Article 21
L'article L. 3213-1 du code de la santé publique est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L. 3213-1. - Le maire ou, à Paris, le commissaire de police, prononce par arrêté motivé, au vu d'un certificat médical ou, en cas d'urgence, d'un avis médical, l'hospitalisation des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l'ordre public, à charge d'en référer dans les vingt-quatre heures au représentant de l'État dans le département.
« Lorsque l'avis médical précité ne peut être immédiatement obtenu, ou lorsque l'arrêté évoqué à l'alinéa précédent a été rendu mais ne peut être exécuté sur-le-champ, la personne en cause est retenue, le temps strictement nécessaire et justifié, dans une structure médicale adaptée.
« En cas de nécessité, le représentant de l'État dans le département prononce cette hospitalisation.
« En cas d'absence de décision prise dans les formes prévues à l'article L. 3213-2, la mesure devient caduque au terme d'une durée de soixante-douze heures, sauf en cas de levée anticipée prononcée par le représentant de l'État dans le département ou, à Paris, par le préfet de police. »
M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 211 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 262 est présenté par MM. Godefroy et Peyronnet, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Sueur, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-François Voguet, pour défendre l'amendement n° 211.
M. Jean-François Voguet. L'article 21 vise à modifier les modalités d'hospitalisation d'office, même si le terme « d'office » disparaît.
En préambule, je tiens à souligner que la disparition de ce terme me paraît regrettable, car il ne s'agit non pas d'une simple hospitalisation, mais d'une hospitalisation sous contrainte, sans le consentement de la personne. C'est pourquoi le terme employé devrait continuer à rendre pleinement compte de la privation de liberté qu'il sous-entend.
Un autre mot disparaît, et c'est bien regrettable : il s'agit du terme « circonstancié », qui précisait la nature du certificat médical. Si cet article est adopté, plus rien n'imposera que le certificat demandé pour l'hospitalisation d'office relate les faits ou l'état pathologique qui motivent cette demande.
Il semble donc qu'un certificat attestant, par exemple, qu'une personne souffre de schizophrénie sera suffisant pour justifier une hospitalisation d'office, même si cette personne n'est pas en crise.
Enfin, un autre point particulièrement gênant - pour ne pas dire plus - est la mise en place de cette « garde à vue » psychiatrique de soixante-douze heures. Les personnes atteintes de troubles mentaux pourront être retenues durant soixante-douze heures, sans être présentées à un psychiatre, dans ce que vous appelez, monsieur le ministre, des « structures médicales adaptées ».
Là encore, il y a matière à s'inquiéter et à s'interroger. À quoi ces structures médicales seront-elles adaptées ? Au respect de la tranquillité publique ou aux soins nécessaires aux malades ? Car les structures peuvent être bien différentes selon les objectifs fixés, d'autant plus qu'il est à redouter que celles-ci ne soient, malheureusement, plutôt adaptées à une prétendue sécurité publique. S'agira-t-il des fameux centres de long séjour sous surveillance pénitentiaire, dont il est longuement question dans le rapport d'information sur les mesures de sûreté concernant les personnes dangereuses établi par MM. Philippe Goujon et Charles Gautier ?
Les atteintes aux libertés individuelles semblent bien réelles. Il est vraiment très regrettable de vouloir soumettre la médecine aux velléités sécuritaires de quelques-uns. Telle est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement visant à supprimer l'article 21.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l'amendement n° 262.
M. Jean-Pierre Godefroy. Mon intervention portera sur les amendements de suppression nos 262 et 265, les articles 21 et 22 portant en effet tous deux sur les nouvelles modalités d'hospitalisation d'office prévues par le projet de loi.
Les dispositions contenues dans ces articles sont certainement les plus attentatoires aux libertés individuelles et les moins respectueuses des droits des malades.
Alors que l'exposé des motifs du projet de loi évoque l'accompagnement « renforcé » des « personnes atteintes de souffrances psychiatriques », par un vilain tour de passe-passe, ces articles confèrent des pouvoirs accrus aux maires et, à Paris, aux commissaires de police, pour les hospitalisations d'office et prolongent de un à trois jours la période d'observation d'un malade en crise, sans plus de contrôle - tout au contraire ! - ni même de garanties pour les patients.
Ainsi, les pouvoirs des maires en matière de déclenchement des hospitalisations d'office, qui sont aujourd'hui temporaires et justifiés par la seule urgence, deviendraient systématiques.
En outre, le certificat médical ne sera plus obligatoirement circonstancié et aucune précision n'est apportée sur son auteur.
Pire, pour les cas faisant l'objet d'un simple avis médical - l'ordre des médecins s'interroge d'ailleurs sur les termes « au vu d'un avis médical » -, aucune spécification n'est donnée sur ce qui relèvera désormais de l'urgence. Aujourd'hui, rappelons-le, la notion d'urgence est limitée au cas de « danger imminent pour la sûreté des personnes », attesté par un certificat médical ou, à défaut, par la « notoriété publique », cas de figure dont nous pouvons bien évidemment nous passer.
Comme si cela ne suffisait pas, l'article va encore plus loin en termes d'atteinte aux libertés individuelles, puisque son deuxième alinéa prévoit que « la personne en cause est retenue » - sans autre forme de procès ! -, « le temps strictement nécessaire et justifié » - sans autre précision ! -, « dans une structure médicale adaptée » - mais l'état de nos hôpitaux psychiatriques, que nous connaissons tous, nous permet-il de disposer, partout, de telles structures ? - dans deux cas : si l'avis médical ne peut être immédiatement obtenu ou si l'arrêté d'hospitalisation a été rendu mais ne peut être « exécuté sur-le-champ » ! On ne peut pas mieux dire !
En d'autres termes, si le médecin contacté est « aux abonnés absents » ou si l'établissement psychiatrique de référence est « complet », le fait de retenir la personne dans une structure médicale adaptée - s'agit-il des urgences des hôpitaux, qui connaissent déjà de grandes difficultés ? - devient donc légitime, sans qu'aucune durée limite ne soit fixée.
Par conséquent, le terrain sécuritaire est, une fois encore, privilégié par rapport au domaine médical. Plus « vicieux » même, on pourra retenir une personne, pour une durée non déterminée, dans une structure médicale - on se demande d'ailleurs de quoi il s'agit ! -, non pas pour la soigner, ni même l'observer, mais, en quelque sorte, pour la « garder à vue ». Se posent, évidemment, tous les problèmes engendrés par les modalités d'exercice d'une contrainte par corps, dont les raisons médicales ne seraient pas avérées, dans un lieu inadapté.
Concernant la période d'observation de soixante-douze heures avant toute prise en charge obligatoire, elle n'apparaît pas scandaleuse si elle permet de limiter le nombre et la durée des procédures de soins sans consentement, à condition - et c'est là toute la difficulté - que cette prolongation de un à trois jours profite effectivement au diagnostic et à l'action thérapeutique. Tout dépend donc de la manière dont elle sera effectuée et organisée et des fins qui seront poursuivies.
On l'aura constaté, l'aspect médical n'étant pas la préoccupation première du ministre de l'intérieur, il ne prévaut pas dans ce texte. On peut donc être sceptique sur les modalités d'application de cet allongement, ainsi que sur le but visé.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, mes chers collègues, d'adopter l'amendement n° 262, qui vise à supprimer l'article 21 du projet de loi.
M. le président. L'amendement n° 171 rectifié, présenté par M. Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, remplacer les mots :
commissaire de police
par les mots :
maire de Paris et par délégation les maires d'arrondissement
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Cet amendement tend à rapprocher le système parisien du droit commun en matière d'hospitalisation d'office, puisque Paris fait exception. La loi prévoit en effet que, dans la capitale, le commissaire de police, et non pas le maire, prononce les hospitalisations d'office.
On comprend bien que, vu la taille de Paris, le maire puisse difficilement se prononcer sur tous les cas d'hospitalisation d'office, mais il existe également des maires d'arrondissement. Il est donc proposé de remplacer l'intervention du commissaire de police par celle du maire de Paris et, par délégation, des maires d'arrondissement.
M. le président. L'amendement n° 263, présenté par MM. Godefroy et Peyronnet, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Sueur, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, remplacer les mots :
en cas d'urgence
par les mots :
en cas de danger imminent
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Concernant l'avis médical et la notion d'urgence en matière d'hospitalisation d'office, il me semble intéressant de se reporter aux recommandations professionnelles de la Haute autorité de santé, datant du mois d'avril 2005.
En effet, si la Haute autorité de santé convient que le maire ou, à Paris, le commissaire de police peuvent ordonner en urgence des mesures provisoires, lesquelles, dans la pratique, prennent le plus souvent la forme d'une hospitalisation d'office, elle recommande que « la décision s'appuie sur un certificat médical, même si la loi ne l'impose pas, plutôt que sur un simple avis ». Elle précise également : « Un médecin peut être mandaté par le maire ou le commissaire de police pour le rédiger, dès que la situation le permet. Le certificat doit mentionner que le patient, par son comportement, constitue un danger imminent pour la sûreté des personnes ou pour l'ordre public. »
Il aurait pu être opportun que les auteurs du projet de loi s'inspirent, pour cet article, des recommandations de la Haute autorité de santé, un certificat médical, même en cas d'urgence, restant préférable à un simple avis, puisqu'il permet de s'assurer que le malade a été vu.
L'amendement n° 263 concerne cette notion d'urgence. En effet, l'article 21 n'en donne aucune définition, ce qui ne nous semble pas concevable, alors même que seul un avis médical est requis dans ce cas. C'est pourquoi nous vous proposons, mes chers collègues, de reprendre une partie de la définition actuelle du code de la santé publique, à savoir la notion de « danger imminent », qui nous semble plus précise, en supprimant le concept de « notoriété publique » que j'évoquais tout à l'heure.
M. le président. L'amendement n° 264, présenté par MM. Godefroy et Peyronnet, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Sueur, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 3213-1 du code de la santé publique.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Selon les termes présentés par l'article 21 pour le deuxième alinéa de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, « lorsque l'avis médical précité ne peut être immédiatement obtenu, ou lorsque l'arrêté évoqué à l'alinéa précédent a été rendu mais ne peut être exécuté sur-le-champ, la personne en cause est retenue, le temps strictement nécessaire et justifié, dans une structure médicale adaptée. »
Cet alinéa méritait, me semble-t-il, d'être lu ou relu, tant il résume à lui seul la teneur du projet de loi en matière d'hospitalisation sans consentement : un amalgame entre troubles mentaux, dangerosité et délinquance ; une instrumentalisation de la psychiatrie et du domaine sanitaire dans son ensemble, tant de ses acteurs que de ses structures, au service d'un contrôle social sécuritaire ; des modifications partielles, sans concertation, improvisées et bâclées de la loi du 27 juin 1990, qui doit pourtant, depuis plus de dix ans, être évaluée et révisée dans sa globalité ; des mesures d'affichage stigmatisantes et inapplicables ou liberticides et inefficaces...
Nous avons déjà dit tout ce que nous pensions de la mise en place de ce que nous ne pouvons qualifier que de garde à vue d'un genre nouveau, conjoncturelle et administrative !
Avant de conclure, permettez-moi, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, de vous poser quelques questions.
Quel sera le statut de cette « personne en cause [...] retenue » ? Quels seront ses droits, ses possibilités de recours ? Lorsqu'il n'y a même pas d'avis médical, elle ne peut être ni un malade, ni un individu ayant fait l'objet d'une interpellation.
Qu'est-ce qui peut bien justifier le fait qu'un simple avis médical - on ne parle même pas de certificat - ne soit pas immédiatement obtenu ? S'agit-il, par exemple, d'un médecin qui ne répondrait pas au téléphone ?
Pourquoi un arrêté d'hospitalisation qui a été rendu ne pourrait-il pas être appliqué ? S'agit-il d'un manque de place dans un établissement psychiatrique ?
Quelle peut bien être cette prétendue « structure médicale adaptée » ? S'agit-il des urgences des hôpitaux ? On n'ose imaginer ce que cela signifierait en termes d'organisation et d'engorgement !
M. le rapporteur pour avis nous a donné une indication, en évoquant dans son rapport « l'infirmerie de la préfecture » ! Est-on bien sûr qu'une telle structure soit adaptée à l'exercice d'une contrainte par corps, qui plus est dans le domaine psychiatrique ? Sans mauvaise plaisanterie de ma part - car il n'y a vraiment pas de quoi rire avec cet article -, je ferai remarquer que les préfectures vont devoir se pourvoir en infirmiers grands et costauds, surtout lorsqu'il s'agira d'attendre qu'une place se libère dans l'hôpital psychiatrique du département !
Mes chers collègues, un peu de sérieux : supprimez l'alinéa que je viens d'évoquer, en adoptant le présent amendement.
M. le président. L'amendement n° 121 rectifié, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :
Au début du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour rédiger le premier alinéa de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, ajouter les mots :
Sans préjudice des droits visés au chapitre Ier du présent titre,
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Il s'agit d'un amendement de précision, qui vise à rappeler que l'hospitalisation d'office doit respecter les droits des personnes hospitalisées visées aux articles L. 3211-1 à L. 3211-13 du code de la santé publique et, en particulier, le droit, pour la personne hospitalisée, de consulter un avocat de son choix, droit mentionné au 3° de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique.
M. le président. L'amendement n° 36, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Compléter le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 3213-1 du code de la santé publique par les mots :
dans les conditions prévues par le premier alinéa
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le projet de loi prévoit que, en cas de nécessité, le préfet peut se substituer au maire pour prononcer l'hospitalisation d'office. Le présent amendement a pour objet de préciser qu'il doit alors se prononcer dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues pour le maire, autrement dit par arrêté motivé, sur certificat médical ou, en cas d'urgence, sur avis médical, et, bien sûr, en respectant les conditions de trouble à l'ordre public et de nécessité de soins.
M. le président. L'amendement n° 90, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Compléter le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 3213-1 du code de la santé publique par les mots :
pour les personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l'ordre public, selon les mêmes modalités que celles définies au premier alinéa
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Cet amendement a été défendu avec talent par M. le rapporteur : je n'ai rien à ajouter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements à l'exception de celui qu'elle a elle-même présenté ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 211, dont l'objet est de supprimer l'article modifiant la procédure d'hospitalisation d'office afin de donner au maire la compétence initiale pour décider d'une telle hospitalisation d'office, la commission a émis un avis défavorable. Elle estime d'ailleurs que, d'ores et déjà, 65 % des hospitalisations d'office ont pour origine une intervention du maire. La commission rappelle que, en l'état actuel de la législation, le maire peut se prononcer sur la seule foi de la notoriété publique, alors que le dispositif mis en oeuvre par le projet de loi est éminemment plus protecteur.
L'amendement n° 262, qui est identique au précédent, se voit opposer le même avis défavorable. L'ensemble des dispositions relatives aux hospitalisations sans consentement auraient leur place, nous dit-on, non pas dans un projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, mais dans un texte spécifique réformant la loi du 27 juin 1990. Or je rappelle que, parmi les personnes hospitalisées sans consentement, se trouvent aussi des personnes dangereuses pour l'ordre public et pour la sécurité d'autrui.
Concernant l'amendement n° 171 rectifié, la commission a également émis un avis défavorable. Le projet de loi tend à rester dans la logique actuelle, selon laquelle, en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, le maire et, à Paris, les commissaires de police peuvent prendre une mesure d'hospitalisation d'office. Ce texte, en consacrant pour une large part les pratiques actuelles, ne doit pas conduire, en ce qui concerne Paris, à un transfert de compétence des commissaires de police vers le maire.
M. Philippe Goujon. Évidemment !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement n° 263 présenté par nos collègues du groupe socialiste vise à prévoir que l'hypothèse dans laquelle l'exigence d'un simple avis médical, et non d'un certificat médical, suffit pour permettre l'hospitalisation d'office vise un danger imminent, et non l'urgence.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement. Elle reconnaît que la notion de danger imminent paraît plus restrictive que celle d'urgence.
Les dispositions relatives aux mesures provisoires que peut prendre actuellement le maire font toutefois référence au danger imminent pour la sûreté des personnes. Cette référence pourrait donc, vraisemblablement, être maintenue.
L'amendement n° 264 de nos collègues socialistes prévoit la suppression de la disposition du projet de loi permettant le placement dans une « structure médicale adaptée » lorsque l'arrêté du maire décidant l'hospitalisation d'office ne peut être immédiatement exécuté.
Cette disposition permet pourtant de surmonter certaines difficultés pratiques, en particulier lorsque la personne hospitalisée d'office ne peut être immédiatement transférée dans un hôpital psychiatrique. En outre, la mesure est encadrée, puisque la personne ne peut être retenue que « le temps strictement nécessaire et justifié ». La structure médicale adaptée nous paraît hautement préférable à un local de police, par exemple. Aussi, la commission est défavorable à cet amendement.
L'amendement n° 121 rectifié de M. François Zocchetto, présenté par M. Yves Détraigne, vise à rappeler que l'hospitalisation d'office doit respecter les droits des personnes hospitalisées du code de la santé publique.
Nous sommes tout à fait d'accord avec cette préoccupation, mais nous estimons qu'elle est satisfaite dans la mesure où les dispositions relatives à l'hospitalisation d'office sont insérées au sein du Livre II du code de la santé publique concernant la lutte contre les maladies mentales. Ce livre s'ouvre par les dispositions relatives aux droits des patients applicables aux deux régimes de l'hospitalisation sans contrainte. Il nous semble peu utile de prévoir un renvoi spécifique à ces dispositions dans le chapitre consacré à l'hospitalisation d'office. C'est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement.
Enfin, la commission est bien évidemment favorable à l'amendement n° 90 de M. About, lequel est similaire à l'amendement n° 36 de la commission des lois.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques n°os 211 et 262 ainsi qu'à l'amendement n° 171 rectifié.
Je m'attarderai un instant sur l'amendement n° 263. À notre sens, il est beaucoup plus restrictif que le texte de l'article. En effet, il limite la possibilité de prononcer par arrêté l'hospitalisation aux « cas de danger imminent » et non plus aux « cas d'urgence ». Cela réduit les possibilités d'accès aux soins pour les malades concernés. C'est pourquoi je demande le rejet de cet amendement.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 264 ainsi qu'à l'amendement n° 121 rectifié.
En revanche, il aurait aimé donner un avis favorable aux amendements n os 36 et 90, mais ce dernier, aussi bien rédigé, deviendrait sans objet si l'amendement n° 36 était adopté.
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote sur les amendements identiques n os 211 et 262.
M. François Autain. L'article 21, notamment les deuxième et troisième alinéas, est particulièrement néfaste, car il permet de retenir une personne jusqu'à soixante-douze heures sur la seule initiative du maire. C'est une dénaturation de la notion de « période d'observation » dont pourtant il se réclame.
En effet, si cette notion est partagée par de nombreux professionnels, ses modalités sont loin de l'objectif de garantie pour les droits de la personne que l'article prétend défendre.
Combiné à l'article 22, l'article 21 aboutit à instituer, sous prétexte d'observation urgente, une possibilité d'internement sans justification médicale pendant vingt-quatre heures. Si les modifications proposées étaient adoptées, l'article L. 3213-1 permettrait en effet au maire, pour retenir une personne en hospitalisation contre son gré « le temps strictement nécessaire », de se dispenser de tout certificat ou avis médical qui, notons-le, n'a même plus à être « circonstancié », notion qui devait pourtant caractériser l'urgence.
M. François Autain. Sachant que, en tout état de cause, le premier certificat médical n'intervient pas avant la vingt-quatrième heure, on mesure l'étendue de l'arbitraire administratif auquel peuvent être soumises les personnes, alors même que, je vous le rappelle, l'exercice du droit de recours n'est pas assuré !
De plus, il faudra attendre soixante-douze heures pour que l'arrêté du maire prononçant l'internement d'office et dépourvu de justification médicale se trouve soumis au contrôle de l'autorité responsable en matière d'ordre public, à savoir le préfet. Ce n'est pas parce que 65 % des hospitalisations d'office actuelles sont précédées de mesures provisoires prononcées par les maires que ceux-ci sont infaillibles !
J'ai sous les yeux une décision sanctionnant l'hospitalisation d'office, sans aucune justification médicale, d'une femme de quatre-vingt-un ans, à la demande du maire d'une commune de la région parisienne, celle de Villemomble pour ne pas la nommer.
Au vu des articles L. 336 et suivants du code de la santé publique, le maire a ordonné l'hospitalisation d'office de la propriétaire à la suite d'un incendie survenu dans la propriété de cette personne. L'arrêté du maire reposait exclusivement sur des motifs d'ordre général, sans aucune référence au cas particulier de l'intéressée, sans mention de l'incendie et sans référence à un certificat médical. La preuve d'un trouble psychiatrique ou de comportement de l'intéressée n'est même pas rapportée. En conséquence, l'internement de dix jours est dépourvu de toute motivation.
Au surplus, aucun soin n'a été prodigué à l'intéressée. Celle-ci a subi un préjudice moral eu égard à son grand âge, au désarroi consécutif à l'incendie survenu en pleine nuit, à la disparition d'objets ou de meubles de son environnement familier et au choc résultant des conditions d'hospitalisation forcée. Ce préjudice a été évalué à 50 000 euros.
Je préfère, pour ma part, à la fois parce que les situations d'urgence rendent difficile l'appréciation exacte des troubles mentaux, et parce que l'hospitalisation sous contrainte constitue une entrave à la liberté fondamentale d'aller et venir, entourer de toutes les précautions nécessaires cette phase d'observation.
Pour ce faire, il faut conserver l'exigence d'un avis médical antérieur à la phase d'observation, lequel pourrait notamment préciser les modalités d'une obligation de soins demandée par le maire, et renvoyer au préfet, à l'issue de la période de vingt-quatre heures - soit à l'issue du premier certificat médical interne - le soin de confirmer ou d'infirmer la période d'observation préalable à l'entrée dans le circuit des hospitalisations sous contrainte.
Il faudrait préciser l'objectif de cette phase qui doit être d'établir un diagnostic et non pas de permettre la « rétention » de la personne, à la convenance du maire.
Ces raisons justifient pleinement, à mon sens, la pertinence de cet amendement de suppression. C'est la raison pour laquelle je le voterai.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°os 211 et 262.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Monsieur Détraigne, l'amendement n° 171 rectifié est-il maintenu ?
M. Yves Détraigne. J'ai été convaincu par le rapporteur que ce projet de loi n'était pas forcément le bon véhicule législatif pour modifier le statut de Paris. Par conséquent, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 171 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 263.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Monsieur Détraigne, l'amendement n° 121 rectifié est-il maintenu ?
M. Yves Détraigne. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 121 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 36.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 90 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 21, modifié.
(L'article 21 est adopté.)