PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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CANDIDATURES À des organismes extraparlementaires
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein du conseil d'administration de la société Radio France, du conseil d'administration de la société France Télévisions et du conseil d'administration de Radio France Internationale.
La commission des affaires culturelles a fait connaître qu'elle propose les candidatures de MM. Jean-François Picheral, Louis de Broissia et Louis Duvernois pour siéger respectivement au sein de ces organismes extraparlementaires.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
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souhaits de bienvenue à une DÉlégation de sénateurs du Burundi
M. le président. Mes chers collègues, il m'est particulièrement agréable de saluer la présence, dans nos tribunes, d'une délégation de sénateurs du Burundi, conduite par M. Gervais Rufyikiri, président du Sénat, qui effectue en France, à notre invitation, une mission d'étude dans le cadre de l'accord de coopération que nous avons signé entre nos deux assemblées.
Cette visite contribue à renforcer nos relations interparlementaires que je souhaite voir se développer, grâce, notamment, à l'action conduite par le groupe interparlementaire présidé par notre collègue Jean-Pierre Cantegrit.
Je forme des voeux, monsieur le président, pour la pleine réussite de votre visite, pour la vigueur du bicamérisme et pour que votre venue fortifie et renforce, s'il en était besoin, les liens qui unissent nos deux pays. (M. le ministre délégué, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
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Secteur de l'énergie
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au secteur de l'énergie.
Rappel au règlement
M. Yves Coquelle. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l'article 36.
Il m'arrive d'avoir de bonnes lectures. Ainsi, dans Le Monde daté du 13 octobre 2006, je lis ceci : « M. Patrick Ollier, le président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, ne cachait pas sa ?colère?, jeudi 12 octobre au matin, après avoir appris par la presse l'opération préparée par François Pinault pour s'emparer du pôle environnement de Suez en s'alliant avec le groupe italien Enel ».
Le Monde cite ensuite les deux phrases suivantes de M. Ollier : « ?Si cette opération devait connaître un début de commencement, cela mettrait à mal tout le travail engagé depuis des mois?, estime le député (UMP) des Hauts-de-Seine, qui n'a pas ménagé sa peine pour convaincre ses collègues de voter le projet de loi sur l'énergie ». Et ce parlementaire ajoute : « Mon devoir, à présent, est de m'assurer du respect de la parole donnée. [...] Le ministre de l'économie, Thierry Breton, s'était engagé à revenir début décembre devant la commission pour faire le point sur le projet de fusion entre GDF et Suez dès que le périmètre en aurait été établi. Ce sera à lui de s'expliquer sur les événements nouveaux qui auront pu intervenir. Celui-ci en est un. Nous avions prévu une fusion dans un certain contexte. Si le contexte change, il faudra évidemment revoir ce que nous avions prévu. »
M. Robert Bret. Eh oui !
M. Yves Coquelle. Ne croyez-vous pas, monsieur le ministre délégué, qu'il faut tirer les enseignements de ces événements et interrompre notre débat ?
M. Robert Bret. Il faut faire vite !
M. le président. Monsieur Coquelle, acte vous est donné de votre rappel au règlement.
Motion d'ordre
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la clarté de notre débat, et avec l'accord de tous les représentants des groupes politiques, je vous propose d'examiner séparément l'amendement n° 216, déposé par nos collègues du groupe CRC, tendant à la suppression de l'article 1er du projet de loi. Il s'agit ainsi d'éviter la mise en discussion commune automatique des quatre-vingt-deux amendements déposés sur cet article.
Cette proposition a pour objectif de fluidifier et de clarifier le débat en procédant à la discussion de petits groupes d'amendements portant sur des sujets bien précis, mais en aucun cas de faire retirer l'un ou l'autre de ces amendements.
M. Robert Bret. Et s'agissant des propos de M. le président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, monsieur le rapporteur ?
Articles additionnels avant le titre Ier (suite)
M. le président. Nous reprenons la discussion des articles.
L'amendement n° 212, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le service public de l'énergie a pour objet de garantir la cohésion sociale nationale, en assurant le droit au gaz et à l'électricité pour tous, en contribuant à la lutte contre les exclusions, au développement équilibré du territoire ainsi qu'à la recherche et au progrès technologique.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Aujourd'hui, sur notre territoire national, environ 10 000 communes sont raccordées au gaz. L'approvisionnement de ces communes couvre environ 75 % de la population française.
Les efforts de GDF ont donc été importants pour que l'accès à cette énergie, qui a longtemps été une énergie bon marché, profite au plus grand nombre, soit directement par les réseaux, soit grâce au système des bonbonnes ou des traditionnelles bouteilles de gaz.
Cependant, l'effort n'est pas terminé, et devrait donc être poursuivi.
Un audit réalisé par Gaz de France a révélé que 5 000 communes demandent aujourd'hui leur raccordement au réseau de distribution de gaz.
Chacun s'accordera à considérer qu'il s'agit là d'un enjeu d'aménagement du territoire de grande dimension, et de ses corollaires, en termes tant de lutte contre les exclusions sociales que de progrès partagé. Une telle extension porte également en elle des enjeux industriels, technologiques et commerciaux qu'il ne faudrait pas négliger.
Mais quand le réseau de distribution est menacé d'éclatement, comme c'est prévu aux articles 6 et 8 du projet de loi, le risque est grand de voir freiner ce développement attendu de l'approvisionnement en gaz sur le territoire national.
Il est connu que les coûts de raccordement au réseau sont variables. Ainsi, un raccordement en montagne est plus coûteux qu'un raccordement en plaine. De même, le raccordement d'une ville de taille moyenne est, à long terme, plus rentable que celui d'un petit village. Nous le savons tous, et ces réalités s'imposent à nous en de multiples domaines et fondent le principe de péréquation.
Ce principe, étroitement lié à celui de solidarité, est à la base de notre République, dont l'objectif toujours réaffirmé est l'égalité des droits pour tous et en tout lieu. Il « vit » donc dans des secteurs aussi différents que l'éducation, la santé et le logement. En fait, il serait plus juste de dire qu'il « devrait vivre », tant il est mis à mal depuis de nombreuses années.
S'agissant du gaz, le principe de péréquation correspondait encore à une réalité. Or, avec ce projet de loi, vous allez une nouvelle fois restreindre son champ d'application et, finalement, le faire disparaître partout et pour tous, mettant à mal dans la réalité toute notion de cohésion nationale.
Le système de péréquation des coûts de distribution qui a prévalu jusqu'alors a pourtant permis à GDF d'équilibrer le coût de ses investissements sur l'ensemble du territoire. Sa gestion nationale de la distribution s'est ainsi faite au bénéfice de l'égalité entre les usagers, où qu'ils se trouvent sur le territoire national, tout en restant pourtant rentable. Ainsi, chaque commune raccordée a accès au réseau de distribution pour un coût moyen égal pour tous.
En mettant fin à la péréquation, vous menacez cet équilibre.
Ce qui se profile, c'est le positionnement d'opérateurs dans les zones où le coût de la distribution est le plus intéressant, au détriment des zones peu rentables, dont le raccordement au gaz sera compromis !
Avec cet amendement, nous tenons à réaffirmer par la voie législative que le service public de l'énergie a aussi pour objet de garantir l'approvisionnement en électricité et en gaz sur l'ensemble du territoire national, dans le respect de l'intérêt général.
À la veille de la disparition de GDF, il est bon de rappeler ce principe et de nous assurer que cette mission de service public, essentielle à la nation, perdurera. C'est pourquoi nous voulons inscrire le principe de péréquation dans la loi.
Comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, selon une tradition bien établie, de « bonnes paroles » figurent dans des lois précédentes. Il s'agit sans nul doute d'un enrobage destiné à faire « passer la pilule ».
Mais aujourd'hui, nous sommes dans un nouveau contexte : à la suite de la privatisation, et sous l'influence des actionnaires, la pratique sur le terrain n'aura plus grand-chose à voir avec ces belles paroles.
C'est pourquoi nous insistons encore, en ce début d'après-midi, sur ces grands principes édictés à l'issue de la Seconde Guerre mondiale et qui ont fait leurs preuves pendant une soixantaine d'années, car nous pensons que cela vaut la peine d'attirer l'attention du peuple français sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. - M. Jean Desessard applaudit également.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je ferai deux observations.
Premièrement, cher Gérard Le Cam, vous savez bien que le droit au gaz n'existe pas sur l'ensemble du territoire national : quelque 11 millions de foyers étaient raccordés au gaz. Nous savons tous que l'on n'ira pas beaucoup plus loin, même si les collectivités locales s'investissent à cet égard.
Pour faire bénéficier le plus grand nombre de personnes du droit au gaz, mieux vaut utiliser le propane que d'étendre encore des réseaux très coûteux.
Deuxièmement, s'agissant de la rédaction proposée dans votre amendement, je souhaite citer l'article 1er de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, présentée par le gouvernement de M. Jospin et défendue à l'époque par M. Christian Pierret, secrétaire d'État à l'industrie : le service public de l'électricité « concourt à la cohésion sociale, en assurant le droit à l'électricité pour tous, à la lutte contre les exclusions, au développement équilibré du territoire dans le respect de l'environnement, à la recherche et au progrès technologique, ainsi qu'à la défense et à la sécurité publique. »
Mes chers collègues, il n'est pas utile d'écrire la même phrase dans chaque texte qui nous passe entre les mains !
Monsieur Le Cam, le souhait que vous exprimez au travers de votre amendement est satisfait, et votre inquiétude n'a donc pas lieu d'être.
Je vous demande par conséquent de bien vouloir retirer l'amendement n° 212. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Le Cam, l'amendement est-il maintenu ?
M. Gérard Le Cam. Je le maintiens d'autant plus que le service public est fortement mis en cause, tant par les directives européennes que par la privatisation de GDF. Dans la mesure où il n'a plus de valeur profonde, nous demandons sa réinscription dans le texte de la loi.
M. le président. L'amendement n° 213, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Un rapport est déposé devant le parlement au plus tard le 1er juillet 2007 relatif aux nouvelles technologies en matière de production de gaz, notamment à partir du charbon.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. On ne saurait débattre de l'avenir du secteur de l'énergie sans parler du retour en grâce du charbon, source d'énergie pourtant tombée en désuétude en France à la fin des années quatre-vingt et qui, conséquence directe du prix du pétrole et de sa raréfaction, tel le sphinx, renaît de ses cendres.
Ainsi, la crise structurelle pétro gazière à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui démontre combien la liquidation de la production nationale, conduite sous prétexte du contre-choc pétrolier de 1986, fut une aberration.
Rappelez-vous, mes chers collègues : tout a commencé par un comparatif entre le prix de la tonne du charbon en France et en Afrique du Sud, et s'est conclu, après maints engagements, incertitudes, propositions des gouvernements successifs, par le précepte qu'il fallait mieux payer un chômeur qu'un mineur. Et de conclure que l'ère « Germinal » était révolue.
Pourtant, le projet nivernais tout comme le projet aveyronnais justifient pleinement le combat mené par les syndicats et les ouvriers des mines, par les populations et les élus des communes minières, qui défendaient le maintien de l'exploitation charbonnière. En effet, aujourd'hui, nous est annoncé, sous couvert du concept d'innovation, un projet de mine à ciel ouvert, mis en chantier dans la Nièvre, accompagné de la construction d'une centrale thermique sur le même site.
De même, la société des ressources minières du Massif central appartenant à un grand groupe britannique veut exploiter dans les meilleurs délais la concession qu'elle a achetée en 2003 par arrêté ministériel.
Dès lors que l'exploitation du charbon est assurée par Suez ou autre grand groupe privé, et non plus par une entreprise d'État, vous n'hésitez plus à parler d'innovation, et ce bien que les deux projets en question aient la particularité d'être des exploitations à ciel ouvert, vecteurs d'une pollution obligée, et donc contraires au respect de l'environnement et au développement durable que nous avons inscrits dans une Charte visée par le préambule de la Constitution.
Mais, à l'évidence, cette dichotomie ne vous heurte pas, chers collègues de la majorité sénatoriale. Comment peut-on parler de projet innovant, alors que, voilà deux ans encore, ceux qui prônaient le maintien des mines - certes en travaillant à une utilisation propre du charbon et en développant la recherche en ce sens - étaient étiquetés de « ringards », de « vieux passéistes », arc-boutés sur une histoire ancienne ?
Force est de constater que ceux qui avaient tort hier ne s'étaient donc pas trompés. Il fallait les faire taire, non parce que leur discours était inopportun, mais parce qu'ils voyaient juste ! À l'évidence, il s'agissait tout bonnement de créer les conditions de fin de monopole public pour offrir au secteur privé les importantes richesses minières du sous-sol national. J'en veux pour preuve l'exemple, dans mon département, de la fermeture anticipée des Houillères de Provence à Gardanne, en 2004.
Lorsque l'on a séparé la centrale de la mine, les plus clairvoyants dénonçaient la volonté de mettre en déséquilibre financier la mine pour mieux justifier sa fermeture et permettre ainsi la privatisation de la centrale. L'histoire confirme cet objectif, et ce au détriment tant de l'intérêt national, de l'industrie nationale, que des mineurs et de leurs familles.
En effet, aujourd'hui, la centrale thermique de Gardanne est propriété d'Endesa, opérateur espagnol, lui-même objet d'une OPA hostile de la part d'un opérateur allemand, E.ON. Et comble d'ironie, c'est le même directeur, chargé de la fermeture anticipée des Houillères de Provence à Gardanne, qui pilote à présent le projet d'ouverture de cette mine dans la Nièvre !
Quel gâchis ! Combien de mines fermées ? Combien d'ennoyages de galeries ? Combien de régions ne se sont pas encore remises des conséquences redoutables, d'un point de vue social, humain, industriel et économique, de ces fermetures ? Et au final, on reconnaît que le charbon est une énergie principale, source de 40 % de l'électricité mondiale, et qu'il est à l'origine des plus grandes réserves de combustible fossile !
Face à l'épuisement des ressources d'hydrocarbures, les énergies de l'atome et du charbon sont les seules ressources non renouvelables qui perdureront au-delà du XXIe siècle. Aujourd'hui, de grands groupes industriels bâtissent des projets pour rouvrir les mines. L'État les y aide et, entre-temps, le statut des mineurs est passé en pertes et profits.
En effet, dans le même temps, monsieur le ministre, les mineurs, à qui l'on demande de patienter plus encore, sont toujours dans l'attente de voir leurs droits maintenus, garantis et honorés.
En effet, si les droits des mineurs ont bien été garantis par le législateur et si les dotations de l'État ont été respectées, il n'en demeure pas moins que de graves dysfonctionnements pénalisent les mineurs et leurs ayants droit. En effet, l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs n'est toujours pas parvenue, deux ans plus tard, à verser aux intéressés l'intégralité des prestations qui leur sont dues à la suite de la cessation d'activité des entreprises minières.
Sont à déplorer des retards de paiements, l'absence de prise en compte dans le recensement de 2001 de droits acquis et d'accords verbaux pourtant reconnus, ou encore des problèmes relatifs aux charges locatives et au logement.
Pour conclure, il est important de souligner que l'indépendance énergétique doit être un objectif de la politique énergétique de la France et, plus largement, de celle de l'Europe.
On l'a dit depuis le début du débat, seule la création d'un pôle public de l'énergie permettrait de répondre aux besoins de tous et de stimuler un développement durable et solidaire respectueux de l'environnement.
Il est essentiel et urgent de soustraire le secteur de l'énergie à l'économie concurrentielle.
L'importance de ces questions nécessite qu'une étude complète soit menée sur ce dossier du charbon. C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, nous vous demandons d'adopter notre amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, ce qui ne signifie pas qu'elle soit hostile aux nouvelles technologies et, plus particulièrement, à la production de gaz à partir des anciennes mines de charbon. Je crois d'ailleurs que ce sujet mérite d'être développé. Ce à quoi la commission est défavorable, c'est au dépôt d'un rapport supplémentaire.
Il se trouve, cher Robert Bret, que M. Thierry Chambol a remis voilà quelques mois aux ministres de l'économie, de l'écologie et de la recherche un rapport consacré aux nouvelles technologies de l'énergie, qui envisage les différentes options possibles en la matière. J'ai d'ailleurs utilisé certains de ses éléments dans mon propre rapport.
Monsieur le ministre, j'ai peur que notre pays ne finisse par mourir sous la multiplication des rapports ! Qu'à l'occasion d'un débat comme celui d'aujourd'hui nous utilisions le fruit de ce travail est une bonne chose ; mais de là à refaire tous les six mois un nouveau rapport, nous y sommes beaucoup moins favorables.
Au cours du débat ont été cités deux projets tout à fait intéressants, l'un dans le Nord-Pas-de-Calais, l'autre dans les Bouches-du-Rhône. Mais, à ma connaissance, aucun des projets de réouverture de mines - et M. le ministre nous le confirmera - n'est soutenu par le Gouvernement ou par l'État. Le seul projet est privé. Situé dans la Nièvre, il suscite d'ailleurs pas mal d'hostilité.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Monsieur Bret, il ne nous semble pas nécessaire d'élaborer un rapport supplémentaire.
En revanche, sur le fond de la question, je suis très intéressé par votre proposition et vos réflexions. Élu d'une région qui a bien connu les mines et l'exploitation du charbon, vous êtes forcément sensible à l'actuelle évolution du contexte énergétique mondial.
L'une des conclusions du récent sommet franco-allemand est de travailler ensemble au charbon propre. La France importe 22 millions de tonnes de charbon. Dans la sidérurgie, le charbon est un produit indispensable, celui qui apporte le carbone. Il sert aussi pour produire de l'électricité dans des centrales utilisées à la pointe, et que la direction d'EDF est plutôt encline à remplacer progressivement par des centrales au gaz.
Le problème du charbon par rapport à l'environnement est sa production énorme de gaz à effet de serre : 0,9 tonne de CO2 pour un mégawattheure produit à partir de gaz, contre 0,4 tonne de CO2 pour un mégawattheure produit à partir de charbon. Quelqu'un qui aurait un projet de transformation de charbon en électricité devrait donc être en mesure d'acheter les tonnes de CO2 nécessaires, qui sont plus importantes que celles de gaz.
Tel est aujourd'hui le contexte dans lequel on peut imaginer des utilisations supplémentaires du charbon en France. Nous avons aujourd'hui connaissance de deux projets, l'un à l'état de demande de concession, l'autre, situé dans l'Ariège, pour lequel la concession existe.
Ces projets, qui ne sont en aucun cas publics, ne répondent même pas à une demande particulière. Au fur et à mesure que les pétitionnaires feront connaître leurs intentions, ils auront à s'expliquer, ce qui sera beaucoup plus riche en informations qu'un nouveau rapport déposé au Parlement.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 213.
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour explication de vote.
M. Yves Coquelle. Je voterai, bien sûr, l'amendement présenté par mon ami Robert Bret.
Je veux m'exprimer sur le problème de fond, en évoquant le cas du Nord-Pas-de-Calais, région qui compte deux cents ans d'exploitation charbonnière.
Toutes les mines ont été comblées, mais plus ou moins bien. Des millions de mètres cubes de gaz stockés au fond de la mine sont actuellement utilisés par Gazonor pour alimenter des usines, lesquelles emploient des salariés.
Or j'apprends que Charbonnages de France s'apprête à liquider ce patrimoine au plus offrant. J'attire votre attention sur le fait que, en dehors des aspects économiques, il y a des aspects de sécurité. Qui connaît mieux les gisements de charbon du Nord-Pas-de-Calais que les ingénieurs qui y ont travaillé et qui dirigent maintenant Gazonor ? Je voudrais vous sensibiliser à ce problème très important pour notre région.
M. le président. L'amendement n° 214, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le titre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Chaque fournisseur, chaque opérateur, chaque distributeur participe au financement des efforts de recherche dans le domaine des gaz combustibles (production, transformation, transport, distribution, stockage, utilisation, technologies associées). Pour chacun, l'effort financier pour l'année N doit être a minima égal à 3% de la valeur ajoutée de l'année N-1 réalisée dans leur activité gazière, dont 0,5% est consacré à la recherche fondamentale.
II. - Les fonds correspondants peuvent être utilisés à des activités de recherche sur les gaz combustibles au sein même de l'entreprise et/ou d'une de ses filiales et/ou dans un organisme de recherche créé ou géré en coopération avec d'autres entreprises gazières et/ou dans un organisme de recherche publique.
III. - La Commission de régulation de l'énergie veille au respect de ces dispositions. En cas de non-respect, elle en informe les ministres chargés de l'énergie et de la recherche qui prennent les mesures nécessaires.
IV. - Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article.
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Cet amendement porte sur le financement des efforts de recherche dans le domaine des gaz combustibles.
En application des articles 2 et 3 du projet de loi du 8 avril 1946, EDF et GDF se sont vu confier des activités d'ingénierie et de recherche.
Or le présent projet de loi, pas plus que tous les autres textes que nous avons pu examiner ces dernières années, ne précise nulle part qu'EDF et GDF peuvent avoir un rôle moteur des activités dans ces domaines essentiels pour l'avenir de notre pays.
Cela nous semble particulièrement grave à l'heure où la situation détériorée des marchés énergétiques appelle, sans la moindre équivoque, qu'un effort particulièrement vigoureux, et quasi volontariste, soit accompli en ces domaines.
De plus, comment ne pas rappeler que nous sommes liés parl'atteinte d'objectifs environnementaux qui devraient largement nous inciter à rechercher le plus possible des solutions énergétiques respectueuses du devenir de l'environnement ?
Par cet amendement, nous souhaitons mettre en particulier l'accent sur le rôle actuel d'EDF en matière de recherche. Ainsi, le budget consacré à la recherche par cet établissement public s'élevait, en 2004, à 395 millions d'euros, hors coûts induits, soit 1,3 % du chiffre d'affaires et 2,5 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise.
Cet effort de recherche global, certes important, tend à stagner depuis plusieurs années, ce qui est grave. Cela se comprend dans un contexte où la direction de l'entreprise, malgré l'affirmation de valeurs distinctes des seules logiques libérales, tend à se complaire à satisfaire d'abord et avant tout les actionnaires minoritaires entrés dans le capital de l'entreprise publique.
Promouvoir une culture d'entreprise pour affaiblir la culture de service public à laquelle les agents sont particulièrement attachés, tel est, qu'on le veuille ou non, le projet qui se met en oeuvre.
De fait, EDF, après avoir mené une course folle aux acquisitions externes souvent dénuées de toute logique industrielle, se retrouve avec un budget consacré à la recherche diminué de 20 % depuis 1999.
Ces choix stratégiques imposés par des dirigeants spécialistes du pilotage à courte vue ont eu pour conséquence la suppression de laboratoires expérimentaux, uniques en Europe, qui menaient des recherches de pointe en matière d'expérimentation sur le réseau ou de qualification des matériels de sûreté du nucléaire.
Ces compétences sont ignorées.
Le Gouvernement prétend inscrire des objectifs de recherche et développement dans les contrats de service public passés avec les entreprises et s'assurer, entre autres choses, de l'atteinte d'objectifs d'une stratégie plus globale de développement durable et soutenable, mais de telles affirmations ne peuvent trouver cohérence et mise en oeuvre sans moyens conséquents.
Pour notre part, nous proposons que l'effort financier en matière de recherche de chaque fournisseur, de chaque opérateur et de chaque distributeur soit au moins égal pour l'année n à 3 % de la valeur ajoutée de l'année n-1.
Une telle disposition permettrait non seulement de préserver les compétences d'EDF, mais également de les renforcer.
En outre, elle participe de notre volonté de sauvegarder le patrimoine qui appartient à la nation, et non à l'État, et dont font partie ces compétences sans lesquelles nos entreprises n'auraient pas pu atteindre, dans certaines filières industrielles, un niveau d'excellence reconnu sur le plan mondial.
Se priver progressivement de telles compétences placerait l'entreprise dans une voie sans issue. EDF et GDF ont au contraire besoin de recherche sur le très long terme.
Enfin, de manière incidente, cet amendement conduirait chacun des opérateurs intervenant dans le domaine de l'énergie sur le territoire national à participer à la mise en oeuvre de la recherche dans ces domaines essentiels pour le devenir à la fois économique et environnemental de la planète.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur Coquelle, tout d'abord, il s'agit d'un domaine dans lequel l'intervention de la loi n'aurait pas beaucoup d'efficacité.
Ensuite, mon cher collègue, croyez-vous sincèrement qu'EDF et GDF vous aient ou nous aient attendus ? Dans les secteurs où la technologie est importante, il y a bien longtemps que les entreprises, seules et sans que le législateur ait eu à les y obliger, consacrent des efforts particuliers à la recherche, et c'est heureux !
M. Yves Coquelle. Jusqu'à maintenant !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Plus particulièrement, puisque votre amendement vise la recherche en matière de gaz, permettez-moi de préciser que Gaz de France compte actuellement près de 590 collaborateurs qui s'y consacrent et que 40 % des ingénieurs qu'il recrute y sont destinés.
Gaz de France joue un rôle majeur dans la recherche énergétique à l'échelle européenne et figure parmi les leaders mondiaux de la recherche gazière ; il a notamment établi des partenariats particulièrement originaux avec le CNRS, comme d'ailleurs beaucoup d'entreprises ayant une activité technologique, mais aussi avec les grandes écoles et les universités.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. Yves Coquelle. Il n'empêche que le budget de la recherche de GDF est en régression !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Monsieur Coquelle, la recherche dans le domaine énergétique, en particulier chez EDF et GDF, est en effet indispensable. Il est normal et nécessaire que des orientations scientifiques soient définies et dotées des moyens suffisants pour assurer leur mise en oeuvre.
Nous avons ainsi prévu de préciser, dans le cadre du contrat de service public de chacune des deux entreprises, les thèmes sur lesquels les recherches devront être particulièrement poussées. Par exemple, toutes les questions relatives au démantèlement d'installations nucléaires ou aux déchets nucléaires doivent clairement être parfaitement maîtrisées par EDF. De la même façon, Gaz de France doit avoir à sa disposition les compétences et les connaissances nécessaires pour mener à bien ses activités de recherche, qu'il s'agisse de recherche en amont ou de recherche tout court.
Cela étant dit, si la recherche est indispensable, la bonne méthode pour obtenir que les entreprises s'y consacrent n'est pas de leur imposer des « tarifs » ou des « quantités » de recherche à conduire. L'expérience prouve que ce sont les entreprises qui gèrent une activité qui sont les mieux à même de mener la recherche liée à cette activité.
À l'échelle nationale, les dépenses de la France pour la recherche atteignent 2,2 % du produit intérieur brut, la recherche privée représentant entre 1,2 % et 1,4 % environ de ce même PIB. Ces taux sont sûrement améliorables, mais il n'en reste pas moins que nous devons cette part de 1,4 % à la recherche privée française. Je ne doute pas que même une entreprise dans le capital de laquelle l'État n'est plus majoritaire continuera à avoir à coeur de conduire les recherches nécessaires pour assurer la qualité de ses investissements et son futur.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. J'abonde dans votre sens, monsieur le rapporteur : dans les domaines que vous avez cités, notamment le traitement des déchets - les déchets de toute nature d'ailleurs, y compris les déchets ménagers -, Gaz de France est à la pointe des compétences et des techniques, par exemple pour la méthanisation.
C'est justement ce qui m'amène à m'interroger sur la question de la propriété industrielle et du retour sur investissement. En effet, si Gaz de France est privatisé, une partie de tout ce savoir-faire et de ces brevets va passer dans une société privée sans que l'État n'ait de retour sur investissement.
M. Yves Coquelle. Bien sûr !
M. Daniel Raoul. Le problème se pose d'ailleurs dans les mêmes termes s'agissant des efforts de notre pays en faveur de son enseignement supérieur : pour reprendre une formule historique d'un goût douteux, si nous formons de bons docteurs, d'autres pays ont, eux, les moyens de les acheter ! S'il est parfaitement normal que la France investisse pour ses étudiants, notamment dans les bourses « post-doc », on peut quand même légitimement se demander où passe exactement cet investissement.
M. Gérard Le Cam. C'est vrai !
M. Daniel Raoul. Il s'agit d'un véritable problème, qui devrait sans doute être traité non pas seulement au niveau français mais aussi au niveau européen.
M. le président. L'amendement n° 215, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le domaine énergétique, les missions de service public de l'électricité et du gaz doivent être réalisées par des agents assujettis au statut du personnel des industries électriques et gazières défini par le décret n° 461541 du 22 janvier 1946. En particulier, le personnel nécessaire à l'exploitation, à la maintenance et aux améliorations des centrales de production d'électricité d'origine nucléaire doit, dans son ensemble, être assujetti à ces dispositions statutaires.
En ce qui concerne les salariés dont l'activité sur ces centrales est occasionnelle, ils doivent disposer de garanties sociales de haut niveau dont la base minimale est constituée par le statut des industries électriques et gazières.
Les questions de conditions de travail et de santé au travail doivent être examinées au sein d'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail unique pour tous les salariés sur chaque site nucléaire.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Cet amendement porte sur le statut des personnels des industries électriques et gazières, les IEG, notamment ceux qui travaillent dans les centrales nucléaires. Tous ces personnels, y compris ceux qui y travaillent de façon occasionnelle, doivent être assujettis aux dispositions statutaires.
Comme nul ne l'ignore, les établissements de production d'énergie d'origine thermonucléaire sont des établissements répondant à des règles tout à fait spécifiques de sécurité.
Nous avons d'ailleurs parlé de cette question encore récemment, notamment dans le cadre de la discussion de la loi sur la sécurité nucléaire, puisque l'article 39 de cette loi a notamment permis de réaliser quelques avancées sur la question de la constitution de structures paritaires de site en matière d'hygiène et de sécurité.
Je cite les termes du premier paragraphe de cet article 39, qui modifie le code du travail : « Dans les établissements comportant une ou plusieurs installations nucléaires de base, le comité est informé par le chef d'établissement de la politique de sûreté et peut demander au chef d'établissement communication des informations mentionnées à l'article 19 de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire. Le comité est consulté par le chef d'établissement sur la définition et les modifications ultérieures du plan d'urgence interne mentionné à l'article L. 1333-6 du code de la santé publique. Il peut proposer des modifications de ce plan au chef d'établissement qui justifie auprès du comité les suites qu'il donne à ces propositions. »
Au demeurant, ces avancées législatives, dégagées dans des conditions de discussion pour le moins surprenantes - je rappelle que le Gouvernement avait expressément souhaité que le texte soumis au Sénat en deuxième lecture soit adopté conforme, et il s'en est donc fallu de peu pour que ces avancées n'aient pas lieu -, ne permettent pas, à notre avis, d'aller jusqu'au bout de la logique.
En effet, si les questions de conditions de travail et de santé au travail seront désormais, dans tous les cas, examinées au sein d'un comité d'hygiène et de sécurité unique pour tous les salariés sur chaque site nucléaire, les différences de statut et de traitement entre les salariés de l'exploitant de l'installation - pour ce qui nous concerne, il ne peut s'agir que d'EDF, puisque aucun autre opérateur ne dispose pour l'heure de la moindre capacité de production sur le territoire national - et ceux des entreprises sous-traitantes ne sont pas réglées.
Il importe donc que des dispositions extrêmement précises soient prises pour que cette divergence de traitement ne perdure pas inutilement, d'autant que certains des sous-traitants ont parfois beaucoup à voir avec l'exploitant.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur Billout, je ne partage pas du tout l'affirmation que vous venez d'émettre, selon laquelle tous les personnels travaillant dans les centrales nucléaires, y compris ceux qui accomplissent des travaux de sous-traitance occasionnels, devraient relever du statut du personnel des IEG, affirmation qui va d'ailleurs au-delà de l'amendement lui-même. Ce dernier est en effet un peu moins exigeant puisqu'il vise à accorder aux salariés dont l'activité dans les centrales est occasionnelle des « garanties sociales de haut niveau ».
Je rappelle que la règle - et c'est une bonne règle - est que le statut du personnel des IEG s'applique dès lors que l'objet de l'activité principale de l'entreprise est l'énergie. Modifier cette règle remettrait en cause tout l'équilibre.
En outre, monsieur Billout, le statut du personnel des IEG n'est pas nécessairement le meilleur de tous les statuts. Certains salariés qui travaillent chez Total, par exemple, n'aimeraient sans doute pas du tout quitter le statut de personnel des exploitations minières et assimilées pour celui de personnel des IEG.
Chaque statut a ses avantages et ses inconvénients. Certes, le statut du personnel des IEG est un bon statut, et je comprends qu'on veuille le protéger, mais je ne suis favorable à son application que lorsque l'activité principale de l'entreprise est l'énergie.
D'ailleurs, pour siéger au Conseil supérieur de l'électricité, qui se réunit régulièrement pour examiner les décrets que nous envoie pour avis le ministre ou pour voter, je puis vous assurer que même les représentants des syndicats ne demandent pas son extension : ils veillent à ce que les salariés qui en bénéficient aujourd'hui le conservent et à ce que l'on n'y touche pas, sauf éventuellement à l'améliorer, mais ils ne demandent pas la remise en cause de l'équilibre national qui s'est installé, notamment quant au partage qui peut s'opérer dans les entreprises ayant des activités à la marge du secteur de l'énergie.
J'ajoute que lors d'aucune des auditions auxquelles j'ai participé je n'ai entendu une telle demande exprimée par les représentants des syndicats, qu'il s'agisse des syndicats nationaux ou des syndicats d'entreprise. Cela confirme que l'équilibre auquel on est parvenu est un bon équilibre : n'y touchons pas.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Je suis bien sûr tout à fait d'accord avec M. le rapporteur.
Puisque cet amendement portant sur le statut des salariés est en partie motivé par des raisons de sécurité, je veux simplement rappeler qu'une loi récemment votée par le Parlement, à savoir la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, fait obligation aux établissements comportant au moins une installation nucléaire de base d'élargir les comités d'hygiène et de sécurité à une représentation des chefs d'entreprises extérieures et de leurs salariés, renforçant ainsi les garanties apportées à ces salariés.
Cette loi témoigne de notre souci de mettre l'information maximale à la disposition des personnels qui sont susceptibles d'intervenir, même de façon occasionnelle, dans les centrales ; le statut de ces personnels est sans incidence sur ces questions et le projet de loi ne touche pas au statut du personnel des IEG.
L'avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. La garantie sociale de haut niveau assure effectivement la stabilité des effectifs et évite, dans des entreprises de ce genre, un turn-over important.
Nous nous sommes attachés au savoir-faire de ces personnels parce que nous pensons que la perte de savoir-faire dans des domaines aussi stratégiques est toujours dommageable pour l'entreprise elle-même et, plus généralement, pour tous les Français.
C'est la raison pour laquelle nous soutiendrons cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 215.
(L'amendement n'est pas adopté.)
TITRE IER
OUVERTURE DES MARCHÉS ET LIBRE CHOIX DES CONSOMMATEURS
M. le président. L'amendement n° 207, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit l'intitulé de cette division :
MISSIONS DU SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE
ET RESPECT DES DROITS DES USAGERS
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la directive gaz dont nous transposons la teneur dans le cadre de ce projet de loi répond, quant au fond, à un certain nombre d'attendus philosophiques que nous pouvons au demeurant parfaitement critiquer.
Ainsi, pour ne citer que quelques exemples, prenons les termes du second considérant de la directive : « L'expérience acquise avec la mise en oeuvre de cette directive [la première directive gaz] montre les avantages considérables qui peuvent découler du marché intérieur du gaz, en ce qui concerne les gains d'efficacité, les réductions de prix, l'amélioration de la qualité du service et l'accroissement de la compétitivité. Cependant, d'importantes lacunes subsistent et il est encore possible d'améliorer le fonctionnement de ce marché, il faut notamment prendre des dispositions concrètes pour assurer des conditions de concurrence équitables et pour réduire le risque de domination du marché et de comportement prédateur, en garantissant des tarifs de transport et de distribution non discriminatoires par l'accès au réseau sur la base de tarifs publiés avant leur entrée en vigueur, et en garantissant la protection des droits des petits consommateurs vulnérables. »
Cependant, à la lumière de l'expérience, on pourrait dire au moins deux choses.
Premièrement, les attendus de la directive gaz sont fondés sur un texte - celui du traité sur l'Union Européenne - que nos compatriotes ont rejeté l'an dernier dans nombre de ses acceptions, les dispositions relatives à la concurrence libre et non faussée figurant dans la partie III du traité ayant été particulièrement combattues.
Deuxièmement, depuis 2003, le retournement tendanciel en matière de prix du gaz est pour le moins évident : il ne se passe quasiment pas de trimestre sans qu'une nouvelle poussée de fièvre, purement spéculative, ne vienne tirer les prix vers le haut, mettant précisément en cause les droits des usagers et la protection des plus vulnérables.
Enfin, comment ne pas souligner, une fois encore, que le texte de la directive est, comme souvent en matière de texte communautaire, empli de contradictions diverses. La transposition se doit de faire mieux !
En effet, l'alinéa 2 de l'article 3 de la directive indique notamment ceci : « En tenant pleinement compte des dispositions pertinentes du traité, en particulier de son article 86, les États membres peuvent imposer aux entreprises opérant dans le secteur du gaz, dans l'intérêt économique général, des obligations de service public qui peuvent porter sur la sécurité, y compris la sécurité d'approvisionnement, la régularité, la qualité et le prix de la fourniture, ainsi que la protection de l'environnement, y compris l'efficacité énergétique et la protection du climat. Ces obligations sont clairement définies, transparentes, non discriminatoires et contrôlables et garantissent aux entreprises de gaz de l'Union européenne un égal accès aux consommateurs nationaux. »
Plus loin, l'alinéa 4 de l'article 3 précise ceci : « Les États membres mettent en oeuvre les mesures appropriées pour atteindre les objectifs en matière de cohésion économique et sociale, de protection de l'environnement, qui peuvent comprendre des moyens de lutte contre le changement climatique, et de sécurité d'approvisionnement. »
Ce sont ces dispositions que nous souhaitons transposer au travers de cet amendement qui vise à spécifier le contenu du titre Ier de ce projet de loi.
Plutôt que de constater l'ouverture totale des marchés énergétiques, nous devons en effet valider, par l'adoption de cet amendement, le sens que nous donnons au service public dans notre législation nationale et, au sein de ce service public, la place prépondérante que nous donnons aux droits mêmes des usagers à un service de qualité.
Ce qui est devant nous en matière d'énergie est non pas la persistance de difficultés plus ou moins affirmées de fonctionnement du principe de libre concurrence - celle-ci étant de toute manière une vue de l'esprit, notamment au stade actuel de développement de l'économie -, mais bien plutôt la création de conditions d'une primauté des critères de service public dans le service rendu à la population.
Le service public à la française, quelle que soit la nature de ceux qui le mettent en oeuvre, est effectivement l'égalité de traitement des usagers, la garantie de tarifs abordables pour un service de qualité, la possibilité de prendre en compte des stratégies de long terme quant à la desserte ou à la sécurité d'approvisionnement.
Ce sont des éléments contenus dans cet amendement que nous vous invitons à adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je ne répondrai pas sur tous les points abordés par M. Coquelle, car nous aurons l'occasion d'y revenir à différentes reprises au fur et à mesure que nous avancerons dans l'examen de ce texte.
Cet amendement tend à modifier l'intitulé du titre Ier afin d'y faire figurer la notion de service public.
Sincèrement, il n'y a pas lieu aujourd'hui de modifier la définition du service public de l'énergie, ce qui a été fait - je le répète - à trois reprises avec les lois de 2000, de 2003 et de 2004.
En revanche, la commission tient à garder l'actuel libellé du titre Ier. Il nous paraît en effet vital de conforter la base juridique du système tarifaire français, qui pourrait être remis en cause à compter du 1er juillet 2007, à l'occasion d'un contentieux communautaire.
L'intitulé du titre Ier est précis. Son contenu lui correspond exactement. C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 207.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 81 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 589 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'indépendance énergétique nationale et la sécurité de nos approvisionnements en gaz naturel nécessitent qu'Électricité de France et Gaz de France demeurent des entreprises publiques nationales.
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 81.
M. Roland Courteau. Cet amendement souligne la nécessité qu'il y a à ce que des entreprises comme EDF et GDF demeurent publiques afin d'assurer notre indépendance énergétique et la sécurité de nos approvisionnements.
C'est la loi du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique qui a posé le principe du caractère public des entreprises chargées d'assurer notre indépendance énergétique.
Faut-il rappeler que l'électricité n'étant pas un bien stockable, la régulation de l'offre pour faire face à la demande ne peut donc s'opérer que si l'on dispose de capacités de production et de transport suffisantes ? C'est un point essentiel de la régulation du secteur énergétique que l'on oublie trop souvent.
C'est grâce à une entreprise publique comme EDF que nous avons atteint un grand degré d'indépendance dans le domaine de l'électricité.
Grâce aux investissements en faveur du parc nucléaire, nous avons pu réduire fortement dans ce domaine notre dépendance par rapport à d'autres sources d'énergie, comme le pétrole. Notre facture énergétique extérieure s'en est trouvée substantiellement allégée !
Les centrales nucléaires permettent de répondre en continu à la demande, tandis que les autres équipements, comme les barrages produisant de l'hydroélectricité, permettent de répondre aux pointes de la demande.
En jouant de manière complémentaire sur ces deux types de capacités de production, on est sûr de faire face aux besoins.
Un tel système a fait la preuve de sa viabilité sur le long terme, et nous avons jusqu'à maintenant été à l'écart de ruptures d'approvisionnement, même si, aujourd'hui, des tensions se manifestent dans un contexte d'accroissement de la demande et de vieillissement de nos infrastructures.
Ce type de dispositif est fondé sur une programmation des investissements sur le long terme. Pour le faire fonctionner, l'entreprise publique a réalisé des surinvestissements dans la production et le transport de l'électricité afin de répondre aux besoins des populations et au développement de l'économie.
Ces surcapacités permettent en effet de disposer de réservoirs de kilowattheures pour faire face aux fluctuations de la demande.
La production d'électricité, dont les coûts étaient lissés sur le long terme, a permis de maintenir des tarifs bas au bénéfice des usagers.
Tout cela était le fruit d'une politique et d'une stratégie orientées vers le long terme, soustraites aux contraintes et aux exigences de rentabilité du secteur privé.
Nous savons aujourd'hui qu'il faut à nouveau investir à en termes la fois de capacités de production et de transport, comme l'a plusieurs fois signalé le gestionnaire de transport RTE. Sommes-nous assurés que de tels investissements seront entrepris afin de maintenir cet ingénieux dispositif de régulation des flux ?
Il faudra alors compter sur l'altruisme des actionnaires privés, lesquels devront donner leur aval à des investissements dont la rentabilité n'est réellement assurée que sur le très long terme, à des investissements dont les capacités pourront n'être utilisées qu'en période de pointe de la demande, et seront donc sous-évaluées.
Il est certes nécessaire de développer à l'échelon européen les interconnexions entre les pays pour réaliser un marché énergétique unifié où l'électricité peut circuler.
Cependant, sans la programmation des investissements sur le long terme, cela ne suffira certainement pas à répondre à une demande croissante et aux besoins des populations, notamment de nos concitoyens.
Cela ne permettra pas d'assurer l'indépendance énergétique à l'échelle de l'Union européenne.
Les inquiétudes soulevées par le Livre vert de la Commission européenne sont légitimes. Encore faut-il que l'Union européenne se donne les moyens nécessaires en relançant de grands programmes d'investissements !
Qui plus est, de telles mesures seraient bénéfiques sur le plan du dynamisme économique et de l'emploi
C'est là également que réside toute la faiblesse d'une politique européenne de plus en plus libérale, qui croit aveuglément dans les vertus autorégulatrices d'un grand marché unifié alors que, dans ce domaine en particulier, il faudrait faire preuve d'un réel volontarisme politique !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 589.
M. Jean Desessard. Cet amendement est identique à l'amendement n° 81, excellemment défendu par M. Courteau. Je n'ai donc rien à ajouter au propos tenu par ce dernier.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Ces amendements identiques tendent à obliger EDF et GDF à demeurer des entreprises publiques nationales.
Si je vous prends au mot, monsieur Courteau, vous souhaitez que la part de l'État dans le capital de ces deux entreprises soit d'au moins 51 %. Autrement dit, vous seriez d'accord pour que la part de l'État dans EDF passe de 70 % à 51 % ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Je vous taquine, mon cher collègue, mais c'est ce que votre amendement signifie, si on vous prend au mot !
M. Roland Courteau. Mais non !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Quoi qu'il en soit, j'ai bien compris le sens de cet amendement : il s'agit de remettre en cause l'objet même de ce projet de loi.
Pour EDF, j'ai déjà dit lors de la discussion générale -les deux ministres l'ont également indiqué - qu'il n'était en aucune manière question d'envisager une privatisation.
Pour GDF, j'ai déjà développé toute une série d'arguments. Je pense, mes chers collègues, que nous y reviendrons, si vous en êtes d'accord, au moment de l'examen de l'article 10, au sujet duquel nous ne partageons pas le même avis.
Mme Nicole Bricq. Oui, c'est clair !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. En attendant, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Le Gouvernement est bien entendu défavorable à ces deux amendements.
Au fond, messieurs les sénateurs, vous faites comme si vous pensiez que seule une entreprise publique pouvait remplir une fonction de service public. Or vous savez que ce n'est pas vrai puisque, dans vos collectivités, des services publics sont probablement assurés par d'autres entreprises que des entreprises publiques !
Il existe de nombreux exemples à cet égard, mais j'en prendrai un dans le secteur de l'énergie.
Aujourd'hui, nous considérons qu'il est important - il s'agit d'ailleurs là d'une politique publique qui a fait l'objet d'un article dans une loi - de développer l'éolien en France. Or, étant donné que ce sont des entreprises privées qui sont chargées de cette tâche, c'est à l'État qu'il revient de définir les conditions générales et de prévoir les mesures financières et budgétaires nécessaires à travers la contribution pour le service public de l'électricité, le CSPE.
En effet, c'est cette méthode qui rend possible l'investissement privé réalisé par une entreprise privée sur une politique publique, car un tel investissement privé n'existerait pas en l'absence d'une politique publique.
Dès lors, nous serions en pleine contradiction, me semble-t-il, si l'on essayait de faire croire aux Français que le service public relève forcément d'une entreprise publique. Cela n'est pas vrai ; il existe en France de nombreuses situations qui prouvent le contraire.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. Nos camarades socialistes soulèvent ici une question essentielle, à savoir l'indépendance énergétique nationale, et je voudrais, à ce titre, faire porter mon intervention sur le secteur électrique, même si notre débat tourne avant tout autour du gaz.
En 2003, déjà, à la suite de la sécheresse, nous avons pu constater, en particulier au moment de la canicule du mois d'août, des tensions importantes sur les prix de gros de l'électricité : le tarif du mégawatt était de 500 euros fin juin, de 100 à 200 euros début juillet, et de 1 000 euros en août ! Ainsi l'électricité s'est-elle ponctuellement et à plusieurs reprises échangée très cher.
La sécheresse puis la canicule ont servi de loupe pour mettre en évidence le risque d'une offre insuffisante.
Dès lors, les partisans de la déréglementation devraient se réveiller, car la rareté qui frappe à la porte ne va pas tarder à frapper au porte-monnaie de ceux-là mêmes qu'elle est censée libérer !
En effet, depuis cinq ans au moins, les développements de nouveaux moyens de production, tous hors marché - cogénération, éolien, etc. -, se sont révélés sans rapport avec l'évolution des besoins. La demande a continué de croître à un rythme de 1 % à 2 % par an, c'est-à-dire, au niveau européen, d'une vingtaine de térawattheures par an, ce qui équivaut à la production de 2 à 3 gigawatts de centrales lourdes, du style charbon, gaz, nucléaire.
On voit mal ce qui pourrait éclaircir les perspectives à un horizon de trois ou quatre ans.
En effet, les producteurs ont besoin de reconstituer leurs marges sérieusement écornées par les deux ou trois années passées en luttes stériles pour obtenir des parts de marché et en développements internationaux hasardeux. Ils risquent donc d'attendre pour investir, ce qui montre bien le danger pour les années à venir dans le cadre des privatisations en matière énergétique.
Voilà qui justifie notre soutien aux deux amendements identiques nos 81 et 589.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Chacun aura compris que le groupe socialiste tient beaucoup à ces amendements.
Monsieur le ministre, votre explication, excusez-moi de vous le dire, ne tient pas !
Si nous pouvons effectivement être d'accord avec vous sur le fait qu'un service public n'est pas forcément garanti par la seule existence d'une entreprise publique, tant il est vrai qu'il existe dans nos collectivités des délégations de service public donnant dans la plupart des cas satisfaction, tel n'est pas l'enjeu du débat.
Le problème, en effet, est de savoir qui détient le pouvoir de décision s'agissant d'un domaine extrêmement sensible, à savoir la sécurité énergétique. Je ne reviendrai pas sur les débats que nous avons eus et que nous continuerons à avoir les uns et les autres sur ce sujet.
En ce qui concerne tant la nature du capital que la détention de la décision, il apparaît aujourd'hui - nous reviendrons sur les questions posées par la fameuse action spécifique golden share, lors de l'examen de l'article 10 - que l'État n'a plus le pouvoir de décision...
M. Jean Desessard. Abandon !
Mme Nicole Bricq. ... pour prendre les solutions qu'il juge les meilleures en vue d'assurer l'indépendance énergétique. C'est bien de cela qu'il s'agit, monsieur le ministre, et vous le savez pertinemment ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Je partage, moi aussi, les préoccupations exprimées par les auteurs de ces deux amendements identiques.
Pour en revenir à l'argumentation développée par M. le ministre, je voudrais tout de même rappeler que ce débat a déjà eu lieu en 2004. Or, contrairement à ce que disait notre rapporteur, M. Poniatowski, ce matin, nous sommes toujours dans la même logique et notre position n'a pas changé concernant le contenu de ce que nous estimons devoir être les missions de service public de ces grandes entreprises que sont EDF et GDF.
S'il me semble si important que ces deux entreprises continuent de relever de la responsabilité du secteur public, c'est pour que nous puissions donner des orientations afin que l'État affirme ses choix en vue de décisions que nous estimons souhaitables.
Il est vrai qu'aujourd'hui, si l'on a un reproche à adresser à l'État, on peut lui dire qu'il n'a pas suffisamment affirmé son rôle en exigeant d'EDF, et parfois de GDF, qu'elle assume mieux la responsabilité d'entreprise publique qui lui incombe concernant, par exemple, les réponses à apporter dans le domaine des énergies renouvelables.
Pour reprendre l'exemple de l'énergie éolienne cité tout à l'heure, je vous dirai que si, de nos jours, ce secteur se développe, c'est non pas par choix de diversifier les sources d'énergie et d'assurer une meilleure indépendance énergétique, mais essentiellement pour des raisons économiques. Et l'un de mes grands reproches tient à la formule d'achat de l'énergie éolienne produite par EDF.
Mais à partir du moment où, petit à petit, vous voulez faire passer le secteur énergétique dans le secteur privé, vous perdez toute possibilité de peser sur les choix. Vous mettez les entreprises dans une situation telle qu'elles ne prendront de décisions qu'en fonction de certains intérêts économiques ou de choix définis par les actionnaires et non pas en fonction des choix que l'État pourrait vouloir assumer à tel ou tel moment.
Pour ma part, je ne saurais me contenter d'une vision à courte vue dans ce domaine. Au contraire, j'estime, comme je l'ai dit ce matin, que nous devons nous situer à un horizon de vingt, trente, voire cinquante ans, si l'on veut véritablement que les problèmes soient réglés.
Pour prendre l'exemple de l'alimentation en gaz de la France, je rappellerai que c'est grâce à des contrats à long terme que l'on a pu jusqu'à présent assurer notre indépendance énergétique avec des coûts financiers acceptables.
Par conséquent, si l'on perd cette possibilité - et cela ne manquera pas de se produire si votre conception est retenue, monsieur le ministre -, nous ne serons plus en mesure de résoudre les difficultés dans ce domaine.
Telles sont les raisons pour lesquelles je considère que ces deux amendements sont importants.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 81 et 589.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 82 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud- Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 590 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene- Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Pour assurer la sécurité nucléaire, aucun intérêt privé ne peut, directement ou indirectement, être présent au capital des entreprises exploitantes d'une installation nucléaire de base.
La parole est à M. Daniel Raoul, pour défendre l'amendement n° 82.
M. Daniel Raoul. Tous les mots contenus dans cet amendement ont un sens et un poids.
La dérégulation du secteur et la transformation de l'un des principaux exploitants de la filière électronucléaire en société anonyme ont constitué une première étape sur la voie de la privatisation de la filière nucléaire avec, pour conséquence directe, la banalisation du nucléaire.
Nous nous opposons évidemment à un tel processus qui fait fi des risques et des dangers inhérents à ce type d'activité.
Par ailleurs, je tiens à vous rappeler, mes chers collègues, ce que déclarait devant la Haute Assemblée, M. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, le 5 juillet 2004 : « Il n'y aura pas de privatisation d'EDF, non pour des raisons idéologiques, mais pour un motif simple : une centrale nucléaire n'est pas un central téléphonique. Il existe une différence de nature entre EDF et France Télécom qui justifie une différence de politique entre ces deux entreprises. »
Je me souviens très bien des applaudissements nombreux et nourris dont l'UMP avait alors gratifié les propos de M. Sarkozy.
D'ailleurs, notre rapporteur lui-même avait conforté la position de M. Sarkozy en disant : « Bien sûr ! » Vous pourrez, mes chers collègues, consulter le compte rendu intégral du Sénat du 5 juillet 2004 pour retrouver cette citation in extenso.
Une telle déclaration nous paraît évidemment intéressante, mais il serait plus intéressant encore que cela figure dans le texte de la loi, et j'espère donc que vous voudrez bien accepter cet amendement, monsieur le ministre. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 590.
M. Jean Desessard. Il se trouve que cet amendement est identique à celui que vient de défendre en termes excellents mon collègue Daniel Raoul, sénateur du Maine-et-Loire. Aussi, afin de ne pas répéter l'ensemble de l'argumentaire de mon collègue, je m'en déclare solidaire.
Si, d'aventure, je devais, à l'insu de mon plein gré (Sourires.), m'absenter de l'hémicycle cet après-midi, sachez que je suis d'ores et déjà solidaire de tous les amendements déposés par le groupe socialiste et identiques aux miens !
M. Yves Coquelle. C'est une bonne position !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Desessard. Favorable ! (Sourires.)
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. En aucune façon, monsieur Desessard !
En effet, vous serez certainement d'accord avec moi, tout comme M. Courteau, pour considérer que ces deux amendements reviennent en fait à porter la part de l'État ou de ses établissements publics au sein du capital d'EDF jusqu'à 100 %.
M. Jean Desessard. Nous avons été compris ! (Sourires.)
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Or je tiens tout de même à vous signaler que, lorsqu'on a ouvert le capital d'EDF, près de 5 millions de Français ont acheté des actions EDF.
Par conséquent, si l'on revenait sur cette décision, cela voudrait dire qu'il faudrait racheter les actions de ces 5 millions de Français, disposition qui aurait incontestablement un coût pour l'État.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je vous rappellerai, en outre, qu'au moment où l'on a ouvert le capital d'EDF, l'action se situait, si mes souvenirs sont exacts, aux alentours de 20 euros, alors qu'elle atteint aujourd'hui quelque 45 euros.
Si je dis cela, ce n'est pas tant pour insister sur l'« addition salée » que représenterait ce coût, mais bien plus pour montrer que les Français aiment leur électricien national. Je ne suis pas sûr que le fait de leur annoncer la reprise d'une part du capital de cette entreprise soit, d'un point de vue stratégique, une bonne idée. Je tenais simplement à apporter cette précision.
M'adressant à Mme Bricq, je ne voudrais pas que mes propos soient interprétés comme ils l'ont été à une ou deux reprises.
Loin de moi l'idée de porter une accusation sur le rapport que vous avez rédigé, ma chère collègue. Ce dernier constitue même, à mes yeux, un vrai travail de fond sur le problème que vous aviez soulevé à l'époque et qui concernait non pas EDF mais Gaz de France.
Je répète qu'il s'agissait d'un travail sérieux dont les conclusions se rapprochaient de la pensée de M. Fabius à l'époque, à savoir qu'il n'était pas absurde d'ouvrir le capital de Gaz de France. Je crois même me souvenir que, dans votre rapport, madame Bricq, vous envisagiez un rapprochement éventuel avec Total.
Mme Nicole Bricq. Et EDF !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Disant cela, je cherche non pas à vous mettre en contradiction avec tel ou tel amendement, mais simplement à attirer l'attention des uns et des autres.
Je suis frappé de voir que, lorsqu'on est dans l'opposition, on n'a plus le même comportement que lorsqu'on tient les rênes du pouvoir !
M. Gérard Le Cam. C'est vrai pour tout le monde !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C'est un peu regrettable.
Je considère, pour ma part, que les choses peuvent toujours s'inverser et que, quand on fait une proposition, il convient de prévoir les conséquences que celle-ci pourrait entraîner.
Telle est l'observation complémentaire que je souhaitais faire avant d'indiquer que la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Je ferai référence à ce qui est fondamental dans l'exploitation d'une installation nucléaire de base, ou INB, d'une centrale nucléaire, je veux bien sûr parler de la sécurité et du long terme.
Ainsi, qu'en est-il de la question des démantèlements ou de celle des déchets ? Que va-t-on faire de ces derniers ?
Tout à l'heure, Mme Beaufils a évoqué le long terme qui devait, selon elle, prévaloir en matière de politique énergétique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pourquoi Mme Beaufils en particulier ?
M. François Loos, ministre délégué. Durant les cinq années qu'a duré le gouvernement Jospin, de 1997 à 2002, aucun investissement de production dans l'électricité n'a été réalisé en France. Était-ce là préparer l'avenir ?
Qui a fait voter la loi sur les déchets radioactifs ? C'est nous. Qui a fait voter la loi sur l'autorité de sûreté nucléaire ? C'est nous, en prenant pour base un texte préparé par Mme Voynet, qui avait été bloqué au Sénat et que nous avons repris et modifié pour, finalement, mettre en place l'autorité de sûreté nucléaire.
Nous avons donné des gages de notre souci du long terme en demandant à EDF d'investir 40 milliards d'euros, alors que pas un euro n'avait été consacré à la production d'électricité sous la législature précédente, les investissements réalisés alors étant bien différents ! Le fond du problème est là, me semble-t-il.
À ce titre, la véritable réponse aux préoccupations que vous exprimez par le biais de cet amendement, c'est la mise en place, sur notre initiative, de l'autorité de sûreté nucléaire qui, en toute indépendance, se trouve à même d'assurer la sécurité des installations nucléaires françaises.
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le ministre, vous venez d'évoquez le coût du démantèlement des centrales qui, de fait, est estimé à 15 milliards d'euros, mais le retraitement du combustible nucléaire pose également problème dans une perspective de long terme.
En effet, nous pouvons craindre que le secteur privé ne tente d'échapper à ses obligations en défalquant certains coûts de la valeur des entreprises acquises. Nous pouvons penser également que les actionnaires d'EDF achètent des titres pour les revendre par la suite et n'assument donc pas le développement de l'entreprise sur le long terme, alors que, nous le savons, la durée de vie des centrales nucléaires est relativement limitée, même si elle peut désormais être prolongée de quelques années. Le principe de la privatisation de l'énergie se heurte ici, me semble-t-il, à une sérieuse difficulté.
C'est en ce sens que nous soutenons l'amendement n° 82, qui tend à soulever le problème de la sécurité nucléaire, dans toute l'acception de cette expression.
Il s'agit là, en effet, d'une véritable difficulté, que seuls l'État et le service public sont capables de surmonter à long terme. Il est vrai que les investissements ont été insuffisants au regard de l'évolution de la consommation d'électricité de notre pays - je l'ai souligné tout à l'heure -, et ce quels qu'aient été les gouvernements au pouvoir.
Il est vrai aussi que l'on tarde à mettre au point les réacteurs de troisième génération, notamment. Nous ne sommes pas allés assez vite ni assez loin, mais c'est aussi, nous le savons, parce que le lobby pétrolier a pesé sur la recherche.
Ainsi, depuis très longtemps nous savons à peu près quand vont s'épuiser les réserves de pétrole et de gaz dans le monde ; pourtant, les progrès sont lents dans ce domaine, car des intérêts privés pèsent sur la recherche, et cela ne cessera sans doute pas, malheureusement.
Nous en sommes donc encore aux balbutiements, notamment, des moteurs propres et des bioénergies, que le Gouvernement ne soutient pas autant qu'il le devrait, en particulier grâce à la fiscalité incitative.
Pour autant, les biocarburants ne feront pas de miracle ! Ils ont leurs limites, ils ne pourront pas représenter plus d'un certain pourcentage de la consommation énergétique nationale, et il faudra le faire savoir aux Françaises et aux Français. Il est temps de dire la vérité à nos concitoyens et de cesser de les faire rêver avec les biocarburants, même si ceux-ci doivent être développés au maximum.
La sécurité nucléaire est essentielle. À aucun moment il ne faudra la confier au secteur privé ou aux actionnaires.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous soutiendrons ces deux amendements identiques.
Monsieur le ministre, vos arguties sur les positions défendues dans le passé par les uns ou par les autres sont lassantes, d'autant que vous vous êtes adressé nommément à Mme Beaufils, qui n'est tout de même pas la représentante attitrée du gouvernement de la gauche plurielle !
Au lieu de tenir à chaque fois ce genre de discours, expliquez-nous plutôt comment vous-même, ou en tout cas la majorité et, à peu de choses près, le même gouvernement, pouvez affirmer que ce que vous souteniez en 2004 et en 2005 n'est plus valable aujourd'hui !
J'aimerais que nos collègues de la majorité qui, il n'y a pas si longtemps, applaudissaient aux discours favorables au service public et à la maîtrise de l'énergie nucléaire par l'État m'expliquent pourquoi ils se taisent aujourd'hui. Par quel miracle proprement incompréhensible - et ils n'en donnent d'ailleurs aucune justification - considèrent-ils désormais que le rôle de la puissance publique dans ce domaine est secondaire et que, au fond, nous pouvons faire confiance au secteur privé pour assurer, entre autres, la sécurité nucléaire et environnementale, les investissements à long terme et les approvisionnements ?
Mes chers collègues, il serait tout de même intéressant que vous nous disiez comment vous percevez désormais ces enjeux.
En effet, j'en suis désolée, depuis le commencement de nos débats, vous ne vous êtes pas expliqués sur votre projet, en dépit des incertitudes qui l'entourent et que nous avons soulignées ce matin !
Vous défendiez ce projet de loi au nom du patriotisme économique. Il était censé donner à la France des bases industrielles solides, à l'échelle mondiale. Et patatras ! Nous nous apercevons qu'il n'en est rien, du moins si nous nous fions aux informations parues dans la presse.
Vous jouez donc désormais sur un autre registre, en nous expliquant que tous les propos que vous avez tenus sur la sécurité n'ont plus d'importance.
Monsieur le ministre, s'il est vrai qu'il faut prendre à bras-le-corps la politique énergétique - et, en effet, les incertitudes grandissent dans ce secteur, à l'échelle mondiale -, nous devons faire preuve d'une véritable volonté politique. Et s'il faut vraiment indemniser les actionnaires, faisons-le !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je ferai deux remarques.
Tout d'abord, il est grave de vouloir confier la sécurité nucléaire au secteur privé, car cela peut poser d'importants problèmes en France, mais surtout faciliter la prolifération nucléaire à travers le monde, et nous n'avons pas fini d'en mesurer les conséquences. Mes chers collègues, nous prenons aujourd'hui une lourde responsabilité !
Ensuite, monsieur le rapporteur, vous l'avez souligné, les Français aiment bien leur électricien national, comme ils aimaient bien leur postier national, comme ils aiment bien leur gazier national !
Mais alors, pourquoi voulez-vous leur faire de la peine ? (Sourires.) Pourquoi voulez-vous qu'ils n'aient plus de gazier national ? Pourquoi avez-vous supprimé leur postier national ? Pourquoi supprimez-vous leur électricien national, alors que ce service fonctionnait bien et que les Français en étaient contents ? Pour qui, pour quels intérêts économiques ? Pourquoi vouloir faire cette peine aux citoyens français ?
Vous auriez pu ajouter quelques étoiles européennes sur les camionnettes bleues ou jaunes, puisqu'il est désormais nécessaire de s'organiser à l'échelle européenne. Mais pourquoi priver les Français d'un service public national qui marchait bien et donnait satisfaction ?
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le rapporteur, vous avez raison sur un point : le rachat des actions de GDF aux cinq millions de porteurs actuels aurait un coût, qui est élevé dans l'absolu, et qui l'est aussi relativement d'ailleurs - tout le problème est là -, compte tenu de l'état où vous laisserez les finances publiques après cinq ans d'exercice du pouvoir !
Comme nous l'avons souligné hier lors des explications de vote relatives à la motion tendant à soumettre ce projet de loi au référendum, vous auriez été plus prudents de proposer la question qui nous occupe aujourd'hui au vote des Français.
En effet, vous laissez à notre candidat ou à notre candidate à l'élection présidentielle - une fois que nous, les socialistes, nous l'aurons choisi, ce qui ne saurait tarder - la possibilité de demander aux Français de l'élire sur certaines priorités. Mais tel n'est pas notre débat d'aujourd'hui.
Monsieur le rapporteur, les propos que vous m'avez adressés montrent que, une fois encore, vous regardez dans le rétroviseur. Pour ma part, par tempérament, je préfère regarder devant moi plutôt que derrière. Toutefois, vous m'avez donné envie de relire le rapport que j'avais commis, en 1999, à la demande du Premier ministre de l'époque.
Or, si vous lisez ce rapport attentivement, vous n'y trouverez pas les propos que vous m'avez prêtés. La pratique, certes fréquente en politique, qui consiste à sortir une phrase de son contexte ou à pratiquer l'amalgame est tout de même désagréable !
D'ailleurs, monsieur le rapporteur, je vous donne acte d'avoir rappelé que mon rapport ne portait absolument pas sur EDF, mais sur Gaz de France. Si vous le lisez attentivement, vous verrez que j'ai toujours défendu l'idée que ces deux entreprises, sauf en ce qui concerne la distribution, exerçaient deux métiers différents. (M. Ladislas Poniatowski acquiesce.)
À la page 29 du rapport - vous la lirez entièrement -, j'écris que, si un rapprochement peut-être envisagé pour GDF, c'est avec un groupe pétrolier - à l'époque, cela avait tout son sens - ou alors avec EDF, notre électricien national, et un gazier européen, ce qui n'est pas tout à fait ce que l'on me fait dire depuis deux jours dans notre hémicycle !
Encore une fois, monsieur le rapporteur, je vous réserve les bonnes feuilles de ce rapport pour les égrener, s'il en est besoin, tout au long de notre débat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut cesser d'utiliser cet argument, monsieur le rapporteur !
Mme Nicole Bricq. Nous devons encore passer ensemble une petite quinzaine de jours à examiner ce projet de loi. Si vous voulez évoquer à nouveau cette question, vous me trouverez à chaque fois !
Je n'ai donc aucun état d'âme à défendre ces deux amendements identiques.
Du reste, monsieur le rapporteur, quand je ne suis pas d'accord avec un amendement, vous ne trouvez pas mon nom dans la liste des signataires ! (M. Daniel Raoul applaudit.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 82 et 590.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Rappel au règlement
M. Jean-Pierre Bel. Ce rappel au règlement s'explique par les déclarations du président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, M. Patrick Ollier, dont je viens de prendre connaissance dans Le Monde.
M. Josselin de Rohan. Vous vous répétez !
M. Jean-Pierre Bel. Je tiens à revenir sur cette question !
M. Patrick Ollier, évoquant l'opération préparée par François Pinault, affirme ceci : « si cette opération devait connaître un début de commencement, cela mettrait à mal tout le travail engagé depuis des mois ».
Il déclare également ceci : « mon devoir, à présent, est de m'assurer du respect de la parole donnée. Le ministre de l'économie, Thierry Breton, s'était engagé à revenir début décembre devant la commission pour faire le point sur le projet de fusion entre GDF et Suez dès que le périmètre en aurait été établi. Ce sera à lui de s'expliquer sur les événements nouveaux qui auront pu intervenir. Celui-ci en est un. Nous avions prévu une fusion dans un certain contexte. Si le contexte change, » - et c'est le cas ! - « il faudra évidemment revoir ce que nous avions prévu ».
Monsieur le président, ce qui est bon pour l'Assemblée nationale doit l'être également pour la Haute Assemblée !
Au moment où nous abordons l'examen de ce projet de loi, où nous sommes appelés à nous prononcer sur ce texte important, qui conditionne largement notre avenir dans le domaine énergétique, il est pour le moins normal que les exigences formulées par M. Ollier à l'Assemblée nationale soient également celles du Sénat !
Je demande donc une suspension de séance, le temps de permettre à M. Thierry Breton de venir s'expliquer devant nous sur les informations dont nous avons pris connaissance ce matin, et en particulier sur les réponses qu'il a apportées aux questions de M. Ollier, président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, monsieur Bel.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué. Monsieur Bel, je suis déjà intervenu sur la situation apparemment nouvelle qui a été évoquée ce matin dans un article des Échos.
Les informations que vous venez de communiquer valent pour l'ensemble de notre débat. Thierry Breton s'est engagé à s'exprimer devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale sur les événements nouveaux qui pourraient survenir dans ce dossier, après le vote de la loi.
De la même façon, lorsqu'il a présenté le projet de loi devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, il s'est engagé à présenter à la commission des affaires économiques du Sénat toutes les hypothèses de rapprochement qui se présenteraient entre Gaz de France et un autre opérateur, en faisant le point sur ce qui sera alors l'état des discussions entre les entreprises concernées.
Les informations que nous évoquons ont été démenties ce matin dans un communiqué publié à onze heures par Enel, qui affirme ne pas être intéressé par cette opération.
Mme Nicole Bricq. Mais M. Pinault n'est pas du même avis !
M. François Loos, ministre délégué. Voilà quinze jours, un financier du nom de Knight a déjà fait des déclarations annonçant telle ou telle opération. Je crois par conséquent que nous devons rester sereins.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et donc attendre avant d'adopter ce texte !
M. François Loos, ministre délégué. Le projet de loi que nous présentons porte sur Gaz de France et sur les occasions qui lui sont offertes.
Lorsque ce texte sera voté, c'est-à-dire lorsque la fusion avec Suez sera réellement possible, le Gouvernement viendra présenter aux commissions des deux assemblées le détail des discussions en cours. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Marc Pastor. Mieux vaut avant qu'après !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, votre réponse n'est pas acceptable. Nous discutons d'un projet de loi qui est motivé par votre volonté de fusionner GDF avec Suez. Vis-à-vis de votre majorité et des Français, vous prétendez sauvegarder nos intérêts économiques et financiers, au nom du patriotisme économique.
Mais, il s'avère, selon différentes informations, que la situation est bien plus incertaine que vous ne le dites. À l'heure actuelle, en effet, tout est parfaitement incertain, comme le sont d'ailleurs en général les tractations financières entre groupes capitalistes. Vous le reconnaissez d'ailleurs, en disant : on verra ! J'en tire donc une conclusion précise : le projet de loi n'a comme seul objectif que la privatisation de GDF. Or, vous l'avez bien compris, nous ne voulons pas de cette privatisation !
Le texte tel qu'il est présenté ne correspond pas du tout aux objectifs réels de ce projet. Nous sommes donc fondés à vous demander de suspendre le débat. Nous l'avons officiellement demandé au Premier ministre, et la commission des affaires économiques serait bien inspirée de faire de même...
M. Michel Billout. Absolument !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ...en attendant que la situation s'éclaircisse. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je vais commencer par rappeler ce que j'ai déjà dit ce matin : le Parlement ne doit pas réagir à des rumeurs ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Nous devons continuer nos travaux : le projet de loi, s'il aborde dans son article 10 le sujet que vous avez évoqué, traite aussi de beaucoup d'autres points !
M. Josselin de Rohan. Bien sûr !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Les titres Ier, II et IV n'ont à voir ni avec l'agitation à laquelle nous assistons, ni avec ce que nous avons lu dans la presse ce matin, ni avec les réactions des uns et des autres.
Moi aussi, je lis les communiqués qui pleuvent de tous côtés !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Justement, il faut nous éclairer !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Suez dément que le pôle environnement est à vendre, Enel dit qu'il n'est plus intéressé... Arrêtez donc de réagir à la moindre information ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et M. Ollier ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. J'ai aussi lu la dépêche de l'AFP rendant compte de la réaction du président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale.
Nous avons des décisions importantes à prendre concernant l'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz, et des directives à transposer. En tant que rapporteur - là, je suis dans mon rôle et à ma place -, je vous demande de ne pas retarder ces débats-là !
Monsieur le ministre, il est vrai que je ne suis pas hostile à ce que la commission des affaires économiques puisse vous auditionner avec le ministre de l'économie et des finances avant le débat sur l'article 10, c'est-à-dire entre le vendredi 20 octobre et le lundi 23 octobre. D'ici là, nous pourrons calmement récolter des informations importantes afin de ne pas réagir à des rumeurs ou à des agitations. Si vous-même et M. Breton n'y êtes pas hostiles, cette audition pourrait se tenir avant l'échéance initialement prévue, c'est-à-dire avant la fin du débat.
Mes chers collègues, j'aimerais en tout cas que nous ne prenions pas de retard sur le volet des travaux que nous abordons en ce moment. Chaque chose en son temps...
S'agissant de la demande de suspension, il ne m'appartient pas d'y répondre. J'aimerais néanmoins que de telles demandes ne nous fassent pas prendre trop de retard sur le volet du texte pour lequel nous disposons de tous les éléments nous permettant de débattre. Ce serait en effet une erreur.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué. Je tiens à remercier M. le rapporteur d'avoir fait cette mise au point très claire qui indique la façon dont, selon nous, ce débat doit être poursuivi.
Mme Borvo Cohen-Seat a affirmé tout à l'heure que, avec ce texte, le Gouvernement ne cherchait qu'à faire la fusion GDF-Suez. Non ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat rit.) Les motivations du Gouvernement sont de transposer les directives...
M. Josselin de Rohan. Oui !
M. François Loos, ministre délégué. ... et de donner à GDF une capacité accrue pour s'occuper de la sécurité d'approvisionnement de notre pays. Pour y arriver, GDF doit, à notre avis, pouvoir grandir.
Je vais revenir sur une information parue avant-hier, à laquelle personne n'a fait attention, mais qui montre à quel point le monde énergétique bouge énormément.
Alors qu'une très grande entreprise française figurait parmi les candidats à l'exploitation du gigantesque gisement russe Shtokman, les Russes - Gazprom - ont finalement décidé qu'ils le développeraient seuls.
Avec cet exemple, on constate que les questions d'approvisionnement sont effectivement beaucoup plus difficiles à résoudre que vous ne l'imaginez ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Or, vous faites semblant de croire que de la possession des tuyaux français va dépendre la capacité à investir dans les pays qui disposent des gisements !
Notre motivation, avec ce projet de loi, est la garantie à long terme de notre approvisionnement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Des contrats publics à long terme !
M. François Loos, ministre délégué. J'ai parlé tout à l'heure des raisons pour lesquelles vous pouviez être sûrs que ce texte est sous-tendu par cet objectif. La solution que nous soutenons aujourd'hui est le rapprochement avec Suez, car les deux entreprises paraissent complémentaires.
Mais ce texte a surtout pour objet de donner à GDF, d'une part, l'opportunité d'ouvrir son capital pour grandir sans être obligé de s'endetter, et, d'autre part, les moyens d'investir massivement dans les gisements qui garantiront la sécurité d'approvisionnement à long terme dont nous avons besoin.
Mme Bariza Khiari. Sauf que votre argument repose sur la fusion !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. M. le rapporteur a raison sur un point : la politique ne se fait pas à la corbeille. Dans une bataille boursière, nous savons tous qu'il y a des rumeurs, des contre-rumeurs, des bruits... Cela ressemble parfois à une partie de poker !
Mais la demande de suspension formulée par le président du groupe socialiste n'a aucun rapport avec cela ! Elle vise le fond du sujet.
Vous nous avez proposé, monsieur le rapporteur, que les ministres soient auditionnés par la commission des affaires économiques. Je suppose que cette audition pourrait être élargie aux autres commissions, et donc à la commission des finances saisie pour avis sur ce projet de loi.
Je vous rappelle cependant que, lorsque nous avons défendu la motion de renvoi à la commission, vous avez rejeté cette dernière sous prétexte que tout était bouclé. Or ce n'est visiblement pas le cas !
Je prendrai un autre argument relatif à Gaz de France, qui est encore notre entreprise publique nationale. Un comité central d'entreprise, convoqué justement aujourd'hui pour évoquer les contreparties demandées par la Commission européenne au projet de fusion, a été annulé. Et, en ce moment même, se tient un conseil d'administration extraordinaire de GDF.
Notre demande de suspension n'a donc rien à voir avec la bataille boursière qui semble couver sous la cendre, dont quelques flammes rejaillissent dans notre hémicycle. Il faut donc nous accorder cette suspension afin que le ministre de l'économie et des finances, qui a forcément des informations privilégiées, vienne s'expliquer dans cet hémicycle.
M. le président. Je rappelle que les suspensions de séance sont non pas de droit, mais à l'appréciation du président de séance.
M. le rapporteur a reconnu que les informations parues dans la presse pouvaient mériter des éclaircissements, et il a fait une proposition. Il a aussi fait remarquer que le projet de loi contenait bien d'autres dispositions que l'article 10.
Dans ces conditions, je serais fondé à demander que la séance se poursuive. Néanmoins, dans un souci d'apaisement et afin de permettre un échange de vues entre le rapporteur et ceux qui souhaitaient une suspension,...
Mme Bariza Khiari et M. Jean-Marc Pastor. Le rapporteur n'est pas ministre de l'économie !
M. le président. ... je vais suspendre la séance pour dix minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures cinquante.)
M. le président. Nous reprenons la discussion des articles.
L'amendement n° 83, présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Électricité de France est un instrument fondamental de la vie du pays.
La parole est à M. Jean-Marc Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Cet amendement reprend une déclaration de Marcel Paul, ministre de la production industrielle à la Libération et père fondateur d'EDF, devant une assemblée d'électriciens de la nouvelle entreprise publique EDF, à la Bourse du travail de Paris, en 1950. Il disait alors ceci : « Je vous demande à vous, collègues et camarades, de ne jamais oublier qu'avec EDF, vous avez en charge un instrument fondamental de la vie du pays. »
En effet, l'énergie n'est pas un bien comme les autres. C'est un bien de première nécessité, qui est donc vital pour tout un chacun.
Cet instrument devait permettre d'oeuvrer à la réduction des inégalités sociales, de promouvoir l'emploi et, in fine, de garantir la cohésion de notre société.
C'est pour cette raison que, après le désastre économique des années trente et la tragédie de la Seconde Guerre mondiale, des secteurs économiques clés ont été considérés comme devant faire l'objet d'une organisation particulière, être soustraits de la pure régulation par le marché et être ainsi dégagés des contraintes et des exigences de la rentabilité à court terme.
Il s'agissait de se réapproprier ce bien particulier, ce bien public, pour répondre aux besoins fondamentaux des populations. Cela participait d'une réflexion plus globale, qui visait à répondre à la crise des années trente.
Il s'agissait aussi de prendre en compte le fait que cette entreprise constituait un outil industriel, essentiel pour préserver notre indépendance énergétique, assurer notre développement économique et développer l'emploi.
Ces éléments sont toujours d'actualité et concernent tant EDF que GDF.
L'entreprise EDF contribue en effet à la compétitivité de nos industries grâce au faible coût de son électricité et, plus globalement, parce qu'elle fournit à l'ensemble des acteurs - collectivités locales, administrations, hôpitaux - et des ménages une énergie de qualité à un prix abordable.
Qu'en sera-t-il demain, alors que ce projet de loi programme en filigrane l'extinction des tarifs régulés ?
Cette analyse vaut également, bien sûr, pour GDF.
La hausse des coûts de l'énergie est un facteur réel de délocalisation des « électro-intensifs ». Or, avec ce projet de loi, vous prenez la responsabilité d'un alignement des tarifs régulés sur les prix. Avec le niveau atteint aujourd'hui par ces derniers, c'est l'ensemble de notre économie qui risque d'être, elle aussi, mise à mal.
Les prix de l'électricité et du gaz sont des éléments qui contribuent au dynamisme économique et à la cohésion de notre société. La maîtrise de la politique tarifaire est donc fondamentale.
L'investisseur privé privilégie toujours ce qui est susceptible de lui procurer une rentabilité immédiate.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Çà, c'est sûr !
M. Jean-Marc Pastor. C'est vrai dans tous les domaines. L'exemple de l'éolien, que vous avez cité tout à l'heure, monsieur le ministre, n'est pas neutre. L'énergie éolienne est certes souvent produite par des opérateurs privés, mais grâce à EDF et à des opérateurs publics, qui achètent leur énergie à un prix plus élevé que le prix moyen de production électrique. Seul un opérateur public peut se permettre d'investir à long terme, d'assurer la promotion d'une énergie renouvelable, ainsi que la diversification des énergies. Qu'adviendrait-il demain si les tarifs régulés disparaissaient ?
Cet amendement vise à souligner la nécessité de préserver l'environnement d'EDF et de GDF en qualité d'entreprises nationales publiques. Dans une entreprise privée, la compétition est permanente entre l'intérêt public et l'intérêt des actionnaires. Souvent, c'est l'intérêt des actionnaires qui l'emporte, essentiellement parce qu'il se mesure tous les jours à la Bourse, alors que l'intérêt public se mesure, lui, sur le long terme.
Les énergies renouvelables s'inscrivent dans cette logique du long terme. Qu'en sera-t-il demain ? Que le Gouvernement soit de gauche ou de droite - peu importe ! -, il doit avoir les moyens d'exercer ses choix politiques et de ne pas abandonner ces derniers aux actionnaires. L'acteur public peut lui permettre cette indépendance sur le long terme
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mon cher collègue, je suis tout à fait d'accord avec vous : il est évident qu'EDF est un instrument fondamental de la vie du pays !
M. Jean-Marc Pastor. Nous sommes d'accord !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Personne ne dira le contraire, que ce soit dans cet hémicycle ou aux quatre coins de France ! Mais de là à inscrire cette phrase au contenu normatif dans le projet de loi ...
Excusez-moi de me répéter - certains arguments eux-mêmes reviennent régulièrement -, mais l'entreprise EDF n'est ni concernée ni menacée par ce texte. Seuls sont concernés les tarifs et la fourniture d'électricité. Et là, allons-y ! Débattons-en ! Mais pour cela, il nous faut parvenir à l'examen de l'article 1er.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 83.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 9 :
Nombre de votants | 296 |
Nombre de suffrages exprimés | 294 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 148 |
Pour l'adoption | 126 |
Contre | 168 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 84, présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
La préservation des contrats à long terme est essentielle à la garantie de la sécurité d'approvisionnement en gaz naturel de la France.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Cet amendement est d'une grande importance. L'existence des contrats à long terme est en effet essentielle à la garantie de la sécurité d'approvisionnement du gaz naturel en France.
Ce projet de loi nous inquiète, car il porte en lui la remise en cause des contrats à long terme. Il ressort de la lettre de griefs de la Commission européenne que l'existence de ces contrats pose un problème en termes de concurrence, dans la mesure où ils gênent l'entrée de nouveaux opérateurs.
Chacun sait bien que la diplomatie est essentielle dans ces contrats, au même titre que les acteurs économiques ou financiers, et l'entreprise privatisée perdra la possibilité d'accéder à des contrats à long terme parce qu'elle aura perdu une partie de l'appui de l'État.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Daniel Reiner. Ces contrats à long terme sont suffisamment rares dans l'économie capitalistique pour que l'on puisse les considérer comme raisonnables, équilibrés à la fois pour les pays consommateurs et pour les pays producteurs. Ils offrent une visibilité aux producteurs et une maîtrise raisonnée des tarifs aux consommateurs, correspondant grosso modo au prix vrai, calculé à partir des coûts de production, d'acheminement, de distribution, majorés de la marge - raisonnable - gazière ou électrique.
Si nous perdons notre capacité de négocier des contrats à long terme, il nous restera les prix de marché. Nous avons une bonne expérience de ces derniers avec le pétrole, et nous pouvons craindre que le gaz ne suive en quelque sorte le même cheminement historique...
Autrefois, les prix du pétrole étaient calculés sur les coûts de production, d'acheminement et de distribution. Puis, à la suite de la concentration des entreprises, les prix ont été dictés par les marchés financiers, nourrissant une rente pétrolière. Nous en voyons aujourd'hui le résultat, puisque quelques majors pétroliers se partagent la majeure partie de cette manne financière.
À l'origine, le prix du gaz était calé sur celui du pétrole ; il était même légèrement inférieur, afin que le gaz soit un concurrent raisonnable et que les consommateurs puissent choisir.
Ensuite, Mme Thatcher, avec ses théories libérales, a épuisé très rapidement son gaz, mais elle a créé un nouveau marché du gaz, le marché spot. Ce dernier n'a rien à voir avec le marché réel du gaz, c'est un simple marché d'ajustement dont les prix sont complètement disproportionnés par rapport au coût réel de production.
Finalement, quelqu'un paiera la perte de ces contrats, et ce sera naturellement le consommateur ! Voilà pourquoi nous voulions, par cet amendement, attirer l'attention sur l'existence et la préservation des contrats à long terme.
M. le président. L'amendement n° 591, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
La préservation des contrats à long terme est essentielle à la réduction de la consommation d'énergie et à la garantie de la sécurité d'approvisionnement en gaz naturel de la France.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 84 ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cher Daniel Reiner, vous énoncez que la préservation des contrats à long terme est essentielle à la garantie de la sécurité d'approvisionnement, et c'est une évidence à laquelle je souscris pleinement ; nos opérateurs s'attachent d'ailleurs à le défendre. Mais, sincèrement, cela ne relève pas du domaine législatif.
Aujourd'hui, près de 85 % des approvisionnements gaziers de GDF sont assurés par des contrats à long terme, et il n'est nullement question de les modifier. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Pastor. Ce serait suicidaire !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Tout à fait !
Même si, demain, le capital de l'État dans une nouvelle entité regroupant Gaz de France et Suez n'était plus que de 34 %, je ne vois pas quel intérêt aurait cette entité à risquer de ne plus profiter de contrats à long terme : c'est de la bonne gestion.
Vous avez à l'esprit l'indépendance énergétique française, et vous avez raison ; mais l'argument vaut aussi pour l'intérêt de l'entreprise. Ce n'est pas une évolution dans le capital de l'entreprise qui changera ce point.
J'ajoute que la position de Bruxelles a évolué sur les contrats à long terme. Il fut un temps où la Commission européenne envisageait de les remettre en question. Toutefois, grâce à l'action menée, en particulier par le gouvernement français, au niveau communautaire, cette remise en cause semble définitivement abandonnée - M. le ministre délégué sera certainement à même d'éclaircir ce point.
M. Yves Coquelle. Ce n'est pas dans la lettre de griefs !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Quoi qu'il en soit, c'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Je confirme ce que vient de dire M. le rapporteur concernant la position de la Commission sur ces questions. La nécessité des contrats à long terme est aujourd'hui bien comprise.
Je voudrais simplement ajouter qu'il est inscrit dans le contrat de service public de Gaz de France que 85 % de son approvisionnement doit provenir de contrats à long terme.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous ne savons pas si cette disposition continuera à s'appliquer !
M. François Loos, ministre délégué. Cet amendement est donc satisfait. Inscrire une telle pétition de principe dans la loi ne nous paraît pas nécessaire, mais nous avons bien évidemment à coeur de la voir respectée.
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour explication de vote.
M. Yves Coquelle. Je ne comprends pas très bien : on nous dit à la fois que 85 % de l'approvisionnement proviendra de contrats à long terme...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En vertu de quoi ?
M. Yves Coquelle. ... et que Bruxelles nous fera connaître ses conditions une fois le projet de loi voté !
Or, dans la lettre de griefs - si j'ai bonne mémoire, car nous avons eu à peine le temps de la lire -, il est bien question de remettre en cause les contrats à long terme et de négocier le marché du gaz à la corbeille !
C'est une question fondamentale qui mérite des explications, monsieur le rapporteur.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est ahurissant !
M. Gérard Le Cam. C'est contraire à la concurrence ! (Sourires.)
M. Yves Coquelle. C'est précisément parce que Gaz de France a des contrats à long terme que les prix demeurent « raisonnables ». Si ceux-ci devaient disparaître, nous serions dans un marché libre et confrontés à l'envolée des prix. Quelles garanties avons-nous sur ce point ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Expliquez-nous pourquoi les contrats à long terme sont garantis !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. J'avais cru, moi aussi, lire dans la lettre de griefs de la Commission que les contrats à long terme posaient un problème : la lettre de griefs a-t-elle été rectifiée ? Y a-t-il une autre lettre de griefs ? Personne n'en parle ! (Rires sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Au-delà de la lettre de griefs, je voudrais en revenir à une question plus fondamentale.
Si Gaz de France a pu obtenir des contrats à long terme, c'est parce qu'ils résultaient, pour une part, de négociations d'État à État...
M. Michel Sergent. Évidemment !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr ! Ils le savent bien !
Mme Marie-France Beaufils. Il ne faut tout de même pas nous leurrer sur les conditions dans lesquelles nous avons remporté ces contrats, à l'issue de négociations menées depuis de nombreuses années.
La possibilité de peser dans les négociations pour obtenir des contrats à long terme concernant le gaz russe ou algérien ne se posera plus dans les mêmes termes, nous le savons bien, pour une entreprise privatisée.
Le maintien de Gaz de France dans le secteur public afin que l'entreprise conserve la possibilité de conclure des contrats à long terme est une question essentielle. Cet amendement s'accorde donc parfaitement avec notre demande de suppression de l'article 10.
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote.
M. Daniel Reiner. Je trouve que M. le rapporteur fait preuve de beaucoup d'optimiste. Voici très exactement ce que contient la lettre de griefs, dont des extraits ont été publiés dans la presse : certes, GDF et Suez ne sont pas les seuls opérateurs gaziers ayant conclu des contrats d'achat de gaz à long terme. En revanche, les autres opérateurs qui ambitionnent d'entrer sur les marchés du gaz ont plus difficilement accès à ces contrats. Ainsi, dans un tel contexte, selon la Commission, la détention de contrats à long terme confère un réel avantage à la nouvelle entité par rapport aux opérateurs qui viennent d'entrer ou qui viendraient à entrer, ce qui nuit à la concurrence.
Les termes sont à peine sibyllins. On peut même dire qu'ils sont clairs comme de l'eau de roche : il y a là la volonté de remettre en cause les contrats à long terme.
Je souhaite que le gouvernement français intervienne fermement à Bruxelles afin que les contrats à long terme soient maintenus. Pour autant, cela ne supprimera pas l'argument selon lequel la privatisation fera perdre la caution de l'État dans la négociation desdits contrats.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ça va être dur !
M. François Loos, ministre délégué. Vous mettez le doigt sur une préoccupation fondamentale pour la sécurité de nos approvisionnements.
Quand de grandes entreprises françaises veulent acheter du gaz sans passer par Gaz de France, elles lancent un appel d'offres. Mais elles ne cherchent pas à s'approvisionner pour une semaine : elles veulent pouvoir se fournir pour une période plus longue.
Ayant conclu des contrats à long terme, Gaz de France peut répondre à ce type de demande. C'est la nature même de l'activité gazière de fonctionner sur le long terme.
En outre, les contrats à long terme sont tout simplement nécessaires, car la distribution ou l'entretien des réseaux nécessitent des investissements.
M. Yves Coquelle. Oui !
M. François Loos, ministre délégué. Dans la lettre de griefs que plusieurs d'entre vous ont citée, la Commission considère que la détention de contrats à long terme confère un avantage. C'est vrai !
Si une entreprise souhaite vendre du gaz en 2007, soit elle n'est capable d'en fournir que pendant cette année, soit elle peut non seulement approvisionner son client en 2007, mais également jusqu'en 2015 s'il le désire. Il est évident que l'entreprise qui est dans le premier cas ne présente pas le même avantage aux yeux d'un client que celle qui a la capacité de l'approvisionner sur le long terme.
M. Yves Coquelle. Oui !
M. François Loos, ministre délégué. La Commission constate qu'il est difficile à un opérateur de se substituer sur le marché à Gaz de France ou à Suez s'il ne possède pas des contrats de la même qualité. Je dirais qu'en l'occurrence c'est le problème du concurrent et non celui de Gaz de France ou de Suez.
Dans le contrat de service public que j'ai signé l'année dernière au mois de juin, l'État demande à Gaz de France que les approvisionnements des consommateurs particuliers en France soient assurés à 85 % par des contrats à long terme, ce qui permet en quelque sorte de « couvrir les risques ». Cet engagement à long terme intéresse également les fournisseurs, qui peuvent ainsi envisager les investissements nécessaires en matière de canalisation ou de gisement.
Voilà pourquoi un contrat à long terme est meilleur qu'un contrat à court terme. Mais tout cela ne se négocie pas d'État à État, ...
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Bien sûr !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ne nous prenez pas pour des débiles : on sait comment ça se passe !
M. François Loos, ministre délégué. La meilleure preuve en est que Suez, Ruhrgas ou tous les opérateurs qui ont un pied dans la place cherchent à conclure des contrats à long terme et réussissent à les obtenir.
Voilà le point que je voulais faire sur le sujet. J'espère vous avoir rassurés, mesdames, messieurs les sénateurs, quant au souci qu'a le Gouvernement de voir nos opérateurs respecter cette obligation.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 84.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Marc Pastor. On voit la motivation de nos collègues de droite !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Appelez votre majorité, monsieur le ministre !
M. le président. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 10 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 126 |
Contre | 201 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 36 de notre règlement relatif à l'organisation de nos travaux.
M. le président. Cet article est commode !
Mme Marie-France Beaufils. Il est important !
M. Michel Billout. Des informations de première importance, dont une dépêche de l'AFP, viennent de nous parvenir portant sur les exigences posées par la Commission européenne quant à la faisabilité de la fusion entre Gaz de France et Suez.
M. Cirelli, dont nous demandons la convocation immédiate devant la commission des affaires économiques, vient de proposer au conseil d'administration extraordinaire de l'entreprise publique, qui s'est réuni à partir de seize heures, de céder aux injonctions de Mme Neelie Kroes telles qu'elle les a formulées ces derniers jours.
En effet, après que Suez a annoncé la cession de ses capacités de production nucléaire en Belgique, capacités que la SPE des communes belges et EDF sont d'ailleurs prêts à acquérir, Gaz de France se préparerait à renoncer à l'équivalent de 35 % de ses contrats à long terme en matière d'approvisionnement en gaz, au lieu des 20 % dont il fut question à l'origine. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vraiment, vous êtes formidable, monsieur le ministre !
M. Michel Billout. Résultat des courses : entre les cessions d'actifs de Suez et celles de Gaz de France - et nous sommes loin des 5 % de cessions d'actifs dont M. le ministre nous faisait état hier - nous serions demain en présence d'un groupe qui ne serait pas plus important que celui aujourd'hui représenté par l'actuel périmètre de consolidation de Gaz de France. Dès lors, où se trouve, encore une fois, la justification de la fusion entre les deux entités Suez et Gaz de France ? Quelle utilité y a-t-il à débattre d'un tel projet de loi, en particulier de l'article 10 ?
Il nous faut donc suspendre nos travaux sans tarder et convoquer devant les commissions compétentes des deux assemblées tant Jean-François Cirelli que Gérard Mestrallet. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est grave !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
Mme Marie-France Beaufils. C'est bien dommage !
M. François Loos, ministre délégué. Cette information semble provenir d'un conseil d'administration dont la réunion, si j'ai bien compris, n'est même pas encore terminée.
Je le répète, mesdames, messieurs les sénateurs, en accord avec le rapporteur et le président de la commission des affaires économiques, le Gouvernement propose de venir s'expliquer sur cette question devant votre commission avant l'examen de l'article 10, qui est l'article clé en la matière, afin que vous disposiez de toute l'information nécessaire.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur le président, je réitère ma demande de poursuivre nos travaux, non pas dans l'urgence, mais sans faiblir. Le projet de loi ne se résume pas à l'article 10 : il y a également d'autres dispositions. Au demeurant, nous n'avons même pas abordé le premier article du titre Ier.
M. Yves Coquelle. Si j'ai bien compris, à l'article 10, vous arrêtez les travaux !
Articles additionnels avant l'article 1er (suite)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 85 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 592 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Pour répondre aux exigences en matière de développement durable et préserver l'environnement Gaz de France et Électricité de France doivent demeurer des entreprises publiques nationales.
La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l'amendement n° 85.
Mme Bariza Khiari. Cet amendement vise à faire respecter des engagements inscrits dans la loi n°2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique.
Ce texte précise en effet que, pour répondre aux exigences en matière de développement durable et préserver l'environnement, Gaz de France et Électricité de France doivent demeurer des entreprises publiques nationales. Il rend compte de la nécessité d'inscrire le développement du secteur énergétique dans la problématique du développement durable et de la nécessité de respecter le protocole de Kyoto en matière d'émissions de gaz à effet de serre.
Nous savons tous que les entreprises publiques réagissent à des critères différents de ceux du secteur privé, et ce d'autant plus dans un contexte de domination des actionnaires exigeant des dividendes élevés. Dans la discussion générale, j'ai imaginé que les actionnaires pourraient avoir un retour sur investissement de 12 % à 15 %.
Monsieur le ministre, la nouvelle que vous avez qualifiée ce matin de « ragots » (M. le ministre délégué proteste.), mais qui en fait se fonde sur des pratiques courantes en affaires, montre bien que la privatisation de GDF ouvre la voie à tous les montages.
M. Gérard Le Cam. Absolument !
Mme Bariza Khiari. Compte tenu des détails qui nous ont été donnés par le biais de ces ragots sur des faits réels ou supposés, on peut penser que cette alternative a été sérieusement étudiée et que, finalement, l'opération serait financée non pas par des capitaux propres, ce qui pourrait être rassurant, mais sur la base d'un système dit de LBO classique, leverage buy out, expression qui désigne le rachat d'une entreprise avec effet de levier, c'est-à-dire avec emprunts bancaires et endettement massif.
Cela revient à dire que le remboursement de cet endettement massif se fera sur le compte d'exploitation de l'entreprise, donc sur les marges, qui, dans ce cas-là, seront doublées ; le retour sur investissement n'est plus de 12 % à 15 %, il est de 20 % à 30 %.
Donc, les inquiétudes que nous exprimions hier dans la discussion générale sont de plus en plus fondées.
Les entreprises publiques, elles, ont un horizon lointain, dégagé des contraintes de rentabilité à court terme. Ce sont des défricheurs, elles peuvent consacrer d'importants investissements à la recherche en vue de l'élaboration de nouvelles technologies moins polluantes.
Nous souhaitons donc, mes chers collègues, profiter de cette occasion pour mentionner la nécessaire protection de l'environnement, si chère au Président de la République, et que nous avons intégrée dans notre Constitution.
M. le président. L'amendement n° 592 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 85 ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Les amendements identiques nos 85 et 592, ainsi d'ailleurs que les amendements nos 86 et 593 qui suivent, sont les petits frères de l'amendement n° 81 puisque, dans cet amendement, il était demandé qu'EDF et GDF restent des entreprises publiques.
Aux termes de l'amendement nos 85, EDF et GDF doivent rester des entreprises publiques pour protéger l'environnement, l'étape suivante étant qu'elles doivent rester publiques pour préserver la santé humaine.
Par conséquent, afin de ne pas prolonger inutilement ce débat, j'indique tout de suite que la commission est défavorable à l'amendement n° 85 et je vous renvoie, mes chers collègues, aux arguments que j'ai déjà développés à propos de l'amendement n° 81.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Michel Sergent, pour explication de vote.
M. Michel Sergent. Nous ne faisons que parler de l'environnement, des problèmes climatiques, et il est vrai que la maîtrise de l'énergie est aujourd'hui un élément essentiel.
Nous le savons, nous qui, au sein de nos collectivités, de nos syndicats, qu'ils soient départementaux ou locaux, mettons en oeuvre des programmes de maîtrise de l'énergie tant avec GDF qu'avec EDF. Ainsi que Mme Khiari le disait à l'instant, ces entreprises publiques peuvent nous accompagner sur le long terme puisqu'elles sont dégagées des contraintes de rentabilité immédiate. Elles peuvent nous aider à diminuer la consommation, ce qui sert l'intérêt des populations.
Évidemment, cette logique n'est pas celle d'une entreprise privée qui, elle, a besoin de vendre plus pour faire plus de bénéfice.
Il est indispensable de développer cet axe de maîtrise de l'énergie et nous ne pouvons le faire qu'avec l'aide de nos grandes entreprises publiques. Il est donc évidemment important qu'elles demeurent publiques.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne veux pas cacher le sentiment d'amertume et de dégoût qui emplit le coeur d'un parlementaire plongé dans une situation aussi irréelle que celle que nous vivons en cet instant.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est surréaliste !
M. Jean-Luc Mélenchon. Nous ne sommes pas en train de nous affronter dans le cadre du jeu normal, ordinaire et bien compréhensible de la démocratie entre un gouvernement, sa majorité et une opposition. Nous sommes sur un débat de fond, nous en convenons tous. Je ne crois pas qu'il y ait ici une seule personne, qu'elle siège à droite ou à gauche de cet hémicycle, pour dire qu'il s'agit d'un débat de second ordre. Nous savons tous que nous sommes en première ligne d'un des plus grands problèmes de notre époque, celui de l'énergie disponible.
Alors que, dans cet hémicycle, où sont aujourd'hui réunis le ministre, les parlementaires, parmi lesquels un ancien Premier ministre, nous échangeons longuement nos arguments, contrebattons nos raisons, nous livrons à cet exercice ô combien honorable de la démocratie, quelques personnages s'agitent derrière les rideaux des conseils d'administration de leurs sociétés et décident en réalité de notre destin à tous.
Les paramètres à partir desquels vous avez pris vos décisions ne sont plus réunis. D'autres les ont changés sans que vous soyez en mesure de vous y opposer, monsieur le ministre. Et nous savons que, si vous aviez un seul argument à faire valoir, vous le produiriez immédiatement, ne serait-ce que pour la dignité de votre fonction, puisque vous êtes ministre délégué à l'industrie.
Mais voilà que MM. François Pinault, Albert Frère, Thierry Desmarets et consorts prennent des décisions dont nous ne savons rien. Nous devons attendre à la porte des conseils d'administration pour savoir quelles ont été leurs décisions, qui, elles, ne dépendent d'aucune délibération et n'obéissent qu'à des intérêts qui nous échappent totalement.
Cela est indigne ! Comment pouvons-nous accepter une situation pareille ? Quelles que soient vos convictions, même si vous êtes convaincus qu'il faudra en définitive privatiser GDF, comment pouvez-vous, mes chers collègues, accepter cette humiliation ?
Nous sommes ridiculisés collectivement. Parce que quelques personnes prennent des décisions en fonction de ce qui leur paraît important ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Leur intérêt !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... - et l'on comprend leurs raisons -, la démocratie est ridiculisée.
Le P-DG de GDF, qui aurait mérité cent fois d'être mis à la porte, sera demain, sans avoir pris d'autre risque que celui d'être assis dans son fauteuil, à la tête d'une société privée et cumulera des stock-options après avoir été désigné par un gouvernement. Il a déjà dit qu'il n'attendait pas qu'on prenne les décisions concernant GDF « en dehors de GDF », oubliant que, lorsque l'État est actionnaire majoritaire, c'est l'État qui s'exprime au nom de la nation, décide ce qu'il veut, et que le P-DG n'a qu'à obéir et servir, comme le lui impose son rôle, aussi longtemps qu'il s'agit d'une entreprise publique.
Cette situation est intolérable. Notre dignité commune exigerait que, devant nos concitoyens, nous suspendions nos travaux et attendions de savoir de quoi nous parlons réellement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Je veux juste faire une remarque à la suite de l'information qui vient de nous être donnée par nos collègues du groupe CRC, selon laquelle GDF devra céder 35 % de ses capacités de gaz et que Suez devra se délester d'un certain nombre de ses capacités nucléaires. Je crains que nous n'arrivions à l'équation suivante : GDF privatisée + Suez de demain = GDF d'aujourd'hui.
M. Michel Sergent. Peut-être même moins !
M. Roland Courteau. Alors, à quoi riment tous ces efforts, mes chers collègues ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 86 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 593 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
La préservation de la santé humaine et de l'environnement nécessite le maintien d'entreprises publiques nationales, comme Électricité de France et Gaz de France.
La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l'amendement n° 86.
Mme Bariza Khiari. Je comprends tout à fait notre rapporteur lorsqu'il souligne, à juste titre, que la transposition est nécessaire, mais travailler dans ce climat est, pour la nouvelle parlementaire que je suis, tout à fait curieux.
Par l'amendement n° 86, nous souhaitons, encore une fois - la pédagogie passe aussi par la répétition -, réaffirmer le principe du caractère public des entreprises EDF et GDF.
Cet amendement s'inscrit dans les objectifs de la loi du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique.
L'article ler de cette loi dispose en effet que la préservation de la santé humaine et de l'environnement nécessite le maintien d'entreprises publiques nationales comme EDF et GDF. Le législateur a eu raison d'inscrire ce principe.
S'agissant des exigences en matière de normes de sécurité et de sûreté, la privatisation de Gaz de France fait peser des risques importants en matière de gestion des infrastructures. Il ne faudrait pas qu'elle conduise à un relâchement des normes de sécurité.
En effet, dans le secteur gazier, il s'agit d'infrastructures de transport de très haute pression, avec des installations de recompression, des terminaux méthaniers et des stockages souterrains.
Ainsi, GDF possède quinze sites classés Seveso 2. Certaines stations de recompression sont susceptibles, à terme, d'être également classées Seveso 2. Plus de 4 000 postes de gaz à très haute pression sont situés à proximité des lieux d'habitation et 30 000 kilomètres de canalisations de très haute pression sont enfouis sous nos routes et voies de chemins de fer. Leur maintenance et leur entretien nécessitent un personnel qualifié, formé aux risques que présentent de tels ouvrages.
Lorsqu'il s'agit de remplacer les canalisations en fonte cassante, qui sont dangereuses, la rentabilité ne doit pas entrer en ligne de compte.
À la suite du drame de l'usine AZF, le rapport de la commission parlementaire avait permis de mettre en évidence les risques industriels liés à l'exploitation des réseaux de transport de gaz. Le rapport insistait sur la nécessité de renforcer les normes de sécurité sur tous les sites présentant des risques industriels majeurs, d'éviter le recours à la sous-traitance et à une main-d'oeuvre peu qualifiée pour effectuer les travaux de maintenance et d'entretien.
Qu'en sera-t-il en matière de sécurisation des réseaux de transport avec la privatisation de GDF ? Que deviendra le cahier des charges de GDF - où doivent figurer les obligations d'entretien et de maintenance ainsi que les normes de sûreté - avec la fusion ? Rien n'est prévu dans ce projet de loi en ce qui concerne ce type de contraintes, alors que, demain, GDF sera privatisé et absorbé par Suez !
Quid du contrat de service public entre GDF et l'État, qui couvre la période 2005-2007 et qui prendra donc fin en 2007 ? Ce contrat de service public comporte des éléments de sécurité dans le cadre des obligations de service public de GDF. Dans quel cadre sera-t-il renouvelé ? Et si, du fait de la fusion, l'entité était démembrée ? À quelles normes de sécurité et de sûreté seront alors soumises les capacités de transport et de stockage qui seront cédées ?
Enfin, en matière de sécurité et de sûreté, comme l'a très justement souligné, en 2004, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, une centrale nucléaire n'est pas un central téléphonique.
Telles sont les raisons pour lesquelles EDF et GDF doivent rester des entreprises publiques.
M. le président. L'amendement n° 593 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 86 ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. À deux mots près, l'amendement n° 86 est identique au précédent. Donc, toujours pour les mêmes raisons, la commission a émis un avis défavorable.
J'ajoute que je ne vois pas pourquoi une entreprise publique devrait plus respecter les normes de santé publique et les normes environnementales qu'une société privée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Madame Khiari, lorsque l'on s'est rendu compte que des accidents se produisaient à cause des fontes grises, j'ai pris un arrêté rendant obligatoire le remplacement de ces fontes avant la fin de 2007. Cette mesure s'applique de la même façon à l'ensemble des distributeurs, c'est-à-dire, en pratique, soit à Gaz de France soit aux distributeurs non nationalisés. Tout le monde doit appliquer cet arrêté. C'est ainsi que cela fonctionne en France. La plupart de ces obligations seront remplies à la fin de cette année.
Par ailleurs, vous avez évoqué les sites Seveso 2. Gaz de France compte sept sites de ce type et il existe environ un millier de sites Seveso 2 en France qui, pour sans doute 95 % d'entre eux, sont privés. Les textes s'appliquent de façon identique à toutes les entreprises, qu'elles soient privées ou publiques, et ne croyez pas qu'il soit plus facile de les faire appliquer aux entreprises publiques.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 86.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 86.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Rappels au règlement
M. Roger Karoutchi. Une nouvelle dépêche est tombée ! (Sourires sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis trois jours, il règne dans cet hémicycle une atmosphère particulière, voire une atmosphère désagréable, qui est différente de celle que j'ai pu connaître lors de l'examen de certains textes sur lesquels pourtant les avis étaient très divergents. Voir le rapporteur et le ministre défendre seuls le texte renforce ce sentiment de malaise.
Et voilà qu'à l'instant même, grâce à notre collègue Michel Billout, une information nous arrive que personne d'autre n'avait pris soin de nous communiquer.
Monsieur le président, alors même que nous débattons, des faits importants qui concernent le projet de loi que nous sommes en train d'examiner se déroulent en dehors de cet hémicycle.
Je vous demande donc solennellement une suspension de séance de quelques minutes pour nous permettre d'aborder ce sujet avec les responsables de GDF. Cela donnera également le temps au ministre délégué de rassembler toutes les informations utiles pour revenir devant nous avec des indications précises sur les premières conclusions de ce conseil d'administration exceptionnel.
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, la Haute Assemblée a besoin d'être tenue informée de ce qui est en train de se produire. Et ce n'est pas rien, puisque cela concerne directement le débat actuel !
M. le président. Monsieur Pastor, ces préoccupations ont déjà été exprimées et M. le ministre délégué ne manquera pas de vous répondre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Michel Billout. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. Thierry Foucaud. Une autre dépêche vient de tomber ?
M. Michel Billout. Monsieur le président, je pense que nous pouvons lier mon rappel au règlement à celui de M. Pastor, car ils vont tous deux dans le même sens.
Nous venons de recevoir une nouvelle dépêche de l'AFP (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP) dont voici les termes : « La Commission européenne a annoncé jeudi qu'elle repoussait au 24 novembre, au lieu du 17, la date butoir de son verdict sur la fusion, sans préciser les raisons de ce report, comme elle le fait d'habitude. »
M. Roland Courteau. Décidément, l'AFP est mieux informée que le Parlement !
M. Michel Billout. La dépêche se poursuit ainsi : « Mercredi, une source proche du dossier a confié à l'AFP que Bruxelles demandait plus de concessions à Suez et GDF, nécessaires pour donner son feu vert à leur mariage que celles que les deux groupes ont proposées jusqu'ici. »
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est plus possible de travailler dans ces conditions !
M. Jean-Marc Pastor. Nous ne pouvons pas continuer comme cela !
M. Michel Sergent. C'est totalement surréaliste !
M. Michel Billout. Ainsi, les événements qui se déroulent à Bruxelles justifient également que nous prenions tout le temps nécessaire.
Après tout, le processus de transposition des directives « Énergie » doit être achevé le 1er juillet 2007. Cela nous laisse donc un délai raisonnable et il est, à mon sens, nécessaire d'organiser différemment nos débats.
Je soutiens donc la demande de suspension de séance.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué. Au risque de me répéter, je confirme que je ne peux pas faire de commentaires sur un conseil d'administration qui n'est probablement pas encore terminé.
En revanche, j'ai suggéré que la commission des affaires économiques se réunisse avant le début de l'examen de l'article 10. À cette occasion, nous pourrions venir vous présenter les différents aspects de la discussion qui est actuellement menée.
M. Thierry Foucaud. J'espère que nous serons mieux informés, cette fois !
M. François Loos, ministre délégué. D'ici là, vous pourrez examiner nombre d'articles qui nous permettront de transposer les directives relatives au secteur de l'énergie et de faire avancer des dossiers très importants, comme la sécurité d'approvisionnement et le tarif régulé pour nos concitoyens.
Par conséquent, je vous propose que nous échangions toutes les informations nécessaires sur le sujet dans le cadre d'une réunion de la commission qui pourrait se tenir avant que la Haute Assemblée n'aborde les articles tendant à l'ouverture du capital de Gaz de France. En attendant, nous pouvons travailler sur le reste. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Monsieur le ministre délégué, c'est dans cet esprit qu'une courte suspension de séance avait été accordée tout à l'heure à nos collègues de l'opposition.
En l'occurrence, il n'y a pas, me semble-t-il, d'éléments nouveaux sur le sujet. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Marc Pastor. Vous venez de prononcer le mot qu'il ne fallait pas, monsieur le président !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Je voulais répondre avec toute la considération qui convient aux propos de MM. Mélenchon et Pastor.
Il y a un mot avec lequel je suis d'accord : il existe effectivement un certain malaise s'agissant de l'information sur plusieurs sujets, et cela nous touche tous.
En revanche, il y a un mot avec lequel je suis en désaccord : vous ne pouvez pas affirmer que la dignité du Parlement est en cause.
En l'occurrence, nous nous trouvons en présence de deux sujets très distincts.
D'un côté, il y a le problème de la liberté que nous donnons à Gaz de France. C'est la question stratégique majeure.
Pour ma part, j'ai pu constater que l'entreprise France Télécom avait perdu beaucoup de capacités d'initiatives faute de pouvoir nouer des alliances par des échanges de participations. Dans ces conditions, la liberté stratégique qui est offerte à Gaz de France constitue bien le point clé.
Si, aujourd'hui ou demain, certaines informations, qu'elles proviennent des institutions communautaires ou du marché, faisaient craindre une remise en cause de la stratégie que nous souhaitons pour Gaz de France, rien n'obligerait l'actionnaire de cette entreprise, qui est aujourd'hui l'État, à adhérer à une stratégie à laquelle il ne souscrirait pas.
Par conséquent, il faut bien regarder la réalité. Il s'agit de débattre de la liberté stratégique que nous donnons à Gaz de France.
De l'autre côté, il y a effectivement un certain nombre de faits que nous n'apprécions pas. C'est bien pour cela que nous devons nous montrer attentifs et vigilants face au marché et à certains jeux d'actionnaires.
Mais, aujourd'hui, ce n'est pas la question posée. Ce qui importe en ce moment, c'est la liberté de Gaz de France. Bien entendu, l'État aura toujours son mot à dire sur ce sujet. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est faux ! Il n'aura plus son mot à dire !
Articles additionnels avant l'article 1er (suite)
M. le président. Toujours avant l'article 1er, je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 87 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 594 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Tout changement dans le capital de Gaz de France ne peut se faire qu'après consultation des autorités concédantes du service public du gaz.
La parole est à M. Michel Sergent, pour présenter l'amendement n° 87.
M. Michel Sergent. J'ai bien retenu un élément de l'intervention de M. Raffarin, ancien Premier ministre : il y a au moins un terme qui se dégage de ce débat, celui de « malaise ».
MM. Mélenchon et Pastor l'ont constaté, M. Raffarin le reconnaît lui-même, alors que nous débattons dans cet hémicycle, le malaise règne et nous le ressentons tous.
M. Jean-Pierre Raffarin. Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai dit !
M. Michel Sergent. L'amendement n° 87 vise à imposer une consultation des autorités concédantes du service public du gaz avant tout changement dans le capital de Gaz de France.
En effet, GDF et EDF sont des entreprises concessionnaires de service public de distribution. Les collectivités locales en sont les autorités concédantes et sont propriétaires des réseaux de distribution publics, en l'occurrence de gaz.
Pourquoi en est-il ainsi ? Parce que ces réseaux constituent des monopoles naturels. En effet, d'un point de vue économique, l'existence de « doublons » constituerait un véritable gaspillage et une allocation non optimale des ressources.
C'est pourquoi les collectivités locales ont confié la gestion de leur service public à l'entreprise GDF, qui était le « concessionnaire obligé ». Elle seule pouvait d'ailleurs l'être. GDF doit donc assumer des missions de service public, liées à l'exploitation des réseaux de distribution, et elle peut le faire parce qu'elle est une entreprise publique.
Mais nous savons que les rapports entre les autorités concédantes et GDF n'ont pas toujours été simples. Nous le voyons d'ailleurs sur tout le territoire s'agissant des relations entre les syndicats et l'entreprise.
Toutefois, l'entreprise exploitante avait l'obligation d'améliorer la qualité de la desserte, d'entretenir les réseaux de distribution et de veiller à la sûreté et à la sécurité des canalisations. Je pense notamment au remplacement des canalisations en fonte grise par des canalisations plus résistantes. Ce programme devrait être terminé d'ici à la fin de l'année de 2007. En effet, chacun se souvient des graves accidents qui ont eu lieu à Mulhouse, à Dijon ou près d'Arras, dans mon département du Pas-de-Calais.
L'entreprise publique a donc des obligations de service public importantes. Elle y répond également par le biais d'un dialogue permanent avec les autorités concédantes. Or il paraît évident que ces dernières seront touchées par la privatisation de GDF, pour les raisons que nous avons déjà évoquées.
En effet, il y a un risque de mise en concurrence des concessions et de changement d'interlocuteur. Nous n'aurons ainsi plus les mêmes pratiques sur le même terrain et cela deviendra encore plus difficile demain.
De nouvelles relations vont s'établir avec des entreprises privées.
Dans cette nouvelle configuration, les risques d'une recherche de rentabilité à court terme - ne le nions pas, cela se produira certainement - et de l'insuffisance des investissements d'entretien et de développement - c'est déjà un peu le cas - ne sont pas à écarter.
Dès lors, il nous semble essentiel que les collectivités publiques, qui sont les autorités concédantes du service public de distribution, puissent être consultées avant la privatisation de GDF et son éventuelle fusion avec Suez ou avec un autre groupe, puisque les choses évoluent tellement vite que nous ne sommes plus certains de rien. Il nous paraît donc tout à fait nécessaire que ces collectivités puissent prendre le temps de la réflexion.
Nous qui sommes responsables d'autorités concédantes devons garantir aux collectivités locales et aux maires la sécurité des réseaux de gaz qui parcourent leur commune.
M. le président. L'amendement n° 594 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 87 ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cher Michel Sergent, je vous rappelle que notre collègue Xavier Pintat, ici présent, est le président de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, la FNCCR
M. Michel Sergent. Je le sais !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il est intervenu lors de chaque débat portant sur un texte législatif relatif à l'énergie, que ce soit en 2000, en 2003 ou en 2004, et je peux vous dire qu'il s'est montré particulièrement vigilant depuis le début de l'examen du présent projet de loi.
Je crois qu'il vous a très bien défendu, si je puis dire, puisque vous présidez un syndicat départemental. Il nous a sollicités et nous serons amenés à prendre ses observations en compte lorsque nous pourrons enfin arriver à la partie que je qualifierai de constructive de notre discussion, c'est-à-dire à partir de l'article 1er. À cette occasion, nous examinerons un grand nombre d'amendements que, j'en suis certain, vous défendrez également.
Je tenais à le rappeler, parce que je considère, pour ma part, que nous avons consulté les autorités concédantes. M. Pintat s'est exprimé à plusieurs reprises.
En outre, même si nous devons nous montrer particulièrement attentifs au rôle des autorités concédantes, celles-ci ne sont en aucun cas propriétaires de Gaz de France.
M. Michel Sergent. Certes !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Les évolutions de la structure capitalistique de l'entreprise relèvent aujourd'hui de la seule autorité du Parlement. J'espère que nous parviendrons à en débattre dans les prochains jours.
Par ailleurs, il convient de rappeler que le système des concessions n'est pas concerné par l'évolution de la forme juridique de GDF, qui demeurera le seul concessionnaire dans sa zone de desserte historique. D'ailleurs, vous le savez.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour explication de vote.
M. Yves Coquelle. Je souhaite en fait obtenir une précision de la part de Michel Sergent. Mon cher collègue, vous souhaitez que tout changement dans le capital de Gaz de France ne puisse intervenir qu'après autorisation des autorités concédantes ?
M. Michel Sergent. Non ! Après « consultation », et non « autorisation » !
M. Yves Coquelle. Dans ce cas, je comprends mieux.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je soutiendrai naturellement cet amendement. Mais je voudrais en préalable remercier notre collègue Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre, de la considération qu'il a bien voulu manifester à l'égard de notre raisonnement en faisant l'effort d'y entrer.
Nous avons bien compris que, dans son esprit, ainsi que dans celui de nombre de nos collègues, l'acte fondateur est ce que certains résument sous l'expression « donner la liberté à GDF » et que, pour notre part, nous qualifions plus volontiers de « privatisation ». Vous le savez, nous sommes en désaccord avec vous sur ce point.
C'est même la grande querelle de notre époque. Je l'admets, dans cette grande querelle, vous avez quelques points de plus que nous. En effet, nous luttons le dos au mur, tant en France que dans d'autres pays. Toutefois, la tendance semble se retourner, et j'en dirai juste un mot.
Quant à la dignité du Parlement, si j'admets que le terme était peut-être un peu fort, je ne doute pas que vous avez parfaitement saisi l'esprit de mon propos.
Depuis le début de ce débat, nous nous débattons sans connaître les données de base sur lesquelles vous déclarez pourtant appuyer votre raisonnement. Or, à cette heure, deux principes, qui ont chacun leur légitimité, se trouvent en opposition.
Certes, la délibération privée des actionnaires d'une entreprise a sa légitimité. Mais nous, qui représentons le peuple et la nation, avons également des droits. Et, dans la hiérarchie des normes juridiques, les droits des parlementaires étaient jusqu'à présent, semble-t-il, supérieurs à ceux des actionnaires. Or la situation qui nous est faite manifeste très exactement l'inverse.
D'ailleurs, vous l'avez bien compris, monsieur Raffarin, puisque vous concluez en disant qu'il nous faudra être très attentifs aux signaux qui nous seront adressés parce que l'État reste actionnaire et qu'il n'est pas obligé d'entrer dans le jeu. Nous voilà justement au coeur du sujet ! Pourquoi donc commencer ce jeu, puisque vous admettez vous-même que nous pourrions être obligés de nous en retirer ?
Dans cette affaire, nous ne confrontons pas des conceptions abstraites ni des visions politiques, je les mets de côté pour l'instant, non, nous représentons la France ! Il est très important que, dans un débat qui ne se déroule pas entre purs esprits, la volonté collective des Français s'exprime avec toute sa force.
Les commissaires européens n'ont pas, comme par miracle, perdu leur patrie. Nous, en tout cas, nous en avons une et nous avons bien observé la continuité d'une série de décisions qui, au nom de la libéralisation des marchés, visent toujours à frapper plus fort les Français que les autres membres de l'Union. Pourquoi ? Parce que notre pays est ainsi constitué : notre génie national a voulu que l'État joue un grand rôle dans l'organisation et le développement de la puissance des Français.
À cet instant, donc, ce n'est pas seulement la question abstraite de l'organisation des marchés européens qui est en jeu, c'est aussi la question de la place spécifique des Français, en tant que peuple, un peuple qui a encore entre les mains des outils dont il ne disposera plus demain !
Monsieur Raffarin, je voulais attirer votre attention sur ce point, car je suis sûr que vous pensez, comme moi, que les signaux qui nous sont adressés n'émanent pas d'une pensée désincarnée, simplement préoccupée de réorganiser le grand marché européen de l'énergie. Je n'y crois pas et je pense que nous sommes nombreux ici à ne pas y croire.
Sinon, la Commission européenne aurait été plus respectueuse des décisions prises au sommet de Barcelone. Or, elle les a contournées à la première occasion ! Au sommet de Barcelone, compte tenu de ce que nous autres, Français, avions à dire sur le sujet, et cela a tout de même une certaine importance, il avait été clairement établi que l'Europe ne prendrait pas de décision sans directive-cadre sur les services publics. Et le projet de Constitution rappelait que l'Union ne porte pas d'appréciation sur le statut des entreprises.
Sur ce point, la volonté des Français reste très claire : ils veulent une régulation collective, soit au niveau de leur pays, soit à l'échelle de l'Europe. Et ils ne veulent pas l'abandonner à la main aveugle du marché, qu'ils ne croient pas capable de servir l'intérêt général.
Voilà, monsieur Raffarin, ce que nous voulons dire : l'état de confusion dans lequel la décision se prend nous donne raison. Nous vous comprenons parfaitement quand vous nous dites que, au fond, c'est la grande querelle du public et du privé qui nous oppose. Peut-être bien ! Mais, pour l'instant, c'est nous qui sommes fondés à vous inviter à constater dans quelle opacité nous prenons les décisions.
Si l'opacité règne au moment de prendre la décision, qu'en sera-t-il une fois qu'elle aura été prise ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 88 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 595 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Tout changement dans le capital d'Électricité de France ne peut se faire qu'après consultation des autorités concédantes du service public de l'électricité.
La parole est à M. Michel Sergent, pur défendre l'amendement n° 88.
M. Michel Sergent. Au préalable, je voudrais dire à M. le rapporteur que M. Pintat, en tant que président de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, la FNCCR, défend évidemment sa fédération, dont je suis d'ailleurs l'un des modestes vice-présidents. Il y a trois semaines, nous tenions congrès à Bordeaux, et les maires et les collectivités représentées ont fait état de nombreuses inquiétudes émanant de l'ensemble de leurs concitoyens.
L'amendement n° 88 relève du même esprit que le précédent, mais il s'inscrit dans le cadre du service public de l'électricité. Il tend à rendre obligatoire la consultation des collectivités concédantes avant tout changement dans le capital d'EDF.
N'oublions pas que la hausse du prix de l'électricité, qui résultera de l'ouverture des marchés à la concurrence, accroîtra encore le manque d'attractivité des territoires. La variable que constitue le coût énergétique est, en effet, une dimension importante de la rentabilité des investissements.
L'ouverture du capital des entreprises ayant la charge de la distribution, les concessions, conduit à la mise en place de nouveaux critères de gestion, axés sur la rentabilité. Les investissements nécessaires à l'entretien et au développement des réseaux risquent donc d'en pâtir. Les collectivités locales se plaignent déjà d'une situation difficile dans ce domaine.
J'en parlais précisément hier avec Xavier Pintat qui, à la suite d'une tempête que vient de vivre le Bordelais, a pu constater que les moyens mis en oeuvre pour rétablir l'électricité étaient déjà de bien moins bonne qualité par rapport à ceux qui avaient été déployés après la tempête de 1999.
Avec l'ouverture du capital et la privatisation des entreprises, nous risquons effectivement de voir encore la situation se détériorer, contribuant ainsi à la dislocation territoriale.
Le service public de l'électricité garantissait l'égalité de la desserte des territoires et, globalement, à un même prix - c'était vrai pour l'électricité, un peu moins pour le gaz. L'ouverture du capital de ces entreprises publiques et la privatisation de GDF contribueront nécessairement à faire voler en éclats ce système.
Il n'y a en effet aucune raison pour que les critères de rentabilité ne s'appliquent pas, car il faudra donner satisfaction aux nouveaux actionnaires de ces entreprises. Les missions de service public, en matière d'accessibilité, de desserte du territoire et d'égalité des prix, risquent donc de ne plus figurer au rang des priorités. La fragilisation du monopole de concession de distribution participe également de cette logique.
On nous reparle régulièrement de France Télécom : n'oublions pas, mes chers collègues, à quel point l'aménagement du territoire en termes de téléphonie et d'ADSL s'avère difficile. Cela a été déjà dit : il y a maintenant en quelque sorte des territoires à deux vitesses, ceux qui n'ont pas accès à ces nouveaux moyens de communication, les fameuses « zones blanches », et ceux qui y ont accès. Nous ne voudrions pas que le secteur de l'énergie, de l'électricité notamment, nous présente demain le même visage.
M. le président. L'amendement n° 595 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 88 ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je suis tenté de répéter les mêmes observations, bien que la question soit différente, puisqu'elle concerne EDF et non plus GDF.
Je ne sais pas si des projets de modification du capital d'EDF verront le jour, demain ou plus tard. Le Parlement sera alors à nouveau consulté et le rapporteur qui sera désigné fera comme moi : il auditionnera de manière très officielle la FNCCR.
Nous avons invité non pas Xavier Pintat, mais la fédération qu'il préside. M. Pintat est venu avec son directeur général, il aurait très bien pu venir accompagné d'un certain nombre de ses vice-présidents mais, rassurez-vous, vous avez été tous bien défendus, mes chers collègues ! M. Pintat a exprimé les soucis et les inquiétudes que vous venez de mentionner, monsieur Sergent.
Vous verrez même que, sous réserve d'un certain nombre de modifications, la quasi-totalité des amendements déposés à la suite de l'assemblée générale de votre fédération seront acceptés par le Gouvernement et par la commission.
En revanche, en ce qui concerne l'amendement n° 88, l'avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. L'avis du Gouvernement est également défavorable.
Même si on voulait effectuer une consultation pour tenir compte de l'ensemble des préoccupations émises par les autorités concédantes, je ne vois pas bien comment on procéderait, sauf à faire comme M. le rapporteur.
Je voudrais rappeler que ce projet de loi ne comporte évidemment aucune disposition relative à l'évolution du capital d'EDF, pas plus qu'il ne modifie les concessions ou la propriété des réseaux de distribution, qui reste celle des collectivités locales. Certains articles du présent texte confirment d'ailleurs ce statu quo, preuve que le Gouvernement n'entend pas le remettre en cause.
Nous ne pouvons donc que demander le rejet de cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 89 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 596 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remettra au Parlement, avant la fin de chaque année, un rapport sur les conséquences économiques et sociales du changement de statut de Gaz de France depuis 2004.
La parole est à M. Roland Courteau, pour défendre l'amendement n° 89.
M. Roland Courteau. Cet amendement pose le principe de la remise d'un rapport annuel sur les conséquences, pour le service public et les usagers, de la transformation, en 2004, de l'établissement public industriel et commercial qu'était GDF en société anonyme.
Il s'inscrit parfaitement dans la logique de la directive 2003/55/CE du 26 juin 2003 sur l'ouverture à la concurrence du marché du gaz naturel. Celle-ci prévoit en effet que la Commission établit un rapport de ce type pour l'information du Parlement européen.
Dans son article 31, la directive prévoit le dépôt d'un certain nombre de rapports concernant le bilan de la mise en oeuvre, par les États membres, des obligations de service public. Par exemple, le paragraphe 2 de cet article dispose que ce rapport « comprend également une analyse des différentes mesures, prises par les États membres pour respecter les obligations de service public ». Il est précisé qu'il peut également comporter des « recommandations sur les mesures à prendre au niveau national pour atteindre un niveau élevé de service public ».
Nous pensons que la transmission, par le Gouvernement, d'un rapport sur l'évolution du service public, dans le cadre du changement du statut de l'opérateur historique, s'inscrit dans cette problématique. Ce rapport permettrait d'évaluer l'évolution de la qualité et de l'efficacité du service public, depuis que GDF est devenu une société anonyme avec un actionnariat en partie privé.
Il pourrait notamment aborder la problématique des prix et de la péréquation tarifaire, la desserte du territoire en gaz naturel, l'évolution des rapports entre GDF et les autorités concédantes, l'évolution de la nature des contrats de l'entreprise GDF et la sécurité de nos approvisionnements en gaz.
Un tel rapport représenterait un effort louable de transparence et d'information du Parlement, dans un domaine aussi stratégique que le secteur gazier, qui comporte des obligations de service public fondamentales, en termes de cohésion économique, sociale et territoriale.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 596.
M. Jean Desessard. Il se trouve que cet amendement est le même que celui qui a été excellemment défendu par mon collègue Roland Courteau, sénateur de l'Aude. Afin de ne pas répéter son argumentaire, je m'en déclare solidaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je me suis déjà exprimé ce matin sur ce sujet et j'ai dit ce que je pensais de la multiplication des rapports. Plus ils sont nombreux, plus ils s'affaiblissent eux-mêmes. Je suis donc très réticent sur le principe même.
Mais, sur ce sujet plus particulièrement, je tiens à vous rappeler que nous pouvons interpeller chaque année le Gouvernement, notamment à l'occasion de la loi de finances, sur la politique de GDF et les évolutions de son activité. Je pense que cela suffit aux besoins d'information du Parlement. (M. Roland Courteau manifeste son scepticisme.)
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
Je complète ce que vient de dire le rapporteur : l'article 106 de la loi de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique prévoit qu'un rapport sur les moyens consacrés à la politique énergétique nationale est joint à la loi de finances. Vous disposerez donc d'un « jaune » budgétaire sur la politique énergétique dans lequel figurera un gros chapitre sur le gaz.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je ne comprends vraiment pas pourquoi vous refusez que le Parlement soit destinataire, chaque année, d'un rapport sur l'évolution de la situation de Gaz de France. Parce qu'il s'agit bien de Gaz de France, et non de la politique énergétique en général.
Je ne comprends pas votre attitude. Je me souviens de la photo qui a fait la une de tous les quotidiens au mois de février dernier : c'est le Premier ministre, M. de Villepin, accompagné de M. Cirelli, président de Gaz de France, et de M. Mestrallet, président de Suez, qui a annoncé lui-même la privatisation de GDF et la fusion avec Suez. L'exécutif était à l'évidence partie prenante dans cette décision.
Il serait donc normal que le Parlement reçoive une information spécifique sur les suites de ces opérations successives, que nous combattons par ailleurs, je veux parler de la transformation du statut en 2004, puis de la privatisation et enfin de la fusion en 2006, si du moins vous y arrivez, et rien n'est moins sûr aujourd'hui !
Monsieur le ministre délégué, le Parlement doit être tenu informé des conséquences de l'acte qu'il s'apprête à autoriser !
Je ne comprends pas que le Gouvernement et, surtout, M. le rapporteur puissent s'opposer à la remise d'un document qui serait utile à la représentation nationale. Je ne comprends pas votre attitude, monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas la justifier ! Que le Gouvernement ne veuille pas qu'un tel rapport soit remis au Parlement, soit, mais que la commission s'y oppose, cela m'échappe, je l'avoue !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Je voudrais appuyer les propos de ma collègue Nicole Bricq, d'autant que j'ai le sentiment que M. le ministre et M. le rapporteur n'ont pas lu attentivement le texte de mon amendement.
Il ne s'agit pas, je le rappelle, de prévoir la remise d'un rapport sur la politique énergétique suivie ; il est vrai que l'on peut aborder à tout moment ce sujet dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances. Notre amendement prévoit que « le Gouvernement remettra au Parlement, avant la fin de chaque année, un rapport sur les conséquences économiques et sociales du changement de statut de GDF depuis 2004 ».
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je comprends que ma collègue Nicole Bricq trouve qu'il serait tout de même intéressant que le Sénat puisse bénéficier d'un tel rapport, puisqu'on nous a dit qu'il s'agit ici d'un sujet stratégique, fondamental, que l'avenir de la France, de l'Europe, du monde est en jeu ! On pourrait donc s'attendre à ce que le Parlement puisse au moins disposer d'un bilan des conséquences du changement de statut de GDF.
Cela étant, je comprends aussi pourquoi le rapporteur ne veut pas d'un tel rapport. En effet, il sait que les conséquences du changement de statut seront catastrophiques pour les salariés, pour les usagers, pour l'indépendance énergétique de la France ! Par conséquent, il ne veut pas de ce rapport. Évidemment, ce serait trop grave ! Il sait déjà que le bilan sera négatif, et il n'a pas envie d'avoir à faire son autocritique, comme M. Fourcade a pu faire la sienne hier en reconnaissant que lui et ses amis n'avaient pas prévu l'augmentation du prix du pétrole ni la raréfaction de la ressource, que nous avions, nous, pour notre part, pourtant annoncées.
Aujourd'hui, nous affirmons que la démarche engagée va déboucher sur une catastrophe pour les usagers, pour les salariés, pour la situation énergétique de notre pays ! On comprend donc très bien que M. le rapporteur ne souhaite pas que cela figure dans un document remis au Parlement ! Il n'a pas envie de devoir admettre, dans deux ou trois ans, que nos prédictions se seront vérifiées.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 89 et 596.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. Jean-Marc Pastor. La transparence fait peur !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 90 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 597 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article 1er de la loi n°2000-108 du 10 février 2000 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il repose sur le maintien d'entreprises publiques. »
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 90.
M. Roland Courteau. Il s'agit d'un amendement de cohérence, visant à mettre en conformité la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'énergie avec la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique.
En effet, le début de l'article 1er de la loi de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique est ainsi rédigé :
« La politique énergétique repose sur un service public de l'énergie qui garantit l'indépendance stratégique de la Nation et favorise sa compétitivité économique. Sa conduite nécessite le maintien et le développement d'entreprises publiques nationales et locales dans le secteur énergétique. »
En conséquence, nous souhaitons compléter l'article 1er de la loi du 10 février 2000, qui définit le service public de l'énergie, par une phrase ainsi rédigée : « Il repose sur le maintien d'entreprises publiques. »
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous rappeler la teneur de cet article 1er de la loi du 10 février 2000 :
« Le service public de l'électricité a pour objet de garantir l'approvisionnement en électricité sur l'ensemble du territoire national, dans le respect de l'intérêt général.
« Dans le cadre de la politique énergétique, il contribue à l'indépendance et à la sécurité d'approvisionnement, à la qualité de l'air et à la lutte contre l'effet de serre, à la gestion optimale et au développement des ressources nationales, à la maîtrise de la demande d'énergie, à la compétitivité de l'activité économique et à la maîtrise des choix technologiques d'avenir, comme à l'utilisation rationnelle de l'énergie.
« Il concourt à la cohésion sociale, en assurant le droit à l'électricité pour tous, à la lutte contre les exclusions, au développement équilibré du territoire, dans le respect de l'environnement, à la recherche et au progrès technologique, ainsi qu'à la défense et à la sécurité publique.
« Matérialisant le droit de tous à l'électricité, produit de première nécessité, le service public de l'électricité est géré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité, et dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d'efficacité économique, sociale et énergétique. »
Je reste convaincu que l'accomplissement de toutes ces missions de service public n'est pas compatible avec la privatisation d'une entreprise publique comme Gaz de France !
Cela étant, monsieur le ministre, je ne doute pas que vous accepterez cet amendement de simple mise en conformité avec une loi que le Gouvernement nous a demandé de voter en 2005 !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 597.
M. Jean Desessard. Cet amendement est identique à celui qu'a excellemment défendu M. Courteau. Je me rallie à son argumentation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Les auteurs des amendements souhaitent inscrire dans la loi du 10 février 2000 que le service public de l'électricité repose sur le maintien d'entreprises publiques. Comme vous l'indiquez vous-même, monsieur Courteau, cette disposition figure déjà dans la loi du 13 juillet 2005. Je ne vois donc pas l'utilité de le répéter.
M. Roland Courteau. C'est une mise en cohérence !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Certes, mais cela me semble inutile.
Par ailleurs, je relève une sorte de procès d'intention quant à l'évolution d'EDF. Je rappelle que nous n'avons pas l'intention de privatiser EDF !
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
Ces amendements sont des pétitions de principe. Leurs auteurs ont une conception étatique du service public, mais, pour notre part, nous pensons que le service public est garanti par son inscription dans la loi et par l'obligation de service public.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 90 et 597.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 91 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 598 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Seule la puissance publique garantit la pérennité du service public sur le long terme.
La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l'amendement n° 91.
Mme Bariza Khiari. En ce qui concerne le gaz, les missions de service public consistent notamment à assurer la sécurité de nos approvisionnements, la continuité de la fourniture de gaz naturel et la distribution de cette énergie au consommateur final, à des prix abordables et faiblement variables sur l'ensemble du territoire.
La France ne dispose plus de gisement de gaz depuis l'abandon du site de Lacq, qui produisait autrefois une quantité négligeable, et ses capacités de stockage équivalent à trois mois de consommation, ce qui permet de réguler les fluctuations saisonnières de la demande. Elle est donc obligée d'importer son gaz de pays producteurs tels que la Norvège, l'Algérie, la Russie, les Pays-Bas.
Le secteur gazier a été organisé afin que nous n'ayons pas à subir de ruptures d'approvisionnement ou à acheter du gaz à des prix très élevés. Il est caractérisé par des investissements lourds et fixes, propres à une industrie très capitalistique : gazoducs, terminaux de liquéfaction et de regazéification, méthaniers.
La rentabilité de ces investissements n'est assurée que sur le très long terme. Comme nous avons eu l'occasion de le souligner, ce type d'industrie a conduit à la mise en place de contrats à long terme, qui lient des producteurs, comme Sonatrach en Algérie ou Gazprom en Russie, et des acheteurs, comme Gaz de France, partageant les risques et les intérêts économiques.
Ces accords relèvent en premier lieu du politique. Par exemple, l'accord politique avec le producteur algérien Sonatrach a été « gagnant-gagnant ».
L'acheteur s'engage à enlever des quantités données sur des périodes très longues, allant de vingt à trente ans : le fournisseur dispose ainsi d'une garantie de recettes, qui lui permet d'emprunter pour financer son développement. De cette manière, les pays fournisseurs ont pu développer une activité totalement publique, avec des interlocuteurs eux-mêmes publics, portant garantie de l'État, comme Gaz de France.
L'acheteur doit, de son côté, être assuré qu'il trouvera des débouchés pour le gaz acheté par le biais de ces contrats à long terme.
Une telle situation, marquée à la fois par des investissements lourds et par des engagements à long terme, tend naturellement à engendrer des modes d'organisation monopolistiques ; d'où l'apparition de monopoles de fait et de droit, pour que ce secteur énergétique puisse fonctionner de manière optimale, dans le respect des missions de service public, s'agissant notamment de la sécurité d'approvisionnement.
C'est ce mode d'organisation, fondé sur des relations d'État à État, qui risque de voler en éclats, et avec lui la pérennité de notre service public du gaz.
Gaz de France, lorsqu'il était un établissement public à caractère industriel et commercial, achetait du gaz au nom de la France et bénéficiait de contrats de long terme d'approvisionnement gazier. Or toute cette organisation semble peu compatible avec la logique marchande et actionnariale d'une société, déjà cotée en bourse, que vous entendez privatiser.
Comment croire que le changement de statut de l'entreprise n'aura pas de conséquences sur la formation des tarifs ? Les hausses récurrentes du prix du gaz - plus de 30 % d'augmentation de 2004 à 2006 - sont tout à fait révélatrices à cet égard.
De plus, les annonces faites par le président de Gaz de France lors de la dernière présentation des comptes de l'entreprise, relatives à une hausse des dividendes versés aux actionnaires l'année prochaine, incitent à la réflexion. À quel prix paierons-nous demain notre gaz, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur ?
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 598.
M. Jean Desessard. Cet amendement a été très bien défendu par Mme Khiari, mais j'aimerais cependant ajouter quelques mots, monsieur le président !
Comme je l'ai dit lors de mon intervention dans la discussion générale, il est tout de même illusoire de croire que des entreprises privées vont garantir le statut des salariés, maintenir un prix de l'énergie inférieur à celui du marché - car c'est bien ce qui a été annoncé, même s'il a été reconnu que la différence ne serait peut-être pas énorme -, assurer la péréquation, pour que chacun puisse avoir accès au service public, permettre un bon fonctionnement de ce dernier, conclure de bons contrats avec les pays producteurs et les fournisseurs. Tout cela serait assuré par le secteur privé ?
M. Jean-Marc Pastor. Ce serait nouveau !
M. Jean Desessard. S'il devait vraiment en être ainsi, il serait bien normal que les actionnaires soient récompensés !
On pourrait penser qu'il sera possible à des entreprises privées de pratiquer des prix inférieurs à ceux du marché et d'offrir un statut et des salaires intéressants au personnel parce qu'il n'y aura pas de concurrence, mais on nous dit qu'au contraire tout se fera dans un contexte concurrentiel ! Dans ces conditions, comment des entreprises privées pourraient-elles distribuer de bons salaires, maintenir un statut favorable du personnel, pratiquer des prix inférieurs à ceux du marché, s'astreindre à la péréquation du service public, négocier des contrats de long terme au lieu de se livrer à des opérations à court terme ?... C'est vraiment mal connaître les règles du capitalisme et de l'économie de marché que de croire une telle chose possible dans un secteur ouvert à la concurrence ! Il faudra donc que nous vous expliquions le droit des sociétés et le fonctionnement de l'économie, monsieur le ministre ! (Sourires.)
M. Roland Courteau. Il y a du boulot !
M. Jean Desessard. La solution tient en une phrase : « Seule la puissance publique garantit la pérennité du service public sur le long terme. »
M. Roland Courteau. Voilà qui est bien dit !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je suis tout à fait d'accord avec vous ! Bien sûr, « seule la puissance publique garantit la pérennité du service public ». Personne d'autre !
M. Yves Coquelle. C'est pour cela que vous privatisez !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Vous énoncez une évidence qui n'a pas de portée législative !
M. Roland Courteau. Cela va mieux en le disant !
M. Jean-Marc Pastor. Et en l'écrivant !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mais c'est déjà écrit, dix fois, vingt fois, dans des textes de loi !
La puissance publique est certes garante de la pérennité du service public, à court ou à long terme, non seulement grâce à l'existence d'entreprises publiques, mais également grâce à la définition de missions de service public, qui s'imposent aux entreprises publiques comme aux entreprises privées. Mais c'est tout à fait inutile de le préciser ici.
C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 91 et 598.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 91 et 598.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 92, présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le service public de l'énergie doit satisfaire aux principes de transparence, de responsabilité et d'accessibilité.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Transparence, responsabilité, accessibilités : ces trois principes fondent le service public de l'énergie. Par certains aspects, ils peuvent être embarrassants pour les partisans de ce projet de loi.
S'agissant du secteur de l'énergie nucléaire - l'entreprise fusionnée EDF-GDF sera gestionnaire de l'énergie nucléaire -, l'exigence de transparence paraît essentielle. Elle doit être de mise pour les procédés de fabrication du kilowattheure comme pour la phase avale, si importante, qui concerne la gestion des déchets.
Nous savons bien que la mise en oeuvre des principes de libéralisation dans le secteur énergétique entraîne, par nature, un déficit de transparence et que, en matière nucléaire, les impératifs du marché sont difficilement compatibles avec ceux de la sûreté.
L'existence de précédents en la matière n'est malheureusement pas faite pour nous rassurer. Il n'est qu'à citer les incidents de centrales nucléaires survenus aux États-Unis ou en Suède et rappeler que ces structures étaient sous le contrôle de groupes privés. Or c'est bien un manque de sûreté des installations qui a été à l'origine de ces graves dysfonctionnements.
Le groupe socialiste a déjà exigé l'application de ce principe de transparence lors des débats sur la loi de programme relative à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs.
C'est la revendication de cet impératif qui, du moins, a rendu possibles l'adoption d'un Plan national de gestion des déchets radioactifs et des matières valorisables et la mise en oeuvre d'un cadre permettant le provisionnement sécurisé et le financement du démantèlement futur des centrales.
Quelle garantie de transparence offre le Gouvernement face à ce risque majeur que constitue la gestion du nucléaire par des intérêts privés ? Aucune.
La transparence est-elle de mise quand nous savons que, dès l'ouverture totale du marché pour les ménages, la privatisation de GDF entraînera très certainement une forte hausse des tarifs ? Certes, non. C'est l'opacité qui domine.
Ainsi, lorsque le président de POWEO réclame à EDF la livraison de kilowattheures nucléaires à prix coûtant, personne ne sait quel prix de revente il fixera.
Quant à la responsabilité, si elle est au centre de l'action de service public, nous savons tous que, dans le cadre de cette privatisation-fusion, elle dépendra naturellement des exigences des actionnaires. Croyez-vous que ces derniers accepteront de faire une croix sur leurs dividendes parce que les impératifs de sécurité et de continuité du service nécessiteront le réinvestissement direct des bénéfices ?
Enfin, s'agissant de l'accessibilité, si elle est encore garantie par nos services publics, le sera-t-elle toujours dans ce secteur ? Le Gouvernement est en effet, aujourd'hui, dans l'incapacité de dire ce qu'il fera des infrastructures de GDF si la Commission européenne exige - comme elle peut le faire - la cession d'une partie de ses actifs.
Si une société privée venait à prendre le contrôle de nos réseaux de transport de gaz et de nos centres de stockage - pas nécessairement français d'ailleurs -, sa priorité sera-t-elle d'assurer cette sécurité ? Personne ne le croit !
En termes d'aménagement du territoire, il était déjà particulièrement difficile d'obtenir de Gaz de France un certain nombre d'extensions. Avec une entreprise privée, ce sera naturellement encore moins facile, pour des raisons évidentes de rentabilité.
Dès lors, la responsabilité de l'État en matière d'approvisionnement et de sécurité des installations sera réduite à néant, tout comme le sera l'accessibilité.
Monsieur le ministre délégué, parce que nous considérons que l'énergie n'est pas un bien comme les autres - nous l'avons dit et redit ; malheureusement, cet avis n'est pas partagé par tous -, parce que les principes de transparence, de responsabilité et d'accessibilité s'inscrivent dans un système et ne sont pas seulement affaire de volonté, parce que l'article 1er de la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique dispose que « la politique énergétique repose sur un service public de l'énergie » assuré par des « entreprises publiques nationales et locales », nous attendons que votre gouvernement - je pense particulièrement au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de l'époque - ne renonce pas à ses engagements et consacre le maintien de l'énergie dans le secteur public.
M. Jean-Marc Pastor. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 599, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le service public de l'énergie doit satisfaire aux principes de transparence, de responsabilité, d'accessibilité et de durabilité.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement est similaire à celui que vient de présenter excellemment mon collègue Daniel Reiner, sénateur de la Meurthe-et-Moselle. Je ne le défendrai donc pas. Je me contenterai de rappeler, à propos du principe de transparence, qu'à une certaine époque on a prétendu que le nuage de Tchernobyl s'était arrêté à nos frontières ! (Sourires.)
M. Jean-Marc Pastor. Sur le Rhin !
M. Jean Desessard. La puissance française était telle que le nuage était bloqué et ne pouvait pénétrer sur le territoire français...
M. Roger Karoutchi. Allons !
M. Jean Desessard. Il ne faut pas qu'une telle désinformation se reproduise ! Le service public doit être transparent.
Il s'agit bien là d'une question de responsabilité : derrière ce qui peut apparaître comme un roman d'espionnage, il y a des maladies, des irradiations nucléaires, des cancers... On n'assume pas ses responsabilités lorsque l'on nie les faits ; une telle attitude empêche toute réparation et toute politique de prévention pour l'avenir.
Monsieur le rapporteur, va encore une fois dire : nous sommes d'accord !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Eh oui !
M. Jean Desessard. Nous le sommes à un tel point que ce n'est pas la peine de l'écrire ! Mais, monsieur le rapporteur, si nous sommes d'accord, autant l'écrire : nous le serons alors encore plus et nous émettrons un vote unanime, pour plus de transparence, de responsabilité et d'accessibilité !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mais oui, je suis d'accord ! (Sourires.)
Pour autant, je ne crois pas que la loi doive être bavarde.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Une évidence comme celle que vous voulez inscrire dans le texte n'aurait strictement aucune portée législative concrète. D'ailleurs, ni les gouvernements de droite avec les lois de 2004 ni les Gouvernements de gauche avec la loi de 2000 ne se sont amusés à porter de telles évidences dans la loi.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 92 et 599.
En outre, monsieur Desessard, je n'ai pas compris pourquoi vous évoquiez l'accident de Tchernobyl : la mission de service public ne peut pas s'appliquer à un nuage radioactif qui vient de l'étranger ; elle ne peut pas non plus concerner une entreprise étrangère propriétaire d'une centrale nucléaire.
M. Jean Desessard. Il s'agit de la transparence de l'information !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. J'étais en train de rechercher dans les différentes lois de 2000, 2003, 2004 et 2005 tout ce qui est exigé des services publics : cela va au-delà de la transparence, de la responsabilité et de l'accessibilité. Il est vrai qu'avec ces trois principes vous avez mis en évidence des notions-clés.
Au reste, pour qu'une loi soit opérationnelle, il faut que les principes qu'elle édicte puissent être mis en oeuvre et que leur respect soit assuré. À cet égard, je préfère les formulations qui se trouvent dans les lois existantes à la rédaction que vous proposez, qui, si elle est intéressante, reste trop générale pour pouvoir être véritablement sanctionnée dans la pratique.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 93 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 600 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
La recherche de l'efficacité du service public de l'énergie ne peut entraîner la mise en oeuvre d'un système de tarification contraire au principe d'égalité.
La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour présenter l'amendement n° 93.
M. Jean-Marc Pastor. La République considère tous ses citoyens de façon égalitaire. C'est inscrit, et pas dans une simple loi.
Le service public de l'énergie, c'est l'assurance d'une tarification mutualisée pour favoriser cette égalité entre tous les citoyens français.
Comme nous le savons tous, les deux variables d'ajustement principales de l'amélioration des résultats financiers de Gaz de France sont les tarifs, d'une part, la masse salariale, d'autre part.
Or, dans le cadre de la privatisation de GDF et de sa fusion avec le groupe Suez, il apparaît inconcevable que ce groupe soit durablement contraint par des tarifs administrés inférieurs de 30 % à ceux du marché libre, comme c'est le cas actuellement.
Par ailleurs, GDF est le seul concessionnaire des collectivités locales et, à ce titre, il est titulaire d'un monopole de fait sur les concessions de distribution publique de gaz de son territoire de desserte.
Or la Constitution interdit tout monopole de fait pour une entreprise privée. Ainsi, une fois privatisée, GDF devra-t-elle abandonner sa position monopolistique ainsi qu'une partie des contrats de concession signés du temps où elle était entreprise publique.
Par extension, et puisque aucune entreprise privée en France ne dispose d'un monopole de fait, sur des contrats de gestion d'actifs appartenant à des collectivités territoriales, le groupe privé GDF-Suez sera nécessairement soumis à la mise en concurrence des concessions.
En d'autres termes, monsieur le ministre délégué, vous commencez par casser la complémentarité entre EDF et GDF. Cela entraînera la disparition du distributeur mixte EDF-GDF distribution et la mise en concurrence frontale de ces deux entreprises. Dès lors, comment imaginer un seul instant que cette mise en concurrence n'aura pas d'incidences sur le maintien de la péréquation tarifaire que je viens d'évoquer, qui est pourtant au centre de la solidarité entre les territoires et entre les citoyens, et qui caractérise justement le service public ?
Faut-il rappeler à ce Gouvernement et à cette majorité la situation actuelle de la Poste, pour qu'ils puissent enfin se rendre à l'évidence ?
Tout comme la Poste supprime aujourd'hui des services de proximité, parce qu'elle est concurrencée sur les segments les plus rentables de ses activités, demain EDF, concurrencée par le groupe privé GDF-Suez, ne pourra plus garantir les services rendus actuellement. Je pense, en tout premier lieu, à nos territoires ruraux, à ceux de nos concitoyens qui y vivent et aux entreprises qui tentent de s'y développer, parfois dans les plus grandes difficultés.
Mais le Gouvernement, figé dans son dogmatisme le plus étroit, n'en a cure : le patriotisme économique, la défense de la valeur travail, la cohésion sociale même résonnent désormais comme de vagues concepts vides de sens.
Avec ce texte dangereux, il ne sera plus question, comme ce fut le cas entre 1997 et 2002, de répercuter les gains de productivité réalisés sur le prix de l'électricité.
Dans la logique libérale qui est la vôtre, vous mettez la recherche de l'efficacité au service non plus de l'intérêt général, mais exclusivement des actionnaires et de leur quête de profit.
Oui, je crois que le principe d'égalité de traitement et de prix qui fonde les services publics ne pourra pas résister à cette privatisation et à cette mise en concurrence. C'est pourquoi il est plus que jamais impératif de donner naissance à un pôle public de l'énergie, tel que nous l'avons évoqué les uns et les autres, seul garant de l'égalité entre tous les citoyens français.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 600.
M. Jean Desessard. Cet amendement est identique à celui que vient de défendre excellemment mon collègue, sénateur du Tarn, Jean-Marc Pastor. Ne voulant pas répéter son argumentaire, je me déclare solidaire de ses propos.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mes chers collègues, vous ne serez pas surpris si j'énonce, de nouveau, une évidence. En 1991, dans son rapport annuel, le Conseil d'État écrivait : « Quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu'une oreille distraite. » Certes, cette remarque était sévère, mais ce rapport fait partie de ceux qui ont marqué la vie publique française. Nous devrions le garder davantage à l'esprit.
J'ajoute que les dispositions qui figurent dans les textes en vigueur sont beaucoup plus concrètes que celle que proposent les auteurs des amendements identiques nos 93 et 600. Elles reposent, en particulier dans les lois de 2003 et de 2004, sur l'existence d'un système national de péréquation des tarifs de transport d'électricité. C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Les expressions « principe d'égalité » et « recherche de l'efficacité du service public » sont tellement générales que les conditions de leur mise en oeuvre doivent être précisées. C'est pourquoi le Gouvernement préfère les principes et les contraintes figurant dans les lois qui traitent de l'énergie depuis l'an 2000 à ces prescriptions trop générales, dont la mise en application paraît extrêmement difficile. Il est donc également défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 93 et 600.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 94 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 601 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le service public de l'énergie assure aux citoyens des tarifs péréqués et abordables.
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 94.
M. Roland Courteau. Quel que soit l'endroit du territoire où il se trouve, qu'il soit proche ou non d'une source d'énergie, le consommateur doit pouvoir payer l'électricité qu'il consomme au même tarif.
Or, force est de constater que notre système de péréquation tarifaire risque de voler en éclats.
Nous savons tous que le prix de l'énergie constitue un facteur d'attractivité territoriale. Plusieurs observations nous laissent penser que le maintien d'un même coût de l'électricité sur le territoire revient aussi à oeuvrer indirectement contre la désertification de certaines zones et contre la dislocation de notre territoire. Les tensions actuelles relatives au prix de l'électricité et du gaz jouent aussi dans ce sens.
Des inégalités ont déjà vu le jour entre les consommateurs qui ont exercé leur éligibilité et les autres, qui, eux, ont toujours droit aux tarifs régulés.
Ces inégalités ne sont pas négligeables dans la mesure où les écarts constatés entre les tarifs régulés et les prix du marché de l'électricité ont atteint, entre les mois d'avril 2005 et 2006, en moyenne 66 %.
Dans le secteur du gaz, la remise en cause des contrats à long terme qui assuraient une stabilité des tarifs risque de conduire, de la même manière, à l'abandon de toute péréquation.
Certes, dans ce secteur existaient des différences selon les zones de desserte des distributeurs ; mais elles risquent de s'accroître à l'avenir au lieu de se résorber, ce qui renforcera les distorsions territoriales.
Par ailleurs, les différents fournisseurs peuvent également utiliser les prix comme une arme de concurrence auprès des clients éligibles.
Avec la fusion de GDF et de Suez, vous mettrez en concurrence EDF et GDF, entreprises qui vont proposer toutes les deux une offre duale de gaz et d'électricité. Dans ces conditions, comment pourrait perdurer la péréquation sur l'ensemble du territoire ?
En cas de partage de marchés entre les différents opérateurs sur la zone de desserte, le groupe Suez fournira-t-il de l'électricité et du gaz au même prix qu'EDF ?
Les entreprises publiques, étant exonérées des préoccupations de rentabilité sur le court terme, sont seules garantes de la préservation d'une péréquation tarifaire permettant un égal accès de tous les consommateurs à l'énergie à un prix abordable, qu'ils soient proches ou non des sources énergétiques.
Enfin, la remise en cause des tarifs régulés signe la mort de notre système de péréquation tarifaire pour les particuliers, quoique vous souhaitiez nous convaincre du contraire. Ne nous dites pas que ces tarifs régulés seraient protégés par des dispositions figurant dans le projet de loi que nous examinons. Pour les petits consommateurs, le risque de basculer vers les tarifs de marché est bien réel, d'autant que le contrat de service public que l'État, c'est-à-dire vous-même, monsieur le ministre, ainsi que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Thierry Breton, et l'entreprise publique GDF ont conclu pour les années 2005-2007 prône une convergence entre tarifs régulés et prix du marché. Il stipule en effet : « L'État et Gaz de France conviennent de rechercher à l'occasion de chaque mouvement tarifaire la convergence entre les tarifs réglementés et les prix de vente en marché ouvert, et ce pour chaque type de clients. »
Ne s'agit-il pas d'aligner les tarifs du gaz sur les prix du marché, autrement dit de programmer la fin des tarifs régulés ? Le prochain contrat de service public relatif à EDF programmera-t-il la fin des tarifs régulés ? C'est tout l'enjeu des prochains mois. Vous risquez d'appliquer un jour à EDF les dispositions que vous avez prises à l'égard de GDF.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 601.
M. Jean Desessard. Cet amendement est identique à celui que vient de défendre mon collègue M. Courteau. Cependant, je voudrais apporter une précision complémentaire.
Je souscris tout à fait à l'argumentaire développé par M. Courteau en ce qui concerne la péréquation et la nécessité de maintenir des prix abordables. Toutefois, je pense que le calcul du coût de l'énergie, lorsque cette dernière n'est pas renouvelable, doit également tenir compte du coût de raréfaction.
De la même façon, il faut prendre en considération le coût écologique lié aux dégâts entraînés par l'utilisation de telle ou telle énergie. N'oublions pas, non plus, le coût de réparation. Ainsi, dans le domaine nucléaire, le coût du démantèlement des centrales comme celui de la gestion des déchets ne doivent pas être ignorés, ce qui est parfois le cas actuellement.
Tout en étant favorables au maintien de prix abordables, nous estimons nécessaire de ne pas oublier l'existence d'autres énergies renouvelables, qui, certes, peuvent apparaître plus coûteuses aujourd'hui, mais dont le coût est moins important qu'il n'y paraît si l'on tient compte du coût de raréfaction, du coût écologique et du coût de réparation.
Par conséquent, un plan relatif aux différentes énergies doit être élaboré. L'ensemble des paramètres doit être pris en considération lors de la détermination des prix, qui doivent être maintenus, autant que faire se peut, à un taux abordable, l'énergie étant un produit de première nécessité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Sur la forme, je ferai la même observation que précédemment. Mais je souhaite apporter deux précisions sur le fond.
Tout d'abord, comme l'a fort bien rappelé M. Courteau, la péréquation est déjà prévue par la loi.
Quant aux tarifs, le contrat de service public passé entre l'État et EDF prévoit qu'ils ne pourront pas augmenter plus rapidement que l'inflation au cours des cinq prochaines années, ce qui constitue une garantie importante pour le pouvoir d'achat de nos concitoyens.
M. Daniel Reiner. Et pour le Gaz ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. La formulation proposée dans ces amendements est beaucoup trop simple pour répondre à l'ensemble des problèmes qui apparaîtront lors de la fixation des tarifs. Pour des raisons pratiques, le Gouvernement y est donc défavorable.
En fait, le présent projet de loi n'opère aucun changement en ce qui concerne le calcul des tarifs. Il ne fait qu'ajouter un tarif social et un tarif transitoire de retour, à la suite des travaux de l'Assemblée nationale, ce qui constitue des améliorations au système actuel. Le Gouvernement, pas plus que vous-mêmes, mesdames, messieurs les sénateurs, ne veut modifier ce système.
Certes, tout le monde souhaite que les tarifs soient abordables et que les concitoyens se voient appliqués des tarifs aussi péréqués que possible. Tout est dans le détail ; nous aurons l'occasion de revenir ultérieurement sur la proposition formulée.
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote.
M. Daniel Reiner. M. le rapporteur vient de nous rappeler l'engagement tarifaire pris dans le contrat de service public passé entre l'État et EDF aux termes duquel la hausse des tarifs sera limitée à hauteur de l'inflation dans les cinq années à venir. En revanche, il n'a rien dit au sujet du gaz, alors que le projet de loi que nous examinons vise ce secteur.
Dans le contrat de service public que le Gouvernement a passé avec Gaz de France, un chapitre porte vraisemblablement sur la régulation des tarifs. Sur quoi se fonde-t-il ? Dès lors que l'opération de privatisation sera menée à bien, que des capitaux privés seront majoritairement présents dans l'entreprise en résultant, que vaudra l'accord passé avec GDF ?
Monsieur le ministre, si vous nous répondez que rien n'est prévu en matière de tarif, vous ne pouvez pas affirmer, dans le même temps, que la hausse sera maîtrisée. Tous les risques que nous évoquions à propos des prix abordables seront alors aggravés.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué. Monsieur Reiner, effectivement, la situation est un peu plus difficile pour le secteur du gaz que pour celui de l'électricité. Les conditions de la production d'électricité, qui est à 80 % d'origine nucléaire et à plus de 10 % d'origine hydraulique, sont, de ce fait, connues pour les années à venir. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a pu demander à EDF de s'engager à ne pas dépasser le taux de l'inflation dans l'évolution des tarifs réglementés.
Le prix de vente final du gaz au consommateur est constitué du prix d'achat du gaz résultant, en général, de contrats à long terme, des coûts d'acheminement et des frais de commercialisation.
En fin de compte, la matière première, la « molécule », intervient pour à peu près 50 % dans le prix du gaz. Les contrats à long terme n'empêchent pas une évolution de ce prix, indexé sur celui du pétrole ; ils garantissent un rythme d'évolution mais pas un blocage du prix.
C'est la raison pour laquelle, en ce qui concerne le gaz, le travail de la CRE est absolument déterminant : elle évalue quelle est la juste augmentation ou diminution du prix du gaz qu'il faut prendre en compte.
Ainsi, cette année, elle a confirmé la proposition de Gaz de France d'augmenter le prix de 8 %, mais, considérant qu'il convenait d'affiner son analyse, nous avons fait appel à des experts indépendants, qui, après avoir pris en compte, pour cette étude, plus d'éléments que la CRE n'en retenait, d'après les règles fixées par la loi, nous ont proposé une hausse de 5,8 %, que nous avons autorisée. Nous avons donc revu à la baisse la proposition d'augmentation du prix formulée non seulement par l'entreprise, mais aussi par la CRE.
Si j'ai cité cet exemple, c'est pour vous démontrer la volonté du Gouvernement de faire en sorte que le prix du gaz soit le plus avantageux possible pour le consommateur, ce en dépit des souhaits de l'entreprise.
M. Jean-Marc Pastor. C'est cela, le service public !
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Le cas du gaz est plus compliqué que celui de l'électricité, c'est clair.
Depuis trois jours que nous débattons de ce projet de loi, les hausses du coût du gaz de 2005 et de 2006, hausses relativement importantes en dépit de tarifs régulés et liées à la hausse des coûts d'approvisionnement, ont été évoquées à plusieurs reprises et, parallèlement, ont été rappelées celles qui sont intervenues sous le gouvernement de M. Jospin, en 2000 et en 2001. M. Thierry Breton a dit dans son discours avoir procédé à une hausse de 30 %, comme la gauche à l'époque.
Toutefois, les hausses de 2000 et de 2001 ne sont pas de même nature que celles de 2005 et de 2006.
En 2000 et en 2001 sont intervenues deux hausses successives consenties sur les tarifs régulés, la première - je cite de mémoire - de 8 % et la seconde de 15 %. En additionnant les deux, on ne parvient d'ailleurs pas aux 30 % que vous évoquez.
J'ajoute que, au cours des années précédentes, avait eu lieu une série de baisses. Il n'est donc pas exact de parler de hausses dès 1997.
En réalité, seule la hausse du coût de l'approvisionnement était alors prise en compte. Ainsi, les résultats de l'entreprise Gaz de France sont à peu près identiques, en 2001, à ce qu'ils étaient en 1998, tandis que les hausses qui viennent d'être consenties après l'avis de la CRE ont conduit, elles, à augmenter le résultat de Gaz de France !
J'entends bien que les contrats à long terme ne sont pas des contrats constants et qu'ils sont réévalués chaque année en fonction d'un certain nombre de critères. Quoi qu'il en soit, l'année dernière et cette année, le résultat de Gaz de France a été amélioré pour que la mariée soit parée de ses plus beaux atours en vue de son mariage avec Suez, nous l'avons bien compris ! Les résultats nets de fin d'exercice laissent apparaître 1,4 milliard d'euros supplémentaire, soit environ 400 millions d'euros ou 500 millions d'euros de plus que l'année précédente, ce qui correspond à l'augmentation des dividendes qui ont été versés aux actionnaires, qu'ils soient privés ou qu'il s'agisse de l'État, toujours propriétaire pour 80 %.
Ainsi, la marge qu'accorde le Gouvernement, au-delà de l'avis de la CRE, au-delà de la réalité des coûts d'approvisionnement, permet d'améliorer plus ou moins les dividendes versés aux actionnaires. On devine aisément que, lorsque la fusion sera réalisée, que la part de l'État actionnaire ne sera plus que de 34 %, les 66 % restants se feront très pressants pour augmenter cette marge.
M. Mestralet, dont les propos ont été largement relayés par la presse, a bien laissé entendre que les tarifs régulés, c'était bien, mais qu'il ne fallait quand même pas qu'ils durent aussi longtemps que les contributions, par exemple, sous peine de bloquer les marges ! L'État avait déjà donné des gages.
La notion de prix abordables, même si les prix sont régulés, mérite donc d'être étudiée.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je pensais que nous n'aurions ce débat qu'un peu plus tard...
M. Daniel Reiner. Il aurait pu avoir lieu un peu plus tard, effectivement.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. ... mais, le sujet étant intéressant, je vais répondre dès à présent, bien que nous soyons loin de l'objet de l'amendement.
Ce qui m'a plu dans votre démonstration, monsieur Reiner, c'est que vous expliquiez que, s'agissant d'un service public, ce n'est pas parce qu'un tarif est régulé qu'il peut être bloqué. Vous nous avez montré que les éléments extérieurs, indépendants du service public agissent fortement.
M. Daniel Reiner. Et les marges !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je vais être encore plus pessimiste que vous : tous les chiffres, toutes les informations dont nous disposons montrent - Mme Khiari l'a dit, ainsi que deux autres orateurs dans la discussion générale - que, d'ici à 2030, les prix du gaz vont très vraisemblablement doubler, tout en connaissant des fluctuations du type de celles que vous avez évoquées, à savoir les hausses de 2000 et de 2001, de plus 8 % et de 15 %, suivies, en 2003, par de légères baisses, de 0,5 % ou de 0,7 %, auxquelles succédèrent de nouvelles augmentations. L'offre deviendra de plus en plus complexe, en raison notamment du nouvel accord russo-algérien entre Gazprom et Sonatrach. La demande, elle, demeurera forte. La tension ne va pas cesser d'augmenter.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué. La matière première, la « molécule », représente à peu près 50 % du prix du gaz, mais les 50 % restants résultent d'une bonne ou mauvaise gestion de l'entreprise, de ses contrats, de ses investissements.
Le travail de l'entreprise, qui essaie d'optimiser son dispositif, entre également en ligne de compte : combien de kilomètres de nouvelles canalisations installer, et où ? De quelles mesures de sécurité les entourer ? Ces facteurs sont plus importants que les dividendes dont vous parlez, et la CRE veille.
Vous soupçonnez que le résultat du premier semestre, meilleur que celui de l'année dernière, serait dû à ce que nous aurions procédé à une augmentation de tarif de 5,8 % au lieu de 4 %, par exemple, qui n'aurait permis d'obtenir qu'un résultat inférieur.
En réalité, ce sont les paramètres du prix tels qu'ils ont été analysés par les experts qui nous ont amenés à la faire, le résultat de l'entreprise ne venant qu'après.
Le résultat du premier semestre est dû en fait aux opérations internationales et non au marché français. Il se chiffre à environ 1,7 milliard d'euros. Je vous en indiquerai le montant exact au cours de la discussion.
Je souhaitais que vous ayez tous ces éléments en tête...
Mme Nicole Bricq. Nous les avons !
M. François Loos, ministre délégué. ... pour bien comprendre quelle est la politique que nous menons et que nous entendons poursuivre.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. J'ai une question technique à poser à M. le ministre : au cours de cette séance, il nous a dit à plusieurs reprises que le prix de la « molécule » représentait 50 % du prix final de vente : représente-t-il 50 % du prix sur le lieu d'extraction ou 50 % du prix « acheminé », par exemple sur le territoire français ?
M. François Loos, ministre délégué. Il représente 50 % du prix « acheminé » sur le territoire français.
M. Jean Desessard. M. le rapporteur prévoit que le prix du gaz va doubler d'ici à 2030. Il est permis de penser que, compte tenu, notamment, des aléas politiques et de la raréfaction de la ressource, il fera peut-être même plus que doubler.
Pourquoi, alors, s'opposer à la rédaction de rapports ...
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cela ne fera pas baisser les prix !
M. Jean Desessard. ... qui pourraient conclure à la nécessité de recourir à d'autres modes de production énergétique, par exemple à des sources d'énergie renouvelables qui nous rendraient indépendants ?
Au lieu de cela, on nous demande de brader le service public au bénéfice du secteur privé ; on nous demande de lier notre avenir énergétique à un géant, à un ogre énergétivore à la démarche lourde et maladroite, aux spasmes respiratoires chroniques, qui, puisqu'il ne sera pas agile, ne pourra pas s'adapter et sera, de plus, ligoté par toutes les missions de service public qu'on lui demandera de remplir et dont il ne pourra s'acquitter, étant soumis à la concurrence !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, en défendant l'amendement n° 94, j'ai évoqué l'alignement, qui se profile, des tarifs du gaz sur les prix de marché. Je suis d'ailleurs conscient que tout bouge, pour reprendre les termes de M. le rapporteur, et que les pressions ne cessent d'augmenter.
Je m'interroge tout de même encore sur un point, mais je n'ai peut-être pas été suffisamment attentif à vos réponses. Il s'agit du fameux contrat de service public entre l'État et Gaz de France, dont je me suis procuré un exemplaire. Au 1.1 « La formule » du 1 « Les tarifs en distribution publique » du titre II « Les tarifs », voici ce qui est écrit :
« L'État et Gaz de France conviennent de rechercher à l'occasion de chaque mouvement tarifaire la convergence entre les tarifs réglementés et les prix de vente en marché ouvert, et ce pour chaque type de clients.
« Les tarifs sont révisés trimestriellement au 1er mars, 1er juin, 1er septembre et 1er décembre de chaque année. »
Pouvez-vous m'éclairer à ce sujet ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué. Monsieur Desessard, vous avez souligné tout à l'heure la nécessité de mettre en oeuvre d'autres sources d'énergie. Mais c'est bien ce que nous faisons : grâce à la loi de programme du 13 juillet 2005, nous avons pu non seulement mettre en place des moyens mais aussi fixer des objectifs. Vous aurez des informations à ce propos en consultant la programmation pluriannuelle des investissements en matière d'électricité, document élaboré par mon ministère et que M. le Premier ministre a transmis au Parlement voilà quelques semaines. Vous y trouverez, dans le détail, l'exposé de nos ambitions dans le domaine des autres énergies, notamment des énergies renouvelables, et la manière dont nous agissons. Du reste, je suis prêt à revenir sur ce sujet aussi souvent que vous le souhaiterez.
Monsieur Courteau, au vu de l'évolution des prix de l'électricité sur le marché libre ces derniers temps, le paragraphe du contrat de service public que vous avez évoqué pourrait effectivement paraître inquiétant. Or, je vous le rappelle, il ne porte que sur le gaz. Dans ce domaine, il se trouve que l'écart entre le prix du marché et le tarif régulé est inférieur à 10 %.
M. Roland Courteau. Tout de même !
M. François Loos, ministre délégué. Par conséquent, la réalité du marché du gaz est très différente : ce qui constitue le coût de l'approvisionnement, c'est le coût du transport et celui de la matière première, c'est moins l'achat spot. En effet, comme je l'ai expliqué tout à l'heure, lorsqu'une entreprise achète sur le marché sans bénéficier du tarif régulé, elle obtient grosso modo le même type de prix que Gaz de France.
Certes, les grands acheteurs de gaz indépendants de Gaz de France, qui achètent au prix du marché, peuvent subir de légères fluctuations de prix, en fonction de l'origine du gaz et des conditions dans lesquelles ils l'achètent. Malgré tout, les différences restent faibles par rapport aux tarifs régulés : je le répète, c'est environ 10 %. Tout cela est donc beaucoup plus « borné » que dans le marché de l'électricité.
En définitive, dans la pratique, il n'y a pas lieu de vouloir assurer une convergence des tarifs, car le risque de subir un décalage important n'existe pas pour le gaz.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 94 et 601.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)