Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je répondrai à certaines observations qui m’ont été adressées au cours de cette discussion commune.
Monsieur le rapporteur général, je tiens tout à d’abord à vous remercier d’avoir précisé que les prévisions révisées de croissance que nous vous avons communiquées ne pouvaient être attribuées au Gouvernement, pas plus qu’au Parlement d’ailleurs. Vous avez ainsi rappelé qu’il fallait prendre ces chiffres pour ce qu’ils étaient, à savoir des données macroéconomiques à apprécier pour élaborer un document budgétaire, qu’il soit annuel ou pluriannuel.
Monsieur de Montesquiou, dans une intervention par ailleurs intelligente et pertinente, vous avez porté un jugement sans appel sur l’utilité des allégements de charges sociales, commentaire qui n’a pas manqué de me surprendre et que je ne peux laisser passer ! Si je comprends fort bien qu’en matière d’allégements de charges il nous faille réfléchir à la solution la plus pertinente et la mieux ciblée possible en vue d’obtenir un véritable effet social et économique, je ne peux en revanche soutenir l’idée que de tels allégements ne serviraient à rien.
Au contraire, les allégements de charges sociales auxquels le Gouvernement a dû consentir pour un certain nombre de raisons sont de nature non seulement à soutenir l’emploi, à préserver l’emploi des personnes les moins qualifiées, c'est-à-dire les moins bien rémunérées, mais aussi à encourager les créations d’emploi. Toutes les études économiques le prouvent, l’absence d’allégements de charges sociales entraînerait probablement la suppression de nombreux postes de travail. Les spécialistes avancent le chiffre de 800 000 emplois. Je ne suis pas sûre que ce soit aussi élevé que cela, mais il est incontestable que les allégements de cotisations sociales ont un effet sur le maintien d’un certain nombre de postes.
M. Aymeri de Montesquiou. Ce n’est pas ce que dit la Cour des comptes !
Mme Christine Lagarde, ministre. Permettez-moi de ne pas toujours être en accord avec cette excellente institution !
Madame Bricq, vous avez évoqué les exonérations des heures supplémentaires, dont vous pensez qu’elles nuisent à la création d’emplois.
Pour ma part, j’essaie d’avoir l’analyse la moins partisane possible, la moins frappée du sceau d’une quelconque idéologie, et je me concentre sur les chiffres.
Ainsi, on constate, en comparant les chiffres du premier trimestre 2008 et ceux du premier trimestre 2007, une augmentation du nombre d’heures supplémentaires d’environ 40 % d’une année sur l’autre. Pour autant, pendant ce même premier trimestre 2008, aucune destruction d’emploi n’a eu lieu.
Par conséquent, je ne pense pas que l’on puisse faire de corrélation entre, d’une part, la mise en place d’heures supplémentaires et, d’autre part, des destructions ou des non-créations d’emplois puisque, au cours de cette belle période de 2008, des créations d’emplois ont été enregistrées. Je m’élève donc contre votre analyse, madame le sénateur.
Cependant, je vous rejoins sur un point. Vous avez indiqué que la politique fiscale était non seulement un outil de stricte politique économique, mais aussi l’expression d’une vision de la justice sociale, de l’équité. Nous sommes d’accord. J’en veux d’ailleurs pour preuve un certain nombre de dispositions existantes que le Gouvernement conserve ou renforce pour 2009 ; j’espère vivement qu’il en sera de même pour les exercices ultérieurs.
Notons, en particulier, un dispositif visant à améliorer la compétitivité des entreprises et la compétitivité de la France, à savoir le crédit d’impôt recherche, qui est maintenu et soutenu. C’est non seulement un puissant outil fiscal, mais également un encouragement très fort et l’expression d’un partenariat entre l’État et les entreprises privées, lesquelles sont ainsi incitées à investir dans le domaine de la recherche et développement.
Nous avons aussi mis en place un deuxième instrument, grâce au soutien actif de la Haute Assemblée, et notamment d’un certain nombre de ses membres les plus éminents, à savoir le fléchage de l’ISF vers les petites et moyennes entreprises. Ce système a permis d’orienter près d’un milliard d'euros vers le capital des PME, somme dont ces dernières avaient bien besoin. Cette mesure vise clairement à soutenir l’investissement.
Une autre disposition du même ordre est la suppression en trois ans de l’impôt forfaitaire annuel qui pèse sur les sociétés les plus fragiles. Ce choix gouvernemental est favorable tant à l’investissement qu’à l’équité.
Une mesure similaire a été appliquée en matière de taxe professionnelle, visant, une fois encore, à soutenir l’investissement et à l’encourager, en particulier jusqu’à la fin de l’année 2009.
Comme je l’indiquais précédemment, la politique fiscale est, outre un instrument de politique économique par la levée de recettes, l’expression d’une meilleure justice sociale. Nous le démontrerons d’ailleurs au cours des débats lorsque nous examinerons le plafonnement de chacune des niches non plafonnées et l’articulation de chaque nouveau plafond avec un plafonnement global.
J’aborderai un dernier élément en matière d’expression de choix de société par la fiscalité : les instruments fiscaux au service d’une politique propice au développement durable. Je pense, en particulier, au « verdissement » du prêt à taux zéro pour les travaux d’amélioration de l’efficacité énergétique des logements, au « verdissement » du crédit d’impôt instauré par la loi TEPA, au « verdissement » des dispositifs Robien et Borloo, et à leur simplification, que j’appelle de mes vœux.
À ce stade du débat, telles sont, madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, les observations que je voulais formuler, en réponse aux différentes interventions.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Tout d’abord, je veux vous remercier, monsieur le rapporteur général, de vos propos introductifs saluant l’exercice de sincérité que Mme Lagarde et moi-même avons mené ce matin.
Il nous a paru utile, au début de l’examen de textes financiers par le Sénat, de procéder aux rectifications, aux ajustements nécessaires. En effet, en période de crise, il faut garder de la souplesse et ne pas se cramponner à des données qui peuvent vieillir assez vite. Une crise nécessite en effet adaptations et adaptabilité.
Nous avons donc voulu montrer que le Gouvernement français s’adaptait à la situation dans les textes financiers qu’il soumet au Parlement, sans rien céder sur l’essentiel, comme vous l’avez fait remarquer, notamment sur la maîtrise de la dépense publique, au cœur de notre action.
Vous avez également évoqué les points de fuite, en quelque sorte, de cette politique de réduction et de maîtrise de la dépense publique. Vous avez parlé des opérateurs et des niches fiscales et sociales, indiquant que deux dérives étaient possibles. Nous vous apportons des réponses sur ces deux points, même si elles sont certes incomplètes. Nombre de progrès doivent encore être réalisés dans ce domaine.
Mais s’agissant du contrôle des opérateurs et de la politique de niches fiscales et sociales, le Gouvernement propose dans ce projet de loi de programmation pluriannuelle un certain nombre d’améliorations, notamment des règles de gouvernance, des objectifs de dépenses fiscales et sociales.
Nous partageons donc la même analyse et les mêmes valeurs à l’égard des textes financiers.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez évoqué trois chantiers de clarification auxquels l’ensemble de la commission des affaires sociales est attentive. Sur ces trois chantiers, des progrès doivent être notés cette année, contrairement à l’année dernière. Il est vrai qu’il reste encore beaucoup de marges de progression. Relevons qu’il est d'ailleurs plus facile de progresser lorsque l’on dispose de plus de ressources. Cependant, même en cette période difficile, nous n’avons pas reculé devant l’obstacle – il est important de le noter –, et ce sous votre amicale pression, monsieur le rapporteur pour avis, puisque le Sénat tout entier plaide dans ce sens depuis plusieurs années.
Pour ce qui concerne la dette sociale, nous aurions pu la « récupérer », en quelque sorte, encore plus facilement si les recettes avaient été au rendez-vous. Nous nous y employons néanmoins clairement, nettement, proprement. Nous affectons une ressource nouvelle à la CADES. Nous n’essayons pas de fuir nos responsabilités ou de rallonger la durée de vie de ladite caisse. Nous essayons de ne pas peser sur les prélèvements obligatoires, au moment où nos concitoyens ont besoin d’un certain pouvoir d’achat pour réagir individuellement à la crise que nous traversons. Chaque acteur détient un peu les clés de la résolution de cette crise.
Le Gouvernement supprime sans ambiguïté le FFIPSA. Que de débats sur le BAPSA, le FFIPSA ont occupé les assemblées pendant de nombreuses années ! Le dispositif devra cependant être complété. S’agissant de la branche maladie, la situation est claire et nette. Pour la branche vieillesse, le transfert à la MSA, qui pourra procéder à un refinancement, devra être complété dès le retour à meilleure fortune.
Quant à la dette de l’État à l’égard de la sécurité sociale, elle se reconstitue, notamment en 2007. Je ne peux pas préjuger ce qu’il en sera à la fin de l’année 2008. Cette dette n’avait pas été totalement épongée à la fin de l’année 2006. Celle du régime général l’avait été, contrairement aux dettes anciennes des autres régimes.
Comme nous l’avions indiqué, nous injecterons, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, environ un milliard d'euros pour réduire davantage, bien que partiellement, cette dette sociale. Nous devrons trouver des solutions. L’endettement sera cependant très nettement inférieur à celui qui prévalait lorsque nous sommes arrivés aux affaires.
Pour 2009, vous avez noté que nous avons pris en compte, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et surtout dans le projet de loi de finances, les prévisions des régimes, peut-être plus proches de la réalité et des consommations, et non uniquement les prévisions fournies par la direction du budget. J’espère qu’il est ainsi concrètement répondu au problème de la reconstitution.
La maîtrise de la dépense occupe une place primordiale au sein de l’action du Gouvernement. J’en veux pour preuve le projet de loi que nous examinons, comme le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires que défendra Mme Bachelot. De nombreuses mesures concernant l’efficience de l’hôpital sont prévues. C’est une grande partie des problématiques de dépenses. Les réponses du Gouvernement seront très efficaces.
Le débat relatif à la compensation ou à la non-compensation devrait avoir lieu ultérieurement, malheureusement (Sourires.), et je compte sur vous à cet égard, mesdames, messieurs les sénateurs.
La prime transport a été citée. Dans ce domaine, il est assez juste de ne pas opérer de compensation, et ce pour deux raisons.
Tout d’abord, cette prime correspond à l’extension à l’ensemble du pays du système actuel relatif aux transports collectifs dont bénéficient les Franciliens. Or aucune compensation n’a été mise en œuvre en Île-de-France.
Par ailleurs, il ne devrait pas y avoir de problème de cotisations sociales dans la mesure où la prime ne devrait pas se substituer à du salaire. C’est en tout cas ainsi que les choses se passent en Île-de-France. En revanche, cette prime figurera parmi les charges des entreprises, représentant un coût en termes d’impôt sur les sociétés plus qu’en termes de cotisations sociales.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Sauf si le transport est gratuit ! (Sourires.)
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur de Montgolfier, l’État a effectivement pris la décision de ne pas peser sur les dépenses locales comme il a pu le faire par le passé. Tous les exécutifs de collectivité ont dénoncé à un moment donné les transferts de charges. Je compte beaucoup sur la mise en place de la commission consultative d’évaluation des normes, présidée par M. Lambert. Elle doit maintenant fonctionner. Le Gouvernement doit lui soumettre très en amont les textes qui pourraient poser des problèmes en la matière. C’est essentiel.
S’agissant du point de la fonction publique, le Gouvernement a donné beaucoup de visibilité, alors qu’il n’y en avait pas du tout. Auparavant, très souvent, le ministre de la fonction publique, en accord avec son collègue chargé du budget, prenait une décision qui était ensuite imposée aux collectivités locales ou à l’hôpital. Aujourd'hui, tel n’est plus le cas. Ont été intégrés à toutes les négociations que nous avons tenues les représentants à la fois de la fonction publique territoriale, des employeurs et de la fonction publique hospitalière.
Vous avez évoqué, monsieur le sénateur, le FCTVA. Nous aborderons cette question ultérieurement, au cours de ce débat. Certes, la position du Gouvernement sur ce point peut être contestée, comme c’est bien normal en démocratie. Cependant, notre approche est marquée par une réelle cohérence. À long terme, nous construisons, je l’espère, une relation beaucoup plus saine, claire et lumineuse avec l’ensemble des collectivités locales.
De plus, je vous rappelle que nous avons décidé de ne pas totalement « écraser » les dotations aux collectivités locales par la révision du taux d’inflation effectuée, ce matin, par Mme Lagarde. Les collectivités locales bénéficieront toujours d’une hausse de 0,5 %, soit 250 millions d'euros, ce qui n’est pas négligeable. Il ne s’agit pas d’une épaisseur de trait !
Monsieur de Montesquiou, je vous remercie d’avoir évoqué abondamment la maîtrise de la dépense, qui relève de mon domaine. Vous souhaitez une reconduction des crédits en euros courants, à l’exception des retraites. Nous en sommes peu éloignés. Certes, il faut ajouter la charge de la dette. À moyen terme, on peut changer les choses, mais tel n’est pas le cas à court terme. Cependant, nous sommes proches de votre état d’esprit.
Pour ce qui concerne les allégements de charges, les 33 milliards d'euros sont composés, pour l’essentiel, des allégements de charges liés à la politique de compensation des 35 heures. Souvent, les observateurs, constatant la présence de telles sommes, estiment que des économies peuvent être réalisées dans ce domaine. Certes, mieux vaut chercher les économies là où les sommes sont importantes plutôt que faibles. Mais, en même temps, comme l’a dit Christine Lagarde, les allégements de charges permettent une réduction du coût du travail.
On peut fort bien revenir sur cette politique – tout peut être envisagé, aucun sujet n’étant tabou –, mais la diminution du coût du travail favorise l’emploi.
Dans un système économique aussi compétitif que le nôtre, il faut bien mesurer les choses. Accroître les recettes de la sécurité sociale par le biais du panier de recettes – tout cela est assez compliqué – pèse sur le budget de l’État, car cela réduit les recettes de ce dernier.
Compte tenu de l’accroissement du chômage qui en résulterait dans l’ensemble des industries couvrant notre pays, puisque c’est de ces dernières qu’il s’agit, la question peut tout de même être posée – et je tiens à ce qu’elle le soit.
Je vous remercie tout d’abord, madame Bricq, d’avoir indiqué, de manière fort objective – je tiens à le saluer –, que Christine Lagarde et moi-même avons préféré réajuster nos prévisions devant le Sénat plutôt que devant la presse. Cela me paraissait important pour la représentation nationale.
S’agissant de la règle selon laquelle les dépenses ne doivent pas augmenter en volume, nous ne découvrons pas la future augmentation des retraites ni l’aggravation du poids de la dette. Nous en parlons depuis longtemps, et nous en prenons acte. Nous tenons évidemment compte de tout cela dans l’ensemble de nos prévisions. Nous disons simplement que cela pèse.
Si, en 2008, quatre milliards d’euros de plus que prévu doivent être consacrés au paiement des intérêts de la dette parce que l’inflation est plus forte que ce qui était envisagé, comment considérer que nous en serions véritablement responsables ? Il me semble que personne n’avait prévu l’an dernier que le taux d’inflation atteindrait le niveau que nous avons connu cette année. Cependant, il faut bien s’ajuster. Il est vrai qu’il est difficile de faire face à un surcoût de quatre milliards d’euros, particulièrement lorsque les recettes fiscales ne sont pas au rendez-vous. Au cours des années passées, nous enregistrions au contraire des recettes fiscales supplémentaires et nous constations que la charge de la dette était finalement inférieure aux prévisions. Cela change considérablement le paysage et les perspectives. Ce n’est assurément pas du tout la même chose. Je tiens à le rappeler.
Notre stratégie est vraiment claire et tout à fait solide. Il s’agit à la fois de rechercher une certaine efficacité de toutes les dépenses et de se donner des priorités claires pour les dépenses d’avenir, y compris pour l’investissement. Nous ne nous exonérons pas, et nous préservons dans toute la mesure possible les priorités définies par le Président de la République au cours de sa campagne électorale et conservées inchangées depuis lors.
Nous les finançons malgré la crise. Nous pensons même que plus nous finançons ces priorités d’avenir plus nous donnons de chances au pays.
Je voulais aussi remercier M. Christian Gaudin, qui a beaucoup parlé de la nécessité de la maîtrise des dépenses. Je me suis également abondamment exprimé à ce propos. Nous partageons évidemment les mêmes vues sur la question.
En ce qui concerne les propos tenus par M. Foucaud, je préciserai que « moins de dépenses publiques » ne signifie pas « moins de service public ». Sans doute nous opposons-nous sur ce point. Même si je respecte votre point de vue, monsieur le sénateur, je considère que vous avez absolument tort. Nous pouvons organiser un service public de très grande qualité, voire de meilleure qualité, en nous posant la question d’une rationalisation des moyens et celle de l’évolution du service public.
M. Alain Gournac. Effectivement !
M. Éric Woerth, ministre. Les services publics sont vivants, totalement vivants, comme est vivante la demande de service public. La demande des usagers n’est pas la même qu’il y a cinq ou dix ans. De même sera-t-elle différente dans dix ans de ce qu’elle est aujourd’hui.
Le service public doit donc être extraordinairement mobile, et non engoncé dans ses certitudes. Simplement, en France, les mots « service public » signifient quelque chose, et nous sommes bien déterminés à ce qu’ils conservent un sens.
La question des moyens n’en est pas moins posée. Il n’y a pas que l’usager du service public, il y a aussi le contribuable – ce sont d’ailleurs souvent une seule et même personne. Le contribuable n’a pas envie qu’on lui prenne de l’argent lorsque, comme c’est parfois le cas, les services publics pourraient être financés à moindre coût et avec plus d’efficacité. Il est donc normal de se poser cette question. Il faut également se la poser avec les usagers et avec les salariés ou les agents du service public.
Quant aux exonérations de cotisations sociales, elles n’ont pas augmenté de 10 milliards d’euros cette année – je ne sais où vous avez trouvé ces chiffres. En 2008, leur montant s’élevait à 33 milliards d’euros. En 2009, il sera de 32,6 milliards d’euros. Je pense que vous y ajoutez en fait 9 milliards d’euros, montant des abattements d’assiettes, sur la participation ou l’intéressement. Nous avons voulu rendre publics ces chiffres, mais les sommes en question existaient déjà. Il n’y a nul changement par rapport à l’an dernier, si ce n’est que nous donnons désormais les chiffres. Cela donne effectivement un montant de 42 milliards d’euros, mais il faut bien considérer que c’est la somme de 33 milliards d’euros d’exonérations et des 9 milliards d’euros d’abattements.
Par ailleurs, les 33 milliards d’euros d’exonérations sont compensés, monsieur Vasselle, à 92 %. Certes, il manque peut-être 8 %, mais cela s’explique, notamment par le fait que la plupart de ces exonérations datent d’avant la règle selon laquelle les exonérations doivent être compensées. Il n’y a donc pas 10 milliards d’euros qui se promènent. Les 42 milliards d’euros ne sont que la somme des 33 milliards d’euros et de ces 9 milliards d’euros.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai essayé de vous répondre le plus rapidement possible mais également de la manière la plus exhaustive. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
questions et réponses
Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder à un échange de questions-réponses.
Je rappelle que chaque intervention ne devra pas excéder deux minutes trente.
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Madame la présidente, madame et monsieur les ministres, mes chers collègues, chacun l’a bien compris : dans le contexte économique actuel, il est difficile de faire des prévisions budgétaires. Cependant, il est sans doute plus que jamais nécessaire de se fixer des principes, des objectifs et un calendrier pour assainir nos finances publiques. Tel est l’objet du projet de loi que vous nous présentez.
Cet objectif de maîtrise de la dépense publique concerne bien sûr l’État mais aussi nos collectivités territoriales. Ces dernières sont doublement affectées par la crise actuelle en raison des incertitudes qui pèsent non seulement sur leurs propres recettes mais également sur les dotations d’État, qui constituent leurs principales ressources.
Faut-il le rappeler ici ? Sur les 210 milliards d’euros que représente le budget des collectivités locales, une soixantaine provient des dotations d’État et seulement dix de la taxe d’habitation, et les contribuables locaux acquittent 49 des 62 milliards d’euros de fiscalité locale directe.
C’est ainsi que l’État est devenu au fil des années le premier contribuable local. État et collectivités locales ont donc partie liée. C’est la raison pour laquelle je salue l’effort accompli pour maintenir en 2009 les dotations aux collectivités locales au-delà de l’inflation révisée, dans un contexte budgétaire contraint.
J’ai également cru comprendre dans vos propos, monsieur le ministre, que vous entendiez privilégier l’investissement sur le fonctionnement, d’où votre ouverture sur le FCTVA.
Cela étant dit, s’agissant d’un projet de loi de programmation des finances publiques, les collectivités locales ont aussi besoin de visibilité au-delà de 2009 et singulièrement en matière d’investissement. Aussi ma question est-elle la suivante : au-delà de 2009 et dans le cadre d’une enveloppe normée, entendez-vous maintenir le FCTVA et les principes qui président au remboursement de la TVA acquittée par les collectivités territoriales au titre de leurs investissements ?
Je pense en effet que, dans la situation actuelle, le meilleur moyen d’accompagner les PME est de remplir leur carnet de commandes. Or les collectivités territoriales assurent 73 % de la commande publique.
Par ailleurs, le statut du FCTVA ne peut être assimilé totalement à un concours de l’État puisqu’il s’agit d’un remboursement et qu’il paraîtrait pour le moins inopportun que les collectivités locales qui investissent soient taxées.
Je vous remercie des précisions que vous voudrez bien nous apporter sur ce sujet sensible.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur de Legge, le sujet du FCTVA est fréquemment discuté. Il ne doit pas y avoir de tabou entre nous. Le Gouvernement est clair sur le sujet : nous considérons qu’il ne s’agit pas d’une dotation mais d’un remboursement – nous l’avons dit –, et ce sera le cas l’an prochain, ainsi qu’en 2010 et en 2011.
Nous devons discuter de la forme que cela peut prendre, mais nous consolidons cette approche pour les prochaines années. C’est votre approche, mais c’est aussi la nôtre.
Nous consolidons cette approche à tel point que nous prenons en compte pour 2009 les remboursements qui doivent être faits au titre du FCTVA à hauteur du chiffre exact, soit une progression de 660 millions d’euros. Le FCTVA progresse donc très fortement, en raison des investissements réalisés par les collectivités il y a deux ans : avant les élections municipales, elles terminaient alors leurs programmes d’investissement – je le sais, je suis moi-même maire. Ce calendrier était connu.
Nous allons bien intégrer ce remboursement et nous n’avons pas vocation à changer le FCTVA. Nous devons en revanche réfléchir à la question des collectivités territoriales. La réflexion entreprise dans le cadre de la commission Balladur portera à un moment donné sur les ressources des collectivités locales.
Lorsque la question d’une possible nouvelle architecture ou structure des collectivités territoriales sera abordée, un grand débat s’engagera, qui ne manquera pas d’être passionnant – c’est normal. Attachés aux collectivités locales, nous n’en sommes pas moins conscients de la nécessité d’une évolution. J’imagine que ce débat abordera aussi la nature du financement des collectivités. Nous examinerons tout cela très ouvertement et en toute transparence.
Je souligne en tout cas le fait que le FCTVA présente aujourd’hui le caractère d’un remboursement.
Nous avons été aussi clairs que possible, et ce dès le mois de juin ou juillet, lorsque le Premier ministre a réuni ce qu’on appelle la conférence nationale des exécutifs, rassemblant notamment les présidents d’associations de régions, de départements et de communes – Christine Lagarde était présente, comme Michèle Alliot-Marie. Nous avons bien précisé les choses, en indiquant que les concours de l’État progresseraient à hauteur de l’inflation – un peu plus que l’inflation depuis ce matin. Cependant, nous intégrons à cette enveloppe l’augmentation du FCTVA, car nous considérons qu’il s’agit bien d’une enveloppe qui est tournée vers les collectivités. Les autres dotations souffrent évidemment quelque peu du fait que la progression du FCTVA et celle de la DGF compensent l’inflation, mais cela veut dire que les ajustements auxquels nous procédons portent sur les remboursements résultant de dépenses de fonctionnement plutôt que sur les remboursements résultant de dépenses d’investissement.
Vous avez beaucoup insisté sur ce point : les collectivités sont les principaux acteurs de l’investissement en France. Telle est bien la réalité des choses, même si l’État investit lui-même largement – souvent, ce n’est pas assez.
Je vous rassure donc.
Je crois aussi être clair sur le fait que le FCTVA est intégré non pas dans l’enveloppe normée – l’expression ne signifie plus rien, puisque ladite enveloppe normée n’est plus normée et que ce n’est même plus une enveloppe –, mais à l’ensemble des concours de l’État.
Mme la présidente. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Je souhaitais interroger M. le ministre à propos de la programmation pluriannuelle des finances publiques car les élus peinent à comprendre un certain nombre de choses en la matière.
S’agissant des dépenses des collectivités, le Gouvernement prévoit une division par trois de leur taux d’évolution sur la période 2009-2012. Il passerait ainsi de 4,25 % à 1,25 %. Dans le même temps, le taux de progression des dépenses de l’ensemble des administrations publiques serait divisé par deux. Cela signifie que l’effort de réduction des dépenses reposerait pour les deux tiers sur les collectivités territoriales et la sécurité sociale.
Au regard de la situation actuelle des collectivités, comment le Gouvernement peut-il encore croire en de telles prévisions ? Comment peut-il encore croire que les collectivités pourraient parvenir à l’équilibre en 2012 ? Permettez-moi de reprendre ici les propos tenus ce matin par le rapporteur général : il s’agit là d’hypothèses totalement irréalistes à bien des égards. Ces dernières années, les collectivités territoriales ont en effet vu leurs charges exploser, notamment à la suite des transferts de compétences et du désengagement de l’État.
Puisqu’il ne peut agir directement sur les dépenses des collectivités, l’État semble avoir fait le choix de les étrangler financièrement, en diminuant très fortement les recettes. Le manque à gagner s’élève pour l’exercice 2009 à plus de 400 millions d’euros.
Le Gouvernement nous répondra ce qu’il a déjà dit ce matin : il est plus généreux avec les collectivités territoriales qu’avec l’État lui-même, puisqu’il prévoit pour l’année prochaine une augmentation de 2 % des dotations, soit 0,5 point de plus que l’inflation révisée pour 2009. Cela entraînerait, selon les chiffres qui nous ont été communiqués ce matin, un gain de 275 millions d’euros.
Arrêtons la langue de bois, monsieur le ministre ! Tout le monde sait que, si l’on se réfère au périmètre de l’année 2008, l’évolution, en 2009, des dotations de l’État aux collectivités ne sera pas de 2 %, contrairement à ce que vous prétendez, mais seulement de 0,7 %. La contrainte de l’enveloppe normée fera perdre près de 400 millions d’euros aux collectivités territoriales en 2009. Il faut le rappeler à chaque instant.
Évidemment, lorsqu’on fait la différence, les collectivités restent largement perdantes.
Par ailleurs, la dotation globale de fonctionnement voit son taux de progression amoindri. Les dotations de décentralisation et d’investissement connaîtront pour leur part une évolution nulle, à l’exception, certes, du FCTVA, que vous sauvez pour l’année prochaine.
Rappelons enfin que les collectivités territoriales n’ont pas été épargnées par les effets de la crise financière et qu’elles sont en première ligne pour assumer et traiter les conséquences dramatiques de la crise économique.
L’investissement local représente aujourd'hui plus de 70 % de l’investissement public civil. Il aurait pu constituer un amortisseur de la crise en soutenant l’activité locale si un véritable plan de relance de l’économie et d’aide aux collectivités territoriales avait été prévu. Or rien de tel n’est annoncé à ce jour…
À l’avenir, donc, les collectivités territoriales ne seront plus en mesure de remplir pleinement leurs missions.
Si le Gouvernement souhaite l’asphyxie des collectivités, sachez, monsieur le ministre, que les mesures de programmation prévues dans le projet de loi de finances pour 2009 correspondent tout à fait à cet objectif !
Ma question est simple : quelle ambition le Gouvernement entend-il manifester en faveur de la nécessaire relance de l’investissement public, particulièrement celui qui est réalisé par les collectivités locales, qui pourrait, dans le contexte de crise que nous connaissons, contribuer à la reprise économique de nos territoires ? Il s’agirait là, je le répète, d’un véritable ballon d’oxygène à l’heure où nous nous inquiétons tous de la baisse d’activité de nombreuses entreprises ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)