard, retrouvant alors les mêmes oppositions, presque philosophiques, de fond.

Quoi qu'il en soit, à chaque jour suffit sa peine. Avec la plus grande partie des membres du groupe auquel j'appartiens, je propose donc la suppression de cet article, en souhaitant vivement que le Sénat dans son ensemble adopte la même position.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 184.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je regrette que nous n'ayons pas abordé ce problème en plein jour.

M. Jean-Jacques Hyest. Nous le faisons dans la plus grande clarté !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Platon est mon ami, mais la vérité l'est plus encore ! (Sourires.)

Dans la discussion générale, Mme Gautier nous a parlé de ce problème.

Et notre collègue Pierre Fauchon y a consacré l'intégralité de son intervention, nous incitant même à l'interrompre, ce que nous n'avons pas fait, espérant qu'à l'occasion de la discussion de cet article il serait là pour que nous lui répondions.

Moi-même, dès la discussion générale, j'ai évoqué le problème, rappelant que Mme Rassat en faisait beaucoup sur les ondes, et que nombre de mes interlocuteurs, y compris des magistrats, étaient persuadés que l'amendement était retiré. Comment pourrait-il l'être, puisqu'il constitue maintenant un article du texte qui nous est soumis ?

Il est vrai aussi que, immédiatement après l'adoption du texte par l'Assemblée nationale, M. le rapporteur de la commission des lois du Sénat a déclaré que, lui, en demanderait la suppression. Heureusement qu'il avait pris les devants, car M. le garde des sceaux déclarait, lui, sur les ondes, que M. Hollande se moquait du monde en prétendant que la disposition en cause posait la question de savoir si le foetus était un être vivant ou pas.

Finalement, après avoir approuvé à l'Assemblée nationale l'amendement Garraud, M. le garde des sceaux s'est prononcé en faveur de la suppression de cette disposition.

Il faut tout de même rappeler ces faits pour savoir de quoi nous parlons.

En 1999 - cela ne date pas aujourd'hui -, la Cour de cassation relevait, curieusement, d'ailleurs, dans son rapport : « Pour retenir la culpabilité du médecin, la cour d'appel invoquait l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 6 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui reconnaissent l'existence, pour toute personne, d'un droit à la vie protégé par la loi, ainsi que l'article 1er de la loi du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de grossesse et l'article 16 du code civil, qui posent le principe du respect de l'être humain dès le commencement de la vie. »

Mes chers collègues, qu'est-ce que le commencement de la vie ? Pour nous, c'est la naissance. La Cour de cassation devrait le savoir !

Curieusement encore, dans le même rapport, on peut lire ceci : « L'arrêt portant cassation sans renvoi qui censure, en termes lapidaires, cette décision, » - c'est la Cour de cassation qui se critique elle-même ! - « sans se prononcer sur le moment de l'apparition de la personne humaine pendant le cours de la progressive différenciation du produit de la conception, met en évidence l'absence dans notre droit d'une protection pénale spécifique de l'être humain contre les atteintes involontaires à la vie avant la naissance. »

S'agit-il, avant la naissance, d'un être humain, ou d'un être humain en puissance ? Le problème continue à se poser mais, pour nous, la réponse est claire.

Certains se sont emparés de la question pour avancer l'idée que le foetus avant la naissance était, selon l'expression de la « réactionnaire » Académie de médecine - je dis les choses comme je les pense -, un « être prénatal ». La formule mérite également que l'on s'y arrête.

En fait, dans la plupart des cas, une femme qui porte l'espérance d'un enfant et qui la perd à la suite d'un accident de la circulation a un arrêt de travail.

M. Jean-Jacques Hyest. Oui !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Or, avec l'arrêt de travail, il peut y avoir des poursuites pénales et, bien évidemment, réparation de la perte de chance d'avoir un enfant.

On nous dit que, dans certains cas, la femme - sans doute enceinte de cinq minutes - n'a pas d'arrêt de travail.

Et l'on nous dit que ce serait un droit de la femme que d'exiger que l'affaire vienne néanmoins au pénal.

Monsieur le rapporteur, nous aurons peut-être, hélas, l'occasion d'y revenir, mais sachez qu'il s'agit non pas de la femme, mais bien de l'enfant en puissance, dont on nous dit qu'il est un « être prénatal ». De ce fait, le mari aura-t-il le droit de poursuivre pénalement sa femme responsable de l'accident pour lui demander réparation du préjudice subi ? Et si c'est l'inverse, la femme aura-t-elle le droit de poursuivre pénalement son mari responsable de l'accident pour demander réparation ? Vous voyez que la chose est beaucoup plus compliquée qu'elle n'en a l'air.

A la vérité, il y a dans tous les cas une possibilité de réparation civile. Arrêtons donc de vouloir tout pénaliser.

M. Jean-Jacques Hyest. Ah !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. A cet égard, l'exemple des médecins est tout à fait éclairant. Tout le monde a bien pris conscience de ce que, dans certains cas, en voulant sauver la mère, on en est réduit à sacrifier l'enfant en puissance. Avec cet article, ce ne serait plus possible, car il y aurait alors interruption involontaire de grossesse et le médecin pourrait se voir demander des comptes.

Pour l'ensemble de ces raisons, et pas seulement pour tenir compte de l'opinion de tel ou tel, mais simplement parce que c'est un mauvais coup que d'avoir soulevé ce problème, nous proposons la suppression de l'article qui est issu d'un amendement de l'Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l'amendement n° 245.

Mme Odette Terrade. Le présent amendement vise à supprimer la disposition introduite en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, sur l'initiative de M. Garraud, et tendant à instituer un délit d'interruption involontaire de grossesse passible d'un an de prison lorsque l'interruption a été provoquée par une maladresse, une imprudence, une inattention ou une négligence.

M. Garraud, ardent défenseur de cette cause, n'en est pas à sa première tentative : on se souvient qu'il avait déposé un amendement ayant le même objet dans le cadre de l'examen de la loi sur la violence routière.

Même s'il s'est trouvé dans notre Haute Assemblée - personnellement, je le regrette - soixante-deux sénateurs pour déposer une proposition de loi identique à l'amendement Garraud et relative à « la protection pénale de la femme enceinte », pas plus qu'à cette époque le cadre du présent texte sur les nouvelles formes de criminalité ne paraît adapté au large débat passionné qui se déroule sur le sujet.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Sénat avait décidé de surseoir à l'introduction d'une telle mesure dans notre droit lors de l'examen du texte sur la violence routière.

M. Lanier, rapporteur du texte, s'exprimait en ces termes : « Il s'agit d'un sujet extrêmement vaste et on ne saurait le traiter à l'occasion d'un texte relatif à la sécurité routière. Il mérite d'être étudié d'une manière spécifique et approfondie, car il convient de l'aborder sous tous ses angles. »

N'en déplaise à M. Garraud, cette disposition pose de sérieux problèmes en termes de statut juridique, et non en termes de statut pénal de la grossesse, comme l'a élégamment dit notre collègue M. Fauchon : en effet, les femmes enceintes ne sont pas un statut pénal !

Mais ce qui est posé ici relève du statut juridique du foetus, comme vient de le rappeler notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt. Les associations pro-life le savent bien, qui, à grand renfort médiatique, oeuvrent désormais quasiment à visage découvert afin de faire reconnaître le statut juridique de personne à l'embryon et au foetus. Ce sont les mêmes, en effet, qui demandent une incrimination pour double homicide lorsqu'une femme enceinte a péri dans un accident de voiture : un homicide pour la femme enceinte et un homicide pour le foetus, qui devient une personne juridique de facto.

Le débat n'est donc pas neutre, et l'on voit très bien, par de tels glissements, où nous pourrions aller, une fois reconnu un tel statut au foetus, lors de l'interruption de grossesse, volontaire cette fois.

Au surplus, une telle disposition pourrait aboutir à des situations particulièrement absurdes : imaginez qu'un conducteur perde le contrôle de sa voiture et que le couple, dont la femme est enceinte, ait un accident : l'épouse enceinte pourrait donc se retourner contre son mari et le poursuivre au pénal ?

Quant aux risques que court la médecine foetale, ils sont grands, même en cas de simple amniocentèse. D'ailleurs, de nombreux syndicats et associations de gynécologues-obstétriciens nous l'ont rappelé.

Mes chers collègues, sur un sujet aussi grave, un débat serein devrait pouvoir avoir lieu afin que puissent réellement être envisagées toutes les implications d'une telle disposition au regard du statut juridique du foetus et, par corrélation, du droit des femmes à l'avortement.

Ce sujet éminemment sensible mérite mieux que d'être abordé une nouvelle fois entre divers articles d'un projet de loi, ici entre la création d'un fichier de délinquants sexuels et l'incrimination pour conduite sans permis de conduire, qui plus est dans un texte sur les nouvelles formes de criminalité.

Mes chers collègues, le droit à l'interruption volontaire de grossesse a été durement et chèrement acquis par des générations de femmes.

Mme Hélène Luc. Ah oui !

Mme Odette Terrade. Il n'est pas acceptable que ce droit puisse être remis en cause au détour d'un amendement introduit avec des soutiens bienveillants.

Avec beaucoup de détermination, aujourd'hui, de nombreuses femmes réunies devant le Sénat, mais aussi dans plusieurs villes de notre pays, l'ont rappelé. La protestation est vive contre ce texte, qui constitue une brèche extrêmement dangereuse et inacceptable dans le droit des femmes à choisir leur maternité.

C'est pourquoi les sénatrices et les sénateurs du groupe CRC vous proposent cet amendement de suppression en manifestant le souhait très vif de ne pas retrouver cette disposition au détour d'un prochain texte.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Monsieur le président, je me suis déjà exprimé dans mon intervention liminaire, puis en réponse à l'intervention de M. Fauchon : je confirme que je suis favorable à la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote sur les quatre amendements identiques de suppression.

M. Robert Badinter. Je me garderai, à cette heure matinale, d'allonger les débats. Notre ami Michel Dreyfus-Schmidt a très bien présenté ce qu'est le fond du problème.

Permettez-moi une remarque un peu ironique. J'ai été très surpris de constater, à la lecture des débats, que M. Garraud se référait à un amendement dit « Badinter » déposé en 1992 pour créer l'incrimination de violences volontaires ayant entraîné une perte de grossesse. En 1992, mes chers collègues, je n'étais pas à même de rédiger ou de déposer quelque amendement que ce soit : ce n'est pas une activité compatible avec la présidence du Conseil constitutionnel !

J'ajoute que, dans le projet de code pénal, tel que je l'avais déposé, ce texte ne figurait pas : il a été ajouté dans le cours des débats, ce qui est tout à fait normal.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier, pour explication de vote.

Mme Gisèle Gautier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, est-il utile de rappeler que, jusqu'aux arrêts de la Cour de cassation des années 1999, 2000 et 2002, l'atteinte involontaire à la vie d'un enfant à naître était sanctionnée sous la qualification d'« homicide involontaire » ? La Cour de cassation, en écartant cette qualification, a créé un vide juridique, les faits visés n'étant plus susceptibles d'être jugés au pénal. Il en résulte une actualité que je qualifierai « d'irrecevable ».

Le rapport annuel de la Cour de cassation de 2001 a mis en évidence ce vide juridique, insistant sur le fait qu'il appartenait au législateur de combler ce vide.

L'amendement Garraud tendait précisément à combler ce vide afin d'éviter toute ambiguïté et à protéger avant tout la femme enceinte.

Aujourd'hui, ce n'est pas seulement le coeur qui parle, mais surtout la raison, cette raison qu'il serait nécessaire de retrouver dans ce débat.

Depuis l'adoption de cet amendement par l'Assemblée nationale, on a pu entendre tout et son contraire, les pires affabulations, les pires amalgames. Pourtant, il m'apparaît nécessaire de légiférer dans le domaine de l'interruption involontaire de grossesse : il s'agit tout à la fois d'une nécessité politique et d'une nécessité juridique.

Légiférer est une nécessité politique, car la cause des « parents orphelins » est juste. (Mme Nicole Borvo s'exclame.) Ces derniers se trouvent depuis quelques années devant un authentique déni de justice.

Les prochains accidents dans lesquels une future mère perdra son enfant - il y en a eu hier et il y en aura demain - risquent d'être fortement médiatisés et de susciter une légitime émotion dans l'opinion publique. Il ne m'appartient pas ici d'évoquer les cas les plus douloureux, au risque sinon de verser dans la sensiblerie. Reste que les histoires vécues par ceux qui s'appellent eux-mêmes des « parents orphelins » sont souvent dramatiques, parfois révoltantes et, en tout état de cause, toujours terriblement douloureuses.

Elles sont douloureuses du fait de la perte de l'être cher attendu, mais révoltantes aussi parce que la société dans laquelle nous vivons ferme les yeux. Je suis navré d'insister : la société - vous et moi - évite par des biais divers de se prononcer sur les sujets qui l'embarrassent, qui nous embarrassent.

En somme, ce soir, nous avons peur de notre ombre. Il serait pourtant tout à l'honneur du Parlement de s'emparer de ce sujet avant d'y être contraint par la pression médiatique, et de s'y intéresser au plus tôt pour éviter que la majorité paraisse reculer sur un vrai sujet de société.

Il paraît en effet inévitable à un très grand nombre de juristes éminents, dont certains sont présents dans cet hémicycle, qu'on légifère sur ce thème un jour ou l'autre.

S'il faut que le législateur s'approprie ce sujet, c'est aussi pour éviter que, demain, des groupes de pensée extrêmes - et vous savez à qui je pense - ne s'emparent de ces familles délaissées et deviennent leurs seuls porte-parole. Mes chers collègues, la démocratie est toujours affaiblie quand les causes les plus nobles sont portées par les courants sectaires !

C'est aussi au Sénat que revient la responsabilité d'apporter à cette question une réponse aussi appropriée que possible afin qu'elle n'apparaisse ni comme une esquive, ni comme une provocation.

Je disais tout à l'heure qu'il s'agissait d'une nécessité politique ; j'ajoute qu'il s'agit également d'une nécessité juridique.

Jusqu'à une jurisprudence de la Cour de cassation de 1999, donc très récent, et confirmée en 2001 et 2002, le droit français a toujours protégé la vie de l'enfant à naître et utilisé la qualification d'homicide involontaire en cas d'interruption de grossesse non souhaitée par la mère et provoquée par un tiers. En l'occurrence, ce revirement de la part de notre plus haute juridiction a eu pour effet de créer un vide juridique lourd de conséquences fâcheuses et paradoxales.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas vrai !

Mme Gisèle Gautier. Ces conséquences étaient si paradoxales, d'ailleurs, que, sans forcer le trait, en l'état actuel de notre droit, vous serez condamné pour avoir, au volant de votre voiture, écrasé le chien de votre voisin, tandis que vous pouvez en toute impunité renverser une femme enceinte et lui faire perdre son bébé, quel que soit le stade de la gestation !

Autre paradoxe : si, par exemple, lors d'un accident de la route, un foetus subit des traumatismes tels que la personne qu'il deviendra sera handicapée tout au long de sa vie future, le fautif peut être amené à en payer les conséquences, alors qu'il ne sera nullement mis en cause si ledit foetus décède avant la naissance. C'est absolument invraisemblable, mais c'est ainsi ! En d'autres termes, le fautif a intérêt à la mort du foetus. Voilà à quel épouvantable paradoxe notre droit actuel aboutit.

Une telle situation ne peut être tolérée par personne. Je crois donc possible d'affirmer que légiférer dans ce domaine, c'est remettre le droit dans le bon sens.

De surcroît, les dispositions proposées par M. Garraud avaient le mérite de ne bouleverser en rien notre appareil législatif, contrairement à ce que j'ai entendu. Sous-entendre que son texte jetait les bases d'un statut de l'embryon ou présentait des risques de remise en cause des dispositions concernant l'IVG relève tout simplement du faux procès.

D'ailleurs, je tiens à le souligner, dans l'amendement de M. Garraud, il n'est nullement question de foetus. Il est même précisé que « les dispositions de l'article 223-11 ne sauraient en aucune façon faire obstacle au droit de la femme enceinte de recourir à une interruption volontaire de grossesse dans les conditions prévues par le présent code ».

Il est également précisé que le principe d'interprétation stricte de loi pénale interdit toute dérive.

Je ne veux pas faire de procès d'intention à mes collègues du groupe CRC, mais je regrette profondément qu'elles ne me suivent pas dans cette démarche. Chacun est libre, bien entendu, de défendre son point de vue, mais j'ai du mal à comprendre le leur. Pour ma part, tout en défendant la liberté d'avorter, car c'est un droit acquis sur lequel il n'est pas question de revenir, je considère que nous devons aussi, nous les mères, nous les grand-mères, nous les femmes, avec les pères, protéger la liberté de procréer. Car c'est bien, en définitive, ce qu'il y a de plus beau !

Mme Nicole Borvo. Qu'est-ce que cela a à voir avec la liberté de procréer ?

Mme Gisèle Gautier. J'avoue que je vois une certaine incohérence dans votre attitude, chères collègues.

Pour en revenir au texte, je préciserai que j'ai choisi de m'abstenir sur les amendements qui nous sont proposés, dans la mesure où je ne souhaite pas le maintien en l'état de la deuxième partie du texte adopté par l'Assemblée nationale, et je rejoins à cet égard ma collègue Mme Terrade. Pour autant, il ne m'a pas paru souhaitable de déposer moi-même un amendement.

Je dirai pour conclure qu'il me paraît indispensable de travailler dans la sérénité à une approche pacifiée d'un problème qui est grave, nous en sommes tous convenus.

Il est certain que la relative improvisation dans laquelle l'amendement Garraud a été adopté n'a pas permis de traiter ce problème comme il le mérite. Je veux néanmoins rendre hommage à M. Garraud, qui a tout de même eu beaucoup de courage et fait preuve de beaucoup de clairvoyance. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Hélène Luc. C'est un retrait du bout des lèvres, madame Gautier !

Mme Gisèle Gautier. C'est pourquoi j'appelle solennellement à la création, au sein de notre Haute Assemblée, d'une mission commune d'information regroupant des membres de la commission des lois, de la commission des affaires sociales et de la délégation aux droits des femmes, mission qui serait chargée de réfléchir sur les fondements et les modalités de la répression de l'interruption involontaire de grossesse. Monsieur le garde des sceaux, je vous en prie, prenez en compte ma requête !

Le 27 novembre 2003, vous avez affirmé à l'Assemblée nationale : « Ne nous trompons pas de débat ! Je suis favorable à cet amendement. Il comble, en effet, un vide juridique. [...] Je suis très favorable à cet amendement, qui a le mérite de lever toute ambiguïté. Il doit donc être clair pour chacun que nous ne sommes favorables à cette disposition que parce qu'elle ne remet nullement en cause la législation sur l'interruption volontaire de grossesse. »

Monsieur le garde des sceaux, vous m'avez écoutée avec beaucoup d'attention, et je vous en remercie. J'espère que vous saurez m'entendre.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh bien !

Mme Hélène Luc. Heureusement que les femmes ont manifesté !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo. Je me félicite que la commission des lois propose, avec, semble-t-il, l'accord de M. le garde des sceaux, de supprimer cet article. Elle avait agi avec la même sagesse lors de la discussion du texte sur la violence routière, mais cette fois contre l'avis de M. le garde des sceaux.

En l'occurrence, la réflexion a été utile, de même que la très grande mobilisation des femmes.

Mme Odette Terrade. Absolument !

Mme Nicole Borvo. Madame Gautier, je suppose que c'est en votre nom personnel que vous venez de vous exprimer. En effet, vous êtres présidente de la délégation aux droits des femmes, mais je ne sache pas que cette dernière ait été saisie de cette question et, a fortiori, qu'elle soit parvenue aux conclusions qui sont les vôtres.

Si un sujet mérite une réflexion approfondie, c'est bien celui-ci. Les propos que vous venez de tenir, ma chère collègue, montrent d'ailleurs combien une telle réflexion est nécessaire.

Bien sûr, il peut paraître légitime de vouloir aggraver les sanctions applicables à celui qui a causé une interruption involontaire de grossesse, ou plutôt qui a causé involontairement un avortement, car, en général, celui qui est à l'origine de cet avortement ne savait pas que la femme était enceinte.

Je laisse de côté le problème de la médecine, problème considérable qui ne peut pas être traité comme cela, en deux coups de cuillère à pot, dans le cadre d'une loi sur la criminalité organisée.

Mais vous avez énoncé des affirmations comme : « Il faut bien défendre la liberté de procréer ». Qu'est-ce que ce dont nous parlons ce soir a à voir avec la liberté de procréer, chère madame ?

Vous avez aussi employé l'expression : « parents orphelins ». Ainsi, vous êtes passée de l'interruption involontaire de grossesse du fait d'un accident à des parents orphelins ! Je crois que vous devriez mieux mesurer vos propos !

J'ajoute que les associations pro-life ont applaudi l'amendement Garraud. Elles ont bien compris, elles, de quoi il retournait. Elles n'ont pas oublié que M. Garraud, par trois fois, avait déjà déposé cet amendement ! Elles savent bien que M. Garraud est, en l'espèce, une sorte de spécialiste et elles ne se trompent pas sur le caractère tout à fait délibéré de sa démarche. C'est pourquoi, pleines d'espoir, elles ont vu cet amendement ouvrir enfin une brèche dans le droit à l'interruption de grossesse.

Je ne conteste pas qu'un préjudice soit causé dans les circonstances qui ont été évoquées et que le sujet mérite qu'on y réfléchisse. Mais il ne faut certainement pas s'y prendre comme on l'a fait, et surtout pas, madame Gautier, essayer de nous faire pleurer en accusant les femmes qui ne sont pas d'accord avec vous de ne pas défendre la procréation ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 50, 142 rectifié bis, 184 et 245.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)


M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 134 :

Nombre de votants314
Nombre de suffrages exprimés312
Majorité absolue des suffrages157
Pour312

En conséquence, l'article 16 sexies est supprimé.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

7

Art. 16 sexies (début)
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. 16 septies

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 21 janvier 2004, à quinze heures et le soir.

1. Contribution du Sénat au débat sur l'avenir de l'école.

Aucune inscription de parole dans le débat n'est plus recevable.

2. Suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 90, 2003-2004), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

Rapport (n° 148) de M. François Zocchetto, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

DÉLAIS LIMITES POUR DES INSCRIPTIONS

DE PAROLE ET LE DÉPÔT D'AMENDEMENTS

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant création de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs et diverses dispositions relatives aux mines (n° 356, 2002-2003).

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 21 janvier 2004, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 21 janvier 2004, à dix-sept heures.

Question orale avec débat n° 22 de M. Jacques Valade à Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies sur la diffusion de la culture scientifique et technique.

Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 21 janvier 2004, à dix-sept heures.

Question orale avec débat n° 23 de M. Bernard Plasait à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites.

Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 21 janvier 2004, à dix-sept heures.

Projet de loi relatif à la régulation des activités postales (n° 410, 2002-2003).

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 26 janvier 2004, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 26 janvier 2004, à dix-sept heures.

Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, des experts judiciaires et des conseils en propriété intellectuelle (n° 141, 2003-2004).

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 27 janvier 2004, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 27 janvier 2004, à dix-sept heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 21 janvier 2004, à deux heures quinze.)

Le Directeur

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD

ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

CONSEIL D'ORIENTATION POUR LA PRÉVENTION

DES RISQUES NATURELS MAJEURS

Lors de sa séance du mardi 20 janvier 2004, le Sénat a désigné MM. Yves Détraigne, Ambroise Dupont et Jean-Pierre Schosteck pour siéger au sein du Conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs.

Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON

QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)

Gestion du personnel de France Télécom

404. - 20 janvier 2004. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la pratique de la gestion du personnel mise en oeuvre par les directions de France Télécom. Elle lui indique que de nombreux témoignages recueillis par les syndicats, ainsi que différentes enquêtes locales font état d'un développement important de la souffrance au travail à France Télécom, notamment d'une forte augmentation du stress. Elle lui signale aussi la croissance rapide, dramatique, traumatisante pour les collègues, pour l'instant constatée de façon empirique, des cas de suicides concernant des personnels de France Télécom. Elle lui fait remarquer que ces phénomènes coïncident avec le mouvement incessant depuis quelques années de restructurations internes, l'augmentation rapide de la fréquence des changements de postes et des mutations plus ou moins contraints, ainsi qu'avec l'utilisation systématique de nouveaux outils de « management » des ressources humaines, comme la multiplication des contrôles individualisés de productivité, des entretiens de motivation avec la hiérarchie, notamment pendant et après les arrêts maladie, ou la mise en place de nouveaux critères d'évaluation comme l'indice « de performance individuelle comparée ». Elle lui indique également que plusieurs organisations syndicales de cette entreprise en Loire-Atlantique ont découvert l'existence d'un système de fichage des agents, illégal et scandaleux, visant à collecter des données personnelles relatives notamment à leur état de santé, à leurs difficultés familiales ou à leurs sympathies syndicales. Elle lui fait enfin remarquer que toutes ces observations prennent place dans un contexte marqué par l'objectif affiché du président-directeur général de France Télécom de supprimer 22 000 emplois dont 8 000 en France dès 2004 et par l'adoption de la loi n° 2003-1365 du 31 décembre 2003 relative à France Télécom qui, en vue de rendre possible la privatisation, a levé une partie des garanties fondamentales attachées au statut de fonctionnaires d'Etat de la majorité des personnels. Aussi elle lui demande quelles dispositions il compte prendre pour que soit conduite une enquête sanitaire indépendante portant sur les 140 000 agents de France Télécom en France. Elle lui demande également quelles mesures il compte prendre pour auditer les pratiques de gestion du personnel à France Télécom notamment au regard du droit du travail, de la législation sur le harcèlement moral et de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 sur l'informatique et les libertés.

Réforme du mode de financement de l'équarrissage

405. - 20 janvier 2004. - M. Jean-Claude Carle attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation sur la réforme du mode de financement du service public de l'équarrissage (SPE). Pour remplacer la « taxe sur les achats de viandes », a été créée une taxe d'abattage assise sur le poids des viandes et des déchets d'abattoir qui sera supportée exclusivement par l'aval de la filière, la distribution. Les artisans bouchers supportent déjà un certain nombre de contraintes légitimes et comprises au nom de la qualité et de la sécurité du consommateur. Ce nouveau dispositif pour financer le SPE risque d'être contre-productif à double titre : il fragilisera certainement un peu plus le réseau des petits distributeurs qui, pour survivre dans une activité de monoproduit, se reporteront sur la viande importée, et par voie de conséquence, ce sont nos éleveurs qui seront, une fois de plus, mis en péril. A ce titre, il lui demande s'il envisage d'aménager cette nouvelle taxe de telle manière qu'elle ne soit pas subie exclusivement par l'aval de la filière.

ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL

de la séance

du mardi 20 janvier 2004

SCRUTIN (n° 131)

sur la motion n° 1, présentée par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité au projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.


Nombre de votants : 314
Nombre de suffrages exprimés : 312
Pour : 112
Contre : 200
Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

GROUPE COMMUNISTE REPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :

Pour : 23.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (29) :

Contre : 29.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17) :

Pour : 6. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, François Fortassin et Dominique Larifla.

Contre : 9.

Abstentions : 2. _ MM. Nicolas Alfonsi et Rodolphe Désiré.

GROUPE SOCIALISTE (83) :

Pour : 83.

GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (164) :

Contre : 162.

N'ont pas pris part au vote : 2. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat, et M. Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :

N'ont pas pris part au vote : 5.

Ont voté pour

Michèle André

Bernard Angels

Henri d'Attilio

Bertrand Auban

François Autain

Jean-Yves Autexier

Robert Badinter

Jean-Michel Baylet

Marie-Claude Beaudeau

Marie-France Beaufils

Jean-Pierre Bel

Jacques Bellanger

Maryse Bergé-Lavigne

Jean Besson

Pierre Biarnès

Danielle Bidard-Reydet

Marie-Christine Blandin

Nicole Borvo

Didier Boulaud

André Boyer

Yolande Boyer

Robert Bret

Claire-Lise Campion

Jean-Louis Carrère

Bernard Cazeau

Monique

Cerisier-ben Guiga

Gilbert Chabroux

Michel Charasse

Yvon Collin

Gérard Collomb

Yves Coquelle

Raymond Courrière

Roland Courteau

Yves Dauge

Annie David

Marcel Debarge

Gérard Delfau

Jean-Pierre Demerliat

Michelle Demessine

Evelyne Didier

Claude Domeizel

Michel

Dreyfus-Schmidt

Josette Durrieu

Bernard Dussaut

Claude Estier

Guy Fischer

François Fortassin

Thierry Foucaud

Jean-Claude Frécon

Bernard Frimat

Charles Gautier

Jean-Pierre Godefroy

Jean-Noël Guerini

Claude Haut

Odette Herviaux

Alain Journet

Yves Krattinger

André Labarrère

Philippe Labeyrie

Serge Lagauche

Roger Lagorsse

Dominique Larifla

Gérard Le Cam

André Lejeune

Louis Le Pensec

Claude Lise

Paul Loridant

Hélène Luc

Philippe Madrelle

Jacques Mahéas

Jean-Yves Mano

François Marc

Jean-Pierre Masseret

Marc Massion

Josiane Mathon

Pierre Mauroy

Louis Mermaz

Gérard Miquel

Michel Moreigne

Roland Muzeau

Jean-Marc Pastor

Guy Penne

Daniel Percheron

Jean-Claude Peyronnet

Jean-François Picheral

Bernard Piras

Jean-Pierre Plancade

Danièle Pourtaud

Gisèle Printz

Jack Ralite

Daniel Raoul

Paul Raoult

Daniel Reiner

Ivan Renar

Roger Rinchet

Gérard Roujas

André Rouvière

Michèle San Vicente

Claude Saunier

Michel Sergent

René-Pierre Signé

Jean-Pierre Sueur

Simon Sutour

Odette Terrade

Michel Teston

Jean-Marc Todeschini

Pierre-Yvon Trémel

André Vantomme

Paul Vergès

André Vézinhet

Marcel Vidal

Henri Weber

Ont voté contre

Nicolas About

Jean-Paul Alduy

Jean-Paul Amoudry

Pierre André

Philippe Arnaud

Jean Arthuis

Denis Badré

Gérard Bailly

José Balarello

Gilbert Barbier

Bernard Barraux

Jacques Baudot

Michel Bécot

Claude Belot

Daniel Bernardet

Roger Besse

Laurent Béteille

Joël Billard

Claude Biwer

Jean Bizet

Jacques Blanc

Paul Blanc

Maurice Blin

Annick Bocandé

Didier Borotra

Joël Bourdin

Brigitte Bout

Jean Boyer

Jean-Guy Branger

Gérard Braun

Dominique Braye

Paulette Brisepierre

Louis de Broissia

Jean-Pierre Cantegrit

Jean-Claude Carle

Ernest Cartigny

Auguste Cazalet

Charles

Ceccaldi-Raynaud

Gérard César

Jacques Chaumont

Jean Chérioux

Marcel-Pierre Cléach

Jean Clouet

Christian Cointat

Gérard Cornu

Jean-Patrick Courtois

Robert Del Picchia

Fernand Demilly

Christian Demuynck

Marcel Deneux

Gérard Dériot

Yves Détraigne

Eric Doligé

Jacques Dominati

Michel Doublet

Paul Dubrule

Alain Dufaut

André Dulait

Ambroise Dupont

Jean-Léonce Dupont

Hubert Durand-Chastel

Louis Duvernois

Daniel Eckenspieller

Jean-Paul Emin

Jean-Paul Emorine

Michel Esneu

Jean-Claude Etienne

Pierre Fauchon

Jean Faure

Françoise Férat

André Ferrand

Hilaire Flandre

Gaston Flosse

Alain Fouché

Jean-Pierre Fourcade

Bernard Fournier

Serge Franchis

Philippe François

Jean François-Poncet

Yves Fréville

Yann Gaillard

René Garrec

Christian Gaudin

Jean-Claude Gaudin

Philippe de Gaulle

Gisèle Gautier

Patrice Gélard

André Geoffroy

Alain Gérard

François Gerbaud

Charles Ginésy

Francis Giraud

Paul Girod

Daniel Goulet

Jacqueline Gourault

Alain Gournac

Adrien Gouteyron

Francis Grignon

Louis Grillot

Georges Gruillot

Charles Guené

Michel Guerry

Hubert Haenel

Françoise Henneron

Marcel Henry

Pierre Hérisson

Jean-François Humbert

Jean-Jacques Hyest

Pierre Jarlier

Bernard Joly

Jean-Marc Juilhard

Roger Karoutchi

Joseph Kergueris

Christian

de La Malène

Jean-Philippe Lachenaud

Pierre Laffitte

Lucien Lanier

Jacques Larché

Gérard Larcher

André Lardeux

Robert Laufoaulu

René-Georges Laurin

Jean-René Lecerf

Dominique Leclerc

Jacques Legendre

Jean-François

Le Grand

Serge Lepeltier

Philippe Leroy

Marcel Lesbros

Valérie Létard

Gérard Longuet

Jean-Louis Lorrain

Simon Loueckhote

Roland du Luart

Brigitte Luypaert

Max Marest

Philippe Marini

Pierre Martin

Jean Louis Masson

Serge Mathieu

Michel Mercier

Lucette

Michaux-Chevry

Jean-Luc Miraux

Louis Moinard

René Monory

Aymeri

de Montesquiou

Dominique Mortemousque

Jacques Moulinier

Georges Mouly

Bernard Murat

Philippe Nachbar

Paul Natali

Philippe Nogrix

Nelly Olin

Joseph Ostermann

Georges Othily

Jacques Oudin

Monique Papon

Anne-Marie Payet

Michel Pelchat

Jacques Pelletier

Jean Pépin

Jacques Peyrat

Xavier Pintat

Bernard Plasait

Jean-Marie Poirier

Ladislas Poniatowski

André Pourny

Jean Puech

Henri de Raincourt

Victor Reux

Charles Revet

Henri Revol

Henri de Richemont

Philippe Richert

Yves Rispat

Josselin de Rohan

Roger Romani

Janine Rozier

Bernard Saugey

Jean-Pierre Schosteck

Bruno Sido

Daniel Soulage

Louis Souvet

Yannick Texier

Michel Thiollière

Henri Torre

René Trégouët

André Trillard

François Trucy

Maurice Ulrich

Jacques Valade

André Vallet

Jean-Marie Vanlerenberghe

Alain Vasselle

Jean-Pierre Vial

Xavier de Villepin

Serge Vinçon

Jean-Paul Virapoullé

François Zocchetto

Abstentions

Nicolas Alfonsi, Rodolphe Désiré.

N'ont pas pris part au vote

Philippe Adnot, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Bernard Seillier, Alex Türk.

N'ont pas pris part au vote

Christian Poncelet, président du Sénat, et Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.

Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.

SCRUTIN (n° 132)

sur la motion n° 143, présentée par Mme Nicole Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à opposer la question préalable au projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.


Nombre de votants : 314
Nombre de suffrages exprimés : 312
Pour : 112
Contre : 200
Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :

Pour : 23.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (29) :

Contre : 29.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17) :

Pour : 6. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, François Fortassin et Dominique Larifla.

Contre : 9.

Abstentions : 2. _ MM. Nicolas Alfonsi et Rodolphe Désiré.

GROUPE SOCIALISTE (83) :

Pour : 83.

GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (164) :

Contre : 162.

N'ont pas pris part au vote : 2. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat, et M. Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :

N'ont pas pris part au vote : 5.

Ont voté pour

Michèle André

Bernard Angels

Henri d'Attilio

Bertrand Auban

François Autain

Jean-Yves Autexier

Robert Badinter

Jean-Michel Baylet

Marie-Claude Beaudeau

Marie-France Beaufils

Jean-Pierre Bel

Jacques Bellanger

Maryse Bergé-Lavigne

Jean Besson

Pierre Biarnès

Danielle Bidard-Reydet

Marie-Christine Blandin

Nicole Borvo

Didier Boulaud

André Boyer

Yolande Boyer

Robert Bret

Claire-Lise Campion

Jean-Louis Carrère

Bernard Cazeau

Monique

Cerisier-ben Guiga

Gilbert Chabroux

Michel Charasse

Yvon Collin

Gérard Collomb

Yves Coquelle

Raymond Courrière

Roland Courteau

Yves Dauge

Annie David

Marcel Debarge

Gérard Delfau

Jean-Pierre Demerliat

Michelle Demessine

Evelyne Didier

Claude Domeizel

Michel

Dreyfus-Schmidt

Josette Durrieu

Bernard Dussaut

Claude Estier

Guy Fischer

François Fortassin

Thierry Foucaud

Jean-Claude Frécon

Bernard Frimat

Charles Gautier

Jean-Pierre Godefroy

Jean-Noël Guerini

Claude Haut

Odette Herviaux

Alain Journet

Yves Krattinger

André Labarrère

Philippe Labeyrie

Serge Lagauche

Roger Lagorsse

Dominique Larifla

Gérard Le Cam

André Lejeune

Louis Le Pensec

Claude Lise

Paul Loridant

Hélène Luc

Philippe Madrelle

Jacques Mahéas

Jean-Yves Mano

François Marc

Jean-Pierre Masseret

Marc Massion

Josiane Mathon

Pierre Mauroy

Louis Mermaz

Gérard Miquel

Michel Moreigne

Roland Muzeau

Jean-Marc Pastor

Guy Penne

Daniel Percheron

Jean-Claude Peyronnet

Jean-François Picheral

Bernard Piras

Jean-Pierre Plancade

Danièle Pourtaud

Gisèle Printz

Jack Ralite

Daniel Raoul

Paul Raoult

Daniel Reiner

Ivan Renar

Roger Rinchet

Gérard Roujas

André Rouvière

Michèle San Vicente

Claude Saunier

Michel Sergent

René-Pierre Signé

Jean-Pierre Sueur

Simon Sutour

Odette Terrade

Michel Teston

Jean-Marc Todeschini

Pierre-Yvon Trémel

André Vantomme

Paul Vergès

André Vézinhet

Marcel Vidal

Henri Weber

Ont voté contre

Nicolas About

Jean-Paul Alduy

Jean-Paul Amoudry

Pierre André

Philippe Arnaud

Jean Arthuis

Denis Badré

Gérard Bailly

José Balarello

Gilbert Barbier

Bernard Barraux

Jacques Baudot

Michel Bécot

Claude Belot

Daniel Bernardet

Roger Besse

Laurent Béteille

Joël Billard

Claude Biwer

Jean Bizet

Jacques Blanc

Paul Blanc

Maurice Blin

Annick Bocandé

Didier Borotra

Joël Bourdin

Brigitte Bout

Jean Boyer

Jean-Guy Branger

Gérard Braun

Dominique Braye

Paulette Brisepierre

Louis de Broissia

Jean-Pierre Cantegrit

Jean-Claude Carle

Ernest Cartigny

Auguste Cazalet

Charles

Ceccaldi-Raynaud

Gérard César

Jacques Chaumont

Jean Chérioux

Marcel-Pierre Cléach

Jean Clouet

Christian Cointat

Gérard Cornu

Jean-Patrick Courtois

Robert Del Picchia

Fernand Demilly

Christian Demuynck

Marcel Deneux

Gérard Dériot

Yves Détraigne

Eric Doligé

Jacques Dominati

Michel Doublet

Paul Dubrule

Alain Dufaut

André Dulait

Ambroise Dupont

Jean-Léonce Dupont

Hubert Durand-Chastel

Louis Duvernois

Daniel Eckenspieller

Jean-Paul Emin

Jean-Paul Emorine

Michel Esneu

Jean-Claude Etienne

Pierre Fauchon

Jean Faure

Françoise Férat

André Ferrand

Hilaire Flandre

Gaston Flosse

Alain Fouché

Jean-Pierre Fourcade

Bernard Fournier

Serge Franchis

Philippe François

Jean François-Poncet

Yves Fréville

Yann Gaillard

René Garrec

Christian Gaudin

Jean-Claude Gaudin

Philippe de Gaulle

Gisèle Gautier

Patrice Gélard

André Geoffroy

Alain Gérard

François Gerbaud

Charles Ginésy

Francis Giraud

Paul Girod

Daniel Goulet

Jacqueline Gourault

Alain Gournac

Adrien Gouteyron

Francis Grignon

Louis Grillot

Georges Gruillot

Charles Guené

Michel Guerry

Hubert Haenel

Françoise Henneron

Marcel Henry

Pierre Hérisson

Jean-François Humbert

Jean-Jacques Hyest

Pierre Jarlier

Bernard Joly

Jean-Marc Juilhard

Roger Karoutchi

Joseph Kergueris

Christian

de La Malène

Jean-Philippe Lachenaud

Pierre Laffitte

Lucien Lanier

Jacques Larché

Gérard Larcher

André Lardeux

Robert Laufoaulu

René-Georges Laurin

Jean-René Lecerf

Dominique Leclerc

Jacques Legendre

Jean-François

Le Grand

Serge Lepeltier

Philippe Leroy

Marcel Lesbros

Valérie Létard

Gérard Longuet

Jean-Louis Lorrain

Simon Loueckhote

Roland du Luart

Brigitte Luypaert

Max Marest

Philippe Marini

Pierre Martin

Jean Louis Masson

Serge Mathieu

Michel Mercier

Lucette

Michaux-Chevry

Jean-Luc Miraux

Louis Moinard

René Monory

Aymeri

de Montesquiou

Dominique Mortemousque

Jacques Moulinier

Georges Mouly

Bernard Murat

Philippe Nachbar

Paul Natali

Philippe Nogrix

Nelly Olin

Joseph Ostermann

Georges Othily

Jacques Oudin

Monique Papon

Anne-Marie Payet

Michel Pelchat

Jacques Pelletier

Jean Pépin

Jacques Peyrat

Xavier Pintat

Bernard Plasait

Jean-Marie Poirier

Ladislas Poniatowski

André Pourny

Jean Puech

Henri de Raincourt

Victor Reux

Charles Revet

Henri Revol

Henri de Richemont

Philippe Richert

Yves Rispat

Josselin de Rohan

Roger Romani

Janine Rozier

Bernard Saugey

Jean-Pierre Schosteck

Bruno Sido

Daniel Soulage

Louis Souvet

Yannick Texier

Michel Thiollière

Henri Torre

René Trégouët

André Trillard

François Trucy

Maurice Ulrich

Jacques Valade

André Vallet

Jean-Marie Vanlerenberghe

Alain Vasselle

Jean-Pierre Vial

Xavier de Villepin

Serge Vinçon

Jean-Paul Virapoullé

François Zocchetto

Abstentions

Nicolas Alfonsi, Rodolphe Désiré.

N'ont pas pris part au vote

Philippe Adnot, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Bernard Seillier, Alex Türk.

N'ont pas pris part au vote

Christian Poncelet, président du Sénat, et Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.

Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.

SCRUTIN (n° 133)

sur l'amendement n° 157, présenté par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, tendant à insérer un article additionnel avant l'article 16 du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (répression des cas de discrimination par voie de presse).


Nombre de votants : 314
Nombre de suffrages exprimés : 306
Pour : 105
Contre : 201
Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :

Pour : 22.

N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Guy Fischer, qui présidait la séance.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (29) :

Contre : 29.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN : (17)

Contre : 9.

Abstentions : 8. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin et Dominique Larifla.

GROUPE SOCIALISTE (83) :

Pour : 83.

GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (164) :

Contre : 163.

N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :

N'ont pas pris part au vote : 5.

Ont voté pour

Michèle André

Bernard Angels

Henri d'Attilio

Bertrand Auban

François Autain

Jean-Yves Autexier

Robert Badinter

Marie-Claude Beaudeau

Marie-France Beaufils

Jean-Pierre Bel

Jacques Bellanger

Maryse Bergé-Lavigne

Jean Besson

Pierre Biarnès

Danielle Bidard-Reydet

Marie-Christine Blandin

Nicole Borvo

Didier Boulaud

Yolande Boyer

Robert Bret

Claire-Lise Campion

Jean-Louis Carrère

Bernard Cazeau

Monique

Cerisier-ben Guiga

Gilbert Chabroux

Michel Charasse

Gérard Collomb

Yves Coquelle

Raymond Courrière

Roland Courteau

Yves Dauge

Annie David

Marcel Debarge

Jean-Pierre Demerliat

Michelle Demessine

Evelyne Didier

Claude Domeizel

Michel

Dreyfus-Schmidt

Josette Durrieu

Bernard Dussaut

Claude Estier

Thierry Foucaud

Jean-Claude Frécon

Bernard Frimat

Charles Gautier

Jean-Pierre Godefroy

Jean-Noël Guerini

Claude Haut

Odette Herviaux

Alain Journet

Yves Krattinger

André Labarrère

Philippe Labeyrie

Serge Lagauche

Roger Lagorsse

Gérard Le Cam

André Lejeune

Louis Le Pensec

Claude Lise

Paul Loridant

Hélène Luc

Philippe Madrelle

Jacques Mahéas

Jean-Yves Mano

François Marc

Jean-Pierre Masseret

Marc Massion

Josiane Mathon

Pierre Mauroy

Louis Mermaz

Gérard Miquel

Michel Moreigne

Roland Muzeau

Jean-Marc Pastor

Guy Penne

Daniel Percheron

Jean-Claude Peyronnet

Jean-François Picheral

Bernard Piras

Jean-Pierre Plancade

Danièle Pourtaud

Gisèle Printz

Jack Ralite

Daniel Raoul

Paul Raoult

Daniel Reiner

Ivan Renar

Roger Rinchet

Gérard Roujas

André Rouvière

Michèle San Vicente

Claude Saunier

Michel Sergent

René-Pierre Signé

Jean-Pierre Sueur

Simon Sutour

Odette Terrade

Michel Teston

Jean-Marc Todeschini

Pierre-Yvon Trémel

André Vantomme

Paul Vergès

André Vézinhet

Marcel Vidal

Henri Weber

Ont voté contre

Nicolas About

Jean-Paul Alduy

Jean-Paul Amoudry

Pierre André

Philippe Arnaud

Jean Arthuis

Denis Badré

Gérard Bailly

José Balarello

Gilbert Barbier

Bernard Barraux

Jacques Baudot

Michel Bécot

Claude Belot

Daniel Bernardet

Roger Besse

Laurent Béteille

Joël Billard

Claude Biwer

Jean Bizet

Jacques Blanc

Paul Blanc

Maurice Blin

Annick Bocandé

Didier Borotra

Joël Bourdin

Brigitte Bout

Jean Boyer

Jean-Guy Branger

Gérard Braun

Dominique Braye

Paulette Brisepierre

Louis de Broissia

Jean-Pierre Cantegrit

Jean-Claude Carle

Ernest Cartigny

Auguste Cazalet

Charles

Ceccaldi-Raynaud

Gérard César

Jacques Chaumont

Jean Chérioux

Marcel-Pierre Cléach

Jean Clouet

Christian Cointat

Gérard Cornu

Jean-Patrick Courtois

Robert Del Picchia

Fernand Demilly

Christian Demuynck

Marcel Deneux

Gérard Dériot

Yves Détraigne

Eric Doligé

Jacques Dominati

Michel Doublet

Paul Dubrule

Alain Dufaut

André Dulait

Ambroise Dupont

Jean-Léonce Dupont

Hubert Durand-Chastel

Louis Duvernois

Daniel Eckenspieller

Jean-Paul Emin

Jean-Paul Emorine

Michel Esneu

Jean-Claude Etienne

Pierre Fauchon

Jean Faure

Françoise Férat

André Ferrand

Hilaire Flandre

Gaston Flosse

Alain Fouché

Jean-Pierre Fourcade

Bernard Fournier

Serge Franchis

Philippe François

Jean François-Poncet

Yves Fréville

Yann Gaillard

René Garrec

Christian Gaudin

Jean-Claude Gaudin

Philippe de Gaulle

Gisèle Gautier

Patrice Gélard

André Geoffroy

Alain Gérard

François Gerbaud

Charles Ginésy

Francis Giraud

Paul Girod

Daniel Goulet

Jacqueline Gourault

Alain Gournac

Adrien Gouteyron

Francis Grignon

Louis Grillot

Georges Gruillot

Charles Guené

Michel Guerry

Hubert Haenel

Françoise Henneron

Marcel Henry

Pierre Hérisson

Daniel Hoeffel

Jean-François Humbert

Jean-Jacques Hyest

Pierre Jarlier

Bernard Joly

Jean-Marc Juilhard

Roger Karoutchi

Joseph Kergueris

Christian

de La Malène

Jean-Philippe Lachenaud

Pierre Laffitte

Lucien Lanier

Jacques Larché

Gérard Larcher

André Lardeux

Robert Laufoaulu

René-Georges Laurin

Jean-René Lecerf

Dominique Leclerc

Jacques Legendre

Jean-François

Le Grand

Serge Lepeltier

Philippe Leroy

Marcel Lesbros

Valérie Létard

Gérard Longuet

Jean-Louis Lorrain

Simon Loueckhote

Roland du Luart

Brigitte Luypaert

Max Marest

Philippe Marini

Pierre Martin

Jean Louis Masson

Serge Mathieu

Michel Mercier

Lucette

Michaux-Chevry

Jean-Luc Miraux

Louis Moinard

René Monory

Aymeri

de Montesquiou

Dominique Mortemousque

Jacques Moulinier

Georges Mouly

Bernard Murat

Philippe Nachbar

Paul Natali

Philippe Nogrix

Nelly Olin

Joseph Ostermann

Georges Othily

Jacques Oudin

Monique Papon

Anne-Marie Payet

Michel Pelchat

Jacques Pelletier

Jean Pépin

Jacques Peyrat

Xavier Pintat

Bernard Plasait

Jean-Marie Poirier

Ladislas Poniatowski

André Pourny

Jean Puech

Henri de Raincourt

Victor Reux

Charles Revet

Henri Revol

Henri de Richemont

Philippe Richert

Yves Rispat

Josselin de Rohan

Roger Romani

Janine Rozier

Bernard Saugey

Jean-Pierre Schosteck

Bruno Sido

Daniel Soulage

Louis Souvet

Yannick Texier

Michel Thiollière

Henri Torre

René Trégouët

André Trillard

François Trucy

Maurice Ulrich

Jacques Valade

André Vallet

Jean-Marie Vanlerenberghe

Alain Vasselle

Jean-Pierre Vial

Xavier de Villepin

Serge Vinçon

Jean-Paul Virapoullé

François Zocchetto

Abstentions

Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin, Dominique Larifla.

N'ont pas pris part au vote

Philippe Adnot, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Bernard Seillier, Alex Türk.

N'ont pas pris part au vote

Christian Poncelet, président du Sénat, et Guy Fischer, qui présidait la séance.

Les nombres annoncés en séance avaient été de :


Nombre de votants : 315
Nombre de suffrages exprimés : 307
Majorité absolue des suffrages exprimés : 154
Pour : 106
Contre : 201
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 134)

sur les amendements n° 50, n° 142 rectifié bis, n° 184 et n° 245, respectivement présentés par M. François Zocchetto au nom de la commission des lois, M. Gérard Delfau et plusieurs de ses collègues, M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, Mme Nicole Borvo et plusieurs de ses collègues, tendant à supprimer l'article 16 sexies du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (interruption involontaire de grossesse).


Nombre de votants : 312
Nombre de suffrages exprimés : 310
Pour : 310
Contre : 0
Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :

Pour : 22.

N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Guy Fischer, qui présidait la séance.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (29) :

Pour : 25.

Abstentions : 2. _ M. Pierre Fauchon et Mme Gisèle Gautier.

N'ont pas pris part au vote : 2. _ MM. Nicolas About et Jean-Paul Amoudry.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN : (17)

Pour : 17.

GROUPE SOCIALISTE (83) :

Pour : 83.

GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (164) :

Pour : 163.

N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :

N'ont pas pris part au vote : 5.

Ont voté pour

Jean-Paul Alduy

Nicolas Alfonsi

Michèle André

Pierre André

Bernard Angels

Philippe Arnaud

Jean Arthuis

Henri d'Attilio

Bertrand Auban

François Autain

Jean-Yves Autexier

Robert Badinter

Denis Badré

Gérard Bailly

José Balarello

Gilbert Barbier

Bernard Barraux

Jacques Baudot

Jean-Michel Baylet

Marie-Claude Beaudeau

Marie-France Beaufils

Michel Bécot

Jean-Pierre Bel

Jacques Bellanger

Claude Belot

Maryse Bergé-Lavigne

Daniel Bernardet

Roger Besse

Jean Besson

Laurent Béteille

Pierre Biarnès

Danielle Bidard-Reydet

Joël Billard

Claude Biwer

Jean Bizet

Jacques Blanc

Paul Blanc

Marie-Christine Blandin

Maurice Blin

Annick Bocandé

Didier Borotra

Nicole Borvo

Didier Boulaud

Joël Bourdin

Brigitte Bout

André Boyer

Jean Boyer

Yolande Boyer

Jean-Guy Branger

Gérard Braun

Dominique Braye

Robert Bret

Paulette Brisepierre

Louis de Broissia

Claire-Lise Campion

Jean-Pierre Cantegrit

Jean-Claude Carle

Jean-Louis Carrère

Ernest Cartigny

Auguste Cazalet

Bernard Cazeau

Charles

Ceccaldi-Raynaud

Monique

Cerisier-ben Guiga

Gérard César

Gilbert Chabroux

Michel Charasse

Jacques Chaumont

Jean Chérioux

Marcel-Pierre Cléach

Jean Clouet

Christian Cointat

Yvon Collin

Gérard Collomb

Yves Coquelle

Gérard Cornu

Raymond Courrière

Roland Courteau

Jean-Patrick Courtois

Yves Dauge

Annie David

Marcel Debarge

Robert Del Picchia

Gérard Delfau

Jean-Pierre Demerliat

Michelle Demessine

Fernand Demilly

Christian Demuynck

Marcel Deneux

Gérard Dériot

Rodolphe Désiré

Yves Détraigne

Evelyne Didier

Eric Doligé

Claude Domeizel

Jacques Dominati

Michel Doublet

Michel

Dreyfus-Schmidt

Paul Dubrule

Alain Dufaut

André Dulait

Ambroise Dupont

Jean-Léonce Dupont

Hubert Durand-Chastel

Josette Durrieu

Bernard Dussaut

Louis Duvernois

Daniel Eckenspieller

Jean-Paul Emin

Jean-Paul Emorine

Michel Esneu

Claude Estier

Jean-Claude Etienne

Jean Faure

Françoise Férat

André Ferrand

Hilaire Flandre

Gaston Flosse

François Fortassin

Thierry Foucaud

Alain Fouché

Jean-Pierre Fourcade

Bernard Fournier

Serge Franchis

Philippe François

Jean François-Poncet

Jean-Claude Frécon

Yves Fréville

Bernard Frimat

Yann Gaillard

René Garrec

Christian Gaudin

Jean-Claude Gaudin

Philippe de Gaulle

Charles Gautier

Patrice Gélard

André Geoffroy

Alain Gérard

François Gerbaud

Charles Ginésy

Francis Giraud

Paul Girod

Jean-Pierre Godefroy

Daniel Goulet

Jacqueline Gourault

Alain Gournac

Adrien Gouteyron

Francis Grignon

Louis Grillot

Georges Gruillot

Charles Guené

Jean-Noël Guerini

Michel Guerry

Hubert Haenel

Claude Haut

Françoise Henneron

Marcel Henry

Pierre Hérisson

Odette Herviaux

Daniel Hoeffel

Jean-François Humbert

Jean-Jacques Hyest

Pierre Jarlier

Bernard Joly

Alain Journet

Jean-Marc Juilhard

Roger Karoutchi

Joseph Kergueris

Yves Krattinger

Christian

de La Malène

André Labarrère

Philippe Labeyrie

Jean-Philippe Lachenaud

Pierre Laffitte

Serge Lagauche

Roger Lagorsse

Lucien Lanier

Jacques Larché

Gérard Larcher

André Lardeux

Dominique Larifla

Robert Laufoaulu

René-Georges Laurin

Gérard Le Cam

Jean-René Lecerf

Dominique Leclerc

Jacques Legendre

Jean-François

Le Grand

André Lejeune

Serge Lepeltier

Louis Le Pensec

Philippe Leroy

Marcel Lesbros

Valérie Létard

Claude Lise

Gérard Longuet

Paul Loridant

Jean-Louis Lorrain

Simon Loueckhote

Roland du Luart

Hélène Luc

Brigitte Luypaert

Philippe Madrelle

Jacques Mahéas

Jean-Yves Mano

François Marc

Max Marest

Philippe Marini

Pierre Martin

Jean-Pierre Masseret

Marc Massion

Jean Louis Masson

Serge Mathieu

Josiane Mathon

Pierre Mauroy

Michel Mercier

Louis Mermaz

Lucette

Michaux-Chevry

Gérard Miquel

Jean-Luc Miraux

Louis Moinard

René Monory

Aymeri

de Montesquiou

Michel Moreigne

Dominique Mortemousque

Jacques Moulinier

Georges Mouly

Bernard Murat

Roland Muzeau

Philippe Nachbar

Paul Natali

Philippe Nogrix

Nelly Olin

Joseph Ostermann

Georges Othily

Jacques Oudin

Monique Papon

Jean-Marc Pastor

Anne-Marie Payet

Michel Pelchat

Jacques Pelletier

Guy Penne

Jean Pépin

Daniel Percheron

Jacques Peyrat

Jean-Claude Peyronnet

Jean-François Picheral

Xavier Pintat

Bernard Piras

Jean-Pierre Plancade

Bernard Plasait

Jean-Marie Poirier

Ladislas Poniatowski

André Pourny

Danièle Pourtaud

Gisèle Printz

Jean Puech

Henri de Raincourt

Jack Ralite

Daniel Raoul

Paul Raoult

Daniel Reiner

Ivan Renar

Victor Reux

Charles Revet

Henri Revol

Henri de Richemont

Philippe Richert

Roger Rinchet

Yves Rispat

Josselin de Rohan

Roger Romani

Gérard Roujas

André Rouvière

Janine Rozier

Michèle San Vicente

Bernard Saugey

Claude Saunier

Jean-Pierre Schosteck

Michel Sergent

Bruno Sido

René-Pierre Signé

Daniel Soulage

Louis Souvet

Jean-Pierre Sueur

Simon Sutour

Odette Terrade

Michel Teston

Yannick Texier

Michel Thiollière

Jean-Marc Todeschini

Henri Torre

René Trégouët

Pierre-Yvon Trémel

André Trillard

François Trucy

Maurice Ulrich

Jacques Valade

André Vallet

Jean-Marie Vanlerenberghe

André Vantomme

Alain Vasselle

Paul Vergès

André Vézinhet

Jean-Pierre Vial

Marcel Vidal

Xavier de Villepin

Serge Vinçon

Jean-Paul Virapoullé

Henri Weber

François Zocchetto

Abstentions

Pierre Fauchon, Gisèle Gautier.

N'ont pas pris part au vote

Nicolas About, Philippe Adnot, Jean-Paul Amoudry, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Bernard Seillier, Alex Turk.

N'ont pas pris part au vote

Christian Poncelet, président du Sénat, et Guy Fischer, qui présidait la séance.

Les nombres annoncés en séance avaient été de :


Nombre de votants : 314
Nombre de suffrages exprimés : 312
Majorité absolue des suffrages exprimés : 157
Pour : 312
Contre : 0
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.