compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

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PROCÈS-VERBAL

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

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RAPPEL AU RÈGLEMENT

Mme la présidente. La parole est à M. Jack Ralite, pour un rappel au règlement.

M. Jack Ralite. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite dire combien la façon dont on nous oblige, sénateurs et ministre, à discuter du budget de la culture est contraire au débat, à la dispute, à la confrontation des points de vue. En gros, cela se résume ainsi : le sénateur pose une question, le ministre répond, le sénateur commente, et basta !

La culture est ramenée, au mieux, à l'interrogation scolaire ou, au pire, à un jeu télévisé comme Le maillon faible.

C'est traiter des questions de l'esprit avec comme résultat une « réduction des têtes » aboutissant à « une pensée restreinte du commun ». Cela n'est pas digne, c'est même blessant.

Je ne vous cache pas que m'a effleuré l'idée de ne pas participer à un tel débat. C'est triste, surtout qu'il s'agit d'une question transversale, d'une question de civilisation. L'imaginaire s'accommode mal de cette mise en colonnes par questions-réponses. C'est transformer plus généralement un budget, moyen d'atteindre des fins, en une opération comptable où les moyens deviennent la fin.

J'ai déjà cité ici Antonin Artaud. Je le paraphrase : on ne peut accepter la discussion du budget qu'à la condition d'être grand, de se sentir à l'origine des phénomènes traités, tout au moins d'un certain nombre d'entre eux. Sans puissance d'expansion, sans une certaine domination sur les choses, la discussion budgétaire est indéfendable.

C'est d'autant plus regrettable que nous avons un ministre qui ose, même si l'on ne partage pas nécessairement son point de vue, aborder sur le fond les problèmes dont il a la charge. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, monsieur le sénateur.

Je tiens à préciser que cette formule a été arrêtée par la conférence des présidents, sur proposition de la commission des finances. Peut-être sera-t-elle revue pour l'année prochaine !

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Saisine du Conseil constitutionnel

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, le 3 décembre 2004, en application de l'article 61, alinéa 2 de la Constitution, par plus de soixante sénateurs et par plus de soixante députés, de demandes d'examen de la conformité à la Constitution de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005.

Acte est donné de cette communication.

Le texte de ces saisines du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

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Etat C - Titre V (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Deuxième partie

Loi de finances pour 2005

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Culture

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale (nos 73 et 74).

Culture

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Etat B - Titres III et IV

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant la culture.

J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.

Ainsi, M. le ministre répondra immédiatement et successivement au rapporteur spécial, puis aux deux rapporteurs pour avis, enfin à chaque orateur des groupes.

Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.

Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur, ce dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.

J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole impartis.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est d'usage, effectivement, comme vient de le rappeler notre collègue Jack Ralite, depuis quelque trois ans, de ne pas présenter le budget de la culture dans un rapport spécial, de manière généraliste et, je dirai, philosophique, mais de procéder par des questions-réponses. Je m'abstiendrai donc de souligner que, dans la pénurie actuelle, monsieur le ministre, vous êtes plutôt favorisé. Je n'insisterai ni sur le chiffre absolu de 2 707 millions d'euros ni sur l'honorable pourcentage d'augmentation de 5,9 % dont jouit votre budget. J'irai donc droit à mes cinq questions.

La première porte sur le patrimoine. Vous en avez fait votre seconde priorité, et le premier programme, au titre de la LOLF, en quasi-égalité avec le spectacle vivant. Mais, c'est la loi du temps, le patrimoine n'est pas susceptible d'être durablement guéri de ses plaies. Comme disait Victor Segalen, dans Aux dix mille années de son ouvrage Stèles : « Ces barbares - c'est-à-dire nous -  vénèrent des tombeaux dont la gloire est d'exister encore ; des ponts renommés d'être vieux et des temples de pierre trop dure dont pas une assise ne joue. »

Et de conclure, au nom de quelque vieux sage de l'antiquité chinoise : « Point de révolte : honorons les âges dans leurs chutes successives et le temps dans sa voracité. »

Bien entendu, ce programme, monsieur le ministre, n'est ni le vôtre ni le nôtre. Nous avons participé ces deux dernières années, les uns et les autres, aux trois actes d'une comédie des erreurs, d'ailleurs partagées.

Premier acte : en 2003, nous nous élevons, aussi bien la commission des finances, sous la plume de son rapporteur spécial, que la Cour des comptes, en la personne de M. Labrusse, contre la pratique consistant à demander, pour des raisons d'affichage, plus de crédits qu'on ne peut en dépenser. Docile, le ministère de la culture dimensionne les crédits de paiement à la hauteur des besoins, compte tenu des crédits de report possibles. Mais, dans ce mouvement, il n'a pas assez pris garde à la contradiction qu'il y avait à réduire les dotations et à encourager les opérateurs à ouvrir de nouveaux chantiers. Résultat : les dotations pour 2004 en crédits de paiement se révèlent au plus juste, au point de déboucher cette année, comme l'année dernière, sur des crises de paiement dans de nombreuses régions et sur l'arrêt des travaux entrepris.

La dette du ministère de la culture s'élevait à 60 millions ou 70  millions d'euros le 1er juillet 2004. Plein de bonne volonté, votre directeur de l'architecture et du patrimoine s'attaque à la réduction de cette dette envers les entreprises du groupement des monuments historiques. On redéploie 20 millions d'euros de l'administration centrale vers les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, dont 17 millions d'euros en provenance de l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels, l'EMOC, et 3 millions d'euros d'autres services nationaux, crédits qu'il faudra bien reconstituer un jour. Et une disposition bienvenue de la loi de finances rectificative prévoit 31 millions d'euros supplémentaires

La dette restante, en gros 20 millions d'euros, peut-être même moins, selon les dernières estimations, devrait pouvoir être épongée en 2005. Félicitations !

Ce deuxième acte répond donc aux sollicitations pressantes qui s'élevaient de tous les points des territoires où l'on trouve les ponts, les tombeaux, les temples dont parlait Segalen, et ils sont nombreux dans notre beau pays ! On pouvait penser qu'était ainsi réglé le problème de nos entreprises spécialisées et qu'elles allaient reprendre confiance dans l'avenir, rassurer leurs compagnons, qui sont eux-mêmes, de par leur technicité et leurs traditions, un élément précieux de notre patrimoine, un patrimoine vivant, comme l'on dit au Japon. Eh bien, non !

C'est que, troisième acte, ces entreprises mêmes, ayant focalisé toutes leurs revendications sur la dette - leurs dirigeants syndicaux ont, semble-t-il, changé - n'avaient pas perçu les effets redoutables de ce vertueux coup de torchon dans leur secteur si diversifié et si fragile.

Grâce à une gestion plus saine, que nous avons réclamée, les reports de crédits d'une année sur l'autre ont diminué, les impayés du ministère ont été réduits. Mais les entreprises de restauration de monuments historiques ne peuvent plus attendre le même volume d'activité. Pis encore : elles ne peuvent plus vivre d'espoir. L'ivresse légère qui accompagne toute cavalerie budgétaire - car c'est un peu de cela qu'il s'agit - laisse place à une dure réalité.

Sans doute est-il difficile de mesurer cette réalité ou cette illusion qui reposent sur des engagements informels qui auraient été passés, des marchés dont la notification est remise à plus tard, parfois même après appels d'offres, voire encore à de futurs appels d'offres qu'on entrevoyait, et qui semblaient justifiés par le désir de survie des monuments, et celui des entreprises, de grand savoir-faire et de haute qualité, qui le servent, et qui en usent.

Ce sont 100 millions d'euros qui, d'après les confidences des intéressés, manqueraient à l'appel, du fait de ce retour à la réalité rugueuse à étreindre, comme dit le poète.

J'en arrive à ma première question, monsieur le ministre : vous qui avez de grandes ambitions pour le patrimoine, qui avez laissé entrevoir un objectif de 260 millions d'euros pour 2008, et qui pensiez sans doute pouvoir prendre appui sur un sol assaini, comment pensez-vous pouvoir traiter cette délétère désillusion, éviter qu'elle ne se transforme en maladie de langueur dans ce secteur si particulier, mais si qualitatif, si omniprésent de par le territoire, de notre industrie ?

Sans quoi, il ne nous resterait, dans un avenir plus ou moins lointain, qu'à faire comme les Persans, dont le voyageur Jean-Baptiste Tavernier remarquait, au xviie siècle, « qu'ils aimaient mieux faire un bâtiment nouveau que d'en relever un vieux qu'ils laissaient tomber en ruine faute de quelques réparations de peu d'importance ».

Autrement dit, combien d'années faudra-t-il pour trouver l'adéquation idéale entre les crédits de paiement, les autorisations de programme, les ouvertures de chantier et la sauvegarde du patrimoine monumental français ?

Ma deuxième question porte sur les réformes en cours dans votre ministère. Elles sont diverses et me paraissent plutôt en bonne voie, au moins sur le plan des intentions, mais le rapporteur spécial que je suis aimerait obtenir des précisions sur les délais.

Pour ne pas quitter tout à fait le patrimoine, la commission des finances attacherait du prix à voir se concrétiser trois réformes fondamentales : celle du statut des architectes en chef des monuments historiques - elle est déjà bien amorcée après des décennies d'immobilisme - celle des DRAC et celle des SDAP.

Envisagez-vous, comme votre prédécesseur, de mettre en place des services patrimoniaux intégrés dans les DRAC et, en particulier, de donner autorité aux conservateurs régionaux des monuments historiques sur les différentes cellules de la DRAC, comme l'inventaire et l'archéologie ?

Quant à la régionalisation des services départementaux de l'architecture et du patrimoine, sera-t-elle effective, tout en prévoyant la nécessaire mise à la disposition des préfets ? Où en est-on dans la réforme du statut des architectes des bâtiments de France, dont notre rapport de 2002 - les 51 mesures pour le patrimoine monumental - et le rapport Bady montrent la nécessité, que soulignait avec une certaine insistance, il y a quelques jours encore, notre collègue Serge Dassault en commission des finances ?

L'étendue des pouvoirs de ces fonctionnaires et la volatilité des règles appliquées d'un département à l'autre nous inquiètent, ainsi que le sentiment d'arbitraire, qui, parfois, en résulte.

Je ne vous poserai pas de question sur la marche du principal chantier de la réforme, celui qu'implique la mise ne oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. Aussi bien dans la conception que dans la préparation, le travail effectué au ministère de la culture mérite en effet des compliments - il est exemplaire ! -, ainsi qu'en témoigne mon rapport écrit. De même y a-t-il lieu de vous féliciter des expérimentations qui, si le compte est bon, ne concerneraient pas moins de huit DRAC, et qui préparent réellement cette mise en oeuvre de la LOLF.

Cependant, deux motifs sinon d'inquiétude, du moins de perplexité, subsistent : où en est-on dans la définition des indicateurs de performance ? Et va-t-on pouvoir mettre au point une comptabilité consolidée entre la Rue de Valois et ses établissements publics, notamment les musées, consolidation qui serait indispensable pour évaluer les effectifs ?

Ma troisième question portera justement sur la Réunion des musées nationaux, la RMN. L'érection des plus grands de ces musées en établissements publics change profondément la donne. Quel avenir se profile pour la RMN quand elle voit entamer, au profit des mastodontes culturels, auxquels je rends hommage - la construction du Louvre II à Lens, notamment, est tout à fait exemplaire - deux de ses trois principaux métiers : l'organisation d'expositions et l'édition de catalogues ? Il lui reste les services commerciaux, dont l'efficacité et la rentabilité inspirent parfois le scepticisme.

Certes, les résultats de la RMN sont passés de moins 7,7 millions d'euros en 2001 à moins 4,9 millions d'euros en 2002, puis à plus 1,44 million d'euros en 2003.

Le résultat de 2004 aurait été proche de l'équilibre, mais cela ne se fait-il pas au détriment des acquisitions, qui sont le premier devoir de la RMN, si l'on veut garantir l'avenir des musées français et le maintien de leur prestige par rapport au Metropolitan Museum of Art, au Museum of Modern Art, à la National Gallery ou à la Tate Gallery, pour ne citer que ceux-là, avec lesquels il faut bien négocier lorsqu'on organise des grandes expositions ?

En 2003, il avait fallu abonder les crédits d'acquisition d'une aide exceptionnelle en provenance du fonds du patrimoine. Qu'en est-il en 2004 ? Qu'en sera-t-il en 2005 ?

Certes, la RMN est désormais affectataire des galeries nationales du Grand Palais dont la programmation prend en compte - c'est heureux pour une bonne coordination - l'avis du musée du Louvre, du Quai Branly, de Versailles, d'Orsay, de Guimet, du Centre Pompidou et même de deux grands musées étrangers. Mais n'est-ce pas un peu court par rapport aux attributions antérieures de la RMN ? La peau de chagrin va-t-elle continuer à rétrécir ? En fin de compte, monsieur le ministre, que voulez-vous faire de la RMN ? Voulez-vous même en faire quelque chose ?

Le raisonnement qui vient d'être présenté sur la RMN pourrait également être appliqué au Centre des monuments nationaux, qui semble avoir perdu dans l'usage courant - et je m'en félicite - ce ridicule nom de Monum' dont il fut un temps affublé. Il est clair que Chambord devait se transformer en établissement public, avec un vrai patron à sa tête, et non rester un collectif d'administrations, plus ou moins contrôlé par un administrateur. Mais il faut tout de même que le Centre ait les moyens d'aider les monuments peu visités, non parce qu'ils sont mal gérés - d'ailleurs, ce ne sont pas les plus petits monuments qui sont le plus mal gérés, si j'en juge par la gestion de l'Arc de triomphe - mais parce qu'ils sont situés loin des circuits tant que le rapport Rémond, que j'approuve, n'aura pas séduit les grandes collectivités destinatrices de cadeaux qu'elles jugent peut-être empoisonnés.

La quatrième question concerne l'archéologie préventive.

En 2003, l'Institut national de recherches archéologiques préventives, l'INRAP, affichait un déficit de 38,5 millions d'euros et a alors bénéficié d'une subvention de 27 millions d'euros. En 2004, il a présenté un budget en équilibre, mais il a eu besoin d'une avance de trésorerie de 23 millions d'euros - qui, à la différence d'une subvention, est en principe remboursable -, et d'une aide exceptionnelle du ministre de la culture de 11,5 millions d'euros. Faut-il rappeler le fiasco, législatif autant que financier, auquel nous avons assisté ces dernières années, puisque ni la loi du 17 janvier 2001, qui a supprimé l'Association pour les fouilles archéologiques nationales, l'AFAN, et créé l'INRAP, avec une double redevance pour le diagnostic et les fouilles, ni celle du 1er août 2003, qui a renvoyé les fouilles à la loi du marché, ni la loi de finances pour 2003 avec sa réduction de crédits de 25 millions d'euros, n'ont permis d'assainir la situation ? Elles l'ont même plutôt aggravée.

Cette année, vous aviez envisagé de confier à un bureau d'études privé une mission d'expertise, pour laquelle vos collaborateurs préparaient avec soin un appel d'offres, quand l'Assemblée nationale, puis le Sénat, se sont emparés du sujet, ajoutant un article 17 à la loi Sarkozy du 1er août 2004, dite de relance de la consommation et de l'investissement.

La réforme essentielle qu'apporte cet article est celle de l'assiette : à l'unité foncière se substitue la surface hors oeuvre nette. Il est dommage que nous ayons, dans un alinéa de cette loi - par générosité, peut-être imprudente - permis aux assujettis de redéposer leurs dossiers jusqu'à la fin de l'année, pour passer de l'ancien au nouveau régime, ce qui ne remplira sans doute pas les coffres de l'INRAP.

Mais, enfin, il semble que nous nous acheminions à moyen terme vers un système plus logique et plus équitable. A juste titre, vous avez demandé à un bureau d'études d'expertiser notre réforme d'été ; c'est juste un prêté pour un rendu... De son côté, la commission des finances, mes chers collègues, a confié au rapporteur spécial, avec l'assistance d'un magistrat de la Cour des comptes, une investigation sur pièces et sur place de l'INRAP. C'est la première application de l'article 58-1 de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.

Notre travail ne se limitera pas à la redevance. Nous avons également pour ambition de juger des relations administratives - préfectures, directions régionales des affaires culturelles et directions départementales de l'équipement - de la politique scientifique de l'établissement - pourquoi fouiller, si les trouvailles ne sont ni documentées ni exposées ? - et de la politique de personnel de l'INRAP - que deviendront les étudiants en archéologie et les personnes recrutées sous contrat à durée déterminée, dont l'inquiétude s'est déjà exprimée en face de nos assemblées, et même sur les bords de la Seine ?...

Car, enfin, monsieur le ministre, sans vouloir anticiper sur les résultats de notre mission, pourquoi les services archéologiques des DRAC ont-ils validé un nombre de prescriptions archéologiques en si forte croissance ? Pourquoi les responsables de l'établissement ont-ils pu créer jusqu'à 300 emplois en CDD avant que la sonnette d'alarme soit tirée ? Et pouvons-nous être assurés à l'avenir que les plaintes de nos collègues maires - surtout des nombreux maires ruraux qui nous écrivent toujours à ce sujet - pourront désormais être dissipées ?

Ma cinquième question concerne les intermittents du spectacle. Monsieur le ministre, vous n'avez pas ménagé votre peine pour sortir d'une crise qui avait emporté votre prédécesseur ! Les festivals de cet été se sont tenus, et vous avez, après des heures de dialogue, commencer à dissiper les méfiances et prêché le retour au bon sens. Le fonds spécifique provisoire que vous avez créé en juillet semble avoir eu un effet heureux. A vrai dire, par rapport aux estimations antérieures, notamment celle du conseiller Lagrave, et même aux 20 millions d'euros prévus à la création du fonds, on semble assister à une véritable évaporation des ayants droit. Que s'est-il passé ? Que va-t-il se passer ? On n'y voit pas très clair.

Dans leur lettre à l'UNEDIC du 1er décembre, le président et le rapporteur de la mission d'information sur les métiers artistiques créée par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, s'inquiètent des situations de détresse qu'implique l'accord du 13 novembre. Va-t-on repartir vers l'augmentation des dépenses ? Vous-même avez annoncé, devant cette mission, la transformation de votre fonds provisoire en fonds transitoire, réservant sans doute des explications plus éclairantes pour le débat prévu sur les métiers artistiques, le 9 décembre, à l'Assemblée nationale. Sans doute n'avons-nous pas la prétention de vous voir déflorer le sujet au Sénat, cinq jours à l'avance, mais il ne serait pas indifférent à la Haute Assemblée d'obtenir quelques indications de votre part. Cette demi-obscurité, quoi qu'il en soit, n'empêche pas la commission des finances de recommander au Sénat l'adoption des crédits du ministère de la culture. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le rapporteur spécial, le ministre régalien que je suis ou que j'essaie d'être vous remercie de l'analyse très précise que vous venez de faire du budget de la culture, dans le temps imparti pour cette discussion, et qui rompt définitivement avec la morne « litanie, liturgie, léthargie » budgétaire, selon le mot d'un illustre et ancien sénateur que vous avez bien connu. Votre analyse est très approfondie dans votre remarquable rapport écrit, que j'ai lu avec beaucoup d'attention,

Avant d'entrer avec vous dans le débat et de m'efforcer de vous apporter autant de précision dans mes réponses que celle dont vous faites preuve dans vos questions, permettez-moi tout de même de rappeler que ce budget de la culture - c'est le premier que j'ai l'honneur de défendre dans cet hémicycle - est pour moi l'expression d'une politique.

Je vous citerai, au risque peut-être de vous étonner, un passage de Conseils au bon voyageur de Victor Segalen, dans son ouvrage Stèles. Il s'agit d'une très belle maxime pour les voyageurs de la culture, que je dédie à ce débat : « Ainsi, sans arrêt ni faux pas, sans licol et sans étable, sans mérites ni peines, tu parviendras, non point, ami, au marais des joies immortelles, mais aux remous pleins d'ivresse du grand fleuve Diversité ». Cet éloge à la diversité et à la navigation en haute mer est peut-être normal lorsque l'on parle du budget de la Rue de Valois.

Je voudrais tout simplement vous dire que la politique et l'aspect parfois aride des chiffres et du budget doivent être l'expression d'une vision de la culture. J'ai dit que j'étais un ministre régalien parce que nous nous faisons en France une certaine idée collective de la culture, une idée qui nous vient de l'histoire et qui a traversé les siècles avant qu'elle ne s'incarne avec de Gaulle, Malraux et la Ve République dans la création de ce ministère.

Cette idée qui est profondément enracinée - nous en sommes tous les héritiers -, quelle est-elle ? Tout simplement que la culture est une composante irremplaçable de notre identité nationale et de la vocation de notre pays à rayonner au dehors. Lorsque j'essaie de résumer les choses en les caricaturant, je dis avec une certaine provocation que je ne suis pas le ministre des vieilles pierres et des troubadours, malgré tout le respect que j'ai pour eux.

Dans la France et dans le monde d'aujourd'hui, la politique culturelle est le coeur même de notre identité, de notre rayonnement, de notre capacité à être reconnus pour ce que nous sommes. Cette responsabilité de l'Etat n'est pas perdue. Elle demeure ; elle est une constante, et elle inspire mon action à la tête de ce ministère, dont vous rappelez à juste titre qu'il est loin de ressembler à « un long fleuve tranquille ». Mais c'est un fleuve qui sait d'où il vient et où il va, même si parfois ses perspectives - je pense à la création artistique contemporaine - ne sont pas toujours aisées à discerner et à comprendre immédiatement. De plus, son cours est plus fort que bien des écueils.

Ce budget, ce ne sont pas seulement les « deniers du rêve », selon l'expression de Jacques Rigaud ; ce n'est pas le budget du « supplément d'âme ». Je ne veux pas que la Rue de Valois soit considérée comme une sorte de cerise sur le gâteau, comme le lieu où sont gérés les loisirs intelligents. Nous sommes au coeur du rayonnement de l'activité et de l'influence de nos concitoyens et de notre pays.

Je veux vous faire partager ma conviction que la culture et la communication - pour moi, les deux sont intimement liées - constituent la force motrice de notre identité nationale et de notre rayonnement international, que ce sont aussi des industries et des emplois, facteurs de développement économique, que ce sont enfin des instruments essentiels de l'aménagement du territoire et de la cohésion nationale.

Tels sont les objectifs de la politique culturelle, au-delà des chiffres et au-delà de la gestion, dont je dois naturellement vous rendre compte avec précision.

Les chiffres augmentent, dans une proportion importante, comme vous l'avez relevé : 5,9 % et même 6,5 % à périmètre constant. La gestion est marquée, comme vous l'avez également souligné, par une contribution importante, que vous avez bien voulu qualifier d'exemplaire, en matière de réforme de l'Etat et d'application de la loi organique, de la nouvelle « constitution financière » de la France, à laquelle la Haute Assemblée et votre commission des finances en particulier ont pris une très grande part. Je partage votre souci d'unité de l'action culturelle de l'Etat. Je suis d'ailleurs en train de réfléchir à la manière d'organiser, au-delà de la concertation, l'unité nécessaire de l'ensemble de l'Etat en matière culturelle, qu'il s'agisse du ministère, de l'administration centrale, des directions régionales ou des grands établissements publics.

Pour répondre à vos questions, j'aborderai un sujet qui a beaucoup défrayé la chronique et qui vous tient à coeur : la Réunion des musées nationaux, la RMN. Cet établissement subit depuis de longs mois une crise liée, d'une part, au caractère déficitaire de son activité commerciale, et, d'autre part, à l'évolution engagée depuis plusieurs années, tout particulièrement dans la période 2002-2003, qui a profondément modifié le paysage institutionnel, en instituant des moyens d'autonomie au bénéfice des plus grandes institutions muséographiques. Devant vous, je veux dire la confiance et l'importance que j'accorde à la Réunion des musées nationaux.

Je porte une attention toute particulière à cet acteur prestigieux et irremplaçable des échanges culturels internationaux. Je suis très attentif à sa mission de spécialisation et de mutualisation de moyens pour les musées nationaux. J'attache enfin, vous le savez, une importance particulière au rôle qu'elle doit avoir au service des musées en région. C'est là un champ extraordinaire de renforcement de son activité pour que son concours ne soit pas limité aux lieux et établissements les plus prestigieux de l'Etat, et pour que le travail d'ingénierie culturelle puisse se faire au bénéfice des musées en région.

La nomination prochaine d'un nouveau responsable à la tête de la RMN me permettra de détailler publiquement les missions que le Gouvernement entend confier à cet établissement, qui doit retrouver son rôle essentiel d'instrument d'une politique culturelle. Cette mission passe bien sûr par une réduction du déficit commercial et par l'attribution prioritaire de ses moyens financiers au développement d'une politique de coopération et de prestation d'ingénierie culturelle au bénéfice des musées nationaux n'ayant pas l'autonomie juridique des musées en région.

Une réflexion stratégique doit donc être poursuivie pour faire évoluer l'établissement dans le respect de son histoire, pour lui permettre de valoriser au mieux la compétence de son personnel et pour moderniser son activité, notamment dans le contexte de la décentralisation culturelle.

Je rappelle que j'ai conforté, il y a quelques mois, le rôle de l'établissement dans son métier d'organisateur d'exposition de niveau international en assurant son maintien au sein des Galeries nationales du Grand Palais, dans le cadre des travaux de restauration prévus sur le monument. La politique d'acquisition est évidemment très importante. L'Etat ne doit pas se désengager et il se doit d'exprimer sa gratitude et sa reconnaissance, aujourd'hui, à un certain nombre de mécènes privés qui permettent l'addition des concours et des opérations très exceptionnelles d'augmentation du patrimoine national dans cette discipline.

S'agissant des architectes, ils sont au coeur de mes préoccupations. Statutairement, de nombreux parlementaires relaient les inquiétudes de ces professionnels sur le port du titre d'architecte.

Afin de préparer la rédaction de l'ordonnance devant être prise à la suite de l'adoption du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, un projet de texte a été transmis au Conseil national de l'ordre des architectes pour discussion. Les architectes ont ardemment et publiquement fait connaître leur point de vue ; ils ont été entendus par le ministère. De la même manière que d'autres catégories de la population relevant du ministère de la culture et de la communication, je pense notamment aux artistes et aux techniciens qui ont, avec force, à exprimer un certain nombre de revendications, j'ai personnellement reçu les architectes avec beaucoup d'attention.

Les conditions d'exercice de la profession réglementée d'architecte sont maintenues et la qualité des professionnels consolidée par une nouvelle formation technique. Le certificat sera obtenu après le diplôme d'architecte délivré à la fin de cinq années d'études dans les écoles d'architecture, diplôme valant grade de master et donc titre universitaire : les titulaires de ce certificat seront appelés architectes diplômés d'Etat.

Par ailleurs, la question des positions arbitraires de certains architectes des bâtiments de France, les ABF, est régulièrement abordée, comme vous l'avez fait, par les parlementaires. Les mesures de compensation ou d'atténuation n'ont pas toujours donné, semble-t-il, les résultats escomptés.

Sachez que les avis conformes des ABF sont depuis plusieurs années susceptibles de recours, formulés par le maire de la commune auprès du préfet de région. Depuis juin 2004, le recours a été étendu à l'ensemble des pétitionnaires qui peuvent introduire un recours auprès du préfet de région. Ces recours sont désormais examinés par une section de la commission régionale du patrimoine et des sites, dont la composition équilibrée réserve, outre la présidence du préfet, autant de sièges aux collectivités territoriales qu'à l'Etat : un pour le préfet, quatre pour les collectivités territoriales et quatre pour l'Etat. De tels recours, émanant des maires comme des pétitionnaires, restent cependant peu nombreux.

De nouvelles évolutions sont envisagées afin de construire, avec les élus, une culture commune et des objectifs partagés.

En premier lieu, il convient d'adapter le périmètre de cinq cents mètres autour des monuments aux éléments du paysage urbain qui fait corps avec le monument - périmètres de protection modifiés ; ces adaptations devront aboutir à une diminution d'un tiers du nombre de dossiers traités.

En deuxième lieu, il convient de hiérarchiser l'action des ABF en leur demandant de travailler en priorité avec les maires et les collectivités territoriales qui s'engagent dans les politiques de sauvegarde, de valorisation et d'enrichissement de leur territoire.

En troisième lieu, enfin, il convient de s'engager, avec les mêmes élus, sur l'ensemble du cadre de vie, qu'il s'agisse des entrées de ville, des lotissements, de la qualité architecturale ou de la rénovation urbaine...

Le travail des ABF et des services départementaux de l'architecture et du patrimoine, les SDAP, pour la qualité générale du cadre de vie, mérite cependant d'être souligné et reconnu : de nombreuses réclamations parviennent également pour protester, en sens inverse, contre le manque de vigilance ou le laxisme de certains ABF. En cette matière comme en d'autres, il est difficile d'atteindre, en permanence et partout sur le territoire national, le juste équilibre.

Pour aider à la concertation, le rapprochement actuel des SDAP et des DRAC est en cours dans le cadre d'une concertation qui précédait les circulaires du Premier ministre enjoignant aux préfets de département d'inscrire les SDAP dans le pôle culture placé auprès de préfets de région et animé par les directeurs des DRAC. La réforme et la LOLF sont en cours dans ce ministère sans tabou, mais dans la concertation.

S'agissant du patrimoine, j'évoquerai rapidement ce thème essentiel puisque nous y reviendrons à plusieurs reprises.

Au-delà du respect du passé, il s'agit, pour notre pays, de son rayonnement, de son activité et de son audience internationale. Vous avez, à juste titre, énuméré les difficultés de la gestion financière que nous avons connues. Je ne reviendrai pas loin dans le passé, mais vous savez très bien que les difficultés ont pour origine la tempête de 1999, la mise en place de certains crédits exceptionnels particulièrement légitimes, le rythme décalé des dépenses effectives des crédits et donc des opérations en dents de scie concernant les crédits de paiement.

J'ai la franchise de vous dire que, pour l'exercice 2005, il s'agissait, évidemment, d'une sorte d'opération de vérité, car les marges de manoeuvre qui tenaient aux reports de crédits ont maintenant disparu. Cela m'a donc amené, tel l'éternel mendiant que je suis, à tirer, à plusieurs reprises, la sonnette d'alarme auprès du Premier ministre afin que des crédits exceptionnels supplémentaires soient mis en oeuvre dans le cadre des mesures de gestion de la loi de finances rectificative et du budget pour 2005.

Au-delà de la reconduction des crédits d'une année sur l'autre, environ quatre-vingts millions d'euros supplémentaires sont aujourd'hui affectés à la restauration de nos monuments historiques. Est-ce suffisant pour faire face à l'ampleur des besoins ? Certes, non. A ce titre, je suis en train de réfléchir à des initiatives nouvelles.

Je m'applique la maxime suivante : il faut toujours aider les gens à vous aider. Je souhaite que tous nos concitoyens prennent conscience de l'importance stratégique qui s'attache à notre patrimoine. Dans cette période où, à cause des délocalisations et d'un certain nombre de conflits, ils ont le sentiment de perdre leur identité, leur racine et les expressions mêmes de leur culture, cet axe est prioritaire. J'y attache beaucoup d'importance. L'Etat ne se désengage pas !

De la même manière, l'Etat ne se désengage pas en proposant un certain nombre de monuments très emblématiques aux collectivités territoriales. Je rappelle que cela repose sur la base du volontariat. Par ailleurs, chaque monument proposé au transfert fera l'objet d'un contrat d'entretien et de restauration. Enfin, si je constatais qu'un monument devrait se retrouver entre les mains d'une collectivité qui n'accepterait pas avec entrain d'en prendre la charge, je ne le lui confierais pas. Je lis, de ce point de vue, avec beaucoup d'attention les réactions qui se manifestent partout sur le territoire national.

Nous avons élaboré une première liste, qui est soumise aujourd'hui à la concertation interne du ministère. En effet, c'est l'honneur de celles et ceux qui travaillent au sein des musées nationaux que d'avoir quelquefois des états d'âme puisqu'ils ont consacré leur ardeur et leur énergie à ce sujet. La liste sera, ensuite, proposée au Conseil d'Etat ; puis elle fera l'objet, tout au long de 2005, de discussions avec les collectivités territoriales, sur la base du volontariat.

Je reviendrai sur toutes ces questions. Toutefois, voilà ce que je souhaitais préciser d'emblée.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le contexte budgétaire actuel qui est marqué par la volonté de maîtrise de la dépense publique, l'évolution du budget de la culture traduit la volonté du Gouvernement de conserver à l'action culturelle de l'Etat son caractère prioritaire.

Avec un montant global de crédits de 2,787 milliards d'euros, le projet de budget pour 2005 enregistre une hausse nominale de 5,6 %, voire, si l'on neutralise un certain nombre de transferts pour rester à structure constante, de 6,5 %.

Cette évolution positive s'accompagne d'un effort de maîtrise des dépenses de structure, que je salue. Elle privilégie les crédits d'investissement, qui augmentent de 26,5 %, et les moyens d'intervention, qui progressent de 3,66 %. Nous sommes donc en présence d'un budget dynamique, mis au service d'une politique culturelle marquée par une recherche d'équilibre, attentive au patrimoine comme à la création.

La commission des affaires culturelles est très sensible à cette volonté d'équilibre que l'on retrouve dans la répartition des dépenses entre Paris et les régions. Nous serons, en 2005, à une quasi-parité, 52 % contre 48 %.

Le temps qui m'est imparti et les règles qui s'appliquent à notre débat budgétaire ne me permettront pas, monsieur le ministre, d'analyser l'ensemble des composantes de votre budget. Par conséquent, je m'attacherai, comme l'a fait mon collègue au nom de la commission des finances, à traiter quelques sujets qui correspondent aux priorités de la commission des affaires culturelles du Sénat.

Le premier point que j'entends aborder est le patrimoine et les moyens nécessaires à son entretien et à sa conservation.

Un document élaboré en janvier 2003 par les services de votre ministère avait souligné l'état préoccupant des monuments classés : 20 % d'entre eux, soit 2 800 sur 15 000, seraient en situation de péril, voire de grand péril. Certes, nous ne sommes plus dans les années 1830 où l'inspecteur des monuments historiques Prosper Mérimée découvrait l'état affligeant du patrimoine. Depuis cette époque, d'immenses efforts ont été faits. Néanmoins, la lourdeur de la tâche se reflète à travers ce seul chiffre : 20 % de nos 15 000 monuments classés sont en situation difficile !

Le Gouvernement a pris la mesure de l'ampleur d'une telle tâche. Votre prédécesseur, s'inspirant des travaux de la commission Bady, avait présenté en septembre 2003 un plan national pour le patrimoine dans le but d'associer l'ensemble des acteurs concernés : les collectivités territoriales, les propriétaires privés, les associations de défense du patrimoine, et, bien sûr l'Etat, qui a, en la matière, une responsabilité régalienne tout à fait particulière.

La loi de finances pour 2004 a prévu une augmentation des enveloppes consacrées à la restauration des monuments historiques de 10 %, conformément aux engagements pris.

Malheureusement, les crédits de paiement nécessaires à la réalisation des opérations en cours se sont révélés très insuffisants, et ce malgré les redéploiements auxquels vous avez procédé durant l'été. C'était sans doute le prix à payer pour l'opération de transparence réalisée par le précédent ministre dans son budget. C'est, si j'ose reprendre le titre d'une oeuvre d'un écrivain libertin du XVIIIe siècle, « les infortunes de la vertu » !

En voulant limiter les opérations reportées d'année en année, on est parvenu à une situation qui a perturbé le déroulement de nombreux chantiers, suscitant une réelle inquiétude aussi bien parmi les associations de défense du patrimoine que dans les entreprises de restauration des monuments historiques.

Par conséquent, je me réjouis non seulement des opérations de redéploiement que vous avez décidées en cours d'année, mais aussi de ce que vous avez indiqué lors de votre audition devant la commission sur le projet de loi de finances rectificative déposé il y a quelques jours à l'Assemblée nationale : une rallonge de 31 millions d'euros sera inscrite en faveur du patrimoine.

Je souhaitais vous poser une première question dans le cadre de cette nouvelle procédure qui s'impose à nous : les crédits supplémentaires de la loi de finances rectificative seront-ils suffisants pour faire face aux besoins de l'année en cours et ne pas obérer, par conséquent, les conditions d'exécution de l'exercice 2005 ?

Quant au projet de budget pour 2005, il prévoit une augmentation de 25 millions d'euros en faveur du patrimoine. C'est un effort tout à fait appréciable et je souhaiterais que ces crédits soient sanctuarisés. En effet, le patrimoine est un secteur très sensible aux ruptures de charges et dont la main-d'oeuvre, de très haute qualification, ne peut rester indéfiniment en situation d'attente, voire de précarité. C'est la raison pour laquelle notre commission avait souhaité que soit proposée au Parlement une loi de programme pour le patrimoine.

J'ajoute que les 25 millions d'euros supplémentaires sont, dans leur grande majorité, consacrés aux investissements de l'Etat inscrits au titre V et, de manière marginale seulement, aux subventions d'investissement du titre VI. C'est la conséquence logique de la situation que j'évoquais il y a un instant sur les autorisations de programme restées non satisfaites.

Cependant, et ce sera ma deuxième question, ne peut-on craindre, monsieur le ministre, que, dès 2005, cette répartition entre le titre V et le titre VI ne provoque une certaine sur le titre VI ; ainsi, ne sera-il pas nécessaire, à l'avenir, d'inverser progressivement cette tendance ?

Vous avez, en effet, souhaité restituer aux propriétaires la maîtrise d'ouvrage pour les monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat. Il s'agissait d'une proposition de M. Bady que la commission des affaires culturelles avait souhaitée, car elle considère que l'Etat doit se recentrer sur son rôle de contrôle et tout à la fois responsabiliser et soutenir les propriétaires.

Une ordonnance est en cours de préparation sur la base du projet de loi de simplification du droit. Bien que nous n'en connaissions pas encore le contenu, je souhaite vous poser une troisième question. Monsieur le ministre, cette volonté de rendre aux propriétaires la maîtrise d'ouvrage ne devrait-elle pas s'accompagner d'un rééquilibrage de la répartition des crédits entre les investissements directs de l'Etat et les subventions d'investissement pour les monuments n'appartenant pas à l'Etat ?

Cela me paraît d'autant plus important que la grande majorité de ces monuments appartiennent à des communes de moins de 10 000 habitants, qui ne disposent pas, sans un effort particulier de l'Etat, des moyens nécessaires pour remettre ce patrimoine en état, d'autant plus que, monsieur le ministre, vous l'avez évoqué tout à l'heure, la loi du 13 août 2004 ouvre la possibilité aux collectivités territoriales volontaires de récupérer la propriété d'un certain nombre de monuments historiques.

Cependant, je ne voudrais pas, pour en terminer sur ce point, donner l'impression que l'Etat doit, à lui seul, assurer la charge financière de la restauration des monuments historiques, dont le montant peut être évalué à la somme considérable de 5 milliards à 6 milliards d'euros, compte tenu de l'état d'un certain nombre de ces monuments. Cela suppose une mobilisation de toutes les énergies !

La loi sur le mécénat a ouvert un certain nombre de pistes. Nous avons tous observé les résultats ô combien bénéfiques de l'effort des investisseurs privés en faveur du patrimoine. A ce titre, je n'évoquerai que pour mémoire la galerie d'Apollon que beaucoup d'entre vous ont visitée il y a quelques jours. Après tout, au lendemain de la Première Guerre mondiale, Versailles a été sauvé par le mécénat privé français et étranger !

Par conséquent, monsieur le ministre, je vous pose la quatrième question : quelles seraient les voies permettant de susciter une mobilisation encore plus grande des acteurs privés en faveur du mécénat dans le domaine des monuments historiques ?

Voilà pour ce qui est du patrimoine, sujet qui a le plus retenu l'attention de la commission.

Le deuxième point concerne l'éducation artistique.

La transmission des savoirs et la démocratisation de la culture, essentielles à la fois pour la création dans notre pays mais aussi pour l'égalité des chances et la formation des jeunes, passent aussi par la culture à l'école et tout particulièrement par l'éducation artistique.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé que les enseignements artistiques feraient l'objet d'une communication commune du ministre de la culture et du ministre de l'éducation nationale. Certes, il n'est pas question de vous demander, avant qu'elle ait eu lieu, la teneur de cette communication. Pourriez-vous néanmoins nous indiquer quelles orientations vous entendez proposer dans ce domaine qui nécessite une collaboration étroite entre votre ministère et celui de l'éducation nationale ?

Enfin, troisième et dernier point, vous avez souhaité faire des acquisitions et de la commande publique la troisième grande priorité de votre action en 2005. J'ai relevé que 500 000 euros supplémentaires seraient consacrés à l'enrichissement des collections de nos musées et 150 000 euros au plan d'action pour le patrimoine écrit. Je m'en félicite, bien entendu, mais je tiens cependant à rappeler que, les années précédentes, ces enveloppes budgétaires n'ont pas toujours été très bien traitées au cours de l'exécution du budget.

Toutefois, connaissant votre souci de conforter la commande publique, je vous fais entièrement confiance sur ce point. Pourriez-vous préciser les orientations que vous entendez donner à cette politique d'acquisitions, essentielle pour l'avenir de nos musées ?

Monsieur le ministre, j'en ai terminé avec les questions que je souhaitais vous poser, puisque c'est ainsi que nous procédons maintenant.

Je conclurai mon propos en indiquant que la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de votre ministère. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis.

M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour le cinéma et le théâtre dramatique. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai l'honneur et le plaisir de vous présenter pour la première fois le budget du cinéma et du théâtre dramatique, puisque je remplace notre collègue, ancien rapporteur pour avis, M. Marcel Vidal, que je tiens à saluer ici.

Le cinéma s'inscrit dans une tendance favorable qui connaît, certes, des fluctuations, mais qui enregistre aussi des signes positifs, que ce soit en termes de production et d'investissements, de fréquentation des salles ou de parts de marché des films français.

Mais ce dynamisme, unique en Europe, peut se trouver menacé. J'évoquerai trois défis auxquels le secteur cinématographique se trouve confronté. Ces défis nécessitent la mobilisation des professionnels, mais aussi celle des pouvoirs publics, qu'il s'agisse du fléchissement des exportations de films, du problème du téléchargement illégal sur Internet ou du débat sur les règles d'éligibilité au compte de soutien géré par le Centre national de la cinématographie.

Tout d'abord, la commission des affaires sociales s'inquiète du bilan très mitigé de l'exportation des films français, en raison d'un recul préoccupant du nombre d'entrées à l'étranger : moins 12,7 % en 2003, avec 48 millions d'entrées. Il est vrai que ce résultat s'explique pour l'essentiel par la baisse de fréquentation relevée en Europe : de moins 8 % à moins 15 % selon les pays.

Cela me semble être une raison supplémentaire pour défendre en Europe une politique de soutien au cinéma. Pourtant, notre dispositif de soutien au cinéma semble menacé par Bruxelles, qui, de plus, nous demande de mettre fin à notre régime dérogatoire en matière de publicité télévisée pour le cinéma.

Ensuite, le téléchargement illégal de films via Internet risque de fragiliser le financement de la création.

Après celui de la musique, le secteur du cinéma est en effet victime de ce type de pratiques et plusieurs études récentes ont permis d'en mesurer l'ampleur et l'impact sur l'économie de cette industrie.

On évalue ainsi à huit millions le nombre de téléchargements de films par semaine. Sept « téléchargeurs » sur dix déclarent avoir diminué leurs achats et locations de supports vidéo et deux sur dix avouent moins fréquenter les salles de cinéma depuis qu'ils s'adonnent à ce que l'on appelle la « piraterie ».

Selon une étude du Centre national de la cinématographie, du 12 août 2003 au 31 juillet 2004, 36 % des films sortis en salles ont été piratés sur Internet et les films français qui génèrent le plus de recettes sont, en toute logique, les plus menacés, puisque les cinquante films français piratés pendant cette période représentent 70 % des entrées en salles.

Les réflexions sur les modalités de la lutte contre cette piraterie ont été très nombreuses depuis un an, avec des colloques - dont l'un s'est d'ailleurs tenu au Sénat -, la poursuite de la mission Chantepie-Berninau, entre autres.

La commission des affaires culturelles considère que la politique à mener devra conjuguer des réponses variées, adaptées aux différents secteurs du marché.

Cette politique devra comprendre trois volets.

Le volet éducatif est fondamental.

Le volet répressif devrait essentiellement concerner les « pirates professionnels » auxquels cette activité illégale procure des profits. A cet égard, des moyens techniques de dissuasion et de sanction ne pourraient-ils être trouvés, le recours au droit pénal paraissant peu adapté au plus grand nombre ?

Enfin, dernier volet, les professionnels doivent développer des offres légales suffisamment attractives de cinéma sur Internet ou de vidéo à la demande.

Dans le domaine de la musique, les professionnels se rapprochent actuellement des plateformes de peer to peer, afin de mettre sur le marché une offre légale qui permettrait d'accomplir une « conversion » en douceur des téléchargeurs.

Le cinéma pourrait, lui aussi, profiter de ces technologies de distribution. Mais de nouveaux systèmes d'échanges ne risquent-ils par d'apparaître ? Par ailleurs, quelle place conviendra-t-il de réserver à la vidéo à la demande dans la chronologie des médias ?

Au total, monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire où en est le « plan de bataille » contre la piraterie dans le domaine du cinéma et quelle politique le Gouvernement entend poursuivre dans ce domaine en 2005 ?

Enfin, le débat concernant l'utilisation du fonds de soutien à la production cinématographique et audiovisuelle est loin d'être clos.

Nous souhaitons connaître votre position sur cette question qui agite les producteurs concernant l'agrément et les aides allouées par le Centre national de la cinématographie, pour des films coproduits par une société à capitaux partiellement extra-européens ou pour lesquels une telle société est producteur délégué.

Je rappelle à cet égard que le tribunal administratif de Paris a récemment annulé les agréments délivrés par le Centre national de la cinématographie au film l'Ex-femme de ma vie, de Josiane Balasko, pour lequel une société détenue à 32 % par une société américaine est coproducteur, bien qu'elle n'intervienne que pour une part marginale dans le financement de ce film. En outre, les statuts de celle-ci prévoient qu'elle produira exclusivement des films en langue française et tournés en France.

Cette même société est producteur délégué du film Un Long dimanche de fiançailles, de Jean-Pierre Jeunet, dont le même tribunal vient également d'annuler l'agrément. Elle devra donc renoncer à 11 millions d'euros de financement au titre du fonds de soutien. Cette situation n'est-elle pas paradoxale, s'agissant d'un film entièrement tourné en France, en langue française, par un réalisateur français et avec une équipe technique et artistique française ?

La commission des affaires culturelles se réjouit que la plupart des dispositions préconisées par le plan d'action en faveur du cinéma, présenté par le Gouvernement en 2003, soient aujourd'hui entrées en application et commencent à porter leurs fruits. Mais, alors que nous luttons pour « relocaliser » les productions en France et que nous défendons notre système de soutien à la production cinématographique, non pas au titre d'un quelconque protectionnisme économique mais au titre d'une nécessaire régulation, afin que subsiste une diversité culturelle, ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que les critères retenus par le Centre national de la cinématographie mériteraient d'être révisés et de quelle façon devraient-ils l'être ?

J'en viens, monsieur le ministre, à deux questions concernant le théâtre et, plus généralement, le spectacle vivant.

La commission des affaires culturelles soutient pleinement les priorités que vous entendez mettre en oeuvre pour la politique du théâtre en 2005. Je les cite rapidement : la recherche d'un meilleur équilibre entre la production et la diffusion des oeuvres, le renforcement du lien entre les institutions et les artistes et de la relation entre la formation et l'emploi, ainsi que la poursuite de la politique d'évaluation des structures.

Tous ces axes sont essentiels pour l'avenir de la création culturelle dans notre pays. Mais je m'interroge sur la traduction de ces priorités dans le budget pour 2005, qui ne prévoit notamment qu'une hausse de 2,6 % de l'aide aux compagnies indépendantes. Cette modeste progression vous semble-t-elle constituer une réponse suffisante au besoin d'un véritable plan d'urgence pour ces compagnies, dont l'économie se révèle malheureusement fragile ?

Par ailleurs, monsieur le ministre, je souhaite vous faire part de ma vive inquiétude quant à la perte de revenus du Centre national de la chanson, de la variété et du jazz, le CNV, qui résulterait d'une disposition excluant l'ensemble des musiques traditionnelles du champ de la taxe sur le spectacle.

Le CNV, qui a attribué près de 11 millions d'euros pour l'aide à la construction de salles et la production de spectacles l'année dernière, doit être en mesure d'assurer sa mission d'aide au spectacle vivant qui est essentielle dans un contexte difficile pour la filière musicale dans son ensemble.

Enfin, la commission des affaires culturelles salue votre réelle implication dans le dossier de l'intermittence du spectacle et votre souci du dialogue.

Je rappelle que le recours à l'intermittence comme modèle dominant de l'emploi artistique s'est traduit par une aggravation du déficit du régime d'assurance dont bénéficient les salariés relevant des annexes VIII et X à la convention générale d'assurance chômage et qu'en un peu plus de dix ans le nombre des intermittents a plus que doublé - pour atteindre 102 000 en 2001 -, les allocations servies ayant elles-mêmes quadruplé.

Nous savons tous que la réforme de ce régime, fixée par l'accord du 26 juin 2003, n'apportait que des réponses imparfaites aux problèmes posés par la crise que traverse le spectacle vivant.

Depuis lors, vous avez engagé un certain nombre d'actions, développé la concertation avec l'ensemble des acteurs concernés et confié différentes missions à des experts, afin de mieux connaître l'économie du secteur et de mettre en place un fonds provisoire d'indemnisation, de réfléchir à la délimitation du périmètre des annexes VIII et X et de tracer des pistes pour bâtir un nouveau régime d'assurance chômage.

Je rappelle que la commission des affaires culturelles a contribué au débat, au travers des travaux du groupe de réflexion chargé d'examiner les conditions de la création culturelle dans notre pays, qu'elle a mis en place au Sénat.

Les conclusions et propositions du rapport qu'elle a publié en juillet dernier sont d'ores et déjà pour partie relayées par l'action du Gouvernement et elle s'en réjouit.

Dans l'attente d'un débat sur ce sujet essentiel au sein de notre Haute Assemblée, je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez établir un premier bilan du plan de lutte engagé par le Gouvernement contre les abus du recours à l'intermittence, des conséquences de l'accord de 2003 sur les comptes de l'UNEDIC et du recours au fonds spécifique mis en place en juillet dernier.

Pouvez-vous, enfin, esquisser les voies du régime à venir ?

Je conclurai mon propos en vous indiquant que la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du cinéma et du théâtre dramatique pour 2004.

Je tiens néanmoins à rappeler que la forte mobilisation des acteurs publics en faveur du cinéma, du théâtre et, plus généralement, du spectacle vivant, recouvre certes les actions de l'Etat, mais aussi, il ne faut pas l'oublier, l'effort considérable des collectivités territoriales.

Mme la présidente. Monsieur Lagauche, je tiens à saluer votre prestation pour votre premier rapport pour avis sur le cinéma et le théâtre.

La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Madame la présidente, je veux tout d'abord vous rassurer, si je réponds un peu longuement aux questions des rapporteurs, je serai plus bref dans les réponses que j'apporterai aux orateurs. Je souhaite expliquer l'environnement auquel se réfère chaque question.

Messieurs les rapporteurs pour avis, je vous remercie, en écho à la réponse que je viens de faire à M. le rapporteur spécial, d'avoir souligné combien le budget de mon ministère témoigne de la volonté du Gouvernement de conserver à l'action culturelle de l'Etat son caractère prioritaire.

A ceux d'entre vous qui participent régulièrement aux débats forains de la culture - et ils sont nombreux dans la période actuelle ! -, je tiens à exprimer ma gratitude parce que ce n'est pas l'Etat seul, ou le Gouvernement seul, qui peut agir pour dénouer certaines difficultés.

J'ai été particulièrement sensible à ce que vous ayez perçu le souci d'équilibre de ce budget, qui constitue l'instrument d'une politique culturelle équilibrée, entre patrimoine et création, entre Paris et les régions, entre les investissements et les interventions.

Mon ministère est un ministère régalien, mais c'est aussi un ministère partenaire. Et pour être un partenaire solide, il faut pouvoir fonder son action sur des crédits d'Etat qui sont sanctuarisés, c'est-à-dire qui ne font pas l'objet d'annulation en cours de gestion, ce qui a bien été le cas au cours de l'exercice 2004, grâce aux décisions de M. le Premier ministre.

Il existe un grand nombre de projets communs à l'Etat et aux collectivités territoriales qu'il nous appartient de mener à bien, dans le souci majeur de l'aménagement et du développement de nos territoires.

Je suis heureux de vous confirmer que, cette année, les crédits d'investissement du budget de mon ministère se répartissent à peu près à parité entre Paris - 52% - et les régions  -48%. Cette législature marque un rééquilibrage par rapport à la législature précédente. En moyenne, entre 1997 et 2001, 62% des crédits d'investissements étaient consacrés à Paris contre 38% pour les régions.

Ce budget, vous l'avez relevé, monsieur Nachbar, porte des efforts particuliers en faveur du patrimoine et de la relance de la commande publique. Le patrimoine, ce sont bien sûr nos musées, nos monuments, les « vieilles pierres », auxquels nous sommes très attachés ; j'y reviendrai dans un instant.

Mais notre patrimoine n'est pas fait que de pierres, si belles et si vénérables soient-elles. Notre patrimoine n'est pas seulement monumental, avec d'ailleurs la diversité que sous-tend ce terme. La façade authentique d'un café dans une commune rurale peut avoir autant de valeur, par rapport à nos racines et à notre histoire, que certains monuments très emblématiques.

Le patrimoine est aussi fait de toute notre histoire et de la richesse de nos répertoires, dans toutes les disciplines, du cinéma au spectacle vivant et jusqu'aux créations les plus contemporaines, qui participent, avec le dynamisme de nos créateurs, au rayonnement de notre pays, à notre identité, à notre fierté.

Nous sommes ici au coeur de l'alliance entre le patrimoine et la création, sur laquelle repose la politique culturelle. Il s'agit pour moi d'un seul et même combat. C'est pourquoi je considère qu'il est aussi important de replacer durablement, au-delà de la sortie de crise, les artistes et tous ceux qui font le spectacle vivant au coeur de la cité, que d'accorder à nos monuments toute l'attention qu'ils méritent.

Je n'oppose pas les artistes à la défense de notre patrimoine : c'est le juste équilibre dans l'attention portée aux uns et aux autres qui permettra une politique culturelle réussie.

Avec les artistes et les techniciens, avec tous les acteurs de ce secteur majeur de notre rayonnement, en particulier les élus, et en m'appuyant bien sûr sur les propositions et sur l'analyse que le Sénat, par la voix de sa commission des affaires culturelles, a formulées, j'essaie de construire une politique de la culture fondée sur cette conviction profondément humaniste déjà exprimée par Malraux : « La culture ne s'hérite pas, elle se conquiert. » C'est pourquoi, au-delà de la présente discussion, je compte sur votre engagement dans le débat sur le spectacle vivant que nous conduirons prochainement ici même.

Monsieur le rapporteur pour avis, vous m'avez interrogé sur le patrimoine.

Vous avez raison, l'augmentation des crédits de paiement concerne principalement le titre V, car elle a pour objet de répondre à l'engagement des autorisations de programme qui ont été consommées. Cette année, en dehors de la loi de finances rectificative, le taux de consommation des crédits de paiement sera de 100 %, comme pour le titre IV. En revanche, il restera des autorisations de programme, car toutes n'ont pas été engagées afin de ne pas créer ce que l'on pourrait appeler une « crise des crédits de paiement ».

Il est vrai que, dans les années à venir, avec la délégation de la maîtrise d'ouvrage aux collectivités locales ou aux partenaires privés, les crédits relèveront du titre VI. Mais ce ne sera effectif qu'à partir de 2006. Or, vous le savez, l'application pleine et entière de la LOLF dès l'année prochaine résoudra, j'allais dire « naturellement », les problèmes de cloisonnement que vous évoquiez. La distinction entre ces deux types de crédits n'aura plus de sens, ce qui, évidemment, représentera un progrès pour leur gestion.

Saurai-je pour autant faire face à toutes les demandes et répondre à toutes les sollicitations qui me sont adressées chaque fois que je viens à l'Assemblée nationale ou au Sénat ? Je dois reconnaître devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il faudra parfois avoir le sens de l'étalement dans le temps ! (Sourires.)

Il est vrai que l'augmentation des engagements des autorisations de programme en 2005, comme déjà en 2003 et en 2004, va nécessairement conduire à l'augmentation globale des crédits de paiement. D'ailleurs, monsieur le rapporteur pour avis, dans votre propre estimation des dépenses nécessaires pour le patrimoine vous étiez à 1 milliard d'euros près, puisque vous les avez chiffrées à 5 ou 6 milliards d'euros...

Je vois bien toutes les autres demandes qui s'expriment, notamment, et de manière croissante, de la part des territoires pour la création ou la rénovation de grands équipements culturels structurants.

Vous avez évoqué l'enseignement artistique, priorité forte pour 2005. Le ministre de l'éducation nationale et de la recherche et moi-même préparons pour le courant du mois de janvier une communication en conseil des ministres sur ce sujet. Vous comprendrez aisément que la présentation de ce plan d'action ait été légèrement différée du fait de la mobilisation de l'ensemble du ministère de l'éducation nationale pour l'élaboration du projet de loi d'orientation sur l'école, texte qui ne renie pas la place de l'enseignement artistique et que, j'espère, vous soutiendrez lorsqu'il viendra en discussion devant vous.

On constate d'ailleurs que le ministère de la culture et de la communication, d'une part, et le ministère de l'éducation nationale, d'autre part, sont fortement imbriqués, comme l'examen cet après-midi des crédits consacrés à la communication l'illustrera encore une fois : je pense notamment aux actions de pédagogie au sujet de la presse écrite que nous devons mener auprès des plus jeunes de nos concitoyens.

Attachant une très grande importance aux enseignements artistiques, j'ai demandé aux DRAC d'en faire une priorité dans leurs budgets pour 2005. Avant même la communication en conseil des ministres que je viens de mentionner, François Fillon et moi-même organiserons une réunion conjointe des recteurs et des directeurs régionaux des affaires culturelles afin de les sensibiliser à la question et de les encourager à travailler dans une collaboration la plus étroite possible, car ce n'est pas toujours le cas actuellement. De ce point de vue, c'est vrai, il y a certainement des progrès à faire !

Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur pour avis, la commande publique et les acquisitions. Parce qu'elle se situe au coeur de l'alliance entre création et patrimoine, qui constitue le terrain d'action de ce ministère, je souhaite donner un nouvel élan à la commande publique ; tout en dégageant des moyens pour les crédits d'acquisitions. C'est là un axe important de ma politique.

J'ai donc décidé symboliquement que les crédits concernés, même s'ils peuvent paraître modestes, seront sanctuarisés : on ne pourra plus dire qu'ils sont sacrifiés et servent en cours de gestion de variable d'ajustement aux besoins parfois constatés dans d'autres secteurs du ministère.

La relance de la commande publique doit également s'accompagner de mesures pour permettre d'exposer les chefs-d'oeuvre que l'on ne voit plus. Pour cette raison, j'ai décidé de restaurer rapidement la galerie Formigé, à la Manufacture nationale des Gobelins, ce qui permettra au Mobilier national d'exposer ses acquisitions et ses oeuvres ; car il possède non seulement des trésors du Moyen Age, de la Renaissance ou des XVIIIe, XIXe, voire XXe siècles, mais aussi des créations ultracontemporaines. L'ensemble de ces pièces mérite d'être exposé.

Monsieur Lagauche, j'attache comme vous une grande importance aux questions de droits d'auteur, mais je ne suis pas moins attentif aux équilibres économiques du secteur du cinéma et, plus généralement, de l'industrie culturelle.

La lutte contre la contrefaçon numérique est évidemment au coeur de mes préoccupations. Le sujet n'est pas facile et exige que nous nous montrions pédagogues à l'égard de nos concitoyens.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en politique, la sémantique est importante ; j'en appelle donc à votre sagesse proverbiale pour me suggérer une expression meilleure que celle de « piraterie », qui, pour les plus jeunes de nos concitoyens, jouit d'un coefficient de sympathie bien mal venu et renvoie à un imaginaire par trop fécond. Si nous voulons montrer que nous n'avons pas d'autre objectif que le respect de la diversité de la création, de la situation des artistes et des auteurs dans notre pays, il nous faut, là aussi, faire preuve d'imagination.

Par les pertes financières qu'elle implique, la contrefaçon numérique affecte la rentabilité de l'industrie cinématographique et pourrait, à terme, altérer nos capacités de création artistique, et donc notre diversité culturelle. Certes, la France est solide en la matière et peut sans doute résister plus facilement que d'autres pays dont l'activité culturelle, artistique, cinématographique ou musicale est beaucoup plus faible. Mais, si nous n'y prenions garde et si nous laissions faire, tous les acteurs seraient perdants et la diversité culturelle et artistique dans le monde ne serait plus qu'un leurre.

Pour éviter cet équilibre du pire, le ministère de la culture et de la communication a développé une politique de lutte active contre toutes les formes de piraterie, politique qui s'appuie sur deux axes essentiels : sur la communication et la pédagogie auprès des publics, en particulier des publics jeunes, et, par delà, sur la légitime et structurante action de répression.

Le rôle du ministère de la culture est d'encourager, de faciliter la « nouvelle alliance » que les fournisseurs d'accès et les professionnels du cinéma cherchent à sceller autour d'intérêts convergents. On ne me fera jamais dire que je suis contre l'accès à la musique et au cinéma grâce à Internet : je suis simplement obligé de mettre en garde contre le principe de gratuité tous azimuts, parce que son application risque de réduire à néant la juste rémunération des talents. Je souhaite que les négociations en cours aujourd'hui pour la musique comme pour le cinéma aboutissent.

L'enjeu est clair : il s'agit évidemment d'utiliser les potentialités des réseaux à haut débit et d'encourager le développement d'un ensemble d'offres légales.

M. Ivan Renar. On pourrait appeler « corsaires » les pirates légaux !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Les corsaires ?

M. Ivan Renar. Ils avaient des lettres de course du Roi ! Vous avez demandé des idées ? En voici une !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Je vous demanderai de faire preuve d'encore davantage de créativité, monsieur le sénateur ! Pirate et corsaire, cela n'évoque pas le pire ; il faut trouver mieux, si je puis dire ! (Sourires.)

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Il y a aussi le peer to peer !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Le ministère de la culture se doit également de préserver l'équilibre de la filière cinématographique. Vous avez mentionné, monsieur le rapporteur pour avis, les problèmes de la VOD, la vidéo à la demande, et celui de la chronologie des médias. Ces questions font aujourd'hui l'objet de négociations par le CNC, qui a la volonté d'aboutir.

Vous évoquez également la révision des critères d'attribution du soutien à l'industrie cinématographique. Sachez que, dès le mois de mai dernier, à l'occasion de la journée des auteurs, j'ai annoncé que ces critères devraient être évalués afin que l'on puisse en mesurer l'efficacité et la pertinence. C'est l'un des nombreux chantiers que le CNC devra conduire en 2005.

Un autre point sur lequel je reste très vigilant, parce que j'y attache la plus extrême importance, est la relocalisation d'un certain nombre de tournages sur le territoire national. Vous savez la politique de partenaires que les régions et l'Etat mènent en la matière.

De la même manière, des négociations sont en cours, à la suite d'une décision de justice, sur la position que nous devons adopter lorsqu'un film est produit et réalisé intégralement en France mais avec des capitaux étrangers. Je ne vous cache pas que le ministre de l'emploi culturel que je suis regarde d'un oeil évidemment attentif et bienveillant celles et ceux qui, en décidant de travailler en France, soutiennent l'activité des artistes et des techniciens français.

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. Bravo !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Ce sujet fait également l'objet de négociations, car vous imaginez bien que, comme toujours, des intérêts divergents s'opposent. Mais on ne peut pas me demander de me battre comme un lion, et je le fais avec passion, pour défendre la culture, la communication et toutes les formes d'expression artistique, et de rester les bras croisés alors qu'un certain nombre d'aides publiques permettent que des tournages se passent intégralement au-delà des frontières de l'Union européenne.

Si je ne suis pas un protectionniste, je n'en ai pas moins la charge de défendre l'activité des artistes et des techniciens qui font la fierté de notre pays.

On sait que le spectacle vivant, avec le cinéma et l'audiovisuel, constitue un véritable secteur économique qui, pour utiliser une expression un peu familière, « pèse » aujourd'hui plus de 20 milliards d'euros. Le secteur culturel et artistique est donc aussi une immense activité économique pour notre pays. Je le souligne, car je voudrais « démarginaliser » l'image qu'a la Rue de Valois dans notre pays.

Bien sûr, mais sur l'attractivité nécessaire de notre pays, je crois que nous y reviendrons dans la suite du débat.

On sait que l'effort conjoint de l'Etat et des collectivités territoriales a permis qu'un réseau d'équipements culturels « habille » notre pays et favorise la rencontre entre les arts et la population.

Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez cité des chiffres, en particulier sur les compagnies indépendantes. Je vous mets en garde sur un seul point : les crédits n'ont pas encore été individualisés puisque, par respect pour le Parlement, j'attends qu'ils m'aient été octroyés pour le faire. Ne soyons pas hypocrites, les conférences régionales sont en cours. Mais, bien que je souhaite que les responsabilités soient réparties entre le niveau central, le niveau territorial, et les échelons déconcentrés de mon ministère, c'est moi qui, en fin de compte, rends les arbitrages, parce que cela correspond ma manière d'exercer ma responsabilité.

Si donc vous êtes mécontents, mesdames, messieurs les sénateurs, vous pourrez vous en prendre au ministre au lieu de devoir contester des décisions qui n'ont pas encore été définitivement formalisées !

On sait que nos institutions, grâce à leurs équipes, grâce aux auteurs vivants de toutes les disciplines, offrent une création toujours en mouvement, inventive et diversifiée, tant en France qu'au-delà de nos frontières, création qui contribue à façonner l'image de notre pays.

Je ne les citerai pas tous - sans quoi je me ferai définitivement rappeler à l'ordre par Mme la présidente -, mais je tiens à votre disposition les chiffres d'audience atteints par la retransmission télévisée de l'ouverture de l'année de la France en Chine. Je ne donnerai qu'un exemple : le spectacle de Jean-Michel Jarre a été vu par 750 millions de téléspectateurs chinois, auxquels s'ajoutent 200 millions dans le monde, soit près d'un milliard de citoyens du monde pour l'expression artistique. Et je pourrais citer d'autres exemples ! Ainsi, en quinze jours, le Rideau de scène pour le ballet Parade de Picasso, qui a été présenté à Hong Kong, a attiré deux millions de visiteurs. C'est dire l'importance de l'activité de nos artistes, qu'il s'agisse du spectacle vivant ou du patrimoine, des plus humbles aux plus emblématiques.

Vous avez posé la question du financement de l'assurance chômage des intermittents du spectacle, sujet très important. Je ne me déroberai pas à votre interpellation, moi qui suis préoccupé par le soutien à l'emploi, et donc par le traitement du chômage.

Malgré l'injustice qui caractérise un certain nombre de situations, je crois nécessaire d'établir un système juste, équitable et définitif de l'intermittence. En effet, un certain nombre d'activités artistiques reposent, dans leur diversité, sur l'existence d'un système pérenne, durable, juste et équitable de l'indemnisation du chômage.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. C'est absolument nécessaire !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Or l'importance de la permanence de l'emploi est l'une des conclusions du rapport de M. Jean-Paul Guillot, qui a réalisé un travail absolument exceptionnel. Nous avons reçu ce document les uns et les autres et chacun de nos concitoyens peut y avoir accès sur le site Internet du ministère de la culture.

Nous sommes donc confrontés à un double défi : trouver un système juste pour l'indemnisation du chômage et requalifier un certain nombre de postes en emplois permanents. Cela suppose que s'installent autour de la table tous les employeurs, publics et privés, employant un certain nombre de techniciens et d'artistes relevant des annexes 8 et 10.

L'Etat prendra ses responsabilités. J'ai veillé scrupuleusement au respect de chacune des étapes que j'ai annoncées depuis que je suis ministre de la culture et de la communication.

Un fonds provisoire a été créé en 2004. Dans l'attente d'un accord définitif, le Gouvernement créera en 2005 un fonds de transition permettant de pallier un vide juridique et d'éviter que l'année ne se traduise par la désespérance des artistes et des techniciens vivant dans une situation de plus grande précarité. L'Etat fera face à ses responsabilités, parce qu'il entend soutenir concrètement l'activité des artistes et des techniciens.

Cela suppose, pour que cette politique soit comprise par nos concitoyens, que les abus fassent l'objet d'une vigilance particulière. C'est ce à quoi je m'attache avec mes collègues du Jean-Louis Borloo et Gérard Larcher.

Nos plus jeunes concitoyens bénéficient d'un certain nombre de mesures d'insertion professionnelle. Ces dispositions doivent être revisitées pour l'activité culturelle et artistique. Nous présenterons donc au Parlement, à l'Assemblée nationale, le 9 décembre, puis au Sénat, après les fêtes, au début du mois de janvier, un dispositif d'urgence et un plan d'action pour faire en sorte que l'emploi culturel et artistique soit mieux soutenu dans notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

S'agissant du Centre national de la chanson, qui joue un rôle essentiel pour l'aide au spectacle vivant de la chanson, la variété et le jazz, j'ai décidé de lui attribuer une aide de 1 million d'euros.

Je tiens à rappeler que ni le taux ni l'assiette de la taxe perçue par l'établissement public n'ont changé et que les fêtes traditionnelles n'ont jamais été assujetties.

Le Gouvernement, s'il partage les préoccupations des parlementaires et des élus bretons qui souhaitent que l'on évite de pénaliser les manifestations folkloriques, ce que certains appellent les « joueurs de biniou », ne veut pas pour autant que ce dispositif permette à d'autres types de spectacles d'échapper à cette taxe. Il proposera donc un amendement levant toute ambiguïté pour exclure les fêtes traditionnelles du périmètre de la taxe.

Mme la présidente. Nous passons aux questions des orateurs des groupes.

Je le rappelle, chaque intervenant dispose de cinq minutes maximum pour poser sa question, le ministre a trois minutes pour répondre, après quoi l'orateur dispose de deux minutes au maximum au titre de son droit de réplique.

La parole est à M. Pierre Laffitte.

M. Pierre Laffitte. Monsieur le ministre, la culture est au coeur de l'identité nationale et de nos territoires. Mais elle ne se limite pas, à mon sens, à l'action traditionnelle des services du ministère.

Le patrimoine de la France c'est aussi Louis Pasteur, Henri Poincaré, c'est aussi tous les grands savants qui oeuvrent en ce moment au Collège de France, dans les académies ou dans les universités, c'est aussi l'ensemble de nos réussites techniques. Nous avons reconquis l'espace aérien avec Airbus, le transport ferroviaire avec le TGV, le transport maritime avec les navires méthaniers, qui nous assurent une véritable domination en ce domaine. Nous avons maîtrisé l'énergie nucléaire, nous avons ouvert des musées scientifiques et techniques.

Monsieur le ministre, il me paraît fondamental d'accorder une priorité à la diffusion de la culture scientifique et technique, ne serait-ce que pour éviter à notre société de plonger dans la schizophrénie, cette société qui est de plus en plus dépendante de technologies qu'elle consomme en masse mais qu'elle comprend de moins en moins, quand cette incompréhension ne se transforme pas purement et simplement en rejet de la science et du progrès.

Il y a là, me semble-t-il, une priorité. Je veux bien qu'elle ne se traduise pas en termes budgétaires, mais je me permets tout de même d'insister, monsieur le ministre.

Vous disposez d'un outil extraordinaire avec la Cité des sciences et de l'industrie. Cet outil, il faut le maîtriser et il faut faire en sorte que le travail qui a été commencé par le nouveau président puisse être poursuivi.

Cet outil doit être mis à la disposition de l'ensemble de la nation. Il faut que le ministère chargé de la recherche, le ministère chargé de l'éducation et le ministère chargé de l'industrie joignent leurs efforts pour développer cette dimension de la culture française, qui est aussi une dimension de l'exception française.

Je reçois tous les jours à Sophia-Antipolis des délégations venant du monde entier pour s'imprégner de ce qu'elles appellent « le modèle de Sophia-Antipolis ». Je leur explique que c'est le résultat d'une culture : nous l'avons construit au fil des années avec l'ensemble des personnels, avec l'appui des collectivités locales et d'une fondation dont c'est le métier.

La culture, on le voit, peut être aussi mise au service du développement du territoire, du développement économique, et donc de la création d'emplois. Cette potentialité est reconnue désormais, puisque la délégation à l'aménagement du territoire, la DATAR, a lancé un appel d'offres pour développer ce modèle dans beaucoup d'autres régions.

Il y a là, me semble-t-il, des rôles complémentaires et importants qu'à mon avis seul le ministère de la culture peut fédérer.

Je reviens sur la Cité des sciences et de l'industrie pour suggérer, par exemple, que l'on développe l'opération La Main à la pâte, que nous devons à Georges Charpak, prix Nobel et membre de l'Académie des sciences, pour diffuser, en liaison avec l'ensemble des rectorats, ce qui se fait à la Cité des sciences et de l'industrie. Mais, au-delà de la Cité des sciences et de l'industrie, le Muséum national d'histoire naturelle ou le Palais de la découverte pourraient également devenir des pôles de diffusion de cette culture qui seraient ainsi démocratisée.

Par ailleurs, puisque l'on sait que les métiers de la pédagogie nécessitent des qualités que l'on reconnaît aux acteurs, notamment celles de médiateurs, ne pourrait-on employer des artistes du spectacle vivant, par exemple, qui sont tout à fait capables de mettre leurs compétences au service de cette cause d'intérêt général ?

Pourquoi ne pas promouvoir dans les écoles primaires, les hôpitaux ou les maisons de retraite, la culture scientifique, qui est tellement appréciée lorsqu'elle est diffusée à la télévision ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Monsieur le sénateur, à la demande de M. le Président de la République, les ministres chargés de la culture et de la recherche ont présenté en conseil des ministres, le 25 février 2004, un plan national pour la diffusion de la culture scientifique et technique.

Cette initiative est très importante parce que l'on ne peut pas ne pas être préoccupé par le décalage entre les offres d'emploi dans ce domaine et l'insuffisance de formation des plus jeunes de nos concitoyens qui souhaiteraient se lancer dans ce secteur d'activité essentiel à la survie économique de notre pays. C'est donc dès le plus jeune âge que le goût de la découverte et de la science doit être transmis, raison pour laquelle les orientations précises qui ont été définies tout au long de l'année 2004 seront planifiées pour 2005.

Plusieurs opérations du ministère de la culture ont été orientées sur ce thème en 2004. Lors des Journées européennes du patrimoine, près de 12 millions de visiteurs se sont rendus dans des lieux notamment à caractère scientifique qui avaient exceptionnellement ouvert leurs portes ; je pense en particulier à mon ministère. Ils ont pu y découvrir que chaque objet d'art exposé était le fruit de tout un travail de restauration qui exige lui-même des métiers faisant appel à la chimie la plus délicate ou à la science des matériaux.

L'événement Lire en fête, qui a été associé à la Fête de la science avec le Salon du livre de science pour tous, en octobre, a suscité un vif intérêt.

En mars 2005, la semaine de la langue française et de la francophonie aura pour thème « Le français, langue de l'aventure scientifique », à l'occasion du centenaire de la mort de Jules Verne.

Nous ne ménageons donc pas nos efforts pour faire en sorte qu'au-delà de ces opérations le ministère se mobilise pour développer une action cohérente en s'appuyant notamment sur la Cité des sciences et de l'industrie, dont le président et son équipe accomplissent un travail remarquable. En témoigne, d'ailleurs, l'importance des publics, notamment les jeunes, qui vont visiter ce lieu très prestigieux.

La Cité des sciences et de l'industrie développe une galerie des innovations qui accueillera, ce mois-ci, une exposition sur la téléphonie mobile et, en 2005, une exposition sur la biométrie. Elle s'attache également à une meilleure coordination avec les autres musées scientifiques, ce qui a permis, l'été dernier, de lancer une campagne de communication commune.

Enfin, la Cité des sciences et de l'industrie fait un effort particulier en direction des régions, son action ne devant pas, en effet, se limiter à la seule région d'Ile-de-France.

Il s'agit de développer les coproductions et l'itinérance régionale d'expositions, ce qui se concrétisera notamment, en 2005, par l'exposition « L'eau pour tous », qui sera présentée à Marseille, Pont du Gard, puis Lyon, avant d'arriver à la Cité.

Il s'agit également de diffuser de plus petites expositions par le biais des « inventomobiles », qui sont transportables en camionnette, ou des DVD-ROM science-actualité, tel celui qui est intitulé Le cannabis sous l'oeil des scientifiques. C'est dire la variété des sujets qui sont évoqués !

Pour la promotion auprès des municipalités et des écoles d'initiatives telles que La main à la pâte, la Cité des sciences et de l'industrie veillera à développer ses liens avec les relais locaux.

Enfin, nous devons utiliser tous les moyens possibles de diffusion pour répandre cette culture scientifique. Cet après-midi, lorsque nous examinerons les crédits de l'audiovisuel, nous reviendrons, je n'en doute pas, sur cette question. En effet, vous avez raison de le dire, monsieur le sénateur, la culture scientifique, comme les autres formes d'expression, a droit de cité dans notre pays, et peut-être encore plus que d'autres, en raison des perspectives technologiques très importantes qu'elle dessine.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laffitte.

M. Pierre Laffitte. Monsieur le ministre, je vous remercie de la qualité de votre réponse, dont je ne doutais pas, d'ailleurs, tant je vous sais conscient de l'importance de la diffusion de la culture scientifique.

Il est absolument nécessaire de mobiliser toutes les énergies et, surtout, de soutenir plus fortement ces milliers de petites associations qui font, bénévolement, un travail très actif dans ce domaine.

Nous pourrions creuser davantage l'idée d'utiliser les artistes du spectacle vivant, qui sont incontestablement des pédagogues extraordinaires. Ils pourraient mettre leur talent au service de cette oeuvre d'intérêt national prioritaire, afin d'insuffler l'esprit d'entreprise et le dynamisme qui nous font défaut.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge. Monsieur le ministre, ma question porte sur la contribution de votre ministère aux politiques urbaines.

En quarante ans, la loi Malraux a connu un succès grandissant, au point qu'elle est maintenant considérée par une centaine de villes comme un élément décisif de leur politique urbaine. Il est vrai que son application lui a conféré une telle résonance politique par rapport à toute la problématique urbaine que, si elle concerne toujours le patrimoine, elle prend désormais une dimension globale tout à fait stratégique.

Je n'évoquerai pas les espaces protégés ruraux ni les zones de protection. Je limiterai mon intervention aux secteurs sauvegardés. A ce propos, je voudrais attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la situation quelque peu paradoxale qui est la nôtre.

Nous disposons d'une centaine de secteurs sauvegardés. Nous devons à la fois faire face à une forte demande - nous avons une vingtaine de candidats - et engager une politique de révision nécessaire des plans anciens. En effet, ces documents juridiques, très contraignants à certains égards, ne correspondent plus aux stratégies urbaines du moment et ne peuvent donc plus servir les évolutions urbaines que les villes doivent légitimement rechercher. Par ailleurs, beaucoup de secteurs, à l'origine de petite taille, se sont élargis et atteignent jusqu'à cent hectares ! Il nous faut donc engager une politique d'extension des secteurs.

Comment faire face à la demande de crédits - et je ne parle que des études et non des investissements -, sachant qu'il faut compter en moyenne 500 000 euros, à étaler sur cinq ans. Ces études sont en effet très longues et ont un coût très lourd ! Pour une demande potentielle d'une quarantaine d'études, il faut donc compter à peu près 20 millions d'euros, ce qui, monsieur le ministre, représente un doublement des efforts actuels : il faudrait en effet passer de 2 millions à 4 millions d'euros par an.

A défaut, on peut toujours limiter le nombre de nouveaux secteurs, mais il faut alors le dire aux villes ! Nous ne pouvons laisser la liste d'attente s'allonger sans adopter parallèlement une stratégie par rapport à la demande. On pourrait aussi choisir les secteurs les plus urgents à transformer.

En tout état de cause, nous sommes obligés de répondre à cette dynamique, car nous ne pouvons pas bloquer le système ni l'étouffer, surtout dans un contexte extrêmement fort politiquement et s'agissant d'un domaine porté par les élus.

Voilà le stade auquel nous sommes parvenus ! Permettez-moi de vous dire qu'il est vraiment nécessaire de réfléchir à ce problème. Vous ne pourrez probablement pas me répondre aujourd'hui, mais j'imagine que vous trouverez une solution.

En attendant, je voudrais que vous nous confirmiez votre volonté d'y réfléchir sérieusement, non seulement avec vos partenaires interministériels, puisque le ministère de l'équipement est éminemment concerné, mais également avec les collectivité locales, afin de savoir comment donner à la loi Malraux toute son ampleur et lui conserver son rayonnement international, dont je vous signale qu'il est très important.

En effet, beaucoup de villes étrangères, notamment à travers les partenariats que nous avons avec l'UNESCO, demande notre coopération pour transférer nos savoir-faire dans ce domaine. Ce n'est pas négligeable !

Je vous remercie donc de répondre à cette question précise sur un sujet essentiel touchant à la politique globale des villes. Il serait désastreux de voir étouffée une loi emblématique, faute de moyens.

Il conviendra, bien sûr, de discuter avec les villes les plus riches - il en reste quelques-unes - pour savoir si elles ne pourraient pas participer. Jusqu'à présent, c'est l'Etat, seul, qui finance à 100 % les études. Doit-il rester le seul maître d'ouvrage ? Je le crois, parce que c'est une politique d'Etat, mais il ne faut pas exclure, dans certains cas, la possibilité de demander une contribution au moins aux grandes villes, celles qui ont quelques moyens !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Monsieur le sénateur, si vous avez la possibilité d'établir la liste des communes riches en France, ...

M. Roger Karoutchi. Il n'y en a pas en Ile-de-France !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. ...cela sera très utile à l'ensemble du Gouvernement. Mais je sais que l'exercice est assez difficile !

Cette idée fait d'ailleurs réagir M. Karoutchi. Ce n'est donc pas la peine de créer des arcs électriques inutiles et de consacrer trop de mon temps de parole à ce sujet ! (Sourires.)

Bien évidemment, je partage vos interrogations sur la mise en oeuvre des marchés d'étude des secteurs sauvegardés. Vous avez raison d'insister sur le caractère emblématique des dispositions issues de la loi Malraux.

Comme vous le savez, il y a eu, au début de cette année, une mission d'inspection générale dont les conclusions positives viennent d'être rendues.

Le bien-fondé de la démarche volontariste de réforme entreprise depuis l'année dernière pour la rationalisation tant de la commande des études que de l'exécution des procédures relatives à l'établissement des plans de sauvegarde et de mise en valeur n'est pas en remettre en question.

En revanche, des mesures sont à prendre, dans le sens de la déconcentration et de la simplification de la procédure d'instruction des plans de sauvegarde et de mise en valeur, de la pérennisation de la commission locale pour en faire un réel organe partenarial de suivi permanent du secteur sauvegardé, et de développement de la concertation avec la population pour que ce soit une oeuvre de fierté partagée ou de fierté retrouvée au sein d'une ville.

Parallèlement, à ma demande, le directeur de l'architecture et du patrimoine a engagé un processus de déconcentration de la maîtrise d'ouvrage des études relatives aux plans de sauvegarde et de mise en valeur. Il sera pleinement opérationnel en 2005 et permettra un exercice local plus direct et accessible de la commande publique.

L'année 2005 portera, je l'espère, les premiers fruits de ces mesures et devrait donner une nouvelle impulsion à la mise en oeuvre de la politique des secteurs sauvegardés.

Nous sommes particulièrement conscients des retombées économiques importantes de cette politique, en particulier dans les domaines touristiques et de l'activité du bâtiment. Nous avons donc un effort à poursuivre et une programmation à réaliser.

J'ai demandé aux services de mon ministère un bilan des demandes des collectivités territoriales, afin d'identifier les besoins des prochaines années. Nous avons à faire face, aujourd'hui, à une certaine forme d'urgence. Les directeurs régionaux des affaires culturelles devront définir les priorités de manière à résorber les difficultés rencontrées à l'échelon local, et les solutions à envisager pour application immédiate de cette loi essentielle.

J'ai parfaitement conscience de l'ampleur des besoins qui sont devant nous.

La question que vous avez évoquée comme celle qui touche à l'activité du spectacle vivant ou à la restauration du patrimoine, ne relèvent pas d'une seule obligation morale ; elles sont au coeur de notre responsabilité stratégique au service de l'économie du pays.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge. Je salue la motivation de M. le ministre sur ce dossier.

Je confirme qu'il est vraiment urgent d'établir un plan global sur cinq ans, afin de savoir comment répondre aux communes qui nous sollicitent. Certaines se déclarent prêtes à participer ; d'autres seraient incapables de le faire, car elles n'auraient pas les moyens de se substituer à l'Etat pour une intervention, qui, je le répète, relève aujourd'hui à 100 % de sa responsabilité, lui seul étant maître d'ouvrage.

Je fais une ouverture en suggérant que certaines villes puissent nous aider. Pourquoi pas ? Mais, entendons-nous bien, je n'en fais pas une question de principe.

S'agissant maintenant de la déconcentration, point que j'avais abordé avec vous en commission, monsieur le ministre, compte tenu des tensions actuelles sur les crédits de paiement, nos crédits, très limités, risquent de disparaître complètement. Mais, si vous donniez des instructions claires pour que, dans la masse des crédits déconcentrés, les secteurs sauvegardés retrouvent un espace, nous aurions peut-être la chance d'obtenir un financement plus important qu'aujourd'hui. C'est loin d'être gagné, mais pourquoi pas ?

Monsieur le ministre, je souhaite vivement que vous répondiez positivement à ma demande et que nous puissions, avec vos services, nous mettre au travail afin d'établir, pour les cinq ans qui viennent, un plan d'action concernant les secteurs sauvegardés. Cela nous donnerait aussi les moyens de tenir aux communes un discours clair qui puisse être compris de tous.

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne vais pas utiliser les cinq minutes de temps de parole qui me sont imparties, car M. le ministre s'est déjà longuement exprimé sur l'objet de ma question : le patrimoine.

Je rappelle simplement que notre pays compte environ 40 000 monuments et 265 000 objets protégés, qui nécessitent un entretien régulier incombant essentiellement au ministère de la culture.

Monsieur le ministre, vous avez de nouveau affirmé que le patrimoine était l'une des priorités de votre action, ce qui se traduit dans les chiffres par une augmentation de 25 millions d'euros supplémentaires, soit 13 % de plus par rapport à 2004.

En parallèle, vous avez établi des incitations juridiques et fiscales pour favoriser l'action des propriétaires privés et des associations, ainsi qu'une simplification des procédures en matière de protection et de travaux sur les monuments historiques. En ce sens, nous ne pouvons que nous féliciter de l'action conduite.

Mais - et vous voyez que les Franciliens peuvent aussi regarder ailleurs -, si des efforts ont été faits pour le Centre Georges-Pompidou ou la restauration du château de Versailles - nous en sommes bien conscients -, il ne faut pas pour autant occulter les problèmes qui se posent pour un certain nombre d'autres monuments, moins connus, moins prestigieux, et certainement un peu moins sous l'oeil des médias !

De ce fait, beaucoup de conservateurs, d'acteurs locaux, ne pourront souvent mener que des suites d'opérations par rapport à ce qui a été fait en 2004, les dispositions prises pendant l'été 2004 ayant souvent visé à redéployer des crédits plus qu'à les accroître.

Les entreprises de restauration des monuments historiques, qui emploient 9 000 compagnons dans la restauration du patrimoine ancien, se considèrent souvent - disons « parfois », pour rester plus modéré ! - en danger. Plusieurs s'inquiètent de voir disparaître leurs savoir-faire séculaires, transmis de génération en génération, et l'avenir de leurs compagnons ou restaurateurs se faire de plus en plus incertain.

Ce sentiment résulte d'une baisse de la commande publique en matière de restauration et d'entretien des monuments historiques, en tout cas pour ce qui est de la commande publique décentralisée.

Monsieur le ministre, ma question est simple et directe : quid des monuments historiques, qui font la richesse culturelle et patrimoniale de notre pays, et souvent la fierté de nos communes ?

Malgré la nécessité de réduction des dépenses publiques que comptez-vous mettre en oeuvre pour la restauration de ces monuments protégés, au-delà de l'effort budgétaire que je citais tout à l'heure ?

Enfin, de quelle façon comptez-vous sauvegarder le patrimoine national et, par ce biais, garantir les emplois hautement spécialisés de nos entreprises de restauration ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez parfaitement raison d'évoquer l'urgence et l'importance de la tâche qui nous attend concernant l'entretien, au-delà du patrimoine protégé, de l'ensemble du patrimoine national.

Pour le Gouvernement, en effet, l'enfouissement d'une ligne électrique ou téléphonique dans une commune aussi bien que la restauration d'une façade d'apparence simple s'inscrivent dans une démarche culturelle à laquelle, tous ensemble, nous devons nous astreindre en vue de défendre l'image de notre pays et son attractivité.

J'ai voulu - et le Premier ministre a rendu successivement un certain nombre d'arbitrages positifs allant dans ce sens - faire en sorte que nous abordions 2005 sans traîner les séquelles des ardoises passées.

L'ouverture de crédits supplémentaires est ainsi prévue - au-delà de ceux dont nous débattons aujourd'hui pour le budget 2005 - non seulement en gestion, mais aussi en mesures supplémentaires, notamment dans le projet de la loi de finances rectificative. Elle me permet d'espérer que sinon l'intégralité du moins une très grande partie des factures qui jonchent actuellement les bureaux des directions régionales des affaires culturelles seront épongées ; ainsi, nous abordons 2005 dans de meilleures conditions.

Pour autant, face aux projets publics et privés, nous connaîtrons sans doute de nombreuses tensions en 2005, j'en conviens.

Ce qui m'importe, c'est de faire en sorte que l'Etat soit exemplaire sur ce sujet, c'est-à-dire qu'il fasse lui-même un effort accru pour pouvoir légitimement susciter les efforts des autres. A défaut d'adopter une telle règle, j'entends déjà le concert de voix venant d'ailleurs plutôt du côté gauche de cet hémicycle, qui s'élèverait immédiatement pour stigmatiser le désengagement de l'Etat.

Or, sur cette question, il n'y a pas désengagement de l'Etat, mais augmentation de son intervention. Pour autant, j'ai réfléchi à une manière de faire pour que l'ensemble de nos concitoyens s'approprient cette grande cause nationale. Je vous livre le fruit de cette réflexion - il ne s'agit en aucun cas d'une décision -, et peut-être pourrions-nous - si vous l'acceptez - y travailler ensemble.

Dans le cadre des prochaines Journées européennes du patrimoine, ne pourrions-nous pas, en effet, envisager département par département, des opérations de mécénat populaire afin que l'Etat et les collectivités territoriales, qui se donnent la main en cette affaire, soient relayés par nos concitoyens ?

Au-delà de l'obligation liée au respect de la mémoire, entretenir et restaurer notre patrimoine, dans le monde de violence dans lequel nous vivons aujourd'hui, c'est faire oeuvre utile. Tout en prévoyant l'avenir des entreprises et des métiers d'art sur lesquels repose la restauration du patrimoine, nous rendons leur passé à nos concitoyens et, ce faisant, nous les rendons plus forts. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Je vous remercie, monsieur le ministre, de la proposition que vous avez formulée s'agissant des prochaines Journées européennes du patrimoine. Les collectivités locales y seront certainement sensibles de même que les acteurs privés.

Toutefois, au-delà de l'effort national général, je tiens à vous redire que certains métiers très spécialisés méritent une attention particulière ; ils risquent, en effet, de disparaître si nous ne les aidons pas.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Monsieur le ministre, mon intervention a trait au patrimoine bâti, mais également aux fouilles archéologiques préventives. Patrimoine et fouilles archéologiques préventives sont en effet autant de domaines qui préoccupent beaucoup les collectivités locales, notamment les plus petites d'entre elles. Je peux en témoigner d'autant mieux que je préside l'association des maires d'un département dont 48% des communes comptent moins de deux cents habitants, alors que deux cents de ses églises sont classées.

Le premier sujet que j'aborderai est donc celui des crédits disponibles pour l'entretien et la restauration des monuments classés qui ne sont pas nécessairement historiques, mais pour lesquels l'Etat intervient de la même manière.

Je me félicite que les crédits inscrits à ce titre au budget 2005 du ministère de la culture soient en augmentation par rapport à ceux de 2004. Toutefois, depuis plusieurs années, on constate la même tendance dans la loi de finances initiale puis, en cours d'exercice, on se rend compte malheureusement qu'une part de ces crédits fait l'objet de gels. Il y a là un vrai problème !

Il arrive même que des collectivités locales, j'en connais un exemple dans mon département, à qui on a demandé de verser, avant que l'Etat n'engage les travaux de restauration, les sommes représentatives de leur participation sur un compte réservé et qui ont dû parfois emprunter pour être en mesure de le faire, voient les fonds bloqués parce que l'Etat ne dispose plus des crédits nécessaires pour engager lesdits travaux. Dans ce cas, la collectivité, elle, commence à rembourser ses emprunts ; néanmoins la participation qu'elle a versée ne lui est pas remboursée et reste inutilisée.

J'ai connaissance d'un cas plus grave encore où, faute de pouvoir engager les travaux de restauration, la commune voit le monument se dégrader davantage, de sorte que, finalement, les crédits sont utilisés non pour restaurer le monument, mais pour installer une sorte d'échafaudage de protection, ce que les spécialistes appellent un « parapluie ».

Cette situation, qu'on ne fait qu'aggraver, est évidemment lourde de conséquences à la fois pour le patrimoine, qui continue à se dégrader, et pour la collectivité qui a bloqué des fonds en pure perte.

Aussi, monsieur le ministre, je souhaiterais savoir ce que concrètement vous comptez faire pour que les opérations déjà attribuées à des entreprises ou déjà pré-financées par les collectivités locales ne soient pas interrompues faute de crédits disponibles de la part de l'Etat.

Le second sujet sur lequel je souhaite appeler votre attention concerne les fouilles archéologiques préventives et préalables aux opérations d'aménagement menées par les collectivités locales.

L'insuffisance évidente des moyens dont dispose l'INRAP, l'Institut national de recherches archéologiques, notamment dans certaines régions, et le caractère excessif de certaines prescriptions de fouilles archéologiques décidées par les services archéologiques des DRAC - elles prennent parfois un caractère quasi systématique et peuvent être sans rapport avec l'importance relative de l'opération et l'intérêt du lieu -, aboutissent à ce que des opérations d'aménagement sont bloquées pendant des mois, en attente de la réalisation des fouilles. Cela peut remettre en cause des opérations importantes en matière de développement économique.

Ajoutons à cela que le coût de ces fouilles - je n'évoque pas le diagnostic, mais les fouilles prescrites après le diagnostic - est, dans les faits, fixé unilatéralement par l'INRAP - peut-être n'est-ce pas tout à fait règlementaire -, qui établit son devis et demande à l'aménageur de donner son accord avant même d'indiquer la date et la durée de l'intervention.

Je suis, pour ma part, confronté à ce problème dans mon département et je ne suis pas le seul.

Ces pratiques remettent en cause l'équilibre des opérations.

Il est clair que, dans un certain nombre de cas, on est aujourd'hui face à une contradiction entre la manière dont agissent les services chargés de l'archéologie préventive et les impératifs économiques auxquels sont confrontés les aménageurs. Notre pays n'est pas dans une situation économique et financière telle qu'il puisse accepter sans réagir la remise en cause d'opérations d'aménagement du territoire.

Aussi, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous nous précisiez ce que vous comptez faire pour résorber les retards accumulés dans certaines régions et pour que les fouilles archéologiques ne soient prescrites qu'à bon escient et sans méconnaître les nécessités de l'aménagement du territoire et du développement économique.

Je serais tenté de vous demander, en bref, ce que vous comptez faire pour réconcilier l'archéologie et l'aménagement du territoire !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Monsieur le sénateur, pour la gestion budgétaire de 2004, vous auriez pu m'interpeller en me disant : « Pourvu que ça dure » ! (Sourires.)

Je vous rappelle, en effet, qu'en 2004, grâce à la décision de M. Jean-Pierre Raffarin, il n'y a pas eu de gel de crédits du budget du ministère de la culture et de la communication. Il s'agit, bien entendu, d'un signal très important donné par le Premier ministre. Dans une période difficile où il fallait rétablir la confiance, le gel des crédits aurait été du plus mauvais effet. Vous pouvez, en tout cas, être assuré de ma détermination à faire en sorte de rester, en 2005, en dehors des gels budgétaires, cette véritable épée de Damoclès qui, en règle générale, est susceptible de peser sur chaque ministre.

En ce qui concerne 2004, il n'est pas juste de dire que l'Etat n'aurait pas rempli ses obligations à l'égard des collectivités territoriales en matière de patrimoine. En début d'année, les besoins exprimés localement étaient de 238 millions d'euros et, avec la loi de finances rectificative, nous aurons distribué en région 239 millions d'euros.

Certes, les crédits arrivent avec un peu de retard et il y a eu des tensions en cours d'année, mais les factures seront toutes payées. Quant aux opérations, nombreuses, qui sont en attente, des moyens supplémentaires ont été dégagés pour faire face à ces obligations nouvelles.

S'agissant de l'archéologie, vous avez raison d'utiliser le terme de « réconciliation ». Sur ce sujet extraordinairement complexe, il faut, en effet, que nous puissions mener dans un même élan, sans les contrecarrer, des opérations d'aménagement nouveaux, de construction, en un mot tous les projets des collectivités, de l'Etat ou des particuliers sans pour autant mettre en échec le travail nécessaire des fouilles archéologiques et du respect de la mémoire et du passé.

Au cours des premières semaines qui ont suivi mon arrivée rue de Valois, tous les parlementaires que je rencontrais me soumettais des cas réellement aberrants. Cela m'a permis de constater à quel amoncellement de situations incroyables aboutissait, par la complexité de son équilibre financier, la taxe qui avait été conçue pour les fouilles archéologiques.

Vous avez changé le système, soyez-en fiers ! Aujourd'hui, en effet, l'assiette de la taxe a changé, le périmètre de prélèvement a été modifié et, d'une façon générale, les collectivités territoriales et les maires sont satisfaits.

Toutefois deux aspects méritent encore notre attention : d'une part, l'importance parfois des prescriptions archéologiques qui ne sont pas toujours immédiatement bien perçues ; d'autre part - et c'est essentiel - le fonctionnement de l'INRAP. IL nous faut faire en sorte, en effet, que cet établissement prestigieux puisse faire face à ses responsabilités. J'y veillerai personnellement.

Cependant, la situation est contrastée d'une région à une autre, et les directions régionales ont désormais une responsabilité technique supplémentaire délicate. De ce point de vue, les nouvelles technologies chères à M. Laffitte doivent pouvoir nous aider. Ainsi, un logiciel informatique de gestion, en cours de test, pourrait être déployé au premier trimestre 2005.

En tout cas je puis vous assurer que suis prêt à tout moment à dresser un bilan des problèmes que rencontrera l'INRAP au terme de ce rééquilibrage des mesures que nous avons prises concernant les fouilles.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Je vous remercie monsieur le ministre. Vous savez exactement où sont les problèmes.

S'agissant des opérations dont je parlais, quand les travaux n'ont pas été réalisés, bien que les marchés aient été attribués, quand les fonds sont gelés et quand les monuments continuent à se dégrader, une solution mériterait sans doute d'être étudiée, je vous la livre.

Ne serait-il pas judicieux, dans certains cas, de déclasser les monuments de telle sorte que les marchés puissent être attribués à des entreprises qui sont parfaitement aptes, par ailleurs, à réaliser les travaux requis ? Cela permettrait, je pense, d'accélérer les opérations d'entretien de notre patrimoine.

Mme la présidente. La parole est à M. Jack Ralite.

M. Jack Ralite. Le projet de convention de l'UNESCO sur la diversité culturelle peut être appréhendé de deux façons.

La première est positive : pour la première fois, une norme culturelle est introduite pour régler les échanges internationaux. C'est la théorie du grain de sable qui vient troubler la machine bien huilée de l'OMC et des accords de commerce internationaux.

Pour la première fois, la culture est abordée sous l'angle du contenu et pas seulement du support. Les partisans du projet de l'UNESCO ont raison de noter que le texte porte sur la promotion de la diversité culturelle et des contenus culturels, et qu'il ne s'inscrit pas seulement dans une démarche défensive par rapport au commerce, à qui est ainsi opposée une notion riche de contenu.

Mais il y a une autre façon de comprendre le texte de l'UNESCO.

Il y a eu l'opposition nette et active contre le GATT, puis contre l'AMI. Dans les deux cas, la détermination et l'inflexibilité l'ont emporté : c'était l'invention et la mise en acte de l'exception culturelle.

Par principe, la culture se situe au-delà des questions de commerce, qu'elle surclasse. Or ce qui me gêne dans le texte de l'UNESCO, c'est la faiblesse de la détermination et l'absence de sanction.

L'article pivot de la convention, l'article 19, qui réglera ces rapports dans le droit international, comporte deux versions.

La première version, soutenue par les Etats-Unis, est évidemment à rejeter, car la convention y est considérée comme moins forte que tous les autres traités internationaux. C'est la variante « B ».

A Beaune, aux rencontres cinématographiques de l'ARP - la société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs -, auxquelles vous avez participé, monsieur le ministre, le successeur de Jack Valenti, Dan Glickman, a évoqué la question et s'est montré ouvert, tout en ajoutant néanmoins, ce qui est révélateur, que cela ne devait pas permettre un retour au protectionnisme.

Je suis toujours scandalisé quand j'entends un américain qui a de grandes responsabilités prononcer de tels propos ! Ce soupçon de protectionnisme est tout de même un peu fort venant d'un pays où l'ensemble des cinématographies mondiales ne représente que 3 % de la diffusion cinématographique !

En outre, dans le groupe d'experts de l'UNESCO nommés par le directeur général de cette institution, se trouve un professeur d'économie à l'université George Mason de Virginie, Tyler Cowen, qui a notamment déclaré : « Plusieurs pays, et plus spécialement la France, aimeraient que l'UNESCO ait le pouvoir de renverser les engagements de libre-échange pris dans le cadre de l'OMC et de l'Union européenne. »

Après cette première version, particulièrement instructive, la deuxième version de l'article 19 est la variante « A », qui est considérée comme positive par certains partisans de la diversité culturelle. Pourtant, le partisan que je suis en la matière regrette la faiblesse d'une variante selon laquelle la convention est moins forte que tous les autres traités sauf, et l'ajout est d'importance, si la diversité culturelle est sérieusement menacée.

A priori, donc, la culture est moins importante que le commerce, sauf si la preuve d'un danger est apportée. Or, qui apportera la preuve, par quelle procédure, et avec quelle sanction ? Il s'agit donc d'un recul par rapport à l'exception culturelle.

Ceux qui approuveraient cette variante telle quelle mériteraient l'appréciation de René Char, qui, non pas en tant que poète, mais en tant que Résistant, s'exprimait ainsi : « Méfiez-vous de ceux qui se déclarent satisfaits, parce qu'ils pactisent ».

Heureusement, l'Union européenne, qui a commenté ce texte, considère qu'aucune de ces variantes n'est satisfaisante : s'appuyant sur l'article 151 du traité sur l'Union européenne, selon lequel elle tient compte des aspects culturels dans son action, l'Union considère ne pas pouvoir accepter que les autres traités internationaux prévalent sur la convention de l'UNESCO sur la diversité culturelle.

Malheureusement, cette position de l'Europe reste ambiguë, car elle spécifie que, à l'inverse, la convention de l'UNESCO ne devrait pas non plus prévaloir sur les droits et les obligations découlant d'autres accords internationaux. Il faut donc, toujours selon l'Europe, que la convention et les autres instruments internationaux se renforcent mutuellement et ne se nuisent pas.

En fait, l'Union européenne tergiverse, et je ne suis pas de ces optimistes à courte vue qui font valoir que cette indéfinition même est un succès !

Monsieur le ministre, quelles propositions faites-vous, qui ne permettront pas au commerce de « pirater » ou de « corsairiser » - je vous laisse le choix du terme ! - l'avancée réelle que constitue l'irruption de la culture dans le droit international ? C'est une tâche extraordinairement difficile, mais, pour la culture, il n'y a pas d'autre chemin que la réussite.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Monsieur Ralite, à certains moments, je suis diplomate ; à d'autres, je suis guerrier. (Sourires.) Sur ce sujet, j'ai reçu du Président de la République et du Premier ministre la mission d'être un guerrier persuasif, et je le suis !

Il est en effet essentiel de mener ce combat politique. A travers la diversité culturelle que nous voulons promouvoir, nous souhaitons, d'une part, garantir le respect de la diversité politique, érigée en valeur suprême dans l'ensemble du monde, et, d'autre part, consacrer la légitimité des Etats et des cultures quand ils souhaitent assurer leur identité, leur survie et leur rayonnement.

Nous devons avoir une position claire vis-à-vis de nos concitoyens, qui s'interrogent parfois sur le rôle de l'UNESCO ou sur le contenu de l'OMC.

Dans les discussions préparatoires auxquelles nous avons participé, aussi bien sur la Constitution européenne que sur la convention de l'UNESCO, il s'agit, ni plus ni moins, de refonder la légitimité des politique nationales pour le soutien à la culture. C'est dire l'importance du sujet.

En effet, si nous n'y prenons garde, évidemment, les plus puissants d'hier deviendront hégémoniques et en viendront à détruire ce pluralisme culturel et politique auquel nous tenons.

D'une certaine manière, en raison de la gravité de la situation internationale et des violences idéologiques, culturelles, politiques et religieuses, ce sujet prend une dimension nouvelle. La France engrange des soutiens très importants sur cette question.

A la suite du déplacement du Président de la République en Chine, je suis resté sur place, à sa demande, pour participer à une réunion du réseau international pour la politique culturelle consacrée à la diversité des politiques culturelles.

En marge de cette réunion, j'ai obtenu un accord avec la Chine, qui a fait l'objet d'une déclaration conjointe de nos deux pays. Lors de son récent déplacement au Mexique, le Premier ministre en a fait autant.

La semaine dernière, je me suis rendu à Berlin, où se tenait une conférence sur ces questions. Avec mes collègues allemands et polonais, nous avions prévue, en tant que représentants des pays membres du « triangle de Weimar », de faire une déclaration très précise. Nous avons été rejoints d'emblée par un certain nombre d'autres pays de l'Union européenne.

Ainsi, nous devons faire comprendre à l'ensemble de la communauté internationale que les règles de l'OMC, qui visent les biens économiques « usuels », ne prévalent pas dans certains domaines, là où il faut défendre une spécificité : c'est le cas de l'environnement, de la santé et de la culture.

Nous souhaitons que l'OMS - l'Organisation mondiale de la santé -, la future institution internationale en matière d'environnement et l'UNESCO reçoivent la capacité juridique.

En effet, l'OMC s'est arrogée tous les pouvoirs parce qu'il s'agissait de la seule institution internationale qui avait une capacité juridique à traiter cette question. Nous demandons que l'UNESCO reçoive également la personnalité juridique pour protéger la spécificité des biens culturels.

Dans ce domaine également, la sémantique a beaucoup d'importance. De la même manière que « piraterie » n'est pas un terme approprié, je n'aime pas l'expression « biens culturels ». Il faudrait donc trouver une autre appellation.

Au demeurant, monsieur le sénateur, sur ce sujet, ne soyez pas injuste à l'égard des dispositions de la Constitution européenne. Contrairement à ce qui prévalait il y a quelque temps, nous ne sommes plus le mouton noir de l'Union européenne. De nombreux pays amis et partenaires comprennent mieux l'attitude de la France à l'égard de la Commission européenne. Je fonde de grands espoirs dans les déclarations récentes du nouveau président de la Commission, lequel a annoncé que la culture serait au coeur des préoccupations de l'Union européenne. Peut-être était-il temps ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Ivan Renar. Très bien ! Quand c'est bien, il faut le dire : mieux vaut être un loup blanc qu'un mouton noir ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jack Ralite.

M. Jack Ralite. Je vous remercie, monsieur le ministre, de vos précisions, car il était nécessaire d'entendre une telle détermination. Sur cette question, en effet, la mollesse l'a trop souvent emporté.

Nous devons conserver l'esprit des négociations de Seattle. J'étais sur place à l'époque, et les premiers combats qui ont été menés ont réussi à mettre l'OMC en échec. Il faut donc continuer.

Cela dit, je voudrais vous donner lecture d'autres remarques de l'universitaire américain que j'ai cité tout à l'heure, qui a aussi déclaré : « La France a besoin de la culture américaine » - ce que je trouve incontestable - « pour faire contrepoids à la montée de sa population islamique. Les moeurs nord-américaines telles que véhiculées par Hollywood ou d'autre formes de culture populaire peuvent encourager la révolte des adolescents contre leurs parents. Cela aiderait à assimiler les enfants islamiques dans l'ensemble de la société française. Je me demande même si les Français ne devraient pas subventionner l'importation de films d'Hollywood dans leur pays. »

Il a même osé ajouter : « Bien des Français veulent consolider la culture française sur la scène internationale tout en supprimant la diversité chez eux. »

C'est dire la taille de l'obstacle auquel nous avons à faire face, d'autant que les Etats-Unis, depuis qu'ils ont réintégré l'UNESCO, contribuent à hauteur de 25 % à son budget. Dans cet univers marchand, vous connaissez tous l'adage : « Qui paie décide. » Le combat s'annonce donc très difficile.

Plusieurs réunions sont organisées sur la place de la culture dans les accords internationaux par rapport aux autres marchandises. Il y en a une aujourd'hui même à Trèves, et je me suis personnellement rendu à la maison des cultures du monde mercredi dernier, pour rencontrer sur ce thème soixante-dix stagiaires étrangers, venant de cinquante-deux pays, en présence de l'ambassadeur Musitelli et de la directrice du département de l'UNESCO qui s'occupe de la question.

Par ailleurs, dans leur rapport mondial sur le développement, les responsables du PNUD, le programme des Nations unies pour le développement, écrivent : « Il est certainement vrai que de permettre la diversité dans les pratiques culturelles peut se révéler extrêmement important, puisque l'exercice de la liberté culturelle en dépend. Cela ne revient cependant pas à défendre la diversité culturelle pour elle-même. » Si ! bien au contraire, il faut défendre la diversité culturelle pour elle-même, comme vous l'avez d'ailleurs très bien expliqué, monsieur le ministre !

En effet, il ne faudrait pas que les Etats-Unis se comportent à l'égard de l'UNESCO comme ils l'ont fait à l'égard du protocole de Kyoto. Heureusement, avec désormais vingt coalitions culturelles, la France compte de plus en plus de soutiens, notamment en Europe.

Monsieur le ministre, je me réjouis de vous voir résolu sur la question. Nous pourrons marcher côte à côte et « frapper ensemble ». Comme dirait Saint-Just, il faut oser, car c'est le seul chemin de l'avenir. Or, pour oser, il faut être inventif : soyons-le, ensemble !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le ministre, c'est de démocratie que je souhaite vous parler.

Dans un monde qui voit tomber, une à une, ses certitudes, dans un monde où la rapidité médiatique affiche, dans chaque maison, le spectacle de toutes les décompositions et de toutes les violences, dans un monde qui fait toucher du doigt la fragilité de chacun face aux crocs du libéralisme débridé, nous avons plus que jamais besoin de démocratie pour élaborer les choix publics.

La culture est au coeur de ces enjeux humanistes et sociétaux, en ce qu'elle donne à voir ce qui fut, ce qui est et ce qui peut être.

En la rendant elle-même victime de critères absurdes de rentabilité, en touchant à la protection sociale de ses acteurs, en livrant artistes et techniciens au soupçon et à la calomnie, certains ministres - dont vous n'êtes pas - ont, hier, flirté avec le populisme.

En répandant des chiffres faux, empruntés à on ne sait quel fantasme, les acteurs de l'UNEDIC et du MEDEF, si prompts à réclamer des subventions publiques pour n'importe quoi -  le chewing-gum en tube, le désodorisant cancérigène, ou le colloque sur le « moins d'impôts » -, ont failli rendre crédible l'urgence de rompre avec l'intermittence.

Dans un contexte difficile pour de nombreuses structures, et en l'absence d'un cadre ambitieux et rénové pour le financement, on assistait à un étranglement du secteur culturel qui n'avait rien à envier au massacre des laboratoires de recherche.

Une mobilisation exemplaire, aux actions parfois cruelles pour eux-mêmes, a permis aux artistes, aux techniciens et aux réalisateurs d'exiger la vérité, et d'enrayer partiellement la destruction du cadre qui leur permet de travailler et de vivre de la production culturelle que le public attend.

Aujourd'hui, presque un électeur sur deux ne croit plus en la politique et ne se dérange même plus pour voter et choisir ceux qui pilotent les choix publics.

Monsieur le ministre, en l'espèce, vous dites que le budget de la culture ne peut être considéré comme un simple supplément d'âme. Au moment où tout le monde se fait rogner les ailes par Bercy, il est vrai que votre ministère a sauvé quelques plumes !

Mais sans moyens neufs, sans perspectives pour les emplois concernés, c'est toute la vie culturelle qui souffre.

Les parlementaires ont pris leurs responsabilités. Un groupe de réflexion, sans clivage artificiel, présidé par Jacques Valade, a rédigé un rapport aux propositions innovantes.

Un comité de suivi, installé par Noël Mamère, animé par Etienne Pinte et assidûment fréquenté par Danièle Pourtaud, Patrick Bloche, Jack Ralite et quelques autres, réunit syndicalistes, coordination, employeurs, réalisateurs, artistes et techniciens. Nous produisons des diagnostics partagés et formulons des demandes communes. Vous avez su entendre les plus urgentes contre des injustices flagrantes et vous avez accepté une expertise indépendante sur les effets du protocole liberticide, comme sur les effets probables de tel ou tel choix à venir.

La qualité du travail de M. Guillot ne doit pas nous faire oublier l'inadmissible : l'UNEDIC ne sait pas ou ne veut pas donner les chiffres exacts qui, selon elle, justifiaient le protocole du 26 juin 2003. En effet, à l'expert mandaté par le ministre à la demande des parlementaires, l'UNEDIC n'a fourni ni le nombre d'entrées et de sorties dans le régime, ni les métiers concernés, ni les recettes des métiers permanents de la culture, ni celles qui proviennent des cotisants non indemnisés !

Gageons que le CNRS, le Centre national de la recherche scientifique, mandaté par les régions, n'aura guère plus de succès !

On pourrait s'attendre à plus de sérieux ou de transparence de la part d'un organisme qui gère les droits de millions de salariés.

Le fonds spécifique est reconduit, tandis que la base de calcul est de nouveau fixée à 507 heures pour douze mois. C'est un point positif, mais la confiance ne sera rétablie que lorsque les ASSEDIC en seront informées et qu'elles mettront en oeuvre cette mesure avec bonne volonté.

Le rapport a le mérite de remettre les choses en place : face à l'image pénalisante d'un déficit de 800 millions d'euros dans le secteur culturel, il y est précisé, pour ceux qui ne mesurent qu'en espèces sonnantes et trébuchantes : « La valeur ajoutée est d'un peu plus de 11 milliards d'euros, soit autant que celle de la construction aéronautique, navale et ferroviaire ». En miroir, les artistes et techniciens, hier « profiteurs » et déconsidérés, s'y révèlent en précarisation, un demi-SMIC étant le lot d'un tiers d'entre eux.

L'emploi culturel, par sa spécificité, ne peut pas s'accommoder de séparations étanches entre activité visible et invisible, entre le temps où l'on donne le savoir-faire et celui où on le reçoit. Il ne peut ni ne doit s'accommoder des critères du MEDEF pour faire vivre, sur tout le territoire, l'épanouissement et l'émancipation de chacun grâce à la rencontre de l'autre.

Quel sera l'agenda ? Croisement des fichiers, débat au Sénat, nouveaux protocoles ou lois ? Quelles perspectives autres que des réparations successives allez-vous donner à l'emploi culturel ? La démocratie a porté ses premiers fruits. Monsieur le ministre, irez-vous jusqu'au bout ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Madame le sénateur, sachant que nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet dans quelques semaines, au tout début de l'année prochaine, j'irai à l'essentiel.

Deux questions bien distinctes sont posées. La première porte sur l'urgence relative au chômage des artistes et des techniciens, la seconde sur le soutien à l'emploi de ces derniers.

S'agissant de l'indemnisation du chômage et du régime des intermittents fixé dans les annexes VIII et X, je suis très attentif à ce que les décisions prises soient largement diffusées et qu'elles trouvent immédiatement leur application.

Comme vous, je me suis posé un certain nombre de questions sur la publicité qu'il convenait de donner aux mesures que nous mettions sur la table des négociations.

Conscient de la fragilité de la situation, je ne voulais pas afficher mon autosatisfaction. Il est vrai, cependant, que nous aurions pu mettre en oeuvre une communication encore plus large. Quoi qu'il en soit, j'ai veillé à ce que les décisions prises par l'Etat soient opérationnelles et applicables dans toutes les ASSEDIC dès le début de cet été.

Certains cas qui nous ont été soumis témoignaient visiblement de dysfonctionnements. Quelques-uns d'entre vous, d'ailleurs, nous en ont informés. Michel Lagrave a donc vu ses fonctions prorogées pour pouvoir, cas par cas, département par département, veiller à l'entrée en vigueur effective des mesures annoncées.

Aujourd'hui, je m'interroge sur les variations, d'une semaine à l'autre, du nombre de personnes « récupérées » par le fonds provisoire que nous avons mis en place. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à Michel Lagrave, qui sera entouré d'un certain nombre d'autres personnes, de faire le point sur cette question, de manière extrêmement rapide, c'est-à-dire dans les jours et les semaines à venir.

En effet, nous allons mettre en place, comme vous le savez, un deuxième fonds pour 2005, dans l'attente de la négociation des partenaires sociaux. Je veux qu'il soit clair dans l'ensemble du territoire national que, d'une part, les problèmes de maternité sont réglés directement par l'UNEDIC - certains m'interrogent encore sur ce point -, et, d'autre part, que l'exigence des 507 heures de travail sur douze mois, pour l'ensemble des artistes et techniciens, qui était la règle en 2004 grâce au fonds d'urgence, ne sera pas modifiée en 2005, grâce au fonds de transition.

Je suis en train d'examiner les modalités exactes de fonctionnement du fonds de transition pour 2005, avec l'objectif de le rendre opérationnel dès le début de l'année.

Outre la question de l'indemnisation du chômage, se pose également celle de la nécessaire transformation des emplois. J'ai décidé, dans le cadre des crédits pour les mesures nouvelles dont bénéficie mon ministère, d'affecter des marges de manoeuvre supplémentaires en faveur de l'emploi permanent. De ce point de vue, lors des conférences budgétaires en cours au sein de mon ministère avec chaque direction régionale, je ne manque pas d'indiquer que c'une priorité dans l'utilisation des crédits consacrés au spectacle vivant.

Je pense cependant que nous devrons aller plus loin dans ce domaine, et qu'il faudra débattre.

Les collectivités territoriales, qui sont des employeurs majeurs et des soutiens financiers presque plus importants que l'Etat pour le spectacle vivant, ne veulent pas s'engager dans le financement de l'indemnisation du chômage. Je comprends parfaitement cette position, qui m'a été exprimée à de très nombreuses reprises.

Cela étant, c'est une chose de financer l'indemnisation du chômage, c'en est une autre de soutenir, le plus possible, la permanence de l'emploi dans un certain nombre d'activités culturelles et artistiques. Sur ce point, nous devrons, ensemble, nous mettre autour d'une table pour examiner les moyens de transformer progressivement, étant donné l'ampleur du sujet, un certain nombre d'emplois précaires en emplois permanents, dans l'audiovisuel - nous évoquerons peut-être cette question cet après-midi -, les orchestres ou les troupes de théâtre, c'est-à-dire dans l'ensemble des secteurs concernés par les annexes VIII et X.

Nous consacrerons, dans le cadre du budget de mon ministère pour 2005, 18 millions d'euros en faveur de cette politique d'incitation à la création d'emplois permanents. Cette somme devrait pouvoir être majorée par les collectivités territoriales.

Ainsi, l'indemnisation du chômage et le soutien à la politique de l'emploi s'inscrivent dans les perspectives et les préoccupations actuelles.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Je ne reviendrai pas, car nous sommes tous d'accord sur ce point, sur le lien étroit qui unit l'ambition culturelle et le sort réservé à ceux qui la mettent en oeuvre.

En une minute, je souhaite simplement souligner que le spectacle vivant, les musiques actuelles et le problème de leur rémunération, l'art lyrique, les orchestres, la danse, l'éducation artistique, le cinéma, les tournages, les multiplex et les petites salles, la photographie, la démocratisation du téléchargement, les droits d'auteurs et les petits labels du disque, la lecture, les musées, les arts plastiques, les langues de France, les archives, l'action internationale, les moyens des DRAC, le premier bilan des établissements publics de coopération culturelle, la culture scientifique, les arts de la rue, le cirque, ne sont pas des objets budgétaires dignement traités par le Parlement, quand il est enfermé dans la procédure étriquée qui accorde deux questions de cinq minutes à un groupe de quatre-vingt-seize membres, socialistes et Verts. (Depuis les tribunes réservées au public, plusieurs personnes manifestent en faveur des intermittents du spectacle et, avant d'être maîtrisées par les huissiers, parviennent à jeter des tracts dans l'hémicycle.)

M. André Lardeux. Bravo, madame Blandin !

M. Roger Karoutchi. C'est bien, le spectacle !

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à douze heures cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à M. Louis de Broissia.

M. Louis de Broissia. Monsieur le ministre, après ce happening, qui, je l'espère, n'était pas destiné à m'empêcher de parler ou à retarder ma prise de parole (Sourires), je vais donc vous poser ma question, qui traite du programme de décentralisation culturelle de votre ministère.

Le Gouvernement, par la voix du Premier ministre, a annoncé - et nous nous en réjouissons - qu'à Lens serait installée une annexe du musée du Louvre. Je me félicite de cette initiative et j'aimerais savoir si vous envisagez de poursuivre cette décentralisation des collections du Louvre ainsi que dans le domaine de l'art contemporain, qui m'intéresse tout particulièrement.

En matière d'art contemporain, en janvier 2003, le ministère de la culture a mis en route le programme d'implantation d'une antenne régionale à Metz du centre Georges-Pompidou. Les travaux sont en cours, et ce « Beaubourg bis », sera ouvert au public, si j'ai bien compris, au début de l'année 2007.

Metz et la Lorraine ne sont pas les seuls à être intéressés par ce programme de décentralisation culturelle ; la Bourgogne, la Côte-d'Or, Dijon seraient également intéressés par un « Beaubourg ter », mais on peut imaginer qu'il y ait aussi un « Beaubourg quater ».

Pourquoi ai-je cité la Côte-d'Or ? A titre d'exemple, mes chers collègues, bien entendu !

Nous sommes idéalement situés, non loin de Paris, de la Suisse et de l'Italie. Nous avons un fort rayonnement culturel tenant à l'implantation d'artistes contemporains de renommée internationale, tels que Bertrand Lavier ou Yan Pei-Ming, qui exposent dans le monde entier. Nous avons un centre d'art contemporain important, conventionné par la délégation aux arts plastiques du ministère de la culture. Nous avons aussi le fameux Consortium, qui organise des expositions régulières. Il existe l'association pour la diffusion de l'art contemporain, qui s'est installée dans ce que l'on appelle à Dijon « l'usine », c'est dire que c'est un Beaubourg extrêmement limité ! Enfin, il ne faut pas oublier le fonds régional d'art contemporain, de très grande qualité, qui, en association avec les collèges de Côte-d'Or, favorise une diffusion effective de la culture.

J'ai souhaité ainsi montrer, monsieur le ministre, l'intérêt que les Français, à travers l'exemple de la Bourgogne, portent à l'art contemporain.

J'aimerais donc savoir quel est le projet politique de votre ministère, à moyen et à long terme, en ce qui concerne cette décentralisation.

Permettez-moi, mes chers collègues, de vous citer deux chiffres : sur les 50 000 oeuvres de la collection du Musée national d'art moderne qui sont stockées dans des réserves, on peut en présenter 1 300 par an. Pourrons-nous, au moment où s'engage l'Acte II de la décentralisation, accélérer ce fort mouvement de décentralisation qui est cher au coeur de tous les Français ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Monsieur de Broissia, vous soulignez à juste raison la nécessité d'un égal accès de l'ensemble de nos concitoyens aux oeuvres d'art, qu'il s'agisse des oeuvres du passé ou de création contemporaine. A cet égard, des opérations très emblématiques ont été décidées par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin.

La dernière décision en date - et c'était un moment assez extraordinaire - a été le choix de Lens pour accueillir une antenne du Musée du Louvre. La ville de Lens, qui a été marquée, comme vous le savez, par la crise industrielle, n'avait pas de grande structure culturelle susceptible d'offrir à tous un égal accès à la culture.

Une certaine émotion a marqué ce moment, en raison, peut-être, de l'aspect très provocateur - au sens positif du terme - de ce geste. La décision n'était pas facile à prendre, compte tenu de l'intérêt des projets concurrents. Le Premier ministre a montré que, sur ce sujet, nous savions mettre de côté tout esprit partisan, puisque deux ministres soutenaient, par ailleurs, les candidatures d'autres villes pour accueillir les collections du Louvre.

L'accès aux oeuvres d'art, qui est très important, peut se faire soit grâce des implantations d'Etat, soit à travers les concours que l'Etat peut apporter aux musées en région. J'ai évoqué tout à l'heure la nouvelle mission incombant à la Réunion des musées nationaux, qui devra s'efforcer de mettre ses moyens scientifiques et techniques à la disposition des collectivités territoriales et de leurs musées.

De surcroît, en ce qui concerne la politique de prêts des oeuvres, beaucoup d'efforts sont accomplis pour favoriser l'organisation d'expositions dans les régions. Toutefois, vous avez raison de souligner que nos collections nationales et patrimoniales d'Etat recèlent de vrais trésors dont il faut encourager la diffusion dans l'ensemble de nos régions. Les lois récentes le permettent et il est de la volonté du Gouvernement et singulièrement du ministre chargé de la culture, d'aller dans ce sens.

La ville de Dijon a fait l'objet pour 2005 de décisions très positives, non pas dans le domaine des musées mais dans celui du spectacle vivant, puisque je vous confirme la construction d'un Zénith, salle destinée à accueillir toutes les formes de musique à Dijon. Cela représente une dépense de trois millions d'euros. L'aménagement devra évidemment être discuté ensuite avec les collectivités territoriales sur place, mais la décision prise est déjà très importante.

Je ne vous annoncerai pas aujourd'hui une implantation territoriale nouvelle ; que penseraient les habitants de Tours si je me préoccupais de toutes les villes sauf de la mienne ? (Sourires.) Cela ne signifie évidemment pas qu'un grand projet est prévu à Tours dans l'immédiat.

Plus sérieusement, je souhaite comme vous une égalité entre nos concitoyens pour l'accès aux oeuvres. C'est la raison pour laquelle, notamment en ce qui concerne l'art contemporain, j'attache la plus grande importante à la coopération entre l'Etat et les régions.

J'ai récemment réuni tous les présidents et les directeurs des FRAC pour examiner de quelle manière on pouvait poursuivre et prolonger cette politique, et ce d'autant plus que des cicatrices choquantes demeurent.

Je n'accepte pas que, dans des opérations partagées, on puisse faire preuve d'esprit partisan. Je pense à la région Poitou-Charentes, où, de manière unilatérale, la nouvelle présidente du conseil régional a cru devoir mettre un terme à la politique d'acquisition et d'exposition des oeuvres pour l'art contemporain. J'espère que cet épisode fâcheux ne se reproduira pas et que, sur ces sujets, on aura effectivement le seul souci de l'égalité d'accès de nos concitoyens à toutes les formes d'expression culturelle et artistique.

Mme la présidente. La parole est à M. Louis de Broissia.

M. Louis de Broissia. Monsieur le ministre, nous prenons acte de cette volonté décentralisatrice générale, dont je me félicite en particulier pour Dijon, la Côte-d'Or et la Bourgogne.

L'Acte II de la décentralisation qui est engagé n'est pas qu'un transfert de compétences ou de ressources. C'est aussi l'exercice de nouvelles responsabilités. Je le dis devant la Haute Assemblée comme je le dirai ailleurs.

C'est aussi le moment pour les collectivités locales, en particulier départementales et régionales, aux côtés des villes, des agglomérations, d'exercer leurs responsabilités dans la promotion et la diffusion de l'art, notamment de l'art contemporain, dont l'accès est, à mes yeux, refusé à trop de Français encore.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Legendre.

M. Jacques Legendre. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je respecte les troubadours, sauf quand ils déclament de manière incongrue dans les tribunes du Sénat !

J'aime les vieilles pierres, dont vous êtes le ministre. Je m'intéresse aux vestiges enfouis. Je crois que notre sol recèle une part importante de notre histoire et que ces témoignages doivent évidemment être compris et préservés.

Je suis aussi un élu local et, à ce titre, j'aime la vie, c'est-à-dire la capacité à répondre par des projets aux demandes de nos territoires et aux aspirations de leurs habitants.

Si je mets dans la balance, monsieur le ministre, d'un côté, nos vestiges enfouis, et le respect que nous leur devons, de l'autre, la vie des habitants et le développement des territoires, vous aurez compris que c'est pour vous parler aujourd'hui d'archéologie.

Le Sénat a coutume d'organiser un débat de qualité sur l'archéologie. Nous avons débattu de ce sujet en 2001 et en 2003 ; nous avons corrigé un certain nombre de textes pour faire, si possible, que la réalité et les textes coïncident.

Vous avez évoqué tout à l'heure, monsieur le ministre, l'action de l'Institut national de recherches archéologiques préventives. La loi que nous avons adoptée vise, dans son esprit, à la fois à préserver les vestiges et à nous permettre de savoir, en recourant aux services de l'INRAP, ce que contient le sous-sol. Sans doute vise-t-elle aussi à permettre aux territoires de se réapproprier leur histoire et à leur faire comprendre qu'ils ont un devoir à l'égard de leur sous-sol, qui passe par le développement des services archéologiques locaux.

Actuellement, nous sommes au milieu du gué. L'ancienne loi a été corrigée ; les missions de l'INRAP ont été redéfinies cependant que les services archéologiques locaux sont peu présents ou ne sont pas encore constitués.

Nous ne pourrons pas rester longtemps dans cette situation, sauf à condamner nos territoires à connaître un véritable blocage. Nous ne pouvons pas faire fonctionner un monopole que nous avons, à juste titre, voulu réformer, mais nous ne disposons pas encore des services archéologiques locaux sans lesquels il n'est pas possible de faire face aux besoins et à la demande.

Ma question est simple, monsieur le ministre. Pouvez-vous faire le point devant nous de la création de services archéologiques de collectivité territoriales et pouvez-vous nous dire quelles mesures vous comptez prendre pour inciter nos collectivités à se doter de tels services, dont l'existence est indispensable si nous voulons, sans retard excessif, assurer la protection des vestiges et, en même temps, permettre simplement que les territoires vivent ?

M. Yves Détraigne. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Monsieur le sénateur, comme vous, j'aime bien les vieilles pierres et les troubadours ! J'utilise cette expression humoristique pour essayer de mobiliser chacun et de renforcer l'adhésion de tous aux thèmes de la culture et de la communication, domaines stratégiques pour la France dans le monde d'aujourd'hui.

L'archéologie est un sujet sensible que vous connaissez mieux que quiconque. D'une certaine manière, elle constitue un devoir d'Etat, puisqu'il s'agit du respect de notre histoire et de notre mémoire.

Ce devoir d'Etat prend des formes nouvelles grâce aux décisions du Parlement.

A ce jour, quelque vingt-six services archéologiques territoriaux, départementaux ou communaux ont fait l'objet d'un agrément au titre de la loi du 17 janvier 2001 sur l'archéologie préventive, agrément confirmé en 2003 et 2004.

Par ailleurs, au titre de cette même loi modifiée le 1er août 2003, d'une part, la création de trois services territoriaux a fait l'objet d'un avis favorable du Conseil national de la recherche archéologique le 13 octobre 2004, les arrêtés étant en cours de signature ; d'autre part, la création de trois autres a fait l'objet d'un accusé de réception, assorti, pour deux d'entre eux, en application du décret du 3 juin 2004, d'une demande de pièces complémentaires.

Le Conseil national de la recherche archéologique examinera de nouveaux dossiers à l'occasion de sa prochaine réunion, le 3 février 2005. D'ailleurs, M. le rapporteur spécial m'apprenait à l'instant que la ville de Troyes allait elle-même déposer un dossier.

Une dynamique est ainsi enclenchée, ce qui est très positif.

La répartition des services agréés sur le territoire métropolitain est encore assez inégale, reconnaissons-le. Treize régions comptent au moins un service agréé, communal ou départemental. Le département du Pas-de-Calais en compte quatre.

Je suis extrêmement attentif à ce que la structuration des services de l'archéologie se fasse rapidement, en concertation avec les représentants des collectivités locales, pour rendre compatibles l'aménagement, les projets du futur et le respect du passé, comme vous l'avez signalé.

Là encore, un point d'équilibre doit être trouvé dans les conférences régionales qui se tiennent actuellement entre la rue de Valois et les DRAC. De ce point de vue, je recommande à mes directeurs régionaux de veiller personnellement et attentivement à éviter, certes, tout excès de prescriptions, mais aussi toute insuffisance dans le respect dû au passé.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Legendre.

M. Jacques Legendre. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse encourageante. Il faut que le rythme de ce mouvement qui s'amorce et que vous venez de rappeler s'accroisse dans l'année qui vient. Je le répète : des chantiers archéologiques sont actuellement en attente, qui ont besoin d'être traités. Nous comptons sur vous pour aider toutes les collectivités qui marqueront leur volonté de préserver ainsi la mémoire de leur territoire.

Culture
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Etat C- Titres V et VI

Mme la présidente. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant la culture et figurant aux états B et C.

État B

Titre III : 69 311 999 euros.

Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits du titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)

Titre IV : moins 148 623 148 €

Mme la présidente. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'éducation artistique est en souffrance pour ne pas dire en déshérence, alors que chacun, à commencer par vous-même, monsieur le ministre, s'accorde à reconnaître son rôle crucial dès le plus jeune âge. Heureusement, nous sommes à l'unisson sur cette question. A défaut, la situation des arts à l'école serait encore plus tragique, s'il est possible qu'elle le soit.

Notre collègue Philippe Nachbar a abordé la question dans son rapport.

Le problème, monsieur le ministre, c'est qu'en attendant la conférence de presse annoncée avec votre collègue de l'éducation nationale, les crédits de ce ministère diminuent, désespérant tous ceux qui se consacrent à cette mission.

N'est-il pas paradoxal que le beau consensus autour de cet enjeu n'aboutisse, dans l'ensemble des moyens affectés à l'éducation nationale, qu'à un budget confetti, noyé, perdu, écrasé, au lieu d'être une priorité absolue ?

Bien sûr, lire et compter, c'est indispensable ; penser et apprendre à penser l'est bien davantage encore. C'est pourquoi la formation artistique fait incontestablement partie des savoirs fondamentaux. Dans le même temps, elle éclaire la richesse des jeunes et développe leurs potentialités.

C'est en cela que vous êtes concerné, monsieur le ministre, puisque les enfants et les jeunes sont aussi le public de demain.

Comment naître au monde et à soi-même sans cette dimension essentielle dans l'acquisition des connaissances ? Avec l'éducation artistique, il s'agit non pas de former des spécialistes ou des professionnels, mais de permettre à chaque jeune de développer sa part d'humanité et d'humanisme, de s'ouvrir au monde, de s'interroger, bref de maîtriser son destin et non de le subir.

Soulignons que les classes à projet artistique et culturel, parce qu'elles s'articulent autour d'un projet, favorisent le décloisonnement et la transversalité des disciplines, induisant ainsi un traitement différent de l'apprentissage. De telles pratiques aident les élèves à faire lien entre les différents savoirs qu'ils acquièrent et éclairent ainsi toute l'intelligence de ces savoirs.

En la matière, si l'implication et le partenariat des collectivités locales sont essentiels, l'intervention de l'Etat n'en est pas moins indispensable, ne serait-ce que pour garantir l'égalité d'accès aux pratiques et formations artistiques dans les établissements scolaires.

De plus, nous savons très bien que l'éducation artistique pour tous est un facteur déterminant de la démocratisation culturelle. Beaucoup reste à faire pour conquérir de nouveaux publics. L'éducation artistique en est la clé, le coeur, le socle indispensable. « L'art, c'est comme le chinois : cela s'apprend », disait Picasso. Et chacun d'entre nous doit lutter contre tous les analphabétismes.

Alors que votre ministère remet l'accent sur la diffusion des oeuvres, comment admettre que la formation des publics de demain passe à la trappe ? C'est à l'épreuve du feu qu'on se brûle, c'est à l'épreuve de l'art qu'on en suscite le désir. C'est le non-partage qui crée les non-publics. Il est évident que les moyens affectés aujourd'hui, dans l'éducation nationale, à l'éducation artistique et culturelle ne permettent ni de passer du petit cercle au grand cercle des connaisseurs, comme disait Brecht, ni de favoriser l'égal accès aux oeuvres de l'esprit.

A cet égard, je vous remercie de ce que vous venez de dire.

Par ailleurs, une politique d'éducation artistique ambitieuse aurait aussi pour conséquence de renforcer l'emploi artistique. Il s'agit, par exemple, de prendre pleinement en compte le travail mené par les artistes dans les établissements scolaires, notamment dans le calcul des indemnisations qu'ils peuvent percevoir du régime d'assurance chômage des intermittents.

A l'image de ce que vous-même dénoncez et regrettez pour votre ministère, ne faisons pas de chaque artiste un éternel quémandeur et mendiant !

Il a déjà suffisamment affaire, lui qui a mal aux autres, pour reprendre un texte de Brel cité à Lille, lors de la soirée anniversaire organisée en l'honneur de Maurice Béjart, à laquelle vous assistiez.

Apprenons, nous aussi, comme les élèves, à aller à l'école de nos erreurs et mettons enfin résolument à l'honneur l'éducation artistique qui permet de développer le partage du beau, de l'émotion, de l'imaginaire, du sensible, de l'esprit critique, dont notre monde si tourmenté a tant besoin.

Mme la présidente. La parole est à M. Jack Ralite.

M. Jack Ralite. J'avais prévu de faire une intervention complète sur les intermittents du spectacle. Cependant, compte tenu de ce qu'a dit Marie-Christine Blandin à ce sujet, je limiterai mon propos. Je soutiens très vivement sa position et y adhère de A jusqu'à Z.

Je suis satisfait de la façon dont Jean-Paul Guillot a rédigé son rapport. Son expertise conforte tout ce que nous disions. La qualité de son travail tient au fait qu'il ne s'est pas considéré comme un expert isolé, prétendant tout savoir et se contentant de nous demander d'approuver. Il a travaillé avec les experts du quotidien, ceux qui se retrouvent au comité de suivi, à savoir les élus, les intermittents ou leurs représentants syndicaux. Le document auquel il a abouti conforte de manière heureuse la position que nous avions adoptée le lendemain du 26 juin 2003. Par ailleurs, je trouve bien que vous ayez exprimé ici, monsieur le ministre, tout l'intérêt que vous portez aux conclusions de M. Guillot.

Cela dit, je me pose une question. Je m'en suis fait l'écho au cours de la récente conférence de presse du comité de suivi et lors d'une rencontre avec vous. Marie-Christine Blandin l'a évoquée elle aussi : il s'agit de l'agenda.

Vous parlez d'un « Valois de la culture ». La formule est belle. La symbolique compte en politique. Cependant, le problème est bien celui du calendrier. Sans aller jusqu'à dire que vous vous opposez au MEDEF et - ce que je regrette, bien évidemment - à son alliée, la CFDT, à tout le moins, vous avez quelque difficulté à aboutir dans les discussions que vous menez avec ces deux organisations.

Il ne faudrait pas que les mesures provisoires et positives que vous avez heureusement prises pour 2004, mesures appelées à devenir transitoires en 2005 et destinées à permettre à la négociation de s'ouvrir, deviennent définitives. En effet, le MEDEF et la CFDT, se transformant en mur anti-intermittents, c'est-à-dire en mur anti-art et anti-culture, pourraient être tentés d'accepter la formule provisoire, transitoire, donc limitée, qui deviendrait alors une solution bas de gamme. Cette question, sérieuse, angoisse les intermittents, et m'angoisse aussi.

Si cette situation devait durer trop longtemps, la spécificité du régime des intermittents, à laquelle nous tenons - et vous aussi, dites-vous -, risquerait d'être englobée dans la discussion générale sur la réforme de l'UNEDIC et pourrait y perdre des plumes.

De toute façon, il faut et il faudra de l'argent. Or il n'y en a pas de prévu. J'ai eu l'occasion de vous parler récemment de cette question du financement. A cet égard, la situation de l'orchestre de chambre national de Toulouse me préoccupe. Il comptait onze permanents. Les collectivités locales ont accepté de se mettre autour de la table pour étudier, dans l'esprit énoncé, quelle part pouvait être la leur. Or le directeur régional des affaires culturelles, dès la première réunion, a annoncé qu'il diminuait la subvention, pour la passer de 460 000 euros à 50 000 euros.

Soit les collectivités locales prennent tout à leur charge, mais elles sont présentes sur tellement de fronts à la fois qu'elles n'y parviendront pas, soit on trouve un mécène, mais je n'en vois pas qui se présente pour soutenir l'Orchestre de chambre national de Toulouse, soit encore on transforme les personnels permanents en intermittents. Il y a là une interrogation, et nous devons y répondre rapidement.

Par ailleurs, je saisis au vol l'information selon laquelle un débat sur l'emploi culturel et artistique aura lieu à l'Assemblée nationale, le 9 décembre, sur votre initiative, monsieur le ministre - j'y assisterai pour ma part dans les tribunes -, ainsi qu'au Sénat, au mois de janvier.

Il faut que nous approfondissions désormais les idées mises en avant par le comité de suivi. Comme Marie-Christine Blandin, je pense en effet que nous devons tous réfléchir à la qualité de ce comité, dans lequel se retrouvent la « coordination », toutes les organisations syndicales, sauf celles qui « collent », provisoirement je l'espère, aux positions du MEDEF. En font partie aussi une organisation patronale extérieure au MEDEF, ainsi que des élus de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel des sensibilités politiques de ce pays, ce qui ne signifie pas qu'ils y représentent leur groupe.

Lorsque l'on va au fond des choses, on peut donc trouver au plan national des solutions qui dépassent la pensée « bissectrice ». En effet, comme je l'ai dit un jour à M. Fillon, je ne me résous pas à être seulement dans l'opposition. Nous ne devons jamais nous mettre dans cette situation, car cela empêche de trouver des solutions, cela nous abîme, et cela vous abîme également.

Fort heureusement, monsieur le ministre, la façon dont vous abordez la question évite l'écueil de cette pensée bissectrice. Mais cela nous demande un travail beaucoup plus important.

Je n'énumérerai pas le contenu des revendications du comité de suivi, car vous les connaissez aussi bien que moi. Mais elles sont fondamentales !

Vous avez évoqué tout à l'heure, et vous avez eu raison, les difficultés que rencontrent les intermittents. Je n'insisterai donc pas, mais il y a tout de même une difficulté que je veux rappeler.

Animant récemment un débat des états généraux de la culture au Théâtre de la Commune, j'évoquais la question des congés de maternité des intermittents, me félicitant de la solution qui venait d'être trouvée. Et Léonore Faucher, la réalisatrice de ce premier beau film, Brodeuses, enceinte de sept mois, de me répondre que c'était faux, qu'elle s'était rendue la veille aux ASSEDIC, où on lui avait dit que ces nouvelles règles ne s'appliquaient pas.

Dans la salle, plusieurs personnes ont affirmé le contraire. L'un d'entre nous a ensuite pris contact avec l'un de vos collaborateurs, qui s'occupe des affaires sociales au ministère de la culture, M. Abecassis, qui a lui-même appelé les ASSEDIC. Fort heureusement, ce cas a été réglé.

Mais je connais une autre jeune femme (M. Roger Karoutchi s'exclame), une technicienne du cinéma qui, elle, a dû faire sept démarches, pour obtenir satisfaction. Je l'avais empêchée de se résigner car, pour ma part, je ne me résigne jamais. Sept démarches ! Je pense qu'une autre personne, renvoyée dans les cordes, au bout de deux ou trois démarches, ne serait pas revenue.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Eh oui !

M. Jack Ralite. Cela explique peut-être les chiffres que vous citiez tout à l'heure, monsieur le ministre.

Je souhaite que l'on sorte rapidement de cette situation et que, du provisoire, on puisse passer au transitoire, qui semble acquis, et que le transitoire devienne pérenne.

Au sein du comité de suivi, nous avons décidé, si vraiment les difficultés étaient grandes, notamment du côté du MEDEF qui, décidément, veut gouverner la France, que nous déposerions une proposition de loi.

C'est d'ailleurs une tradition au Sénat. A la fin des années quatre-vingt-dix, face à des difficultés similaires, le président Valade le sait, Ivan Renar et d'autres sénateurs avaient pris cette responsabilité parlementaire. En 1992, je n'étais pas encore élu, mais je travaillais déjà constamment sur ces questions, comme aujourd'hui. J'étais à l'Odéon, avec les intermittents. En 2003 et 2004, j'ai participé, dans toute la France, à pas moins de soixante-quatre réunions qui accueillaient chaque fois un public nombreux.

Nous prendrons donc, le cas échéant, nos responsabilités.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour commencer, j'aimerais saluer l'effort financier fait en faveur du spectacle vivant, qui demeure, cette année encore, le premier poste budgétaire, avec une somme de 753 millions d'euros.

Il nous faut noter en particulier avec satisfaction la hausse de 6,5 %, qui représente une augmentation de 18 millions d'euros des crédits alloués, permettant le financement du plan pour le spectacle vivant, qui nous apparaît nécessaire.

Nous soutenons, monsieur le ministre, les objectifs de ce plan, qui doivent permettre à notre sens, et je sais que c'est ainsi que vous l'entendez, de mettre davantage l'accent sur l'emploi, plutôt que de se polariser uniquement sur le financement de l'assurance chômage.

L'un des objectifs principaux est en effet, d'une part, de consolider l'emploi dans ce secteur, d'autre part, d'élargir et renouveler les publics et, enfin, de soutenir la création et la diffusion artistiques.

Je souhaiterais également vous féliciter pour votre capacité d'écoute et de dialogue, à un moment difficile, avec les professionnels du spectacle vivant, qui ont été profondément marqués par le conflit provoqué par la signature du protocole d'accord du 26 juin 2003. Vous avez su prendre à bras le corps le dossier brûlant des intermittents du spectacle et de l'audiovisuel.

Le rapport Guillot, qui vient d'être rendu public, me donne l'occasion d'insister aujourd'hui sur la richesse et la vitalité du spectacle vivant. Il confirme l'état des lieux dressé par le rapport de M. Latarjet, qui affirme clairement que le spectacle vivant constitue un véritable secteur économique pesant environ 20 milliards d'euros et employant plus de 300 000 personnes, dont 100 000 intermittents.

Il existe en effet 3 300 compagnies de théâtre, de danse, de cirque ou de théâtre de rue et plus de 8 000 ensembles musicaux, qui produisent environ 5 000 spectacles différents par an et suscitent quelque 25 millions d'entrées.

En outre, ce rapport confirme, ce que certains d'entre nous savaient déjà, que le secteur culturel est générateur d'une série d'effets induits en termes d'emplois et d'activités, et participe pleinement au rayonnement culturel international, au développement du lien et de la mixité sociale, à l'attractivité du territoire et à l'épanouissement des individus.

L'été 2003 a malheureusement fait prendre conscience aux élus, comme à la population, des conséquences catastrophiques des annulations de festivals, tant pour l'économie locale que pour le tourisme culturel des villes concernées. Si la mission Latarjet a constaté la vitalité exceptionnelle du spectacle vivant, elle s'est, dans le même temps, inquiétée de la crise de croissance de ce secteur, dont le conflit des intermittents n'a été, selon elle, qu'un symptôme.

Cette crise, due au déséquilibre entre une production très riche au regard d'une diffusion insuffisante, fait du spectacle vivant un secteur fragile, de nombreuses compagnies disparaissant en effet dès qu'une difficulté financière apparaît ou dès qu'une subvention est supprimée.

Toutefois, le conflit des intermittents de 2003 et 2004 aura eu le mérite, si je puis dire, de faire prendre conscience à nos concitoyens de la spécificité des professions artistiques, très diverses dans leur statut et marquées par une précarisation croissante de leur emploi et de leur situation.

On constate aujourd'hui en tout cas l'existence d'un consensus de l'ensemble des missions d'expertise commandées par le ministère, qui ont toutes reconnu la spécificité de l'intermittence en tant que système d'aide à la création et aux artistes, ainsi que la légitimité d'un régime particulier d'assurance chômage au sein du régime interprofessionnel pour les artistes et les techniciens du spectacle vivant.

Nous restons donc attachés au système particulier des annexes VIII et X de l'assurance chômage délimitant le périmètre de l'intermittence, car il prend en compte les caractéristiques du monde du spectacle, c'est-à-dire la discontinuité de l'emploi, la multiplicité des employeurs et l'alternance de périodes de travail intense et de moments dédiés à l'élaboration et à la création de projets, ce qu'on appelle le temps de travail invisible. C'est d'ailleurs l'existence de ce régime spécifique qui a permis l'émergence de nombreuses compagnies et explique en partie la vitalité de la création dans notre pays.

Au-delà de la question de l'intermittence, c'est donc bien la politique culturelle de la France, de nos villes et de nos régions qui est en jeu.

Je tiens également à saluer la prolongation en 2005, voulue par vous, monsieur le ministre, du fonds d'urgence provisoire en fonds transitoire, laissant le temps aux partenaires sociaux d'aboutir à un « protocole vertueux » et équitable.

Toutefois, s'il est important que le régime de l'intermittence perdure, car il correspond bien à une réalité des pratiques professionnelles, il faut s'attacher désormais à faire émerger un système pérenne de financement de l'emploi qui réduise la précarité.

Parvenir à un système qui encourage le travail déclaré, reconnaître la nécessité de réserver le régime des annexes VIII et X aux métiers et activités qui le justifient par les spécificités fondamentales de leur travail, réfléchir aussi à des dispositifs d'insertion, de formation et de reconversion, sont pour moi les principes qui doivent guider la réflexion en vue d'améliorer le régime de l'intermittence.

Ce travail devra s'accompagner de la mise en place, autant que faire se peut, d'emplois plus stables, là où la taille des structures le justifie. Par ailleurs, toutes les formes de mutualisation de postes, notamment administratifs, permettant aux compagnies et aux formations de se doter de gestionnaires permanents, devront être recherchées.

Enfin, il m'apparaît nécessaire de clarifier les compétences et les rôles respectifs des différents partenaires, collectivités locales et Etat. Comme l'a mis en avant M. Bernard Latarjet, le rôle des collectivités territoriales est essentiel dans la création, la production et la diffusion des spectacles : sur les 584,9 millions d'euros dépensés en 2003, celles-ci sont à l'origine de plus de 68 % des financements, dont 12 % pour les régions, 7,8 % pour les départements et surtout 47 % pour les villes, contre seulement 32 % de financements provenant de l'Etat.

L'exception culturelle française, dont nous sommes si fiers, ne pourra être préservée que si l'Etat et les collectivités territoriales mutualisent leurs efforts dans le cadre d'un partenariat équitable.

Pour toutes ces raisons, nous pensons qu'il incombe au pouvoir politique de définir dans une loi-cadre les principes d'un statut de l'artiste et des métiers de la création, tout particulièrement si les partenaires sociaux ne parvenaient pas à se mettre d'accord sur une réforme de fond.

Au groupe de l'Union centriste, nous sommes prêts à réfléchir, à débattre ici même, au Sénat, comme cela est prévu, et à nous engager, en concertation avec les acteurs locaux, sur un texte de loi qui assurerait une vraie reconnaissance de la place de l'artiste et de la culture dans notre société. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Monsieur Renar, sur la question de la conciliation nécessaire de toutes les disciplines qui doivent être enseignées à l'école, je souhaite que l'on évite une nouvelle querelle des anciens et des modernes. Je défends pour ma part ardemment, pour des raisons politiques, au sens noble du terme, la culture et l'éducation artistiques, qui ont toute leur place au sein de l'école, dans la France d'aujourd'hui.

Le ministre de l'éducation nationale a eu tout à fait raison de centrer, dans un premier temps, ses interventions sur les savoirs fondamentaux, car ils constituent le socle sans lequel aucune jeune Française et aucun jeune Français ne peut devenir un citoyen à part entière.

L'apprentissage de l'écriture, du calcul et des savoirs fondamentaux est donc essentiel, de même que la formation de nos jeunes concitoyens à l'ouverture et à l'apprentissage de toutes les formes de culture et d'éducation artistiques, soit directement, grâce aux enseignants de l'éducation nationale, soit indirectement, par l'intervention, au sein même de l'école, des artistes eux-mêmes.

Cette dernière question fera partie des sujets dont nous devrons discuter. Ainsi, dans le cadre de l'indemnisation du chômage, nous pourrions voir combien d'heures, sur le contingent horaire de 507 heures, peuvent être réservées à l'éducation artistique enseignée par les artistes eux-mêmes au sein de l'école, voire par les techniciens, qui revendiquent également de pouvoir intervenir.

Toutes ces questions sont sur la table. Je considère qu'elles sont absolument essentielles et je ne souhaite pas qu'elles suscitent d'oppositions. C'est la raison pour laquelle nous allons agir publiquement très prochainement, M. le Président de la République et M. le Premier ministre m'ayant demandé de faire une communication sur ces sujets en conseil des ministres.

J'aurais encore mille choses à ajouter mais, pour plus de rapidité, monsieur le sénateur, je vous transmettrai par écrit les chiffres du budget consacré par le ministère de l'éducation nationale aux enseignements artistiques, ainsi que ceux de mon ministère, pour comparaison. Vous pourrez constater que nous n'avons vraiment pas la volonté de nous désengager.

Monsieur Ralite, sur la question du calendrier, je souhaite dissiper les malentendus qu'ont pu susciter mes propos.

Je fais confiance aux partenaires sociaux pour bâtir un système définitif. Ils ont une date limite pour y parvenir : le 31 décembre 2005.

J'avais la responsabilité « opérationnelle », politique et morale, de faire en sorte que le problème soit réglé, dans la mesure du possible, en 2005. Si, à la fin de l'année 2005, il se révélait impossible pour les partenaires sociaux de refonder un système équitable pour le fonctionnement des annexes VIII et X, l'Etat prendrait évidemment ses responsabilités. Mais j'ai donné un certain nombre d'indications pour que la négociation se fonde sur le constat partagé de la réalité et des objectifs poursuivis.

C'est pour cette raison que je soutiens, comme vous, le travail exceptionnel et nécessaire accompli par Jean-Paul Guillot. Il fallait en effet qu'émerge ce constat des réalités, sur lesquelles nous avons encore beaucoup à dire.

J'en profite pour dire à Mme Marie-Christine Blandin, qui s'est exprimée tout à l'heure sur la même question, qu'en l'entendant énumérer les différents domaines de l'activité culturelle et artistique, j'avais le sentiment de participer à une discussion interne de mon cabinet !

En effet, mon objectif permanent est de faire en sorte que toutes les disciplines artistiques fassent l'objet d'une attention égale de la part du ministre - je parle de la partie symbolique de ses fonctions -, et ce quels que soit la forme d'expression, l'époque et le lieu. Alors, évidemment, on s'aperçoit que c'est vaste, d'autant qu'une journée ne compte que vingt-quatre heures !

Monsieur Ralite, vous avez posé la question du fonctionnement de l'Orchestre national de chambre de Toulouse qui, sous sa forme antérieure, a fait l'objet d'une liquidation judiciaire. Un certain nombre d'artistes ont décidé de se constituer eux-mêmes en orchestre. Il ne s'agit évidemment plus du même ensemble.

Sur ce sujet, je souhaite que tout le monde se mette autour de la table. Je donnerai instructions au directeur régional des affaires culturelles d'engager l'Etat, certes, mais de faire aussi en sorte que la région, le département et la ville puissent se joindre à cet effort. En effet, comme vous le savez, c'est un désengagement du conseil général qui a eu, dans un premier temps, des suites fâcheuses sur l'activité de l'orchestre.

Je ne développe pas davantage à propos du calendrier, nous aurons l'occasion d'en reparler.

J'en viens à l'indemnisation du chômage. Il y a urgence. Nous nous engageons dans la voie d'un soutien effectif à l'emploi permanent.  Cela suppose que nous définissions les termes de cette politique active.

Nous qui sommes, les uns et les autres - l'Etat, les collectivités territoriales et les entreprises privées - employeurs d'artistes et de techniciens, devons examiner de quelle manière nous engager dans cette politique.

Madame Morin-Dessailly, vous avez raison d'insister sur la réconciliation nécessaire entre, d'une part, les artistes et techniciens, et, d'autre part, un certain nombre de nos concitoyens qui ne comprenaient pas la justification d'un système spécifique tant les abus ou situations aberrantes qui ont parfois entaché le périmètre de l'annexe VIII et X les avaient impressionnés.

C'est la raison pour laquelle j'attache une énorme importance à assurer à nos artistes et à nos techniciens des conditions décentes de vie et de rémunération pour leur talent. Mais sachez-le, je mettrai le même élan et la même énergie pour que le périmètre des personnes concernées soit incontestable.

Sur ce sujet, je suis en effet investi d'une sorte de mission de force d'interposition pour que celles et ceux qui voudraient remettre en cause la légitimité des annexes VIII et X ne puissent pas le faire.

Et je me battrai avec la plus extrême énergie et je serai soutenu, je l'espère, par toutes les tendances politiques, pour faire reconnaître la spécificité de l'intermittent. Encore faut-il qu'elle soit justifiée effectivement par l'activité culturelle et artistique. En effet, les uns et les autres, nous le savons très bien, il existe des situations aberrantes, choquantes, et il nous faut les traquer.

Ce travail est devant nous. Il commence. Deux décrets étaient très importants pour rendre le contrôle effectif. L'un a été pris au mois de juillet. L'autre, qui concerne la connexion des fichiers - entre les fichiers sociaux et les fichiers individuels - vient de recevoir l'accord du Conseil d'Etat et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ; il est parvenu à la phase finale de la signature.

Avant Noël, les deux décrets permettant le renforcement des contrôles sera effectif. Lors du débat parlementaire, je ferai le point concret de l'application des contrôles en cours. En effet, là aussi, je crois que c'est défendre la spécificité des artistes et des techniciens, au sens large du terme, que de vérifier les contours du sujet.

Etat B - Titres III et IV
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Art. additionnels avant l'art. 73 bis

Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

État c

Titre V. - Autorisations de programme : 403 520 000 €

Crédits de paiement : 180 512 000 €.

Mme la présidente. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Dans le cadre de la nouvelle loi de décentralisation, et encore aujourd'hui, vous prenez, monsieur le ministre, de nombreuses et sages précautions pour traiter de la proposition de l'Etat de céder une partie du patrimoine national aux collectivités locales.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. C'est sûr !

M. Ivan Renar. Sans doute avez-vous pris en compte l'inquiétude, plus que jamais vive, de nombreux élus locaux qui dénoncent l'injustice du second acte de la décentralisation.

Et à juste titre, puisque les transferts de compétences, loin d'être accompagnés des moyens nécessaires, correspondent de fait à un véritable délestage des charges de l'Etat qui vont venir désormais peser de tout leur poids sur l'ensemble des collectivités territoriales.

Alors que l'action du Gouvernement conduit à la fermeture partout en France de classes ou d'écoles, mais aussi de perceptions et de nombreux bureaux de poste, comment ne pas s'interroger sur la cession de cent soixante-dix-huit monuments historiques aux collectivités ? Dans le contexte actuel, comment ne pas y voir un cadeau empoisonné ?

Certes, vous avez évoqué des conventions au cas par cas. Certes, le Haut-Koenigsbourg trouvera preneur, puisqu'il est bénéficiaire et rentable en raison d'une fantastique fréquentation du public. Mais n'est-ce pas là le château qui cache la forêt des Vosges? (Sourires.)

En effet, l'exploitation de la plupart de ces monuments entraîne de lourdes charges. Bien sûr, et c'est la moindre des choses, ce transfert des monuments historiques s'effectuera sur la base du volontariat. Les efforts que l'Etat consent à faire paraissent toutefois bien dérisoires compte tenu de l'importance des travaux nécessaires et urgents à réaliser.

Les 26 millions d'euros supplémentaires que vous avez annoncés en crédits de paiement au budget du patrimoine sont un soulagement, puisqu'ils vont permettre de régler « des ardoises » - c'est le cas de le dire ! - et de poursuivre certains chantiers. Nous ne saurions y voir une éclaircie ni pour l'avenir de nos joyaux patrimoniaux, auxquels nos concitoyens sont attachés, ni pour les entreprises de restauration et leurs 9000 compagnons.

Vous le savez, tous les territoires ne sont pas égaux entre eux. A terme, je redoute qu'il n'y ait péril en la demeure pour les monuments qui n'auraient pas été adoptés par les collectivités, non par manque d'intérêt, mais faute de moyens.

Quant aux monuments qui trouveraient des candidats au transfert, l'expérience et les compétences techniques et scientifiques de l'Etat, si précieuses soient-elles, ne sauraient suffire.

C'est pourquoi je crains que ces nouvelles dispositions ne masquent un nouveau désengagement de l'Etat. L'avenir le dira. En la matière, on ne peut toutefois laisser le temps trancher seul. La responsabilité nationale ne peut hypothéquer l'histoire. L'avenir est au partenariat.

C'est pourquoi, plutôt qu'un transfert de propriété, je suis convaincu qu'il serait plus pertinent que l'Etat propose aux collectivités de s'associer, à ses côtés, à la gestion et au fonctionnement de ces cent-soixante-dix-huit monuments historiques. Et pourquoi pas dans le cadre d'un établissement public de coopération culturelle, formule sur laquelle le Sénat va d'ailleurs se remettre à travailler?

Mme la présidente. La parole est à M. Jack Ralite.

M. Jack Ralite. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention porte sur le devenir du Centre international de l'estampe et du livre, connu sous le nom d'Urdla. Implanté dans la région lyonnaise, il est actuellement tout près du dépôt de bilan.

Créé en 1978, il s'est installé à Villeurbanne en 1986, dans une usine désaffectée qu'il loue. Il a conquis une audience européenne. En tout cas, en France, c'est à lui que s'adresse la Bibliothèque nationale. C'est d'ailleurs le seul atelier de gravure qui existe encore dans notre pays, voire en Europe.

Or, il est actuellement près de la cessation de paiement. Son budget est de 172 000 euros, 66 000 euros venant de la région, 66 000 euros de la ville de Lyon, et 38 000 euros de la DRAC.

Pour fonctionner normalement, il a besoin de 365 000 euros. J'ai examiné le problème. Concrètement, l'Etat est légèrement en retard. Pour revenir à un paritarisme normal et passer au niveau des collectivités locales, il lui faudrait rajouter 28 000 euros. Il manquerait donc 100 000 euros, à répartir entre les trois contributeurs, soit 33 000 euros pour chacun. L'effort est quand même faible !

J'ai parlé à son directeur, Max Schoendorff. Je le connais bien, et depuis la création du Centre, j'ai assisté à nombre de manifestations organisées à Lyon.

Une pétition circule, d'ores et déjà signée par de très grands noms européens et français dans ce domaine.

Max Schoendorff est un homme assez merveilleux, un esprit libre, indépendant, curieux, attaché à l'art contemporain, et pas à l'avant-garde académique, un homme qui a des capacités d'étonnement. Or, il est aux abois, et je crains vraiment pour son atelier. Max Schoendorff m'a décrit le type de rapports qu'il a avec la représentation de l'Etat dans le Rhône. Ce qui m'a frappé, ce sont les propos qui lui ont été tenus.

Je vais vous les rapporter, car j'ai confiance en Max Schoendorff, que j'ai toujours vu être au niveau de l'éthique.

Un représentant de l'Etat lui a dit que, s'il avait eu des responsabilités au moment où Jean Vilar rencontrait des problèmes, il n'aurait pas été d'accord pour le subventionner. Il lui a même dit ne pas vouloir se rendre à l'Urdla, de crainte d'être gagné par le charme de l'endroit. (M. le ministre s'esclaffe.)

Je vous rapporte ces propos, que je ne trouve pas dignes d'un représentant de l'Etat. Je connais très bien les personnes qui exercent ce type de fonctions, et je les estime pour le travail de terrain très difficile qui leur revient.

C'est la raison pour laquelle je me suis cru autorisé à rapporter ces propos, non sans avoir retéléphoné hier soir au directeur de l'Urdla pour lui demander de me confirmer leur teneur exacte, ce qu'il a fait, me précisant qu'ils ont d'ailleurs été publiés à Lyon.

Je ne pourrai vous lire, faute de temps, un texte de Baudelaire que j'ai sous les yeux. (M. Roger Karoutchi manifeste un signe d'impatience.) Le poète y parle de la gravure, un art formidable, selon lui, mais qu'on aime malheureusement plus ou moins en fonction du moment, en  « dents de scie », en quelque sorte. Traverserions-nous une période plutôt « dent de scie d'en bas » ? (M. le ministre sourit.)

En tout cas, je tenais à évoquer devant vous le problème de ce centre, qui recèle deux mille estampes, concerne cinq cents artistes plasticiens et écrivains et a édité des livres de peintres. Par-delà la passion de mon propos, retenez que c'est un lieu intéressant, dont je vous demande vraiment de regarder de près le cas.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le ministre, je suis heureuse d'intervenir sur un projet de budget du ministère de la culture dont les crédits connaissent une croissance substantielle dans des secteurs essentiels à la vie artistique et culturelle de notre pays.

Toutefois, je regrette que le budget de la culture ne représente que 0,96% du budget de l'Etat et n'atteigne pas la barrière symbolique des 1%, comme le Président de la République s'y était engagé.

Nous pensons comme vous, monsieur le ministre, que la culture n'a pas pour vocation à être, comme vous vous plaisez à le dire, la « cerise sur le gâteau » ou le « supplément d'âme » des politiques publiques. Nous avons conscience du rôle essentiel de la culture pour notre société.

Mais il nous faut convaincre encore et toujours les décideurs de ce pays que la culture représente une richesse économique non négligeable et qu'elle participe pleinement au rayonnement international de notre pays.

Les dépenses, ou plutôt devrais-je dire les investissements, effectuées dans ce domaine concourent au dynamisme du secteur touristique de nos villes et de nos régions, valorisent nos territoires, génèrent des emplois et, par-dessus tout, dans une société en quête de repères, sont l'un des moyens de maintenir le lien social entre nos concitoyens.

Dans un contexte budgétaire difficile, marqué, comme l'ont noté nos collègues rapporteurs, par la maîtrise, nécessaire, de nos dépenses publiques, vous avez réussi à obtenir des crédits en hausse de 5,9% alors que les crédits « dévolus » à la culture servent souvent de « variable d'ajustement » lors des arbitrages budgétaires.

En premier lieu, nous sommes rassurés de constater qu'en 2004, le ministère de la culture a été épargné par les gels et annulations de crédits décidés par le ministère des finances.

Par ailleurs, je rappelle notre satisfaction de voir l'inscription de 753 millions d'euros en faveur du spectacle vivant, hausse de 12 millions d'euros qui alimentera la mise en place du plan pour le spectacle vivant et ouvrira des perspectives d'avenir à ce secteur primordial.

Dans le domaine du livre et de la lecture, nous saluons l'effort notable qui est fait : 321,3 millions d'euros seront, en effet, consacrés à ce secteur, soit une augmentation de 2,7% des crédits par rapport à 2004 ; 8,4 millions d'euros de moyens supplémentaires accompagneront la mise en oeuvre de la loi du 18 juin 2003 relative au droit de prêt en bibliothèque et assureront la valorisation du patrimoine des bibliothèques ainsi que le développement de la lecture publique.

Par ailleurs, l'Etat consacrera 54 millions d'euros en 2005 pour soutenir la création et la modernisation de bibliothèques municipales et départementales, outils essentiels au maillage du territoire.

Je me félicite plus particulièrement de la poursuite du programme des projets de construction des bibliothèques à vocation régionale - après l'achèvement du programme des bibliothèques municipales à vocation régionale - et de voir inscrite, parmi les nouveaux projets qui devraient bénéficier du soutien financier de l'Etat, la médiathèque de Rouen.

Toutefois, j'aimerais attirer votre attention, monsieur le ministre, sur deux domaines qui suscitent des inquiétudes ou des interrogations.

Premièrement, en ce qui concerne le patrimoine monumental, tous nos collègues connaissent la situation difficile, pour ne pas dire dramatique, de notre patrimoine historique. Les DRAC ont alerté les élus locaux que nous sommes sur la situation préoccupante des monuments classés.

Selon le rapport de la direction de l'architecture et du patrimoine effectué en 2003, 20 % des monuments historiques seraient dans un état de délabrement avancé et leur restauration nécessiterait un budget de 6 milliards d'euros. Derrière ces chiffres, ce sont une partie des 9 000 emplois dans le secteur des entreprises de restauration qui sont menacés. Un plan national de sauvegarde du patrimoine a été lancé en 2003.

En outre, pour faire face aux chantiers en cours et aux situations les plus criantes, vous avez redéployé 20 millions d'euros en urgence.

Malgré tout, comme vous avez pu le constater, l'inquiétude reste très grande chez les professionnels de la restauration, échaudés par la politique de gel des crédits décidée pour 2002 et 2003.

Pour notre part, nous nous demandons si l'effort de 26 millions d'euros que vous avez annoncé dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2004 et l'augmentation de 13 % des crédits de paiement pour 2005 seront suffisants, du fait de l'absence de reports de crédits. Au vu de l'énormité des sommes qui seront nécessaires, les acteurs publics - Etat et collectivités locales - devront faire appel à toutes les formes possibles de mécénat.

Deuxièmement, il nous paraît à tous indispensable d'élargir et de renouveler les publics pour assurer l'existence et le développement viable du spectacle vivant. Cet objectif ne pourra être atteint que par le biais d'une politique ambitieuse à destination du jeune public. Il faut pour cela soutenir les actions des services éducatifs, des opérateurs artistiques et culturels tels que les théâtres, les opéras, les musées, etc., mais aussi et surtout l'éducation artistique et culturelle à l'école, qui a été précédemment évoquée.

A cet égard, les crédits de 39 millions d'euros prévus témoignent de votre attachement à la conduite d'une politique en faveur des arts et de la culture à l'école, et ne peuvent que recueillir notre approbation. Demain, toutefois, la place des arts à l'école dépendra d'une action encore plus volontariste du ministère de la culture et de la communication, qui doit dès aujourd'hui relancer ou imaginer, en coordination et en partenariat avec le ministère de l'éducation nationale, des dispositifs d'éducation artistique, les budgets alloués à certains de ceux qui existent déjà ayant été malheureusement gelés ces dernières années.

Il vous faut donc, monsieur le ministre, profiter de cette « fenêtre d'opportunité » que constitue l'élaboration du projet de loi d'orientation sur l'école pour convaincre votre collègue François Fillon de l'utilité des enseignements artistiques dès le plus jeune âge. En effet, ils favorisent la démocratisation culturelle et développent la sensibilité, l'esprit critique et la citoyenneté. Or l'avant-projet de loi d'orientation sur l'école ne nous semble pas, dans l'état actuel de nos informations, privilégier la mise en place d'une politique spécifique dans ce domaine. Cependant, nous vous faisons confiance, monsieur le ministre !

J'exprimerai, au passage, un regret concernant les arts plastiques, dont les crédits pour l'année 2005 marquent un léger recul et qui apparaissent comme le « parent pauvre » du budget de la culture. N'oublions pas que les oeuvres contemporaines constituent le patrimoine de demain !

Avant de conclure, en tant que parlementaire membre de l'UDF et dans le cadre du débat actuel, je ne puis qu'insister sur l'importance de la construction d'une Europe de la culture.

Je me réjouis, à cet égard, de l'inscription et du renforcement de la dimension européenne des actions de votre ministère, en particulier à travers les propositions, faites à la Commission européenne par la France, de soutien aux industries culturelles non audiovisuelles - livre, disque, architecture - et de création d'un label européen du patrimoine, qui favorisent, selon nous, l'instauration d'une véritable politique européenne de la culture. Toute initiative affirmant la dimension spécifique des biens culturels nous paraît bienvenue. La France doit prendre sa part dans cette promotion de la diversité culturelle en Europe, car elle a, du fait de son histoire, à défendre un modèle culturel spécifique dans le cadre de la valorisation de l'héritage culturel européen commun.

Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, tout en restant vigilants, les membres du groupe de l'Union centriste approuveront votre projet de budget, car ils souscrivent à vos priorités et mesurent votre investissement personnel, tant auprès des acteurs culturels que des élus locaux. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Je voudrais tout d'abord indiquer solennellement à M. Renar, s'agissant des monuments pour lesquels un transfert de propriété sera proposé aux collectivités territoriales, que tout se fera sur la base du volontariat. Je ne suis pas en train de chercher à me désengager ou à me défausser d'un certain nombre de mes responsabilités : je lance, d'une certaine manière, un appel à une mobilisation nationale autour de notre patrimoine et des monuments, tout simplement afin que, à terme, l'Etat, les collectivités territoriales, les entreprises et nos concitoyens interviennent davantage. En effet, si nous continuons à nous regarder en chiens de faïence, nous ne progresserons pas.

Cela étant dit, j'ai aussi une sorte de responsabilité morale sur ce sujet, et je peux faire parfois montre de susceptibilité : je ne veux pas que se répande le sentiment que je me désengagerais et que je ferais preuve de désinvolture à l'égard du passé. Avant toute décision définitive, j'attacherai la plus extrême importance à la présentation d'un véritable projet partenarial d'action de restauration et d'animation renforcée. En effet, ce n'est pas uniquement la restauration qui est nécessaire, c'est aussi l'animation des lieux.

C'est un engagement que je prends : je suis prêt à faire en sorte que, lors du transfert de propriété, un véritable contrat soit passé, l'Etat affectant des crédits supplémentaires à l'entretien du monument concerné. Tout cela se fera, je le répète, sur la base du volontariat, il ne s'agira pas d'un transfert de responsabilités global. J'ajusterai, au terme des discussions en cours pour établir le décret en Conseil d'Etat, la liste des monuments dont le transfert de la propriété sera proposé, et chacun prendra ensuite librement sa décision.

En tout état de cause, je souhaite qu'il soit très clair pour nos concitoyens que l'Etat est prêt à faire face à ses responsabilités, tout en reconnaissant d'ailleurs le travail exceptionnel accompli par un certain nombre de collectivités territoriales. Par exemple, dans mon département, le château de Loches, emblématique de l'histoire de France, est la propriété du conseil général. Or il est remarquablement bien entretenu, les spectacles « son et lumière » y sont magnifiques et les personnels titulaires de la fonction publique territoriale s'y trouvent employés dans des conditions tout à fait satisfaisantes.

Sur ce point, je ne veux donc pas qu'une polémique sur le désengagement de l'Etat puisse prendre corps. Les collectivités territoriales ont le droit de définir leurs propres politiques dans un certain nombre de domaines, elles sont libres de les mener, mais je ne suis pas un fauteur de désengagement ou de surcoûts.

Cette remarque très importante m'amène à aborder la question, soulevée par M. Ralite, des conflits qui peuvent parfois exister entre l'Etat et les collectivités territoriales.

Afin d'illustrer mon propos, je prendrai l'exemple non pas de la région Rhône-Alpes, mais du Languedoc-Roussillon. Ce qui s'y passe actuellement m'inquiète beaucoup car, pour être franc et direct, je ne parviens pas à faire face à toutes les suppressions de postes décidées par la région et à faire en sorte que l'activité culturelle et artistique subsiste dans un certain nombre de domaines. J'ai néanmoins essayé, dans le cadre de la liquidation des crédits de l'exercice 2004, de compenser les retraits unilatéralement décidés par la région.

Dans cette optique, j'ai donc chargé les directeurs régionaux de l'action culturelle, auxquels je veux renouveler publiquement ici l'expression de ma confiance, d'une mission très délicate. Ils ne sont pas des agents polyvalents et sans identité de l'action culturelle : ils sont mes représentants dans les régions, et ils ont une magnifique responsabilité, celle de conduire directement l'action de l'Etat et d'être parfois des médiateurs, c'est-à-dire d'être les organisateurs du partenariat entre l'Etat, la région, les départements et les villes.

Cela n'est pas toujours facile, et je leur demande d'accomplir un travail de veille et de m'informer en temps réel, car lorsqu'un problème défraie la chronique et fait l'objet d'articles de presse, il est déjà trop tard. Quand une tension apparaît, je veux en être averti, sans qu'il s'agisse nullement pour moi de remettre en cause l'indépendance artistique, afin que les difficultés puissent être résolues avant qu'elles n'aient pris une dimension publique.

En ce qui concerne la région Rhône-Alpes et le problème particulier que vous avez évoqué, monsieur Ralite, le directeur du livre prendra, dès le début de la semaine prochaine, les contacts nécessaires en vue d'étudier comment nous pourrions soutenir ce haut lieu de l'estampe, de la gravure et du livre que je ne connaissais pas et que vous m'avez fait découvrir.

Je voudrais maintenant indiquer à Mme Morin-Desailly qu'elle a raison de vouloir demeurer vigilante et attentive à mon action. C'est là, d'une certaine manière, me soutenir, alors que les besoins sont immenses et nous entraînent bien au-delà de la barre du 1 % du budget de l'Etat.

Dans le cadre de l'exercice de mes fonctions de ministre de la culture et de la communication, j'ai deux objectifs.

Le premier objectif, c'est le décloisonnement de l'univers de la culture. Il s'agit de faire en sorte que le respect de chaque époque, de chaque création, de chaque artiste, soit véritablement une valeur partagée. Il convient que la danse la plus classique et le hip-hop fassent bon ménage, que ceux qui n'ont eu jusqu'à présent d'intérêt que pour le Moyen Age découvrent les créations les plus contemporaines, que ceux qui pensent qu'il n'y a que le cirque en France sachent que le théâtre existe aussi, etc.

C'est là une valeur que je considère comme essentielle, et c'est la raison pour laquelle, sans passer outre la ligne que je respecte avant toute autre, à savoir celle de la laïcité, j'ai fait sortir des coffres des Archives nationales, lors des journées du patrimoine, le texte original de l'Edit de Nantes, pour manifester la valeur primordiale de la liberté de conscience et de la liberté religieuse pour notre pays.

Le second objectif, c'est d'affirmer, comme je l'ai déjà fait à plusieurs reprises, que la culture n'est pas un supplément d'âme, la cerise sur le gâteau. Elle se trouve au coeur d'une sphère d'activité cruciale pour l'influence et le rayonnement de notre pays, et j'aurai accompli ma mission le jour où cela aura été véritablement compris.

Vous avez en outre évoqué les arts plastiques, madame la sénatrice. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi certains parlementaires ont le sentiment que les services de la rue de Valois manifestent une sorte de léger dédain pour les arts plastiques. Pour vous détromper, je vous livrerai tous les éléments chiffrés nécessaires et, au-delà des chiffres, je vous exposerai les mesures qui prouvent l'intérêt que nous portons aux arts plastiques, qui occupent une place tout à fait essentielle.

En ce qui concerne l'Europe, il s'agit évidemment d'un thème que j'aborde avec une grande conviction. Nous avons beaucoup à faire pour instaurer non pas une sorte de politique globale réductrice, mais une véritable ouverture, un vrai parcours des oeuvres, des artistes et des publics.

Par ailleurs, la mise en place du label européen du patrimoine représente à mon sens une initiative judicieuse. En effet, entre les attributions relevant purement de l'échelon national et les procédures exceptionnelles telles que l'inscription au patrimoine mondial de l'UNESCO, une voie doit être trouvée. Ce sujet a été évoqué récemment au sein du Conseil des ministres européens de la culture. Il importe d'ouvrir au plus grand nombre possible de citoyens de l'Europe la possibilité d'accéder à un véritable parcours leur permettant de découvrir, dans le respect des différences, une proximité culturelle.

Dans cette perspective, j'ai reçu du Président de la République mission d'organiser en avril ou en mai, à une date qui reste à définir, une rencontre des artistes de l'ensemble des pays de l'Union européenne. D'ores et déjà, nous avons vécu voilà quelques jours, rue de Valois, un magnifique moment sur le thème de la diversité linguistique, à l'occasion de la réception d'un grand nombre de responsables politiques et culturels de l'Union européenne : sur les murs du Conseil d'Etat et de la Comédie française ont été projetées un certain nombre de maximes, formulées en version originale dans l'une des vingt langues de l'Union européenne et traduites en français. C'est dans cet esprit de respect de la diversité, mais aussi de l'unité européenne, que je souhaite oeuvrer à vos côtés, mesdames, messieurs les sénateurs. (M. Jacques Legendre applaudit.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)

Titre VI. - Autorisations de programme : 272 247 000 € ;

Crédits de paiement : 142 733 000 €.

Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. J'appelle en discussion deux amendements présentés par le Gouvernement, tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 73 bis et qui sont rattachés pour leur examen aux crédits affectés à la culture.

Culture et communication

Etat C- Titres V et VI
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Communication

Articles additionnels avant l'article 73 bis

Mme la présidente. L'amendement n° II-36, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Avant l'article 73 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - La première phrase du II de l'article 90 de la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

« L'établissement public est administré par un conseil d'administration et dirigé par un directeur. Le président du conseil d'administration et le directeur sont nommés par décret. »

II. - Le présent article entre en vigueur le 1er mars 2005.

La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Cet amendement concerne l'ENSMIS, l'Ecole nationale supérieure des métiers de l'image et du son, et a pour objet de rétablir une structure directoriale conforme à celle des autres établissements d'enseignement supérieur relevant du ministère de la culture et de la communication. Le président n'aura plus de rôle exécutif et conservera la simple présidence du conseil d'administration.

L'adoption de cette mesure entraînera une suppression d'emploi et une économie de 100 000 euros sur le chapitre 36-60 du budget du ministère.

La question de la situation transitoire entre l'adoption de l'amendement et la modification du décret statutaire de l'ENSMIS a été résolue en nommant le directeur du Centre national de la cinématographie président par intérim, par décret en date du 23 septembre dernier.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. M. le ministre, avec qui nous avons eu un dialogue si précis et si intéressant ce matin, ne m'en voudra pas de présenter une remarque de méthode.

En effet, les deux amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 73 bis n'ont pu être examinés par la commission des finances, pour la bonne raison qu'ils ont été déposés très tardivement. Certes, on pourrait envisager de réunir la commission maintenant, mais trois de ses membres seulement sont présents à cet instant dans l'hémicycle, et ce ne serait pas très sérieux !

Quoi qu'il en soit, je regrette vraiment que les circonstances ne me permettent pas de formuler autre chose qu'un appel à la sagesse du Sénat sur ces deux amendements, l'amendement n° II-36 présentant au moins, aux yeux de la commission des finances, l'avantage de prévoir la suppression d'un emploi.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me semble que cet amendement ressortit plutôt au domaine de compétence de la commission des affaires culturelles.

Quoi qu'il en soit, je donne acte au Gouvernement de la mesure qu'il nous propose, qui n'est au demeurant qu'une mesure d'organisation.

Mme la présidente. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.

M. Ivan Renar. Tout le monde aura constaté que ces amendements s'apparentaient à des cavaliers de la plus belle eau, même s'il ne s'agit pas des cavaliers de l'Apocalypse. (Sourires.)

Néanmoins, je comprends qu'il puisse y avoir urgence en l'occurrence, et les derniers débats budgétaires de cette année étaient la seule possibilité qui nous était offerte de régler ce type de problème.

Pour ce qui nous concerne, nous voterons cet amendement qui ne pose pas de problème de principe insurmontable et qui met l'Ecole nationale supérieure des métiers de l'image et du son au niveau de l'ensemble du réseau des écoles semblables dont le ministère a la tutelle.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-36.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, avant l'article 73 bis.

L'amendement n° II-37, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Avant l'article 73 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

A compter de la date de rattachement du domaine national des Tuileries à l'établissement public du musée du Louvre, les agents contractuels du Centre des Monuments nationaux en fonction à cette même date dans les services du domaine sont recrutés par l'établissement public du musée du Louvre et conservent le bénéfice des stipulations de leur contrat. Il leur est fait application des dispositions collectives relatives aux agents non titulaires de l'établissement public du musée du Louvre dans un délai maximal de deux ans à compter de la date de rattachement du domaine.

La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à vous présenter mes excuses pour la manière dont vous êtes saisis de ces amendements. Leur importance, aussi ponctuels soient-ils, explique cependant que j'aie cru devoir vous les présenter dans les circonstances présentes.

Le projet de loi de finance pour 2005 comporte des dispositions relatives aux incidences financières du transfert de la gestion du jardin des Tuileries au musée du Louvre. Celui-ci se traduit notamment par le transfert des personnels contractuels.

Le présent article additionnel vise à permettre à ces agents de conserver les dispositions de leur contrat pendant deux ans, afin de faciliter leur transfert sur le plan social.

Le décret mettant en oeuvre ce transfert a été examiné par le comité technique paritaire ministériel en septembre dernier.

Tel est l'objet de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. La commission a le même avis que tout à l'heure, mais note toutefois que cet amendement est beaucoup plus significatif que le précédent.

Elle s'en remet néanmoins à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Je partage l'avis que M. le rapporteur spécial a émis au nom de la commission des finances.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin, Madame la présidente, je tiens tout d'abord à indiquer que le groupe socialiste s'est abstenu lors du vote précédent.

S'agissant du présent amendement, nous comprenons bien les urgences, mais si nous avions été saisis de cette proposition hier, nous aurions alors consulté les salariés concernés pour connaître leur sentiment et pour nous forger une opinion.

En la matière, le cabinet de M. le ministre nous a affirmé qu'il n'y avait pas de problème. Nous lui faisons confiance et, dans l'immédiat, nous allons voter cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-37.

(L'amendement est adopté à l'unanimité.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, avant l'article 73 bis.

Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la culture.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures vingt, est reprise à quinze heures trente.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale.

Communication

Art. additionnels avant l'art. 73 bis
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Etat B - Titres III et IV

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les crédits relatifs à la communication et les articles 62, 73 bis, 73 ter, 73 quater et 73 quinquies : crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel, d'aides à la presse et à l'audiovisuel inscrits aux services généraux du Premier ministre.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Claude Belot, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la République a ses rituels : tous les ans, le jour du Téléthon, à un moment où la télévision publique réalise de grandes prouesses au service d'une grande cause nationale, nous examinons, entre autres crédits, ceux de l'audiovisuel public.

Cette année, nous assistons à l'aboutissement de nombreuses évolutions, voire de révolutions. C'est la raison pour laquelle l'aspect budgétaire est important, tant il est vrai qu'il faut donner à l'audiovisuel public les moyens d'exister, de se développer et de faire face aux défis de l'instant.

Aujourd'hui, il existe une incertitude sur la façon dont le contenu des émissions télévisuelles parviendra, demain, à chaque utilisateur : en ce début de XXIe siècle, alors que les images et le son sont de plus en plus prisés par le public, bien malin celui qui pourrait dire avec précision ce qui se passera en 2005, en 2006, en 2007...

Pour sa part, le Gouvernement a fait le choix de la télévision numérique terrestre, la TNT. Ce choix apparaît irréversible : l'opération doit avoir lieu, même si elle prend parfois des allures de feuilleton, avec ses épisodes et ses rebondissements.

Le dernier en date concerne les fichiers numériques. Certains optent pour la norme MPEG 2, d'autres pour les normes MPEG 4. On ne sait plus très bien à quoi s'en tenir ! La parole était aux industriels, puis elle a été passée aux opérateurs. Il faut en sortir, monsieur le ministre !

Et il faut en sortir vite parce que les autres vecteurs se développent à une vitesse considérable : il ne faudrait pas que la télévision numérique terrestre arrivât après la bataille.

Or des incertitudes demeurent quant à la façon dont elle sera mise en oeuvre : qui paiera les décodeurs ? Qui financera tel ou tel équipement ? La diffusion sera-t-elle partielle ou totale ? Selon les chiffres dont je dispose - je ne sais pas si ce sont les bons -, 65 % de la population recevra la télévision numérique terrestre en 2007. Que se sera-t-il passé d'ici là ?

Il n'aura échappé à personne que, pour la première fois, un nouvel intervenant est apparu dans ce grand marché des droits télévisuels grand public, particulièrement pour le football : il s'agit de France Télécom. Ô surprise ! S'agissait-il uniquement d'une prestation technique ? La réponse est non ! France Télécom participera aussi aux contenus. C'est la nouvelle d'hier, pour moi du moins, comme pour beaucoup d'entre nous.

Si France Télécom s'intéresse à cette opération, en y consacrant beaucoup de moyens, c'est que son président, qui est un homme d'entreprise, a bien compris que l'avenir de sa société ne résidait plus dans la valorisation des fils, mais dans la vente des contenus. Or, pour vendre des contenus, France Télécom ne passera pas par la TNT, mais utilisera les moyens filaires.

Nous aurons donc, d'un côté, la TNT, que vous voulez faire avancer, je le sais, monsieur le ministre, avec ses contenus, ses multiplexes, et, de l'autre, la possibilité de recevoir, très bientôt et partout, la télévision en numérique et sur grand écran par le fil, et cela inclus dans un forfait comprenant le téléphone, la domotique et divers autres services !

Cette évolution est, elle aussi, irréversible. Toutes les forces du marché se sont mises en branle et, au point où elles en sont, la concurrence étant ce qu'elle est, tout va aller très vite.

Les présidents de conseils généraux, dont je suis, ont veillé, et je parle sous le contrôle de Louis de Broissia, à ce que le haut débit soit partout disponible à la fin de 2005, c'est-à-dire dans peu de temps. Je ne parle pas du haut débit à 512 kilobits par seconde, mais du Wimax à plusieurs mégabits, ce qui permettra de recevoir la télévision numérique dans d'excellentes conditions.

C'est un fait qu'il est impératif d'intégrer, monsieur le ministre, car il signifie qu'il faut vite lancer la TNT. Sinon, ce ne sera presque plus la peine de la créer !

Si vous voulez la réussir, il faudra donner aux opérateurs les moyens dont ils auront besoin pour élaborer leur contenu. Nous sommes là en plein dans le budget pour 2005.

Or, pour la réussir, il faudra donner aux opérateurs des moyens suffisants, et nous sommes là au coeur de la problématique budgétaire pour 2005 : Arte et France 5 devront doubler leur nombre d'heures de production. De ce point de vue, l'augmentation de 2,6 % consentie à France Télévisions pour respecter son contrat d'objectifs et de moyens est peut-être un peu juste, il faut en avoir conscience.

En ce qui concerne l'évolution de la télévision de proximité, il faut savoir que France 3 a enregistré une chute d'audience très significative au cours des derniers mois. Elle est de moins en moins reconnue comme une télévision de proximité, alors que c'est précisément l'objet de sa mission de service public

Nous sommes, là aussi, en train de vivre une révolution, à savoir l'émergence prochaine des télévisions de proximité, car il existe actuellement des projets partout à cet égard. Dans ce domaine, la France accusait un retard considérable, mais il sera en partie comblé avec l'application de la loi de juillet 2004, qui permet de faire appel à la publicité.

Les contenus seront complètement modifiés. Il convient donc de donner à la télévision publique, à laquelle je suis très attaché, les moyens de faire face à ce bouleversement du paysage audiovisuel. C'est un vrai défi pour nous tous. Il faut vraiment y porter une attention particulière, car la situation n'est plus celle dans laquelle nous étions lors du Téléthon de 1999, de 2000 ou de 2001, et elle évolue très vite !

Nous essayons, ici, d'y voir clair dans cette évolution, alors qu'il n'est pas facile de discerner avec exactitude ce qui se passera demain.

L'année 2005, sur le plan de l'approche financière, comptable, du moins dans la forme, est également une année charnière avec la modification, qui était dans l'air depuis un certain temps, au nom de la simplification administrative, de l'assiette de la redevance.

Je suis allé effectuer un contrôle sur pièces et sur place à Rennes. J'y ai rencontré des gens très motivés qui faisaient bien leur travail. On parle des effectifs. Eh bien, une bonne part de ces effectifs est dédiée au contrôle.

Un choix a été fait, et il faut maintenant l'appliquer. Pour autant, on ne doit pas se le dissimuler, la redevance, avec l'existence d'une enveloppe fermée, avait un aspect fort commode. Aujourd'hui, bien malin qui pourra déterminer le montant de la perception effective. Et le contrôle n'est pas très simple !

Cela étant, le Gouvernement a pris l'engagement de donner des moyens budgétaires et de répondre aux besoins. J'en prends acte, et je suis persuadé que les choses se passeront convenablement.

En tant qu'élu local, je me permets d'appeler votre attention, monsieur le ministre, sur la confusion qui pourrait se produire entre la redevance audiovisuelle et un impôt local. Car, lorsque les impôts locaux augmentent, c'est toujours la faute du maire ! Je ne suis plus maire de ma commune, ce ne sera donc pas ma faute. (Sourires.)

M. Ivan Renar. Ce sera celle de l'ancien maire ! (Nouveaux sourires.)

M. Claude Belot, rapporteur spécial. Plus sérieusement, il faudra prendre des précautions pour éviter cette confusion dans les esprits. Mais je suis sûr que ce sera fait. Je vous fais confiance.

Par ailleurs, je sais qu'il y a une volonté politique affirmée concernant la chaîne internationale.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Ah !

M. Claude Belot, rapporteur spécial. Il faudra bien, un jour, trancher cette question.

Je fais partie de ceux qui sont intimement convaincus qu'il est important de diffuser la voix et la façon de penser de la France, le plus largement à travers le monde. Nous avons tous apprécié, au cours des deux dernières années, que la France parle à sa façon, qui n'est pas nécessairement celle de tout le monde : cette singularité fait partie de notre génie et dans le rôle dans l'histoire mondiale. C'est donc bien un dossier majeur.

Or, dans l'état actuel du budget, aucune ligne n'est prévue pour financer cette chaîne internationale en 2005. Je sais qu'il existe des possibilités de rattrapage et j'espère que, sur ce point, vous pourrez, monsieur le ministre, nous donner toutes assurances.

Pour ce qui est des archives, j'insisterai sur l'importance de la fonction de mémoire. Ce qui était inscrit sur des supports magnétiques était en train de se perdre. Vous avez octroyé des moyens supplémentaires, mais il serait utile, monsieur le ministre, que vous vous assuriez que l'Institut national de l'audiovisuel, l'INA, ait bien les moyens de stocker sur des supports définitifs, la totalité, non seulement des images ce qui est un objectif prioritaire, mais également du son.

A ce sujet, bien des propos inutiles ont été tenus en de nombreux lieux, y compris ici sans doute, ce qui est très rare. (Sourires.) Il est nécessaire, en effet, de conserver tout ce qui pourra l'être et d'agir vite. Vous augmentez de plus de 5% ce budget, ce qui est une bonne chose, mais je vous conseille de veiller à ce que le directeur de l'INA et ses collaborateurs puissent réellement faire face à leur mission.

Pour ce qui est de la radio, RFI n'est pas très bien dotée : 1,1 % de crédits, c'est peu ! (Mme Joëlle Garriaud-Maylam. approuve.) Il faudra trouver les moyens de donner satisfaction aux auditeurs de cette radio, qui fait un superbe travail dans le monde entier...

Mme Catherine Tasca. C'est vrai !

M. Claude Belot. rapporteur spécial.... et notamment dans les pays où la présence française est plus marquée. C'est grâce à elle que l'on peut, en tel ou tel point du monde, en tendre la voix de la France dans un taxi, ce qui témoigne d'ailleurs de l'intérêt qu'y porte le chauffeur !

Je voudrais également attirer votre attention sur le fait que, dans l'état actuel du budget, Radio France, dont vous connaissez mieux que moi les difficultés avec la Maison de la radio, doit avoir assez rapidement les moyens d'y faire face : il faut donc lui donner, à défaut de crédits budgétaires, des engagements sur le long terme qui lui permettront, d'être, sinon propriétaire, du moins locataire dans le cadre d'un bail emphytéotique.

Telles sont les remarques que je souhaitais formuler sur l'audiovisuel et que je pourrais résumer en ces termes : vigilance et grande révolution. Il faut, à l'évidence, imposer une contrainte de gestion, ce que vous faites, mais également donner les moyens de faire face aux défis et ne pas perdre de vue que, lorsque le budget de l'audiovisuel public français augmente de 2,6 %, celui de ses concurrents privés, qui ne vivent que de la publicité, s'accroît trois ou quatre fois plus vite,...

Mme Catherine Tasca. Absolument !

M. Claude Belot, rapporteur spécial. ... ce qui leur donne évidemment des moyens plus substantiels à une époque où le paysage français est appelé à beaucoup s'émietter.

La commission des finances a souhaité, par ma voix, vous dire qu'elle soutenait ce budget,...

M. Serge Lagauche. Comme la corde le pendu ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Claude Belot, rapporteur spécial. ... tout en étant consciente des difficultés que j'ai rappelées et qui sont d'ordre, non seulement budgétaire, mais également conjoncturel.

J'en viens à la presse.

La presse française qu'elle n'est pas en bon état. Tout en étant la presse la plus aidée des grands pays industriels, elle a moins de lecteurs et c'est celle dont la situation se dégrade le plus, exception faite des hebdos, des journaux gratuits et de quelques titres de la presse nationale.

Ce budget comporte un certain nombre de mesures intéressantes : un encouragement au lectorat des jeunes ; une extension du fonds de modernisation de la presse à la modernisation sociale de la presse ; une rénovation des conditions de travail des kiosquiers ; une mise en ordre des rapports avec La Poste.

En outre, vous avez obtenu un contrat d'objectifs et de moyens pour l'AFP, cette superbe entreprise, présente aux quatre coins du monde, qui honore la France et qui est, des trois grandes agences d'information mondiales, celle qui, je crois, progresse le plus. On la trouve un peu partout aux avant-postes de l'actualité et cela fait très plaisir.

Me faisant l'écho d'une plainte récurrente de la plupart des responsables des grands titres de la presse, aussi bien nationale que régionale, je dirai qu'il faut veiller à ce que l'accès au fonds de modernisation de la presse soit simple. Les entreprises éligibles, bien qu'elles aient une certaine importance et qu'elle soient fortement structurées sur le plan administratif, ont des difficultés à présenter leur dossier dans les normes et les délais requis, tant les pièces réclamées sont difficiles à produire.

Nous nous trouvons ainsi aujourd'hui dans une situation quelque peu paradoxale : le fonds de modernisation - compte d'affectation spéciale du Trésor, qu'avait, l'année dernière, examiné avec beaucoup d'attention, notre ancien collègue M. Loridant -, alors qu'il bénéficie de deux à trois ans de crédits disponibles, soutient certes des projets, mais fait preuve de beaucoup de lenteur et se montre un peu tatillon. Ce problème demande à être étudié de près, car il pose une réelle difficulté, mais il devrait se résoudre assez facilement pour peu que l'on en ait la volonté politique.

Telles sont les observations que m'ont inspirées les crédits alloués à la presse dont je rappelle qu'outre ces crédits elle bénéficie de nombreuses aides indirectes, et notamment, au titre de la fiscalité, de taux de TVA et de taxe professionnelle très avantageux.

Je vous propose donc, mes chers collègues, de voter également les crédits alloués à la presse, tout en rappelant que nous vivons sur une système hérité de l'après-guerre, qui avait sa logique, qu'il est difficile de casser, mais qu'il faudra réexaminer attentivement pour faire en sorte que la presse française, qui dit généralement des choses intéressantes, puisse être lue et diffusée le plus largement possible.

Je crois m'être exprimé avec la liberté que l'on doit avoir dans cette maison, c'est-à-dire avec une certaine lucidité : cela implique une dose de ce pragmatisme qui permet de comprendre que tout n'est possible dans l'immédiat et une dose de volonté, qui conduit à mettre l'accent sur les enjeux dont il faut néanmoins avoir conscience. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour les médias. Monsieur le ministre, la commission des affaires culturelles, anticipant, avec la grande sagesse qui lui est reconnue au sein de la Haute Assemblée, la mise en oeuvre de la LOLF et la création d'un programme « médias » dans la nouvelle nomenclature budgétaire, a décidé de regrouper, dès cette année, l'analyse des crédits alloués à l'audiovisuel et à la presse dans un même fascicule budgétaire. Cette décision, qui m'a conduit, à la différence de mon ami Claude Belot, qui a produit deux rapports, au demeurant très brillants, à n'en rédiger qu'un seul, m'a néanmoins permis de mettre en évidence - vous connaissez, monsieur le ministre, ma sincérité de ton - les sentiments contrastés des membres de la commission à l'égard des projets de budget qui sont soumis à notre examen.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Aïe ! (Sourires.)

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Procédant à rebours de Claude Belot, je commencerai par le budget de la presse, lequel est incontestablement, pour la commission des affaires culturelles et pour moi-même, un motif de satisfaction.

Rompant avec l'attentisme que je dénonçais les années précédentes, le Gouvernement s'est engagé résolument dans la nécessaire modernisation de ce secteur, qui se fragilise de jour en jour.

Certes, comme vous en êtes vous-même conscient, monsieur le ministre, le chemin à parcourir avant de retrouver en France une presse dynamique pour tous les Français est encore long.

A cet égard, la mise en place d'un « comité Armand-Rueff » pour la presse demeure, selon moi, d'actualité. Ayant été annoncée devant les représentants de la presse et moi-même par M. Jean-Pierre Raffarin, qui est toujours le Premier ministre de la France, l'installation d'un tel comité reste d'actualité, d'autant que le rapport Armand-Rueff, si j'en crois mes souvenirs de jeunesse, contenait des propositions fortes pour l'économie française.

Il n'en demeure pas moins que les réformes que vous nous proposez vont dans la bonne direction. En alliant modernisation des aides existantes et création d'aides nouvelles, vous donnez les moyens de garantir efficacement le pluralisme et la diversité des titres les plus menacés : je pense bien sûr, d'abord, aux quotidiens nationaux d'information générale et politique.

L'évolution des deux aides existantes mérite, mes chers collègues, d'être signalée.

Il s'agit, en premier lieu, de la réforme de l'aide à l'impression décentralisée des quotidiens, qui répondait jusqu'à présent à la dénomination « aide à la transmission des quotidiens par fac-similé », technique qui a tout de même un peu vieilli.

Conformément aux voeux que j'avais formulés dans mes précédents rapports - comme quoi les préconisations des rapports sont parfois suivies -, cette aide fait l'objet d'une modernisation de ses modalités d'attribution : autrefois limitée à la seule transmission par fac-similé, elle est, désormais, élargie à l'impression, de sorte que la chaîne de fabrication des journaux nationaux en province sera couverte, ce qui représente un progrès considérable.

Il s'agit, en second lieu, de la modernisation du fonds d'aide à l'expansion de la presse à l'étranger. L'année dernière, j'avais eu l'occasion de dénoncer quelques-uns des dysfonctionnements qui nuisaient de façon évidente à son efficacité. Ces remarques ont également été entendues puisque, dès 2005, les actions subventionnées seront reprécisées ; le saupoudrage des crédits que nous dénoncions restera limité et des zones géographiques prioritaires seront définies Il est inutile de vous préciser que la commission des affaires culturelles restera extrêmement attentive aux résultats obtenus grâce à ces mesures.

Quant aux nouvelles aides, elles ont le mérite de s'attaquer aux difficultés structurelles de ce secteur.

La création très significative d'une aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne d'information politique et générale, qui se voit dotée de 38 millions d'euros, fait suite à la signature d'un accord-cadre professionnel et social entre éditeurs et syndicats, qui porte sur les conditions de fabrication des quotidiens nationaux, la création de cette aide devrait permettre à l'ensemble du secteur d'engager sa nécessaire modernisation sociale et de réduire des rigidités qui restent pénalisantes pour son développement.

De même, la création d'une aide à la modernisation de la diffusion, dotée de 3,5 millions d'euros. Elle devrait contribuer à améliorer la situation économique préoccupante des diffuseurs, qui ont participé il y a quelques jours à un mouvement de grève limité, en leur permettant de rénover leur mobilier professionnel.

Enfin, la prorogation de l'aide à la distribution de la presse quotidienne nationale permettra de poursuivre l'effort de restructuration engagé, depuis 2000, par les Nouvelles messageries de la presse parisienne, dans un cadre rénové, et de ménager ainsi une plus large place à la contractualisation afin de mieux définir les efforts de modernisation réalisés en contrepartie du versement de cette aide.

Au-delà de ces réformes bienvenues, je serai, avec la commission, plus particulièrement attentif à deux sujets qui nous tiennent spécialement à coeur.

Le premier a trait aux suites que vous entendez donner aux conclusions du rapport Spitz, dont il a brièvement question ce matin, lors du débat sur la culture, et qui est relatif à la lecture de la presse par les jeunes.

Nous en sommes tous convaincus, l'avenir de la presse dans notre pays passe, ainsi que tous les sondages le montrent, par une initiation des plus jeunes à la lecture des journaux.

Alors que les enfants maîtrisent, dès l'âge le plus tendre, l'usage de la télécommande ou de la souris, j'estime qu'il convient de les familiariser au plus tôt avec le papier journal, tout simplement ! Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour que ce souhait devienne une réalité et, comme l'a dit mon excellent collègue Claude Belot, les collectivités locales, départements et régions, en charge des collèges et des lycées, seront aux côtés du Gouvernement pour faire entrer la presse écrite dans l'univers des très jeunes enfants.

Deuxième sujet : l'avenir de l'Agence France-Presse. Compte tenu des éléments financiers et comptables qui m'ont été transmis, je me félicite du redressement progressif de l'agence. Ses résultats de 2003 sont, en effet, conformes aux principaux objectifs fixés dans le fameux contrat d'objectifs et de moyens.

Toutefois, je tiens à souligner que l'Agence ne bénéficiera pas éternellement d'un effet de change dollar-euro aussi favorable qu'en 2003. Partant, cette agence reste dans l'obligation de poursuivre les réformes structurelles qu'elle a entreprises.

Une fois de plus, je souhaite vous dire une fois de plus - puissé-je être entendu un jour prochain ! - combien la situation juridique de l'Agence France-Presse me cause de l'embarras. Il est de mon devoir de législateur de répéter - bis repetita... - qu'en présentant des budgets en déséquilibre réel depuis trois exercices l'agence se trouve dans l'illégalité.

Pour qu'on sorte définitivement de cette impasse, une réflexion doit être amorcée sur la nécessaire réforme d'un statut qui pénalise l'agence par des règles financières édictées... sous la IVe République finissante.

J'en viens maintenant aux crédits de la communication audiovisuelle. A ce sujet, on serait tenté de considérer, monsieur le ministre, mes chers collègues, que tout ou presque a été dit lors de débats qui se sont déroulés, ici même, lundi en soirée et mardi matin. (Sourires.)

M. Roger Karoutchi. Eh oui, tout est dit !

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Mais, vous n'étiez pas tous là !

Si je soutiens la courageuse réforme de la redevance entreprise par le Gouvernement, je regrette néanmoins que celui-ci n'ait pas saisi l'occasion qui lui était offerte de garantir des ressources dynamiques aux organismes de l'audiovisuel public.

En multipliant les exonérations - heureuse mesure qui permettra à un million de foyers d'être exonérés : on ne peut pas dire que ce soit un geste pour les riches ! -, en pariant sur une augmentation conséquente du taux de recouvrement, en refusant d'augmenter le taux de la redevance et en allant même jusqu'à accepter qu'il baisse, ...

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. ... ne court-on pas le risque de voir se dégrader, à moyen terme, le service proposé aux téléspectateurs et aux auditeurs ?

Les défis qui nous attendent justifient un effort financier supplémentaire. Ce n'est certainement pas vous, monsieur le ministre, qui me contredirez sur ce point.

Je rappellerai les éléments qu'a fort bien exposés le rapporteur spécial : le coût du lancement en mars prochain de la fameuse « télévision numérique pour tous » - c'est ainsi que nous l'appelons -, avec une diffusion 24 heures sur 24 pour France 5 et Arte ; l'indispensable renforcement de l'identité des principales chaînes publiques ; les efforts à réaliser en matière de production nationale ; le financement du sous-titrage et celui de la réduction de l'emploi précaire.

J'évoquerai également à mon tour la numérisation des archives de l'INA, dont le coût est estimé à 147 millions d'euros sur douze ans. Si l'institut paraît en mesure de prendre à sa charge plus de la moitié de cette somme, 70 millions d'euros devront néanmoins être trouvés pour sauver l'intégralité des fonds menacés. Dorénavant, chacun connaît dans cet hémicycle le syndrome du vinaigre, qui atteint l'argentique.

Enfin, j'ajouterai le financement de la chaîne d'information internationale, qui fait l'objet d'interrogations persistantes (M. Serge Lagauche rit)  et, puisque je suis là pour dire la vérité, d'interprétations apparemment diverses au sein du Gouvernement.

M. Yannick Bodin.  : Exactement !

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, un amendement proposant une amorce de financement nous a été soumis de façon un peu précipitée...

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. ...lundi dans la nuit, mais a dû être retiré dès mardi matin devant l'incompréhension qu'il suscitait à la commission des finances comme à la commission des affaires culturelles...

Les besoins, présents et futurs, auraient pu être financés par la réévaluation du taux de la redevance - quand une taxe n'est pas réévaluée, elle baisse ! - ou par le respect, proposé par amendement, du principe du remboursement intégral, par le budget général de l'Etat, des exonérations de redevance accordées pour motifs sociaux .

Il en a été décidé autrement. J'en prends acte, monsieur le ministre. Vous n'en êtes pas responsable. J'ai essayé de défendre notre point de vue devant votre ancien, puis votre nouveau collègue de Bercy. J'espère simplement que ce choix, que nous assumons, ne portera pas préjudice à des organismes qui, pour la plupart, se sont lancés avec succès dans une politique de réduction des coûts et de rationalisation des processus de production.

D'ailleurs, contrairement à ce que certains prétendent, c'est plutôt l'opposition du Sénat qui a fait chuter cet amendement. Ceux qui n'étaient pas présents dans l'hémicycle l'année dernière doivent savoir que j'avais proposé de porter la redevance à 118 euros. Je le rappelle aussi pour rafraîchir quelques mémoires défaillantes. (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Mes collègues seront tous d'accord pour estimer, qu'il reste à l'ensemble des sociétés publiques de la radio et de la télévision à se dégager de ce que nous appelons volontiers ici un « sentiment d'appropriation de l'audiovisuel public par un petit nombre de salariés ou d'animateurs rémunérés par l'argent de la redevance » et un « sentiment d'autosatisfaction ». Je les ai dénoncés en votre nom, il y a huit jours, sur France 2, et le président de France Télévisions a bien entendu le message.

Au Parlement, nous avons le devoir de défendre la volonté du téléspectateur-auditeur « actionnaire » de France 2, de France 3, de France 5, d'Arte, de Radio France, de RFO, de l'INA. Nous sommes aussi là pour la représenter.

Un vigoureux appel d'air - là, il ne s'agit pas d'un fenestron, mais bien toutes de toutes les portes et fenêtres d'une maison ! - est demandé avec insistance par le téléspectateur-auditeur. Il donnera une vigueur nouvelle à notre audiovisuel public et, dans son sillage, au privé.

Etre proche, mes chers collègues, ce n'est pas être racoleur. Vulgariser, et ce n'est pas vous qui me contredirez, cher Pierre Laffitte, ce n'est pas être vulgaire. Expliquer, montrer la « différence », ce n'est pas être ennuyeux.

Deux exemples de l'audiovisuel public montrent que l'on peut sortir de ce dilemme apparent. France 5 comme Arte sont des modèles dans le paysage audiovisuel français...

Mme Catherine Tasca. Encore faudrait-il ne pas les étrangler !

M. Louis de Broissia. J'insisterai donc, à temps et à contretemps, pour qu'un contrat de qualité soit passé avec chaque radio et chaque chaîne.

Sous réserve de ces observations, la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable quant à l'adoption des crédits de la communication et de la presse pour 2005. Espérons que la discussion de ce samedi 4 décembre sera plus fructueuse que nos débats de la nuit du lundi 29 et du mardi 30 novembre dernier ! (Sourires et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 33 minutes ;

Groupe socialiste, 21 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 7 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes.

Je vous rappelle également que, en application des décisions de la même conférence des présidents, aucune intervention des orateurs de groupe ne doit dépasser dix minutes.

La parole est à Mme Catherine Tasca.

Mme Catherine Tasca. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, que voulons-nous pour l'audiovisuel ? Que voulons-nous exactement pour notre pays ? Le pluralisme de l'information, une création vivante, la diversité culturelle ? Considérons-nous que, pour y parvenir, la France a besoin d'un service public de radio et de télévision fort, soutenu et respecté ?

Si, comme moi, monsieur le ministre, vous répondez par l'affirmative à ces questions, pourquoi n'y mettez-vous pas les moyens ?

Le Gouvernement doit cesser d'envoyer des messages contradictoires à l'audiovisuel public. D'un côté, vous lui réclamez une meilleure qualité des programmes, des missions nouvelles, comme celle - très légitimement soutenue par notre collègue Jean Pierre Godefroy - qui consiste à sous-titrer les émissions pour les malentendants. De l'autre, vous ne lui donnez pas les moyens d'atteindre ces objectifs. Vous organisez l'affaiblissement de l'audiovisuel public.

Je prends deux exemples édifiants : votre réforme de la redevance et le lancement de la télévision numérique terrestre.

La redevance audiovisuelle est, vous le savez, le moyen le plus sûr de garantir des ressources pérennes à l'audiovisuel public et d'affirmer son indépendance.

Pour lutter contre la fraude et diminuer les coûts de perception, vous proposez de l'adosser à la taxe d'habitation. Nous ne sommes pas hostiles à cette réforme, dans son principe. Mais vous l'avez assortie de mesures injustes et démagogiques qui en annihilent l'intérêt : d'une part, la mesure profondément clientéliste que représente l'exonération de la redevance pour les résidences secondaires ; d'autre part, l'arrondissement à l'euro inférieur du montant actuel de la redevance alors qu'elle est une des plus basses d'Europe ; enfin, le plafonnement du remboursement des exonérations, remboursement que nous avions garanti en 2000.

Ces trois mesures constituent une perte de ressources de 162 millions d'euros pour l'audiovisuel public, soit presque 5 % de son budget total.

Sourd aux alertes des professionnels de la production, vous avez refusé d'adopter les amendements, notamment ceux du groupe socialiste du Sénat, qui visaient à supprimer ces trois mesures.

Dans ces conditions, comment croire que vous soutenez réellement le service public de l'audiovisuel et la création audiovisuelle, qui en dépend largement ?

Pourtant, vous le savez, la quantité et la qualité des programmes produits par les chaînes publiques sont l'indispensable poumon de la création et de l'industrie de programmes.

Deuxième exemple : la télévision numérique terrestre. Avec Lionel Jospin, nous avions imaginé et mis ce projet sur les rails avec un but : faire bénéficier tous les Français d'une offre gratuite accrue. Il s'agissait également de donner une nouvelle ambition au service public.

Vous avez commencé par revoir à la baisse les trois multiplexes que nous lui avions réservés. Impossible dans ces conditions, pour l'audiovisuel public, de créer de nouvelles chaînes ! Une grande chaîne d'information est pourtant bien nécessaire pour contrebalancer l'omnipotence de TF 1-LCI.

A la place, vous avez choisi de réserver un canal à la chaîne Festival, dont le contenu reste, pour le moins, à redéfinir et qui n'est évidemment pas en mesure de diversifier réellement l'offre de programmes du service public.

Voilà deux ans et demi que ce gouvernement retarde le démarrage de la TNT sous des prétextes techniques divers. Tout le monde sait qu'en réalité vous avez subi une pression très forte de TF 1, qui a essayé, pour la défense de sa position dominante, de retarder l'échéance au maximum.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Cela reste à vérifier !

Mme Catherine Tasca. M. Le Lay vient, paraît-il, de changer d'avis. Nous direz-vous, monsieur le ministre, quelles sont les contreparties de ce revirement ?

Vous n'avez plus aucune raison de tergiverser et il vous faut assurer le démarrage de la TNT dès le mois de mars 2005.

Mais cela emporte des surcoûts dont votre budget ne tient aucun compte. Pour France Télévisions, le surcoût est estimé à 25 millions d'euros. Comment les lui restituerez-vous, monsieur le ministre ? Le surcoût est d'au moins 4 millions d'euros pour Arte, cette chaîne qui concrétise à la fois l'option culturelle assignée au service public et l'option européenne à laquelle votre gouvernement se dit tant attaché.

Comment ces chaînes vont-elles faire face à cette dépense nouvelle ? Si c'est en creusant leur déficit, comme vous le faites pour le budget de l'Etat, je ne crois pas que ce soit la bonne solution.

Monsieur le ministre, pour respecter sa mission à l'égard des publics, pour exister fortement dans le paysage audiovisuel français, face la « mercantilisation » croissante des chaînes privées, nous devons hausser l'ambition du service public de l'audiovisuel, dont la « différence » est incontestable et indispensable.

A ce propos, souhaitons que les remaniements en cours à Radio France, et notamment à France Inter, ne lui fassent pas perdre cette « différence » à laquelle nous tenons.

L'audiovisuel public doit faire encore plus et mieux. Cela passe par le respect de la parole de l'Etat, engagée notamment par la signature des contrats d'objectifs et de moyens conclus en 2001, que vous ne cessez d'écorner depuis 2003.

L'avenir de l'audiovisuel public passe par une réelle augmentation des moyens accordés par l'Etat.

Ce n'est pas ce que vous nous proposez, et c'est pour cela que nous voterons contre votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après les propos qu'ont tenus MM. les rapporteurs, je crois que l'essentiel a été dit, notamment pour ce qui concerne les crédits de la presse et de l'audiovisuel.

Le Gouvernement a décidé de soutenir la modernisation de la presse, avec un engagement sans précédent de 48 millions d'euros de crédits supplémentaires dans ce budget et une rénovation du dispositif des aides à ce secteur, aujourd'hui extrêmement fragilisé.

Il s'agit bien d'un engagement exceptionnel, destiné à répondre aux faiblesses structurelles d'un secteur qui connaît de grandes difficultés après trois années successives d'atonie publicitaire.

Cet ambitieux chantier de rénovation concerne les aides directes à la presse, le soutien public au transport postal des journaux et le fonds d'aide à la modernisation de la presse. Ainsi, les groupes de presse pourront adapter leur stratégie de manière plus sereine afin de répondre à une crise économique latente Cette crise est caractérisée par l'érosion continue du lectorat de la presse, par la concurrence de nouveaux médias et par l'émergence d'autres modèles économiques, comme celui proposé par les journaux gratuits d'information politique et générale.

L'effritement du lectorat de la presse quotidienne est particulièrement significatif chez les jeunes. Tout à l'heure, Louis de Broissia rappelait le rapport M. Spitz, qui, je le crois, va dans le bon sens quand il affirme que la diffusion de cette presse auprès des jeunes se heurte en France à trois problèmes, qui sont : le prix des quotidiens, une distribution et un contenu inadaptés à l'attente des jeunes et à leur mode vie.

En effet, les nouveaux médias, et tout particulièrement Internet, changent radicalement le regard porté sur l'écrit. La désaffection du jeune public vis-à-vis de la presse écrite est préoccupante à deux titres.

Tout d'abord, au regard de leur participation au débat d'idée : on veut changer l'école, on veut relancer le débat démocratique, mais, si les jeunes lisent de moins en moins la presse écrite, cette participation risque d'être relativement réduite.

Ensuite, le fait que, aujourd'hui, les jeunes ne lisent pas ou ne s'habituent pas à lire des journaux, se répercutera nécessairement demain sur leur diffusion.

Je me disais tout à l'heure, en écoutant notre très estimable collègue Louis de Broissia, que non seulement les jeunes doivent s'habituer au papier journal, mais il serait déjà très heureux qu'ils s'habituent simplement au papier en général, et donc au livre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Je souhaite, monsieur le ministre, connaître les mesures que vous mettrez en oeuvre - car je sais que c'est un sujet qui vous intéresse beaucoup - pour faire en sorte que la lecture se développe chez les jeunes.

Les crédits de la communication audiovisuelle sont en progression de 2,6 %. La réforme de la redevance audiovisuelle, désormais adossée à la taxe d'habitation, permettra de réduire les frais de collecte de même que la fraude, et rendra l'impôt plus juste.

Cette réforme constitue un progrès d'autant plus remarquable qu'elle est assortie de garanties. En effet, le nouveau dispositif fait de la redevance une base fiscale directement imputée au compte d'affectation spécial destiné au financement des organismes du secteur public.

En 2005, le produit de cette redevance devrait s'élever à 2,2 milliards d'euros, au profit des services publics de la production audiovisuelle et radiophonique.

Grâce à cela, la France, qui s'honore d'être le pays de la diversité culturelle dont le Président de la République s'est fait le défenseur devant la Conférence générale de l'UNESCO, a de nouveaux moyens pour le service public et, par conséquent, pour la production audiovisuelle française.

Mais les crédits de la communication audiovisuelle sont autant de moyens donnés à l'INA, dont dépend la sauvegarde de notre patrimoine audiovisuel et radiophonique, auxquels s'ajoutent ceux qui sont nécessaires au passage à la TNT ou encore à l'offre de télévision sur l'ADSL.

Le débat sur le contenu des programmes n'est pas récent. Le projet d'avenant au contrat d'objectifs et de moyens semble aller dans le bon sens, car il met l'accent sur l'offre d'émissions de culture et de connaissance à des heures de grande écoute, de même que sur l'accès aux programmes des personnes sourdes et malentendantes dans le droit-fil du projet de loi sur l'égalité des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées que le Sénat a adopté en deuxième lecture en octobre dernier. Enfin, il insiste sur le développement de la part des programmes de proximité qui font à la fois son originalité et son succès.

Par cet avenant, dont nous souhaitons la signature prochaine, monsieur le ministre, nous faisons le choix d'assumer nous-mêmes la production audiovisuelle et radiophonique, de manière que nos enfants ne soient pas exclusivement abreuvés de téléfilms étrangers et d'émissions de téléréalité.

M. Roger Karoutchi. A ce sujet, monsieur le ministre, je souhaite vivement connaître votre sentiment sur l'identité, la marque et l'originalité de nos quatre chaînes nationales de télévision du service public. En effet, il arrive que les programmes de ces chaînes dites « publiques » se rapprochent furieusement de ceux de certaines chaînes privées.

Je remarque, monsieur le ministre, que vous portez un intérêt particulier au projet d'une chaîne française d'information internationale, qui constitue un enjeu stratégique majeur. Lors de la discussion de l'article 36, relatif à la création d'un compte spécial pour les avances aux organismes de l'audiovisuel, le Gouvernement a renoncé à augmenter de 30 millions d'euros le plafond du montant des dégrèvements de redevance audiovisuelle, montant qui permet de financer le service public.

La question du financement de la chaîne française internationale reste donc posée en l'absence de crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2005.

Quelle mesure le Gouvernement compte-t-il prendre à ce sujet dans les mois à venir, alors même que le ministre délégué au budget a annoncé qu'il souhaitait prendre le temps de la réflexion sur cette question ?

Mme Catherine Tasca. Bonne question !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Rassurez-vous !

M. Roger Karoutchi. Je terminerai mon intervention en évoquant certaines décisions du CSA.

Je ne reviendrai pas sur les remous qu'a suscités l'annonce de la diffusion sur le câble de la chaîne antisémite Al-Manar, contre laquelle nous attendons des mesures rapides et efficaces, même si le Conseil d'Etat se prononce avant que nous puissions légiférer. M. le Premier ministre nous a, ici même, jeudi dernier, apporté une réponse tout à fait rassurante.

Nous nous intéressons également au paysage radiophonique de la bande FM. Les autorisations de 1 600 émetteurs privés de radio en modulation de fréquence arrivent à échéance d'ici à la fin de 2008.

Dégager des fréquences nouvelles tout en préservant les droits des radios existantes et répondre aux besoins de développement d'un secteur dynamique : voilà l'objectif que nous avons fixé au CSA dans la loi « paquet Télécom ».

Cet objectif est naturel et il répond à l'intérêt du public, qui doit bénéficier d'une offre diversifiée, comme à celui des opérateurs radiophoniques.

Nous devons toutefois rester vigilants afin de ne pas perdre de vue l'intérêt général, auquel ne saurait se substituer pas les intérêts particuliers de quelques opérateurs.

Dans le contexte préparatoire aux décisions à intervenir, chaque entreprise s'efforce de faire valoir ses propres besoins en ressources hertziennes. Dans pareil concert, les entreprises les plus puissantes, celles qui occupent dès à présent le plus de fréquences, sont les mieux à même de faire entendre leur volonté d'en obtenir davantage.

Nous avons été saisis de très nombreuses suggestions visant à établir des priorités entre les radios, à la place du régulateur, pour les radios nationales, pour les radios parlées, pour les radios de la jeunesse. Assurons-nous qu'il ne s'agit pas de demandes similaires, inacceptables dans un secteur régulé, qui prennent maintenant l'apparence trompeuse d'hypothèses techniques difficiles à démêler pour les décideurs politiques.

Une étude sur la planification des ressources hertziennes devait être lancée et, bien que son cahier des charges ait été rédigé sous la double égide du CSA et de la direction du développement des médias, il ne semble pas qu'elle ait commencé.

Monsieur le ministre, je ne doute pas que vous êtes très attentif à ce sujet. Vous pourrez certainement nous dire quel sort sera réservé à l'étude concernée, mais il ne faudrait pas que les études des opérateurs s'y substituent faute des moyens appropriés dévolus à la publication de cette étude indépendante.

Naturellement, monsieur le ministre, le groupe UMP apportera tout son soutien à votre budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Vallet.

M. André Vallet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un monde de l'audiovisuel où règne la loi de la rentabilité financière, les programmes du service public doivent néanmoins témoigner, est-il besoin de le rappeler, d'une mission spécifique.

Le budget que nous étudions semble répondre aux exigences particulières d'une télévision publique, même si beaucoup reste à faire.

En effet, le budget du service public de l'audiovisuel progresse de 2,6 % en 2005. Les moyens nouveaux se montent ainsi à 88,8 millions d'euros par rapport à la loi de finances de 2004 ; ceux-ci seront principalement affectés aux budgets de programmes, à la sauvegarde du patrimoine audiovisuel national et aux dépenses de modernisation indispensables, notamment celle de la Maison de la radio.

Le groupe de l'Union centriste est satisfait de ces avancées.

J'aimerais pourtant évoquer ce qui semble être devenu un véritable antagonisme de principe : soit l'on fait de la culture, soit l'on fait de la télévision. Je suis persuadé que l'on peut faire les deux !

Dans son excellent rapport consacré à la télévision dans le service public, Catherine Clément écrit que les mentalités ont « ringardisé » la culture. Et pourtant, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a l'obligation légale d'établir et de rendre public le bilan de l'exécution, par chaque chaîne, de son cahier des charges spécifique. En matière de culture, notamment, ces textes définissent ce qui représente, aux yeux des pouvoirs publics, le minimum indispensable à exiger des chaînes.

Dans les faits, celles-ci les appliquent facilement en en respectant la lettre, mais pas forcément l'esprit. La diffusion tardive des émissions culturelles est l'une des illustrations les plus habituelles de cette situation. N'est ce pas, monsieur le ministre, en quelque sorte, un détournement de la loi ?

On ne programme plus les oeuvres culturelles à une heure accessible au grand public et, compte tenu de la faible audience constatée à minuit, on conclut très rapidement, peut-être trop, que les émissions de ce type n'intéressent pas les Français. Les amateurs de culture à la télévision ne dorment certainement pas aux mêmes heures que les autres téléspectateurs !

Mais alors, que signifient les foules qui font la queue pour les expositions ? Nous en savons quelque chose, au Sénat, avec les files d'attente que provoquent les expositions organisées au musée du Luxembourg ? Quel sens donner au remplissage de l'énorme opéra Bastille, à l'affluence que connaissent les Folles journées de Nantes, le festival d'Avignon, les portes ouvertes des journées du patrimoine ?

Ne revient-il pas, monsieur le ministre, au service public d'être l'instrument d'une véritable réconciliation ?

Finalement, au delà de l'augmentation de 2,6 %, les ressources budgétaires s'améliorent de 3,5 % compte tenu des économies réalisées en 2004 par le groupe France Télévisions. Les directeurs du groupe annoncent une amélioration de la qualité des programmes de France 2 et France 3. N'est-ce pas le moment de réaliser un effort particulier dans le domaine culturel sur ces chaînes de grande audience, à une heure de grande écoute ?

Il faut, monsieur le ministre, balayer les hésitations des dirigeants du groupe France Télévisions et, au travers de cette discussion, exprimer notre volonté politique, de façon que soit établi, comme l'a suggéré tout à l'heure M. de Broissia, un contrat de qualité avec les chaînes publiques.

L'importante progression d'audience de France 5 et d'Arte montre que les Français sont plus réceptifs aux émissions culturelles qu'on ne le croit, que la Star Academy n'est pas, et de loin, leur seule référence.

Comment ne pas rêver, monsieur le ministre - peut-être partagez-vous mon rêve ! -, à une télévision publique française libérée de la publicité et de cette stupide course à l'audience qui tire vers le bas les chaînes publiques françaises, forcées de s'aligner sur la concurrence du secteur privé ?

Je sais que c'est au prix de l'augmentation de la redevance, mais je ne suis pas sûr que les Français soient hostiles à une telle proposition.

Il faut aussi permettre aux téléspectateurs de donner leur avis.

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Très bien !

M. André Vallet. Je suis sûr qu'ils réclament à cor et à cri la considération, le respect, la qualité : ils veulent qu'on observe les horaires, qu'on ne change pas les programmes sans les prévenir et, bien sûr, qu'on ne programme pas les émissions de qualité en pleine nuit.

Je me félicite de l'émergence d'associations de consommateurs de télévision capables de donner de la voix. Il existe des associations représentatives, mais je regrette que celles-ci ne permettent pas de connaître réellement l'avis et le niveau de contentement des téléspectateurs.

La loi du 1er août 2000 prévoit que, pour vérifier la satisfaction des téléspectateurs, serait institué un Conseil consultatif des programmes composé de téléspectateurs qui y siégeraient deux fois par an, dont une fois avec le conseil d'administration de France Télévisions. Mais cette disposition n'a pas été suivie d'effet, ledit conseil n'ayant pas été jugé suffisamment représentatif ; je partage ce point de vue.

En effet, la composition de ce conseil, s'inspirant de celle d'un jury d'assises, donne lieu à un tirage au sort. Malheureusement, il ne compte que vingt personnes.

Dès lors, je souhaite la mise en oeuvre rapide du décret d'application de la loi sur le Conseil consultatif des programmes, en espérant qu'on pourra sans encombre passer de vingt à cinquante le chiffre des « jurés ».

Il faut engager la réflexion pour mieux connaître l'avis des téléspectateurs : on ne peut pas se priver de leur point de vue.

Ma conclusion concernera la presse, et notamment son accès aux jeunes.

Dans un lycée de ma ville, un professeur remarquable placarde tous les matins les grands titres de la veille, montrant ainsi l'appréciation différente que portent les journaux sur les événements. C'est une véritable formation au civisme, et il est indispensable que ce type d'expérience puisse être généralisé dans les établissements scolaires.

Au bénéfice de ces remarques, le groupe de l'Union centriste approuve le projet de budget que vous nous soumettez, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Yannick Bodin. A part la fin, c'était très bien ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jack Ralite.

M. Jack Ralite. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le contrat d'objectifs et de moyens, l'Etat et France Télévisions prennent mutuellement des engagements.

France Télévisions, pour sa part, s'efforce de remplir le contrat avec, je le crois, une grande honnêteté. Pourtant, l'Etat s'apprête à manquer à sa parole puisque le projet de loi que nous discutons aujourd'hui prévoit une augmentation de 2,4 % seulement, alors que le Gouvernement s'était engagé, précisément dans le contrat d'objectifs et de moyens, à garantir à France Télévisions des ressources en croissance de 3,6 %.

Encore faut-il être prudent sur cette prévision d'augmentation de 2,4 %, car la réforme de la redevance est l'occasion de procéder à un élargissement important des exonérations. Nous pourrions saluer ces exonérations si elles ne se faisaient pas au détriment de France Télévisions, d'autant que l'Assemblée nationale en a ajouté une au bénéfice de certains enfants à charge. Le rapport de M. Belot annonce d'ores et déjà que les remboursements des exonérations ne permettront pas de compenser le manque à gagner puisqu'ils sont plafonnés à un niveau insuffisant : 60 millions d'euros.

En l'absence de ressources publiques suffisantes, France Télévisions va devoir accroître ses ressources publicitaires, donc faire de la course à l'audience, au détriment de la qualité des programmes, mettant ainsi en péril sa légitimité de service public et facilitant encore le travail de ceux qui souhaitent dès aujourd'hui voir s'étendre la part privée de l'espace public audiovisuel en privatisant l'une des chaînes de France Télévisions.

Cette privatisation de l'intérieur est d'ailleurs déjà en marche puisque, comme le remarque le rapporteur de la commission des finances, le rythme de croissance des recettes publicitaires en 2004 est supérieur à celui des ressources publiques. Au 30 juin 2004, les ressources publicitaires des chaînes du groupe France Télévisions étaient supérieures aux prévisions, les recettes de parrainage représentant un tiers des excédents de recettes à la fin juin 2004, dépassant de 2,8 millions d'euros les prévisions. Le budget pour 2005 continue à tracer ce chemin de dépendance de la télévision publique à l'égard du marché publicitaire.

La crise est identitaire : à quoi sert un service public qui ne peut s'empêcher de se comparer au privé, qui se situe en état de dépendance intellectuelle et normative par rapport au privé ? Nous nous flattons d'avoir un système mixte, donc potentiellement équilibré, mais, en réalité, le privé colonise le public.

Ainsi, alors que l'Etat confie à la télévision de service public de nombreuses missions et obligations, il ne lui donne pas la juste contrepartie, c'est-à-dire les moyens de les mener à bien, tout en lui laissant, en revanche, la possibilité d'accroître ses ressources par la publicité, c'est-à-dire de se diriger vers une privatisation de l'intérieur, préalable à une privatisation complète.

La question de la privatisation de France 2, jadis taboue, devient malheureusement une suggestion que l'on voit réapparaître et circuler ça et là relativement fréquemment.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. C'est faux pour la majorité présidentielle !

M. Jack Ralite. Comment faire pour que cette question ne se pose plus ? La Grande-Bretagne, mais aussi l'Allemagne, la Suède, l'Islande, la Belgique ont eu le courage de faire contribuer les téléspectateurs à un niveau qui est à la hauteur des enjeux de l'audiovisuel. Ces pays ont ainsi substitué à une télévision prédatrice, qui traque le consommateur dans l'individu, une télévision humaniste, qui préfère avertir le téléspectateur plutôt que de seulement le divertir, pour reprendre, en la paraphrasant, une expression de Katerina Stenou, directrice de la division des politiques culturelles et du dialogue interculturel à l'UNESCO.

L'attitude face à la redevance et à son niveau est le critère décisif. La redevance n'est pas un impôt : c'est le paiement d'un service. Il fait partie de ce que l'on pourrait appeler un « actionnariat populaire », qui a fait tout seul, pendant longtemps, nos images et nos sons. Oui, la redevance est un enjeu ! Je l'aurais vue, pour ma part, atteindre 118 euros plus 1,5 euro ; le Gouvernement, lui, l'a fixée à 116 euros moins 0,5 euro.

L'un de ces enjeux, dont on ne mesure pas suffisamment l'importance cardinale, c'est la fiction. La télévision a en effet d'abord été saluée comme la possibilité de faire partager à tous les Français des oeuvres de qualité. Cette dimension s'est peu à peu estompée avec la généralisation des émissions de flux, alors que le besoin d'imaginaire est plus que jamais présent et inassouvi. La production de fictions spécialement pour la télévision est l'occasion de créer des oeuvres de grande qualité et de les présenter à des audiences importantes d'emblée. Les fictions télévisuelles sont effectivement parmi les programmes qui réunissent les audiences les plus importantes, répondant sans populisme à l'aspiration d'un large public.

Réunissant des individus isolés autour d'expériences imaginaires et symboliques, les fictions diverses sont au fondement d'une diversité esthétique et imaginaire partagée, chacun et chacune restant soi.

On ne le dit pas assez : plus que l'information, la fiction est partie prenante du lien social.

Je trouve précieux qu'un certain nombre de réalisateurs de télévision viennent de publier un livre, Un film comment, dans lequel ils disent l'alphabet de leur métier, de leurs créations, des innombrables obstacles qu'ils ont à franchir, de leur mêlée avec un grand nombre de téléspectateurs. Soixante-quatorze d'entre eux ont dressé un bilan de l'histoire concrète de leurs réalisations.

A vrai dire, tous ces hommes et ces femmes qui ne renoncent jamais, notamment face aux économies comme méthode de travail, qui protègent dans la vie des mots comme « oeuvre », à ne pas confondre avec un produit de flux ou de circonstance, qui refusent que le terme « intermittent » remplace leur métier si diversifié, des artistes aux techniciens, ne se résignent pas à devoir tourner la page, comme on dit dans les journaux, pour passer de la page « culture » à la page « télévision » : « une forme de ségrégation », selon eux. Ils le font dans la bonne humeur, sans rien cacher de leurs angoisses, mais pour nous les faire partager et les soutenir.

Et si ces skieurs au fond d'un puits, comme dirait Henri Michaux, agissent ainsi, c'est qu'ils n'ont rien à voir avec cette mission que se donne TF 1, qui a tenu le laid propos bien connu maintenant : « rendre les cerveaux disponibles pour la publicité », dont le CSA n'a toujours pas discuté.

Les réalisateurs dignes de ce nom et respectés précisément pour cette dignité ne veulent pas, comme dirait Baudelaire, « s'endormir sur l'oreiller » de l'opinion toute faite.

Il y a, chez l'être humain, un plaisir à sortir de la conjoncture, et les choses visibles débouchent parfois sur le « presque invisible », moins bord secret du visible que parfait aboutissement de la vue, sa floraison. Cela est du bonheur. C'est aussi l'esprit du cadeau de pensée et d'imaginaire que devrait viser France Télévisions. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laffitte.

M. Pierre Laffitte. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans notre société de l'information, la communication se développe et se numérise de façon inéluctable et elle adopte des supports variés.

Historiquement, la téléphonie utilisait le fil de cuivre et les centraux téléphoniques. Le sans-fil a commencé avec le morse, puis les militaires ont développé ce système, puis la TSF a utilisé les ondes, les fréquences.

Bien entendu, la télévision a, elle aussi, utilisé les fréquences radio, puis le câble.

Avec la numérisation et les satellites, une convergence est apparue : la combinaison de bandes de fréquences terrestres et de bandes de fréquences par liaison satellitaire, l'utilisation de fréquences diverses par les militaires, les services de sécurité, les entreprises et les particuliers, et les fibres optiques, ce qui s'est traduit par un certain encombrement, pendant que se développaient les fibres optiques.

Dans le même temps, on s'aperçoit que le « haut débit » connaît un développement massif à travers le transfert de données numérisées par les ondes, les fibres optiques, l'ADSL. S'y ajoutent de nouveaux systèmes de compression de données numériques.

S'il représente un progrès, ce phénomène crée également des problèmes de sécurité, notamment ce que l'on a appelé - je n'ose employer ce terme - le « piratage », en tout cas, une forme de vol, sans aller jusqu'à parler de « brigandage ». Encore que... Les questions de sécurité deviennent aussi très importantes.

Par ailleurs, le système industriel est de plus en plus concerné en raison du volume des opérations industrielles qui se greffent sur la téléphonie mobile et, désormais, sur la télévision mobile. Un colloque s'est tenu sur ce point récemment, au cours duquel a, du reste, eu lieu une discussion extrêmement violente entre les tenants des télécoms - l'Autorité de régulation des télécommunications, l'ART, et les industriels - et les représentants du CSA.

Voilà plus de trois ans, j'avais déjà attiré l'attention du ministère des finances, du ministère de l'industrie et du ministère de la culture sur l'anomalie qui consistait à ponctionner massivement les opérateurs de télécommunications pour l'usage des fréquences UMTS.

J'avais, lors des discussions sur le prix des fréquences demandé aux opérateurs pour l'UMTS, évoqué la nécessité de traiter les fréquences en général. Il fallait d'ailleurs remettre à plat les fréquences et parler de convergence. C'était probablement beaucoup trop tôt, mais « gouverner, c'est prévoir ».

Une remise à plat du système des fréquences, c'est-à-dire de la façon dont elles sont organisées, ainsi que des structures qui les gèrent me paraît s'imposer.

Nous avons construit ces structures au cours des années, à un moment où il n'y avait pas de convergence. A cette époque, on a d'abord créé l'Agence nationale des fréquences, avant le CSA et l'ART. Actuellement, cette convergence nécessite probablement une réflexion forte sur les priorités, d'autant plus qu'elle se complique par les impacts industriels que je viens d'évoquer.

Une réunion a eu lieu au ministère de l'industrie il n'y a pas si longtemps avec les industriels. Ils souhaitent développer MPEG 4 parce que, selon eux, c'est indispensable à cause de la télévision haute définition, qui est un grand programme industriel. D'après eux, si nous ne le faisons pas, les Japonais, les Allemands et les Américains le feront pour nous. Il n'y aura même pas à délocaliser puisque la localisation industrielle se sera faite ailleurs. !

On peut donc se poser des questions sur les priorités que nous pourrions afficher. Je suis convaincu que de nombreuses personnes affirment que MPEG 2 fonctionne normalement et qu'ils sont satisfaits.

Mais, comme nous savons que nous aurons bientôt besoin de MPEG 4, ne pourrait-on prévoir une action gouvernementale dirigée vers l'industrie pour que la mise sur le marché de décodeurs mixtes, MPEG 2 et MPEG 4, intervienne rapidement ? C'est une possibilité que nous pouvons encore envisager sans prendre le moindre retard. Sinon, nous allons pénaliser les utilisateurs en leur disant qu'il faut faire autre chose.

En outre, avec les nouveautés telles que la télévision par satellite prévue par le Centre national d'études spatiales, le projet AGORA permettant des débits supérieurs à l'ADSL sur tout le territoire, de nombreux problèmes apparaissent, sans parler de l'usage de fréquences dans les boucles de radios locales et du Wimax. Qui va s'en occuper ?

Je crois qu'il est temps que nous ayons une réflexion sur la convergence des systèmes d'information numérisés. La commission des affaires culturelles a mis en place des groupes de travail qui peuvent très bien étudier ces questions. Je pense notamment au groupe de réflexion présidé par M. de Broissia et au groupe d'études « Innovation et entreprise » que je préside.

Monsieur le ministre, ces réflexions, en liaison avec vos services, et éventuellement avec les services des ministères compétents, devra avoir lieu. La Commission supérieure du service public des postes et télécommunications ainsi que l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques pourraient aussi jouer pleinement leur rôle.

La réflexion sur l'avenir des autorités de régulation, de l'Agence des fréquences, à la lumière de ce qui évolue hors de France, fait partie, à mon avis, de la réforme de l'Etat. (M. le rapporteur pour avis applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord insister sur l'extrême importance du débat qui nous réunit aujourd'hui.

En effet, le bon fonctionnement du secteur public de l'information est, à n'en pas douter, en lien étroit avec le bon fonctionnement de la démocratie. L'Etat doit garantir le pluralisme de l'information en aidant à la création de nouvelles chaînes et de nouveaux journaux, tout en assurant leur indépendance.

L'Etat doit également empêcher la concentration des médias dans la main de grands groupes, peu scrupuleux, dont le seul objectif est d'accaparer en leur sein une chaîne ou un journal de plus.

Enfin, l'Etat doit impérativement contribuer à la diffusion sur le service public de programmes divers d'éducation, de culture, de loisir, de sport, car l'enrichissement se fait dans la diversité. Cette diversité culturelle, qui fait tellement défaut dans le secteur audiovisuel privé, ne peut être atteinte qu'en s'éloignant de la sacro-sainte politique de l'offre et de la demande. Et qui est mieux placé que l'Etat pour s'en éloigner ?

Nous devons donc, mes chers collègues, tout mettre en oeuvre pour donner à l'audiovisuel public les moyens de la qualité ! C'est parce que le monde de l'audiovisuel trouve un écho important dans les foyers de France, c'est parce que la « télé » et la radio ont une influence considérable sur le comportement de nos concitoyens, et notamment sur les jeunes, que nous devons être particulièrement attentifs aux moyens que l'Etat entend attribuer à ce secteur.

A la lecture du dernier budget Sarkozy, je peux vous affirmer, mes chers collègues, que le Gouvernement fait fausse route.

Il fait fausse route parce que la publicité occupe une place de plus en plus grande dans les ressources propres des chaînes de télévision publiques, notamment de France 2, où le financement publicitaire dépasse 40 % de son budget. Et plus la publicité prend part au financement d'une chaîne, plus elle étouffe les programmes et pollue à la fois les ondes et nos cerveaux.

On ne peut concevoir que la plus grande chaîne du service public ait des objectifs de rentabilité pour remplir ses caisses. On ne peut pas non plus concevoir que l'Etat, impuissant, se contente de regarder cette absurde bataille de l'audimat que TF 1 livre à France 2 et que je n'oserai pas appeler « bataille culturelle » tant elle nivelle la culture vers le bas. Aussi longtemps que la publicité occupera une place importante dans le financement de l'audiovisuel public, le seul critère retenu sera l'audimat. Il ne peut en être ainsi !

Nous devons aider France 2, qui se bat avec le peu de moyens alloués par l'Etat pour sortir tant bien que mal de cette logique marchande en essayant de réhabiliter des programmes documentaires. Nous croyons en l'intelligence des téléspectateurs, qui attendent ces programmes enrichissants et ne feront pas baisser l'audimat, même si, dans ce domaine, il faut aussi laisser du temps pour que de nouvelles habitudes s'installent dans la façon de « consommer » la télévision.

La République doit prendre ses responsabilités en pérennisant et en stabilisant le financement de cet outil potentiel de pédagogie, d'ouverture d'esprit, mais aussi d'esprit critique que peut représenter la télévision publique. Que vaut une heure d'éducation civique enseignée par de valeureux professeurs à nos enfants face aux dizaines d'heures de télévision qui prônent souvent des valeurs contraires ?

La réforme de la redevance, dont les principales mesures sont l'exonération des résidences secondaires et l'arrondissement à l'euro inférieur de son montant, ne fait que réduire les aides que l'Etat apporte à son service public de l'audiovisuel. Cette réforme ne peut que conduire à asservir un peu plus la plus grande chaîne de notre service public aux règles de la concurrence.

Au contraire, il faut se donner les moyens de renforcer encore plus ce secteur, qui , ne pouvant lutter à armes égales avec le privé dans la concurrence sauvage que celui-ci lui impose, risque d'être un jour privatisé. Nous connaissons le scénario : on laisse la situation se dégrader ; puis on dit qu'il n'y a pas d'autre solution que la privatisation.

Sachez que nous ne laisserons pas faire cela sans réagir à temps, avec tous les citoyens attachés au service public de l'audiovisuel !

M. Roger Karoutchi. Vous ferez grève ?!

M. David Assouline. Il s'agit de réagir face à la fuite en avant des politiques de programmation qui visent à supprimer ou au mieux à reléguer en deuxième partie de nuit les émissions d'éducation, les programmes culturels et littéraires, qui forment la personnalité de la jeunesse et contribuent à son éveil. L'Etat, dans le cadre de sa mission de service public de l'information, doit se porter garant de l'accès de tous à de telles émissions à des heures convenables.

Le Gouvernement fait également fausse route en ce qui concerne le financement de la chaîne internationale, qui doit témoigner de l'exception culturelle française et contribuer au rayonnement de notre pays à l'étranger. Elle va en effet être financée en partie par un groupe privé qui est loin d'avoir d'autres valeurs que celle du profit. Des crédits seront ponctionnés au profit des sociétés audiovisuelles publiques, RFI en particulier.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. C'est faux !

M. David Assouline. Alors que des propositions crédibles et concrètes de financement basé sur des chaînes publiques - France Télévisions, Public Sénat, la Chaîne parlementaire, TV 5, RFO - avaient été émises, le budget pour 2005 confie à TF 1 - cette chaîne qui, selon son président, a pour mission de préparer de l'espace de cerveau humain disponible pour Coca-Cola - le soin de financer pour moitié, à côté de France 2 cette nouvelle chaîne internationale.

Permettez-moi d'émettre de sérieux doutes quant à l'entente de TF 1 et de France 2, ces deux groupes aux cultures différentes, d'habitude farouches concurrents.

En outre, il ne me paraît pas judicieux de faire appel à TF 1, tant ses objectifs sont incompatibles avec ceux du service public de l'information.

Cette proposition ne paraît pas sérieuse. Dans quel état sont les finances publiques pour avoir recours au plus grand mass media privé de ce pays pour financer une chaîne pourtant porteuse d'espoirs ?

Mes chers collègues, il est encore temps de revenir à la raison et de mettre fin à ce système de financement absurde.

Enfin, le Gouvernement fait fausse route quant à la politique que mène l'Etat en matière de concentration des médias. Cette dérive qui voit, année après année, se réduire le nombre des groupes, voire celui des personnes qui détiennent l'ensemble des médias, est un péril grave pour la qualité de l'information ainsi que pour la démocratie.

La loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, vainement combattue ici même par les sénateurs socialistes et votée par la majorité, loin de régler ce problème, l'aggrave. En effet, cette loi assouplit de manière scandaleuse et excessive les règles anti-concentration applicables au secteur des médias.

C'est parce que ce budget de l'audiovisuel public est insuffisant pour garantir une mission de service public de qualité et, en conséquence, oblige ce secteur à tomber dans la marchandisation de ses programmes que je vous invite, avec le groupe socialiste, à voter contre ces dispositions du projet de loi de finances.

Mes chers collègues, je pense sincèrement que l'heure est venue, à nouveau, pour le service public de l'audiovisuel. Nos concitoyens sont prêts à répondre à l'offre de qualité dans un paysage de médiocrité généralisée sur nos ondes. Il faut que l'Etat lui donne les moyens de saisir cette chance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Les artistes, les techniciens et les journalistes apprécieront !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Bockel.

M. Jean-Marie Bockel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est en effet un budget en trompe-l'oeil qui nous est proposé.

Le « coup de pouce » donné à l'audiovisuel n'en est pas un. Non seulement cette hausse rapportée à l'inflation est toute relative, mais surtout la progression des crédits est trop modeste pour faire face aux exigences constantes du service public et aux défis que nos collègues ont rappelés.

En effet, devant l'importance prise par l'audiovisuel dans la vie des Français, l'enjeu n'est pas simplement comptable, il est aussi politique. Souhaite-t-on maintenir en France un secteur public de l'audiovisuel ? Si oui, à quelle place et avec quelles missions ?

Si l'on affirme que l'Etat doit favoriser la diversité culturelle et l'égal accès de tous à l'offre audiovisuelle, il doit s'en donner les moyens et manifester une volonté claire. Cela est d'autant plus vrai que des défis technologiques se présentent et que l'ouverture à l'Europe et au monde doit être plus que jamais assurée.

Concernant les moyens, nous ne pouvons que regretter que la nécessaire réforme de la redevance ne réponde pas mieux aux besoins de l'audiovisuel public.

Certes, l'adossement de la redevance à la taxe d'habitation pour les particuliers et l'inversion de la charge de la preuve constituent des mesures efficaces, susceptibles de permettre un meilleur recouvrement de l'impôt. De même, la modification des critères d'exonération et leur alignement progressif sur ceux qui sont applicables à la taxe d'habitation étaient nécessaires.

Mais ces éléments positifs ne parviennent pas à masquer les insuffisances de ce projet de réforme ni les dispositions négatives qu'il contient.

En effet, le tarif de la redevance, après trois exercices consécutifs à des taux inchangés, sera en baisse en 2005 puisque vous proposez de l'arrondir à l'euro inférieur. Le manque à gagner de cette mesure est dommageable, car le taux de la redevance constitue bien le levier principal, et parfaitement légitime, permettant d'augmenter les ressources publiques de l'audiovisuel. Or le niveau de cette redevance est singulièrement bas en France, surtout si on le rapproche de celui qui est observé dans d'autres pays comme la Grande-Bretagne ou l'Allemagne, où il peut atteindre 200 euros ; nous en sommes loin ! Or ces pays, il faut bien le constater, disposent d'une industrie de création et de production audiovisuelle bien plus importante et dynamique qu'en France.

Jack Ralite a parlé des fictions, David Assouline, des émissions littéraires ; on peut aussi évoquer la montée en puissance du documentaire, qui est certainement l'un des phénomènes qui marquent aujourd'hui la création audiovisuelle.

Sur ces types de programmes, des choix courageux ont été opérés dans les pays précités, quand, en France, c'est la vision à court terme qui l'emporte, ce qui conduit toujours à limiter les prélèvements alors que ceux-ci peuvent également créer de la richesse et des emplois.

Par ailleurs, votre décision d'exonérer les résidences secondaires de tout paiement de la redevance audiovisuelle provoque encore un manque à gagner important : 58 millions d'euros ; Mme Catherine Tasca a dit ce qu'il convenait d'en penser.

Enfin, le plafonnement du remboursement des exonérations de redevance que le Gouvernement entend imposer nous paraît très critiquable. Un tel plafonnement - le manque à gagner est de 80 millions d'euros - est en contradiction avec la loi du 1er août 2000 modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui instituait un remboursement intégral. Certes, une garantie des ressources est envisagée pour 2005, mais rien n'indique qu'elle sera prolongée.

En repoussant la plupart des propositions d'amendements, y compris celles qui émanaient des commissions et de sa propre majorité, le Gouvernement a choisi d'ignorer le travail parlementaire.

Nous aimerions encore attirer votre attention sur la manière dont l'Etat entend honorer les engagements qu'il a pris auprès des diverses sociétés de l'audiovisuel public, qu'il s'agisse de France Télévisions ou d'Arte. Je pense notamment aux contrats d'objectifs et de moyens. Le montant des crédits alloués à ces contrats est inférieur aux engagements pris par l'Etat.

Ainsi pour Arte, l'écart cumulé entre le budget inscrit dans le contrat d'objectifs et de moyens et le budget réellement obtenu, hors financement de la TNT, s'élève à plus de 12,5 millions d'euros sur la période 2003-2005.

La parole de l'Etat n'est donc pas respectée, alors que, dans le même temps, les engagements souscrits au titre du contrat d'objectifs et de moyens ont été honorés par les chaînes.

France Télévisions a ainsi augmenté et diversifié ses investissements dans la création audiovisuelle et cinématographique ; France 3 continue à approfondir son projet de régionalisation. Si l'on ajoute que France Télévisions a économisé 15 millions d'euros par an depuis 2001, on comprend aisément que l'Etat n'est pas à la hauteur de sa mission.

Ce n'est pas le moindre des paradoxes que de rencontrer dans l'audiovisuel des services publics performants, qui ont su se moderniser, mais qui ne reçoivent pas en retour le soutien espéré. C'est là le paradoxe d'un pays qui dépense moins pour l'audiovisuel que ses partenaires européens.

Facteur aggravant : les chaînes dont nous parlons sont aujourd'hui confrontées à des contraintes et à des défis nouveaux. Ainsi, le lancement de la TNT génère un coût qui, soit n'est pas complètement financé - il manque 4 millions d'euros à Arte pour ouvrir la tranche de douze heures à quatorze heures au titre de la TNT -, soit le sera au détriment de la croissance des grilles des chaînes.

Ajoutons à cela les légitimes contraintes découlant du projet de loi relatif à l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui institue l'obligation de sous-titrer l'ensemble des programmes. Le coût de cette exigence s'élèvera à 105 millions d'euros pour France Télévisions.

Enfin, n'oublions pas le ralentissement des recettes publicitaires qui constituent, pour mémoire, 40 % des ressources de France 2.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, il est nécessaire d'honorer les engagements contractuels découlant de l'obligation légale afin que l'expression « respect mutuel » ne soit pas un vain mot. La politique audiovisuelle que doit conduire l'Etat n'est donc pas qu'une affaire de moyens. Elle exige un engagement clair, cohérent et durable. En effet, derrière les chiffres, se trouvent des hommes !

Comment mobiliser les énergies, développer des projets sans être assuré de la continuité de la volonté publique ? Le temps de la production et de la création audiovisuelles, comme l'ont déjà dit plusieurs de mes collègues, n'est pas le temps court de l'annualisation budgétaire. Cela rend nécessaire à nos yeux l'organisation au Parlement d'une discussion pluriannuelle portant sur les moyens comme sur les objectifs de programmation et les missions de l'audiovisuel public.

Voilà les principes d'une nouvelle gouvernance que nous appelons de nos voeux et qui, aujourd'hui, n'est pas mise à l'ordre du jour. C'est pourquoi notre vote sera négatif. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, vous comprendrez que je commence mon allocution sur le budget du ministère de la communication par une évocation des deux otages français en Irak, Christian Chesnot et Georges Malbrunot. Je souhaite simplement que, de cet hémicycle, s'échappe une pensée vers eux et j'espère que les efforts consentis par le Gouvernement pourront aboutir, le plus rapidement possible, à leur libération.

Respect du pluralisme et promotion de la diversité culturelle, tels sont les deux axes de la politique que j'entends mener, tant pour l'action culturelle proprement dite que pour la communication. Partout où la réforme est nécessaire, elle progresse. C'est particulièrement vrai pour le secteur de la communication.

J'ai prêté la plus grande attention aux rapports de MM. Claude Belot et Louis de Broissia et à leur sens de la vérité, même lorsque, parfois, celle-ci dérange. En effet, messieurs les rapporteurs, vous, vous n'avez pas franchi la ligne jaune de la démagogie, celle dont le dépassement conduit tout simplement à être injuste.

Je souhaiterais dire à certains orateurs de l'opposition que, lorsque l'on montre autant de sévérité à l'égard du fonctionnement global de l'audiovisuel public, on ne s'adresse pas au Gouvernement, mais plutôt à toutes celles et à tous ceux qui essaient, heure après heure - et Dieu sait si c'est difficile ! - de réaliser, pour le plus grand nombre de nos concitoyens, des émissions de qualité.

Des défis économiques et financiers doivent être relevés. Il convient également de faire preuve d'imagination et de créativité. C'est pourquoi je trouve parfaitement choquant que personne n'ait eu à coeur, sur les travées de l'opposition, de souligner le nombre d'émissions qui manifestent des efforts de créativité et cherchent à interpeller nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mesdames, messieurs de l'opposition, puisque vous avez souvent fait référence au passé, je me vois dans l'obligation de vous répondre que, globalement, les crédits de l'audiovisuel public augmentent de 8 % par rapport à 2002. Si la situation de l'audiovisuel public est aujourd'hui aussi calamiteuse que vous le dites, j'en suis réduit à me demander ce qu'il en était lorsque vous l'avez laissée ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Catherine Tasca. Si c'était si bien maintenant, les chaînes seraient contentes !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Sur ces sujets, il faut savoir raison garder et tout simplement saisir la complexité des choses.

Concernant les comparaisons effectuées par M. Assouline entre le secteur public et le secteur privé, je prendrais un exemple.

Je rendrai publique, dès que j'en disposerai, la comparaison établie entre les journaux télévisés d'information des chaînes publiques et ceux des chaînes privées en ce qui concerne le temps d'antenne consacré aux sujets culturels. J'aimerais pouvoir être sûr que c'est l'audiovisuel public l'emportera !

M. Serge Lagauche. C'est vous qui êtes responsable de l'audiovisuel public !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Rien n'est aussi simple que la caricature que l'on fait uniquement à partir de l'origine des fonds ou de la nature de la propriété !

Nous sommes, reconnaissons-le, tous confrontés à un défi : faire en sorte qu'existe un véritable lien entre culture et communication. D'où la responsabilité éminente de l'audiovisuel public. Je m'exprime sur ce sujet avec passion parce que je crois qu'il est très important de réussir, maintenant, cette réconciliation.

J'en viens à la réforme de la redevance.

Je comprends parfaitement les propos de Claude Belot sur le risque de confusion avec l'impôt local. Nous veillerons, dans la publication des documents, à ce que nos concitoyens ne puissent pas assimiler la redevance audiovisuelle à un élément de la fiscalité locale.

Cette réforme est juste, équilibrée et solide, tant pour le service public de l'audiovisuel que pour le redevable.

Les aspects les plus archaïques du mode de recouvrement sont abolis et l'adossement à la taxe d'habitation procède d'un objectif de rationalisation conforme à l'ambition de réformer l'Etat.

Pour la troisième année consécutive, la redevance n'augmente pas.

Mme Catherine Tasca et M. Yannick Bodin. Non, elle diminue !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Plus précisément, elle ne change presque pas, la règle de l'arrondissement à l'euro inférieur n'étant que la transposition de la mesure applicable à l'assujettissement et au paiement des impôts. Aucune décision de baisse de la redevance n'a été prise !

Il faut saluer la simplification consistant à percevoir une seule redevance par foyer fiscal détenteur d'un récepteur. Cela constitue un progrès majeur et permet, mesdames, messieurs les sénateurs, d'avoir l'assurance d'une ressource pérenne.

En effet, aujourd'hui, nos concitoyens n'ont plus uniquement le poste de télévision trônant au milieu du salon ; ils reçoivent les émissions de télévision grâce à toutes sortes de supports. Fonder la redevance sur le foyer et non plus sur le support suit l'évolution de la technologie et des modes de vie, tout en rendant la recette pérenne.

M. Yannick Bodin. Et la résidence secondaire ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. De la même manière, les exonérations de redevance pour motifs sociaux ont été étendues, afin qu'elles soient alignées sur celles de la taxe d'habitation. Il s'agit d'un élément très important.

Je demande aux sénateurs de la majorité présidentielle de signaler haut et fort autour d'eux que cette mesure contribuera à dispenser un million de contribuables supplémentaires, notamment parmi les personnes âgées à faibles ressources et les allocataires de minima sociaux.

M. Serge Lagauche. C'est la télévision publique qui paiera !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Je veux bien que l'on nous caricature sur le thème de « la politique des riches », mais il convient tout de même, de temps en temps, de rétablir la vérité !

Je me réjouis que l'Assemblée nationale ait adopté un amendement présenté par Patrice Martin-Lalande et permettant de garantir le niveau des ressources publiques affectées à l'audiovisuel public pour l'année 2005, année de transition.

Je serais mal fondé à formuler des souhaits quant au contenu de l'offre de programmes si je ne dotais pas le secteur de l'audiovisuel des moyens nécessaires pour les réaliser. J'évoquerai donc maintenant ces moyens supplémentaires.

Monsieur Ralite, dans le contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions, l'augmentation prévue n'était pas de 3,6 %, mais de 3 %.

Je suis particulièrement heureux de pouvoir annoncer aujourd'hui au Sénat que, très prochainement, le Gouvernement abondera la ressource publique affectée au secteur public audiovisuel pour 2005 de 20 millions d'euros supplémentaires, qui ne se confondent pas avec les besoins de la chaîne d'information internationale, sur lesquels je reviendrai tout à l'heure.

La variation de 2005 à 2004 n'est donc pas le chiffre figurant dans le dossier : elle s'élèvera à 3,2 %. Autrement dit, nous parvenons bien à 8 % d'augmentation par rapport au bilan du gouvernement de M. Jospin. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Je viens d'obtenir cette décision du Premier Ministre, et je l'en remercie. Je tenais beaucoup à cet arbitrage, car je voulais que l'année de la réforme de la redevance soit aussi celle de la politique ambitieuse de l'audiovisuel public que j'ai souhaité mettre en oeuvre. Il s'agissait notamment de répondre au voeu du Sénat, en particulier du rapporteur de la commission des affaires culturelles, Louis de Broissia, qui s'exprime sur ces sujets avec autant de souci de la vérité que de passion.

Je résumerai ma définition de la télévision publique en paraphrasant le slogan publicitaire de France Inter : « regardez la différence ». Ses auteurs vont finir par me demander des droits ! (Sourires.)

Je veillerai à ce que ces 20 millions d'euros supplémentaires soient mis au service de cette différence, autrement dit au service du téléspectateur et de la qualité de l'offre de programme, qui doit être améliorée, mais aussi au service d'une offre additionnelle.

Je pense tout particulièrement à la télévision numérique terrestre, à la télévision numérique hertzienne, ainsi qu'à l'amélioration du financement de la production et de la création audiovisuelles. Cette priorité, essentielle à mes yeux, passe par une multiplication des passerelles entre l'audiovisuel public et la culture.

Je souhaite donc que des moyens forts soient consacrés à la constitution d'une identité forte et à une offre de programme enrichie. En disant cela, je ne veux pas être injuste à l'égard de toutes les efforts qui sont réalisés par l'audiovisuel public en vue d'offrir des programmes qui, parfois, contrairement à ce que l'on dit, réconcilient la qualité et l'audience.

Sortons de ce débat suranné selon lequel une offre culturelle qualitative n'est, par définition, ni « réceptible » ni reçue positivement par nos concitoyens ! Cela suppose évidemment de trouver des idées et les moyens d'être attractif. Je ne souhaite pas faire de publicité pour telle ou telle émission, ce serait certainement déplacé de ma part, il n'en demeure pas moins que j'ai leur nom en tête. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Je veux rendre possible un enrichissement des programmes de télévision afin de donner une identité plus forte au service public, qui est plus que jamais nécessaire dans le paysage audiovisuel français.

Cher Jack Ralite, je vous rassure, il n'y a pas aujourd'hui, dans la majorité présidentielle, un seul crâne qui songe à la privatisation de France 2 ! Vous pouvez lire dans la presse ce que vous voulez, mais ce n'est pas le projet politique sur lequel ont été élus le Président de la République et la majorité parlementaire qui le soutient. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Serge Lagauche. Tiens, là, Karoutchi n'applaudit pas ! (Sourires.)

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Ceux d'entre vous qui se préoccupent de l'offre des programmes ont raison de le faire.

Le rapporteur spécial de la commission des finances m'a demandé si j'avais les moyens du contenu.

M. Laffitte a insisté à juste titre, avec la passion qui lui est coutumière, sur les nécessités de la culture scientifique.

M. Vallet va dans le même sens et M. Karoutchi a, lui aussi, souhaité me voir suivre cette feuille de route.

L'effort additionnel de France Télévisions en faveur des programmes de culture et de connaissance devra être très concrètement intensifié dès 2005.

Des pas importants ont déjà été accomplis. Je pense en particulier à France 5, dont nous fêterons lundi le dixième anniversaire et qui a élargi son audience tout en confortant son identité.

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Absolument !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Je pense aussi à France 3, qui a su, quant à elle, mener une politique ambitieuse de programmation de fictions et surtout de documentaires, en première partie de soirée.

Je pense enfin à France 2, dont les émissions d'information et de débat ont retrouvé une place visible.

Je vous demande donc de ne pas être injustes, mesdames, messieurs les sénateurs. Lorsque l'on émet des critiques, et j'en reçois parfois certaines, il faut aussi savoir donner des coups de chapeau. Quelle est la chaîne de télévision qui, le soir de l'élection présidentielle aux Etats-Unis, a consacré sa soirée à des débats ouverts sur cet événement ? C'est France 3. Ne soyez donc pas injustes dans vos critiques.

Mme Catherine Tasca. C'est dans votre camp que l'on critique le service public, pas dans le nôtre !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Nous avons certes des progrès à réaliser, mais à force de dire que tout va mal dans l'audiovisuel public, vous découragez celles et ceux qui font des efforts.

C'est pour conforter les pas importants qui ont été accomplis que j'ai souhaité fonder l'élaboration du plan stratégique de France Télévisions pour 2005 sur l'enrichissement de l'offre des programmes de culture et de connaissance.

Cela doit se traduire concrètement, d'un côté, par l'augmentation du budget d'approvisionnement de ces programmes, avec une progression des investissements deux fois plus forte que celle de la ressource publique affectée au groupe et, d'un autre côté, par une exposition plus soutenue à l'antenne, avec l'objectif significatif de diffuser, en première et en deuxième parties de soirée, des programmes de culture et de connaissance.

Ces orientations passent par tous les domaines de la culture. Je souhaite notamment des rendez-vous fixes et réguliers pour la musique, pour toutes les musiques, dans leur diversité ;...

M. Yannick Bodin. A une heure du matin !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. ... je souhaite la captation et la recréation dans le domaine du théâtre, mais aussi de la fiction, du cinéma, de l'animation ; je souhaite une audace de programmation qui, comme le montrent certains succès récents - l'Odyssée de l'espèce, le Silence de la mer - rencontre un réel besoin des publics.

Ces orientations passent aussi par le choix des horaires, les programmes culturels de qualité ne devant pas être condamnés aux créneaux nocturnes, par la mise en valeur et la promotion de la programmation.

Pour être cohérent avec ces objectifs, le Premier ministre a décidé de doter mon ministère de moyens supplémentaires qui me permettront de contrer la critique que l'on m'oppose chaque fois « Cela coûte trop cher ! ». J'ai maintenant les moyens de répondre !

Je souhaite d'ailleurs que l'on considère, dans le calme, les possibilités que nous offre la technologie. Je pense notamment aux captations. Combien de fois, en assistant à un spectacle de grande qualité, ai-je regretté qu'il ne soit pas accessible à nos concitoyens grâce à une diffusion télévisuelle ! On m'objecte la technologie, le coût, parfois même les droits d'auteur. Nous allons prendre des initiatives pour permettre le plus grand nombre possible de retransmissions. Là encore, pour ne pas être suspecter de tenir un propos incantatoire, il me fallait des moyens : ces moyens, je les ai !

Bien sûr, il faut tenir compte de l'audience. Ce que je souhaite, toujours dans le strict respect de la liberté éditoriale des chaînes, c'est que chacune trouve à sa manière, en fonction de son identité propre, de son public, les meilleures voies pour faire connaître ses offres culturelles et pour les « éditorialiser », c'est-à-dire les insérer dans une offre éditoriale cohérente et intelligente.

Ce qui vaut pour les tableaux de grands peintres avec l'émission D'art d'Arts ne vaut pas forcément pour le livre ou pour le théâtre. Il faut adapter le support à chaque mode d'expression, à chaque intervention culturelle.

Je serai extrêmement vigilant sur ce sujet et je dresserai un bilan des résultats concrets qui seront obtenus en contrepartie de l'effort supplémentaire consenti par la collectivité nationale.

Fera partie de ce bilan le plan d'action que doit engager la télévision publique pour le sous-titrage des programmes à destination des sourds et malentendants. Ce plan a été présenté devant la séance annuelle de la commission nationale Culture-Handicap que j'ai réunie lundi, rue de Valois, en application d'une disposition que le Sénat a adoptée en votant un sous-amendement présenté par le Gouvernement, lors de la discussion en deuxième lecture du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

J'en viens à la télévision numérique terrestre.

Monsieur le rapporteur spécial, je souhaite qu'au terme de mon propos vous ayez moins le sentiment de l'inconnu, du feuilleton dans lequel vous pensez que nous enfermons ce sujet.

De ce point de vue, je suis ravi d'avoir pu apporter, grâce à un arbitrage du Gouvernement, un démenti aux oiseaux de mauvais augure.

Que ne lisait-on dans la presse sur les motifs qui conduisaient le Gouvernement à prendre telle ou telle décision !

M. Yannick Bodin. Il ne faut pas écouter la presse ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. C'est à notre honneur d'avoir voulu vérifier la fiabilité des divers procédés technologiques afin qu'aucun doute ne subsiste dans l'esprit de nos concitoyens lorsque le Premier ministre sera amené à prendre sa décision sur le choix de la norme.

Vous nous avez accusés d'être les valets de je ne sais quel groupe financier. Je suis heureux du démenti cinglant qui a été infligé à vos propos sectaires, dénonciateurs et calomnieux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Sourires sur les travées socialistes.)

M. Yannick Bodin. Il ne faut pas vous mettre en colère, monsieur le ministre !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Les propos empreints de sagesse de M. Laffitte tranchent avec ce sectarisme. Sur ces sujets importants, il faut en conscience, après avoir recueilli les avis des experts et des scientifiques, avoir la certitude que les décisions que nous prenons sont non pas tournées vers le passé ou liées à je ne sais quelle habitude, mais fondées uniquement sur la conciliation de deux objectifs que j'assume publiquement devant vous.

Il s'agit en premier lieu d'un objectif politique : faire en sorte que le plus grand nombre de nos concitoyens dispose d'une offre de programmes gratuite, large, efficace.

Il s'agit en second lieu de prendre en compte la perspective et l'évolution technologique.

La place des offres gratuites au sein de la télévision numérique terrestre a fait l'objet d'une décision du Premier ministre, le 8 novembre dernier. Depuis, je veille ardemment à la préparation de ce qui constituera une grande révolution pour l'ensemble de nos concitoyens, avec, au mois de mars, la multiplication du nombre des chaînes gratuites.

J'ai réuni vendredi dernier tous les opérateurs, privés et publics, toutes les entreprises techniques concernées et celles qui ont la charge de la diffusion et de la conception des programmes. Je souhaite veiller au respect de la feuille de route qui doit nous guider jusqu'à l'avènement de la télévision numérique terrestre.

Permettez-moi sur ce sujet une petite digression. La norme retenue pour l'offre gratuite, MPEG 2, est celle qui, j'en suis convaincu, correspond à ce que doit être la télévision numérique pour tous. Cet aspect est fondamental.

Nous avons maintenant une obligation de résultat : toutes les difficultés techniques devront être résolues afin que nous soyons prêts à la date voulue.

En outre, et c'est sans doute l'aspect le plus important, multiplier les chaînes sans leur donner un contenu ne serait pas perçu comme un progrès par nos concitoyens. Je souhaite donc que chacun des opérateurs qui auront la charge d'un des créneaux supplémentaires offre un vrai contenu, qu'il y ait une sorte de fièvre de la qualité de l'offre.

La décision qui a été prise sur la TNT n'est pas une décision rétrograde. Elle ne doit pas, à mes yeux, freiner les possibilités d'introduction de la haute définition dans notre pays. La haute définition va d'ailleurs très vite trouver sa place sur le câble, le satellite et l'ADSL.

Quant au numérique hertzien terrestre, nous réfléchissons au meilleur scénario possible pour l'introduire dans le monde audiovisuel. Tout est encore ouvert, qu'il s'agisse de la norme, de la date de démarrage des chaînes payantes, de la stratégie d'introduction de la télévision haute définition, la TVHD, sur le numérique hertzien terrestre. La décision du Premier ministre interviendra dans les semaines qui viennent.

Il faut bien comprendre qu'il s'agit de décisions difficiles, mais que nous les assumons en toute indépendance, animés du seul souci de l'intérêt de nos concitoyens au regard des évolutions technologiques.

Pour le téléspectateur français, la TNT se traduira, par exemple, par la diffusion 24 heures sur 24 d'Arte et de France 5, deux chaînes emblématiques de la culture et de la connaissance.

Mme Catherine Tasca. Avec quel argent ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. De même, je souhaite que l'on ne perçoive pas avec mépris la chaîne nouvelle Festival, qui incarne le décloisonnement entre la culture et la diffusion télévisuelle. Elle mérite, à ce titre, d'être dotée d'un budget à la mesure de cette ambition et ne saurait être d'emblée déficitaire. Car Festival doit être, par essence, la chaîne de l'événement culturel, le laboratoire d'émissions nouvelles, d'un genre inédit, et de l'éclosion des nouveaux talents.

Et lorsque je dis cela, comment ne pas penser à tous les artistes et techniciens du spectacle vivant qui ont besoin, pour attirer de nouveaux publics, que l'on parle de leurs spectacles et qu'on en assure la diffusion ?

Des étapes ont donc été franchies, mais il nous reste du chemin à parcourir pour satisfaire le « téléspectateur-contribuable ».

M. Yannick Bodin. C'est bien vrai !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Le dernier baromètre qualitatif réalisé par Télérama auprès des téléspectateurs français montre bien que nous devons toujours être exigeants.

Je me réjouis que, conformément aux objectifs du contrat signé avec l'Etat le 27 mars 2002, Arte France ait élaboré cette année une nouvelle grille de programmes plus lisible et plus accessible pour un nombre accru de téléspectateurs. Cela préfigure l'élargissement de sa diffusion sur la télévision numérique terrestre l'an prochain.

L'augmentation de la dotation publique d'Arte France sera consacrée, en 2005, au financement de la diffusion d'Arte toute la journée sur la TNT. La chaîne pourra mettre à l'antenne de nouveaux programmes avant dix-neuf heures à destination de nouveaux téléspectateurs.

Une autre donnée importante en matière d'audiovisuel, c'est la diversité.

J'attache beaucoup d'importance à la diversité qui suppose une télévision aux couleurs de la société. De ce point de vue, la télévision publique a pleinement conscience de son rôle. Je pense bien sûr au plan d'« action positive » de France Télévisions. C'est un symbole magnifique, celui de l'unité de la République.

Le volontarisme dans la diversité des recrutements, dans la formation et l'accès aux compétences, confère à cette action une double dimension qui porte et sur le contenu des programmes et sur la politique sociale de l'entreprise.

Je me réjouis que France Télévisions ait signé, sous l'égide de l'institut Montaigne, une charte de la diversité dans l'entreprise dont l'objet est de « sensibiliser et former les collaborateurs impliqués dans le recrutement et la gestion des carrières, aux enjeux de la non-discrimination et de la diversité ».

La diversité, c'est aussi l'intégration de RFO au sein du groupe France Télévisions, qui doit s'incarner par l'enrichissement de l'offre locale de productions originaires de l'outre-mer et se traduire aussi, sur les antennes métropolitaines, par la prise en compte par nos concitoyens de la réalité des régions de l'outre-mer.

Je souhaite que la formation et la mobilité réciproque des journalistes deviennent une réalité pour marquer au quotidien le brassage et l'unité des cultures qui composent notre société.

Enfin, la télévision publique se singularise par son apport au financement de la production audiovisuelle.

Mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, qu'aucun d'entre vous - j'imagine que cela vous aurait arraché le gosier ! - n'ait parlé du crédit d'impôt qui existait pour le cinéma et que ce budget étend à l'audiovisuel est à la mesure même de votre volonté de ne pas montrer les chances que nous voulons donner à l'audiovisuel public dans notre pays !

Si j'osais une comparaison, je dirais que les chaînes publiques sont à la production audiovisuelle ce que Canal Plus est au cinéma français.

En effet, les chaînes publiques, Arte comprise, sont devenues en 2003 le premier financeur de la fiction française et le premier producteur, en nombre d'heures. Nous pouvons en être fiers, et il faut saluer l'action du service public de l'audiovisuel dans ce domaine.

C'est également le cas pour le documentaire, en particulier le documentaire de création.

Dans le même ordre d'idées, France 3 s'impose comme le premier contributeur de l'animation française.

Dans cet esprit, j'ai demandé à France Télévisions d'amplifier son offre de financement s'agissant de ces secteurs fragiles de la production audiovisuelle.

Je me réjouis du récent accord qui a été signé par France Télévisions avec l'union syndicale de la production audiovisuelle, l'UPSA, et le syndicat des producteurs indépendants, le SPI, en faveur du documentaire de création. Il se concrétise par un engagement financier de 64 millions d'euros en 2004 et par une enveloppe supplémentaire de 10 millions d'euros pour les années 2005 à 2007. Bien entendu, je garde en permanence à l'esprit que cet effort est soumis à l'évolution des ressources.

Cette démarche traduit bien dans ma volonté de voir le service public se placer au coeur de la création audiovisuelle.

Nous suivons une stratégie analogue pour la création et la production audiovisuelles, pour l'emploi.

Création, diversité : le service public et les pouvoirs publics doivent également développer une stratégie au service de l'emploi et de la lutte contre les délocalisations de tournage. Je sais que cet objectif prioritaire vous tient aussi beaucoup à coeur.

Lorsque je dis que je veux être le ministre de l'emploi culturel, ce n'est pas une phrase que je lance au hasard. Je m'efforce de dégager des moyens pour « relocaliser », dans la mesure du possible, un certain nombre de tournages dans notre pays.

C'est pourquoi j'ai souhaité la mise en oeuvre d'un crédit d'impôt spécifique pour la production audiovisuelle. Je pense que cette idée est de nature à réjouir M. Louis de Broissia qui s'est exprimé à maintes reprises sur ce sujet. (M. le rapporteur pour avis fait un signe d'assentiment.). Cette question fera l'objet d'un amendement lors de la discussion du projet de loi finances rectificative pour 2004.

Par ailleurs, les 20 millions d'euros supplémentaires que je vous ai annoncés aujourd'hui sont destinés à dynamiser l'engagement du service public audiovisuel dans la production.

L'objectif de cette mesure du crédit d'impôt, fixé à 34 millions d'euros, ce qui n'est pas négligeable, est d'avoir un impact fort : il s'agit de rapatrier en France environ 70 000 jours de travail liés à des tournages dans les domaines de la fiction, de l'animation ou du documentaire.

Bien sûr, le succès de cette mesure dépendra de l'esprit de responsabilité de chacun : diffuseurs publics et privés, producteurs, pouvoirs publics. Comme pour le crédit d'impôt cinéma, je souhaite une évaluation régulière de son impact.

Pour finir sur ce chapitre de l'emploi, j'ajoute que les chaînes publiques doivent se montrer exemplaires à double titre.

Elles doivent l'être d'abord en matière d'organisation interne du travail. Je salue le plan de résorption du recours à l'emploi précaire, qui s'étalera sur cinq ans, mis en oeuvre par le président de France Télévisions et dont je le remercie.

Elles doivent l'être aussi en matière de relocalisation des tournages de fiction financés par les sociétés publiques de télévision, domaine dans lequel je souhaite qu'elles fassent preuve d'une exigence plus forte. Si nous augmentons les financements de l'audiovisuel public et si, dans le même temps, nous laissons les tournages se faire à l'extérieur des frontières de l'Union européenne, nos concitoyens ne comprendront pas !

Cette politique, je la mène, non pas de manière agressive, mais bien plutôt sur le mode du partenariat, avec le président de France Télévisions, avec le président d'ARTE et avec tous les responsables de l'audiovisuel public.

Cette stratégie pour l'emploi, au service de la relocalisation des tournages dans nos régions, est essentielle. Elle illustre combien les ressources de l'audiovisuel public ne couvrent pas uniquement les besoins d'un seul secteur. Mon ambition est avant tout de consolider l'attractivité de notre territoire - nous l'avons évoqué ce matin à propos de la politique culturelle - tout en développant ce secteur économique, qui représente plus de 20 000 emplois directs.

Ainsi, le crédit d'impôt cinéma voté à la fin de l'année dernière a tenu toutes ses promesses, puisque la part des semaines de tournage réalisées en France est passée en 2004 de 61 % à 72 %. Fort de ce résultat, j'ai souhaité, pour 2005, étendre le crédit d'impôt cinéma aux films à plus gros budget, qui sont susceptibles de créer un nombre important d'emplois.

Mon objectif est le même pour la production audiovisuelle. C'est pourquoi j'ai tenu à créer en 2005, sur le même principe, un crédit d'impôt audiovisuel. Et si la gauche refuse d'en parler, je demande aux sénateurs de la majorité présidentielle d'en être fiers (Murmures sur les travées du groupe socialiste), parce qu'il marquera une étape et nous permettra de relocaliser un certain nombre d'emplois sur notre territoire. (M. Robert Del Picchia applaudit.)

M. Serge Lagauche. Il faut être fier, monsieur Karoutchi !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Car près de 22 % des journées de tournage de fictions télévisées se déroulent encore à l'étranger ! (Mme Catherine Tasca s'exclame.)

Ces mesures nouvelles en faveur du cinéma et de la production audiovisuelle correspondent en 2005 à une aide fiscale de 40 millions d'euros.

J'ai également souhaité étendre dès 2005 à la production audiovisuelle le bénéfice des fonds qui permettent à l'Etat de démultiplier l'engagement des collectivités territoriales en faveur de la production et qui constituent un facteur décisif pour l'emploi et pour le rayonnement des territoires. Ce qui existe en matière de cinéma entre les régions et l'Etat, et qui est le fruit de politiques partenariales réussies, va exister en 2005 pour la création et la production audiovisuelles.

Je ne reviens pas sur la lutte contre la contrefaçon numérique, que nous avons déjà évoquée ce matin.

Monsieur Karoutchi, je comprends et je partage votre intérêt pour les radios indépendantes.

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Vous avez répondu dans le même sens que moi en adoptant les dispositions, contenues dans la loi du 9 juillet dernier, relatives à l'accès à la publicité locale ou à la replanification de la bande FM. Au moment de prendre la décision définitive, j'accorderai une attention toute particulière, bien sûr en liaison avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel et dans le respect de sa souveraineté, à la place que doivent occuper les radios indépendantes dans notre paysage. (M. Roger Karoutchi acquiesce.)

Qui dit radio publique dit évidemment Radio France. Oui ! comme vos rapports en font état, le budget pour 2005 permettra la numérisation des antennes, l'achèvement du plan bleu, la régionalisation de l'offre de programmes et la restructuration de la Maison de la Radio.

Je voudrais m'attarder sur ce dernier point, car le Gouvernement a estimé que la restructuration de Radio France devait se faire sur place : les travaux ne seront pas de simples travaux de mise aux normes ou de mise en conformité, ce seront des travaux de restructuration totale des locaux qui permettront aux manières de travailler d'évoluer en échappant aux contraintes de l'architecture, aussi emblématique soit-elle, de notre patrimoine architectural national.

Ce budget permet aussi de poursuivre la modernisation de Radio France Internationale. Si l'année 2004 a permis à RFI d'engager le redressement de sa situation financière, qui doit être poursuivi l'année prochaine, ses principaux objectifs pour 2005 seront la numérisation de la production et la constitution de pôles rédactionnels régionaux. Ces chantiers devront être précisés dans le cadre d'un contrat d'objectifs et de moyens dont l'élaboration et la conclusion demeurent un objectif pour l'entreprise.

Evoquant RFI, je ne peux pas ne pas penser à la chaîne d'information internationale, sur laquelle je reviendrai au moment où j'aborderai la question de l'AFP : ne croyez pas, mesdames, messieurs les sénateurs, que je me dérobe ! Ce sujet, au contraire, est à mes yeux essentiel, parce que, comme nous l'avons rappelé, la chaîne répondra à une nécessité stratégique.

Chaque fois que, dans un moment où la situation internationale est particulièrement lourde et électrique, on est invité à participer une émission sur RFI, on se sent investi d'une obligation morale particulière, peut-être tout simplement parce que l'on sait que le travail de RFI sera diffusé partout dans le monde, dans la poudrière de la violence internationale actuelle. C'est une magnifique responsabilité qui incombe aujourd'hui à certaines entreprises, dans le domaine international.

On peut se focaliser sur ce qui manque à notre arsenal, mais ne soyons pas injustes envers les journalistes qui, dans certains médias, travaillent heure après heure à la diffusion de notre pensée et de notre culture et dont il faut, de temps en temps, rappeler le rôle ; vous ne l'avez pas fait, je le fais ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. David Assouline. Nous n'avons rien dit de tel ! Nous vous demandons au contraire de leur donner des moyens !

Mme Catherine Tasca. Nous vous demandons de les soutenir !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Le projet de budget pour 2005 traduit aussi un effort historique en faveur de la presse écrite ; cela dérangera peut-être certains, qui le critiqueront ou qui le passeront sous silence.

Nous restons cependant humbles, car nous mesurons à quel point la situation à laquelle se trouve exposée la presse écrite est difficile. Mais nous ne restons pas simples spectateurs, nous ne restons pas les bras croisés : le Gouvernement a décidé d'agir. (M. Yannick Bodin s'exclame.)

Le respect et la défense du pluralisme sont les fils conducteurs de ce projet de budget, qui allie moyens supplémentaires et réformes.

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Cela vaut tout particulièrement pour la presse écrite, comme vous l'avez relevé dans vos rapports, messieurs les rapporteurs, avec peut-être un peu plus d'aménité que pour l'audiovisuel. (Sourires.)

Je comprends et je partage votre préoccupation devant les mouvements capitalistiques actuels dans la presse quotidienne d'information politique et générale et devant les concentrations qu'ils peuvent entraîner. Cette question touche au pluralisme et nous concerne tous. Comme le Premier ministre, qui l'a récemment évoquée au cours d'un voyage à l'étranger, je pense qu'une commission de sages, composée judicieusement de personnalités des médias, d'économistes et de juristes, devrait être chargée d'examiner ce sujet brûlant et de formuler des propositions concrètes.

Vous avez souligné à juste titre l'oeuvre réformatrice du Gouvernement dans ce domaine. La presse bénéficiera, l'an prochain, d'un effort historique, à la hauteur des défis qu'elle doit relever.

J'en viens à la réforme des aides existantes.

Atteignant un montant total de près de 280 millions d'euros, ce projet de budget, en progression de près de 30 %, à périmètre constant, par rapport à 2004, porte d'abord sur la rénovation des aides existantes, dans un objectif de plus grande transparence et d'efficacité. Bien sûr, comme vous le souhaitez, elles feront l'objet d'une évaluation qui sera réalisée avec la presse, afin de pouvoir procéder, le cas échéant, aux ajustements qui s'avéreront nécessaires. Car il ne s'agit pas de se rassurer à bon compte en se disant que les crédits ont été votés et qu'ils vont être dépensés !

Ainsi, dotée d'un montant global de 242 millions d'euros, la réforme de l'aide au transport postal de la presse permettra de recentrer celle-ci sur deux actions prioritaires : l'aide à la diffusion des journaux d'information politique et générale, et l'aide à la distribution de l'ensemble de la presse écrite dans les zones de faible densité. J'insiste sur ce dernier point, car la culture et la communication sont essentielles à la vitalité du lien social et à la cohésion nationale sur l'ensemble de notre territoire.

Je veux aussi mentionner la réforme du fonds d'aide à la modernisation et à la distribution de la presse, qui entrera en vigueur en 2005 et dont le texte a été publié au Journal officiel du 26 novembre dernier. Désormais, les projets collectifs, ceux qui réunissent les efforts de plusieurs éditeurs, pourront être subventionnés jusqu'à 80 %, ce qui permettra un effet de levier important et rendra possible l'accompagnement des réformes de structure et de modernisation mises en oeuvre.

Par ailleurs, la commission de contrôle chargée de vérifier l'utilisation des aides accordées se verra enfin dotée des moyens d'exercer sa mission. Vous pouvez constater, monsieur le rapporteur spécial, que nous tenons le plus grand compte de vos préoccupations !

Enfin, je partage votre appréciation sur le rôle tout à fait fondamental de l'Agence France-Presse dans l'information internationale.

Le matin de l'élection présidentielle, j'étais à six heures au siège de l'AFP. J'ai été très heureux de pouvoir constater comme cette entreprise travaille à l'échelle mondiale, comme ses tableaux, comme son service Internet sont diffusés dans le monde entier, comme sont nombreux tant les télévisions que les supports de presse écrite qui reprennent les éléments d'information qu'elle transmet. C'est la raison pour laquelle son contrat d'objectifs et de moyens est scrupuleusement respecté par l'Etat.

Nul doute que l'association active de l'AFP au projet de chaîne d'information internationale pourra, à terme, contribuer au développement de l'Agence et valoriser encore son rôle.

Je voudrais en cet instant dire quelques mots sur la chaîne d'information internationale, qui répond à une nécessité stratégique et qui verra le jour en 2005.

M. David Assouline. Avec quel argent ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Nous devons à nos concitoyens d'en exposer clairement les objectifs. Chacun comprend bien que la diffusion de l'information au-delà de nos frontières correspond à une double mission précise et fondamentale : soutenir la langue française et la francophonie, d'une part, et diffuser en langues étrangères les messages de fond de la politique française, d'autre part, pour que, dans cette poudrière qu'est parfois le monde, au milieu de toutes les violences internationales, notre voix soit entendue, la voix de la langue française, mais aussi celle de nos idées.

Le Gouvernement, dans un avenir extrêmement proche, prendra des dispositions concrètes pour que soit clarifié et précisé le contour de cette chaîne internationale, qui doit voir le jour avec son financement pour l'année 2005.

Mme Catherine Tasca. Avec ou sans TF1 ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Je sais très bien tous les débats qui ont eu lieu, notamment dans cet hémicycle, et je sais très bien l'exaspération, si je puis dire, que vous avez manifestée. L'Etat fera face à ses responsabilités. Cette chaîne verra le jour par la grande porte, avec un contenu expliqué et clarifié.

Mme Catherine Tasca. Avec ou sans TF 1 ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Le Gouvernement présentera devant l'Assemblée nationale et le Sénat ce projet de chaîne internationale, son contour avec les moyens qu'il envisage de mettre pour atteindre l'objectif fixé.

Chacun voit bien à quel point, aujourd'hui, nous devons nous aussi être présents sur les ondes, et vous êtes parfaitement conscients du devoir de vigilance qui pèse sur nos épaules. Le Premier ministre s'est exprimé dans cet hémicycle, je ne reviendrai donc pas sur les propos qu'il a tenus au sujet de la chaîne Al-Manar. Encore une fois, compte tenu de la situation internationale actuelle, il est capital, d'un point de vue politique, que les idées humanistes et démocratiques puissent être diffusées dans le monde entier, dans toutes les langues du monde.

J'en reviens à la presse écrite pour évoquer le deuxième élément la concernant.

Au-delà des réformes des aides existantes, que j'ai déjà mentionnées, le projet de budget inclut des mesures nouvelles en faveur de la modernisation de la presse.

La première aide nouvelle, dotée de 38 millions d'euros, vise à moderniser la fabrication de la presse quotidienne d'information politique et générale nationale, régionale et départementale. La presse se trouve aujourd'hui à un carrefour, et la modernisation de ses structures de fabrication est indispensable et essentielle à son développement. Au nom du pluralisme, l'Etat se doit d'accompagner ce mouvement.

Pour autant, il ne doit pas le faire de manière aveugle. Le fonds d'aide qui sera mis en place grâce à un amendement que le Gouvernement va vous soumettre impliquera une contractualisation avec l'Etat et des engagements précis de la part des quotidiens d'information politique et générale. J'ai compris à travers vos propos que vous attendiez la clarté, et peut-être même des simplifications nécessaires. C'est le chantier qui s'ouvre maintenant.

La deuxième aide nouvelle concernera la distribution de la presse quotidienne d'information politique et générale. L'aide actuellement en place aurait initialement dû venir à expiration le 31 décembre prochain : elle est prorogée en 2005 à hauteur de 12,7 millions d'euros.

Les Nouvelles messageries de la presse parisienne doivent en effet poursuivre l'effort de restructuration engagé depuis 2000. Je souhaite également contractualiser ce nouvel effort de l'Etat afin qu'il produise les résultats concrets que nous en attendons, et afin, là aussi, de les évaluer.

La troisième aide nouvelle porte sur la diffusion de la presse écrite, dont l'érosion n'est pas une fatalité. J'ai décidé de créer un fonds de modernisation du réseau des diffuseurs de presse, doté de 3,5 millions d'euros, pour soutenir et accompagner le plan de modernisation élaboré par les professionnels. Le Gouvernement présentera un amendement à cet effet.

Un effort nouveau sera entrepris pour favoriser la lecture de la presse par les jeunes. Vous avez, les uns et les autres, insisté sur ce point, notamment MM. Vallet et Karoutchi. M. Vallet a évoqué une initiative particulièrement emblématique dans sa ville, je suis prêt à aller la découvrir, car, sur ces sujets - en tout cas c'est l'esprit dans lequel j'ai réuni l'ensemble des professionnels concernés -, il faut réaliser des expérimentations avant de prendre des dispositions générales dont on ne mesure pas totalement l'efficacité. Je crois à la nécessité d'expérimentations réussies. Nous avons les moyens financiers pour les soutenir et nous le ferons.

S'agissant des médias, je souhaite terminer sur une préoccupation à laquelle vous consacrez, à juste titre, un développement substantiel dans votre rapport écrit : la lecture de la presse par les jeunes, que nous devons absolument encourager. J'y vois une priorité essentielle de l'action des pouvoirs publics en faveur de la presse, mais aussi pour la démocratie dans notre pays. En effet, les lecteurs d'aujourd'hui sont bien sûr les lecteurs de demain et si lire la presse c'est former son esprit, c'est aussi se former à la citoyenneté.

Les causes de la désaffection pour la presse, et plus particulièrement chez les jeunes qui incarnent l'avenir de sa diffusion, sont connues. Nous sommes confrontés à un triple problème : un problème de prix, un problème de distribution et un problème de contenu.

J'ai proposé que soient étudiés et mis en place des abonnements gratuits tant pour les jeunes des classes de terminale que pour les jeunes qui ont quitté le système scolaire.

La présence de la presse dans l'école, qui repose sur l'intelligence, le dévouement et la passion des enseignants, suppose que nous y fassions attention et que nous sachions la renforcer.

Nous devons aller vite et faire preuve de pragmatisme. Des expérimentations à grande échelle doivent précéder toute généralisation. Je souhaite qu'un bilan en soit fait avant d'étendre les mesures les plus efficaces.

Une fois encore, mesdames, messieurs les sénateurs, ce n'est pas de l'incantation. Le budget qui vous est proposé permet de répondre immédiatement avec le souci de l'urgence aux propositions qui seront formulées par les professionnels eux-mêmes.

M. David Assouline. En baissant les crédits !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Plusieurs réunions entre Noël et la fin du mois de janvier sont prévues avec les professionnels directement concernés pour déterminer celles et ceux qui veulent participer à cette opération. Si certains ne veulent pas s'y associer, ils ne s'y associeront pas. (M. Yannick Bodin s'exclame.)

Dans le cadre du budget 2005, sur ma proposition entérinée par M. le Premier ministre, et je l'en remercie, 3,5 millions d'euros en 2005 seront consacrés au soutien de ces projets.

Je n'ai pas besoin d'insister sur l'importance de cet enjeu pour la vitalité et pour l'avenir de notre démocratie, dans laquelle la liberté de la presse est une valeur essentielle, « le droit des droits », disait Benjamin Constant.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai certainement été long. Vous avez peut-être considéré que je me suis exprimé avec trop de passion, mais je crois que nous sommes au coeur d'une responsabilité majeure pour l'avenir de notre pays, qu'il ne faut pas caricaturer parce qu'il s'agit d'entreprises, parce qu'il s'agit du monde économique, parce qu'il s'agit de problèmes de la technologie. Ayons le courage de la lucidité, ayons la volonté d'agir. C'est en tout cas la démarche que le Gouvernement vous propose. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Communication
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Etat C - Titre V

Mme la présidente. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant les services du Premier ministre, services généraux, et figurant aux états B et C.

Je rappelle que le Sénat a déjà examiné hier les crédits relatifs aux services généraux et les crédits relatifs à la fonction publique et à la réforme de l'Etat.

État B

Titre III : moins 36 875 266 euros.

Mme la présidente. La parole est à M. Ivan Renar, sur les crédits du titre III.

M. Ivan Renar. Pour détendre l'atmosphère, je ferai appel à Saint Augustin qui disait : « Celui qui se perd dans sa passion a moins perdu que celui qui a perdu sa passion. » Vous le constatez, je suis oecuménique. Que la paix soit avec vous, mes chers collègues.

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Vous êtes sur la voie de la rédemption ! (Sourires.)

M. Ivan Renar. On peut être un mécréant et respecter un certain nombre de choses !

Monsieur le ministre, je me félicite que vous ayez à coeur de défendre le pluralisme de la presse écrite, et le budget présenté témoigne effectivement de votre engagement sur cet enjeu déterminant pour la démocratie. Toutefois, les mesures prises sont-elles bien à la hauteur des défis auxquels est confrontée aujourd'hui notre société ? Car la crise des quotidiens concerne bien, au-delà de la presse écrite, l'ensemble de nos concitoyens, et en particulier leur droit à une information pluraliste, et non à un nouveau RMI, revenu minimum d'information !

La décision de stabiliser les tarifs postaux, l'effort financier consenti à la presse écrite, en particulier avec la création d'un fonds de modernisation pour la presse quotidienne nationale, sont des mesures importantes dont je ne veux pas diminuer la portée. Renforcer le lectorat et, surtout, améliorer les ventes, cela passe aussi par une sensibilisation des jeunes, comme vous l'avez souligné, tout en facilitant la diffusion de la presse dans les établissements scolaires.

Toutefois, ces mesures ne doivent pas nous exonérer de nous attaquer à la racine du mal qui affecte aujourd'hui la presse écrite : les symptômes ne sont pas la maladie.

Dénoncer les phénoménales concentrations jusqu' alors inédites dans la presse écrite, s'émouvoir de l'uniformisation et de l'aseptisation d'une presse dans les mains d'une poignée de groupes, s'inquiéter du fait que les journaux perdent leur âme en vendant leur indépendance, c'est bien. Mais ce n'est ni suffisant ni efficace. Pourquoi ce qui a été possible il y a soixante ans, dans les pires conditions, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ne serait pas possible aujourd'hui ? Je fais référence, bien évidemment, au visionnaire programme du Conseil national de la Résistance qui, dans sa grande sagesse, avait pris la précaution de libérer l'information de la toute-puissance des monopoles économiques. Tout démocrate convaincu, quelles que soient sa sensibilité et ses convictions, ne peut accepter de courir le risque que les idées ne parlent plus que d'une seule voix : celle du plus fort, du plus lourd financièrement.

On trouvera peut-être mon analyse excessive. On me répondra que la presse écrite doit aussi s'adapter à un monde en profonde mutation, qu'elle doit faire face aujourd'hui aux terribles concurrents que sont la télévision, Internet et la presse gratuite, et on aura raison. Mais je n'ai pas tort, car il y a là de véritables bombes à retardement. Ces outils sont souvent aux mains des mêmes et des plus puissants dont les objectifs sont convergents : capter le maximum de recettes publicitaires. Je voudrais souligner au passage que les médias dits « gratuits » ne le sont pas. La naïveté serait de croire que dans notre monde la gratuité n'aurait pas de prix. Chacun de nos concitoyens paie au prix fort les dépenses pharaoniques de communication publicitaire incluse dans le tarif des produits qu'il achète en tant que consommateur. Le système est bien rodé et pernicieux puisqu'il se donne les apparences de l'indolore.

Pourtant, les conséquences ne le sont pas. Les implications économiques, sociales, culturelles de cette nouvelle donne médiatique sont redoutables. Non seulement elles mettent en péril la presse écrite et l'emploi dans ce secteur, mais elles fragilisent un pilier indispensable à la bonne santé de la démocratie : le pluralisme de la presse, et donc le pluralisme des idées, des pensées, des opinions comme de la liberté de leur expression et de leur diffusion.

C'est pourquoi, monsieur le ministre, il est urgent de soutenir encore plus résolument les journaux à faibles recettes publicitaires, qui, tant bien que mal, font vivre la démocratie au quotidien. Ne pas renforcer cette aide revient à les condamner à disparaître malgré les combats permanents que ces journaux mènent pour gagner de nouveaux lecteurs. L'intervention des pouvoirs publics pour soutenir la presse, avec des règles de financements publics spécifiques aux journaux quotidiens, est indispensable à leur sauvegarde.

Par ailleurs, si la situation est particulièrement préoccupante, elle n'est pas irrémédiable. C'est pourquoi je plaide pour que soit organisée une conférence nationale, associant tous les acteurs, dans le but d'aboutir à une grande loi nationale s'inspirant de l'esprit des ordonnances de la Libération afin de garantir dans les conditions d'aujourd'hui le pluralisme de la presse écrite et son développement.

Alors que nous baignons dans une forme de présent perpétuel qui pousse à l'amnésie généralisée et flatte l'ignorance et la déculturation, alors que les flux d'informations s'accélèrent et que l'image devient de plus en plus prépondérante, plus que jamais la presse écrite occupe dans le champ des mass media une place déterminante et une fonction irremplaçable. Elle favorise la prise de recul et propose de la perspective par les débats et les réflexions qu'elle suscite.

Ainsi, face au prêt à penser, l'écrit contribue à ce que les citoyens se forgent leur propre opinion. L'information est un bien commun, qu'il convient de ne pas sacrifier aux seules logiques de marché. Et là, je voudrais être assez grave, monsieur le ministre, car, par définition, le marché pousse à la concentration, donc à l'oligopole, voire au monopole.

Le bien commun dont je viens de parler est un élément constitutif de la démocratie. Il est donc évident qu'il faut limiter cette logique du marché, qui résulte tout simplement du traitement de l'information comme une simple marchandise. D'autant que l'article XI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen permet d'intervenir pour défendre le droit à l'information.

Quand des groupes connus, comme Dassault, Bouygues, Hachette, possèdent les grands médias, mais aussi davantage, il est évident que leur poids dans la société, dans le dialogue avec les pouvoirs publics est énorme.

Nous devons y réfléchir, y compris sur le plan européen, car, aujourd'hui, on ne peut pas dissocier la communication du pouvoir politique. C'est un élément structurant. Mais, attention, monsieur le ministre, danger !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Monsieur le sénateur, je comprends parfaitement la gravité de vos propos.

Le pluralisme suppose que tous les courants d'expression politique de la société française trouvent un point d'aboutissement et de rayonnement à travers une existence financièrement possible de chaque support.

Je connais bien les problèmes rencontrés par des quotidiens. Le Gouvernement y travaille jour après jour et, s'il le fallait, nous sommes prêts à faire évoluer un certain nombre de dispositions législatives, parce que le pluralisme est une valeur politique fondamentale. Nous sommes, sur ce point, tout à fait ouverts à un certain nombre de propositions et de réflexions, au-delà de l'action immédiate qui est entreprise et des moyens que l'Etat met en oeuvre. Une réforme du fonds est actuellement à l'étude pour 2005. Nous disposons des crédits pour faire face à un certain nombre de demandes. Il faut étudier la manière de les rendre éligibles, parce que la situation de certains journaux est spécifique. Nous y répondrons au cas par cas, parce que c'est la manière de rendre concrète cette valeur du pluralisme.

Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)

Titre IV : moins 284 372 080 euros.

Mme la présidente. La parole est à M. Ivan Renar, sur les crédits du titre IV.

M. Ivan Renar. Je voudrais évoquer, brièvement mais fermement, la situation de l'Agence France Presse, qui reste délicate - je ne partage pas l'optimisme de M. Louis de Broissia -, au point qu'elle en a été réduite à vendre son siège historique pour combler une partie de ses pertes.

Face aux difficultés que traverse actuellement l'AFP, qui doit sa naissance, rappelons-le, à une décision politique de l'Etat et de la nation française - même si c'était sous la IVe République, qui n'a pas totalement démérité - et dont le statut relève du Parlement -, garantir son rôle mondial au service d'une vision française et européenne de l'information relève bien de la responsabilité de la presse, mais aussi de l'Etat, qui sont les administrateurs de l'agence.

L'AFP a fortement développé son chiffre d'affaires avec un réseau mondial performant. Sa productivité a progressé de 58 % au cours des dix dernières années.

Donner les moyens de façon résolue à la seule agence francophone du monde, et, par conséquent, défendre le pluralisme des sources d'informations, devrait aller de soi.

L'actualité de ces derniers temps, je pense en particulier à la couverture médiatique de la guerre en Irak, démontre toute l'originalité et l'apport déterminant de l'AFP. Il est essentiel de veiller au pluralisme des sources d'informations et de protéger la liberté de leur expression.

Malheureusement, l'actuel contrat d'objectifs et de moyens de l'AFP s'apparente à un carcan comptable de maîtrise des charges, notamment avec un plan d'austérité dans lequel le personnel est devenu la principale variable d'ajustement. La défense même de la démocratie et du droit à l'information devrait, au contraire, conduire à un plan de développement inexistant à ce jour dans le contrat d'objectifs, qui passe par un financement pérenne garanti, par exemple, par les pouvoirs publics.

De plus, la vente en cession-bail de son siège, qui constituait son seul patrimoine, non seulement ne va pas combler le déficit de l'agence, mais devrait servir principalement à rembourser le prêt participatif de l'Etat.

Il serait salutaire de mettre très rapidement en place, là aussi, une table ronde associant la direction, les syndicats, les parlementaires, le Gouvernement et la presse dans son ensemble, afin de mettre à plat les questions liées à la pérennité du rôle mondial de l'agence.

A l'ère de la société de l'information, il n'y aucune raison que l'AFP n'ait pas d'avenir. Bien au contraire, si l'AFP n'existait pas, il faudrait l'inventer, car elle est aussi la voix de la France dont elle assure la présence dans le monde.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Monsieur le sénateur, je ne suis pas, vous le savez, coutumier de l'autosatisfaction. Il y a, bien sûr, des progrès à réaliser et des situations que l'on peut toujours améliorer. Mais je ne souhaite pas que l'on caricature la situation de l'Agence France-Presse, qui est l'une des trois premières agences de presse mondiale.

C'est une entreprise mondiale, très performante, confrontée, comme toute entreprise, aux défis économiques et financiers.

L'Etat est un partenaire solide. Je rappelle en effet que, dans le contrat d'objectifs et de moyens signé le 20 novembre 2003, nous avons pris des engagements que nous tenons. Pour 2005, cela se solde par une nouvelle augmentation substantielle des abonnements de l'Etat à l'AFP, qui s'élèvent à 105,7 millions d'euros - ce n'est quand même une petite somme ! -, soit une augmentation de 2,4 % par rapport à l'année dernière. L'Etat a donc fait des efforts sur le plan financier.

De son côté, l'AFP a pris un certain nombre d'engagements. Je souhaite tout simplement que le rayonnement de cette entreprise lui permette de trouver, sur le plan de sa gestion, de quoi répondre aux besoins auxquels elle est confrontée ; en tout cas nous y veillons de la manière la plus attentive possible.

Cela signifie que nous devons veiller aussi, les uns et les autres, à renforcer positivement l'image de nos grandes entreprises nationales, notamment vis-à-vis de l'étranger. C'est, je crois, la meilleure manière de les soutenir. Il y a ce que nous en disons et ce que, concrètement, nous faisons financièrement pour les soutenir !

Etat B - Titres III et IV
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Art. 62

Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

État C

Titre V.- Autorisations de programme : 23 320 000 € ;

Crédits de paiement : 8 938 000 €.

Mme la présidente. Je mets aux voix les autorisations de programme et crédits de paiement du titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. J'appelle en discussion les articles 62, 73 bis, 73 ter, 73 quater et 73 quinquies, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits affectés à la communication.

Etat C - Titre V
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Art. 73 bis

Article 62

Pour l'exercice 2005, la répartition entre les organismes du service public de la communication audiovisuelle des recettes prévisionnelles, hors taxe sur la valeur ajoutée, de la redevance audiovisuelle, est établie comme suit :

(En millions d'euros)

France Télévisions

1 781,08

Radio France

481,97

Radio France Internationale

53,71

ARTE-France

197,98

Institut national de l'audiovisuel

72,74

Total

2 587,48

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Tasca, sur l'article.

Mme Catherine Tasca. En préambule, puisque M. le ministre nous appelle à la vérité sur les constats et sur les chiffres, je voudrais apporter une précision.

Il a souligné - il a même dit qu'il en était fier - que, sur ces trois années, les moyens consacrés à l'audiovisuel public avaient progressé de 7,9 %. Très bien ! Mais il aurait dû ajouter que, de 1998 à 2002, ces moyens avaient augmenté de 18,8 % en cinq ans et, pour les trois dernières années, de 2000 à 2002, de 12,9 %. Ainsi, la vérité est plus claire, monsieur le ministre !

S'agissant de la répartition de la redevance, nous avons vu passer des mouvements, entendu évoquer des augmentations du plafond de restitution des exonérations de 30 millions, évocation qui, en une nuit, a été « rangée ».

Aujourd'hui, monsieur le ministre, sur le financement de la future chaîne internationale, vous évoquez la réflexion de votre Gouvernement. Le groupe socialiste tient à vous dire qu'il est très impatient de voir levé le voile sur ce que seront concrètement les moyens financiers consacrés à ce projet et, surtout, de savoir s'ils pèseront, ou ne pèseront pas, sur le budget global des instruments de l'audiovisuel public.

Aujourd'hui, nous tenons à vous exprimer notre vigilance en ce qui concerne les moyens consacrés à RFI et à TV 5.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Nous n'allons pas nous lancer dans une bataille de chiffres. Toutefois, je voudrais vous donner deux éléments.

Madame Tasca, si, sous votre autorité, les budgets ont augmenté dans des proportions que je ne nie pas, c'est, vous le savez parfaitement, parce que vous avez modifié le mode de financement par la recette publicitaire et que l'Etat a dû compenser !

Mme Catherine Tasca. C'était une très bonne chose !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Le budget avait donc augmenté, mais à due concurrence de cet abaissement des ressources publicitaires décrété par la loi. (M. Roger Karoutchi sourit.)

Mme Catherine Tasca. Ce qui est salutaire !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Vérité pour vérité, allons jusqu'au bout de la vérité : il s'agissait d'une compensation, et non de moyens supplémentaires dégagés pour l'audiovisuel public !

Enfin, si vous avez beaucoup augmenté les crédits et si, comme vous l'avez dit, tout allait pour le mieux dans le meilleur monde, puisque nous augmentons encore les crédits de 8  % l'audiovisuel n'est pas aujourd'hui dans une situation catastrophique !

M. Yannick Bodin. Vous reconnaissez donc la baisse des crédits !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. La situation est préoccupante pour faire face aux responsabilités que j'ai définies.

Second élément, - et c'est la seule chose que je suis en mesure de vous dire parce que je ne veux pas anticiper sur les annonces qui seront faites -, les moyens de la chaîne d'information internationale ne seront pas prélevés sur le budget actuel de l'audiovisuel public. Ce seront des moyens supplémentaires. (Marques d'approbation sur plusieurs travées de l'UMP.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 62.

(L'article 62 est adopté.)

Art. 62
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Art. 73 ter

Article 73 bis

Le 2 du II de l'article 302 bis KB du code général des impôts est complété par un c ainsi rédigé :

« c. Du produit des appels téléphoniques à revenus partagés et envois de minimessages électroniques liés aux programmes des redevables concernés, à l'exception des programmes servant une grande cause nationale ou d'intérêt général. »

Mme la présidente. L'amendement n° II-34 rectifié bis, présenté par MM. Valade,  de Broissia et  Lagauche, Mme Blandin et M. Ralite, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. Le c du 2 du II de l'article 302 bis KB du code général des impôts est ainsi rédigé :

« c) Des sommes versées directement ou indirectement par les opérateurs de communications électroniques aux redevables concernés, ou à des personnes auxquelles ces redevables en ont confié l'encaissement, à raison des appels téléphoniques à revenus partagés, des connexions à des services télématiques et des envois de minimessages qui sont liés à la diffusion de leurs programmes, à l'exception des programmes servant une grande cause nationale ou d'intérêt général. »

II. Après le II de l'article L. 102 AA du Livre des procédures fiscales, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« II bis.- Les personnes mentionnées au c du 2 du II de l'article 302 bis KB du code général des impôts auxquelles a été confié l'encaissement des sommes versées par les opérateurs de communications électroniques sont tenues de fournir à chaque exploitant de service de télévision mentionné au I de cet article ainsi qu'à l'administration des impôts, avant le 15 février de chaque année, un état récapitulatif des sommes qu'elles ont encaissées au cours de l'année civile précédente à raison des appels téléphoniques à revenus partagés, des connexions télématiques et des envois de minimessages électroniques qui sont liés à la diffusion des programmes de l'exploitant de service de télévision, à l'exception des programmes servant une grande cause nationale ou d'intérêt général. »

La parole est à M. Louis de Broissia.

M. Louis de Broissia. Il s'agit d'un amendement arc-en-ciel, qui va sans doute réjouir l'ensemble de l'hémicycle puisqu'il est cosigné par quatre membres éminents de la commission des affaires culturelles : son président, M. Valade, M. Lagauche, Mme Blandin et M. Ralite. Cela devrait quand même vous rassurer, les uns et les autres. (Sourires.)

Monsieur le ministre, vous l'avez bien compris, nous avons tous à coeur, mais nous l'exprimons chacun à notre façon, de contribuer à un financement juste, équilibré et exigeant de l'audiovisuel public.

Pour ma part, je me réjouis d'avoir entendu que 20 millions d'euros supplémentaires seraient consacrés à l'audiovisuel public. Après tout, le Sénat est là pour demander des financements complémentaires, pour rassurer les producteurs. Vous avez parlé du crédit d'impôt de 34 millions d'euros ; c'est tout à fait important.

Vous avez aussi annoncé à l'instant que la dotation accordée à la chaîne internationale serait un financement distinct.

Dans l'esprit de ce qu'a fait l'Assemblée nationale, mais en le perfectionnant - ce qui est l'habitude du Sénat ! -, nous avons rédigé un amendement qui vise à confirmer l'élargissement de l'assiette de la taxe sur les services de télévision.

Rappelons que cette taxe est destinée à contribuer au financement des productions cinématographiques et audiovisuelles, via le compte de soutien financier de l'industrie cinématographique et de l'industrie audiovisuelle, le COSIP.

Je précise qu'il s'agit, non pas d'une nouvelle taxe, mais bien d'un élargissement de l'assiette.

Cet article correspond à la proposition formulée par la commission des affaires culturelles du Sénat, notamment dans son rapport d'information du mois de juillet dernier, à savoir de contribuer à la création culturelle en France.

Le présent amendement précise que le produit des appels téléphoniques à revenus partagés, des connexions télématiques et des minimessages électroniques de type « SMS », lié aux programmes des chaînes de télévision, entre dans le champ d'application de cette taxe.

Cet amendement, je le répète, a été soutenu, non pas par la commission des affaires culturelles car elle n'a pu l'examiner, mais par l'ensemble de ses composantes.

M. Ivan Renar. Par la coordination ! (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Belot, rapporteur spécial. C'est un avis très favorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez eu raison de préciser qu'il ne s'agissait pas d'une nouvelle taxe et que l'objet du dispositif était d'inclure des recettes directement liées à certaines émissions de télévision ; je le précise à l'intention de nos concitoyens, pour bien clarifier les choses.

Cette mesure vient compléter heureusement les autres mesures que le Gouvernement a déjà retenues : le crédit d'impôt audiovisuel, le fonds d'aide à l'innovation, l'abondement par le Centre national de la cinématographie des fonds d'aide régionaux.

Ce plan de mesures vise à redonner le dynamisme nécessaire au financement de la production audiovisuelle, et donc, tout simplement, à l'emploi de nos artistes et de nos techniciens.

Aussi, le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui améliore et précise le dispositif adopté par l'Assemblée nationale.

M. Roger Karoutchi. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.

M. Serge Lagauche. Monsieur le ministre, je vous ai bien entendu tout à l'heure, lorsque vous avez parlé de l'opposition.

Je pensais qu'à l'occasion de l'examen de cet amendement vous alliez vous réjouir de l'unanimité qui s'est manifestée pour renforcer l'audiovisuel et dire que, pour une fois au moins, vous étiez satisfait de l'opposition ! (Sourires.)

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Je le dirai à la fin, en fonction du vote ! (Nouveaux sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.

M. Jack Ralite. Notre groupe est tout à fait d'accord avec cette proposition. D'ailleurs, lors de la discussion des articles de la première partie de la loi de finances, j'étais intervenu, un peu prématurément puisque l'on m'avait fait remarquer qu'il fallait attendre l'examen de la deuxième partie. J'ai donc retiré mon amendement.

Voilà pourquoi je suis aujourd'hui cosignataire de cet amendement, et je pense que nous faisons là un travail tout à fait utile et intéressant.

Je souhaite apporter une petite rectification à ce qu'a dit M. le ministre tout à l'heure sur le crédit d'impôt. Quand nous en avons discuté dans cette assemblée, certains membres de la majorité n'étaient pas d'accord, notamment le président de la commission des finances. Je suis intervenu - et je suis de gauche ! - pour dire qu'il n'était pas « raisonnable » de s'opposer à cette mesure. Pour une fois, j'ai employé ce qualificatif, qui est rare dans ma bouche, car je n'aime pas toujours ce qui est raisonnable ! (Sourires.) J'ai eu le plaisir de constater que le président de la commission des finances s'était rallié à mon point de vue. Comme quoi...

M. Ivan Renar. Il ne faut pas désespérer ! (Nouveaux sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-34 rectifié bis.

(L'amendement est adopté à l'unanimité.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 73 bis est ainsi rédigé.

Art. 73 bis
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Art. 73 quater

Article 73 ter

Le 3 de l'article 302 bis KD du code général des impôts est ainsi rédigé :

« 3. Le tarif d'imposition par palier de recettes trimestrielles perçues par les régies assujetties est fixé comme suit à compter du premier trimestre 2005 :

« 1° Pour la publicité radiodiffusée :

« 

Recettes trimestrielles

(en euros)

Montant de la taxe (en euros)

De

À

46 000

229 000

526

229 001

457 000

1 314

457 001

915 000

2 761

915 001

1 372 000

4 734

1 372 001

2 286 000

7 889

2 286 001

3 201 000

12 492

3 201 001

4 573 000

17 882

4 573 001

6 860 000

26 297

6 860 001

9 147 000

38 131

9 147 001

13 720 000

54 435

13 720 001

18 294 000

76 263

18 294 001

22 867 000

102 560

22 867 001

27 441 000

126 228

27 447 001

32 014 000

149 895

32 014 001

36 588 000

173 563

36 588 001

41 161 000

197 231

41 161 001

45 735 000

220 889

45 735 001

50 308 000

244 566

50 308 001

54 882 000

268 234

54 882 001

59 455 000

291 902

59 455 001

64 029 000

315 569

Au-dessus de

64 029 000

344 497

;

« 2° Pour la publicité télévisée :

« 

Recettes trimestrielles

(en euros)

Montant de la taxe (en euros)

»

De

À

457 001

915 000

3 000

915 001

2 287 000

7 000

2 287 001

4 573 000

18 000

4 573 001

9 147 000

41 000

9 147 001

18 294 000

92 500

18 294 001

27 441 000

183 000

27 441 001

36 588 000

285 000

36 588 001

45 735 000

368 000

45 735 001

54 882 000

455 000

54 882 001

64 029 000

545 500

64 029 001

73 176 000

629 500

73 176 001

82 322 000

717 500

82 322 001

91 469 000

806 000

91 469 001

100 616 000

894 500

100 616 001

109 763 000

982 500

109 763 001

118 910 000

1 071 000

118 910 001

128 057 000

1 159 000

128 057 001

137 204 000

1 330 000

137 204 001

148 351 000

1 420 000

148 351 001

161 498 000

1 510 000

161 498 001

176 645 000

1 600 000

176 645 001

193 345 000

1 690 000

193 345 001

221 939 000

1 780 000

221 939 001

242 086 000

1 870 000

Au-dessus de

242 086 000

1 960 000

La parole est à Mme Catherine Tasca, sur l'article.

Mme Catherine Tasca. Je voudrais attirer l'attention de M. le ministre sur la situation du fonds de soutien à l'expression radiophonique.

Depuis sa création, ce fonds a permis le maintien, et même le développement, d'un réseau de radios indépendantes, ou tout au moins de radios qui ne sont pas dépendantes de la ressource publicitaire puisque celle-ci - c'est l'un des critères d'accès au fonds - ne doit pas dépasser 20 % de leurs ressources.

Or ce fonds se porte mal, monsieur le ministre. Depuis dès années, ses ressources stagnent. Pourquoi une telle stagnation ? Y a-t-il un problème de rentrée des ressources de la taxe parafiscale ? Vous le savez, ces radios font partie intégrante de la diversité du paysage radiophonique et, puisque vous plaidez si bien, avec beaucoup d'autres, pour la diversité, que comptez-vous faire pour que le fonds, qui est déjà déficitaire d'environ 3 millions d'euros, puisse poursuivre sa mission ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Madame la sénatrice, le fonds de soutien à l'expression radiophonique, le FSER, est vital, vous l'avez indiqué, pour la pérennité de quelque six cents radios associatives que nous souhaitons soutenir.

Depuis 2002, nous avions été amenés à geler le barème des subventions de fonctionnement. Cette année, l'insuffisance des recettes, liée à l'épuisement de la trésorerie, a impliqué le report de l'examen de certaines demandes de subventions. Nous sommes donc confrontés à une situation particulière.

Une réforme des conditions de fonctionnement du fonds devra être mise en chantier dès l'année prochaine. Mais l'effort d'ajustement des dépenses ne saurait nous exonérer d'un effort d'augmentation des recettes.

Cet effort ne saurait passer, comme le demandent certains, par un abondement budgétaire exceptionnel. Le principe même d'un compte d'affectation spéciale alimenté par une ressource affectée implique qu'il faut ajuster les dépenses aux recettes, et non l'inverse.

En revanche, un relèvement du barème de la taxe est souhaitable. L'Assemblée nationale a adopté un amendement en ce sens, qui permettra d'augmenter le produit de la taxe de quelque 2,5 millions d'euros. C'est ainsi que nous pourrons répondre concrètement aux nombreuses demandes qui nous sont formulées.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 73 ter.

(L'article 73 ter est adopté.)

Art. 73 ter
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Art. 73 quinquies

Article 73 quater

Dans l'avant-dernier alinéa du II de l'article 53 de la loi n° 86-1067 précitée, après les mots : « affaires culturelles », sont insérés les mots : « et des finances ».

Mme la présidente. L'amendement n° II-23, présenté par MM. Renar et  Ralite, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jack Ralite.

M. Jack Ralite. Nous proposons de supprimer cet article, car s'il n'est évidemment pas question de soustraire l'audiovisuel public au contrôle parlementaire, je le considère comme disqualifiant à l'égard de la commission des affaires culturelles, avec la volonté qu'il revendique d'associer la commission des finances au contrôle de l'audiovisuel public.

Permettez-moi de m'expliquer en mettant cette proposition en rapport avec les paroles de M. Marini, rapporteur général de la commission des finances, mardi dernier : « Tout le monde est soumis à des contraintes, y compris les excellentes et remarquables sociétés de l'audiovisuel public. Il faut s'y habituer ! Il s'agit donc de diversifier les ressources, et ce à l'intérieur des limites qui sont imparties. En effet, si le taux de 2,4% n'est pas suffisant, celui de 3% ne le sera pas non plus, de même que celui de 3,5%, de 4% ou de 5% ! Ce ne sera pas encore assez ! »

Sous couvert d'être raisonnable budgétairement, le rapporteur général passait outre l'engagement de l'Etat de fournir des ressources publiques en augmentation, selon moi de 3,6 %, comme je l'ai lu dans un document officiel qui m'a été envoyé. M. le ministre ayant fait état d'une augmentation de 3 %, je vais vérifier dans ce document si il y a eu une erreur de lecture de ma part.

Par ailleurs, il traitait ce même jour les membres de la commission des affaires culturelles comme des irresponsables.

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Non, « budgétivores » !

M. Jack Ralite. « Mes chers collèges, il arrive fréquemment à chacun d'entre nous, dans le secteur qui l'intéresse, d'être soumis aux assauts " budgétivores " de ceux qui veulent obtenir plus de dépenses publiques. Nous comprenons que ceux parmi nous qui sont investis dans des secteurs aussi importants que la communication, le passage au numérique, etc., soutiennent les demandes formulées par les " dépensiers " du secteur. »

La position de la commission des finances est claire : les membres de la commission des affaires culturelles, par proximité, par contagion presque, sont des dépensiers qu'il convient d'encadrer, de protéger de leurs propres passions. (Sourires.)

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. C'est vrai !

M. Jack Ralite. Ce jour-là toujours, s'est posée la question de savoir si les 440 millions d'euros garantis par l'Etat suffiraient à couvrir les exonérations. Il n'a pas été répondu en séance publique à cette question. Les indices ne manquaient pourtant pas, telle la proposition gouvernementale, ensuite retirée, de rajouter in extremis 30 millions d'euros.

En réalité, la commission des finances, dans son rapport, reconnaissait tranquillement que les 440 millions d'euros ne suffiraient pas, que le manque s'élèverait au minimum à 60 millions d'euros.

On se demande qui sont les irresponsables dans ces conditions : ceux qui demandent les ressources promises par l'Etat, promesses formalisées dans un contrat d'objectifs et de moyens, ou ceux qui, en toute connaissance de cause et se targuant de leur crédibilité de comptables, empêchent des organismes publics de fonctionner par manque de moyens ?

C'est pourquoi, prenant acte de cette attitude d'un membre important de la commission des finances,...

M. Roger Karoutchi. Essentiel !

M. Jack Ralite. ...je ne peux aller dans le sens de la proposition d'associer la commission des finances au contrôle parlementaire de l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens.

Il n'y a pas de grand sénateur « je sais tout » et de petits sénateurs « le doigt sur la couture du pantalon » !

M. Jack Ralite. Je pense comme Diderot : « Méfiez-vous de celui qui veut mettre de l'ordre. Ordonner, c'est toujours se rendre maître des autres en les gênant ».

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je ne vous étonnerai pas, madame la présidente, en vous disant que la commission émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable.

J'apprécie les contacts difficiles. Ma vie quotidienne de ministre, c'est, par définition, d'avoir des contacts directs avec le ministre de l'économie et des finances ou avec le ministre du budget.

Toutefois nous aurons gagné le jour où, justement, les dépenses en matière de culture et de communication apparaîtront naturelles. De ce point de vue, nous avons encore beaucoup de travail devant nous.

Pour le moment, nous apparaissons « budgétivores », ce que j'assume car c'est pour une cause magnifique. Il est bon qu'un dialogue ait lieu entre les commissions et entre les ministres pour parvenir aux résultats que permettent nos finances publiques.

M. Roger Karoutchi. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.

M. Serge Lagauche. Nous avons été aussi choqués que M. Ralite par les propos de M. le rapporteur général. C'est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons sur cet amendement.

Il ne faut pas confondre le rapporteur général et l'ensemble de la commission. Les membres de la commission des finances, toutes tendances confondues, gagneront, en effet, à bénéficier d'une présentation du travail fait par l'audiovisuel public, et plus particulièrement par les télévisions. Nous ne nous opposons pas à une présentation de ce travail devant la commission des finances pour l'éclairer davantage et peut-être - comme l'a dit M. le ministre - pour qu'elle devienne une adepte de la défense de l'audiovisuel et de la culture en général.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laffitte, pour explication de vote.

M. Pierre Laffitte. Le groupe RDSE est très intéressé et troublé par la proposition de M. Ralite.

La commission des finances et surtout son rapporteur général ont une position de principe, selon laquelle pour tous les budgets, et notamment à l'occasion de l'examen de ceux-ci, elle doit légitimement être saisie au fond. Cela est tout à fait normal.

Mais il est évident que certaines interprétations de fond relèvent plus des commissions dites « techniques ». Pour ma part, je considère que tout ce qui concerne l'audiovisuel relève a priori de la commission des affaires culturelles. Je souhaiterais donc que l'on demande aussi l'avis du représentant, ici présent, de la commission des affaires culturelles.

Ceci étant dit, le groupe RDSE s'abstiendra, ne serait-ce que pour marquer cette préoccupation, qui est largement partagée dans cet hémicycle.

Mme la présidente. La parole est à M. Yann Gaillard.

M. Yann Gaillard, au nom de la commission des finances. Je suis très gêné par cette discussion, qui ne me semble vraiment pas à la hauteur des enjeux.

Les commissions ont quelques divergences d'appréciation quant à l'analyse des problèmes, mais in fine nous avons toujours les meilleures relations avec la commission des affaires culturelles. La commission des finances n'a jamais demandé que la commission des affaires culturelles soit exclue de l'examen d'un sujet. Rien n'empêche que des auditions communes aient lieu. D'ailleurs, le débat budgétaire sur la culture et la communication a montré une parfaite synchronisation de nos deux commissions.

En outre, je trouve déplaisant, en dépit de l'estime que j'ai pour M. Ralite, que l'on attaque un absent. (Marques d'approbation sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. Roger Karoutchi. Il s'agit en effet d'une attaque personnelle !

M. Yann Gaillard, au nom de la commission des finances. Notre rapporteur général est un homme de très grand talent, de conviction et de caractère. Il m'est arrivé récemment de ne pas être d'accord avec lui et de l'avoir dit en séance publique, mais il faut l'attaquer quand il peut se défendre. Je n'aime pas ces attaques in abstentia. (Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Sur ces sujets vitaux que sont la culture et la communication, les rapports que les deux commissions entretiennent sont excellents. Je le dis de longue date. Avec M. le rapporteur spécial, Claude Belot, avec la commission des finances en général, nous avons des moments d'instruction commune ou différenciée. C'est d'ailleurs la méthode qui doit être employée.

A la commission des affaires culturelles, nous sommes favorables, cher M. Gaillard, à des auditions communes sur des sujets importants : l'audiovisuel public, telle ou telle chaîne, ou tel ou tel groupe. Je pense donc que chacun est dans son rôle.

Pour ma part, sur le moment, j'ai répondu, car j'étais un peu énervé. Même au sein de la majorité nous avons fait preuve de mordant, monsieur le ministre. Vous l'avez compris, nous souhaitions être entendus. Nous pensons l'avoir été. Point n'est besoin d'en rajouter !

M. Roger Karoutchi. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.

M. Jack Ralite. Je voudrais dire un mot, car, de tradition, je pratique la courtoisie. De tradition aussi, je pratique ce que l'on appelle dans la langue française châtiée la dispute, c'est-à-dire la discussion rigoureuse, vivante, vibrante,...

M. Yann Gaillard, au nom de la commission des finances. Bravo !

M. Jack Ralite. ...mais je ne pratique jamais l'insulte. J'ai été blessé, en tant que parlementaire ayant des options démocratiques, par le vocabulaire outrancier du rapporteur général. Il n'est pas là aujourd'hui, mais il devrait l'être.

M. Roger Karoutchi. Il est là tout le temps !

M. Jack Ralite. En effet, un rapporteur général devrait être là pendant toute la discussion budgétaire ! Je ne lui ai pas écrit pour qu'il vienne !

Je tiens à préciser les choses. A mes yeux, la qualité de rapports longs bissectrice, c'est de s'écouter, c'est de se répondre ; la langue française est suffisamment riche pour que l'on évite de blesser. Il ne faut jamais - je dis bien « jamais » ! - accepter d'être blessé ou de blesser.

Tenant compte des remarques du groupe socialiste, mais aussi des vôtres, monsieur Laffitte, je m'abstiendrai sur mon propre amendement (Rires) ; c'est l'utilisation de l'humour. Mais je n'irai pas jusqu'à voter pour l'amendement car je tiens à ce qu'une leçon de morale soit donnée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-23.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 73 quater.

(L'article 73 quater est adopté.)

Art. 73 quater
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Anciens combattants

Article 73 quinquies

En 2005, le Gouvernement déposera sur le bureau de l'Assemblée nationale et sur celui du Sénat un rapport faisant état de l'opportunité d'élargir le champ d'application du Fonds d'aide à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information politique et générale à d'autres quotidiens. - (Adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Je voudrais remercier le Sénat de l'examen vivant du budget de la culture et de la communication. La conjugaison, dans le respect de nos responsabilités respectives, de nos efforts, de nos capacités de persuasion, de notre volonté concrète, permettra à cet immense domaine du rayonnement de notre pays et de l'action de nos concitoyens, de progresser.

Je tiens à remercier chacune et chacun de son concours, de son expression directe. Le budget que vous avez voté permettra la réalisation des nombreux projets qui doivent voir le jour. Merci en tout cas de la manière dont nous avons ensemble examiné ce budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la communication et, par là même, l'examen des dispositions concernant le ministère de la culture et de la communication.

Anciens combattants

Art. 73 quinquies
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Etat B - Titres III et IV

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le ministère des anciens combattants (et articles 72 quater et 72 quinquies).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Jacques Baudot, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Rapporteur spécial du budget des anciens combattants depuis 1994, j'ai présenté ce rapport à cinq ministres. Vous êtes, monsieur le ministre, le cinquième à qui je présente ce rapport, après MM. Maistre, Pasquini, Masseret et Floch.

Je souhaite aujourd'hui vous exprimer ma satisfaction de voir ce budget progresser de 0,14 %-.- Les années précédentes, nous entendions des litanies d'explications des diminutions. Cette année, la tendance est inversée.

Certains diront sans doute que c'est une tromperie, un budget en trompe-l'oeil, un tour de passe-passe.

M. Guy Fischer. C'est vrai !

M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Mais les chiffres sont là !

Monsieur le ministre, votre ministère doit donc gérer, pour l'année 2005, la somme de 3,394 milliards d'euros, ce qui représente un effort moyen par ancien combattant en augmentation de 4 %, contre 1,58 % en 2004.

Si rien n'est parfait, si les attentes du monde combattant ne sont pas toutes satisfaites, soyez toutefois remercié de cet effort de justice, qui, une fois encore, a prévalu dans votre action en la matière.

Certes, le projet de budget ne prévoit pas de mesures éclatantes, mais il traduit une volonté profonde d'assurer la plus grande dignité possible à ceux qui ont directement ou indirectement souffert de leur dévouement à la patrie.

Si le nombre d'anciens combattants diminue du fait de la mortalité naturelle, il s'accroît aussi considérablement du fait de l'arrivée en nombre à l'âge de la retraite des anciens combattants d'AFN, d'autant plus que les conditions d'attribution de la carte du combattant ont été largement assouplies ces dernières années.

L'augmentation de la dette viagère, qui représente, rappelons-le, 87 % du budget, s'explique également par l'entrée en application des mesures de décristallisation votées en 2002 en faveur de nos anciens compagnons d'outre-mer. Les difficultés administratives qui ont différé l'application effective de ces dispositions semblent être totalement aplanies. A ce propos, monsieur le ministre, je vous serais reconnaissant de nous dresser un état des lieux. Je crains, en effet, que les crédits supplémentaires inscrits au budget, soit 30 millions d'euros, ne couvrent que partiellement le coût de la mesure.

S'agissant de l'augmentation des crédits, il faut également prendre en considération les mesures qui ont été adoptées l'année dernière en faveur des veuves. La revalorisation de 15 points d'indice des pensions de veuves représente, en effet, près de 12 millions d'euros, soit une majoration de l'ordre de 192 euros par pension.

Par ailleurs, je note tout particulièrement l'accroissement de 4 % des crédits sociaux de l'ONAC, l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, ce qui représente 465 000 euros pour une dotation globale de 12,6 millions d'euros.

L'année passée, vous aviez déjà conforté l'action de l'Office. Cette année, vous encrez encore davantage sa mission au centre de l'action sociale du ministère. Il est vrai que son implantation décentralisée en fait l'interlocuteur privilégié du monde combattant. Sa mission auprès des veuves se développe chaque année davantage, avec plus de 13 % d'actions supplémentaires en 2003, sans oublier son rôle auprès de la population harkie.

Toutefois, l'ONAC ne se résume pas à sa mission sociale, et il a prouvé toute son utilité dans la vie culturelle locale et dans le développement de la politique de mémoire. A cet égard, la contractualisation des postes d'« assistants mémoire », qui deviennent « délégués à la mémoire combattante », est le moyen le plus efficace d'assurer la pérennité de cette action pédagogique, touristique et historique, dont chacun se félicite, dans son département ou sa région.

Je note, enfin, l'effort de rationalisation des dépenses de fonctionnement de l'Office, en application du contrat d'objectifs et de moyens signé en 2002.

Le projet de budget « solidifie » le développement hospitalier de l'INI, l'Institution nationale des invalides, en lui accordant une augmentation de près de 2 % de ses crédits de fonctionnement. Percevant depuis 2001 la dotation globale hospitalière, l'INI s'est engagée dans une démarche d'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins délivrés aux patients, et a obtenu, en 2003, l'accréditation de l'Agence nationale d'accréditation des établissements de santé. L'INI est désormais notoirement reconnue comme une institution incontournable dans le domaine du grand handicap.

Doit aussi être mis au crédit de votre action, monsieur le ministre, l'amendement adopté par l'Assemblée nationale, le 18 novembre dernier, qui permet de mettre fin à des années de contestation, de groupes d'étude et autres commissions sur le problème de lisibilité du rapport constant, rapport dont on parle depuis tant d'années. Le système de référence que vous proposez permettra à chacun, dans la plus grande transparence, de contrôler l'évolution du point de pension. Cette mesure, attendue de longue date, devrait faire l'unanimité au Sénat. Nous en jugerons à la fin de ce débat.

La politique de la mémoire, après les remarquables manifestations de 2004 qui ont marqué tous les esprits, sera caractérisée en 2005 par de nombreuses commémorations marquant la fin de la Seconde Guerre mondiale et la libération des camps de concentration. Je veux voir dans la diminution des crédits budgétaires en faveur de la mémoire une rationalisation de cette politique, obtenue essentiellement grâce à l'efficacité de la collaboration entre les services départementaux de l'ONAC et la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives.

Je poursuivrai mon propos par ce qui pourrait constituer la mesure phare de ce projet de budget, si elle n'était financée sur les crédits des services généraux du Premier ministre. Je veux bien entendu parler du décret du 27 juillet 2004, qui a étendu à l'ensemble des orphelins de déportés, fusillés et massacrés le décret pris en juillet 2000 en faveur des orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites.

Toute initiative tendant à adoucir le sacrifice des uns ou des autres est bienvenue, mais celle-ci l'est plus que toute autre, dans la mesure où, en instituant une aide financière identique à la précédente, elle met fin à une polémique et à des rancoeurs qui nuisaient incontestablement à l'unité du monde combattant.

L'effort consenti par le Gouvernement est considérable, nous en sommes tous conscients et reconnaissants. Néanmoins, la somme de 20 millions d'euros, qui abonde cette ligne budgétaire, me semble insuffisante pour financer la mesure en totalité, et il faudra sans doute réviser ce montant à la hausse en loi de finances rectificative.

Enfin, parce qu'il faut toujours chercher à soulager le plus grand nombre, je vous demanderai, monsieur le ministre, après ce remarquable effort, de vous pencher sur la situation des orphelins de guerre ou de résistants, c'est-à-dire les « pupilles de la nation ». La détresse morale des orphelins, quelles que soient les circonstances du décès de leurs parents, fut identique, et les séquelles qu'ils portent en eux ne sont pas différentes. Un groupe d'étude pourrait donc être mis en place pour envisager des mesures en faveur de cette population.

A propos d'étude, j'évoquerai simplement, pour vous féliciter de cette initiative, la mission que vous avez confiée à l'inspecteur général Christian Gal et qui vise à réétudier la question de la « campagne double » en faveur des anciens fonctionnaires d'AFN. En effet, la requalification du conflit d'Afrique du Nord justifie pleinement de reconsidérer ce problème, dans un souci d'équité entre les différentes générations du feu.

J'aborde maintenant deux questions auxquelles les anciens combattants sont légitimement très attachés, et je tiens à indiquer que je souscris totalement à leurs attentes. Il s'agit, d'une part, de la retraite du combattant, figée depuis 1977 - c'est dire le nombre de ministres qui se sont succédé depuis ! - et, d'autre part, du plafond majorable de la rente mutualiste.

En ce qui concerne la retraite du combattant, je me satisferai, provisoirement, de la promesse que vous avez faite à l'Assemblée nationale, il y a quinze jours. Mais soyez assuré que je suivrai avec une attention toute particulière l'arbitrage budgétaire de l'été prochain.

En revanche, s'agissant du plafond majorable de la rente mutualiste, je souhaite vous faire connaître le fond de ma pensée. Je vous l'ai déjà dit, je ne me suis jamais beaucoup investi dans cette cause, estimant qu'elle profitait aux moins nécessiteux. Toutefois, je m'étais félicité de l'augmentation systématique de cinq points, instaurée par votre prédécesseur, qui mettait fin à des discussions interminables sur le sujet. De même que je m'étais élevé contre l'augmentation de 7,5 points que vous aviez accordée il y a deux ans, la considérant injustifiée et excessive, je m'insurge contre le gel que vous appliquez depuis lors, qui me semble tout aussi regrettable.

Je déplore tout autant, malgré vos interventions, que le problème des RAD-KHD, les Reichsarbeitsdienst-Kriegshilfsdienst, n'ait toujours pas été résolu. L'attitude de la fondation Entente franco-allemande est plus que critiquable, d'autant que nous savons tous quelle dispose largement des fonds qui permettraient de mettre fin à ce litige. Rappelons que le nombre potentiel des bénéficiaires ne dépasse pas 8 500 et que le montant de l'indemnité attendue est inférieur à 700 euros. Monsieur le ministre, envisagez-vous de poursuivre vos actions ? Pouvez-vous nous apporter des informations sur l'état d'avancement de vos tractations ? Ayant assisté à vos côtés à la réunion qui s'est tenue le 12 mai 2003 à Strasbourg, il m'a nettement semblé que le président de cette fondation ne mettait pas la meilleure volonté dans le règlement de ce contentieux.

J'émettrai également un regret qui, pas plus que le précédent ou le suivant, ne porte atteinte à l'équilibre financier de l'Etat. Je vous avais d'ailleurs déjà interpellé, l'an passé, sur cette question plus juridique que financière, je veux parler de la substitution de l'expression « conjoint survivant » au mot « veuve » dans le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Le principe de parité défendu par le Gouvernement y trouverait toute son application, « à moindre coût ». J'admets toutefois que, techniquement, en raison du nombre d'articles et de situations concernés, une telle modification puisse poser quelques problèmes sur le plan juridique. Là aussi, un groupe de travail pourrait utilement s'attaquer à cette tâche de pure équité.

J'en viens à une question, non budgétaire, à laquelle, pourtant, les anciens combattants sont légitimement et historiquement très attachés, je veux parler de l'attribution des décorations, qu'il s'agisse de l'ordre de la Légion d'honneur ou de l'ordre national du Mérite.

La Légion d'honneur, instituée par le Premier Consul Bonaparte, visait à récompenser civils et militaires ayant fait preuve de courage, talent ou bravoure. Le temps a considérablement « émoussé » les critères retenus pour l'attribution de ces insignes, privant de cette distinction ceux qui pourraient légitimement y prétendre.

Sans démagogie, je ne voudrais pas que ces décorations deviennent des gadgets. A ce propos, je souhaite rendre hommage à Geneviève de Fontenay. (Sourires.)

Mme Gisèle Printz. Une ancienne combattante ?

M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Qui ne la connaît pas, elle passera ce soir à la télévision, sur TF1 ! Je l'ai entendu expliquer, dans une émission nationale, qu'elle refusait la Légion d'honneur « par respect pour ceux qui sont morts sur le champ de bataille ».

Mme Gisèle Printz. D'autres l'ont également refusée !

M. Jacques Baudot, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, je n'ai pas de relation particulière avec Geneviève de Fontenay, ni, d'ailleurs, avec ses miss ! (Sourires.) Cela étant, je suis heureux de sa prise de position, qui a permis d'attribuer la Légion d'honneur à des anciens combattants qui la méritaient plus qu'elle.

J'espère donc, monsieur le ministre, que, défendant l'image du courage et celle de l'exemplarité civique qui caractérisent les anciens combattants, vous solliciterez une augmentation du quota de décorations attribué à votre ministère.

Je terminerai en évoquant la future nomenclature budgétaire des crédits des anciens combattants.

Comme vous le savez, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2005 constitue une transition et comporte, à ce titre, une double présentation des crédits, selon l'ancienne maquette budgétaire et la nouvelle architecture issue de l'application de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances.

Une partie de la mission « Mémoire et liens avec la nation » recouvre le périmètre de l'actuel budget des anciens combattants. Cette mission est composée de deux programmes : d'une part, le programme « Liens entre la nation et son armée », au sein duquel seule l'action 2 « Politique de mémoire » intègre des crédits du budget des anciens combattants, pour un montant de l'ordre de 2 millions d'euros ; d'autre part, le programme « Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant », qui retrace les prestations du droit à réparation ou de la reconnaissance au profit des bénéficiaires du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.

Je ne détaillerai pas ici l'ensemble des objectifs et indicateurs associés à chaque action de ces deux programmes, car ils figurent dans ma note de présentation. Je m'interroge toutefois sur la pertinence de certains objectifs, qui m'apparaissent comme de simples déclarations d'intention. Il conviendra de vérifier la viabilité et la pertinence de ces indicateurs dans le temps.

En conclusion, monsieur le ministre, la commission des finances a émis, à la majorité, un avis favorable sur l'adoption du budget des anciens combattants pour 2005.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce budget me laisse perplexe et je reprendrai une expression que j'ai entendue au cours d'une scolarité déjà lointaine : « Peut mieux faire ». On aurait en effet pu mieux faire avec ce budget.

L'augmentation, certes très faible, du budget des anciens combattants pour 2005 constitue un revirement de la tendance observée au cours des dix dernières années. Je suis heureux de constater que les « économies » permises par la diminution des effectifs bénéficiaires ont été redéployées sur des actions en faveur du monde combattant.

Cette augmentation exceptionnelle des crédits est d'abord le reflet d'une évolution contrastée du nombre des bénéficiaires du budget des anciens combattants. Au total, le seul effet démographique permet d'obtenir, pour 2005, une moindre dépense de 76 millions d'euros, contre 94 millions d'euros d'« économies » l'année dernière.

La hausse des crédits est ensuite à mettre sur le compte d'une volonté de plus grande sincérité budgétaire, le Gouvernement ayant souhaité corriger certaines évaluations inexactes des budgets précédents, et nous l'en félicitons.

Par ailleurs, l'application du rapport constant augmente mécaniquement les crédits de près de 3 millions d'euros. A ce sujet, je tiens à saluer, monsieur le ministre, l'amélioration de la lisibilité de ce mécanisme, que nous attendions tous depuis quinze ans.

Enfin, l'augmentation des crédits s'explique par la montée en charge de quatre mesures adoptées au cours des exercices précédents : la décristallisation des pensions et retraites d'outre-mer, qui est un acte de reconnaissance ; les revalorisations successives du plafond majorable de la rente mutualiste du combattant ; l'augmentation uniforme de 15 points - il faut le souligner - des pensions de veuves ; la modification des conditions d'attribution de la carte du combattant aux anciens d'Afrique du Nord.

La décristallisation, mesure que nous avions adoptée lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2004, est un acte d'humanisme à l'honneur de la France, qui s'inscrit dans la grande tradition morale de notre pays.

Les revalorisations successives du plafond majorable de la rente mutualiste sont également à souligner.

Quant à l'augmentation de 15 points des pensions de veuves, elle constitue une grande réussite. Les veuves, en effet, ont énormément souffert. A mes yeux, cette mesure s'imposait.

Quant à la modification des conditions d'attribution de la carte du combattant aux anciens d'Afrique du Nord, nous sommes très heureux ; il s'agissait d'une très vieille revendication des anciens d'Afrique du Nord.

J'approuve entièrement les actions engagées depuis trois ans. Cependant, je considère que la valeur d'un budget ne se juge pas à la seule progression nominale de ses dépenses.

Je compte beaucoup sur la mise en oeuvre, à compter de l'année 2006, de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances pour consolider notre appréciation sur l'efficacité des dépenses budgétaires.

Ma principale critique, s'agissant de la nouvelle nomenclature budgétaire, concerne la répartition des crédits relatifs à la politique de la mémoire, qui reste scindée en deux. Je remarque également que la majorité des objectifs et des indicateurs retenus se fonde sur la réduction du coût des services rendus : aucun indicateur ne prend donc en compte le point de vue de l'usager pour apprécier la qualité du service rendu, ce qui me paraît regrettable.

J'en viens aux différentes composantes de ce budget des anciens combattants pour 2005.

S'agissant de la réparation et de la reconnaissance des services rendus, je voudrais d'abord me féliciter de la remise à niveau du budget de fonctionnement de l'Institution nationale des Invalides.

Je salue également le souci d'équité qui a conduit le Gouvernement à améliorer les conditions d'indemnisation des anciens prisonniers de l'Armée de libération nationale, l'ALN ; ce n'est que justice !

J'approuve aussi l'indemnisation accordée aux orphelins des victimes de la barbarie nazie, résistants, déportés, fusillés et massacrés, qui étaient encore exclus du dispositif.

Dans le domaine de la solidarité, je souhaite attirer votre attention sur les efforts accomplis par l'ONAC pour redéployer ses activités vers la solidarité et l'action sociale en faveur des anciens combattants et victimes de guerre, et pour développer la mise en valeur de la mémoire combattante.

Pour mener à bien ce redéploiement, l'ONAC a conclu avec l'Etat, comme l'a rappelé mon ami Jacques Baudot, un contrat d'objectifs et de moyens, dont la mise en oeuvre est satisfaisante. Le projet de budget accorde à cet organisme une revalorisation de 4 % de sa dotation d'action sociale, ce qui constitue une mesure importante pour lui permettre de poursuivre son action en faveur des veuves de combattants.

S'agissant, enfin, de la mémoire, 2004 restera l'année des commémorations, notamment du soixantième anniversaire des débarquements et de la libération du territoire. Je suis heureux du succès populaire remporté par ces cérémonies grandioses auxquelles ont participé tous les anciens combattants.

D'une manière générale, il me semble important de donner à ces événements un retentissement qui dépasse le cercle restreint des associations d'anciens combattants : la politique de la mémoire n'est pas une simple politique du souvenir, elle doit devenir une politique de mise en valeur de l'histoire patriotique et combattante de notre pays, ainsi que des notions philosophiques qui défendent l'idée de la paix.

Il reste naturellement des questions en suspens, et je voudrais proposer quelques pistes de réflexion, afin de vous inviter, monsieur le ministre, à poursuivre avec assiduité l'action engagée depuis trois ans.

Première remarque, je souhaite que l'on apprécie comme il convient la revendication des anciens d'Afrique du Nord d'obtenir la « campagne double ». Celle-ci ne bénéficierait en effet qu'aux agents publics, alors que les anciens combattants du secteur privé se sont souvent retrouvés dans une situation sociale plus précaire encore. Il faut donc défendre cette « campagne double » non pas pour une catégorie spécifique, mais pour tous les anciens combattants.

Ma deuxième remarque concerne l'indemnisation des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes, les RAD-KHD. Bien que cette indemnisation ne relève en droit que de la responsabilité allemande, le Gouvernement français a proposé d'en payer la moitié pour débloquer ce dossier. Or la fondation qui en est chargée s'abrite désormais derrière ses statuts pour refuser d'y procéder. Monsieur le ministre, ce problème dépend non pas des associations d'anciens combattants, mais du Gouvernement français. Ce dernier, en effet, doit prendre contact avec le gouvernement allemand pour parvenir à une solution, car j'entends parler de ce sujet depuis que je suis rapporteur pour avis du projet de budget des anciens combattants, c'est-à-dire depuis très longtemps ! Je souhaite, monsieur le ministre, que le Gouvernement saisisse directement les autorités allemandes pour régler cette situation injuste, notamment pour les femmes.

Enfin, ma troisième et dernière remarque porte sur la retraite du combattant, qui constitue, malgré son montant très modeste, la mesure à laquelle le monde combattant est le plus attaché. Toutes les délégations que j'ai reçues, monsieur le ministre, ont soulevé ce point, en parlant d'une avancée sur le plan moral. Comme je le dis parfois, cette retraite, c'est la « Légion d'honneur » des anciens combattants. D'après les sondages que j'ai pu réaliser, elle figure au premier plan des demandes des anciens combattants. Je souhaite donc que soit amorcée une réflexion sur cette revendication, qui est la plus populaire, si je puis dire, dans le monde combattant. Certes, le contexte budgétaire actuel ne permet pas d'espérer la revalorisation de 15 points demandée par le monde combattant, mais une augmentation, même symbolique, constituerait un signal fort en direction des anciens combattants. Pouvez-vous, monsieur le ministre, prendre l'engagement que l'amorce de cette mesure figurera dans le projet de budget pour 2006 ?

Ces trois dernières remarques ne remettent pas en cause mon appréciation positive sur votre travail, monsieur le ministre, et sur ce projet de budget pour 2005. C'est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur l'adoption de ce budget, ainsi que sur les articles 72 bis et 72 ter qui lui sont rattachés.

Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 41 minutes ;

Groupe socialiste, 29 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 15 minutes.

Je rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, d'aucuns se sont étonnés que ma première intervention budgétaire, mes « premières armes » en tant que nouveau sénateur, je les fasse sur le projet de budget des anciens combattants.

Si je tenais à le faire, c'est parce que je voulais marquer mon respect pour nos anciens, mais aussi parce que je souhaitais pouvoir vous féliciter, monsieur le ministre, de votre action et de vos projets dans le cadre d'un budget raisonné et réaliste.

Je tiens à vous remercier tout particulièrement d'avoir, par un geste de haute portée symbolique, marqué la reconnaissance de la nation à deux catégories d'anciens combattants trop souvent et trop longtemps oubliées : les harkis et les anciens combattants français de l'étranger.

Vous l'avez fait en autorisant que deux plaques soient apposées en leur mémoire sur les murs de la cour d'honneur des Invalides. Ce seront les deux dernières, puisque la commission nationale a décidé qu'il n'y en aurait plus jamais d'autres en ce lieu prestigieux.

L'apposition de la plaque à la mémoire des anciens combattants français de l'étranger, qui ont souvent été les premiers à s'engager pour défendre la France lorsqu'elle était menacée, s'est déroulée le 30 septembre dernier, en votre présence, monsieur le ministre, et celle de Mme Michèle Alliot-Marie, de M. Renaud Muselier, ainsi que des associations d'anciens combattants et des élus des Français de l'étranger. Ce fut, pour notre communauté, un moment d'immense fierté et d'émotion partagées. Jamais rien de tel n'avait été fait sur le sol français en mémoire de ces combattants, et je voulais le rappeler dans cette enceinte, en vous en remerciant à nouveau.

Mon intervention se situe dans un contexte que je qualifierai de satisfaisant, dans la mesure où le projet de budget des anciens combattants pour 2005 est, pour la première fois depuis dix ans, en augmentation, alors que nous constations chaque année une baisse de 2, 41 % en moyenne. Ce coup de pouce de 0,14 % par rapport au budget pour 2004 peut paraître insignifiant. Cependant, la marge de manoeuvre budgétaire de l'Etat étant elle-même, comme chacun le sait ici, très réduite, nous ne pouvons qu'applaudir à cet effort réel pour nos anciens combattants, d'autant que nombre d'entre eux, ceux d'Afrique du Nord, atteignent cette année l'âge de 65 ans et vont bénéficier d'une retraite bien méritée.

Nous devons aussi vous féliciter du sérieux et de la sincérité de ce budget, qui compense les insuffisances des années antérieures liées à la sous-estimation du nombre des pensionnés pour invalidité et au titre de la retraite du combattant. A cela s'ajoute la prise en compte de la revalorisation du montant des pensions, en application du mécanisme du rapport constant, et je vous en félicite.

L'objectif de réparation et de reconnaissance des services rendus reste central, puisque les crédits y afférents représentent 86 % du total des crédits affectés à votre projet de budget pour 2005.

Je veux souligner la majoration de 15 points d'indice de toutes les pensions des veuves. Cela concerne les veuves de guerre, les veuves d'invalides et les veuves de grands invalides, au total 130 000 femmes. Cette mesure, en vigueur depuis le 1er juillet, nécessite une augmentation de près de 12 millions d'euros de crédits en 2005. Elle coûtera près de 24 millions en année pleine et se traduira par une hausse de 192 euros de toutes les pensions de veuves. Ce n'est que justice, quand on sait le lourd tribut que ces femmes ont consenti à la nation. Mais est-on assuré, monsieur le ministre, qu'aucune d'entre elles ne se trouve malgré tout en situation de précarité et dans l'obligation de recourir à l'aide sociale ?

Je veux évoquer aussi l'instauration d'une indemnisation de tous les orphelins des victimes d'actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale, car elle me semble remédier à ce qui était un oubli regrettable dans le devoir de réparation de la nation, d'autant que les orphelins des déportés juifs et ceux des victimes de persécutions raciales bénéficient à juste titre d'une indemnisation. Ainsi, 20 millions d'euros ont été inscrits au chapitre 46-02, article 20, pour 8 000 bénéficiaires potentiels. Je vous demande, monsieur le ministre, de veiller à ce que nos ressortissants à l'étranger soient bien informés de cette possibilité. Bien entendu, mes collègues représentant les Français établis hors de France et moi-même contribueront à relayer cette nouvelle disposition gérée par vos services.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Et puisque nous parlons d'indemnisation, il faut dire notre déception qu'aucune solution n'ait encore été trouvée pour indemniser nos compatriotes incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes, RAD, Reichsarbeitstdienst, et KHD, Kriegshilfsdienst.

Il est infiniment regrettable que les crédits importants dont dispose la fondation de l'Entente franco-allemande ne puissent leur être attribués pour des raisons apparemment administratives. Mais est-ce bien le cas, monsieur le ministre ?

Partenaires privilégiés dans l'Union européenne, il me semble que nos deux pays devraient pouvoir trouver un terrain d'entente - n'est-ce pas d'ailleurs l'objet et l'intitulé de la fondation ? - pour permettre à quelque 8 500 bénéficiaires potentiels, essentiellement des femmes, originaires d'Alsace et de Moselle pour la plupart d'entre elles, d'obtenir réparation.

J'en arrive au point qui constitue « une avancée historique », selon les propres termes de notre excellent rapporteur spécial Jacques Baudot. Je veux parler de la décristallisation des pensions et retraites versées aux anciens combattants de l'armée française, ressortissants originaires d'Etats placés antérieurement sous souveraineté française, mesure qui était réclamée et attendue depuis très longtemps.

Les élus de l'Assemblée des Français de l'étranger avaient été parmi les premiers à protester vigoureusement contre l'injustice subie par nos ex-nationaux du fait de ce blocage de leurs pensions et retraites durant plusieurs décennies. Ils se réjouissent aujourd'hui avec moi que vous ayez mis fin à ces quarante années d'iniquité.

J'entends ici et là des critiques sur la nouvelle fixation de la valeur des points, déterminée à partir des parités de pouvoir d'achat publiées annuellement par l'ONU. Celles-ci me paraissent largement exagérées, car personne ne peut contester que, d'un pays à l'autre, d'un continent à un autre, les coûts de la vie soient différents. L'injustice aurait été précisément de concéder le même montant à tout le monde.

Une telle approche, déconnectée du réel, trop hexagonale, dirais-je, ne peut être celle des Français de l'étranger qui vivent au quotidien ces différences de pouvoir d'achat. (M. Robert Del Picchia. applaudit.) Le dispositif arrêté est d'ailleurs calqué sur le système de rémunération des personnels français recrutés à l'étranger, certes imparfait mais qui constitue une sérieuse base de départ. Nous vous demandons bien sûr de veiller à ce que ces critères restent équitables.

Il serait extrêmement important de décider l'alignement des retraites du combattant pour les ressortissants des pays de l'ancienne Union française sur celles de la France. Pour un montant relativement modeste, puisqu'elles s'élèvent en France à 425,38 euros par an, l'impact serait considérable dans ces pays et serait particulièrement bienvenu au regard de la conjoncture internationale, et notamment africaine.

Je connais certes les arguments juridiques et économiques qui tendraient à empêcher cette revalorisation, mais je crois qu'il nous faut absolument trouver une solution. Un tel geste serait à l'honneur de la France.

De même, il serait important que l'ONAC puisse augmenter le montant de ses subventions d'aide sociale en direction de nos ressortissants dans certains pays d'Amérique latine, comme l'Argentine, le Venezuela, le Mexique et le Brésil, où nombre de nos compatriotes âgés vivent dans une situation de précarité et de dénuement intolérables. Monsieur le ministre, un effort supplémentaire de solidarité peut-il être fait en leur faveur ?

Mais, au-delà de ces requêtes, l'essentiel reste pour nous que 80 000 ressortissants répartis dans vingt-trois pays ont perçu des versements revalorisés dès les premiers mois de l'année 2004. Cela représente un effort de plus d'un milliard et demi d'euros pour les arriérés, et quelque 450 millions par an pour les revalorisations de pensions et de retraites du combattant. Cette décristallisation était indispensable à l'image et au rayonnement de notre pays à l'étranger, et vous savez, monsieur le ministre, combien nous, sénateurs représentant les Français établis hors de France, y sommes sensibles.

Ayant commencé mon intervention par la mémoire, je terminerai sur ce même thème, d'une importance croissante avec la disparition progressive de nos anciens combattants des deux grandes guerres du XXe siècle.

Les commémorations très émouvantes organisées à l'occasion du soixantième anniversaire des débarquements qui ont permis de libérer la France, ceux du 6 juin en Normandie et du 15 août en Provence, ont magnifiquement ravivé nos mémoires. Ces manifestations résonnent toujours dans nos esprits et dans nos coeurs plusieurs semaines après leur déroulement.

En dehors de ces grandes cérémonies médiatisées, il existe de par le monde de multiples lieux de mémoire, des cimetières français, des nécropoles, des monuments, des stèles, tous érigés en mémoire des anciens combattants et victimes de guerre français. Nos compatriotes de l'extérieur sont très attachés à leur bonne conservation, car lorsque ces lieux se dégradent, c'est l'image de notre pays qui est touchée.

Je peux citer le cas d'une stèle sur l'île anglo-normande de Jersey à la mémoire du général de Gaulle, qui a tellement subi l'outrage du temps qu'elle nécessite une reconstruction complète.

D'autres monuments à l'étranger sont en mauvais état. Le ministère des affaires étrangères consacre chaque année quelques crédits à la restauration de ces lieux, mais ils restent insuffisants.

Je ne méconnais pas non plus les efforts réalisés par la direction de la mémoire en complément du programme pluriannuel qui a déjà permis de réhabiliter le cimetière militaire de Sébastopol ou le pavillon de France à Auschwitz, par exemple.

Cependant, la réduction significative des crédits aux chapitres 46-03, article 10, et 46-04, article 20, peut susciter une certaine inquiétude. Le développement de partenariats avec les pays concernés par une mémoire partagée avec la France devrait compenser les réductions de crédits. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si des partenariats ont déjà été finalisés, tant en Europe qu'à l'extérieur de l'Union, et ce que nous pouvons concrètement en espérer ?

En conclusion, notant votre engagement de procéder à l'augmentation du point d'indice de la retraite des anciens combattants, je voterai, avec l'ensemble du groupe UMP, votre budget, notamment parce qu'il permet de poursuivre la politique de réparation de la nation, tout en élargissant son bénéfice à des catégories qui en avaient jusqu'à présent été écartées. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. « Le tout est de tout dire, et je manque de mots et je manque de temps et je manque d'audace... », disait Paul Eluard.

En vérité, mes chers collègues, c'est essentiellement de temps que je manquerai aujourd'hui pour tout dire sur ce budget pour 2005 des anciens combattants et victimes de guerre. Mon intervention sera donc malheureusement un inventaire des principaux points de défense des droits, sur lesquels je vous ferai connaître nos propositions, qui permettraient véritablement un progrès pour nos anciens combattants, leurs veuves, le devoir de mémoire.

Analysons tout d'abord la hausse du budget : 0,14 %. Ce budget a été arrêté à 3,394 milliards d'euros. Nous en prenons acte mais nous constatons que ce budget ne fait qu'allouer - enfin ! - les crédits nécessaires pour appliquer en année pleine 2005 les mesures nouvelles votées en 2003 et qui auraient dû s'appliquer pleinement en 2004.

D'ailleurs, le rapporteur pour avis M. Marcel Lesbros a décrit fort joliment ce subterfuge : le Gouvernement a souhaité « corriger certaines évaluations inexactes des budgets précédents ». Mais c'est une réalité et nous connaissons la pertinence des points de vue du rapporteur pour avis.

Pour le dire autrement, c'est ce que j'appelais, l'an dernier, un « budget insincère », un « budget en trompe-l'oeil ». Je rappelle en effet que les annulations de crédits ont porté sur 3,3 millions d'euros en septembre 2004, ce qui fut la cause, comme l'année précédente, par exemple, de la non-prise en charge en temps voulu des soins gratuits. Les anciens combattants vous en ont d'ailleurs fait le reproche, monsieur le ministre.

Et surtout, pour la première fois, ce budget ne contient aucune mesure nouvelle.

Rien pour la retraite du combattant, malgré vos promesses réitérées depuis plusieurs années, monsieur le ministre !

Le monde combattant réclame une revalorisation de 15 points depuis de très nombreuses années. Je proposerai tout à l'heure par amendement une première étape de 33 à 38 points.

De la même façon, je proposerai une revalorisation du plafond majorable de la rente mutualiste du combattant, pour le porter à 130 points.

Je voudrais évoquer aussi le rapport constant qui nécessite une réforme fondamentale.

Vous affirmez que l'amendement voté par l'Assemblée nationale apparaît comme la solution. Pour avoir rencontré différentes associations d'anciens combattants - c'est ce qui justifiera mon vote contre -, notamment lors d'une étude approfondie avec l'association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre, l'ARAC, il semble que ce n'est pas l'amendement que vous avez fait adopter - que vous avez imposé, devrais-je dire - à l'Assemblée nationale qui va résoudre le problème de fond et rattraper les retards. Cet amendement ne porte que sur la clarté du processus actuel, et non sur le rattrapage des 41 % de retard de la valeur du point PMI, et encore moins sur le mécanisme fondamental du rapport constant.

Monsieur le ministre, il faut d'urgence réunir - peut-être pour la dernière fois - les élus et le mouvement ancien combattant et mettre en oeuvre une véritable concertation afin de trouver la solution à ce problème, car un certain nombre d'entre eux ne souscrivent pas à la solution proposée.

De même, il faut revenir à la concertation d'urgence pour mettre en place un véritable processus de soins et de réparation des psychotraumatismes de guerre.

J'en viens aux orphelins dont les parents ont été victimes de la barbarie nazie.

Du fait de ses références au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, le décret n'est pas clair concernant les orphelins des résistants fusillés et massacrés, de ceux des otages assassinés dans les villes martyres, ou encore de ceux qui ont été achevés à la suite des combats du Vercors, des Glières, de ceux qui ont été massacrés à Oradour-sur-Glane, par exemple. Aussi, nous vous demandons d'affirmer ici solennellement que ce décret permet bien que soit accordée l'indemnisation à toutes ces catégories d'orphelins.

Par ailleurs, au mois d'octobre dernier, en commission vous parliez, monsieur le ministre, de 500 dossiers en instance de réponse, sur les 7 000 à 8 000 personnes qui seraient concernées. Je vous interroge sur le bien-fondé du délai de quatre mois au-delà duquel les demandes sont présumées rejetées. Les intéressés ne devraient-ils pas en recevoir la notification écrite afin de se pourvoir éventuellement devant les tribunaux ?

S'agissant de l'ONAC, les réductions de personnels se poursuivent à marche forcée - 50 cette année - sous couvert d'une augmentation des postes dédiés à la mémoire - plus 60. Je n'ose imaginer le résultat d'une pareille méthode - contrat dit d'objectifs et de progrès - qui doit être appliquée à l'INI.

Je voudrais évoquer à présent la situation des veuves.

Le rapport tendant à recenser les anciens combattants et leurs veuves âgées de plus de soixante ans ayant des ressources inférieures au SMIC a été remis au Parlement.

Il se limite malheureusement à un état des lieux et M. le ministre nous écrivait, dans la lettre qui accompagnait ce document, que le Gouvernement allait « poursuivre ses efforts en leur faveur ». En réalité, on entend poursuivre une démarche, que je ne qualifierai pas d'humiliante, d'aide au cas par cas, alors que les sections départementales de la FNACA, de l'ARAC - pour ne citer qu'elles - reçoivent chaque jour des femmes connaissant de réelles difficultés ! Cela m'est régulièrement confirmé dans le département du Rhône, où les services sociaux des associations sont constamment débordés !

Ce qu'il faut pour redonner leur dignité à ces femmes de combattants, c'est la création immédiate d'une allocation différentielle de solidarité servie par l'ONAC, à l'instar de qui fut créée au profit des anciens combattants en Afrique du Nord chômeurs en fin de droits.

Par ailleurs, qu'en est-il des 15 points votés en faveur des veuves pensionnées et qui devaient prendre effet le 1er juillet dernier ?

Examinons maintenant les crédits de la mémoire. Ils sont en baisse. Comme d'habitude, on nous dit qu'ils seront abondés... par les reports de crédits des années précédentes. Nous sommes à présent habitués à ces tours de passe-passe budgétaires - une baisse de 26,84 % - alors que vous affirmez vouloir commémorer avec un faste particulier - c'est tout à fait normal - le soixantième anniversaire de la victoire du 8 mai 1945 et de la libération des camps nazis.

Quant à la campagne double, chacun sait qu'il s'agit d'une très ancienne revendication en faveur de l'égalité des droits devant la loi des fonctionnaires et agents publics ayant participé à la guerre d'Algérie. Une mission d'étude sur ce sujet a été confiée à un inspecteur général des affaires sociales, ancien inspecteur général des anciens combattants. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, l'échéance à laquelle cette mission d'étude rendra ses conclusions ?

J'évoquerai cette année encore le cas des RAD-KHD, les incorporés de force dans les formations paramilitaires nazies. Le dossier a avancé puisque la France a proposé de prendre en charge 50 % de l'indemnisation. C'est à présent la fondation franco-allemande qui bloque. Que comptez-vous faire pour clore enfin ce douloureux dossier ?

Enfin, monsieur le ministre, je voudrais insister sur le fait que le droit à réparation doit s'appliquer à tous, y compris aux victimes des irradiations nucléaires liées aux essais effectués au Sahara ou en Polynésie, ou des irradiations subies lors de la première guerre du Golfe. Je souhaiterais connaître votre sentiment sur cette question.

Après avoir exposé de manière non exhaustive mes inquiétudes, je tiens à dire que ce budget contient en germe des régressions, immédiates ou à moyen terme.

Je parlerai d'une solidarité apparente. En effet, l'augmentation de 3,83 % des crédits sociaux de l'ONAC ne saurait cacher que l'on prend le chemin de l'assistanat, si l'on s'en réfère aux termes employés dans l'étude qui nous a été remise par le Gouvernement sur les anciens combattants et leurs veuves âgés de plus de 60 ans.

L'inquiétude des associations est également avivée par la loi organique relative aux lois de finances, qui entrera en vigueur en 2006. Elle aura pour conséquence de faire disparaître le budget autonome des anciens combattants et victimes de guerre en excluant notamment les pensions militaires des missions et charges générales de l'Etat. De là à annoncer la disparition d'un ministère des anciens combattants, il n'y a qu'un pas, et je soupçonne fortement le Gouvernement d'être sur le point de le franchir. Bien sûr, vous vous en défendez, monsieur le ministre. Cela ne nous empêche pas de nous interroger, comme nous le faisons depuis plusieurs années. Déjà, la circulaire du 16 novembre 2004, signée par M. Jean-Pierre Raffarin et relative à la réforme de l'administration départementale de l'Etat, préfigure la disparition de l'ONAC. Il convient d'y ajouter la création de « commissions pivots », qui, à terme, conduiront à la suppression des conseils départementaux de l'ONAC.

En conclusion, je crains, monsieur le ministre, que le Gouvernement ne fasse peu à peu disparaître l'histoire des luttes du peuple français - j'exagère sans doute -, ses acquis sociaux, la notion de droit imprescriptible à réparation, et ne s'oriente vers l'assistanat ainsi que vers une politique de mémoire indifférenciée faisant peu à peu disparaître la spécificité des combats du siècle tout juste écoulé.

Déjà, l'adossement de l'ancien secrétariat d'Etat aux anciens combattants et victimes de guerre est battu en brèche par la création de l'observatoire de la santé des vétérans, uniquement composé de militaires, création qui gommera la spécificité de l'héroïsme de notre peuple, des femmes et des hommes qui ont su inventer les formes les plus adaptées de résistance à l'oppression et aux guerres injustes.

A cet égard, l'invention de la date du 5 décembre efface la véritable histoire de la fin de la guerre d'Algérie alors que les faits imposent la date du 19 mars 1962.

M. Philippe Goujon. Pas du tout !

M. Guy Fischer. C'est ainsi que l'on tend à supprimer la notion d'anciens combattants et victimes de guerre pour lui substituer une politique sociale remplaçant le droit à réparation.

Cette banalisation est illustrée indirectement par les mesures iniques contenues tant dans la loi portant réforme de l'assurance maladie que dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 : augmentation du forfait hospitalier, de la contribution sociale généralisée payée par les retraités, contribution d'un euro par acte, dont le Gouvernement a refusé d'exonérer les anciens combattants.

Il va sans dire que je serai, avec le groupe CRC, comme toujours, aux côtés des associations pour relayer leurs revendications.

Vous l'avez compris, monsieur le ministre, et j'ai eu l'occasion de vous le dire lors de différents congrès, pour toutes les raisons que j'ai développées, nous voterons contre un budget de régression porteur de nombreux dangers.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Monsieur le ministre, les propos que je vais tenir ne vous surprendront pas. Ils découlent d'un simple constat : vous proclamez haut et fort que votre budget n'a jamais été aussi important depuis de nombreuses années et qu'il est le reflet de l'effort de la nation en faveur des anciens combattants.

Il est tout de même surprenant qu'un budget augmente de 0,14 % sans comporter de mesures nouvelles marquantes. En fait, cette augmentation correspond à la mise en oeuvre de mesures décidées en 2003 et en 2004, dont les effets se feront sentir le 1er janvier 2005 - carte du combattant à quatre mois, pensions des veuves.

Si l'on prend en compte la baisse du nombre des anciens combattants, qui conduit à une diminution constante de la dette viagère, votre budget régresse en réalité de 1,5 %, la baisse étant même supérieure si l'on tient compte de l'inflation.

C'est un budget en trompe-l'oeil et, contrairement à ce que vous déclarez, il est condamné par toutes les associations qui nous ont écrit ou que nous avons rencontrées.

Pour ces dernières, ce budget n'est absolument pas à la hauteur de la reconnaissance due par la nation aux anciens combattants ; il ne comprend aucune mesure nouvelle ; il est désespérément vide.

Monsieur le ministre, vous vous étiez engagé, au cours de cette législature, à revaloriser la retraite du combattant en passant de 33 à 48 points. Depuis trois budgets, nous ne voyons rien venir. Il ne vous reste malheureusement plus beaucoup de temps pour respecter votre engagement, à moins que vous n'adoptiez notre amendement au projet de budget pour 2005 et que vous ne vous engagiez à faire de même lors des budgets pour 2006 et 2007.

Les anciens combattants attendent cette mesure. Ils vous l'ont fait savoir, nous aussi. Cependant, cette année encore, le Gouvernement n'a pas jugé bon de donner suite à leur demande.

Le montant de cette retraite ne se situe pas à un niveau convenable.

Vous opposez aux arguments du monde combattant les difficultés budgétaires et les arbitrages de Bercy. Toutefois, il existe une possibilité, monsieur le ministre.

Sous le gouvernement précédent, une allocation avait été mise en place pour les anciens combattants chômeurs âgés de moins de soixante ans et ayant cotisé quarante annuités.

Aujourd'hui, étant âgés de plus de soixante ans, ils ne bénéficient plus de cette allocation. Vous pourriez, si le Gouvernement le voulait, utiliser ces fonds disponibles pour augmenter la retraite du combattant.

Ce ne serait que justice. Pour avoir répondu à l'appel de la nation, pour avoir enduré d'intolérables souffrances physiques et psychiques dont beaucoup ne se sont pas remis, les anciens combattants méritent mieux et plus que 425,35 euros par an.

Le deuxième point que je voudrais aborder, et sur lequel vous vous étiez engagé, concerne le plafond majorable de la retraite mutualiste.

Celui-ci reste, depuis deux ans, bloqué à l'indice 122,5 du point de pension militaire d'invalidité. L'objectif était de porter ce plafond à 130 points d'indice. Vous étiez parti en début de législature, telle une fusée, en augmentant d'un coup de 7,5 points, faisant ainsi naître un grand espoir. Depuis, c'est la panne, et l'espoir est déçu.

Le coût budgétaire de cette mesure nouvelle n'aurait pas été élevé. Elle aurait été un signe positif adressé au monde ancien combattant.

Monsieur le ministre, le Gouvernement renonce-t-il à toute revalorisation de la retraite mutualiste, si nécessaire pourtant aux caisses de retraite ?

J'évoquerai encore un problème, celui du rapport constant et de sa simplification.

La mesure, que vous avez proposée à l'Assemblée nationale et fait voter à l'unanimité avait été avancée en son temps par Jean-Pierre Masseret.

Le monde combattant, à l'époque, l'avait écartée, car la référence à l'indice d'ensemble des traitements bruts de la fonction publique ne permettait pas de prendre en compte l'ensemble des éléments composant la rémunération des fonctionnaires.

Votre proposition ne le permet pas davantage. Si le monde combattant accepte la mesure, ce sera bien pour vous. Mais vous devez vous attendre à devoir faire face à de nouvelles revendications. Si vous voulez vraiment être juste et faire cesser tout débat, vous devrez intégrer au moins le montant des primes allouées à l'ensemble des fonctionnaires.

S'agissant des orphelins victimes de la barbarie nazie, nous nous félicitons, bien sûr, de l'ajustement du traitement entre orphelins juifs et non juifs, mais nous souhaitons, par souci d'équité, que le décret du 27 juillet 2004 s'applique à tous les orphelins. Il n'est pas utile d'établir une nouvelle discrimination entre ceux dont les parents ont fait l'objet d'un jugement et ceux dont les parents n'en ont pas fait l'objet, entre ceux dont les parents résistants sont morts en déportation et ceux dont les parents résistants sont morts au combat ou ceux dont les parents ont été massacrés sur le territoire national.

Nous avons déposé un amendement qui établit l'égalité de traitement entre les orphelins.

Je voudrais aussi évoquer le problème du remboursement des soins aux pensionnés et mutilés de guerre ainsi que la prise en charge de leur appareillage, comme la loi du 31 mars 1919 leur en donne intégralement le droit.

Année après année, circulaires et décrets ont dévoyé la loi en faisant référence au code de la sécurité sociale, aboutissant à la situation que nous connaissons aujourd'hui.

Celle-ci est d'autant plus grave que, depuis deux ans, dès le mois de septembre, les crédits sont épuisés, créant un grand désordre dans les soins aux blessés. Les médecins et les pharmaciens étant remboursés jusqu'à un an après l'acte, ils ne veulent plus assurer de soins gratuits. Que pensez-vous faire pour rétablir ce droit légitime ?

Enfin, j'évoquerai les problèmes plus particulièrement liés à l'Alsace et à la Moselle.

En premier lieu, ma préoccupation concerne l'indemnisation des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes, les RAD-KHD.

Je laisse à mon collègue Jean-Marie Bockel le soin de retracer l'historique de ce douloureux problème.

Je veux cependant rappeler que, en son temps, l'Allemagne a versé à l'Entente franco-allemande l'intégralité des sommes nécessaires à l'indemnisation des RAD-KHD.

En 1998, l'Entente avait approuvé le principe d'une indemnisation, tout en subordonnant son intervention à une participation financière de l'Etat.

Aujourd'hui, alors que le Gouvernement propose de prendre en charge 50 % de l'indemnisation, l'Entente franco-allemande invoque une impossibilité technique pour justifier son refus. Son président est radicalement opposé à tout versement.

Va-t-on s'en sortir, monsieur le ministre ? Va-t-on cesser de se renvoyer la balle et parvenir à se mettre d'accord pour que les personnes concernées soient enfin reconnues comme victimes du régime nazi et obtiennent une juste indemnisation ?

Nous avons déposé un amendement en ce sens.

Une autre préoccupation me tient à coeur, celle des prisonniers alsaciens-mosellans de l'armée soviétique.

Ceux-ci ne sont pas tous égaux devant la loi. En effet, pendant la campagne de Russie, de nombreux incorporés de force ont été faits prisonniers. Les autorités soviétiques les ont détenus dans des camps, dont le plus connu est celui de Tambow.

Plusieurs décrets, pris en 1973, 1977 et 1981, ont établi un régime spécial en leur faveur, leur accordant, compte tenu des conditions d'internement, un droit à pension par preuve pour trois infirmités : asthénie, rhumatismes vertébraux et colite.

Dans l'application de ces décrets, le Gouvernement a établi une discrimination géographique : seuls ceux dont le camp se situait à la frontière germano-russe de 1941, matérialisée par le fleuve Bug et appelée « ligne Curzon », ont été pris en compte. Les prisonniers alsaciens et mosellans des camps situés à l'ouest de cette ligne n'ont donc pas bénéficié des décrets et sont victimes d'une injustice. C'est dans une logique de réparation que je vous interpelle à nouveau, monsieur le ministre.

Il y aurait encore beaucoup à dire, en particulier sur l'ONAC et sa pérennisation ; nous avons déposé un amendement sur ce sujet. Il faudrait aussi faire état des demandes des patriotes résistants à l'occupation, des réfractaires au service du travail obligatoire, le STO, des anciens combattants de la guerre du Golfe, des anciens des opérations extérieures, les OPEX, de la décristallisation, de la campagne double et de la création d'une allocation différentielle pour les veuves d'anciens combattants les plus modestes.

Nous déplorons que ce budget ne soit pas à la hauteur des attentes de ceux qui ont sacrifié leur jeunesse et parfois donné leur vie pour leur patrie. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste ne votera pas ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Christiane Demontes.

Mme Christiane Demontes. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis heureuse d'intervenir pour la première fois sur le budget des anciens combattants.

Bien sûr, tous les budgets revêtent une grande importance, mais celui-ci possède une dimension toute particulière, puisqu'il se doit d'être l'illustration de la légitime et nécessaire reconnaissance de la nation envers celles et ceux qui, dans leur existence, durant notre histoire, ont fait le choix de la défendre, et c'est au regard de cet impératif que nous avons examiné le budget que vous nous présentez, monsieur le ministre.

A première vue, ce budget marque une évolution puisqu'il progresse de 0,14 %, ce qui est d'autant plus notable qu'il fait suite à deux budgets extrêmement décevants. Il n'en reste pas moins qu'une fois dépassé le stade de l'observation superficielle, et après une lecture attentive, la déception domine.

Il y a deux ans, le ministère des anciens combattants enregistrait une baisse de 6 % de ses crédits. L'année dernière, une nouvelle baisse de 3,12 % le plaçait à l'avant-dernière place des ministères en matière de dotation.

Cette année, si l'on décompte, comme il est juste, les mesures votées en 2002 et 2003, on constate que d'une progression de 0,14 %, nous passons à une baisse de 1,5 %, voire de 3,5 % en tenant compte de l'inflation.

Pour reprendre les mots du président de la FNACA, « ce projet de budget ne doit pas faire illusion ».

Mais ce budget a une autre dimension, cette fois-ci sans précédent : c'est le premier budget des anciens combattants depuis 1978, et ce quels que soient les gouvernements en place, qui ne présente aucune mesure nouvelle. Dès lors, on peut légitimement se poser la question du respect des engagements pris par le Gouvernement.

A mon tour, je voudrais faire un certain nombre de remarques.

Tout d'abord, s'agissant de la retraite du combattant, les crédits affectés à son paiement augmentent de 5,6 millions d'euros. Cependant, cette hausse n'est pas consécutive à une revalorisation du montant de la retraite, mais à l'arrivée d'importants contingents d'anciens combattants d'Afrique du Nord et à l'assouplissement des conditions d'obtention de la carte du combattant.

Le Gouvernement, monsieur le ministre, s'était engagé à faire passer cette retraite de l'indice 33, fixé par la loi de finances pour 1978, ce qui correspond à 425,25 euros par an, à l'indice 48, soit un peu plus de 618 euros, et ce avant la fin de cette législature. La somme de 618 euros correspondrait à un treizième mois pour les plus modestes et constituerait un rattrapage de la perte de pouvoir d'achat avérée.

En comptant ce budget, il ne vous reste donc plus que trois exercices pour tenir cette grande promesse. En procédant par tranche de cinq points, ainsi que nous vous l'avions proposé l'année dernière, il en coûtera, d'ici à 2007, 80 millions d'euros par exercice. Est-ce donc une somme inconcevable pour celles et ceux qui, souvent, ont sacrifié leur jeunesse ? Nous ne le pensons pas.

Aussi, comme l'année dernière, nous vous demandons de ne pas, une fois de plus, différer cette juste revalorisation.

De même, vous avez procédé voilà deux ans à une revalorisation de 7,5 points de la rente mutualiste, au lieu des 5 points traditionnels. Le groupe socialiste avait salué cet effort. Cependant, depuis lors, nous ne voyons plus rien venir.

Il semble pourtant que les organismes de la mutualité combattante et que les associations nationales d'anciens combattants et de victimes de guerre s'étaient entendus avec les pouvoirs publics pour revaloriser le plafond majorable de la retraite mutualiste à hauteur de 130 points d'indice de pension militaire d'invalidité, PMI, contre les 122,5 points PMI actuels. Qu'en est-il de cet engagement ?

Nous craignons, même si nous savons que seul un ancien combattant sur cinq peut cotiser à ce niveau, que, cette année encore, le monde combattant ne soit une nouvelle fois déçu.

Sous le précédent gouvernement, les veuves d'anciens combattants ont pu être reconnues comme ressortissantes de l'ONAC, et 15 000 veuves de grands invalides avaient pu bénéficier d'une revalorisation de leur pension. Or, comme vous le savez, les autres catégories de veuves, bien souvent, disposent de peu de moyens financiers et vivent dans des conditions précaires, si bien que leurs dossiers sociaux représentent l'essentiel de ceux qui sont traités par l'ONAC.

En 2003, nous avions voté la revalorisation uniforme des pensions des veuves, tout en dénonçant le fait que cette juste mesure n'entrerait en application qu'à partir du 1er juillet 2004, privant ces femmes de plus de 11 millions d'euros. Malheureusement, cette disposition n'est toujours pas entrée en vigueur. Nous osons espérer que le récent remaniement ministériel ne servira pas d'argument pour priver, une fois encore, ces femmes de leurs droits.

Dans le même ordre d'idées, alors que l'article L.115 du code des pensions institue la gratuité des soins pour les anciens combattants, les gels de crédits ou leur annulation obligent nombre de pharmaciens et de médecins, craignant de ne pas être payés, à leur demander leur carte vitale. Il nous semble nécessaire de mettre rapidement fin à ces situations.

Je voudrais à mon tour évoquer la difficile question des orphelins de la barbarie nazie.

Le décret du 13 juillet 2000 a constitué la première reconnaissance de la nation vis-à-vis des orphelins de parents juifs déportés. Le décret du 27 juillet 2004 a étendu cette indemnisation aux orphelins de parents victimes de la barbarie nazie.

A cet égard, les 20 millions d'euros inscrits au budget du Premier ministre nous semblent notoirement insuffisants au regard des 12 000 bénéficiaires estimés. Au moins 66 millions seraient nécessaires pour indemniser ces ayant droits à hauteur de 457 euros mensuels.

Enfin, monsieur le ministre, ne faudrait-il pas envisager d'étendre cette mesure aux personnes ayant perdu un parent résistant, tombé les armes à la main dans nos régions, comme dans le Vercors, ou massacré, comme ce fut le cas à Oradour-sur-Glane ? Ne faudrait-il pas tirer un trait sur les conditions posées par les articles L.274 et L.290 du code des pensions militaires, afin que cette juste indemnisation n'exclue aucun orphelin ?

Enfin, je souhaite revenir sur la date de la journée nationale d'hommage aux morts pour la France en Afrique du Nord, que le Gouvernement a fixée, sans en référer d'ailleurs au Parlement, au 5 décembre. Cette date est, nous le savons tous, dépourvue de sens historique. Manifestement, l'agenda présidentiel a pris le pas sur l'histoire et sur les hommes et les femmes qui l'ont faite, et l'on ne peut que s'en indigner.

Les Français, quant à eux, ne s'y trompent pas puisque, lors d'un sondage réalisé entre le 12 et le 16 mars dernier, 81 % des personnes interrogées ont considéré que la date du 19 mars était celle qui convenait le mieux pour rendre hommage aux 30 000 militaires tombés en Afrique du Nord, ainsi qu'au millier de victimes civiles. Cette date du 5 décembre est donc dépourvue de signification et nous ne pouvons que le déplorer avec la plus grande amertume.

Monsieur le ministre, La Rochefoucauld disait : « Nous promettons selon nos espérances et tenons selon nos craintes ».

Le monde combattant nourrit des espérances. Comme lui, le groupe socialiste craint que vous ne le déceviez. Aussi, faute d'être doté des moyens financiers indispensables à l'amélioration du sort des anciens combattants et de leurs familles, comme l'a déjà dit ma collègue Gisèle Printz, ce budget ne pourra recevoir l'approbation des sénateurs du groupe socialiste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Bockel.

M. Jean-Marie Bockel. Monsieur le ministre, avant d'aborder l'examen du budget, je voudrais saluer, comme j'ai eu l'occasion de le faire lors de votre venue à Mulhouse le 21 novembre dernier, la qualité des commémorations que nous vivons en France depuis le printemps dernier, dans le cadre du soixantième anniversaire de la libération de notre pays.

Ces commémorations de grande qualité, d'une grande ferveur réunissent toutes les générations de notre population. Il n'est pas rare de voir, aux côtés des anciens, des enfants des écoles qui, souvent, ont préparé ce moment, fait un geste symbolique, lu un texte, ce qui leur permet de réfléchir et de participer au devoir de mémoire.

Moi-même, à plusieurs reprises, j'ai été frappé par la ferveur de ces moments de commémoration, qui ne se déroulent en aucun cas dans un esprit de haine ou de revanche. J'en veux pour preuve la venue de la Brigade franco-allemande dans ma ville, il y a quelques jours. Vous étiez présent, monsieur le ministre : tous les discours, à commencer par le vôtre, se sont inscrits, certes sous le signe de cette commémoration, de ce devoir de mémoire, mais aussi dans la perspective de la réconciliation franco-allemande en tant que moteur de l'Europe d'aujourd'hui.

Tous ces événements auront marqué les esprits.

Les médias audiovisuels ont également souvent bien fait leur travail : on a pu voir des émissions intéressantes, notamment pour les jeunes.

Si je souhaitais évoquer ces dernières semaines, au cours desquelles nous avons vécu des moments d'émotion intense, c'est aussi parce que dans dix ans, lors du soixante-dixième anniversaire de la Libération, beaucoup de nos anciens, qui étaient encore très nombreux cette année, auront disparu.

Mes deux collègues Mmes Printz et Demontes ont très bien parlé du projet de budget. Je ne répéterai donc pas ce qu'elles ont dit de façon excellente.

Je ferai simplement part de quelques inquiétudes.

Le fait qu'un certain nombre de crédits aient été gelés et reportés suscite quelques craintes quant à l'exécution du présent budget. Quant aux augmentations, elles sont le fait de l'application du rapport constant ou d'autres mesure automatiques.

La retraite du combattant reste désespérément bloquée. Et si les crédits augmentent dans ce projet de budget de 5,6 millions d'euros, cela tient, d'une part, au fait que de nombreux anciens combattants d'Afrique du Nord atteignent l'âge de soixante-cinq ans, d'autre part, à l'assouplissement des conditions d'obtention de la carte du combattant.

S'agissant de l'augmentation de 15 points des pensions des veuves, mesure emblématique du présent projet de loi, que l'on ne peut que saluer, on observe cependant que son bénéfice est soumis à des conditions de ressources très restrictives. Par ailleurs, cette revalorisation est en fait financée par un redéploiement des crédits non dépensés en 2004. N'est-ce pas là une hausse en trompe-l'oeil ?

Je ne reviens pas sur les limites du décret du 27 juillet 2004, dont nous saluons la parution. Il nous faudra être très vigilants sur le montant des crédits inscrits dans le budget du Premier ministre, soit 20 millions d'euros. Cette somme me paraît très insuffisante par rapport au nombre de personnes à indemniser. Nous allons d'ailleurs présenter des amendements concernant le nombre de personnes susceptibles d'être concernées.

S'agissant de l'ONAC, je voudrais, à mon tour, faire part de l'inquiétude qu'éprouvent les anciens combattants à propos du devenir des services départementaux de cet organisme, dont le service de proximité est apprécié de tous.

Lorsque les moyens humains ne suivent pas, on est en droit de craindre pour la survie d'une institution. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement en vue de faire prendre à l'Etat l'engagement de pérenniser l'Office.

Je voudrais maintenant évoquer la reconnaissance du statut des anciens incorporés de force dans le Reichsarbeitsdienst et le Kriegshilfsdienst.

L'année dernière, lors de la discussion du projet de loi de finances, un amendement avait été présenté par un certain nombre de sénateurs, d'Alsace et de Lorraine notamment. Il avait été retiré, après que M. Hoeffel eut obtenu votre engagement, monsieur le ministre, que ce douloureux dossier serait réglé dans le courant de l'année 2004.

Vous avez fait de votre mieux, je le sais ; je ne suis pas en train de dire que vous n'avez pas donné suite à cet engagement. Mais, comme l'ont souligné certains de mes collègues avant moi, les choses ne se sont pas bien passées et ce contentieux est loin d'être réglé. La situation est bloquée pour 5 661 personnes - les intéressés sont chaque jour un peu moins nombreux - qui sont dans l'attente d'une décision les concernant.

Nous avons tous apprécié votre souci de compromis, ainsi que la proposition constructive que vous avez faite à la Fondation, à savoir que l'Etat s'engage sur la moitié du montant.

A ce propos, afin de dissiper toute ambiguïté, je voudrais revenir sur les propos de ma collègue. Il fut une époque - j'étais alors député - où nous nous sommes battus tous ensemble pour que cette Fondation existe, pour qu'elle soit abondée de crédits importants de la part du gouvernement allemand. Celui-ci est quitte : il a tenu ses engagements.

Sur ce sujet, nous ne pouvons avoir qu'une parole. Dire que c'est vers lui qu'il faut se tourner, c'est une manière de reconnaître qu'on ne réglera pas le problème. On sait bien qu'aujourd'hui ce n'est plus qu'une affaire franco-française ou, plus exactement, une affaire franco-Fondation.

Or on sent un blocage de la part du président de la Fondation et de certains de ses responsables. Ce blocage est d'autant moins compréhensible pour nous, toutes sensibilités confondues, que la Fondation jouit d'une trésorerie confortable, de 11 millions d'euros, qui permettrait de faire un geste.

On peut toujours s'abriter, comme le fait la Fondation, derrière des arguments juridiques pour ne pas aller dans le sens du compromis que vous avez proposé.

Je pense qu'il faut à nouveau interpeller fortement la Fondation pour qu'elle modifie son règlement intérieur et accepte cette proposition. Si, une nouvelle fois, vous êtes confrontés à une fin de non-recevoir, il faudra alors que le Gouvernement prenne les mesures nécessaires pour indemniser correctement les derniers survivants dans le cadre du budget pour 2005. Tel est l'objet de l'un des amendements que nous avons présentés.

Je sais que tout cela n'est pas facile. Mais où l'on agit tout de suite, où l'on joue la montre, mais, dans quelques années, la question ne se posera plus...

Monsieur le ministre, je sais que vous êtes sensible et attentif à ce problème. Le moment est venu de faire un geste. Il n'est plus possible de s'abriter derrière la situation de blocage engendrée par l'attitude de M. Bord.

Quelques points de ce projet de budget apparaissent positifs, notamment l'assouplissement de l'obtention de la carte du combattant, l'amélioration de l'indemnisation des anciens prisonniers d'Afrique du Nord, la décristallisation des pensions et retraites des anciens combattants d'outre-mer, la simplification du rapport constant.

Cependant, de notre point de vue, une grande circonspection s'impose. Certaines annonces faites lors de discussions du budget 2004 n'ont pas été suivies d'effets, comme celle que j'ai évoquée tout à l'heure, mais pour laquelle, je l'ai dit, vous avez fait de votre mieux. On peut donc déplorer l'absence de mesures véritablement nouvelles concernant notamment la retraite du combattant ou la rente mutualiste du combattant.

Enfin, nous n'avons aucune garantie qu'une partie des crédits votés pour ce budget 2005 ne sera pas gelée ou reportée sur l'exercice suivant, comme cela a été le cas en 2004.

C'est pourquoi, malgré la sympathie que j'éprouve à votre égard, monsieur le ministre, pas plus que mes collègues du groupe socialiste, je ne voterai ce budget en l'état. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, mes premiers mots s'adresseront à chacune et chacun des intervenants pour les féliciter de la qualité de ce débat.

Je remercie vos rapporteurs, MM. Baudot et Lesbros, pour leur soutien et celui de leurs commissions.

Messieurs les rapporteurs, je veux également vous exprimer ma gratitude pour votre action tout au long de l'année. En effet, je tiens à le signaler, votre dialogue permanent avec notre ministère a toujours été fructueux.

Je remercie, bien sûr, les groupes de l'UMP et de l'Union centriste de leur soutien, exprimé par la voix de Mme Garriaud-Maylam. Vous rendez ainsi possible, mesdames, messieurs, une politique de progrès en faveur des anciens combattants.

J'ai écouté avec la plus grande attention les interventions de l'opposition : de Mmes Printz et Demontes, de MM. Fischer et Bockel.

Au-delà de nos divergences, légitimes d'ailleurs, nous sommes tous d'accord pour exprimer notre respect à l'égard des anciens combattants ; et c'est cela l'essentiel ! Les différences qui existent entre nous sont d'ailleurs un bien précieux, que nous devons à celles et à ceux qui se sont levés, voilà soixante ans, pour nous libérer et pour nous permettre de vivre en démocratie.

A cet égard, je veux saluer la décision qu'a prise M. le président Poncelet de rendre hommage à l'Assemblée consultative provisoire il y a quelques jours, ici, dans cette enceinte. En effet, nous ne devons pas oublier qu'après avoir libéré notre pays les Résistants ont contribué à reconstruire la République.

Une République qui n'oublie pas l'engagement personnel de tous ceux qui ont lutté pour elle.

Une République qui n'oublie pas les « Poilus » de la Grande Guerre, dont quatorze seulement sont encore parmi nous.

Une République qui n'oublie pas les combattants de la Seconde Guerre mondiale, ni ceux d'Indochine, d'Algérie et des opérations extérieures.

Une République sensible au drame vécu par toutes les victimes civiles de la guerre, particulièrement à celui des veuves et des orphelins.

Assumant son passé, la France, permettez-moi de le dire, peut regarder avec confiance son avenir.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les événements récents de Côte d'Ivoire sont venus nous rappeler que le métier des armes a toujours pour corollaire le sens du sacrifice personnel. L'hommage unanime rendu à nos soldats tombés tragiquement atteste de la pérennité de la reconnaissance de la nation pour ceux qui font le sacrifice de leur vie en son nom.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, vos rapporteurs ont parfaitement présenté le projet de budget des anciens combattants pour 2005. Je vais donc concentrer mon propos sur la réponse aux questions. Auparavant, permettez-moi de rétablir quelques vérités.

En effet, comme l'ont souligné MM. Baudot et Lesbros, ce budget est en hausse, en hausse effective.

Les chiffres sont têtus, dit-on ; ils sont vérifiables. Il est donc inexact de dire que l'augmentation du budget 2005 serait en trompe-l'oeil. Je le dis avec calme et pondération à Mmes Printz et Demontes, ainsi qu'à M. Fischer, cette hausse est indiscutable et, je le répète, vérifiable.

Après trente mois, pendant lesquels de très nombreuses mesures ont été prises, cette hausse est une preuve supplémentaire de l'intention du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin de porter un regard attentif sur le monde combattant.

De même, dire qu'il n'y a pas cette année de mesures nouvelles est inexact. En fait, deux mesures nouvelles sont à mettre à l'actif de ce budget pour 2005 : d'une part, l'augmentation de 4 % des crédits sociaux de l'ONAC ; d'autre part - cela figure dans les crédits du Premier ministre - le financement du décret du 27 juillet 2004.

Permettez-moi de dire enfin que cette hausse de 0,14 % en volume se traduit par une augmentation moyenne de près de 4 % par ressortissant. Et cela, c'est exceptionnel si l'on considère les dix dernières années !

Certes, monsieur Lesbros, vous avez raison, la hausse d'un budget n'est pas une fin en soi. Mais celle de nos crédits se justifie pleinement pour d'autres raisons, car elle permet de financer les politiques de justice, d'équité et de solidarité que nous mettons en oeuvre, en concertation avec les associations d'anciens combattants.

Quel a été mon étonnement de vous entendre dire, madame Printz, que les associations d'anciens combattants seraient unanimement contre ce budget ! Il a été confectionné avec leur assentiment, dans la concertation. Rien n'a été fait qui ne soit transparent.

Voyez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, à la différence des autres sphères de notre pays, le monde combattant est un monde dans lequel la sensibilité politique joue peu ; ce sont d'autres ressorts de relations entre ses membres qui prennent le plus souvent le dessus.

Par conséquent, ce budget, comme les deux qui l'ont précédé, a été confectionné, en toute transparence, avec le monde combattant.

Certes, il faut bien qu'un dosage budgétaire s'applique : on ne peut pas faire passer toutes les billes en même temps dans le même entonnoir ! (Sourires.) Il ne faut rien y voir d'autre qu'un étalement harmonisé, au cours du quinquennat, des mesures de nature à faire face aux attentes des anciens combattants. Nous ferons le bilan à la fin de cette échéance. Nous sommes à mi-parcours.

Cette hausse en est vraiment une dans la mesure où, dans le même temps, nous poursuivons notre politique de gestion rigoureuse et de modernisation de nos structures. Nous allons ainsi pouvoir financer une politique forte et pragmatique au service du monde combattant.

En 2005, est prévu le financement de l'application en année pleine de l'augmentation de quinze points des pensions des veuves de guerre, des veuves d'invalides et des grands invalides, et ce, monsieur Bockel, sans aucune condition de ressources.

Les veuves sont en effet, madame Garriaud-Maylam, au coeur de nos préoccupations. Elles seront les principales bénéficiaires de l'augmentation d'un demi-million d'euros des crédits sociaux de l'ONAC.

L'ONAC dispose désormais, mesdames, messieurs les sénateurs, d'une capacité d'intervention de 12,6 millions d'euros, soit le plus haut niveau jamais atteint, et cela aussi peut être vérifié. Ces crédits sont destinés au financement des aides aux anciens combattants et aux veuves d'anciens combattants en grande difficulté financière, car il y en a, hélas ! C'est là notre réponse, rapide et pragmatique, au rapport remis récemment au Parlement, conformément à ce que prévoyait un amendement au projet de loi de finances pour 2004.

Mesdames, messieurs les sénateurs, puisque j'évoque l'ONAC, je tiens à dire que ce projet de budget vise à lui donner tous les moyens de remplir sa mission et de poursuivre sa modernisation dans les meilleures conditions. On nous avait prédit des jours difficiles, or c'est le troisième exercice pour lequel le contrat d'objectifs et de moyens est exécuté de façon satisfaisante.

Comme l'a souligné M. Baudot, dont chacun connaît la compétence, le contrat d'objectifs et de moyens assure l'avenir de l'ONAC bien au-delà de 2007, comme j'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer à l'Assemblée nationale, grâce à une gestion plus rigoureuse et plus adaptée aux besoins réels des anciens combattants. La pérennisation de l'ONAC représente pour nous une exigence.

Autre pilier emblématique du monde combattant, l'Institut national des invalides poursuivra, en 2005, son effort d'adaptation, démarche qui est le gage de sa pérennité. Après le projet médical, après le projet d'établissement, c'est à l'élaboration du contrat d'objectifs et de moyens que nous allons nous atteler.

Par ailleurs, les crédits inscrits à ce projet de budget permettront de financer deux évolutions majeures qui concernent la retraite du combattant.

La première évolution est démographique. Les crédits prévus permettront de répondre aux besoins créés par l'arrivée à l'âge de soixante-cinq ans des nombreux contingents d'anciens combattants d'AFN.

La seconde évolution est démocratique. Il s'agit de la mise en oeuvre, en année pleine, de notre décision d'harmoniser à quatre mois les critères d'attribution de la carte du combattant d'AFN.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite profiter de ce débat pour répondre avec précision aux questions relatives au décret du 27 juillet 2004.

Je remercie les orateurs d'avoir tous salué sa publication. Nous ne devons jamais oublier que notre démarche fait suite au décret du 13 juillet 2000 qui réglait l'indemnisation des orphelins des victimes de la Shoah. Le gouvernement précédent ne voulait pas, c'est un fait, étendre son champ d'application à d'autres catégories. Avant de prendre notre décision, qui a rétabli la sérénité, nous avons donc conduit une concertation approfondie, avec le concours de M. Dechartre et du Conseil d'Etat.

En effet, il convenait d'être juste et de ne pas heurter les consciences. C'est pourquoi le décret du 27 juillet 2004 vise les orphelins des victimes d'actes de barbarie dont les circonstances et l'horreur dépassent le cadre habituel d'un conflit entre Etats.

A cet instant, je voudrais écarter une mauvaise interprétation du texte, monsieur Fischer : il doit être clair que le décret du 27 juillet 2004 concerne évidemment les orphelins des personnes fusillées, par exemple à Châteaubriant ou au Mont Valérien ; il concerne également, bien sûr, les orphelins des personnes massacrées à Oradour-sur-Glane, à Tulle, à Maillé, à Vassieux-en-Vercors et en tant d'autres lieux, ainsi que dans les cachots de la Gestapo.

Monsieur Baudot, les crédits prévus sont évaluatifs. Vous avez remarqué que 20 millions d'euros étaient inscrits, mais ils seront abondés automatiquement en fonction des besoins, comme tous les crédits évaluatifs. Vous pouvez être pleinement rassuré sur ce point.

S'agissant de la rétroactivité, j'indique de la façon la plus nette que son application reviendrait à créer une inégalité, au détriment des orphelins des victimes de la Shoah. En effet, l'application du principe de rétroactivité à la rente viagère conduirait à verser quatre années de rente en une seule fois, soit quasiment le montant du capital. Cela reviendrait donc à octroyer le cumul de la rente et du capital, alors que les orphelins des victimes de la Shoah ont dû choisir l'un ou l'autre.

Enfin, nous traitons les dossiers le plus rapidement possible et nous appliquons ce décret avec humanité, en tenant compte des circonstances du décès. En cas de contestations - il ne manquera sans doute pas d'en survenir, car il en est souvent ainsi dans ce genre d'affaire -, les intéressés saisiront très normalement le juge administratif et une jurisprudence s'établira.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, j'évoquerai maintenant plus rapidement les autres sujets.

Vous avez mis en relief, monsieur Baudot, notre décision de décristalliser les pensions des anciens combattants et des veuves ressortissants de territoires anciennement sous souveraineté française. A l'heure actuelle, 80 000 personnes réparties dans vingt-trois pays bénéficient de cette décristallisation. Les quatre années de rappel ont été versées, les droits ont été rouverts : les titulaires d'une pension militaire d'invalidité peuvent faire constater l'aggravation de leur état de santé, ce qui n'était pas possible auparavant, les veuves peuvent obtenir une pension de réversion. Voilà ce que la décristallisation a permis, et le Gouvernement auquel j'appartiens est fier d'avoir mené à bien le traitement de ce dossier vieux de quarante-deux ans.

S'agissant de la retraite du combattant, tous les intervenants ont regretté l'absence de revalorisation de l'indice de référence. Pour tout vous dire, cela constitue pour moi aussi un motif de regret.

Certes, en 2003 et en 2004, la priorité a été donnée à l'accroissement du nombre de bénéficiaires, cela a été souligné tout à l'heure, mais l'objectif n'est évidemment pas abandonné, bien au contraire ! Je puis vous assurer que nous répondrons, au cours du quinquennat, aux attentes des anciens combattants, dont les demandes ont été entendues par le Premier ministre, avec lequel j'ai échangé sur ce thème voilà quelques jours. La progression de la retraite du combattant constitue donc, désormais, notre première priorité.

Par ailleurs, M. Lesbros et plusieurs de ses collègues ont abordé la question de la campagne double pour les agents publics ayant servi en Afrique du Nord. M. Gal me remettra son rapport au deuxième trimestre de 2005, et nous étudierons alors avec attention quelles suites il conviendra de lui donner.

En réponse à M. Baudot, j'indiquerai que 205 millions d'euros ont été inscrits au projet de budget pour 2005 en vue de financer le relèvement du plafond majorable de la rente mutualiste. Même en l'absence d'un tel relèvement, les crédits connaîtront une progression de plus de 3 %. Naturellement, nous n'avons pas renoncé à porter ce plafond à 130 points, comme cela a été signalé, et nous ferons tout pour tenir nos engagements.

M. Baudot m'a également interrogé à propos du « conjoint survivant ». Je lui confirme que nous cherchons le bon support législatif pour insérer la mesure évoquée.

Enfin, MM. Baudot et Lesbros ont bien voulu saluer la réforme du « rapport constant », que vos collègues de l'Assemblée nationale ont d'ailleurs adoptée à l'unanimité. Je suis très heureux d'avoir, comme vous tous, apporté ma pierre à cet édifice. Désormais, l'indice du point de pension militaire d'invalidité sera directement lié à l'indice d'ensemble des traitements de la fonction publique calculé par l'INSEE. Il évoluera donc à chaque changement de ce dernier, sans plus de délais. Ce nouveau mécanisme est simple et surtout compréhensible par tous. Il permettra des ajustements immédiats, nous y gagnerons donc en rapidité, en cohérence et en clarté. Cela marque la fin de débats stériles qui duraient depuis plus de quinze ans.

Mme Printz, MM. Bockel et Baudot ont abordé la question douloureuse de l'indemnisation des anciens du RAD et du KHD.

A Strasbourg et à Mulhouse, le 21 novembre dernier, le Premier ministre et moi-même avons rappelé le long martyre de l'Alsace et de la Moselle pendant l'annexion. Le Premier ministre a eu des mots très forts pour affirmer le respect de la nation devant tant de souffrances. M. Bockel a souligné tout à l'heure avec quelle émotion la population a accueilli cette évocation.

S'agissant des anciens du RAD, je crois que vous savez tous que nous ne ménageons pas nos efforts pour aboutir à un accord. A la suite de la réunion que le Gouvernement avait organisée en mai 2003 à Strasbourg, un processus de concertation s'est engagé.

Nous avons en effet, monsieur Bockel, proposé une solution selon laquelle l'Etat participerait à hauteur de 50 % à la dépense, tandis que l'autre moitié de celle-ci serait supportée par la Fondation de l'entente franco-allemande. Mais cette dernière a rejeté notre proposition, et l'Etat ne peut pas s'engager seul dans la voie de l'indemnisation d'un préjudice à l'origine duquel il ne se trouve pas. Je persiste à penser que la sagesse finira par l'emporter.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais également évoquer la loi d'orientation relative aux lois de finances.

C'est là un sujet d'apparence technique, mais qui est en fait politiquement important, notamment pour les associations d'anciens combattants, qui doivent pouvoir s'y retrouver.

Les choix effectués par le Gouvernement assurent la visibilité et la lisibilité des crédits des anciens combattants. Les engagements pris seront donc scrupuleusement respectés.

Les crédits des anciens combattants seront tous inclus dans la mission « mémoire et liens avec la Nation ». Ils resteront donc identifiables.

Cette mission comportera deux programmes.

Le premier est intégralement consacré aux anciens combattants, et par conséquent isolé. II est intitulé : « mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ». II regroupera les crédits relatifs à la retraite du combattant, aux droits liés aux pensions militaires d'invalidité, à la solidarité et à l'entretien des lieux de mémoire. Pour ce dernier point, il s'agit uniquement de la remise en état des nécropoles.

Le second programme concernera les « liens entre la nation et son armée ». Il inclura les crédits relatifs à la politique générale de mémoire. Ainsi sera attesté le lien du monde combattant avec la nation, le lien que le Gouvernement s'attache en permanence à valoriser avec le concours de tout le monde combattant.

Il me semble que cette présentation est lisible, sincère et cohérente.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les sénateurs, j'en arrive au devoir de mémoire.

Demain, le 5 décembre, sera célébrée la journée d'hommage aux « morts pour la France » de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie.

Le Premier ministre présidera la cérémonie nationale. Elle sera marquée par un hommage exceptionnel aux unités ayant participé aux combats d'Afrique du Nord. Leurs emblèmes porteront désormais l'inscription « AFN 1952-1962 ».

Pour le reste, le débat a eu lieu. Chacun s'est exprimé. L'important est de ne pas perdre de vue le respect et la dignité que méritent ceux qui sont morts pour la France.

Mesdames et messieurs les sénateurs, après une année 2004 dominée par des commémorations qui sont encore dans toutes les mémoires, 2005 sera également une année dense, avec le soixantième anniversaire de la victoire.

Nous célébrerons également, avec force, émotion et gravité, le 60ème anniversaire de la libération des camps de concentration.

Ce sera un temps très important, surtout dans le contexte actuel, où nous devons faire face à l'oubli et à ceux qui veulent réécrire l'Histoire.

Dans ce cadre, deux grands projets muséographiques seront menés à terme.

Le premier concerne le souvenir de la Shoah, avec la nouvelle exposition du pavillon français du musée d'Auschwitz. Elle sera inaugurée par le Président de la République le 27 janvier prochain, jour de la cérémonie internationale organisée par la Pologne.

Le second chantier portera la mémoire des Résistants déportés. En octobre, le Président de la République inaugurera au Struthof, dans le Bas-Rhin, le centre européen du résistant déporté.

D'autres cérémonies seront spécialement consacrées au retour des prisonniers de guerre et des requis du STO.

En 2005, sera également inauguré le mémorial de l'Alsace-Moselle à Schirmeck.

Je suis sensible aux propos de madame Garriaud-Maylam sur les lieux de mémoire à l'étranger. Vous avez raison, madame la sénatrice. Même si nous faisons des efforts importants, comme en Tunisie ou, récemment, à Sébastopol, il reste de réelles marges de progression. Je veillerai personnellement à ce que nos lieux de mémoire à l'étranger soient mieux entretenus et à ce que l'on reste très attentif à leur état.

Madame Garriaud-Maylam m'a aussi interrogé sur notre politique de « mémoire partagée ». Nous progressons de manière significative. Après les accords signés avec le Royaume-Uni, Madagascar, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Corée et le royaume du Maroc, d'autres sont en préparation avec la Tunisie, le Vietnam et le Canada. Le quatre-vingt-dixième anniversaire de Gallipoli, le 24 avril 2005, sera une illustration de nos accords avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les sénateurs, dans le domaine de la mémoire - comme dans celui de la réparation - vous pouvez constater que le projet de budget des anciens combattants ne manque pas d'ambition, quoi qu'en disent des critiques, essentiellement formelles à mes yeux.

II mérite mieux que la caricature, car il permet de répondre, efficacement et effectivement, aux attentes de ceux qui ont tant donné pour la France et qui ont acquis le droit à la reconnaissance de la Nation.

Anciens combattants
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Art. 72 quater

Mme la présidente. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère des anciens combattants et figurant à l'état B.

État B

Titre III : moins 603 190 €.

Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)

Titre IV : 61 961 000 €

Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés)

Mme la présidente. J'appelle en discussion les articles 72 quater et 72 quinquies qui sont rattachés pour leur examen aux crédits affectés aux anciens combattants.

Anciens combattants

Etat B - Titres III et IV
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Art. additionnels après l'art. 72 quater

Article 72 quater

I. - Le B de l'article L. 8 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre est ainsi rédigé :

« B. - A compter du 1er janvier 2005, un rapport constant est établi entre les pensions et les traitements bruts de la fonction publique de l'Etat. En cas d'évolution de l'indice d'ensemble des traitements bruts de la fonction publique de l'Etat, tel qu'il est défini par l'Institut national de la statistique et des études économiques, la valeur du point de pension est modifiée proportionnellement à l'évolution de cet indice, à la date de cette évolution. »

II. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.

M. Guy Fischer. Cet article 72 quater est l'article auquel a fait référence monsieur le ministre. Adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale, il vise à la simplification du rapport constant.

Je crois que les choses sont bien moins simples que ne le dit, monsieur le ministre. Certes, les associations d'anciens combattants dénoncent depuis l'origine le manque de lisibilité du mécanisme du rapport constant et les délais apportés au versement des rappels au titre du recalage annuel de la valeur du point. Mais le texte adopté à l'Assemblée nationale ne semble pas avoir recueilli l'unanimité de ces associations. Il n'a en tout cas pas reçu l'aval des associations avec lesquelles je suis s'est entretenu.

La solution proposée consiste à appliquer au point des pensions militaires d'invalidité, l'évolution de l'indice INSEE des traitements de la fonction publique. Dans la mesure où la plupart des associations contestent cette solution, notamment l'association républicaine des anciens combattants, l'ARAC, dont j'ai rencontré le président adjoint, je considère qu'une ultime réunion des associations est nécessaire.

Je tiens à préciser que le rapport constant n'était pas un simple système arithmétique permettant de fixer la valeur du point ; il me semble donc impératif de conserver le souci de la parité et le souci de parallélisme avec l'évolution des pensions et retraites des fonctionnaires qui prévalaient.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. J'ai rencontré, moi aussi, des représentants de l'ARAC, il y a une semaine, pour faire une mise au point.

S'agissant du rapport constant, il ne faut pas confondre deux choses. Nous avons proposé d'apporter plus de visibilité et de lisibilité à la situation. La question des points d'indices relève d'un autre débat.

On ne peut pas discuter de la progression des indices si la situation est opaque. Donc procédons d'abord à la clarification, comme nous l'avons proposé. Les revendications seront discutées ultérieurement.

M. Guy Fischer. Merci, monsieur le Ministre.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 72 quater.

(L'article 72 quater est adopté.)

Art. 72 quater
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Art. 72 quinquies

Articles additionnels après l'article 72 quater

Mme la présidente. L'amendement n° II-25, présenté par Mmes Printz et  Demontes, M. Bockel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 72 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement s'engage à pérenniser l'existence de l'office national des anciens combattants, y compris au-delà de l'exécution du  présent contrat d'objectifs et de moyens.

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. L'ONAC est l'interlocuteur privilégié des anciens combattants et des veuves. Sa disparition serait très dommageable au monde combattant.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Ce sujet n'a pas sa place dans une discussion budgétaire. Au demeurant, je peux vous affirmer, ma chère collègue, que l'ONAC, avec qui j'ai travaillé, que je connais bien, sera pérennisé, et ce en dépit de départs, à la marge, de certains fonctionnaires. Tel est ce qui est prévu.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. Madame la sénatrice, je partage entièrement l'avis de M. le rapporteur spécial, car le contrat d'objectifs et de moyens est un outil de gestion qui vient confirmer la pérennité de l'institution.

Si l'on allait au-delà, il faudrait alors prévoir des textes législatifs pour tous les établissements publics locaux ou nationaux afin de s'assurer de leur pérennité !

C'est pourquoi le gouvernement est défavorable à cet amendement. Il vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir le retirer.

Mme la présidente. Madame la sénatrice, maintenez-vous votre amendement ?

Mme Gisèle Printz. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Bien entendu, je voterai cet amendement. Aujourd'hui, M. le ministre tient le même discours que l'an passé. Nous avons posé des questions. Les rapporteurs nous ont apporté une réponse, mais il est évident que, à la lecture de la circulaire du 16 novembre 2004 relative à la réforme de l'administration départementale de l'Etat, nous pouvons nourrir quelques inquiétudes.

Par ailleurs, la communication émise au cours du dernier conseil d'administration de l'ONAC, le 28 octobre 2004, n'est pas de nature à nous rassurer complètement ; je pense à la mise en place d'une commission pivot, à la mise en place du conseil départemental pour la mémoire de la nation, des anciens combattants et des victimes de guerre, mais surtout au large pouvoir d'appréciation laissé au préfet pour déterminer la composition et le fonctionnement de ces commissions.

Nous prenons date, monsieur le ministre, nous serons très attentifs en 2007 et au-delà. Mais je répète, aujourd'hui, les associations d'anciens combattants, au vu de la diminution indéniable des effectifs -- tous les rapports en font état - sont inquiètes.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-25.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-26, présenté par Mmes Demontes et  Printz, M. Bockel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 72 quarter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le montant de la retraite annuelle du combattant est égal à 48 points d'indice de pension militaire d'invalidité.

La parole est à Mme Christiane Demontes, pour présenter l'amendement n° 26.

Mme Christiane Demontes. Monsieur le ministre, vous avez dit regretter comme nous que la retraite du combattant ne soit pas augmentée. Nous vous proposons de l'augmenter en la faisant passer à 48 points d'indice.

Mme la présidente. L'amendement n° II-28, présenté par Mmes Demontes et  Printz, M. Bockel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 72 quarter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le montant de la retraite annuelle du combattant est égal à 38 points d'indice de pension militaire d'invalidité.

La parole est à Mme Christiane Demontes.

Mme Christiane Demontes. Il s'agit d'une mesure intermédiaire de même nature. Si le Gouvernement souhaite augmenter le montant de la retraite annuelle du combattant, nous proposons, si l'amendement n° II-26 n'était pas adopté, de le porter à 38 points d'indice pour cette année ; on l'augmentera à nouveau les années suivantes.

Mme la présidente. L'amendement n° II-31, présenté par MM. Fischer,  Muzeau,  Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 72 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Dans l'article L. 256 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre les mots : « indice de pension 33 » sont remplacés par les mots : « indice de pension 38 ».

II. - Les charges découlant de l'application du I ci-dessus sont compensées par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Sachant que mon amendement ne serait pas adopté si je passais directement à l'indice 48, j'ai préféré n'aller que jusqu'à 38. (Sourires.) Malgré tout, je sais que je n'ai aucune chance cette année. En fait, c'est pour l'année prochaine que je plaide : lors de l'examen du projet de budget pour 2006, nous serons à la veille d'échéances électorales importantes...

M. Roger Karoutchi. Ce sera pour 2007 !

M. Guy Fischer. Je suis sûr, monsieur Karoutchi, que vous soutiendrez alors notre demande de revalorisation d'au moins 5 points. Sur ce sujet aussi, nous serons très attentifs.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. M. Fischer est un sage. Mais demain est un autre jour. Laissons donc au Gouvernement le soin de nous faire des propositions dans le projet de budget pour 2006.

La commission émet également un avis défavorable sur les amendements n°s II-26 et II-28.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. Je confirme que la revalorisation de la retraite du combattant est désormais notre première priorité.

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. Le Premier ministre a d'ailleurs demandé que cette question soit étudiée dans le cadre du budget pour 2006.

En attendant, le Gouvernement invoque l'article 40 de la Constitution sur les amendements n°s II-26, II-28 et II-31.

Mme la présidente. L'article 40 de la Constitution est-il applicable, monsieur le rapporteur spécial ?

M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Il est applicable.

Mme la présidente. L'article 40 étant applicable, les amendements n°s II-26, II-28 et II-31 ne sont pas recevables.

Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-27, présenté par Mmes Demontes et  Printz, M. Bockel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 72 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le plafond majorable de la rente mutualiste est relevé à 130 points d'indice.

La parole est à Mme Christiane Demontes.

Mme Christiane Demontes. Nous avons été plusieurs à regretter que le plafond majorable de la rente mutualiste n'ait pas été relevé. Nous proposons donc de le relever à 130 points d'indice.

Mme la présidente. L'amendement n° II-30 rectifié bis, présenté par MM. Fischer,  Muzeau,  Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 72 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le plafond majorable de la rente mutualiste est relevé à 130 points d'indice.

II. - Les charges découlant de l'application du I ci-dessus sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Le relèvement du plafond majorable de la rente mutualiste sera-t-il la « deuxième » priorité du projet de budget pour 2006 ? Nous le souhaitons.

Monsieur le ministre, si vous vous réjouissiez d'avoir relevé ce plafond de 7,5 points, au lieu de 5 points, dans la loi de finances de 2003, ce bel effort est désormais réduit à néant : rien en 2004 ni en 2005 !

Vous avez délibérément rompu avec un objectif unanimement approuvé, qui consistait à relever ce plafond jusqu'à 130 points d'indice.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Je le répète, M. Fischer, dans sa sagesse, est en train de vous préparer le budget de l'année prochaine, monsieur le ministre. C'est peut-être une bonne chose, mais la commission des finances ne peut souscrire à cette proposition.

La commission est donc défavorable à l'amendement n° II-30 rectifié bis, comme à l'amendement n° II-27.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. Madame la présidente, je souscris aux propos de M. le rapporteur spécial et, de plus, j'invoque l'article 40 de la Constitution sur les amendements n°s II-27 et II-30 rectifié bis.

Mme la présidente. L'article 40 de la Constitution est-il applicable, monsieur le rapporteur spécial?

M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Il est applicable.

Mme la présidente. L'article 40 étant applicable, les amendements n°s II-27 et II-30 rectifié bis ne sont pas recevables.

L'amendement n° II-29, présenté par Mmes Printz et  Demontes, M. Bockel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 72 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le bénéfice du dispositif d'indemnisation créé par le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 est étendu aux orphelins des résistants et des otages fusillés ou massacrés sur le territoire national.

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Cet amendement vise à éviter toute distinction entre les orphelins de résistants morts en déportation et les orphelins de résistants et otages morts sur le territoire national.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. La commission des finances pense qu'il est délicat de rouvrir ce dossier.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour explication de vote.

Mme Gisèle Printz. Les associations déplorent que le décret du 27 juillet 2004 ne concerne pas tous les orphelins des victimes de la barbarie nazie. Elles se demandent pourquoi les orphelins dont les parents ont été fusillés sur le territoire national n'ont pas droit à cette indemnisation.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Je ne veux pas faire un procès d'intention, mais il semblerait que les textes en vigueur fassent l'objet d'une lecture assez restrictive.

Par rapport aux 12 000 cas à traiter, les réponses arrivent au compte-gouttes.

En matière d'information, il y a également un effort de communication à faire vis-à-vis des familles lors du rendu de la décision.

Je suis de près plusieurs dossiers, et les familles vivent douloureusement la manière dont les dossiers sont traités ou interprétés. Les associations, les familles et leurs avocats plaident pour que la reconnaissance de la nation soit le plus effective possible.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. Je suis étonné par votre amendement, madame la sénatrice, car ce que vous demandez figure dans le texte. D'ailleurs, lors de mon intervention, j'ai énuméré les différentes catégories, et j'ai cité les exemples des victimes d'Oradour-sur-Glane et des fusillés du Mont Valérien.

Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. C'est vrai, monsieur le ministre, mais certaines associations ne comprennent pas. C'est la raison pour laquelle je suis intervenue. Il doit y avoir un problème de communication.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-29.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° II-32, présenté par MM. Fischer,  Muzeau,  Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 72 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le f de l'article 195 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« f. - Sont âgés de plus de 70 ans et titulaires de la carte du combattant ou d'une pension servie en vertu des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; cette disposition est également applicable aux veuves, âgées de plus de 70 ans, des personnes mentionnées ci-dessus. »

II. - Les taux prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts sont relevés à due concurrence.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Je sais que ma demande ne sera pas considérée comme prioritaire. Il s'agit d'abaisser de cinq ans l'âge pour bénéficier d'une demi-part supplémentaire sur le revenu imposable. J'ai surtout déposé cet amendement pas acquis de conscience. (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Je ne pourrais pas dire mieux que M. Fischer. Par acquis de conscience, moi aussi, je suis défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. Le Gouvernement y est également défavorable. Il s'agit de recettes. Or nous sommes dans la partie dépenses du projet de loi de finances.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-32.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnels après l'art. 72 quater
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Art. additionnels après l'art. 72 quinquies (début)

Article 72 quinquies

Les militaires de l'armée française prisonniers de l'Armée de libération nationale pendant la guerre d'Algérie bénéficient des dispositions mentionnées au 1° de l'article unique de la loi n° 83-1109 du 21 décembre 1983 relative à l'indemnisation d'infirmités contractées dans certains lieux de captivité ou d'internement. - (Adopté.)

Art. 72 quinquies
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Art. additionnels après l'art. 72 quinquies (interruption de la discussion)

Articles additionnels après l'article 72 quinquies

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-6, présenté par Mme Printz, MM. Masseret,  Todeschini et  Bockel, Mmes Schillinger,  Demontes et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 72 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I - L'Etat s'engage à faire indemniser ou à indemniser les Alsaciens-Mosellans incorporés de force dans les organisations paramilitaires du régime nazi.

II - La perte de recettes résultant du I est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-Marie Bockel.

M. Jean-Marie Bockel. L'indemnisation des RAD a été évoquée par les orateurs de tous les groupes.

Monsieur le ministre, votre réponse à ce sujet est compréhensible, mais elle n'est pas nouvelle. Je ne développerai donc pas à nouveau notre argumentation afin de vous éviter de faire, hélas ! la même réponse.

Je préfère profiter de mon temps de parole pour vous inviter à pousser plus loin votre réflexion afin de nous aider mutuellement à progresser, car nous sommes dans une impasse. Connaissant André Bord, je n'ai pas le sentiment que vous arriverez davantage à le convaincre aujourd'hui, à moins que vous n'ayez une botte secrète.

Vous arguez du fait que l'Etat français ne peut pas indemniser des préjudices qui ne sont pas de son fait.

D'abord, il le fait quand même à moitié. Ensuite, l'Etat indemnise dans certains cas. Certes, ceux-ci sont souvent très particuliers, et le montant de l'indemnisation est faible, exceptionnel et touche un nombre de personnes limité.

Or le fait de savoir si l'on prend ou non en compte le critère de la responsabilité de l'Etat français dans le préjudice peut parfois se discuter, y compris lorsque l'Etat indemnise, à juste tire, certains cas dont on a parlé ce soir.

Je vous demande simplement de ne pas vous abriter derrière cet argument si nous voulons avancer au cas où il n'y aurait pas d'autres solutions, ce que je crains.

M. Hubert Haenel a déposé un amendement similaire au nôtre. Nous ferions un pas important en adoptant l'un d'eux, et je ne pense pas que nous dérogerions à je ne sais quelle règle intangible.

Mme Gisèle Printz. Cela dure depuis sept ans !

M. Jean-Marie Bockel. Plus que ça ! J'ai retrouvé des courriers qui datent de l'époque où j'étais député dans lesquels on parlait déjà de ce sujet.

Mme la présidente. L'amendement n° II-19, présenté par M. Haenel, Mme Troendle, MM. Leroy et  Del Picchia, est ainsi libellé :

Après l'article 72 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I - L'Etat s'engage à indemniser les Alsaciens Mosellans incorporés de force dans les organisations paramilitaires du régime nazi.

II - La perte de recettes résultant du I est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575A du code général des impôts.

La parole est à M. Robert Del Picchia.

M. Robert Del Picchia. Je pense que M. Haenel et Mme Troendle souscriraient aux propos qui viennent d'être tenus. L'amendement que je présente, qui est régulièrement déposé depuis plusieurs années, va exactement dans le même sens. Il est bien de le remettre à l'ordre du jour.

Cela dit, je comprends les arguments que vous avez avancés, monsieur le ministre. Je pense que mes collègues les comprennent également.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. La commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. Je maintiens ce que j'ai déjà dit. L'Etat français n'est pas l'auteur des dommages qu'on lui demande de réparer et il n'est pas en mesure de faire face à cette dépense.

M. Jean-Marie Bockel. C'est un peu court !

Mme la présidente. Monsieur Del Picchia, l'amendement est-il maintenu ?

M. Robert Del Picchia. Non, je le retire.

Mme la présidente. L'amendement n° II-19 est retiré.

Monsieur Bockel, l'amendement n° II-6 est-il maintenu ?

M. Jean-Marie Bockel. Oui, madame la présidente.

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. Madame la présidente, j'invoque l'article 40 de la Constitution à l'encontre de l'amendement n° II-6.

Mme la présidente. L'article 40 de la Constitution est-il applicable, monsieur le rapporteur spécial ?

M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. L'article 40 étant applicable, l'amendement n° II-6 n'est pas recevable.

Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les anciens combattants.

Art. additionnels après l'art. 72 quinquies (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Discussion générale