Article 19
Après l'article L. 3213-9 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 3213-9-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3213-9-1. - I. - Il est créé un traitement national de données à caractère personnel, placé sous l'autorité du ministre chargé de la santé, destiné à améliorer le suivi et l'instruction des mesures d'hospitalisation d'office prévu aux articles L. 3213-1 et suivants.
« Le traitement n'enregistre pas de données à caractère personnel de la nature de celles mentionnées au I de l'article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, autres que celles en rapport avec la situation administrative des personnes ayant fait l'objet d'une hospitalisation d'office. Les données sont conservées pendant toute la durée de l'hospitalisation et jusqu'à la fin de la cinquième année civile suivant la fin de l'hospitalisation.
« Le représentant de l'État dans le département et, à Paris, le préfet de police, le procureur de la République et le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales et les personnes habilitées par eux peuvent accéder directement, par des moyens sécurisés, aux données à caractère personnel enregistrées dans ce traitement.
« L'autorité judicaire est destinataire des données enregistrées dans ce traitement.
« Le traitement ne fait l'objet d'aucune mise à disposition, rapprochement ou interconnexion avec d'autres traitements de données à caractère personnel.
« II. - Dans le cadre de l'instruction des demandes de délivrance ou de renouvellement d'une autorisation d'acquisition ou de détention de matériels, d'armes ou de munitions des 1ère et 4ème catégories ou de déclaration de détention d'armes des 5ème et 7ème catégories prévues à l'article L. 2336-3 du code de la défense, le préfet du département et, à Paris, le préfet de police peuvent consulter les données à caractère personnel enregistrées dans le traitement prévu au premier alinéa.
« III. - Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, fixe les modalités d'application du présent article. Il précise notamment la nature des données à caractère personnel enregistrées, la nature des données à caractère personnel consultées dans le cadre de l'application de l'article L. 2336-3 du code de la défense et les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d'accès. Il fixe les modalités d'alimentation du fichier national, de consultation et de mise à disposition des données, de sécurisation des informations et en particulier d'habilitation des personnels autorisés à accéder au fichier et à demander la communication des données. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 209, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. L'article 19 tend à fixer les modalités de création du fichier national des personnes ayant fait l'objet d'une hospitalisation d'office.
Il s'agit hélas ! d'un nouveau fichier, un de plus, qui viendra allonger la très importante liste de ceux qui existent déjà.
Bien évidemment, on ne peut que s'en inquiéter. En effet, les individus qui y seront répertoriés seront dorénavant considérés comme des délinquants.
La Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, alarme de façon récurrente le Gouvernement et l'opinion publique sur les dérives inhérentes à ces types de fichiers.
Qu'il s'agisse du système de traitement des infractions constatées ou du fichier national automatisé des empreintes génétiques, on constate une augmentation vraiment dangereuse du nombre de personnes habilitées et du champ d'application.
Ainsi, de plus en plus d'individus sont fichés, avec d'ailleurs de nombreuses erreurs dans le contenu, et toujours plus de personnes peuvent avoir accès aux données, comme l'a rappelé à juste raison mon collègue François Autain.
En l'occurrence, nous sommes au coeur du problème, que nous ne cessons de dénoncer, créé par ces fichiers informatisés. En effet, une fois que ceux-ci sont ouverts, ils deviennent incontrôlables et dépassent systématiquement les objectifs limités qui ont été fixés au départ.
C'est pourquoi la CNIL avait alerté le Gouvernement dès le mois de juin dernier sur le fichier dont il est ici question. Dans son avis, elle avait encouragé le Gouvernement à modifier son texte, en particulier pour réserver l'accès direct du traitement, et non pour autoriser « toute personne habilitée à y accéder », et à en régler les modalités par voie réglementaire.
Malheureusement, le Gouvernement n'a pas tenu compte de ces mises en garde, ce que la CNIL regrette, et nous également, bien sûr.
Par ailleurs, et c'est un autre motif d'inquiétude, le projet de loi ne précise nullement l'étendue des objectifs d'un tel recensement.
Le fichier pourra servir au moment de la délivrance d'une autorisation de port d'armes, mais rien n'indique que son utilisation se limitera à cela.
Ficher les personnes souffrant de troubles mentaux dans le seul objectif de les ficher nous ramène hélas ! à des heures bien sombres de notre histoire.
Pour toutes ces raisons, mes collègues du groupe CRC et moi-même demandons la suppression de l'article 19.
M. le président. L'amendement n° 260, présenté par MM. Godefroy et Peyronnet, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Sueur, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Les fichiers HOPSY gérés par les directions départementales des affaires sanitaires et sociales sont interconnectés entre eux.
Un décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés fixe les modalités d'application du présent article.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. L'article 19 vise à créer un fichier national des personnes hospitalisées d'office.
Bien que l'exposé des motifs du projet de loi tente de nous rassurer sur le contenu et l'utilisation d'un tel fichier, il est évident que ce traitement national des données en matière d'hospitalisation d'office est loin d'apporter les garanties prétendues tant pour les personnes hospitalisées sans leur consentement que s'agissant d'une éventuelle transgression du secret médical.
En effet, si ce fichier n'enregistre que des données à caractère personnel en rapport avec la situation administrative des personnes ayant fait l'objet d'une hospitalisation d'office, il n'en reste pas moins que la police pourra consulter un fichier de personnes étant ou ayant été hospitalisées, ce qui est bien sûr inadmissible.
Non seulement le secret médical n'est pas préservé, mais on imagine aisément comment ce fichier pourra être utilisé dès que se présentera le moindre problème de sécurité. Il est évident que toute personne y figurant sera considérée comme suspecte.
On l'aura compris, le problème posé par le dispositif que l'article 19 tend à mettre en place réside moins dans le contenu du fichier que dans le nombre et dans l'identité des acteurs pouvant accéder directement aux données à caractère personnel enregistrées ou les consulter. Ce qui est préoccupant, c'est le fait que cette possibilité soit largement ouverte pour tout un panel de personnes.
Pire encore, cet accès direct n'est même pas limité à un cadre précis et défini. Et, pour couronner le tout, le projet de loi dispose que « l'autorité judicaire est destinataire des données enregistrées dans ce traitement », ce qui n'est évidemment pas le cas pour le traitement automatisé nominatif HOPSY, géré exclusivement par les directions départementales des affaires sanitaires et sociales, les DDASS.
Il faut garantir l'effectivité des principes de la loi du 27 juin 1990, notamment le principe selon lequel une personne hospitalisée sans consentement en raison de ses troubles mentaux conserve ses droits et ses devoirs de citoyen sans que ses antécédents psychiatriques puissent lui être opposés - c'est l'article L. 3211-5 du code de la santé publique ; il faut également garantir l'effectivité des articles 226-13 et 226-14 du code pénal, qui ont trait au secret professionnel. C'est pourquoi nous vous proposons une nouvelle rédaction de cet article, monsieur le ministre. Pendant un temps, nous avions été tentés de déposer un amendement tendant à supprimer l'article 19, mais nous avons voulu voir si vous accepteriez de discuter de l'une de nos propositions. (M. le ministre sourit.)
L'article 19 est inspiré, nous dit-on, par les actuels fichiers HOPSY départementaux. Or ces derniers nous semblent présenter des garanties satisfaisantes en termes de libertés publiques et de partage de compétences entre les sphères médicale et judiciaire. Par conséquent, au lieu de créer un nouveau fichier, nous vous proposons de nous servir de ce qui existe déjà.
Il s'agirait d'interconnecter - cela nécessiterait évidemment l'accord de la CNIL, mais il doit être possible de l'obtenir - les fichiers départementaux actuels. Un tel dispositif devrait être de nature à répondre aux besoins sans poser de problèmes techniques spécifiques.
S'agissant particulièrement du renforcement du contrôle de la détention d'armes ou de munitions, je me permettrai de signaler aux auteurs de ce projet de loi qu'il existe une circulaire de la direction générale de la santé du 3 mai 2002 relative aux informations détenues par les DDASS communicables aux services de la préfecture dans le cadre de la vérification des autorisations de détention d'armes délivrées au titre du tir sportif et de la défense.
Ce document administratif a pour objet de répondre aux préoccupations de M. le ministre de l'intérieur s'agissant de la détention d'armes et de la vérification systématique des autorisations de détention, mais dans le respect de toutes les précautions qui s'imposent, notamment en ce qui concerne la protection des droits et des libertés des personnes suivies pour troubles mentaux.
M. le président. L'amendement n° 114 rectifié, présenté par Mme Létard, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :
Remplacer les troisième et quatrième alinéas du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 3213-9-1 du code de la santé publique par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Les directeurs départementaux des affaires sanitaires et sociales et les personnes individuellement habilitées et dûment désignées par eux peuvent accéder directement, par des moyens sécurisés, au traitement mentionné dans le premier alinéa.
« Sont destinataires des données enregistrées dans ce traitement à raison de leurs attributions respectives en matière d'instruction et de suivi des mesures d'hospitalisation d'office :
« 1° le préfet du département et, à Paris, le préfet de police, ainsi que les personnes individuellement habilitées et dûment désignées par lui ;
« 2° l'autorité judiciaire ;
« 3° le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales et les personnes individuellement habilitées et dûment désignées par lui. »
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Le fichier national des personnes hospitalisées d'office que l'article 19 tend à créer est institué sous l'autorité du ministre de la santé pour améliorer l'instruction et le suivi des mesures d'hospitalisation d'office prises par les préfets, au vu d'un certificat médical circonstancié, à l'égard des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public.
La mise en place d'un tel fichier, dont le contenu sera précisé par un décret en Conseil d'État, pris après avis de la CNIL, permettra de disposer d'informations sur des hospitalisations intervenues dans un autre département que celui dans lequel est instruite la mesure de placement d'office ou la demande de détention d'armes.
Si la création d'un tel fichier n'est pas illégitime, en particulier s'agissant de la législation sur les armes, elle nécessite toutefois des garanties supplémentaires, en particulier en ce qui concerne la consultation et la transmission des données, compte tenu de la sensibilité des informations enregistrées relatives à la santé mentale des personnes.
À cet égard, dans sa délibération du 13 juin 2006, la CNIL insiste sur la nécessité de proposer au Gouvernement de préciser la rédaction en opérant une distinction claire entre les personnes ayant un accès direct au traitement par des moyens sécurisés, que ce soit en alimentation ou en consultation du fichier, et celles qui seraient destinataires des données enregistrées dans ce traitement à raison de leurs attributions respectives en matière de suivi et d'instruction des mesures d'hospitalisation d'office.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Très bien ! C'est une exigence très raisonnable !
M. Yves Détraigne. Dans sa délibération, la CNIL avait proposé que l'accès direct aux données soit réservé, pour l'alimentation et la consultation, aux directeurs des DDASS et aux agents habilités par eux.
Aussi, cet amendement tient compte de ces recommandations et vise à modifier l'article 19, afin d'apporter deux précisions.
D'abord, seuls les directeurs des DDASS et les agents individuellement habilités par leurs soins peuvent consulter le traitement informatisé.
Ensuite, sont destinataires du fichier, s'agissant uniquement du suivi et de l'instruction des mesures d'hospitalisation d'office, le préfet ou, à Paris, le préfet de police, l'autorité judiciaire et le directeur de la DDASS ainsi que les personnes habilitées par lui.
En revanche, afin d'appliquer efficacement la législation sur les armes, il apparaît utile de maintenir la disposition selon laquelle les préfets et, à Paris, le préfet de police accèdent directement aux données du fichier dans le cadre de l'instruction des demandes de délivrance ou de renouvellement des autorisations d'acquisition et de détention d'armes.
Tel est donc l'objet de cet amendement, qui tend à prendre en compte les observations émises par la CNIL le 13 juin 2006.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 35, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le troisième alinéa du I du texte proposé par cet article pour insérer un article L. 3213-9-1 dans le code de la santé publique :
« Dans le cadre de leurs attributions en matière d'hospitalisation d'office, le représentant de l'État dans le département et, à Paris, le préfet de police, le procureur de la République et le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales ainsi que les personnes individuellement habilitées et dûment désignées par eux peuvent accéder directement, par des moyens sécurisés, aux données à caractère personnel enregistrées dans ce traitement.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 209, 260 et 114 rectifié.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement n° 35 a pour objet, en tenant en partie compte des observations de la CNIL, d'apporter deux garanties supplémentaires s'agissant des conditions d'accès au fichier des personnes placées sous le régime de l'hospitalisation d'office.
D'une part, puisque ce qui va sans dire va encore mieux en le disant, cet amendement vise à préciser que l'accès direct aux informations prévu par le premier paragraphe de l'article 19 n'est possible que dans le cadre de l'hospitalisation d'office.
D'autre part, cet amendement a pour objet de prévoir que ce droit d'accès est ouvert à des personnes « spécialement habilitées et dûment désignées », alors que la rédaction actuelle du projet de loi mentionne seulement des personnes « habilitées ».
S'agissant de l'amendement n° 209 présenté par nos collègues du groupe CRC et qui vise à supprimer la disposition instituant un fichier national des personnes hospitalisées d'office, la commission a émis un avis défavorable, pour plusieurs raisons.
D'abord, les personnes hospitalisées d'office présentent un danger pour l'ordre public et pour la sécurité d'autrui.
Ensuite, la constitution et l'utilisation du traitement informatique sont assorties de plusieurs garanties. En effet, celui-ci reste placé sous l'autorité du ministère de la santé et ne concerne que les hospitalisations d'office, alors que les actuels fichiers HOPSY couvrent l'ensemble des hospitalisations psychiatriques sans consentement, y compris les hospitalisations sur demande d'un tiers.
En outre, il est précisé dans le projet de loi que le fichier ne comprend pas de données à caractère personnel autres que celles qui sont en rapport avec la situation administrative des personnes ayant fait l'objet d'une hospitalisation d'office.
Enfin, le projet de loi prévoit que le traitement ne peut faire l'objet d'aucun rapprochement ou interconnexion avec d'autres fichiers.
L'amendement n° 260 de nos collègues socialistes a pour objet de substituer au fichier national des personnes hospitalisées d'office le principe de l'interconnexion des fichiers HOPSY, qui existent actuellement à l'échelon départemental.
La commission estime que cet amendement suscite à tout le moins trois objections.
D'abord, plusieurs départements ne se sont pas dotés de fichiers HOPSY.
M. Jean-Pierre Godefroy. Ce n'est pas un argument !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Ensuite, la durée de conservation des données est courte : elle n'est que d'une année après la fin de l'hospitalisation.
Enfin, ainsi que je viens de l'évoquer, les fichiers HOPSY concernent toutes les hospitalisations sans consentement.
Le fichier que le présent projet de loi tend à créer présente, au contraire, un caractère national. Les données seront conservées jusqu'à la fin de la cinquième année suivant la fin de l'hospitalisation. Enfin et surtout, le fichier ne concernerait que les hospitalisations d'office. À cet égard, on peut s'étonner que l'amendement de nos collègues socialistes ait pour objet de développer une application qui couvre tous les régimes de l'hospitalisation sous contrainte.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n° 114 rectifié, présenté par M. Détraigne, tend à réserver à la seule DDASS l'accès direct au fichier des hospitalisations d'office, le préfet et l'autorité judiciaire n'étant plus que les destinataires des informations, alors que la rédaction actuelle du projet de loi prévoit qu'ils disposent également d'un accès direct à ce fichier.
L'avis de la commission est défavorable, pour deux raisons essentielles.
D'abord, en matière d'hospitalisation d'office, la DDASS n'exerce qu'un rôle d'instruction et de suivi, alors que le préfet possède le pouvoir de décision.
Ensuite, la DDASS est placée sous l'autorité du préfet dans le département.
Il serait donc paradoxal de réserver l'accès direct au fichier à un service subordonné et chargé d'un rôle d'instruction et d'écarter l'autorité décisionnelle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Concernant l'amendement n° 209, je tiens à signaler que, après discussion avec la CNIL et, d'ailleurs, à sa demande, une disposition a été introduite dans l'article 19 afin d'interdire la mise à disposition, le rapprochement ou l'interconnexion avec d'autres fichiers. Vous êtes donc exaucé, monsieur Bret.
En émettant un avis défavorable sur l'amendement n° 260, je vous évite, monsieur Godefroy, de faire le contraire de ce que vous prôniez au départ. Car, aller au bout de votre travail de réécriture conduirait à prendre le risque de transgresser le secret médical. Or ce n'est pas ce que vous souhaitez.
S'agissant de l'amendement n° 114 rectifié, je souscris tout à fait à l'argumentation du rapporteur. Il me semble de plus important que le préfet et le procureur de la République puissent bénéficier d'un accès direct au fichier, pour les raisons qui ont été évoquées. Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
En revanche, il est favorable à l'amendement n° 35.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour explication de vote sur l'amendement n° 114 rectifié.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. En tant que rapporteur de la commission des affaires sociales, j'ai défendu les dispositions présentées par notre collègue Yves Détraigne, car c'est à juste titre qu'il reprend les préconisations de la CNIL : il n'y a pas lieu de multiplier les possibilités d'accès aux données ni les personnes habilitées.
En revanche, il est évident que tous ceux qui ont besoin de l'être sont destinataires des informations, qu'il s'agisse du préfet ou de l'autorité judiciaire. Il faut également rappeler que cet amendement n'interdit pas au préfet et, à Paris, au préfet de police d'avoir un accès direct en ce qui concerne la détention d'armes, bien au contraire.
L'amendement n° 114 rectifié est très protecteur des personnes et des libertés : j'y suis donc très favorable.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pour résumer cet amendement, vous distinguez des catégories d'agents qui offrent absolument toutes garanties quant à l'accès aux données confidentielles - ce sont les agents des DDASS - et les préfets et l'autorité judiciaire, qui en offriraient beaucoup moins. C'est à peu près ce que vous dites !
On considère donc que les DDASS présentent une garantie absolue et qu'elles peuvent communiquer les données au préfet, dont elles dépendent d'ailleurs...
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Elles le doivent ! C'est le texte actuel !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je ne vois vraiment pas en quoi les DDASS offrent plus de garanties que le préfet ou l'autorité judiciaire. Tout cela me semble un peu paradoxal !
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 35 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 19, modifié.
(L'article 19 est adopté.)
Article 20
Après le troisième alinéa de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ne relèvent pas de ce dispositif les personnes dont les troubles mentaux compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave à l'ordre public. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 210 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 261 est présenté par MM. Godefroy et Peyronnet, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Sueur, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. François Autain, pour présenter l'amendement n° 210.
M. François Autain. Cet article de quelques lignes à peine risque, s'il est adopté, de modifier fondamentalement le modèle français de psychiatrie.
Il dispose en effet que « les personnes dont les troubles mentaux compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public » ne pourront plus désormais relever du dispositif d'hospitalisation sur demande d'un tiers.
Cette disposition introduit donc la création de deux catégories de malades : les « bons » malades mentaux qui souffrent de troubles et qui en sont victimes, et les autres, les « mauvais » malades mentaux, coupables des faits qu'ils pourraient provoquer. C'est un grave coup qui est ainsi porté à l'irresponsabilité pénale des malades mentaux.
En effet, les personnes atteintes de troubles mentaux et qui auraient provoqué des désordres vont se voir privées de toute possibilité de délivrance de soins en accord avec la famille, donc dans un cadre moins coercitif. Pour ces personnes, le seul mode d'hospitalisation sous contrainte possible sera l'hospitalisation d'office, c'est-à-dire une mesure administrative. Ainsi, les personnes atteintes de troubles mentaux ayant porté atteinte à l'ordre public sortent, de fait, du domaine médical pour basculer dans le seul domaine de la sécurité et de la répression. Ces personnes seront donc des délinquants ou des criminels avant d'être des malades, ce qui nie en quelques mots la spécificité de la psychiatrie. C'est pourquoi nous tenons particulièrement à la suppression de cet article.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l'amendement n° 261.
M. Jean-Pierre Godefroy. L'article 20 de ce projet de loi modifie l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, relatif à l'hospitalisation sur demande d'un tiers.
Il s'agit, selon l'exposé des motifs, de mettre fin à la superposition des régimes d'hospitalisation et d'exclure de l'hospitalisation à la demande d'un tiers les personnes dont les troubles portent atteinte à la sûreté des personnes ou, de façon grave, à l'ordre public.
Rappelons que la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation, modifiée par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, tout en posant le principe du consentement des personnes atteintes de troubles mentaux à leur hospitalisation, a aussi prévu l'exception de l'hospitalisation sans consentement selon deux modalités : l'hospitalisation sur demande d'un tiers et l'hospitalisation d'office.
Si ces deux procédures d'hospitalisation sans consentement répondent dans les textes à des critères différents, elles sont, dans la réalité, extrêmement imbriquées. En principe, en cas de menace pour l'ordre public, c'est l'hospitalisation d'office qui s'applique.
Dans la pratique, notamment en cas de crise aiguë, les acteurs de l'urgence soulignent que cette procédure longue à mettre en oeuvre est souvent inappropriée. En règle générale, on constate que l'hospitalisation d'office est aussi souvent considérée comme un ultime recours en raison de son caractère complexe, mais aussi stigmatisant pour le malade.
Quoi qu'il en soit, soulignons-le, dans le cas invoqué pour justifier un tel article, c'est-à-dire celui d'une personne qui s'avérerait réellement dangereuse pour la société, la possibilité de transformer une hospitalisation à la demande d'un tiers en une hospitalisation d'office existe toujours. Cette prérogative appartient au préfet ! Qu'il l'exerce...
On comprend mal alors pourquoi ce projet de loi, sous couvert de protéger le « bon citoyen », remet en cause des équilibres très fragiles entre les différents types d'hospitalisation. Il faudrait un large débat, qui n'est pas ouvert. Il le sera peut-être le 25 septembre, monsieur le ministre !
En outre, ce clivage définitif instauré entre hospitalisation d'office et hospitalisation à la demande d'un tiers ne résiste pas à l'expérience clinique de l'immense majorité des psychiatres, qui se sont d'ailleurs majoritairement prononcés contre un tel projet. Selon les derniers courriers reçus, seize présidents d'associations de psychiatres ont exprimé des remarques très dures sur ce projet de loi.
Dans un communiqué commun daté du 11 septembre, ils s'insurgent contre cet article 20, puisque, en opérant une distinction radicale entre les deux modes d'hospitalisation sous contrainte, « l'exercice de la psychiatrie se trouve déterminé, non plus par l'absence de consentement aux soins, mais par l'absence de trouble potentiel, ou actuel, à l'ordre public. Le soin au malade ne relève plus de règles issues d'un savoir clinique, ou d'un cadre déontologique, mais d'un impératif préalable sécuritaire. »
Encore une fois, si l'existence de différentes procédures peut créer des difficultés d'application, il conviendrait de procéder à une remise à plat des diverses propositions dans la concertation, pour réaliser une véritable réforme de fond, au lieu de recourir au vote de mesures sécuritaires bien moins efficaces et plus dangereuses.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. J'avoue ne pas comprendre le raisonnement de mes collègues communistes et socialistes sur ces amendements.
En effet, les dispositions prévues par le projet de loi me paraissent beaucoup plus respectueuses des libertés que les dispositions actuellement en vigueur. Aujourd'hui, si je comprends bien, vous vous déclarez pleinement satisfaits d'une situation de confusion. En effet, d'une part, des personnes qui devraient être hospitalisées d'office parce qu'elles sont dangereuses pour l'ordre public et pour autrui vont être hospitalisées sur demande d'un tiers et ne feront donc l'objet que d'un contrôle relativement évanescent et, d'autre part, des personnes qui ne sont pas dangereuses pour l'ordre public ni pour autrui vont être hospitalisées d'office, parce que personne dans leur famille n'a demandé leur hospitalisation, et elles feront donc l'objet d'un contrôle que rien ne justifie.
Nous essayons de remettre un peu d'ordre dans ce désordre, non pas de discriminer les « bons » malades mentaux et les « mauvais », ce qui n'a aucun sens, vous le savez bien ! Nous essayons de faire la distinction entre des malades mentaux qui peuvent être dangereux pour autrui et d'autres qui ne le sont pas.
Concernant ceux qui peuvent être dangereux pour autrui, il est relativement logique que la société prenne quelques mesures destinées à sa protection, mais pour ceux qui ne sont pas dangereux pour autrui, cela n'a aucun intérêt ! Le projet de loi rétablit sur ce point la cohérence et il est bien plus respectueux des libertés que l'état actuel du droit.
La commission émet donc un avis radicalement défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Même avis défavorable sur ces deux amendements. La clarification de ces deux procédures n'a jamais été tentée : elle a au moins le mérite d'instaurer un cadre législatif exclusif pour chacune d'entre elles.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Si les choses étaient si claires, si simples et si lumineuses, on ne comprendrait vraiment pas pourquoi l'Union nationale des amis et familles de malades psychiques, l'UNAFAM, se serait autant alarmée de cet article.
M. Xavier Bertrand, ministre. Ce n'est pas vrai ! Je ne suis pas sûr qu'elle vous choisisse comme porte-parole !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, j'ai lu les prises de position publiques de cette association ainsi que celles de nombreux professionnels.
L'hospitalisation d'office, aujourd'hui, reste toujours possible, dans tous les cas prévus par la loi. C'est quand même la réalité.
Vous êtes dans la continuité du postulat de départ : à partir du moment où vous décidez d'ouvrir la concertation après la discussion de ce texte en première lecture, à partir du moment où vous ne voulez pas que les dispositions sur la santé mentale fassent l'objet d'un texte spécifique, à partir du moment où vous acceptez, vous tolérez et, même, vous défendez le fait que ce volet sur la santé mentale ne soit qu'un appendice, un codicille à une loi sur la sécurité, tout est faussé.
Nous en avons ici l'illustration, comme c'est malheureusement le cas à chaque article de la loi. Le présupposé de départ est fallacieux : il entraîne l'incompréhension qu'expriment les associations de familles et la très grande majorité des professionnels.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 210 et 261.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)