PRÉSIDENCE DE M. Serge Vinçon

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à la charte de l'environnement.

Demande de renvoi à la commission

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle relatif à la Charte de l'environnement
Art. 1er

M. le président. Je suis saisi, par M. Saunier et les membres du groupe socialiste et apparenté, d'une motion n° 2, tendant au renvoi à la commission.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale le projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la charte de l'environnement (n° 329, 20032004).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n'est admise.

La parole est à M. Claude Saunier, auteur de la motion.

M. Claude Saunier. Monsieur le président, messieurs les ministres - j'hésite à dire « mes chers collègues », car je pourrais m'adresser individuellement à chacun d'entre vous, tant je suis obligé de constater, en ce début de soirée, que l'hémicycle du Sénat est relativement peu garni (Exclamations sur les travées de l'UMP) - mon intervention se situera dans le droit-fil du débat qui s'est engagé cet après-midi.

Je voudrais souligner le caractère exceptionnel de cette discussion, du fait non seulement de sa richesse, de la liberté de ton de tous les intervenants et du sérieux de leurs propos, mais aussi - ce qui est assez rare dans nos assemblées - de la transversalité des convergences qui se sont exprimées dans les propos des uns et des autres.

Convergence, voilà le mot qui me semble le mieux résumer les échanges de cet après-midi : convergence sur la reconnaissance de l'importance majeure du dossier de l'environnement, sur lequel aucune nuance ne peut être intégrée ; convergence sur l'analyse des faits et sur les menaces terribles qui altèrent les équilibres de notre planète ; convergence sur la responsabilité des activités humaines dans la dégradation de l'environnement ; convergence sur la nécessité, pour la génération actuelle, d'enrayer les altérations de l'environnement que subiront les générations futures ; convergence sur l'obligation de mettre en oeuvre concrètement les politiques qui préserveront l'environnement demain ; enfin, convergence sur la nécessité de l'intégration de la référence environnementale dans les dispositifs juridiques, intégration renforcée par un positionnement constitutionnel clair.

Mais, au-delà de ces convergences multiples qui traduisent - enfin - une prise de conscience des risques environnementaux annoncés depuis des décennies par les scientifiques et dénoncés par les associations le plus souvent dans l'indifférence générale, d'autres points se dégagent du débat de cet après-midi.

On a le sentiment - c'est le premier constat - que ce dossier de l'environnement est d'une grande complexité, qui dépasse d'ailleurs ce que l'on peut imaginer ou lire dans certains articles, souvent réducteurs. Cette complexité suscite de multiples questions d'ordre scientifique, économique, sociétal, culturel, voire philosophique.

Les échanges qui ont eu lieu sur les rôles respectifs de l'homme et de la nature étaient, de ce point de vue, tout à fait intéressants, même s'ils n'ont pas débouché sur des propositions juridiques précises.

Voilà autant de questions qui appellent des clarifications, voire des arbitrages, sur leur caractère politique au sens le plus fort du terme.

On a également le sentiment très fort - c'est le second constat, celui qui traduit le plus justement la grande majorité des interventions de cet après-midi - d'une inadaptation du montage constitutionnel, j'allais dire du bricolage, qui est proposé par le Gouvernement : inadaptation dans l'utilisation de la charte pour l'environnement, qui est un texte de qualité mais qui, à l'évidence, n'est pas destiné à une fonction constitutionnelle, à laquelle ses auteurs n'avaient pas pensé ; inadaptation particulière, dans cette fonction constitutionnelle, d'un texte de caractère scientifique et philosophique, qui peut être, dans le cadre constitutionnel, jugé emphatique - n'est-ce pas, monsieur Badinter ? -, voire suffisant ; inadaptation d'un appareil juridique sommaire par nature, qui ouvre la voie - on l'a entendu à de multiples reprises - à des interprétations incertaines, donc à des contentieux multiples.

A l'impression d'une inadaptation du texte s'ajoute le sentiment très vif, exprimé par les parlementaires de tous horizons, d'une confiscation ou d'un abandon de la mission qui est la leur : faire la loi, élaborer la Constitution.

De ce point de vue, l'affirmation de la nécessité d'un vote conforme, qui prive totalement le Sénat de tout rôle législatif, a été ressenti très négativement par la majorité des sénateurs, toutes sensibilités confondues.

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

M. Claude Saunier. Il vous faut donc reconnaître, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs, qu'au terme de plusieurs heures de discussion générale le Sénat a exprimé massivement et collectivement un trouble réel devant ce projet de loi constitutionnelle et devant la méthode de travail qui a été retenue.

Ce trouble a pris une dimension particulière sur la question sensible - je dirai même centrale - du principe de précaution.

Je ne reprendrai pas ici les multiples interrogations, objections et mises en garde formulées par les uns et par les autres. Fondées ou non, ces questions existent. Elles appellent de votre part des réponses précises. Elles signifient, par leur répétition - et souvent par leur pertinence -, que le texte de loi constitutionnelle qui nous est présenté est loin d'être abouti. Il appelle des améliorations, des clarifications, pour atteindre enfin le niveau de rigueur et de pertinence que doit avoir un texte constitutionnel.

Cela signifie, concrètement, que le débat de cet après-midi doit conduire le Gouvernement non pas à renoncer à son projet légitime d'inscrire l'environnement comme l'une des références de notre Constitution, mais à modifier sa méthode de travail.

A l'évidence, un approfondissement du texte est nécessaire et un travail parlementaire complémentaire s'impose. C'est le souhait d'un grand nombre de sénateurs.

Les considérations politiciennes subalternes - tenant notamment au calendrier - doivent s'effacer devant l'enjeu d'un acte politique majeur pour la vie de notre pays.

Un accord historique de l'ensemble des groupes de notre assemblée serait, me semble-t-il, possible si le Gouvernement acceptait d'adapter sa méthode de travail.

C'est la raison pour laquelle, ayant suivi avec attention comme vous tous le débat de cet après-midi, je vous demande, au nom du groupe socialiste et en vertu du principe de précaution appliqué au champ politique, de voter la motion n° 2 tendant au renvoi à la commission. Ce renvoi me semble en effet indispensable pour revoir un texte qui est pertinent et dont l'objectif est louable, mais qui mérite d'être amélioré. C'est ce que nos concitoyens attendent, c'est ce que commande l'enjeu majeur de cette réflexion sur la place de l'environnement dans notre société. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'ai écouté avec beaucoup d'attention l'exposé de notre collègue Claude Saunier, et je dois dire que je partage totalement la première partie de son intervention.

En revanche, je suis en désaccord avec sa conclusion, pour plusieurs raisons.

Premièrement, cette charte qui nous est présentée aujourd'hui n'est pas le résultat du hasard ou de la volonté politique de tel ou tel. Elle a fait l'objet d'un grand débat public préalable et a donné lieu à la mise en place d'une commission nationale composée de personnalités indiscutables. Le Conseil d'Etat et le Conseil économique et social ont donné leur avis. L'Assemblée nationale l'a examinée. Nous en avons fait de même au Sénat, où nous avons procédé à un très grand nombre d'auditions, qui ont été extrêmement positives et nous ont permis de nous rendre compte que cette charte n'était pas si mauvaise que certains voudraient le faire croire.

Deuxièmement, il faut « briser le cou » une fois pour toutes à cette rumeur selon laquelle, lorsque nous adoptons un texte conforme, nous ne respectons pas nos engagements de législateur ou de Constituant.

M. Jean-Pierre Sueur. Cela vous a touché !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je suis désolé : quand un texte est bon, il n'y a aucune raison de le remettre en cause au nom de je ne sais quel principe !

M. Jean-Pierre Sueur. L'argument vous a touché !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je vous en prie, monsieur Sueur ! Vous pourrez prendre la parole ultérieurement ; pour l'instant, c'est moi qui interviens !

Lorsque la commission compétente, après avoir été éclairée par de multiples avis, estime qu'un texte est bon, il n'y a aucune raison, au nom d'un prétendu principe selon lequel nous ne devrions pas adopter un texte conforme, de ne pas l'adopter conforme.

La meilleure preuve, c'est que c'est à l'issue du débat que le Sénat décidera ou non d'adopter le texte conforme. C'est la démocratie : nous, sénateurs, ne sommes pas obligés de remettre en cause constamment ce qu'a décidé l'autre chambre ! Il en est d'ailleurs de même pour l'Assemblée nationale : elle n'est pas obligée de contester systématiquement ce que le Sénat décide lorsqu'il adopte un texte en première lecture.

Cela dit, j'ai écouté attentivement le débat de cet après-midi, et j'ai été frappé par le nombre considérable d'épouvantails qui ont été agités par les uns et les autres. Ces derniers ne sont pas fondés parce que, trop souvent, une confusion totale a été faite entre le principe de prévention et le principe de précaution : les exemples que l'on nous a cités ne concernent pas la plupart du temps le principe de précaution.

Ensuite, on oublie que, ainsi que les rapports de nos commissions et les consultations juridiques auxquelles nous avons procédé le démontrent, la situation juridique présente est beaucoup plus inconfortable que celle que nous allons créer puisque, à l'heure actuelle, on laisse la porte ouverte à la jurisprudence du Conseil d'Etat ou de la Cour de Cassation.

M. Michel Charasse. Cela ne rassure pas !

M. Patrice Gélard, rapporteur. En effet, mon cher collègue, mais le texte qui nous est soumis aujourd'hui permet d'encadrer, de définir le droit !

Nous avons, Jean Bizet et moi-même, effectué un travail d'analyse approfondi. Relisez nos rapports !

M. Michel Charasse. Remarquables rapports !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Tout y a été étudié de façon exhaustive.

En réalité, monsieur Saunier, vos objections ne sont pas fondées juridiquement, parce que le présent texte est bien préférable à la situation que nous connaissons à l'heure actuelle.

Par ailleurs, les autres préoccupations que vous avez mentionnées, notamment celles qui concernent le calendrier, ne sont pas les mêmes que les nôtres, je le reconnais. Cependant, nous convenons tous dans cette enceinte - cela a été dit sur toutes les travées - que l'environnement doit être consacré dans notre Constitution. Nous divergeons parfois sur la méthode, mais, en l'occurrence, celle qui nous est proposée aujourd'hui me paraît saine et bonne.

Je suis convaincu que, dans vingt ou trente ans, lorsque vos enfants ou vos petits-enfants siégeront dans cette enceinte à notre place,...

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est plus héréditaire, monsieur Gélard ! Ce n'est plus la royauté !

M. Patrice Gélard, rapporteur ... à ce moment-là, la charte de 2004 aura enfin acquis le poids que l'on est en droit d'attendre.

Le travail que nous avons accompli, les uns et les autres, nous a permis d'évoluer, de comprendre un texte qui est effectivement délicat, de saisir toutes ses implications juridiques, s'agissant à la fois du préambule et des articles de la charte.

La conclusion à laquelle nous sommes parvenus, avec Jean Bizet - et nous en avons convaincu nos commissions respectives -, est que le présent projet de loi constitutionnelle est un texte intéressant, valable et important pour les générations futures.

J'émets donc un avis défavorable sur la motion tendant au renvoi à la commission d'un texte de cette importance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. S'agissant d'une motion de renvoi à la commission, permettez-moi de revenir quelques instants sur les conditions de préparation et de discussion du présent projet de loi constitutionnelle

Préalablement à tout travail ministériel ou parlementaire, je rappelle que la commission Coppens a mené une réflexion en profondeur avec des scientifiques, des juristes, des représentants d'associations, des élus politiques, pour décanter le sujet et définir un certain nombre de lignes directrices.

Ensuite, se sont tenues les assises régionales de l'environnement, qui se sont révélées très intéressantes. Pour avoir participé moi-même à un certain nombre d'entre elles, j'ai été extrêmement surpris de leur richesse et de la mobilisation de nombreux acteurs de la société civile sur ce sujet.

Puis le projet de loi a été présenté au conseil des ministres, voilà déjà un an, et le travail a été poursuivi au sein des différentes commissions parlementaires et lors du débat à l'Assemblée nationale.

J'ai observé que, au sein des commissions du Sénat, de multiples auditions ont permis à nombre de personnalités de s'exprimer.

Aujourd'hui, notre réflexion sur le présent texte est donc parvenue à maturité. Il me paraîtrait étonnant, dans ces conditions, de renvoyer ce projet de loi à la commission au moment où s'ouvre le débat devant votre assemblée, comme si tout ce travail n'avait pas été effectué.

M. Pierre Fauchon. Je demande la parole pour explication de vote.

M. le président. Monsieur Fauchon, je vous rappelle que, aux termes de l'article 44, alinéa 8, du règlement, aucune explication de vote n'est admise

Je mets aux voix la motion n° 2, tendant au renvoi à la commission.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 174 :

Nombre de votants313
Nombre de suffrages exprimés285
Majorité absolue des suffrages exprimés143
Pour l'adoption87
Contre 198

Le Sénat n'a pas adopté.

En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Demande de renvoi à la commission
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle relatif à la Charte de l'environnement
Art. additionnel après l'art. 1er

Article 1er

Le premier alinéa du Préambule de la Constitution est complété par les mots : «, ainsi qu'aux droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement de 2004 ».

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'examen de cet article 1er, relatif au premier alinéa du préambule de la Constitution, me donne l'occasion de revenir sur l'esprit dans lequel nous abordons ce projet de loi constitutionnelle.

Nous sommes partisans d'une modification de la Constitution, mais nous considérons que la charte qui nous est proposée aujourd'hui doit donner lieu non seulement à un débat, mais aussi à d'éventuelles modifications.

L'argumentation présentée à deux reprises par M. le rapporteur à cet égard n'est pas convaincante, et elle ne peut être laissée sans réponse.

Vous nous dites, monsieur le rapporteur, que le vote conforme est parfaitement démocratique, puisqu'il est prévu par la Constitution. Nous ne contestons pas ce point.

Vous ajoutez que, si un texte a atteint un haut niveau de perfection et d'excellence, le vote conforme s'impose puisque, par définition, il est impossible de faire mieux. Le Sénat aura donc raison, dans sa grande sagesse, de le voter conforme...

Toutefois, cet argument, que je comprends au demeurant, ne tient pas, et vous le savez très bien. En effet, lors de nos travaux en commission des lois, nombre de collègues, de toutes tendances politiques, ont formulé des réserves très fortes sur ce texte.

Cet après-midi encore, lors de la discussion générale, M. Badinter a excellemment démontré que certains considérants n'ont véritablement pas lieu d'être dans ce texte.

Notre collègue M. Charasse a utilisé, quant à lui, une autre méthode, que je tiens à saluer, pour montrer les problèmes que soulève l'introduction dans la Constitution de considérations qui n'ont rien à y faire.

Prenons l'exemple du premier considérant, sur lequel nous reviendrons dans la suite de la discussion :

« Le peuple français,

« Considérant,

« Que les ressources et les équilibres naturels ont conditionné l'émergence de l'humanité ; »

M. Michel Charasse. Qu'en sait le peuple français ?

M. Jean-Pierre Sueur. Franchement, chacun voit bien que cette première remarque sur « l'émergence de l'humanité » pourrait susciter de multiples discours et considérations !

Aucune obligation ne s'impose au peuple français de prendre position, dans un texte constitutionnel, sur les origines de l'humanité ! Chaque citoyen peut légitimement avoir son avis, ses conceptions, ses doutes, ses interrogations sur ce sujet !

Il n'y a donc aucun sens à inclure dans la Constitution des considérations de ce type. Et je pourrai citer d'autres exemples qui montrent qu'elles n'y ont pas leur place, qu'elles ne sont ni pertinentes ni opportunes.

Dès lors, il est impossible de dire que le texte a atteint le niveau de la perfection, et votre argumentation sur le vote conforme ne tient pas debout. Elle ne peut s'appliquer à certains aspects du texte, notamment à celui que je viens de souligner.

Il serait très grave de laisser de côté des objections de diverses natures, qu'elles soient philosophiques, éthiques, politiques ou scientifiques, au motif d'un d'impératif catégorique - comme disait Emmanuel Kant,...

M. René Garrec, président de la commission. de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C'est bien connu ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. ... que j'ai d'ailleurs quelque scrupule à mêler à cette affaire... -, qui commanderait que le texte soit voté avant le 14 juillet !

Mes chers collègues, l'enjeu est tel - vous avez parlé des enfants, des petits-enfants et des arrière-petits-enfants - que nous pourrions prendre quelques semaines supplémentaires pour travailler sur ce sujet et, en l'espèce, le dogme du vote conforme n'a aucune pertinence. (M. Michel Charasse applaudit.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 37, présenté par MM. Badinter,  Saunier,  Sueur,  Marc,  Miquel,  Dreyfus-Schmidt et  Roujas, Mme M. André et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

« Avant la dernière phrase de l'article 1er de la Constitution, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Elle préserve et améliore la qualité de l'environnement. »

La parole est à M. Robert Badinter.

M. Robert Badinter. Je l'ai dit au cours de la discussion générale, nous ne devons pas adosser - je laisse de côté la signification de ce terme -, nous ne devons pas mettre sur le même plan la grande Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le préambule de 1946 et le texte que nous sommes en train d'examiner, un texte qui a ses mérites, certes, mais qui a aussi ses limites.

Je n'ai pas besoin de rappeler dans cette assemblée qu'il existe des textes constitutionnels qui résonnent dans l'histoire de France de toute la douleur et de toute la souffrance qui les ont précédés.

Quand, en 1789, les grands Constituants ont proclamé la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, des hommes étaient morts dans les semaines qui précédaient pour déclencher la Révolution française. Il ne s'agit pas là d'un texte élaboré dans un laboratoire par une commission scientifique, aussi respectable soit-elle ! Ce texte résonne de siècles d'humiliation, d'oppression, de servitude auxquels les grands Constituants ont mis fin !

C'est la même chose pour le préambule de 1946. Il est issu de la Résistance ; il est issu de la France combattante ; il est issu de tous les malheurs de l'Occupation et du rêve d'une République nouvelle ! Voilà ce dont résonnent ces textes !

Celui dont nous débattons aujourd'hui est certes le fruit d'un discours honorable, d'une préoccupation légitime d'un candidat à la présidence de la République, mais vous ne pouvez pas, mes chers collègues, le mettre au même niveau de valeur constitutionnelle que les textes que j'ai cités.

Que l'on protège dans la Constitution -  et je suis le premier à le dire - le droit à la sauvegarde de l'environnement, c'est normal, car notre époque l'exige, mais il ne faut pas qu'on l'ajuste, qu'on le rive, qu'on le soude aux textes les plus importants et, je dirais même, les plus douloureux de notre histoire constitutionnelle.

S'agissant de l'amendement n° 37, il vise à compléter l'article 1er de la Constitution, s'il ne nous apporte pas toutes les satisfactions que nous recherchons. Il s'agit de la définition de la République et de la France.

« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. » Nous ne le rappellerons jamais assez, c'est une noble et grande proposition. « Elle respecte toutes les croyances. » Nous demandons simplement, clairement, précisément que soit ajoutée cette seule phrase : « Elle préserve et améliore la qualité de l'environnement. » Avec cette phrase, vous avez tout dit, et vous pouvez alors ajouter : « Son organisation est décentralisée. »

Voilà où doit être inséré ce texte dans l'article 1er, et ne poussons pas l'ubris jusqu'à vouloir rivaliser, comme je l'ai dit, avec les grands Constituants et les grands Résistants de 1946 ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par MM. Fauchon,  Zocchetto et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit cet article :

« Le premier alinéa du Préambule de la Constitution est complété par les mots suivants : «, ainsi qu'aux droits et devoirs nécessaires à la protection de la santé et de l'environnement par application du principe de précaution tels que définis par une loi organique portant Charte de l'environnement. »

La parole est à M. Pierre Fauchon.

M. Pierre Fauchon. Au cours de la discussion générale, je me suis déjà expliqué sur la raison d'être de cet amendement. Je rejoins partiellement les explications de notre collègue Robert Badinter, même si le fait d'inscrire le principe de protection de l'environnement dans notre Constitution ne me semble pas si choquant.

Nous ne sommes pas, bien évidemment, dans des situations aussi dramatiques que celles que M. Badinter a évoquées, mais le problème de l'environnement est, lui, dramatique. Nous sommes donc fondés à l'inscrire dans la Constitution, mais encore faut-il savoir de quelle manière.

J'ai été tenté tout à l'heure de voter en faveur de la motion tendant au renvoi du texte en commission, mais je me suis souvenu, en temps utile, que la commission avait décidé, d'une manière tout à fait remarquable, de voter ce projet de loi constitutionnelle conforme, non pas qu'il soit parfait, mais M. le rapporteur - son ange gardien semble le chatouiller un peu ! (Sourires.) - se contente de dire qu'il n'est pas trop mauvais, qu'il est plutôt bon, et que cela suffit pour que nous ne nous lamentions pas. En voyante extralucide, la commission a décidé de le voter conforme avant même d'avoir eu connaissance des amendements extérieurs. Cette attitude décourage complètement toute démarche démocratique puisque l'on sait d'avance que ces amendements ne peuvent rien apporter, et l'amendement n° 5 en fait partie.

Néanmoins, pour les raisons qui ont été exposées à plusieurs reprises, je continue de penser qu'il est inconvenant, choquant, ridicule et dangereux d'inscrire un si long texte dans notre Constitution. Il faut se contenter d'une formule brève, et celle que nous proposons est un peu plus complète que celle qui vient de nous être soumise par M. Badinter.

Permettez-moi, mes chers collègues, de vous en donner lecture : « Le premier alinéa du Préambule de la Constitution est complété par les mots suivants : «, ainsi qu'aux droits et devoirs nécessaires à la protection de la santé et de l'environnement par application du principe de précaution tels que définis par une loi organique portant Charte de l'environnement. »

L'essentiel est énoncé, à savoir les droits et les devoirs nécessaires à la protection de l'environnement. Nous avons cru bon d'y ajouter la santé. M. le rapporteur me rétorquera sans doute tout à l'heure qu'elle est déjà inscrite dans la Constitution, mais nous n'en sommes pas à une répétition près. D'ailleurs, si M. le rapporteur souhaite sous-amender mon amendement pour supprimer cette référence, je lui donne d'ores et déjà ma bénédiction et mon accord. (Sourires.)

En revanche, nous introduisons ici l'idée du principe de précaution. Pour l'essentiel, nous inscrivons dans la Constitution ce que vous voulez y mettre, et rien de plus. Inscrire ce long développement, c'est non seulement malvenu mais, en plus, c'est dangereux.

En effet, dans ces matières incertaines, bien que ce texte ne soit pas trop mauvais, il est évident que des défauts apparaîtront rapidement et que nous souhaiterons les corriger. Par définition, s'agissant d'un texte constitutionnel, on pourra le faire moins facilement que pour une loi. Il est donc prudent, lorsque l'on adopte des textes, de se réserver la possibilité de les corriger, surtout lorsqu'ils sont aussi longs et aussi alambiqués.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaiterions que vous adoptiez cet amendement, mes chers collègues.

M. le président. L'amendement n° 38, présenté par MM. Badinter,  Saunier,  Sueur,  Marc,  Miquel,  Dreyfus-Schmidt et  Roujas, Mme M. André et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Supprimer in fine la référence :

"de 2004". »

La parole est à Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. La référence à l'année 2004 nous semble parfaitement incongrue. On peut en effet s'étonner que la charte de l'environnement soit datée, alors que ce texte, si nous le comprenons bien, a vocation à avoir une valeur générale.

M. Michel Charasse. Eternelle !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je répondrai tout d'abord de façon globale aux deux premiers orateurs.

Notre Constitution, je le rappelle, n'est pas faite comme les autres constitutions. En effet, toutes les dispositions relatives aux droits et libertés figurent non pas dans le texte de la Constitution, mais dans des textes à part, alors que les constitutions modernes y consacrent un chapitre ou une partie plus importante.

Par conséquent, inscrire dans notre Constitution des dispositions relatives aux droits et libertés romprait l'équilibre du texte de 1958, qui, en la matière, renvoie à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et au préambule de 1946.

Ces textes aussi importants soient-ils - à cet égard, j'ai été sensible à l'argumentation du président Badinter - ne sont pas forcément des textes immuables à perpétuité ; il faut les moderniser et les adapter. Il ne viendrait bien entendu à l'esprit de personne de modifier la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ni même le préambule de 1946. En revanche, rien ne nous interdit de prévoir, à côté, des dispositions qui concernent directement les droits et libertés fondamentales.

J'en viens à l'amendement n° 37.

La rédaction proposée par M. Badinter est nettement plus faible que celle qui est retenue dans la charte, car elle ne reconnaît pas à proprement parler un droit à l'environnement.

Dans le préambule de notre Constitution, la référence aux droits et devoirs proclamés dans la charte aux côtés de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et du préambule de 1946 a une force symbolique plus grande, tout en ayant une portée juridique identique à la proposition du groupe socialiste, puisque l'ensemble des principes affirmés dans la charte sera intégré au bloc de constitutionnalité.

Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.

J'en viens à l'amendement n° 5. Je ne répèterai pas ce que j'ai dit tout à l'heure mais, s'agissant de la référence à la protection de la santé, il convient de souligner que ce droit est déjà garanti par le onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946.

M. Pierre Fauchon. Vous sous-amendez donc mon amendement, monsieur le rapporteur ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Il ne semble donc pas nécessaire de le mentionner à nouveau.

Par ailleurs, il est réducteur de garantir le droit à l'environnement et le droit à la santé sur la seule base du principe de précaution. Dans la charte sont énoncés d'autres principes tout aussi importants et qui permettent d'assurer un véritable droit à l'environnement.

Comme je l'ai écrit dans mon rapport, l'article 1er et l'article 2 ne peuvent être compris qu'en liaison avec les articles 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 et 10 de la charte. Or, la rédaction qui nous est soumise est réductrice par rapport au texte de cette charte.

S'agissant de la mise en oeuvre des droits et devoirs liés à la protection de l'environnement, le renvoi à une loi organique avait, en effet, été évoqué par la commission Coppens. Cependant, il n'est pas satisfaisant pour trois raisons.

Tout d'abord, la loi organique a vocation à traiter de l'organisation des pouvoirs publics. C'est le cas de la quasi-totalité de nos lois organiques.

Ensuite, le renvoi à la loi organique conduirait nécessairement à une adoption en deux temps des principes fondamentaux liés à l'environnement, et ce aux dépens de la visibilité politique.

Enfin, et surtout, les principes énoncés dans une loi organique ne revêtiraient pas une force juridique comparable à celle que peuvent avoir les dispositions constitutionnelles.

C'est la raison pour laquelle je suis malheureusement obligé d'émettre un avis défavorable sur cet amendement.

Enfin, l'amendement n° 38 vise à supprimer la référence à l'année 2004.

Si la charte de l'environnement est adoptée en 2004, il s'agira de la charte de 2004 et non pas d'une charte intemporelle. En effet, dans le préambule de la Constitution, il faudra bien inscrire une référence datée.

La commission émet là encore un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Monsieur Badinter, chaque circonstance historique est bien entendu différente mais, en 2004, il ne me semble pas négligeable de prendre conscience de la fragilité de la planète. Ce n'est pas un détail, ce n'est pas une affaire secondaire.

Evidemment, il ne s'agit pas de la Révolution française, ni de la Libération de 1946, mais il s'agit de la prise de conscience par les responsables français d'un phénomène extraordinairement dangereux : notre planète est fragile et si les femmes et les hommes qui l'habitent ne la préservent pas, c'est leur existence même qui est en cause.

Toute la philosophie de cette charte repose sur l'écologie humaniste, c'est-à-dire l'environnement par rapport à l'homme. Or, l'homme est en train de comprendre qu'il peut détruire la planète et que lui-même, en tant qu'espèce humaine, peut donc être détruit. Il est essentiel de le dire avec solennité.

C'est pourquoi la charte de l'environnement a toute sa place dans le préambule de la Constitution, et la référence à l'année 2004, année où elle sera adoptée, est également très importante. Elle signifie que, dans l'histoire de notre République, dans l'histoire du monde, cette prise de conscience a eu lieu.

Pour ces raisons, le Gouvernement est donc défavorable aux amendements n°s 37 et 38.

S'agissant de l'amendement n° 5, en complément de ce qu'a dit M. le rapporteur, je veux exprimer ma réserve sur la démarche que vous proposez, monsieur Fauchon.

Les uns et les autres, nous y avons réfléchi, et la commission Coppens en a débattu : cette introduction dans le préambule de la Constitution est une procédure juridique plus simple, plus claire, plus protectrice aussi que le dispositif que vous suggérez, consistant à modifier la Constitution et à renvoyer à une loi organique.

De plus, le renvoi à une loi organique ne doit pas devenir - mais telle n'est pas votre démarche, monsieur Fauchon - une sorte de commodité pour, dans un premier temps, fixer un cadre, et, dans un second, aller plus dans le détail.

Dans la Constitution de 1958, la loi organique est le dispositif juridique réservé à l'organisation des pouvoirs publics. Il serait maladroit de l'utiliser autrement.

Je tiens également à insister sur le fait que la portée du texte serait différente. Sur ce point, les choses sont claires : il est inutile d'en débattre davantage.

C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 37.

M. Jean-Pierre Sueur. L'article 1er de la Constitution est, bien sûr, essentiel : voilà pourquoi nous estimons que c'est la juste place pour inscrire ce nouveau droit fondamental, imprescriptible, pour l'environnement.

Tous vos propos, monsieur le garde des sceaux, relatifs au fait qu'il est très important, aujourd'hui, d'inscrire ce droit dans la Constitution, parce que, d'une certaine façon, c'est l'avenir de l'espèce humaine qui est en jeu, sont autant d'arguments pour dire qu'il faut d'emblée poser ce droit au même titre que les grands principes, les grandes valeurs, les grands droits, les grandes protections figurant à l'article 1er de la Constitution.

Permettez-moi d'ajouter, à cet égard, un argument.

Pendant des semaines, des mois, nous avons débattu, dans cet hémicycle, de la réforme de la Constitution par rapport à la décentralisation : alors que nous proposions d'inscrire à une autre place, dans la Constitution, l'organisation décentralisée de la République, le Gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le garde des sceaux, a fait valoir son point de vue avec beaucoup d'insistance. Là encore, dans un premier temps, la commission des lois avait pensé différemment, mais - nécessité de vote conforme oblige ! - un beau jour, il nous a été dit que l'organisation décentralisée de la République devait figurer à l'article 1er de la Constitution.

Monsieur le garde des sceaux, à votre avis, n'est-il pas aussi important de poser le droit à la préservation de l'environnement que de poser le droit à une organisation décentralisée ?

Si vous estimez que l'organisation décentralisée est d'une importance telle qu'elle doit apparaître dès l'article 1er de la Constitution, quels arguments pourrez-vous invoquer pour justifier que le droit à l'environnement, alors que c'est le sort de la planète et de l'espèce humaine qui est en jeu, ne mérite pas, lui aussi, au même titre, et bien plus que l'organisation décentralisée, de figurer dans ledit article ?

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. Je souhaite rappeler que lorsque l'on vise, dans le préambule de la Constitution, et la déclaration de 1789 et le préambule de 1946, on vise un ensemble de droits.

La Déclaration des droits de l'homme de 1789 est le fondement de notre liberté politique. Loin de se résumer à un aspect de cette liberté politique, elle est un catalogue ; je dirais même, faisant référence à ce qu'en disaient les grands Républicains, que, plus qu'un catalogue, elle est un décalogue, mais elle ne se résume pas à dix articles !

Les rédacteurs du préambule de 1946 étaient animés par le même esprit : ils rêvaient d'une République sociale, ils rêvaient de donner aux Français sortant de la nuit de l'Occupation des droits nouveaux qui n'étaient pas garantis sous les républiques précédentes.

Cela concerne donc un ensemble de droits, les droits civils et politiques, les droits sociaux.

La charte de l'environnement ne se situe pas - pardonnez-moi de le dire - au même niveau. Ce n'est pas déprécier ou dévaluer l'importance du droit à la préservation de l'environnement que d'en juger ainsi.

Si vous nous proposiez - il faudrait que nous nous attelions tous à cette tâche - d'élaborer les « droits de la nouvelle génération » ou la « nouvelle génération des droits de l'homme », qui ne se résument pas à la seule protection de l'environnement, à la prise en compte des dangers pesant sur la planète, mais formulent des interdictions visant à protéger l'espèce humaine elle-même, mise en péril non seulement par la dégradation de l'environnement, mais aussi par bien d'autres menaces dont nous avons eu l'occasion, ici même, de traiter, quand nous parlions de bioéthique ou de clonage - de même, les atteintes à la dignité humaine ne figurent dans aucun des textes de 1789 ou de 1946 - alors, je vous dirais que la référence s'impose, puisqu'il s'agit d'une nouvelle catégorie des droits de l'homme, ceux que l'on appelle les « droits de la troisième génération ».

Mais ce n'est pas ce que vous faites.Vous en prenez un, fondamental, je le reconnais, mais pas plus que les autres, et c'est celui-là, et celui-là seul, que vous entendez consacrer à égalité avec ces grandes déclarations qui marquent notre histoire.

Cela ne va pas. C'est pourquoi - je le répète - sa place est dans l'article 1er, mais vous ne devez pas y inscrire le seul droit à la protection et à la sauvegarde de l'environnement en laissant de côté tous les autres droits de la troisième génération.

J'en viens à la référence au millésime 2004. Pardonnez-moi de dire que ceux qui ont rédigé, en 1789, la Déclaration des droits de l'homme, ne l'ont pas appelée « Déclaration des droits de l'homme de 1789 » - c'est l'histoire qui l'a dénommée ainsi - et que ceux qui ont élaboré le préambule de 1946 ne l'ont pas davantage intitulé « préambule de 1946 ».

Si, comme je le pense, vous parvenez à imposer, en quelque sorte, les vues élyséennes à l'Assemblée nationale et au Sénat, contentez-vous de la dénomination « charte de l'environnement » !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37.

Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission des lois et, l'autre, du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 175 :

Nombre de votants312
Nombre de suffrages exprimés286
Majorité absolue des suffrages exprimés144
Pour l'adoption88
Contre 198

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 5.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 176 :

Nombre de votants304
Nombre de suffrages exprimés279
Majorité absolue des suffrages exprimés140
Pour l'adoption128
Contre 151

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 38.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 177 :

Nombre de votants314
Nombre de suffrages exprimés287
Majorité absolue des suffrages exprimés144
Pour l'adoption88
Contre 199

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Art. 1er
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle relatif à la Charte de l'environnement
Art. 2 (début)

Article additionnel après l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 39, présenté par MM. Badinter, Saunier, Sueur, Marc, Miquel, Dreyfus-Schmidt et Roujas, Mme M. André et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

Après l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le titre premier de la Constitution du 4 octobre 1958, il est inséré un titre premier bis ainsi rédigé :

« Titre Premier bis

« De la sauvegarde et de l'amélioration de l'environnement

« Art. ... . - La Nation assure la sauvegarde d'un environnement équilibré et favorable à la santé.

« Art. ... . - En application du principe de prévention, toute personne doit s'abstenir de porter atteinte à l'environnement et lorsque son action entraîne des effets sur celui-ci, en limiter les conséquences dans les conditions définies par la loi.

« Art. ... . - En application du principe pollueur-payeur, toute personne doit réparer les dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi.

« Art. ... . - En application du principe de précaution, quand un risque de dommage à l'environnement, grave et irréversible a été identifié, sans qu'il puisse être établi avec certitude en l'état des connaissances scientifiques, l'Etat ainsi que les autres personnes morales de droit public mettent en oeuvre, selon leurs compétences, des procédures d'évaluation et prennent les mesures appropriées, dans les conditions définies par la loi.

« Art. ... . - En application du principe de participation, la loi détermine le droit pour toute personne d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par l'Etat ainsi que les autres personnes morales de droit public et de concourir à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement.

« Art. ... . - Les politiques publiques contribuent au développement durable. »

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Il s'agit d'un amendement de cohérence avec l'amendement que nous avons présenté à l'article 1er du projet de loi constitutionnelle.

Il tend à insérer dans la Constitution un titre 1er bis prenant en compte l'ensemble des éléments que le projet de loi constitutionnelle propose d'inscrire dans une charte. Nous considérons qu'il est en effet beaucoup plus pertinent de mentionner cet ensemble d'éléments dans le corps même de la Constitution.

Certes, ce que nous avons proposé d'inscrire à l'article 1er de la Constitution était succinct, cela nous a été reproché, mais cela répondait à la logique même de cet article.

En revanche, cet amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 1er vise, premièrement, à indiquer que « la nation assure la sauvegarde d'un environnement équilibré et favorable à la santé. » Cela nous paraît préférable à la formule du projet de loi constitutionnelle : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. » Il n'est en effet pas sans signification d'affirmer un devoir de la nation envers l'ensemble des citoyens.

Deuxièmement, cet amendement définit le principe de prévention de la manière suivante : « toute personne doit s'abstenir de porter atteinte à l'environnement et lorsque son action entraîne des effets sur celui-ci, en limiter les conséquences dans les conditions définies par la loi. »

Troisièmement, cet amendement tend à inscrire explicitement dans la Constitution le « principe pollueur-payeur ». Ce principe nous semble maintenant bien défini, clair : il a donc sa place dans la Constitution.

Quatrièmement, en ce qui concerne le principe de précaution, notre rédaction diffère de celle du projet de loi sur deux points. D'abord, au lieu de parler des « autorités publiques », il nous paraît plus juste de viser « l'Etat ainsi que les autres personnes morales de droit public ». C'est une précision rédactionnelle.

Sans les nécessités « soldatesques » auxquelles certains se trouvent contraints ou ont choisi de se soumettre eux-mêmes dans cet hémicycle, la rédaction pourrait véritablement être améliorée !

Point qui, pour nous, est tout à fait essentiel et qui constitue la seconde différence : nous indiquons que ce principe est mis en oeuvre « dans les conditions définies par la loi ». Nous avons beaucoup argumenté sur ce sujet au cours de la discussion générale. Il nous paraît très dommageable que ce principe soit d'application directe et que la loi ne fixe pas, alors que c'est de son domaine, les conditions dans lesquelles s'applique le principe de précaution.

Nous reformulons ensuite le principe de participation.

Enfin, nous souhaitons mentionner dans la Constitution que « les politiques publiques contribuent au développement durable ».

Monsieur le président, les six alinéas susvisés reprennent les différents aspects de ce nouveau droit de l'environnement. A notre sens, il serait beaucoup plus clair, beaucoup plus pertinent, beaucoup plus légitime qu'ils constituent un article de la Constitution.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. La commission émet le même avis que sur l'amendement n° 37.

M. Patrice Gélard, rapporteur. L'amendement qui nous est proposé présente un certain nombre d'inconvénients techniques.

Il obligerait d'abord à la renumérotation quasi totale des articles de la Constitution.

Ensuite, à partir du moment où l'on commencerait à faire figurer dans la Constitution de telles dispositions, il n'y aurait pas de raison de s'arrêter. On pourrait y insérer toutes les dispositions concernant les droits et libertés en prévoyant des titres nouveaux. Petit à petit, la Constitution deviendrait inintelligible et contiendrait des normes qui pourraient ne pas avoir le caractère qu'elles devraient revêtir dans pareil texte.

De surcroît, l'amendement n° 39 est nettement moins performant que le texte de la charte. Quand on précise que « la nation assure la sauvegarde d'un environnement équilibré favorable à la santé », il s'agit d'un objectif et non d'une norme. Par conséquent, aucune application n'est possible.

Ensuite, il fait référence aux « autres personnes morales de droit public ». Par conséquent, les lycées, les collèges, les universités, les hôpitaux vont être visés et seront responsables. Il n'y a plus de raison de s'arrêter ! Tous les établissements publics vont être liés par le principe de précaution.

Cet amendement me paraît un peu hâtivement rédigé. C'est pourquoi la commission ne peut qu'émettre un avis défavorable, en parfaite cohérence avec celui qu'elle a exprimé sur l'amendement n° 37.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Je ne reprendrai pas les arguments de M. le rapporteur, mais il me paraît très important de maintenir l'applicabilité directe du principe de précaution. C'est l'un des points que vous abandonnez, monsieur Sueur, chemin faisant, au détour de votre amendement.

Par ailleurs, le fait de viser le préambule de la Constitution me paraît être une très bonne formule.

Enfin, l'introduction d'un titre intermédiaire entre ceux qui traitent respectivement de la souveraineté et du Président de la République me paraît complexe.

J'ai, moi aussi, le sentiment qu'une certaine hâte a présidé à la rédaction de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Un point de divergence clair vient d'être rappelé par M. le garde des sceaux. Il est relatif au principe de précaution et à notre forte conviction selon laquelle ce principe doit être mis en oeuvre dans des conditions fixées par la loi. Nous nous sommes longuement expliqués sur ce point. Nous pensons que le fait de ne pas se référer à la loi et de prévoir une application directe de ce principe aura de très nombreuses conséquences qui seront extrêmement difficiles à gérer. Cela accroîtra la jurisprudence et donnera aux magistrats un rôle sans doute disproportionné.

Je veux revenir sur les quatre arguments présentés par M. le rapporteur et dire notre désaccord avec chacun d'eux.

Premièrement, vous indiquez, monsieur le rapporteur, que l'ajout d'un article dans la Constitution aura pour effet de changer la numérotation de l'ensemble de ses articles. C'est vrai, mais cet argument est de portée générale et s'applique à toute modification future de la Constitution. Il me semble que ce serait s'imposer beaucoup de restrictions et de contraintes que de ne plus jamais imaginer d'adjonction à la Constitution d'un nouvel article.

Deuxièmement, vous vous êtes posé la question de savoir où l'on s'arrêterait si l'on faisait figurer les six alinéas précités dans la Constitution. Comme vous nous proposez d'inscrire six alinéas dans une charte à valeur constitutionnelle et que, de surcroît, vous introduisez de très nombreux considérants dont le rapport avec la Constitution est loin d'être évident, l'argument que vous soutenez ne nous paraît pas pertinent : vous-même, vous ne vous fixez pas beaucoup de limites, notamment pour ce qui est des considérations relatives à l'origine de l'humanité, sur lesquelles nous aurons l'occasion de revenir ultérieurement.

Troisièmement, vous nous objectez que notre formulation n'est pas suffisamment normative. La différence entre les phrases « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé» et « la nation assure la sauvegarde d'un environnement équilibré et favorable à la santé », ne me permet pas de comprendre la portée de votre argument.

Pour terminer, vous nous dites, et ce quatrième argument ne me paraît pas plus satisfaisant - veuillez m'excuser d'être aussi négatif - que les termes « autorités publiques » sont préférables. Mais les « autorités publiques » comprennent également les lycées et les hôpitaux !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Non !

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le rapporteur, les autorités publiques, c'est l'Etat, le Gouvernement et, par conséquent, tout ce qui ressort de l'autorité du ministre de la santé ou du ministre de l'éducation nationale !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Non, cela relève du pouvoir réglementaire !

M. Jean-Pierre Sueur. Il est certain que les hôpitaux et les lycées sont visés par les termes : « autorités publiques ».

M. Patrice Gélard, rapporteur. Non !

M. Jean-Pierre Sueur. C'est pourquoi votre argument ,opposé à notre formulation qui nous paraît meilleure et qui consiste à substituer aux mots « autorités publiques » les mots « l'Etat ainsi que les autres personnes morales de droit public », ne nous semble pas fondé.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 178 :

Nombre de votants312
Nombre de suffrages exprimés287
Majorité absolue des suffrages exprimés144
Pour l'adoption90
Contre 197

Le Sénat n'a pas adopté.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Au moment où nous allons aborder l'article 2 sur lequel ont été déposés de nombreux amendements faisant l'objet d'une discussion commune, je vous demande, monsieur le président, de bien vouloir nous accorder une suspension de séance de quelques minutes afin que nous puissions procéder à d'ultimes ajustements.

M. le président. Mon cher collègue, le Sénat va accéder à votre demande.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures trente, est reprise à vingt-trois heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Art. additionnel après l'art. 1er
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Art. 2 (interruption de la discussion)

Article 2

La Charte de l'environnement de 2004 est ainsi rédigée :

« Le peuple français,

« Considérant,

« Que les ressources et les équilibres naturels ont conditionné l'émergence de l'humanité ;

« Que l'avenir et l'existence même de l'humanité sont indissociables de son milieu naturel ;

« Que l'environnement est le patrimoine commun des êtres humains ;

« Que l'homme exerce une influence croissante sur les conditions de la vie et sur sa propre évolution ;

« Que la diversité biologique, l'épanouissement de la personne et le progrès des sociétés humaines sont affectés par certains modes de consommation ou de production et par l'exploitation excessive des ressources naturelles ;

« Que la préservation de l'environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation ;

« Qu'afin d'assurer un développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins ;

« Proclame :

« Art. 1er. - Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé.

« Art. 2. - Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement.

« Art. 3. - Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences.

« Art. 4. - Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi.

« Art. 5. - Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage.

« Art. 6. - Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social.

« Art. 7. - Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement.

« Art. 8. - L'éducation et la formation à l'environnement doivent contribuer à l'exercice des droits et devoirs définis par la présente Charte.

« Art. 9. - La recherche et l'innovation doivent apporter leur concours à la préservation et à la mise en valeur de l'environnement.

« Art. 10. - La présente Charte inspire l'action européenne et internationale de la France. »

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, sur l'article.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le présent article 5 de la charte régit l'application du principe de précaution en matière d'atteintes à l'environnement.

Par un amendement introduit sur l'initiative de sa commission des lois, l'Assemblée nationale a, en première lecture, décidé de mentionner la mise en oeuvre des procédures d'évaluation avant l'adoption des mesures provisoires et proportionnées destinées à parer à tout dommage.

Pour sa part, le projet de loi initial inscrivait en premier lieu la nécessité de prendre ces mesures et, en second lieu, celle de procéder à des évaluations.

Or le fait d'inverser ces deux dispositifs est loin d'être anodin. Ce retournement de l'article 5 de la charte tend au contraire à réduire à néant l'objectif de cet article.

Sachant en effet que les mesures prévues doivent être « provisoires et proportionnées », ces qualificatifs suffisent en eux-mêmes à en justifier l'application immédiate dès lors que des altérations de l'environnement risquent de se réaliser.

Il ne s'agit pas, en effet, d'interdire à tout jamais, par exemple, un produit chimique, mais d'en écarter toute utilisation et toute fabrication tant qu'on ne s'est pas assuré de son absence de nocivité.

Si le texte de l'article 5, tel que l'a voté l'Assemblée nationale, n'est pas modifié, il ne servira qu'à proroger une gestion dangereuse des risques qui n'a que trop duré.

L'actuelle rédaction de l'article 5 est inopérante : en imaginant qu'une évaluation affirme l'existence de risques, pourquoi prendrait-on des mesures simplement « provisoires » ? De plus, à quel moment estimera-t-on que l'évaluation est assez complète pour que l'on puisse étudier la nécessité de prendre des mesures tendant à éviter un dommage qui, le temps de l'évaluation, aura déjà largement produit ses effets néfastes ?

Suivra-t-on l'exemple édifiant de la tragédie de l'amiante ?

C'est largement à craindre. Le risque est réel de laisser durant des décennies des salariés exposés à un poison mortel, entre les premières études prouvant la dangerosité et l'interdiction concrète.

Rappelons que les premières études attestant le caractère cancérigène de l'amiante datent du début du vingtième siècle et que l'utilisation de cette fibre mortelle n'a été interdite qu'en 1997.

Ce processus est également, par exemple, celui des éthers de glycol - que madame Blandin a cités - dont on connaît la forte toxicité pour l'homme depuis les années soixante-dix.

Le principe 15 de la déclaration de Rio de juin 1992 énonce clairement que « en cas de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement ».

Pourtant, le credo des pouvoirs publics est toujours le même : nous manquons de données scientifiques, les évaluations ne sont pas suffisantes. Sous ce prétexte, on laisse le patronat poursuivre sa recherche effrénée de profits au péril de la santé et parfois de la vie des salariés.

Affirmer que ce principe constitue une entrave à la science et à l'innovation nous étonne beaucoup.

Il est évident, messieurs les ministres, que ce n'est pas en restreignant l'indépendance des chercheurs, en limitant les bourses pour les doctorants, en réduisant les crédits des laboratoires et des instituts de veille sanitaire que nous disposerons demain de données plus approfondies sur les risques d'atteintes à l'environnement comme à la santé humaine.

Une fois de plus cet article 5 est un effet d'annonce, dont la rédaction vise à proclamer solennellement l'importance du respect de l'environnement tout en ne changeant rien, dans les faits, à la façon dont les pouvoirs publics gèrent les atteintes que notre environnement subit.

Les tractations, par exemple, de M. le Président de la République autour du programme européen de réglementation des produits chimiques REACH - évoqué lors de la discussion - l'illustrent bien. En 2001, la commission européenne publie son livre blanc sur les substances chimiques, dresse un état des lieux à juste titre alarmiste et propose des solutions pertinentes. Par une lettre commune, les trois chefs d'Etat MM. Chirac, Blair et Schröder, vivement encouragés par le secrétaire américain au commerce, ont demandé à la commission de répondre aux exigences du lobby des employeurs de la chimie en amoindrissant considérablement les mesures du projet REACH visant à évaluer, enregistrer et autoriser les substances chimiques. Aujourd'hui, ce programme, dans l'attente d'être voté au Parlement européen, limite l'évaluation aux produits dont la quantité fabriquée ou importée est supérieure à une tonne par an, ce qui ne concerne que 30 000 des 100 000 substances chimiques existantes ! De plus, aucune évaluation des produits intermédiaires non plus que des polymères n'est prévue !

A quoi sert alors, messieurs les ministres, de multiplier les dispositifs de sauvegarde de l'environnement et de la santé - je pense au projet de loi relatif à la politique de santé publique, actuellement en discussion devant le Parlement, au plan national santé-environnement, aujourd'hui à la charte, au plan santé-travail à venir, annoncé par M. Larcher - si vous agissez en fait dans le sens inverse du mouvement que vous prétendez vouloir impulser !

Nous ne pouvons nous prononcer en faveur de l'article 5 de cette charte telle qu'il est actuellement rédigé. Sans application véritable du principe de précaution, c'est-à-dire sans décider de mesures avant de procéder aux évaluations qui, par définition, prennent du temps, l'article 5 n'apportera rien de nouveau et de positif dans la lutte contre les dommages causés à l'environnement et, par conséquent, à la santé humaine.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, sur l'article.

M. Michel Charasse. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à côté de l'admirable texte de 1789 - admirable d'écriture, de précision et de concision -, venu tout droit de la rencontre lumineuse du peuple, de la liberté et des travaux des plus brillants penseurs du XVIIIe siècle, à côté de la formidable puissance du préambule de la Constitution de 1946, écrit en tremblant au milieu des dangers et de la mitraille, venu tout droit des maquis, des drames, du sang, de la longue nuit noire de la guerre et de l'espérance des âmes les mieux trempées, voici qu'on flanque, qu'on « adosse » une charte de l'environnement dont on se demande d'où elle sort et si elle n'est pas le produit de noeuds au cerveau de quelques perturbés, assistés par la plume fraîche et naïve de Bécassine, de Nounours, de Lariflette et du Sapeur Camember. (Sourires.)

Quelle curieuse évolution de la pensée humaine et du droit ! Et quelle idée saugrenue que de vouloir flanquer ces immenses textes historiques qui, comme l'a dit Robert Badinter, fondent les principes de notre société et de la République, d'un tissu au pire de banalités et de niaiseries, au mieux d'évidences sur lesquelles tout le monde est d'accord et de vérités non démontrées qui pourraient être sorties tout droit d'un livre pour enfants ou d'un devoir d'élève de l'école primaire d'avant Jules Ferry... Et je ne parle pas d'un scénario de Jacques Tati pour un nouveau chapitre des vacances de M. Hulot, car je ne confonds pas Hulot et Hulot ! (Nouveaux sourires.)

Cette charte a peu de chance de faire un jour le tour du monde et de faire rêver, hier comme aujourd'hui, la planète, comme l'a fait la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Qu'importe ! Puisque les temps modernes exigent que le Parlement soit désormais à la remorque des peurs, des fantasmes, des naïvetés, voire des âneries et des tautologies, il faut donc sans doute en passer par là.

Il faut donc, pour satisfaire une opinion publique baladée tous les soirs par les pires inepties télévisées, et comme autrefois les bourgeois de Calais, offrir la tête de tous les décideurs, de tous les responsables, de tous ceux qui acceptent de se sacrifier pour le bien-être de la société des hommes et des nations, à ceux qui demain vont dire le bien et le mal, bardés de certitudes venues tout droit de groupuscules d'hurluberlus qui, au nom de personne - même pas d'eux-mêmes -, se mettront en travers de tout, simplement pour satisfaire leurs manies, leurs obsessions et leurs dogmes.

Robert Badinter a rappelé que le principe de laïcité interdit à la Constitution de prendre position sur des dogmes scientifiques. Mais j'irai plus loin : voilà un moyen donné par la République à des groupuscules non représentatifs, égoïstes, inconscients, parfois opposés à l'intérêt national et dont les responsables ne sont pas élus et ne le seront jamais, de se mettre tous les jours en travers et de faire obstacle à la volonté de la souveraineté nationale exprimée par ses élus et ses responsables légitimes. C'est, en quelque sorte, la République qui donne à un seul individu le droit de l'empêcher d'être la République.

Le texte qui nous est soumis, et spécialement son article 2, est en réalité une compilation qui se veut juridique de tout ce qui peut traîner comme banalités ici et là dans les journaux, dans les polémiques, dans les dîners en ville, au Café du commerce ou dans des réunions de quelques petites sectes au savoir-faire aussi expéditif que limité, comme le disait le général de Gaulle.

Cette compilation de fantasmes populistes est écrite d'une façon qui se veut savante. Et, puisqu'il faut satisfaire une opinion publique avide de tout, et d'abord de ce qui est le plus saugrenu, le moins démontré, le plus fantasmagorique et parfois le plus simplet, j'ai pensé qu'il ne serait pas inutile d'introduire dans le texte quelques locutions de bon sens, venues du tréfonds de notre peuple et qui n'ont pas eu besoin de réunir les meilleurs juristes de France pour naître et prospérer dans le langage de tous les jours.

J'ai donc, à titre personnel, imaginé une série d'amendements que je souhaite, monsieur le président, évoquer en bloc pour ne plus y revenir, afin de compléter d'abord le préambule de la charte, puis ses articles, et rappeler que l'humanité dépend tout de même du fait que le soleil se lève à l'est et se couche à l'ouest, qu'il luit pour tout le monde, qu'après la pluie vient le beau temps, que chassez le naturel il revient au galop, que comme on fait son lit on se couche, que la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu'elle a, qu'un homme averti en vaut deux, que tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse, que pierre qui roule n'amasse pas mousse, que l'argent n'a pas d'odeur, qu'il n'y a pas de fumée sans feu, que l'eau va à la rivière, qu'à coeur vaillant rien d'impossible, qu'il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs, qu'à l'impossible nul n'est tenu, qu'au royaume des aveugles les borgnes sont rois, qu'il vaut mieux être riche et bien portant que pauvre et malade, qu'entre l'arbre et l'écorce il ne faut pas mettre le doigt, que qui a bu boira, que qui dort dîne, qu'à bon chat bon rat, que chat échaudé craint l'eau froide, que le chat parti les souris dansent, que la nuit tous les chats sont gris, que les chiens aboient la caravane passe, que la faim chasse le loup du bois, que les loups ne se mangent pas entre eux, que faute de grives on mange des merles, que l'enfer est pavé de bonnes intentions, qu'il ne faut pas déshabiller Pierre pour habiller Paul, que ventre affamé n'a point d'oreilles, que qui va à la chasse perd sa place, que qui sème le vent récolte la tempête, que qui veut noyer son chien l'accuse de la rage, que mieux vaut tard que jamais, que qui veut voyager loin ménage sa monture, qu'une hirondelle ne fait pas le printemps, que trop de précautions nuit, qu'il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée, que c'est petit à petit que l'oiseau fait son nid, qu'aux grands maux, les grands remèdes, que qui vole un oeuf vole un boeuf, que le vice s'appuie parfois sur le bras du crime, que si le nez de Cléopâtre eut été plus court la face de du monde en eut été changée, et que dans le doute abstiens-toi.

Enfin, il faut aussi tenir compte de la réalité concrète, pratique et quotidienne.

Ainsi, l'article 3 de la charte impose à tous l'obligation de respecter la nature, mais j'ajoute « sauf besoin pressant », car de deux maux il faut choisir le moindre. On imagine mal en effet, par exemple, des automobilistes interdits d'arrêt en bord de route pour raison urgente commandée par les nécessités d'une nature qu'ils ne maîtrisent pas même si c'est la leur, et dont l'évolution normale doit évidemment être assurée en toutes circonstances. J'espère qu'on ne veut pas fabriquer à cette occasion des victimes du principe de précaution !...

Il faut enfin rappeler, comme le faisaient certains révolutionnaires refusant le sursis demandé par Lavoisier, que la République n'a pas besoin de savants et que, comme l'a dit M. Thiers autrefois, la République sera conservatrice... ou ne le sera pas.

Je ne veux pas lasser le Sénat, j'arrête là mon énumération. Mais j'ai le sentiment que le texte modifié que je suggère vaut bien celui qui nous est présenté, ne serait-ce que parce qu'il correspond, lui, clairement au bon sens de nos compatriotes.

Mais j'ai bien conscience que, emporté par le mouvement de suivisme incroyable d'une opinion publique décontenancée, cette opinion dont personne ne sait qui elle est et que le grand Moro Giafferi qualifiait de « gueuse qui n'a pas sa place dans le prétoire », et après l'Assemblée nationale, le Sénat va avaler sans sourciller le brouet qui lui est soumis sans y apporter la moindre correction.

Dans ces conditions, monsieur le président, je ne peux que retirer l'ensemble de mes amendements nos 15 à 31.

Mais qu'on me permette de m'interroger plus sérieusement et gravement en cet instant : jusqu'où fera-t-on descendre la République, la souveraineté nationale, la loi et le droit ? Et que ne finira-t-on pas par proposer à la signature du Président de la République, au risque de dégrader profondément l'image de la fonction, que je respecte et qui est si essentielle à la dignité de la France et à l'équilibre de nos institutions ?

Notre collègue Robert Badinter a démontré cet après-midi que ce texte menace la République, la souveraineté nationale, la laïcité. Mais pour quel résultat final ? Et je conclus : Pour supprimer la pollution, comme l'exigent les béats qui pensent qu'à coup de « y a qu'à » on peut revenir au temps des lampes à huile et de la marine à voile ? Mais, pour cela, il ne faut plus d'industrie ni d'agriculture, sans parler du calumet de la paix, qui fume lui aussi.

Pour introduire enfin dans notre droit le principe « pollueur-payeur », qui serait la seule vraie avancée sérieuse et dont mon collègue Gérard Miquel parlait cet après-midi ? Mais ce serait une audace dont j'ai bien peur que nous soyons incapables !

Il ne s'agit de rien de tout cela. De quoi s'agit-il donc ? Sans doute de faire croire au bon peuple que dans le monde de demain l'eau sera claire et l'air sera pur, comme le disait hier le président Jean-Louis Debré, qui m'a paru beaucoup plus sévère que moi à l'égard de cette révision constitutionnelle.

Tout cela n'est rien d'autre, mes chers collègues, que de la poudre aux yeux pour amuser la galerie et faire croire que l'on va enfin faire quelque chose sur des questions essentielles qui nous préoccupent tous et, dirai-je même, nous angoissent parfois.

On dit souvent que tel qui rit aujourd'hui dimanche pleurera. Le problème est sans doute que, au final, c'est la France qui pleurera...

J'ajouterai un conseil amical, monsieur le garde des sceaux - et, quand je dis « amical », vous savez que ce n'est pas une litote. Je vous invite à suggérer au Président de la République de prendre le temps nécessaire s'il décide de convoquer le Parlement en Congrès à Versailles. Car, compte tenu du nombre de nos collègues qui voteront cette révision en marche arrière, il faudra prévoir un minimum de temps pour adapter les escaliers de la tribune et ainsi éviter les accidents. Principe de précaution ! (Sourires.)

M. le président. Les amendements nos 15 à 31 sont retirés.

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Monsieur le président, je souhaite répondre à Mme Beaudeau, qui a exprimé un certain nombre d'inquiétudes et d'interrogations, en particulier sur l'article 5.

Madame la sénatrice, l'article 5 vise à concilier les nécessités de la recherche scientifique, du progrès technique, du développement industriel, du développement tout court - au bénéfice, bien sûr, de nos concitoyens -, et la nécessité de protéger ceux-ci d'un certain nombre de risques qui résultent des incertitudes scientifiques.

Tel qu'il est rédigé, l'article 5, qui prévoit que « les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attribution, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage », est une description du processus de réflexion, d'analyse, puis de décision provisoire, l'incertitude scientifique ayant vocation à disparaître. Ces mesures provisoires pourront ensuite soit être soit levées, soit être confirmées.

Je crois qu'il y a là un équilibre. Cet article a été très longuement travaillé et me paraît correspondre aux nécessités d'aujourd'hui et de demain.

Monsieur Charasse, à vrai dire, j'ai hésité à prendre la parole pour vous répondre, car il y a un côté « chansonnier », excusez-moi de le dire, dans la façon dont vous vous êtes exprimé.

Vous avez considéré que ce projet de loi constitutionnelle ne représentait pas une évolution positive de la République. Je ne sais pas, je vous le dis également en toute amitié, si votre intervention rehausse l'image de la République, alors que notre débat constitutionnel porte sur une question fondamentale qui concerne non seulement notre pays, mais également l'ensemble de l'espèce humaine.

Je ne suis pas sûr non plus que la façon dont vous avez décrit le travail des scientifiques, des chercheurs, des juristes et des parlementaires, qui a abouti à ce projet de loi dont la simplicité de la rédaction est naturelle s'agissant d'un texte constitutionnel, rehausse l'image de la République.

Vous dites qu'il ne contient que des banalités, des évidences. Il n'en est rien ! En effet, pourquoi certains exprimeraient-ils des craintes, des interrogations, s'il ne s'agissait que de banalités ?

Très franchement, si certains de vos amendements, que vous avez d'ailleurs retirés, sont amusants, le débat sur le devenir de la planète, sur la relation entre l'environnement et l'homme mérite mieux que cela.

M. Michel Charasse. C'est cela !

M. le président. Je suis saisi de trente-trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 6, présenté par MM. Fauchon, Zocchetto et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pierre Fauchon.

M. Pierre Fauchon. Je retire cet amendement, monsieur le président.

Permettez-moi toutefois de répondre à M. le ministre au sujet de l'intervention de M. Charasse : je ne sais pas si celle-ci élève le niveau du débat, mais ce qui me paraît certain, c'est qu'en demandant une fois encore au Sénat un vote conforme d'un projet de loi, et ce avant même d'avoir examiné les modifications qui y ont été apportées par l'Assemblée nationale, on fournit à M. Charasse une excuse pour sa provocation !

M. Michel Charasse. Exactement !

M. le président. L'amendement n° 6 est retiré.

L'amendement n° 40, présenté par MM. Badinter,  Saunier,  Sueur,  Marc,  Miquel,  Dreyfus-Schmidt et  Roujas, Mme M. André et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

La Charte de l'environnement  est ainsi rédigée :

« La République française,

« Considérant, que la préservation et l'amélioration de l'environnement doivent être recherchées afin d'assurer les besoins, le progrès  et l'épanouissement  des générations présentes et futures ;

« Proclame :

« Art. 1er. - La nation assure la sauvegarde  d'un environnement équilibré et favorable à la santé.

« Art. 2. - En application du principe de prévention, toute personne doit s'abstenir de porter atteinte à l'environnement et lorsque son action entraîne des effets sur celui-ci, en limiter les conséquences dans les conditions définies par la loi.

« Art. 3. - En application du principe pollueur-payeur, toute personne doit réparer les dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi.

« Art. 4. - En application du principe de précaution, quand un risque de dommage à l'environnement, grave et irréversible a été identifié, sans qu'il puisse être établi avec certitude en l'état des connaissances scientifiques,  l'Etat ainsi que les autres personnes morales de droit public mettent en oeuvre, selon leurs compétences,  des procédures d'évaluation et prennent les mesures appropriées, dans les conditions définies par la loi.

« Art. 5. - En application du principe de participation, la loi détermine le droit pour toute personne d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par l'Etat ainsi que les autres personnes morales de droit public et de concourir à l'élaboration  des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement.

« Art. 6. - Les politiques publiques contribuent au  développement durable. »

La parole est à M. Claude Saunier.

M. Claude Saunier. Cet après-midi, dans un débat, je l'ai dit, de haute tenue, nous avons constaté une convergence de fait entre les différentes sensibilités représentées au sein de notre assemblée sur la nécessité d'engager une réflexion sur la prise en compte de l'environnement dans le dispositif constitutionnel.

La reconnaissance du principe de sauvegarde de l'environnement au coeur même de la Constitution correspond, je crois, à une véritable volonté collective.

Chacun l'aura cependant constaté, au-delà de cet accord, il y a des désaccords et des interrogations sur la « mécanique » législative mise en place.

Afin de répondre à la légitime attente des uns et des autres d'aborder le débat avec la volonté de trouver une solution qui puisse obtenir l'accord de tous, nous prenons acte de l'attachement de la majorité du Sénat au principe d'une charte de l'environnement, d'autant qu'il est vrai qu'un long travail, associant des scientifiques, des universitaires, des associations, a été fait.

Même s'il nous semble que ce travail a été mené dans l'optique d'élaborer non pas un texte constitutionnel mais un texte qui, tout en posant des principes très estimables, n'aurait pas vocation à entrer dans une problématique législative, pour montrer que nous sommes de bonne volonté et que nous prenons en considération ce travail collectif, nous retenons le principe d'une charte consacrée à la définition des politiques favorables à l'environnement.

Nous proposons néanmoins une rédaction dont l'esprit nous paraît plus conforme à ce que doit être un texte constitutionnel. Les considérants, notamment, sont beaucoup plus modestes.

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par MM. Fauchon,  Zocchetto et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :

Supprimer le quatrième alinéa de cet article.

La parole est à M. Pierre Fauchon.

M. Pierre Fauchon. Je sais, mes chers collègues, que je perds mon temps, mais il y a un procès-verbal, et certains le lisent...

Des divers considérants je dirai seulement qu'ils sont ce qu'ils sont, mais, tout de même, le premier est-il digne d'être voté ? Est-il sérieusement acceptable d'écrire dans la charte : « Considérant que les ressources et les équilibres naturels ont conditionné l'émergence de l'humanité » ?

Il y a, dans cette salle et ailleurs, des gens, qui ne sont pas nécessairement des sots, pour considérer que l'apparition de la vie reste un mystère et qu'il ne nous appartient pas de trancher. Les théories évolutionnistes contiennent certainement beaucoup de vérité, mais résolvent-elles entièrement les problèmes ? Je me suis permis de demander à M. Coppens, en le raccompagnant après son audition, s'il lui paraissait absolument clair que l'évolution explique tous les phénomènes et notamment la naissance de l'espèce humaine. Il m'a répondu que non, qu'un mystère subsistait qu'on ne pouvait élucider.

Admettons donc à tout le moins qu'il subsiste un mystère et admettons peut-être aussi que, si la République est laïque, elle ne doit pas entrer dans cette querelle et préjuger, dans un sens ou dans un autre, la vérité s'agissant de quelque chose que nous ne connaissons pas, que nous continuons inlassablement à explorer, l'exploration ne faisant d'ailleurs, en réalité, qu'approfondir le mystère.

Alors, un peu de modestie et un peu de prudence !

Revenons aussi à un peu d'évidence. Même si on admet une autre conception, ce ne sont en tout cas pas les équilibres naturels qui conditionnent l'émergence de l'humanité puisqu'elle résulte au contraire d'un déséquilibre.

M. Pierre Fauchon. Comment peut-on dès lors écrire « que les ressources et les équilibres naturels ont conditionné l'émergence de l'humanité » ? Le jour où le singe commence à devenir un homme, il déséquilibre le système ! Un système équilibré est un système qui ne bouge pas. Or, ce qui caractérise notre monde est qu'il bouge sans cesse. Un équilibre à peine est-il atteint qu'il est aussitôt rompu.

Le monde est en déséquilibre perpétuel. L'idée de ces équilibres qui conditionneraient l'émergence de l'humanité me paraît affligeante, et c'est la raison pour laquelle je souhaite la suppression de ce premier considérant.

M. le président. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Laffitte,  de Montesquiou,  Demilly,  Vallet et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, est ainsi libellé :

A la fin du quatrième alinéa de cet article, remplacer les mots :

conditionné l'émergence de l'humanité

par les mots :

accompagné l'émergence du phénomène humain

La parole est à M. Pierre Laffitte.

M. Pierre Laffitte. Cet amendement, conçu dans le même esprit que le précédent, est de caractère un peu plus scientifique.

Le terme « conditionné » ne convient pas. Scientifiquement, et c'est l'ancien géologue qui parle, il vaut mieux utiliser le terme « accompagné » et, plutôt que « l'émergence de l'humanité », viser « l'émergence du phénomène humain ».

Cette rédaction, qui me semble à la fois plus scientifique et plus philosophique, me permet en outre d'évoquer un autre géologue, paléontologue et philosophe de surcroît, Teilhard de Chardin.

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par MM. Fauchon,  Zocchetto et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :

Dans le septième alinéa de cet article, après les mots :

Que l'homme exerce une influence

supprimer le mot :

croissante

La parole est à M. Pierre Fauchon.

M. Pierre Fauchon. C'est un amendement rédactionnel.

M. le président. L'amendement n° 41, présenté par MM. Badinter,  Saunier,  Sueur,  Marc,  Miquel,  Dreyfus-Schmidt et  Roujas, Mme M. André et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article premier de la Charte de l'environnement :

« Art. 1er. - La Nation assure la sauvegarde  d'un environnement équilibré et favorable à la santé. »

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement témoigne de notre souci permanent d'inscrire dans la Constitution ou, à défaut, puisque cette voie a été refusée, dans la charte des déclarations extrêmement précises sur l'environnement.

J'insiste sur le fait qu'il est très dommageable de multiplier les considérants qui ne relèvent pas de la Constitution.

A partir du moment où l'on affirme le principe de laïcité, on doit respecter la diversité des philosophies et des conceptions sur l'émergence de l'humanité.

Or, le texte qui nous est soumis pose problème, y compris si l'on est adepte - c'est un droit - de la philosophie matérialiste, ne serait-ce que parce qu'il y a plusieurs traditions dans la pensée matérialiste et qu'il est difficile de la synthétiser dans cette formule en vertu de laquelle l'émergence de l'humanité serait conditionnée par les ressources et les équilibres naturels.

Il est vrai qu'il y a eu déséquilibre davantage qu'équilibre dans l'évolution. C'est en tout cas une histoire complexe dont on ne peut pas dire qu'elle est linéaire et qu'elle est uniquement conditionnée, si elle est conditionnée, par des équilibres.

Tout cela procède d'une conception qui suppose deux essences distinctes au départ, premièrement, l'humanité et, deuxièmement, l'environnement. Mais l'espèce humaine fait partie de l'environnement et la nature sans l'homme n'existe pas, ne se conçoit pas.

Alors qu'il s'agit d'une dialectique complexe, je ne comprends vraiment pas cette volonté d'inscrire dans la Constitution des formules aussi lapidaires et aussi simplistes au regard des différentes traditions, tant scientifiques que philosophiques, ainsi que des travaux qui sont menés dans le champ scientifique.

Pour notre part, nous essayons de faire notre travail de constituant en proposant des formules ayant une portée constitutionnelle, ce qui n'est véritablement pas le cas de ces nombreux considérants. Pourquoi devrait-on - même si l'on est un bon soldat - « avaler » tout cela ?

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par MM. Fauchon,  Zocchetto et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article premier de la Charte de l'environnement de 2004 :

« Art. 1er. - Chacun a le droit de vivre dans un environnement où la nature est préservée et la santé respectée.

La parole est à M. Pierre Fauchon.

M. Pierre Fauchon. C'est aussi un amendement rédactionnel. Il est impensable d'adopter ce texte absurde sur les « équilibres ». Le monde vivant se caractérise par un déséquilibre perpétuel.

L'équilibre, c'est la mort : rien ne bouge !

M. René Garrec, président de la commission des lois. Tout équilibre est sujet à déséquilibre, disait Aristote !

M. le président. L'amendement n° 42, présenté par MM. Badinter,  Saunier,  Sueur,  Marc,  Miquel,  Dreyfus-Schmidt et  Roujas, Mme M. André et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par cet article pour l'article 1er de la Charte de l'environnement, remplacer les mots :

respectueux de

par  les mots :

favorable à

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement a pour objet de rétablir la rédaction initiale du projet de loi constitutionnelle en conservant la référence à la santé, car c'est bien l'effet de l'environnement sur la santé qui doit être envisagé, dans sa dimension épidémiologique ou statistique, par exemple, et non dans sa dimension personnelle.

En revanche, la rédaction retenue par l'Assemblée nationale semble en retrait par rapport à la formulation retenue dans la charte. Contrairement à ce qui a été dit, le terme « favorable » ne doit pas être interprété comme étant une injonction, voire une sentence comminatoire. Il est simplement préférable parce qu'il est plus dynamique et plus exigeant si l'on veut consacrer l'environnement, le maintien de la biodiversité et l'équilibre des espaces et des milieux naturels comme vecteurs de notre santé.

M. le président. L'amendement n° 43, présenté par MM. Badinter,  Saunier,  Sueur,  Marc,  Miquel,  Dreyfus-Schmidt et  Roujas, Mme M. André et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

Supprimer le texte proposé par cet article pour l'article 2 de la Charte de l'environnement.

La parole est à M. Claude Saunier.

M. Claude Saunier. Les auteurs de cet amendement de suppression s'interrogent sur l'opportunité de la référence à la notion de « devoir », qui semble être davantage d'ordre moral que d'ordre juridique, d'autant que le devoir visé dans la charte n'est pas une obligation puisqu'il n'y a pas de créancier.

On constate également qu'il n'y a pas de sanction étatique déterminée, car c'est à la loi qu'il reviendra de définir les conditions et les modalités d'application dudit devoir. Or, dans sa rédaction actuelle, l'article 2 ne renvoie pas à la loi.

M. le président. L'amendement n° 10, présenté par MM. Fauchon,  Zocchetto et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 3 de la Charte de l'environnement de 2004 :

« Art. 3. - Dans les conditions déterminées par la loi :

« 1° Toute personne doit prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences ;

« 2° Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement ;

« 3° Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ;

« 4° Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social ;

« 5° Toute personne a le droit d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement.

La parole est à M. Pierre Fauchon.

M. Pierre Fauchon. Cet amendement, dont l'objet n'est, cette fois, pas seulement rédactionnel, tend à rétablir dans le texte un ordre plus conforme aux bons usages législatifs et à intégrer le fameux article 5 dans la série des articles dont une loi devra déterminer les conditions d'application.

Dans les autres articles, la formule « dans les conditions déterminées par la loi » est directement introduite, ce qui crée d'ailleurs une certaine lourdeur puisqu'elle est répétée d'article en article. On la retrouve ainsi aux articles 3, 4 et 6.

Il serait, me semble-t-il, plus judicieux de placer cette formule en dénominateur commun au début puis d'énumérer tous ces articles, en y ajoutant - c'est évidemment le point le plus important et le seul réellement novateur - l'article 5.

Actuellement, on l'a déjà fait observer, l'article 5 de la charte ne comporte pas de référence à la loi, d'où l'on a pu déduire qu'il était d'effet direct. Toute une discussion serait possible sur ce point, car je me permettrai de rappeler à M. le rapporteur, bien qu'il soit un juriste plus éminent que moi, que figurent déjà dans la Constitution des dispositions dont la détermination par la loi est prévue mais qui sont néanmoins d'un effet direct.

Il en est ainsi du droit de grève, inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946 : « Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. » Or aucune loi n'est jamais venue le déterminer, si ce n'est en matière de service public, ce qui ne l'a pas empêché d'exister et d'être respecté.

Il n'est donc pas exact d'affirmer que cette loi rend impossible l'exercice du droit reconnu. Cela étant, elle peut l'encadrer, et cela me paraîtrait préférable, d'autant que la rédaction de l'article 5 de la charte est éminemment critiquable, car elle comporte, me semble-t-il, au moins deux points faibles d'une extrême importance.

Pour la clarté de mon exposé, je rappelle les termes de l'article 5 : « Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution [...], à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées [...]. »

Il ressortirait nettement de ce texte, nous a-t-on expliqué, que le principe de précaution concerne le strict domaine de l'environnement, et lui seul. Une telle interprétation est erronée, car, dès lors qu'il est précisé qu'une norme vaut « par application du principe de précaution », cela signifie, comme M. Badinter l'a relevé, que le principe de précaution existe par ailleurs et d'une manière générale, qu'il est admis : il est introduit globalement dans la Constitution, et une seule de ses applications est mentionnée à l'article 5. Dans le cas contraire, cette précision ne serait pas nécessaire. Admettez au moins que l'on peut en débattre !

Il a été affirmé que le principe de précaution n'était pas introduit tous azimuts. Ce n'est donc pas exact : il est bel et bien introduit tous azimuts, une application particulière en étant simplement mentionnée à l'article 5. Cela mériterait peut-être qu'une loi intervienne pour prévoir dans quelles conditions il est ainsi introduit !

Cela le mériterait d'autant plus que la formulation du principe de précaution telle qu'elle figure dans le projet de loi me paraît tout à fait contestable et juridiquement incorrecte, en tout cas inférieure à celle que l'on trouve dans la loi Barnier. Pour quelle raison ?

Il est écrit à l'article 5 de la charte : « Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible... » Or, qu'est-ce que la « réalisation d'un dommage » ? J'aimerais qu'on me l'explique ! Ce n'est rien ! Dans la loi Barnier, il était question d'un « risque ». Il me semble que ce que vous voulez dire, monsieur le ministre, si nous nous comprenons bien, car nous sommes d'accord sur le principe de précaution, c'est que celui-ci suppose que l'on constate un risque, un risque dont on ne peut mesurer ni la proximité ni l'ampleur, mais que l'on constate néanmoins en tant que tel. Or un risque est tout autre chose que la réalisation d'un dommage, qu'on ne peut constater que lorsqu'il est survenu.

Il faut donc admettre que la mention de ce mot est indispensable pour obliger celui qui veut engager une action mettant en cause la responsabilité des pouvoirs publics - ce à quoi on veut l'autoriser, et je ne le conteste pas - à prouver à tout le moins qu'il y a un « risque ». S'il n'a rigoureusement rien à prouver, il lui suffit d'affirmer qu'il pourrait arriver un dommage. Non ! Il faut tout de même que l'on puisse démontrer le risque par la présence de tel gaz ou de telle qualité de telle substance... Ma culture scientifique ne me permet pas de donner d'exemple, mais il faut qu'un risque existe.

Ce point est capital, monsieur le président. Nous sommes sur le point d'adopter un texte qui ne voudra rien dire du tout ! Il faut tout de même indiquer qu'il va s'agir d'un risque, encore une fois non mesurable, j'en suis bien d'accord, non certain, j'en suis bien d'accord aussi, mais tout de même un risque, et non un simple dommage.

Cet article présente sur ce point une grave défaillance, une grave faiblesse, ce qui est une raison supplémentaire pour que nous prévoyions qu'il s'applique dans des conditions déterminées par la loi.

Par ailleurs, il est plus correct, j'oserai dire plus élégant - mais je crois, monsieur le ministre, que cela vous est indifférent, ce qui n'est pas mon cas -, de mettre en dénominateur commun l'expression : « déterminées par la loi ».

Telles sont les raisons pour lesquelles je me permets d'attirer très particulièrement votre attention sur cet amendement, qui, dans l'esprit même de votre démarche - à laquelle je souscris, je le répète, car je souhaite que nous aboutissions à un dispositif efficace -, me paraît être nécessaire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)

M. le président. L'amendement n° 44, présenté par MM. Badinter, Saunier, Sueur, Marc, Miquel, DreyfusSchmidt et Roujas, Mme M. André et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 3 de la Charte de l'environnement :

« Art. 3 - En application du principe de prévention, toute personne doit s'abstenir de porter atteinte à l'environnement et lorsque son action entraîne des effets sur celui-ci, en limiter les conséquences dans les conditions définies par la loi.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Je serai succinct sur l'amendement n° 44, qui, comme les amendements nos 45 à 48, reprend un alinéa de l'article additionnel que nous avons proposé d'insérer au sein même de la Constitution - c'était l'objet de l'amendement n° 39.

Nous persistons à considérer que ces principes - la sauvegarde d'un environnement équilibré et favorable à la santé, le principe de prévention, le principe « pollueur-payeur », le principe de précaution, le principe de participation - ainsi que la contribution des politiques publiques au développement durable doivent être inscrits dans la Constitution.

Puisque nous n'avons pu l'obtenir, nous proposons maintenant d'inscrire ces alinéas, dans la rédaction proposée à l'amendement n° 39, au sein de la charte.

M. le président. L'amendement n° 11, présenté par MM. Fauchon, Zocchetto et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

Supprimer le texte proposé par cet article pour l'article 4 de la Charte de l'environnement de 2004.

La parole est à M. Pierre Fauchon.

M. Pierre Fauchon. Il s'agit d'un amendement de conséquence avec l'amendement précédent, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 45, présenté par MM. Badinter, Saunier, Sueur, Marc, Miquel, DreyfusSchmidt et Roujas, Mme M. André et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 4 de la Charte de l'environnement :

« Art. 4. - En application du principe pollueur-payeur, toute personne doit réparer les dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Je l'ai défendu à l'instant, monsieur le président, en présentant l'amendement n° 44.

M. le président. L'amendement n° 35, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par cet article pour l'article 4 de la Charte de l'environnement, après les mots :

à l'environnement

insérer les mots :

et réparer les dommages causés aux personnes et aux biens

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. L'article 4 de la charte plagie le principe « pollueur-payeur », mais l'évite par deux points.

Premièrement, la responsabilité ne sera appelée que sous la forme d'une « contribution » : qui paiera le reste ?

Deuxièmement, la cible est l'environnement, et non les êtres humains. On comprend alors que l'on évoque une contribution : il est des dégâts dont la réparation a un coût qui dépasse le budget de quiconque. Allez en Biélorussie sous le vent de Tchernobyl et vous comprendrez !

Mon amendement donne donc acte de l'incommensurable budget parfois nécessaire à la difficile restauration de l'environnement, mais exige en revanche réparation intégrale pour les atteintes induites aux personnes et aux biens.

M. le président. Mes chers collègues, pour la cohérence de la présentation de l'ensemble des amendements, nous allons interrompre nos travaux avant d'aborder ceux qui portent sur l'article 5 de la charte de l'environnement.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Art. 2 (début)
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle relatif à la Charte de l'environnement
Art. 2 (suite)