Article additionnel après l'article 2
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'accès au crédit des personnes présentant un risque aggravé de santé
Article additionnel après l'article 3

Article 3

L'article L. 1141-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1141-3. - La convention prévue à l'article L. 1141-2 est conclue pour une durée de trois ans.

« La convention et ses avenants sont publiés au Journal officiel.

« Pour celles de ses dispositions qui prévoient les conditions de collecte et d'utilisation, ainsi que les garanties de confidentialité des données à caractère personnel de nature médicale, la convention fait l'objet, préalablement à sa conclusion, d'une consultation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui donne un avis sur sa conformité à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

« À défaut d'accord, ou en cas de dénonciation, compromettant la mise en oeuvre ou la pérennité du dispositif conventionnel, les conditions de collecte et d'utilisation et les garanties de confidentialité des données à caractère personnel de nature médicale sont fixées dans les six mois par décret en Conseil d'État, après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

« Au cas où la convention ne serait pas signée par l'une des organisations professionnelles mentionnées à l'article L. 1141-2, un décret peut, après consultation des signataires de la convention et de l'organisation professionnelle non signataire, étendre son application aux entreprises et organismes représentés par l'organisation non signataire.

« À défaut de prorogation ou de renouvellement de la convention ou en cas de dénonciation de la convention, les dispositions énumérées à l'article L. 1141-2-1 sont fixées dans les six mois par décret en Conseil d'État. Ce décret prend effet à la date d'expiration de la convention. »

M. le président. Je mets aux voix l'article 3.

M. Guy Fischer. Le groupe CRC s'abstient !

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
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Article 4

Article additionnel après l'article 3

M. le président. L'amendement n° 12, présenté par MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau, M. Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa (1°) de l'article 225-3 du code pénal est complété par les mots : « ou lorsque les dispositions de l'article L. 1141-2 du code de la santé publique n'ont pas été respectées ».

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Ce dernier amendement vise à modifier le code pénal, afin d'assurer une sanction effective des pratiques de certains établissements : ceux-ci ont tendance à « oublier » fort opportunément soit d'appliquer la convention, soit, plus souvent encore, d'informer simplement une personne atteinte ou anciennement atteinte d'une maladie constituant un risque aggravé de santé ou souffrant d'un handicap des possibilités offertes par la convention. L'adoption de cette disposition serait donc un plus par rapport à la situation actuelle.

En effet, aux termes de l'article 225-1 du code pénal, constitue « une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de [...] leur état de santé ».

Cependant, l'article 225-3 du même code institue une exception, en autorisant explicitement la discrimination fondée sur l'état de santé en vue de la couverture des risques décès ou invalidité. Or, l'objectif de la convention AERAS, comme celui de la convention précédente, est justement de faire en sorte de limiter cette discrimination, en aménageant un accès spécifique au crédit pour les personnes présentant un risque aggravé de santé.

C'est pourquoi, outre l'exception des prédispositions génétiques, qui constituent - mais pour combien de temps encore ? - une discrimination, nous souhaitons viser les violations volontaires de la convention relative aux personnes présentant un risque aggravé de santé : il y aurait, alors, présomption de discrimination.

Même si j'ai écouté attentivement les arguments avancés tout à l'heure par notre collègue Jean-Pierre Michel, il nous semble en effet peu cohérent, d'un côté, de poser la règle selon laquelle toute personne présentant un risque aggravé de santé bénéficie de plein droit de cette convention et, de l'autre, de ne pas sanctionner la violation de ce droit.

Certains ont parlé, à plusieurs reprises, d'une « double peine », qui s'appliquerait aux personnes concernées. J'avoue ne pas aimer cette expression : elle renvoie le malade ou l'ancien malade à l'idée de la mort tant médicale, s'il est condamné, que sociale, alors même que le projet d'emprunt en vue d'un achat immobilier ou mobilier est un projet de vie, un projet d'avenir, qu'il faut encourager autant que possible.

Mais puisque vous-même, monsieur le ministre, avez souhaité employer cette expression, je vous rappelle qu'une personne mise en cause pénalement voit ses droits garantis par la loi : pourquoi donc ne pas apporter à la personne malade ou handicapée les mêmes garanties ?

Ce qui est peut-être le plus dramatique dans les refus de crédit, c'est que les personnes qui sont ou ont été atteintes d'une maladie grave ne sont pas toujours elles-mêmes convaincues d'avoir gagné le droit de vivre. Or, c'est ce droit de vivre qui leur est à nouveau refusé quand on leur dit « non » à l'achat d'une maison ou d'une voiture. La convention AERAS et la convention Belorgey ont été conclues pour leur rappeler qu'elles peuvent prétendre à un avenir et qu'elles ont des droits. Dans ces conditions, pourquoi la privation de ces droits ne serait-elle pas sanctionnée ?

Comme ma collègue députée Muguette Jacquaint, je ne crois pas à la sanction médiatique : la prudence affichée par le Gouvernement pour lutter contre cette forme de discrimination tranche un peu trop, à mon goût, avec la prolixité dont il a fait preuve, dans d'autres domaines, pour durcir la loi pénale.

C'est la raison pour laquelle je souhaiterais voir cet amendement adopté.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. Cet amendement a pour objet de modifier l'article 225-3 du code pénal. Sur ce point aussi, la commission a choisi une orientation identique à celle des associations, en faisant le pari de la confiance. Nous avons d'ailleurs été confortés par les arguments qui ont été excellemment développés par notre collègue Jean-Pierre Michel. Par conséquent, la commission des affaires sociales émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Fischer, pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement. S'agissant des discriminations fondées sur l'état de santé, des sanctions sont d'ores et déjà prévues dans le code pénal et peuvent s'appliquer. Votre proposition est donc satisfaite.

En réalité, le problème est ailleurs : bien souvent, pour de multiples raisons, les personnes concernées se découragent par avance et ne vont pas jusqu'à demander des sanctions.

M. Guy Fischer. Eh oui !

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est cela que nous avons vocation à changer. Vous le savez, monsieur Fischer, dans beaucoup de domaines, les droits n'existent que sur le papier.

M. Guy Fischer. C'est le cas pour les exclus, notamment pour les RMIstes !

M. Xavier Bertrand, ministre. En tout état de cause, si les personnes concernées n'appliquent pas les dispositifs qui leur sont offerts, soit parce qu'ils n'en ont pas connaissance, soit parce qu'ils n'osent pas le faire, leurs droits ne sont alors que virtuels.

En l'espèce, je le répète, les sanctions pénales existent aujourd'hui. Nous mettons donc en place les outils nécessaires pour permettre éventuellement à ces personnes d'exercer leurs droits. Nous espérons d'ailleurs que, avec le nouveau dispositif, elles n'auront pas à le faire, car les comportements ont changé.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 3
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Article 5

Article 4

Après l'article L. 1141-3 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1141-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 1141-4. - L'instance de suivi et de propositions mentionnée au 10° de l'article L. 1141-2-1 adresse un rapport d'évaluation au Gouvernement et au Parlement au plus tard trois mois avant l'échéance de la convention. » - (Adopté.)

Article 4
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Article 6

Article 5

Les cinquième et sixième alinéas de l'article L. 1141-3 du code de la santé publique s'appliquent à la convention en vigueur à la date de publication de la présente loi.

L'instance de suivi et de propositions mentionnée au 10° de l'article L. 1141-2-1 du même code adresse au Gouvernement et au Parlement au plus tard le 1er juillet 2008 une évaluation de la convention en vigueur à la date de publication de la présente loi. - (Adopté.)

Article 5
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 6

Le premier alinéa de l'article L. 1111-7 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Après le mot : « détenues », sont insérés les mots : «, à quelque titre que ce soit, » ;

2° Les mots : « et ont contribué à l'élaboration et au suivi du diagnostic et du traitement ou d'une action de prévention, » sont supprimés. - (Adopté.)

Vote sur l'ensemble

Article 6
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Christian Cambon, pour explication de vote.

M. Christian Cambon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom de mes collègues de l'UMP, je vous confirme bien sûr que nous voterons ce projet de loi avec enthousiasme.

Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier, car c'est tout à votre honneur et à celui de ce gouvernement d'avoir su préparer ce texte, qui aura à l'évidence des conséquences concrètes dans la vie quotidienne de centaines de milliers de malades ou anciens malades.

Madame le rapporteur, je vous félicite : nous avons été très sensibles à la manière dont vous vous êtes exprimée sur ce sujet, en apportant votre expertise et en faisant preuve de beaucoup d'humanité. (M. Robert Del Picchia applaudit.).

En tant que maire d'une commune dont plus du tiers du territoire est occupé par des hôpitaux, je connais bien ces problématiques, car mon intervention est très souvent requise par des personnes dont la demande de prêt a été refusée. Après avoir écouté nombre de ces hommes et de ces femmes, malades ou anciens malades, m'expliquer comment les choses se passent concrètement, je peux vous assurer qu'ils sont véritablement dans une grande détresse.

Monsieur le ministre, lors de l'élaboration des différents décrets et circulaires, vos services devront donc veiller très attentivement aux modalités d'application du dispositif d'ensemble. Les questionnaires actuels sont proprement invraisemblables : au fil des pages, les compagnies d'assurance y déclinent les demandes d'examens, qui n'ont parfois qu'un très lointain rapport avec les affections ayant suscité des réserves de leur part ! (M. Guy Fischer applaudit.) En outre, d'après des témoignages concrets que j'ai entendus, certains médecins experts donnent l'impression de se livrer, dans leurs cabinets, à une véritable inquisition !

Le projet de loi que nous allons aujourd'hui adopter constitue une formidable avancée. Il faudra néanmoins veiller à réduire au minimum les effets de seuil. En effet, à cent ou deux cents euros près, certaines personnes ne répondent plus aux critères et se voient ainsi contraintes de passer des examens complémentaires.

Un certain nombre de nos collègues ont évoqué les dérives actuelles constatées, où de plus en plus d'affections et de maladies entrent dans le champ d'application des limitations à l'accès au crédit. Pour ma part, je souhaite dire un mot sur les personnes atteintes de l'hépatite C, dont on parle assez peu, même si les associations réalisent un travail important de sensibilisation sur le sujet. Nombre de malades, et c'est une grande chance, peuvent aujourd'hui guérir définitivement de l'hépatite C.

Toutefois, comme la presse s'en est récemment fait l'écho, d'anciens malades se sont vu refuser un crédit au prétexte qu'ils avaient souffert dix ou quinze ans auparavant de cette affection, laquelle est pourtant considérée comme totalement guérie. J'espère donc que ces personnes ne seront pas oubliées lors de la mise en place du dispositif.

Monsieur le ministre, je m'associe au nom de l'UMP, aux propos des orateurs qui ont souhaité disposer d'évaluations très précises sur l'application de ce texte. Il est des jours - ils ne sont pas si nombreux ! - où le sénateur non pas jeune mais récent que je suis peut être fier d'être parlementaire : aujourd'hui en est un ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de continuer, je tiens à souhaiter un bon anniversaire à Mme Patricia Schillinger ! (Applaudissements.)

La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.

M. Charles Revet. Monsieur le ministre, je partage bien entendu complètement le sentiment de mes collègues, qui ont excellemment présenté les différents aspects du sujet.

Pour ma part, j'ai à un moment songé à déposer un amendement sur un problème que notre excellente collègue rapporteur Marie-Thérèse Hermange a évoqué tout à l'heure. Il s'agit en effet de la situation de très nombreuses familles - de plus en plus nombreuses, d'ailleurs - qui se retrouvent en état de surendettement pour s'être vu attribuer des prêts dans des conditions de « légèreté coupable » - et je pèse me mots ! - de la part d'un certain nombre d'organismes, lesquels provoquent leur faillite et leur font supporter cette situation toute leur vie.

Certes, les familles concernées ont leur part de responsabilité. Mais - et j'insiste sur ce point - la légèreté avec laquelle ces organismes attribuent les prêts contribue grandement à ces surendettements. Malgré tout, je le reconnais, tel n'est pas l'objet du projet de loi que nous examinons aujourd'hui.

Monsieur le ministre, à mon tour, je tiens à vous remercier de nous avoir proposé de traiter ce problème majeur. Vous l'avez dit tout à l'heure, nous avons toutes et tous, à un moment ou à un autre, été contactés dans nos permanences par des familles, par des femmes et par des hommes qui souhaitaient faire une acquisition ou construire une maison et qui se sont vu refuser l'octroi d'un crédit pour assurer le financement d'une telle opération.

Ces familles sont doublement pénalisées : d'une part, elles doivent déjà supporter une maladie, une affection ou un handicap ; d'autre part, elles sont traitées différemment du reste de la société lorsqu'elles souhaitent accéder à la propriété ou acquérir un bien.

Par ce texte équilibré, monsieur le ministre, excellemment rapporté par Marie-Thérèse Hermange, avec tout le coeur que nous lui connaissons, vous nous proposez d'offrir des solutions et des perspectives d'avenir à des millions de personnes. Je souhaite donc tout simplement vous en remercier.

En conclusion, j'espère que ce texte sera adopté à l'unanimité, car il fait honneur au Parlement, en particulier, au Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UC-UDF et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, je ne ferai pas durer plus longtemps ce débat. Je tiens d'ailleurs à remercier mes collègues de la patience dont ils ont fait preuve à mon égard.

Cela fait de très nombreuses années que je m'occupe de la question de l'accès au crédit. Je pense, tout comme Charles Revet, qu'il faudrait traiter législativement le problème dans son ensemble. On connaît en effet les pratiques de certaines officines qui plongent généralement dans le désarroi les personnes connaissant le plus de difficultés, celles qui habitent les quartiers populaires. Il y a là un véritable problème dont il faudrait s'emparer.

Vous savez que je suis un homme de convictions. Je ne crains pas de dire que la position choisie par le groupe CRC a fait l'objet d'un long débat dont témoignent les amendements déposés. À titre personnel, et mes collègues de la commission des affaires sociales peuvent en témoigner, je préconisais de voter en faveur de ce texte ; mais je vous confirme que le groupe communiste républicain et citoyen a finalement décidé de s'abstenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Charles Revet. C'est une abstention positive, monsieur Fischer !

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. Je tiens à remercier l'ensemble de nos collègues, notamment M. le président de la commission, et à me féliciter de leur engagement quant au suivi de l'application de ce texte.

Par ailleurs, je formule auprès de la présidence du Sénat la même demande que celle que j'avais présentée lors de l'examen de la loi sur le handicap : comme le présent projet de loi concerne également les personnes aveugles et malvoyantes, je souhaiterais qu'il soit traduit en braille. Ce serait à mon avis une mesure très importante. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UC-UDF et du groupe socialiste.)

M. Charles Revet. Ce serait en effet très bien !

M. le président. Puisse votre souhait être exaucé, madame le rapporteur.

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté définitivement. - Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UC-UDF et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord vous indiquer que le site Internet du ministère de la santé est accessible en braille pour les malvoyants et les non-voyants.

À la suite de ce que vous venez de dire, madame le rapporteur, je vais demander dans les tout prochains jours à la Fédération bancaire française et à la Fédération française des sociétés d'assurance d'éditer leurs documents en braille, de façon à compléter l'accès à l'information des personnes concernées.

Il y a des moments où l'on a le sentiment, parce que l'on prend des mesures touchant au quotidien de nos concitoyens, de pouvoir réellement changer leur vie. Je pense que le présent texte est au nombre de ces mesures.

Je tiens à vous remercier du fond du coeur de la position que vous avez adoptée, position qui n'était pas forcément facile

En effet, s'agissant de ce texte, votre choix n'allait pas de soi. Je sais très bien que, sur un tel sujet, les sénateurs auraient souhaité s'impliquer davantage dans la discussion, en défendant par exemple des amendements, au risque d'entraîner une navette entre les deux assemblées, alors que nous arrivons au terme de la session.

Malgré votre attachement viscéral et tout à fait justifié aux pouvoirs du Sénat, vous n'avez pas amendé le texte pour ne pas compromettre ses chances d'acquérir force de loi avant la fin de la législature. Tout retour en arrière de la part des uns ou des autres sera désormais exclu. Je veux vous remercier sincèrement de votre attitude, car je sais que cela représentait un réel effort de votre part. Vous avez d'ailleurs exprimé très clairement vos exigences dans la discussion générale, sans pourtant aller au-delà.

Je voudrais également vous faire une confession. Comme cela a été rappelé, j'ai exercé dans une vie antérieure des responsabilités professionnelles qui m'ont permis d'être confronté aux difficultés abordées par le présent texte.

J'ai connu les tourments du client qui sentait qu'il n'avait pas coché la bonne case, qu'il n'avait pas donné la réponse attendue et que c'en était donc fini de son projet immobilier ou professionnel. Bien sûr, le dossier poursuivrait sa route dans les méandres des questionnaires médicaux et des études complémentaires, mais le client avait compris ce jour-là que son projet s'écroulait. Même pour le professionnel que j'étais, il était difficile de lui proposer une solution.

Par ailleurs, en dehors même des personnes considérées comme malades, anciens malades ou souffrant d'un handicap, il suffit d'une certaine surcharge pondérale, de quelques kilos de trop pour que des projets, ne serait-ce que le financement de travaux chez soi, soient totalement bouleversés. On vous impose alors des surprimes, que vous ne comprenez pas.

M. Guy Fischer. C'est exact !

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous ne comprenez d'ailleurs pas plus qu'on vous impose pour la même raison de faire une batterie d'examens complémentaires.

Je n'avais jamais imaginé devenir un jour ministre de la santé, mais, au moment de prendre mes fonctions, je m'étais promis de faire oeuvre utile en changeant les choses. Je n'ai en effet cessé, comme vous, de recevoir dans mes permanences d'élu des personnes confrontées aux difficultés que j'évoquais.

Au moment où, après quelques années d'exercice, se profile la fin de cette législature, je pense que le présent texte comptera pour beaucoup, avec ceux sur le tabac ou encore la lutte contre les infections nosocomiales, dans le sentiment que j'ai d'avoir oeuvré utilement.

Je n'ai bien sûr pas fait ce texte tout seul. Rien n'aurait été possible sans les associations de patients, et, plus généralement, sans l'ensemble des acteurs concernés. Je n'aurais pas non plus réussi à mener ce projet de loi à son terme sans la compréhension des parlementaires, et tout particulièrement, aujourd'hui, celle des sénateurs.

Je tiens donc à adresser un grand merci au Sénat. Si l'on pense, comme c'est mon cas, qu'il est possible de réconcilier les Français avec la politique, on peut alors considérer que, ce matin, nous avons travaillé en ce sens ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UC-UDF et du groupe socialiste.)

M. le président. Je vous remercie à mon tour, monsieur le ministre, pour ces propos. Je me félicite de l'ambiance tout à fait remarquable qui a régné aujourd'hui dans cette assemblée sur un sujet qui, visiblement, nous rassemble tous.

5

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'accès au crédit des personnes présentant un risque aggravé de santé
 

NOMINATION DE MEMBRES De commissions

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe Union pour un mouvement populaire a présenté une candidature pour la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale et une candidature pour la commission des affaires culturelles, et que le groupe communiste républicain et citoyen a présenté une candidature pour la commission des affaires économiques.

Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.

La présidence n'a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :

- M. Gaston Flosse, membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en remplacement de M. Simon Loueckhote, démissionnaire ;

- M. Simon Loueckhote, membre de la commission des affaires culturelles, en remplacement de M. Gaston Flosse, démissionnaire ;

- M. Jean-Claude Danglot, membre de la commission des affaires économiques, en remplacement de M. Yves Coquelle, démissionnaire de son mandat de sénateur.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à quinze heures.)

M. le président. La séance est reprise.

6

gestion des équipements publics du quartier d'affaires dit de "La Défense"

Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission

 
Dossier législatif : proposition de loi portant création d'un établissement public de gestion des équipements publics du quartier d'affaires dit de " La Défense "
Article 1er

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi de M. Roger Karoutchi portant création d'un établissement public de gestion des équipements publics du quartier d'affaires dit de « La Défense » (nos 140, 147).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Braye, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, grâce à la création, il y a près de cinquante ans, en 1958 exactement, de l'établissement public d'aménagement de La Défense, l'EPAD, le quartier de La Défense est devenu le plus grand centre d'affaires européen.

Il l'est encore aujourd'hui, puisqu'il regroupe 1 500 sièges sociaux d'entreprises, dont quatorze des vingt premières entreprises nationales et quinze des cinquante premières entreprises mondiales, plus de 3 millions de mètres carrés de bureaux, 600 000 mètres carrés de logements, 200 000 mètres carrés de commerces, dont le centre commercial des Quatre Temps, qui était le plus grand d'Europe lors de sa création, en 1981. Par ailleurs, 150 000 salariés viennent quotidiennement travailler sur ce site. Il s'agit d'un atout économique d'une importance majeure, non seulement pour Paris et la région d'Île-de-France, mais aussi pour le pays tout entier.

Certains contestent l'originalité et l'importance de cet atout. Raisonnant sur le plan strictement franco-français, voire simplement francilien, ils invoquent, pour préconiser un arrêt du développement de La Défense, le déséquilibre est-ouest des activités économiques, la mauvaise répartition de l'habitat ou encore des considérations environnementales. Toutes leurs remarques ne sont pas fausses, notamment celles qui concernent l'habitat, mais elles ne sont pas toutes vraies. C'est surtout le cadre de leur réflexion qui me semble erroné.

Tout d'abord, et c'est mon premier point, bien des idées reçues sont inexactes.

Je prendrai pour exemple l'environnement. Savez-vous, mes chers collègues, que 86 % des salariés travaillant sur le site de La Défense s'y rendent par les transports en commun et que 10 % seulement y vont en voiture, ce pourcentage étant en constante régression depuis plusieurs années ? La Défense est ainsi l'un des premiers quartiers d'affaires du monde en termes de développement durable.

Une autre erreur concerne l'impact économique. Ce qui est bon pour La Défense l'est aussi pour les communes immédiatement environnantes - Nanterre, Boulogne, La Garenne-Colombes -, pour les quartiers situés à l'ouest de Paris, jusqu'au quartier Madeleine-Opéra, mais également pour bien des communes des départements de Seine-Saint-Denis ou des Yvelines. Et je sais de quoi je parle...

Lorsque des services de direction s'installent à La Défense, on peut être certain que bien des services annexes des entreprises concernées essaiment non loin de ce quartier, là où les mètres carrés sont moins chers. On observe aussi de nombreuses localisations à l'est de l'Île-de-France, comme celles des services informatiques, vers Marne-la-Vallée.

Le procès économique intenté au quartier de La Défense s'appuie donc sur de fausses hypothèses.

Au demeurant, et c'est mon second point, cette réflexion, limitée au territoire francilien, n'a aujourd'hui plus de sens, car le site de La Défense est totalement engagé, qu'on le veuille ou non, dans la compétition internationale qui oppose les grands quartiers d'affaires mondiaux. Pour savoir si La Défense est utile ou non et s'il faut l'aider ou non à défendre ses positions, nous devons donc raisonner, désormais, au niveau mondial. En effet, les conseils d'administration des entreprises européennes, américaines, japonaises, entre autres, ne choisissent pas entre La Défense, Senlis ou Melun, mais entre Paris-La Défense, la City de Londres, Manhattan, Tokyo, etc. Voilà leur niveau d'arbitrage !

Je m'étonne, à cet égard, que nous ne disposions pas, pour une zone d'affaires aussi large, dont le coeur serait constitué par La Défense, d'un organe de promotion internationale qui aurait pour mission de faire connaître ce pôle auprès des grands groupes internationaux. Il faut réfléchir très sérieusement à la création d'une telle structure, qui prendrait, par exemple, la forme d'un groupement d'intérêt public, regroupant les collectivités locales, l'État et les représentants des acteurs économiques.

Ces dernières années, l'attractivité du site a périclité et sa situation s'est fragilisée. Le quartier d'affaires de La Défense doit naturellement faire face à une concurrence accrue : aux compétiteurs européens traditionnels - Londres, Francfort ou Bruxelles - s'ajoutent désormais des métropoles du sud, extrêmement dynamiques et agressives, comme Milan, Barcelone ou Lisbonne. Pour affronter cette concurrence, somme toute naturelle, La Défense ne dispose plus des outils adaptés.

Tout d'abord, son bâti vieillit, sans être correctement renouvelé, et ne répond plus aux normes internationales, faute d'incitations à entreprendre des opérations dont le gigantisme est avéré. On estime ainsi que dix-sept tours, représentant 650 000 mètres carrés de bureaux, sont aujourd'hui potentiellement « hors-marché ».

Par ailleurs, la gouvernance de ce site n'est plus adaptée, l'EPAD n'ayant pas vocation à gérer ses équipements publics et ne disposant pas, du reste, des moyens fiscaux pour le faire. Dès lors, il n'est guère étonnant que, depuis dix ans, plusieurs groupes aient quitté La Défense. Le quartier perd des clients et n'en attire plus de nouveaux.

Confrontés à ce constat, l'État et les collectivités locales concernées, c'est-à-dire le département des Hauts-de-Seine, ainsi que les communes de Courbevoie et de Puteaux, ont préparé un plan de renouveau pour la période 2007-2013, qui a été présenté en juillet 2006 au conseil d'administration de l'EPAD et adopté par celui-ci en décembre dernier.

Ce plan vise, en premier lieu, à faciliter les opérations de démolition-reconstruction des tours obsolètes.

Ces opérations seront exonérées d'agrément préfectoral, dans la limite d'une extension de surface de 40 000 mètres carrés ou de 50 % de la superficie initiale de la tour. Le décret nécessaire à la mise en oeuvre de ces opérations est actuellement soumis à l'examen du Conseil d'État. De plus, l'article 151 de la loi de finances rectificative pour 2006 les a exonérées de la redevance sur les bureaux, à concurrence de la surface initiale. Cette mesure est applicable à l'ensemble de l'Île-de-France et pas seulement au quartier de La Défense.

L'objectif de ces mesures incitatives est de susciter la modernisation et la régénération, d'ici à 2013, de la moitié des immeubles concernés, ainsi que la création de 150 000 mètres carrés, au moins, de surfaces hors oeuvre nettes, SHON, supplémentaires. Par ailleurs, dans le cadre d'opérations programmées par l'EPAD depuis 2005, de nouvelles tours devraient être construites, représentant une surface de 300 000 mètres carrés supplémentaires environ.

En outre, le plan adopté, en juillet dernier, par le Gouvernement dépasse le seul quartier de la Défense et vise à dynamiser l'ensemble de la région d'Île-de-France grâce aux mesures suivantes : amélioration de l'offre de logements à proximité du site, pour affermir les conditions de l'équilibre habitat-emploi ; renforcement des liaisons multimodales vers le grand Ouest, avec la desserte par la ligne E du RER et le prolongement d'Éole vers le Mantois ou Versailles, en passant par La Défense ; financement des nouvelles opérations d'intérêt national sur le plateau de Saclay et les territoires de Seine-amont et de Seine-aval, notamment grâce au soutien financier de l'EPAD.

Il subsiste cependant une dernière difficulté : la gouvernance du quartier.

Comme l'a prouvé le développement du site de La Défense, l'EPAD est un formidable outil d'aménagement. Du reste, la durée de vie de l'EPAD a été prolongée jusqu'au 31 décembre 2010 et il ne fait pas de doute qu'une nouvelle prolongation sera décidée, en temps voulu, pour permettre l'achèvement des programmes décidés en 2005 et 2006.

Toutefois, l'EPAD n'est pas la structure adaptée pour faire vivre ce site et le gérer dans la durée. La plupart du temps, dans les opérations urbanistiques, les ouvrages et espaces publics sont transférés aux communes concernées. Mais, dans le cas d'espèce, compte tenu des spécificités et du gigantisme de la structure, notamment de la « dalle », qui couvre plus de 31 hectares, mais aussi de l'imbrication desdits ouvrages, il est extrêmement compliqué d'envisager une telle reprise. Du reste, depuis cinquante ans, elle ne s'est jamais produite.

Pour autant, l'EPAD ne peut pas durablement conserver ces ouvrages et espaces, ainsi que les services d'intérêt général du site, car il ne dispose pas des recettes fiscales lui permettant d'en financer la gestion. Il subit d'ailleurs, depuis plusieurs années, un déficit d'exploitation annuel de plusieurs millions d'euros. Il est donc indispensable d'instituer une structure ad hoc chargée d'assumer cette tâche, comme le suggérait notre excellent collègue Roger Karoutchi dans sa proposition de loi.

Ce texte vise ainsi, dans son chapitre Ier, à créer un établissement public local à caractère industriel et commercial entre le département des Hauts-de-Seine et les communes de Courbevoie et de Puteaux. Cet EPIC serait chargé de gérer les services d'intérêt général, ainsi que les ouvrages et espaces publics du quartier d'affaires de La Défense appartenant, soit à ce quartier, soit à l'EPAD, soit aux collectivités territoriales concernées ou à l'État, dès lors qu'ils en font la demande. Il devrait également assurer la mise en valeur et l'animation du quartier.

Au-delà de ces dispositions de principe, les neuf articles de ce chapitre tendent à organiser les règles de dévolution ou de mise à disposition des ouvrages au nouvel établissement, la composition de son conseil d'administration, la nature de ses ressources, la contribution obligatoire des collectivités publiques à ses charges, le contrôle de légalité, le contrôle budgétaire, etc.

Ce chapitre est donc très opportun, voire indispensable, afin d'assurer une nouvelle gouvernance du quartier de La Défense qui soit à la hauteur des enjeux et, surtout, de la grande ambition manifestée, en faveur du développement de ce site, dans le plan de renouveau adopté en juillet 2006.

Malheureusement, les règles de recevabilité financière des initiatives parlementaires ont interdit à la commission des affaires économiques de retenir ce chapitre dans ses conclusions : en effet, la création de cet EPIC entraînant nécessairement une aggravation des charges publiques, l'article 40 de la Constitution aurait été applicable.

Par son amendement n° 1, le Gouvernement propose de reprendre ces dispositions, sous réserve de quelques différences mineures avec le texte des articles 1er à 9 de la proposition de loi déposée par M. Karoutchi, différences qui sont pour l'essentiel rédactionnelles et améliorent pleinement la clarté et le caractère opérationnel du dispositif.

En outre, celui-ci est codifié dans le code de l'urbanisme, ce qui n'était pas le cas dans la proposition de loi initiale.

Enfin, l'amendement du Gouvernement ajoute un élément nouveau, qui me paraît intéressant : la création d'un comité consultatif représentant les personnes physiques et morales utilisatrices régulières des équipements et espaces publics gérés par l'établissement public. Ce comité sera consulté, à un rythme fixé par le conseil d'administration et au moins annuel, sur les orientations retenues par l'établissement public pour l'exercice de ses compétences.

La commission des affaires économiques a émis un avis favorable sur cet amendement, qui répond bien aux enjeux économiques du site et qui, à l'analyse, présente toutes les garanties juridiques nécessaires au regard des quelques interrogations qui pouvaient subsister sur trois points sur lesquels la commission a beaucoup discuté : la création d'un établissement public local par la loi, la composition du conseil d'administration et la procédure retenue pour modifier la répartition des contributions obligatoires des membres. En effet, le nouvel établissement public de gestion sera organisé selon les principes retenus par le Parlement lors de la réforme du STIF, le Syndicat des transports d'Île-de-France, que notre collègue Roger Karoutchi connaît particulièrement bien.

S'agissant du premier point, l'article 38 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a retiré l'État du STIF, qui n'est donc plus qu'un établissement public local, similaire à ce que sera l'établissement public de gestion du quartier d'affaires de La Défense aux termes des articles L. 328-1 et L. 328-5 du code de l'urbanisme, tels qu'ils sont proposés par l'amendement. Il n'y a donc pas de problème de constitutionnalité sur ce point, le Conseil constitutionnel ayant validé la disposition relative au STIF lors de son examen de la loi du 13 août 2004.

En ce qui concerne la composition du conseil d'administration, la question pouvait se poser de savoir si le fait que le département des Hauts-de-Seine dispose de la majorité des sièges, comme le prévoit la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 328-5 du code de l'urbanisme, posait un problème au regard des relations entre collectivités locales. Là encore, l'exemple du STIF apporte clairement la réponse, puisque la région d'Île-de-France détient quinze des vingt-neuf sièges du conseil d'administration du STIF. Et ni le Conseil d'État ni le Conseil constitutionnel n'y ont rien trouvé à redire.

Mme Nicole Bricq. En voilà un argument !....

M. Dominique Braye, rapporteur. Restait enfin la fixation d'une majorité qualifiée des deux tiers des voix pour procéder à une modification de la répartition initiale des contributions des collectivités locales membres de l'établissement public visant à couvrir ses charges. Cette majorité est également prévue par la loi de 2004 pour le STIF et a été confirmée par la loi du 14 avril 2006 relative au fonctionnement du Syndicat des transports d'Île-de-France.

Voilà pourquoi la commission des affaires économiques a émis un avis favorable sur cet amendement.

J'en reviens maintenant aux trois articles des conclusions de la commission des affaires économiques, qui ont pour objet de clarifier et de sécuriser les règles d'urbanisme applicables dans le périmètre de l'opération d'intérêt national de La Défense.

L'article 1er reprend les articles 10 et 11 de la proposition de loi de Roger Karoutchi en les codifiant dans le code de l'urbanisme, puisque ce sont des dispositions permanentes.

Il s'agit d'abord de confirmer le caractère d'intérêt national de la modernisation et du développement du quartier, qui est déjà reconnu par voie réglementaire, et de permettre de qualifier de projets d'intérêt général les constructions, travaux, installations et aménagements nécessaires à la mise en oeuvre des orientations générales d'urbanisme applicables, lesquelles seront définies par décret en Conseil d'État.

Il s'agit ensuite, pour permettre la mise en oeuvre de ces orientations sans passer par des dérogations permanentes aux dispositions du règlement national d'urbanisme, de définir des règles d'urbanisme particulières pour les parties du territoire du quartier qui ne sont pas couvertes par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu.

Quant aux articles 2 et 3, ils reprennent les articles 12 et 13 de la proposition de loi de Roger Karoutchi. L'article 2 est une disposition temporaire - c'est pour cela qu'elle n'est pas codifiée - rendant possible le transfert à titre gratuit à l'EPAD, jusqu'au 1er janvier 2014, des dépendances du domaine public routier de l'État situées à l'intérieur du périmètre du quartier de La Défense lorsqu'elles font l'objet d'un déclassement. Là encore, il s'agit de sécuriser juridiquement des pratiques qui sont déjà effectives et qui concernent les délaissés routiers.

Je relève que cet article rendra absolument nécessaire une nouvelle prolongation de la durée de vie de l'EPAD, au moins jusqu'au 31 décembre 2013. Je serais heureux, monsieur le ministre, que vous nous confirmiez l'engagement du Gouvernement sur ce point.

Quant à l'article 3, qui consiste à gager l'éventuelle perte de recettes résultant de l'article précédent, l'amendement n° 2 du Gouvernement tend à en proposer la suppression, démarche qui a évidemment reçu l'accueil très favorable de la commission.

Celle-ci vous demande donc, mes chers collègues, d'adopter ses conclusions, assorties des trois amendements déposés par le Gouvernement, le troisième d'entre eux n'étant qu'un amendement de conséquence visant logiquement à compléter l'intitulé de la proposition de loi pour tenir compte de la création de l'établissement public de gestion du quartier d'affaires de La Défense. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui est soumis à votre examen, sous l'apparence de la technicité, revêt une importance, si j'ose dire, capitale. Il s'agit en effet d'assurer durablement l'attractivité de l'un des premiers quartiers d'affaires européens, et, au-delà, de faire de La Défense la locomotive du développement économique de toute l'Île-de-France.

Je ne reviendrai pas sur le lien très fort qui unit cette proposition de loi au plan de renouveau de La Défense, que Dominique Perben et Nicolas Sarkozy ont présenté au mois de juillet dernier. Ce texte en est l'indispensable traduction législative.

Je veux donc naturellement remercier Roger Karoutchi d'avoir accompagné l'effort du Gouvernement en prenant l'initiative de cette proposition de loi. Pour pouvoir le faire, j'ai malheureusement dû renoncer à assister au débat sur le projet de loi tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives qui a lieu aujourd'hui à l'Assemblée nationale, texte que le Sénat a d'ailleurs examiné voilà quelques semaines.

Je voudrais aussi remercier la commission des affaires économiques et son président, qui ont procédé dans des délais très brefs à l'examen de ce texte. Je veux enfin remercier Dominique Braye d'en avoir si bien compris et si bien expliqué les enjeux, ce qui m'évitera d'y revenir trop longuement.

J'abonderai dans son sens en rappelant la situation actuelle de La Défense. Le diagnostic est simple et unanimement partagé.

La Défense est le premier quartier d'affaires européen. La Défense, ce sont 1 500 sièges sociaux, plus de 3 millions de mètres carrés de bureaux qui accueillent chaque jour quelque 170 000 salariés ; ce sont aussi 20 000 habitants et 200 000 mètres carrés de commerces.

Cela dit, ce quartier doit répondre à des enjeux et faire face à des difficultés qui doivent être clairement identifiés.

Le premier enjeu, c'est le vieillissement du bâti. Comme vous l'avez évoqué, monsieur le rapporteur, un audit des soixante et onze tours effectué récemment souligne l'existence d'un certain nombre de faiblesses du parc immobilier actuel. Il existe en effet un risque de « rupture urbanistique », c'est-à-dire concrètement d'un abandon de certains quartiers de La Défense. Les dispositions fiscales adoptées en loi de finances rectificative devraient faciliter les opérations de démolition-reconstruction, qui sont nécessaires.

Le second signal qui justifie une action rapide, ce sont les projets dont on entend parler, les uns et les autres, dans d'autres capitales ou villes importantes d'Europe. Je pense à City Life, à Milan, à Moscou City ou à d'autres pôles tertiaires qui se développent extrêmement rapidement à Barcelone, à Madrid ou à Amsterdam. La concurrence à laquelle est soumise La Défense s'illustre d'ailleurs par un chiffre particulièrement révélateur, monsieur Karoutchi, dont il n'y a pas lieu de se réjouir : sur les dix groupes mondiaux qui étaient implantés en 1995, sept ne l'étaient plus en 2005.

Mais cette compétition, au-delà de La Défense - je sais que M. Fourcade y est particulièrement attentif - concerne en réalité toute l'Île-de-France.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Sur les cinq dernières années, Londres a attiré le quart des implantations de sièges sociaux et plateformes tertiaires en Europe, contre seulement 5 % pour l'Île-de-France. La relance de La Défense relève aujourd'hui, d'une certaine façon, du patriotisme économique.

Enfin, comme l'a rappelé M. le rapporteur, la gouvernance actuelle de La Défense reposant sur un EPAD à la fois aménageur et développeur, mais aussi gestionnaire d'équipements publics a atteint ses limites dès lors que l'EPAD ne bénéficie pas, même partiellement, des recettes fiscales résultant des activités implantées sur le site.

Chacun peut donc comprendre que le Gouvernement souhaite utiliser les recettes que générera le plan de renouveau de La Défense à d'autres projets, qu'il s'agisse du prolongement d'Éole vers le Mantois et Versailles ou du financement d'autres opérations d'intérêt national en Île-de-France. Pour que le renouveau de La Défense s'inscrive dans la solidarité régionale, la gestion des équipements publics de La Défense doit donc s'appuyer plus solidement, vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, sur les collectivités locales.

Pour répondre à ces enjeux, que propose le texte qui vous est soumis ?

Son premier objectif est de clarifier et de sécuriser les règles d'urbanisme applicables dans le périmètre de La Défense. Le plan de renouveau de La Défense se traduira donc par des opérations de démolition-reconstruction et aussi par de nouvelles constructions. Certains projets sont d'ores et déjà connus. La clarification des règles d'urbanisme est donc désormais nécessaire et urgente.

Son second objectif est de permettre la séparation des fonctions d'aménagement et de développement de celles de gestion des équipements publics. De ce point de vue, force est de constater que le droit commun ne permet pas de garantir une gestion unifiée du site de La Défense. Il fallait donc imaginer d'autres pistes.

Quelle est la solution proposée, à juste titre, par Roger Karoutchi ?

Sa proposition repose sur la création, par la loi, d'un établissement public local ad hoc ; seules les collectivités membres pourront fixer le budget de l'établissement et modifier la répartition de leurs contributions respectives.

Enfin, parce que les enjeux de La Défense dépassent le cadre des deux communes de Puteaux et de Courbevoie, elle pérennise la participation du département des Hauts-de-Seine, qui devra assurer la part principale des charges résultant de la création de cet établissement, comme il a d'ailleurs commencé à le faire dans le cadre actuel.

Monsieur le rapporteur, le Gouvernement comprend donc naturellement les raisons pour lesquelles la commission des affaires économiques a été amenée à disjoindre ces dispositions de la proposition appelée aujourd'hui en discussion. Il est d'autant plus sensible à l'appréciation portée par la commission, qui, sur le fond, a approuvé ces propositions. Je vous propose donc d'en reprendre le dispositif, tout en l'insérant dans le code de l'urbanisme. C'est l'objet de l'amendement que je vous présenterai tout à l'heure.

Je terminerai, mesdames, messieurs les sénateurs, par trois observations.

En premier lieu, les utilisateurs de La Défense ont manifesté de longue date leur souhait d'être associés aux grandes décisions qui engagent l'avenir de ce quartier. Le Gouvernement a souhaité répondre à cette demande légitime en prévoyant la création d'un comité consultatif que le nouvel établissement public devra consulter au moins une fois par an.

En second lieu, je voudrais répondre à une question de M. le rapporteur s'agissant de l'avenir de l'EPAD, qui a une durée de vie par nature limitée, même si elle a été prolongée jusqu'au 31 décembre 2010. Il va de soi que la durée de vie de l'EPAD devra être rapidement mise en cohérence avec le calendrier du plan de renouveau, qui a vocation à se développer au moins sur la période 2007-2013.

Enfin, je voudrais insister sur l'inscription du renouveau de La Défense dans une dynamique régionale. J'ai indiqué au début de mon propos les conditions dans lesquelles les nouvelles recettes de l'EPAD devraient contribuer au développement des transports - vous l'avez souligné vous-même, monsieur le rapporteur, environ 80 % des personnes qui travaillent à La Défense utilisent les transports en commun pour s'y rendre - ainsi qu'au financement des opérations d'intérêt national.

Il est également indispensable que, dans la compétition internationale entre les grands centres d'affaires, les différents quartiers d'affaires de l'agglomération parisienne présentent un visage uni, dans lequel La Défense serait une locomotive. Il sera donc nécessaire, à moyen terme, de rassembler l'ensemble des acteurs concernés - collectivités, chambres consulaires, établissements publics, entreprises - pour qu'ils assurent de façon coordonnée l'attractivité de la France et de sa région capitale.

Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les enjeux de la proposition de loi qui vous est soumise. Je veux une fois de plus remercier Roger Karoutchi d'avoir, par son initiative, permis d'apporter une réponse rapide à ces enjeux, et remercier M. le rapporteur, Dominique Braye, d'en avoir, pour sa part, pris la pleine mesure. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 48 minutes ;

Groupe socialiste, 31 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d'abord, je vous prie de bien vouloir excuser notre collègue Roland Muzeau, sénateur des Hauts-de-Seine, qui est souffrant et ne peut donc être parmi nous cet après-midi.

Nous sommes réunis pour examiner la proposition de loi, déposée par notre collègue Roger Karoutchi, portant création d'un établissement public de gestion des équipements publics du quartier d'affaires dit de « La Défense ».

Ce texte, largement préparé par M. Sarkozy, aurait très bien pu être déposé sous la forme d'un projet de loi, mais ce dernier n'aurait pas présenté l'avantage, aux yeux du Gouvernement, d'éviter l'avis du Conseil d'État. Cet avis aurait été pourtant nécessaire, à notre sens, face à la technicité et à l'importance des décisions à prendre.

En effet, la gestion des ouvrages, des espaces publics et des services d'intérêt général ou encore les questions de domanialité publique, ainsi que la réglementation applicable en matière d'urbanisme sont autant d'éléments qui auraient nécessité le prononcé d'un avis juridique éclairé, surtout quand on sait que la procédure de révision du schéma directeur de la région d'Île-de-France n'est pas arrivée à son terme et que les communes de Puteaux et de Courbevoie ne se sont toujours pas dotées d'un plan local d'urbanisme.

Nous regrettons également que le rapport de la commission des affaires économiques sur la présente proposition de loi n'ait été disponible que peu de jours avant le débat en séance publique.

De la même façon d'ailleurs, plusieurs élus de l'opposition ont regretté que la réunion du conseil d'administration de l'Établissement public pour l'aménagement de la région dite de La Défense, EPAD, ait lieu en plein été, dans des conditions qui ne permettaient pas un vrai débat.

Abordons à présent le contenu, le fond même de la proposition de loi.

Le rapport de la commission des affaires économiques, qui salue la proposition de loi comme « une réponse adaptée aux problèmes soulevés par l'évolution du quartier de La Défense », ampute néanmoins le texte de toutes les dispositions visant à créer un nouvel établissement public industriel et commercial. À juste titre, le rapporteur rappelle le risque patent d'incompatibilité de certains articles du texte avec l'article 40 de la Constitution.

Ces dispositions, réintroduites par un amendement du Gouvernement, tendent à réserver la gestion du quartier à une structure pilotée par le conseil général des Hauts-de-Seine, y associant les communes de Puteaux et de Courbevoie.

Cela dit, ce modus vivendi, ainsi défini, va à l'encontre de ce qui pourrait découler de schémas directeurs d'aménagement déterminés à un autre niveau et, singulièrement, du schéma directeur de la région d'Île-de-France, le SDRIF, où le conseil régional joue évidemment, et naturellement, un rôle essentiel.

La création d'un nouvel établissement public industriel et commercial, distinct de l'EPAD, pour gérer les ouvrages, espaces publics et services d'intérêt général, paraît guidée par un impératif d'assainissement urgent de la situation financière et des contraintes juridiques de l'EPAD.

En effet, l'établissement connaît un déficit de gestion, notamment depuis les années quatre-vingt-dix. Face à la mauvaise volonté des collectivités territoriales concernées, il a été contraint de sortir de sa mission d'aménagement et de construction et de prendre en charge la gestion des biens et des équipements ainsi créés.

L'aberration et l'injustice du système vont encore plus loin quand on sait que les communes de Courbevoie et de Puteaux percevaient les redevances d'exploitation des parkings sans en payer l'entretien !

Rappelons que la ville de Nanterre, qui, à l'origine, faisait partie intégrante du projet de La Défense, a opposé une certaine résistance pour que le projet la concernant soit revu à la baisse, afin de tenir compte des besoins des populations. Il n'en reste pas moins qu'un certain nombre d'aménagements ont été imposés à la ville par l'EPAD.

Mais l'EPAD s'est désengagé depuis longtemps de la gestion quotidienne du territoire qu'il a aménagé sur la commune de Nanterre, alors qu'il a continué à gérer les équipements sur les communes de Puteaux et de Courbevoie.

La commune a obtenu des moyens financiers pour la remise à niveau de certains ouvrages publics, mais nous sommes encore loin du compte. Le conseiller général, M. Laubier, avait attiré l'attention de M. Sarkozy sur cette question. Après un courrier resté sans réponse, je me tourne vers vous, monsieur Karoutchi : vous qui êtes l'auteur de cette proposition de loi et qui prétendez souvent défendre l'intérêt de Nanterre, que proposez-vous pour que la situation de cette commune soit prise en compte ? Savez-vous qu'elle a dû engager des moyens très importants pour faire face à la remise à niveau d'un territoire de quatre-vingt-dix hectares ? Ne pensez-vous pas qu'il serait donc équitable que le conseil général prenne en compte aussi cette dimension et apporte également une aide significative à la ville de Nanterre dans les mêmes conditions qu'à Puteaux et à Courbevoie ?

La proposition de loi prévoit, en outre, de préciser les règles applicables en matière d'urbanisme afin, notamment, de pallier les lacunes de la réglementation d'une partie du territoire concerné. Si l'on ajoute à cela le dispositif de l'article 151 du collectif budgétaire, sur lequel je reviendrai plus en détail dans quelques instants, on constate que le plan de réhabilitation et de reconstruction du quartier de La Défense va bénéficier d'un véritable statut dérogatoire.

Permettez-nous d'émettre des doutes quant à la justification de tels privilèges, lesquels remettent largement en cause la solidarité qui doit s'exercer entre les collectivités territoriales de la région d'Île-de-France !

À l'occasion des discussions qui ont eu lieu lors de la révision du SDRIF, lequel a vocation à préciser les réalités franciliennes en termes d'aménagement, de construction de logements et de développement économique, les élus communistes ont émis des doutes sur l'opportunité des réponses apportées par ce projet à la recherche de facteurs de compétitivité du département et de l'ouest francilien.

Un territoire ne peut espérer une réelle compétitivité économique, à la fois stable et durable, sans que soit mise en oeuvre une vraie cohésion humaine et sociale, de telle sorte que les habitants, les salariés, les citoyens soient placés au centre des projets.

Nous nous interrogeons également sur l'opportunité du gigantisme du projet de renouveau du quartier de La Défense. Rappelons qu'il est envisagé de construire des tours neuves pour 300 000 mètres carrés de nouvelle surface hors oeuvre nette, ou SHON, sur la période 2007-2013.

À ce titre, l'article 11 du projet de loi instaure une dérogation au régime dérogatoire de l'article R. 111 - 20 du code de l'urbanisme, afin d'éviter la procédure contraignante prévue par cet article et, notamment, de prendre l'avis du maire de la commune concernée par les travaux.

Ainsi, tout est mis en oeuvre pour faciliter une rénovation rapide et sans limite du quartier de La Défense, notamment en ce qui concerne les règles d'implantation et de volumes des constructions !

Or, justement, la multiplication effrénée de constructions de bureaux, le bétonnage massif qui gagne désormais le ciel, nous semblent largement disproportionnés.

Pourquoi densifier encore l'activité économique à cet endroit précis et attirer ainsi des milliers de salariés éloignés géographiquement, alors que La Défense est devenue presque inaccessible par les réseaux de transport publics ? Pourquoi renforcer toujours le déséquilibre qui existe entre l'ouest et l'est francilien ? Car c'est bien ce qui va se passer ici !

Quel développement soutenable de la région peut-on espérer, lorsque la plupart des communes de l'ouest francilien, à l'exception de Nanterre et de quelques autres, ne veulent pas adopter une politique de logement ambitieuse, avec une proportion significative d'habitat social qui permette à tous les habitants une accessibilité réelle au logement ?

À ce sujet, au moment où le droit opposable au logement intéresse soudain le Gouvernement, permettez-moi de revenir sur l'article 151 du collectif budgétaire, qui tend à réduire le champ de la redevance sur la création de bureaux. Il s'agit bien de l'exonération de toutes les opérations qui concerneront, dans les années à venir, les quartiers d'affaires importants de la région d'Île-de-France, notamment celui de La Défense, les opérations menées dans ce cadre étant appelées à connaître une importance significative.

Les pertes pour la région d'Île-de-France risquent donc d'être sensibles en termes de redevance sur les bureaux, alors même que des programmes particulièrement ambitieux doivent être menés au titre du développement des transports collectifs, comme de la politique du logement.

L'Île-de-France est une région riche, parce qu'elle compte une grande diversité d'activités et propose une gamme élargie d'emplois. Mais, pour que ses potentiels de développement s'expriment, la solidarité entre les territoires est nécessaire. Pour grandir et se développer, La Courneuve ou Saint-Denis ont besoin de l'argent que l'on collecte à Neuilly-sur-Seine ou à Courbevoie !

La rénovation du quartier de La Défense est nécessaire. La situation déficitaire du budget de l'établissement d'aménagement du quartier, budget essentiellement alimenté par la vente de droits à construire, doit être redressée. Cependant, cela ne justifie pas le statut dérogatoire accordé au quartier de La Défense, qui ne fera que renforcer le déséquilibre existant entre l'ouest et l'est parisien, et ne contribuera en aucun cas à un développement harmonieux du territoire.

Face à cette proposition de pure opportunité politique, qui tente de protéger les intérêts de la majorité de M. Nicolas Sarkozy, vous comprendrez, mes chers collègues, que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen votent contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la lecture de la proposition de loi et du rapport de la commission, j'ai éprouvé deux sentiments mêlés.

Le premier est de l'admiration devant l'abnégation de notre collègue M. Karoutchi et de notre rapporteur, M. Braye. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)

M. Robert Del Picchia. Ils sont très bien !

Mme Nicole Bricq. En effet, M. Karoutchi a trouvé le temps, entre la loi de finances initiale et la loi de finances rectificative, alors qu'il a été mobilisé nuit et jour, et ce pendant plusieurs jours, puisqu'il fait partie de la commission des finances, de déposer ce texte le 20 décembre dernier.

Quant à M. Braye, il a manifesté encore plus d'abnégation...

M. Dominique Braye, rapporteur. Comme toujours ! (Sourires.)

M. Roger Karoutchi. Cela commence trop bien !

Mme Nicole Bricq.... puisque, pendant son repos légitime lors de l'interruption des travaux parlementaires, il a travaillé à l'élaboration de son rapport.

M. Robert Del Picchia. Il a donné un bon exemple !

M. Dominique Braye, rapporteur. Grandeur et servitude !

Mme Nicole Bricq. Donc, bravo à tous deux !

Cela commence bien pour vous, messieurs, mais, rassurez-vous, cela ne va pas continuer ! (Ooooh ! sur les travées de l'UMP.)

En effet, j'ai ensuite ressenti de l'étonnement face à l'exercice auquel vous souhaitez que le Sénat se livre en premier lieu, avant que le texte ne suive son chemin au cours de la navette parlementaire.

Le Parlement étant amené à examiner le présent texte toutes affaires cessantes, en cette fin de législature, la commission a retiré toute la première partie du texte initial, puis, dans un beau mouvement d'équilibre, elle a accepté l'amendement opportun du Gouvernement visant à rétablir, en la précisant, cette première partie. Un point à l'endroit, un point à l'envers : c'est un véritable exercice de tricot auquel vous vous êtes livrés, messieurs !

Il est vrai que l'article 40 de la Constitution représentait une menace trop sérieuse dans la version de M. Karoutchi, qui, en sa qualité de membre éminent de la commission des finances, ne pouvait ignorer cet obstacle, surtout au regard de la jurisprudence sourcilleuse du Conseil constitutionnel !

Mais, si le Gouvernement voulait régler « son » problème, il pouvait utiliser le vecteur législatif de la loi de finances rectificative, d'autant que vous ne vous en êtes pas privé, monsieur le ministre, comme vient de le rappeler notre collègue Bernard Vera, pour y inscrire l'exonération de la redevance sur les opérations concernant les quartiers d'affaires, notamment celui de La Défense. (M. Jean Desessard applaudit.)

Je tiens à le rappeler, voilà un mois, les membres du groupe socialiste et les Verts rattachés - M. Desessard était présent en séance -, ainsi que le groupe communiste républicain et citoyen ont dénoncé cette opération, qui a abouti à priver la région d'Île-de-France d'une part de ressources appréciable, alors que le département des Hauts-de-Seine, puisqu'il s'agissait d'abord de lui, dispose de ressources issues de la taxe professionnelle très importantes en comparaison de celles des départements de l'est et du nord parisien et alors que l'attractivité d'un territoire n'est pas assurée par des exonérations de ce type.

Croyez-moi, je sais de quoi je parle, pour être vice-présidente, aux côtés de notre collègue Philippe Marini, de la mission commune d'information sur la notion de centre de décision économique et l'attractivité du territoire national, notamment sur la localisation des centres de décisions dans les pays européens.

Vous n'avez pas entendu nos protestations, il y a un mois. Les entendrez-vous mieux aujourd'hui, compte tenu de l'urgence que vous semblez attacher à cette proposition de loi inopinée, à moins que ce texte n'obéisse à d'autres considérations ?

En effet, dans un contexte où l'État est omniprésent, avec l'établissement public pour l'aménagement de la région dite de La Défense, l'EPAD, et l'établissement public d'aménagement Seine-Arche, l'EPASA, le dépôt de cette proposition de loi n'aurait-il pour but que d'éviter l'examen du Conseil d'État, toujours vigilant quand il s'agit de mesures d'exception à la décentralisation, comme vous le savez, monsieur le ministre ?

Par conséquent, tout cela n'est pas de bon aloi. Cela sent le vide-grenier de fin de législature et la complaisance à l'égard d'intérêts bien circonscrits à un ministre et à un président de conseil général, les deux personnes n'en faisant qu'une en l'occurrence, ce que nul n'ignore !

M. Jean Desessard. Qui donc ? (Sourires.)

Mme Nicole Bricq. Mes chers collègues, ne préjugez pas de la naïveté du groupe socialiste...

M. Roger Karoutchi. Cela ne nous a jamais effleurés ! (Rires sur les travées de l'UMP.)

Mme Nicole Bricq. Nous ne pouvons admettre, comme je viens de l'entendre dire, que les deux parties de la proposition de loi, celle qui crée un établissement public local de gestion de La Défense et celle qui traite des règles d'urbanisme, ne contiendraient que de simples aménagements techniques légitimés par de bonnes raisons, que le rapporteur a exposées, afin d'assurer à la fois une juste contribution aux charges communes de deux municipalités récalcitrantes - Puteaux et Courbevoie - et la stabilisation juridique de la rénovation du secteur de La Défense.

Après avoir rappelé ces éléments du contexte, essentiels à nos yeux, j'en viens aux arguments de forme et de fond qui légitiment notre suspicion à l'égard de la proposition de loi et, finalement, notre opposition, qui ne vous surprendra pas.

J'évoquerai tout d'abord l'établissement public local. Comme pour l'exonération de redevance sur les bureaux dans la loi de finances rectificative pour 2006, la région n'a pas été consultée. Elle est pourtant fortement concernée par ce qui constitue à ses yeux une zone stratégique pour son attractivité économique et, plus largement - M. le ministre a eu raison de le souligner -, pour celle de la France. Elle n'apparaît évidemment pas dans la composition envisagée pour le nouvel établissement public local.

Celui-ci est décrit dans la nouvelle version du texte avec un luxe de détails qui nous semblent relever davantage d'un décret, auquel renvoie du reste le dernier alinéa de l'amendement n° 1 tendant à insérer un article additionnel après l'article 1er. Se méfierait-on de la plume qui rédigera le décret ? Vraiment, je me pose la question : de qui se méfie-t-on ? Mais peut-être nous répondrez-vous, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur ! Car, si j'ai bien compris, on ne se méfie pas forcément uniquement de l'opposition, qui pourrait, en cas d'alternance, devenir la nouvelle majorité - ce que, vous ne l'ignorez pas, je souhaite. (Rires sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac. Eh bien pas nous !

Mme Nicole Bricq. Quant à la présence de l'État, elle disparaît de jure alors qu'il s'agit, je le rappelle, d'une opération d'intérêt national. Comprenne qui pourra !

Enfin, est utilisée une notion dont on ne connaît guère la signification en droit français. On confie à l'établissement public local la gestion d'intérêt général ; or, je suis désolée, en droit français nous ne savons pas ce que sont les services d'intérêt général. Mais peut-être ce débat sera-t-il l'occasion de nous l'expliquer !

Nous ne comprenons pas davantage ce que seront les propriétés du nouvel établissement. Le rapporteur indique que certains parkings pourraient lui être remis en pleine propriété afin que les recettes d'exploitation abondent les charges qui lui seraient transférées. De même, pour des raisons tenant à la nécessité d'assurer leur unité de gestion, le transfert des services de sécurité et de vidéosurveillance pourrait être effectué - toujours au conditionnel.

Je veux le souligner de manière très sérieuse : vous introduisez avec cette proposition de loi une complexité préjudiciable aux usagers de La Défense et à leur vie quotidienne dans un territoire déjà sophistiqué en termes de voirie et d'aménagement, et plus particulièrement, je veux y insister, en ce qui concerne la sécurité, l'environnement et l'accessibilité.

Je prendrai l'exemple de la sécurité. Lorsqu'un problème se posera dans un sous-sol, comme c'est souvent le cas - je rappelle pour ceux qui ne savent pas sur quel gruyère est édifiée La Défense qu'on y compte huit sous-sols -, vous imaginez la complexité du travail de sécurité si deux équipes d'ingénieurs doivent intervenir !

S'il ne s'agissait que de confier la barre au département des Hauts-de-Seine, qui sera majoritaire dans l'établissement ainsi créé sur les deux communes, était-il nécessaire, et je prends à témoin tous nos collègues, de prendre de tels risques dans la loi ? Je ne le crois pas.

La deuxième partie du texte vise à la sécurisation juridique de l'opération de modernisation et reconstruction-démolition sur les territoires de Courbevoie et Puteaux, communes qui ne disposent pas toutes deux d'un plan local d'urbanisme exécutoire.

Avec ces dispositions, nous abordons le fond du sujet. Le seul outil juridique possible est le projet d'intérêt général, le PIG. Mais vous ne pouvez ignorer qu'un PIG, conformément à l'article R. 121-3 du code de l'urbanisme, doit revêtir un caractère d'utilité publique et qu'une jurisprudence est en train de se forger - des arrêts ont déjà été rendus - selon la théorie du bilan.

Or l'opération du renouveau de La Défense, si elle est nécessaire au renforcement de l'attractivité de la région d'Île-de-France et du territoire national, est contestable dans son contenu.

En effet, comme l'a déjà souligné mon collègue M. Vera, mais vous permettrez à une parlementaire de l'est francilien d'y insister lourdement, elle prévoit dans sa première phase un nombre de mètres carrés - au demeurant, monsieur Braye, le chiffre que vous indiquez dans votre rapport ne correspond pas à la prévision financière votée par le conseil d'administration de l'EPAD - qui renforcera le déséquilibre en faveur de l'ouest de la capitale et au détriment de l'est et du nord.

Surtout, elle prévoit un nombre de logements très insuffisant : 1 400 ou 1 450, alors que, je le rappelle, il est prévu que 2 800 actifs au plus résident sur place, pour 40 000 emplois supplémentaires. On voit là quel déséquilibre vous créez et le problème d'accessibilité et de transports, M. Vera l'a également rappelé, qui se posera ! Car, d'où viendront tous les autres salariés ? Des départements voisins !

Vous savez bien qu'en matière d'attractivité du territoire les transports sont le problème numéro un. La mission que j'ai évoquée tout à l'heure reçoit de nombreux chefs de grandes entrepris : pour eux, l'attractivité du territoire français est liée en priorité non pas à des problèmes de fiscalité, qui sont certes cités, mais n'occupent ni le premier, ni même le deuxième rang de leurs préoccupations, mais à la qualité des infrastructures, notamment de transport. Cet aspect est donc de toute importance.

Par ailleurs, le schéma directeur de la région d'Île-de-France, le SDRIF, qui traduit, monsieur le ministre, les objectifs partagés par l'État et la région, indique expressément qu'il convient de rééquilibrer le tertiaire vers l'est et le nord : le diagnostic est partagé. Pense-t-on que c'est à coup d'exonérations d'agrément et de dérogations que l'on y parviendra ? C'est une voie très dangereuse que vous empruntez là !

La proposition de loi vise à qualifier d'utilité publique des opérations qui ne le sont pas. Elle ne vous permettra donc pas d'obtenir la sécurité juridique.

Au moment même où l'on débat du droit opposable au logement, notion du reste un peu « fumeuse », l'opération ne rendra pas possible une contrepartie qui soit à la hauteur des besoins en logements, notamment en logements sociaux.

Enfin, alors que nos concitoyens aspirent à de nouveaux modes de consultation démocratique, vous passez outre à la consultation : de toute évidence, il n'y aura pas d'enquête publique. Le contraste est grand avec le SDRIF, qui a été soumis à l'enquête, à la consultation des collectivités locales et territoriales, à la concertation des Franciliens, et il est d'autant plus fort, monsieur le rapporteur, que l'article 1er des conclusions de la commission tend à insérer dans le code de l'urbanisme deux articles L. 141-3 et L. 141-4 venant directement à la suite des articles L. 141-1 et L. 141-2, lesquels traitent du SDRIF. Se trouve ainsi souligné que, cette fois, il n'y aura pas de consultation !

Toutes ces raisons nous conduisent à mettre en garde le Sénat - et après lui nos collègues députés - contre les dangers que recèle ce texte et à émettre un vote résolument négatif sur la proposition de loi qui nous est soumise. Elle vise en vérité à satisfaire des intérêts particuliers et ne défend ni ceux de l'État, ni ceux de la région, ni ceux de ses habitants. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Desessard. Pas au milieu de la discussion générale ! Il interviendra à la fin !

M. le président. Mon cher collègue, aux termes du règlement du Sénat, le rapporteur peut intervenir chaque fois qu'il le souhaite.

M. Alain Gournac. Comme le ministre !

M. le président. Vous avez la parole, monsieur le rapporteur.

M. Dominique Braye, rapporteur. Madame Bricq, ce n'est pas à vous, membre éminent de la commission des finances, que j'expliquerai pourquoi nous avons été contraints de retirer les articles 1er à 9 de la proposition de loi de M. Karoutchi : c'est tout simplement à cause de l'article 40 de la Constitution.

Cependant, M. Desessard, qui assistait aux réunions de la commission des affaires économiques, a pu vous répéter combien je regrettais ce retrait et à quel point ces articles étaient indispensables à la bonne gestion du site de La Défense. Nous nous étions demandé s'il fallait les reprendre sous forme d'amendements ou s'il ne fallait pas envisager que le Gouvernement puisse les réintroduire dans la loi par voie d'ordonnances.

Je constate en tout cas, madame, qu'il vous a fallu beaucoup d'efforts pour trouver des arguments à opposer à cette proposition de loi. Je constate aussi que nous sommes effectivement beaucoup plus naïfs que vous et que nous ne voyons pas des pièges et des manoeuvres partout.

Cette proposition de loi nous intéresse parce qu'elle rétablit une certaine justice. En particulier, il n'est pas normal que des collectivités locales qui, notamment à travers la taxe professionnelle, recueillent les fruits de ce site ne participent pas à sa gestion ni à son entretien : c'est un cas à peu près unique en France. Toutes les collectivités locales, mes chers collègues, reprennent les voiries, reprennent les espaces publics et participent à l'entretien de leurs zones d'activités, qui sont au demeurant toujours beaucoup moins rémunératrices que celle-ci.

Il nous semblait donc de bonne gestion, en tout cas de simple équité et justice, de faire en sorte qu'à travers l'établissement public proposé les deux collectivités concernées, Courbevoie et Puteaux, participent à la gestion du site et que le budget d'aménagement de l'EPAD ne soit pas amputé des sommes en question.

Nous avons été très attentifs à la solidarité. Pour la première fois, les plus-values de l'EPAD vont être utilisées, à hauteur de 70 millions d'euros, pour des opérations d'intérêt national, telle celle de la Seine-Aval, visant des territoires particulièrement en difficulté et manifestement beaucoup plus défavorisés. Ne serait-ce qu'à ce titre, je trouve cela formidable, et je crois qu'il faut très fortement soutenir la proposition de loi.

Le dernier point sur lequel je voulais revenir est la complexité. Vous avez vous-même reconnu que nous ne la mettions pas en place : elle existe déjà.

Mme Nicole Bricq. Vous la renforcez !

M. Dominique Braye, rapporteur. Nous ne la renforçons nullement : nous en prenons acte et nous tentons de proposer un mode de gestion qui, tout en en tenant compte, soit juste, équitable et efficace, parce que le quartier de La Défense en a bien besoin.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l'excellent rapport de notre collègue M. Braye, après la superbe intervention de M. le ministre, je ne pourrai qu'être d'une grande brièveté !

Monsieur Vera, madame Bricq, je n'ai pas le sentiment d'avoir par le passé, en défendant un certain nombre de textes, essayé d'ennuyer ou de gêner ou d'entraver la région d'Île-de-France. Je dirai même que, bien souvent, au-delà des différends et des différences politiques, j'ai plutôt défendu et mis en avant les textes qui permettaient à la région et au conseil régional de jouer un rôle plus important que celui qui leur était réservé.

M. Roger Karoutchi. Je ne voudrais donc pas que l'on mélange les genres.

Par ailleurs, j'entends souvent affirmer quand il est question de La Défense que c'est le département de tel ou tel ministre. Mais c'est d'abord un département d'Île-de-France performant, un département d'Île-de-France qui permet à l'ensemble de la région de réaliser un certain nombre de progrès : c'est une locomotive pour notre région, même si ce n'est pas la seule.

Mme Isabelle Debré. Tout à fait !

M. Roger Karoutchi. Pour ma part, madame Bricq, monsieur Vera, je suis d'accord pour que l'on trouve des solutions afin de renforcer l'attractivité de l'est. Mais ce n'est pas en affaiblissant La Défense que vous y parviendrez ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

Quand les sociétés, ces dix dernières années, sont parties de La Défense, elles ne sont pas allées s'installer dans le Val-de-Marne ou en Seine-et-Marne ! Elles sont allées s'installer à Londres, à Barcelone, à Francfort. (Mme Bricq s'exclame.)

Madame Bricq, vous aussi êtes très soucieuse du développement de notre région. Alors, créons des pôles d'excellence, créons des pôles de compétitivité, comme l'a fait le Gouvernement dans toute l'Île-de-France et pas seulement, loin s'en faut, dans les Hauts-de-Seine !

Encore faut-il se dire que tous les pôles qui réussiront doivent être soutenus et qu'il n'y a pas à faire de différence. Si nous voulons que la région, si nous voulons que le pays attire des sièges sociaux, attire des emplois, n'allons pas expliquer à un secteur qui connaît le succès qu'il a tort parce que cela est gênant par rapport aux autres, et que nous allons donc l'affaiblir !

Tous les secteurs qui peuvent réussir doivent être soutenus. Ce que nous faisons aujourd'hui pour La Défense, vous le savez, puisque vous avez évoqué la redevance sur les bureaux, est étendu à l'ensemble de la région. Pourquoi ? Parce qu'il est absurde de faire payer deux fois la construction à des sociétés qui veulent s'installer en Île-de-France !

Il n'est pas ici question de toucher à la taxe sur les bureaux, il est seulement question de la redevance !

N'est-il pas bénéfique, pour la région, que de nouvelles sociétés s'installent ? Si de nouvelles sociétés s'installent à La Défense, ou ailleurs, même si la région ne perçoit pas la redevance initiale de la reconstruction de surfaces de bureaux qui existaient déjà, elle percevra par la suite la taxe sur les bureaux : par conséquent, toutes ces créations génèrent, pour notre pays, pour notre pays, des ressources nouvelles !

Qu'on arrête de dire que l'ouest veut tout, sans rien laisser à l'est, ou qu'un nouvel avantage est encore consenti à l'ouest !

Dans tous les textes que j'ai présentés ici, au Sénat, j'ai défendu l'intérêt de l'ensemble de la région, parce que l'intérêt de la France est de faire en sorte que l'Île-de-France soit attractive pour les sociétés qui voudraient s'installer chez nous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Madame Bricq, j'aurais aimé que le groupe socialiste vote ce texte, parce que, quand j'ai parlé avec Jean-Paul Huchon, le président socialiste de la région, en m'expliquant avec lui les yeux dans les yeux sur les intérêts de l'Île-de-France et de l'ensemble du pays, lui-même m'a répondu que nous aurions des débats sur le SDRIF, mais qu'il était d'accord sur le fait que l'on ne pouvait pas affaiblir l'attractivité du quartier de La Défense. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Isabelle Debré. Il est raisonnable !

M. Roger Karoutchi. Aujourd'hui, je souhaite que la volonté de tous soit de faire réussir notre pays, de faire réussir le quartier de La Défense, parce que c'est l'intérêt de la région et que c'est l'intérêt de toute la France de faire en sorte que les entreprises viennent s'installer chez nous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Dépassons ces clivages, ces sous-entendus et regardons l'intérêt du pays !

La candidate du parti socialiste et tous les candidats à l'élection présidentielle ont intérêt à ce que des emplois soient créés, des sociétés s'installent, que ce soit à La Défense ou dans le Val-de-Marne : je soutiendrai toutes les initiatives, je soutiendrai tous les pôles de compétitivité. C'est tous ensemble que nous réussirons et certainement pas en affaiblissant les zones où ça marche.

Par pitié, moins de politique au sens étroit ! Portons plutôt nos regards sur l'avenir et sur la réussite ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.- Mme Nicole Bricq s'exclame.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens moi aussi à déplorer la méthode employée pour discuter de cette proposition de loi, une méthode brouillonne, précipitée.

M. Karoutchi présente un texte, la commission l'ampute sérieusement et le Gouvernement vient ensuite au secours de M. Karoutchi en présentant des amendements. Il s'agit vraiment d'un tour de passe-passe.

M. Roger Karoutchi, le rapporteur, M. Dominique Braye et le Gouvernement sont en fait d'accord sur le fond et sur un objectif qui rassemble la droite : exclure la gauche.

La région d'Île-de-France, coupable d'être dirigée par la gauche, a été totalement marginalisée. Monsieur Karoutchi, vous dites vous en être entretenu avec son président, mais elle n'a pas été consultée sur cette proposition de loi, et aucun représentant de l'assemblée régionale ne trouve sa place au conseil d'administration du nouvel EPIC prévu pour gérer le site.

Il faut dénoncer cette irresponsabilité politique qui consiste à évacuer des outils de gestion les échelons pertinents en raison de leur couleur politique. Le critère pour choisir ses partenaires est non plus la pertinence de l'échelon politique à associer aux décisions, mais la couleur politique, théoriquement provisoire, de l'exécutif régional.

On retrouve ici la méthode qui a présidé à la décentralisation de Jean-Pierre Raffarin : l'État organise des transferts de charges pour alléger la fiscalité nationale, mais sans transfert de ressources, pour forcer les élus locaux de gauche à augmenter la fiscalité locale.

M. Jean Desessard. S'il est souhaitable que les municipalités de Courbevoie et de Puteaux participent - enfin ! - aux charges, après en avoir profité sans contrepartie de la taxe professionnelle pendant des décennies, se pose un problème de gouvernance. Il n'est pas normal qu'elles se retrouvent seules, en tête-à-tête avec le conseil général, dans le nouvel EPIC. Je me doute que les sarkozystes de Courbevoie, de Puteaux et des Hauts-de-Seine aiment à se retrouver entre eux, mais ils ont d'autres occasions de le faire que lors des conseils d'administration chargés de gérer le quartier de La Défense.

À cause de cette mal-gouvernance, depuis quelques années, on sent bien que le dessaisissement de la région entrave les projets de planification cohérents, puisque la région est en porte-à-faux face à des projets d'opérations d'intérêt national, tel celui qui concerne le plateau de Saclay, qui renforcent le déséquilibre vers l'Ouest, ou encore des projets autoroutiers dangereux pour l'environnement. Sans compter que le schéma directeur de la région d'Île-de-France, le SDRIF, piloté par la région, n'est pas suffisamment contraignant vis-à-vis des collectivités territoriales.

Dans le cas présent, évacuer le conseil régional atteste une vision de l'aménagement territorial francilien étroite, égoïste, qui pousse à la spécialisation des territoires à outrance. Pourtant, la région d'Île-de-France s'est engagée dans un projet de long terme pour rééquilibrer l'est et l'ouest de l'agglomération.

Le projet de renouveau de La Défense manque de cohérence, faute de concertation avec la région. Ayant annoncé haut et fort début août la rénovation de La Défense, le Gouvernement a décidé qu'y seraient réalisés d'ici à 2013 de 450 000 mètres carrés de bureaux supplémentaires, sans agrément, sans se préoccuper ni du logement des futurs salariés concernés, ni de leurs conditions d'accès par les transports en commun. Comment les Hauts-de-Seine comptent-ils héberger autant de salariés ? On ne sait pas... Comme si seule comptait la concurrence mondiale entre grandes métropoles, sans se soucier de sujets aussi « désuets » que l'aménagement du territoire, l'équilibre est-ouest ou l'équilibre entre bureaux, offre de logements et de transports !

La spécialisation de l'ouest parisien pose, en effet, de graves problèmes, en particulier l'engorgement des transports et le manque de logements. Dominique Braye l'admet d'ailleurs dans son rapport puisqu'il rappelle que la ligne du RER A détient le record du plus fort trafic mondial, avec 1 million de passagers par jour ouvré. La Défense est déjà bien desservie en transports en commun. On peut essayer de la desservir encore mieux, mais j'aimerais vous rappeler que d'autres zones de l'Île-de-France, moins riches, manquent cruellement de transports en commun et que l'État se désengage, freine en permanence les projets de la région, qui a lancé un plan d'investissements massifs pour développer les transports en commun.

Le symbole le plus criant de votre vision inégalitaire de l'aménagement du territoire, c'est l'exonération de la redevance sur les bureaux reconstruits que vous avez fait voter à la fin de l'année dernière dans le projet de loi de finances rectificative.

L'exonération de la redevance pour création de locaux de bureaux dans le cadre de projets de démolition-reconstruction entraînera des pertes énormes pour la région d'Île-de-France, sans contrepartie sociale ou environnementale qui justifierait un tel cadeau.

Cette exonération concernant des opérations de démolition-reconstruction aura un impact essentiellement sur la zone géographique de La Défense où sont prévues des opérations de modernisation de 150 000 mètres carrés. Or, jusqu'à nouvel ordre, La Défense n'est pas une zone franche, un paradis fiscal ou une zone urbaine sensible. Les communes qui abritent ce quartier d'affaires, comme Puteaux ou Courbevoie, ne bénéficient pas de la dotation de solidarité urbaine. Il ne s'agit pas franchement d'un territoire exsangue, aux abois, financièrement démuni, socialement délaissé...

On se demande pourquoi les propriétaires de ces bureaux, situés sur un territoire stratégique, ne pourraient pas payer une redevance dont le taux de 244 euros par mètre carré est payé une fois pour toutes au moment de la construction et dont le niveau - très faible - n'a pas été actualisé depuis 1989.

M. Roger Karoutchi. Payer une fois, oui, mais pas deux !

M. Jean Desessard. Cette exonération, ou plutôt ce dumping fiscal, ne servira que les projets du président de l'établissement public pour l'aménagement de La Défense, du président du conseil général des Hauts-de-Seine, du président de l'UMP, du ministre de l'intérieur et d'un candidat à l'élection présidentielle, c'est-à-dire d'une seule et même personne.

Quand une seule personne cumule tant de bureaux à tant d'endroits à la fois, on comprend qu'il lui prenne des envies d'exonération fiscale sur les bureaux à construire. Voilà quelqu'un de prévoyant !

Il faut donc sortir de cette personnalisation, assurer une gestion partagée de La Défense entre les différents échelons, afin de parvenir à un développement équilibré de la région.

Les sous-amendements que j'ai déposés devraient permettre de favoriser le développement d'une offre de transports en commun, avec la participation de La Défense aux dépenses d'investissement, ainsi que la mise à disposition, autour de La Défense, d'une offre de logements sociaux permettant d'éviter les longs trajets domicile-travail. Mes chers collègues, je ne doute pas que vous les adopterez puisque la lutte contre le réchauffement climatique et le mal-logement fait désormais l'objet d'un consensus national ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Braye, rapporteur. La commission des affaires économiques demande une suspension d'une quinzaine de minutes afin d'examiner les sept sous-amendements qui viennent d'être déposés par M. Desessard.

M. le président. Nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous passons à la discussion des articles.